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8C_872/2017 (f) du 03.09.2018 – destiné à la publication – Compétence à raison du lieu de l’autorité de recours cantonale – 58 LPGA / Détermination du for en fonction du canton de domicile du dernier employeur suisse – Existence d’un for au lieu de la succursale de l’employeur / Interprétation de l’art. 58 al. 2 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_872/2017 (f) du 03.09.2018, destiné à la publication

 

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Compétence à raison du lieu de l’autorité de recours cantonale / 58 LPGA

Détermination du for en fonction du canton de domicile du dernier employeur suisse – Existence d’un for au lieu de la succursale de l’employeur / 58 al. 2 LPGA

Interprétation de l’art. 58 al. 2 LPGA

 

Assuré, né en 1962, domicilié en France, a travaillé comme maçon pour une entreprise, dont le siège est dans le canton de Vaud, du 15.11.2010 au 14.02.2011. Le 15.02.2011, il a débuté une mission temporaire par le biais d’une entreprise de placement de personnel dans la construction, ayant pour siège principal depuis le 10.01.2017 dans le canton de Neuchâtel. Cette société de placement de personnel avait antérieurement son siège principal dans le canton de Vaud. Cette entreprise a par ailleurs des succursales dans plusieurs cantons, dont le canton de Genève.

Auparavant, le 01.02.2011, l’assuré a été victime d’un accident et s’est blessé au membre supérieur gauche. Il a toutefois été en mesure de poursuivre son activité professionnelle, jusqu’à ce qu’il subisse une rechute le 21.06.2011.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a reconnu le droit de l’assuré à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’incapacité de gain de 12% à compter du 01.07.2014. Le 25.08.2016, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Chambre des assurances sociales) a rejeté le recours interjeté par l’assuré contre la décision sur opposition.

Entre-temps, en raison d’une rechute annoncée en septembre 2015, l’assuré a perçu des indemnités journalières du 04.09.2015 au 31.03.2017. Par nouvelle décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a maintenu le droit de l’assuré à une rente d’invalidité au taux de 12%.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/984/2017 – consultable ici)

L’assuré a déféré la nouvelle décision sur opposition à la Chambre des assurances sociales. L’assurance-accidents a soulevé l’exception d’incompétence à raison du lieu et demandé à ce que la cause soit transmise au Tribunal cantonal neuchâtelois, soit dans le canton du siège principal de la société de placement de personnel.

La Chambre des assurances sociales a retenu qu’en dernier lieu l’assuré avait travaillé dans le canton de Genève pour la succursale de l’entreprise de placement de personnel. En outre, l’assuré y était soigné pour les séquelles de son accident et il s’agissait du canton le plus proche de son domicile. Au demeurant, l’assurance-accidents elle-même avait transmis le dossier pour traitement à son agence de Genève. Partant, même si le siège principal de la société se situait dans le canton de Neuchâtel, il y avait lieu de considérer que le domicile du dernier employeur était au siège de la succursale, soit dans le canton de Genève.

Par arrêt incident du 02.11.2017, la Chambre des assurances sociales s’est déclarée compétente ratione loci.

 

TF

Aux termes de l’art. 58 al. 1 LPGA, en liaison avec l’art. 1er al. 1 LAA, le tribunal des assurances compétent pour connaître d’un recours contre une décision en matière d’assurance-accidents obligatoire est celui du canton de domicile de l’assuré ou d’une autre partie au moment du dépôt du recours. Selon l’al. 2, si l’assuré ou une autre partie sont domiciliés à l’étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse; si aucun de ces domiciles ne peut être déterminé, le tribunal des assurances compétent est celui du canton où l’organe d’exécution a son siège.

En l’espèce, il est constant que l’assuré était domicilié en France au moment du recours contre la décision sur opposition et qu’il n’a pas élu domicile en Suisse antérieurement. Quant à l’assurance-accidents, elle n’est pas une « autre partie » au sens de l’art. 58 al. 1 LPGA (ATF 135 V 153 consid. 4.9 et 4.10 p. 161; arrêt dans les causes jointes 8C_466/2011, 8C_565/2011 et 8C_832/2011 du 10 mai 2012 consid. 5). Il s’ensuit que le for doit être déterminé en fonction du canton de domicile du dernier employeur suisse, conformément à l’art. 58 al. 2 LPGA.

La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique; ATF 142 IV 389 consid. 4.3.1 p. 397; 141 III 53 consid. 5.4.1 p. 59; 140 V 449 consid. 4.2 p. 455). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 142 IV 389 précité; 137 IV 180 consid. 3.4 p. 184).

Le libellé de l’art. 58 al. 2 LPGA ne donne pas d’indication claire sur la question du domicile du dernier employeur suisse (y compris dans ses versions allemande [« in dem ihr letzter schweizerischer Arbeitgeber Wohnsitz hat »] et italienne [« in cui il suo ultimo datore di lavoro aveva domicilio »]). Autrement dit, le texte ne permet pas d’emblée de reconnaître ou d’exclure le for de la succursale au titre de domicile du dernier employeur suisse, pas plus que la définition de l’employeur selon l’art. 11 LPGA (« celui qui emploie des salariés ») ou celle du domicile de l’art. 13 al. 1 LPGA qui ne vise pas les personnes morales. Les travaux préparatoires de la LPGA ne permettent pas non plus de trancher la question.

Selon la jurisprudence, une succursale est un établissement commercial qui, dans la dépendance d’une entreprise principale dont il fait juridiquement partie, exerce d’une façon durable, dans des locaux distincts, une activité similaire, en jouissant d’une certaine autonomie dans le monde économique et celui des affaires (ATF 117 II 85 consid. 3 p. 87; 116 V 307 consid. 4a p. 313). Même si elle est dépourvue d’existence juridique et n’a pas la capacité d’ester en justice (ATF 120 III 11 consid. 1a p. 13; arrêts 4A_510/2016 du 26 janvier 2017 consid. 3.2; 4A_533/2015 du 20 décembre 2016 consid. 2.3; 4A_422/2011 du 3 janvier 2012 consid. 2.3.1), son siège est susceptible de fonder un for dans divers domaines juridiques.

En droit privé, le for de la succursale est largement reconnu. En particulier, en procédure civile, l’art. 12 CPC prévoit un for alternatif au lieu où le défendeur a sa succursale pour les activités commerciales et professionnelles s’y rapportant (cf. aussi art. 5 ch. 5 CL [RS 0.275.12], concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale). En ce sens, la jurisprudence admet que les actions fondées sur le droit du travail peuvent être intentées non seulement au domicile ou au siège du défendeur ou encore au lieu de travail habituel, mais également au tribunal du siège de la succursale, lorsque le travail a été effectué pour celle-ci (ATF 129 III 31 consid. 3.2 p. 34 à propos de l’ancienne loi fédérale du 24 mars 2000 sur les fors en matière civile [LFors; RO 2000 2355]; voir aussi NOËLLE KAISER JOB, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3 e éd. 2017, n° 15 ad art. 34 CPC; FELLER/BLOCH, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 3 e éd. 2016, n° 23 ad art. 34 CPC; JACQUES HALDY, Procédure civile suisse, 2014, p. 35). Ainsi, un for au lieu de la succursale se justifie si l’obligation contractuelle est en relation directe avec les opérations commerciales de celle-ci, cela quand bien même le contrat est conclu avec la société à son siège principal (FELLER/BLOCH, op. cit., n° 20 ad art. 12 CPC et les références citées).

En droit des assurances sociales, l’ancien Tribunal fédéral des assurances a eu l’occasion de s’exprimer sur la possibilité d’un for alternatif au lieu de la succursale en matière de responsabilité de l’employeur pour le non-paiement des cotisations sociales. Conformément à l’art. 52 al. 5 LAVS (anciennement art. 81 al. 3 RAVS, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002 [RO 2002 3710]), c’est le tribunal des assurances du canton dans lequel l’employeur est domicilié qui est compétent pour traiter les recours contre les décisions des caisses de compensation en réparation du dommage, en dérogation à l’art. 58 al. 1 LPGA. Lorsque l’employeur possède une succursale dans un canton différent de celui de l’établissement principal, c’est l’autorité de recours du canton dans lequel la caisse de compensation cantonale – à laquelle l’employeur est affilié – a son siège qui est compétente (ATF 110 V 351 consid. 5c p. 359 s.). Dans le cas où l’employeur est affilié à une caisse professionnelle et possède une ou plusieurs succursales situées dans des cantons différents de celui de l’établissement principal, l’ancien Tribunal fédéral des assurances a jugé plus judicieux que l’autorité de recours du canton dans lequel la succursale a son siège soit compétente, lorsque celle-ci est affiliée à une autre caisse que celle de l’établissement principal en vertu de l’art. 117 al. 3 RAVS (ATF 124 V 104 consid. 4 p. 107; cf. MÉLANIE FRETZ, La responsabilité selon l’art. 52 LAVS: une comparaison avec les art. 78 LPGA et 52 LPP, REAS 3/2009 p. 247).

Sous l’empire de la loi fédérale du 13 juin 1911 sur l’assurance-maladie (LAMA), en vigueur jusqu’au 31 décembre 1995, le Tribunal fédéral des assurances a jugé que, pour les assurés qui n’ont pas de domicile en Suisse, les dispositions applicables en matière d’assurance-maladie ne reconnaissaient la compétence d’aucune autorité judiciaire autre que celle du canton où se trouvait l’administration centrale de la caisse défenderesse, à l’exclusion d’une section ou agence locale ou régionale (ATF 114 V 44 consid. 3a et 3b p. 47 ss). Il a toutefois précisé qu’il serait plus logique, notamment pour des motifs linguistiques, de permettre à l’assuré domicilié à l’étranger de saisir le juge du canton de domicile ou du siège de son employeur en Suisse mais qu’une telle solution ne pouvait intervenir que par voie législative (consid. 3a p. 48; à propos de l’ATF 114 V 44 cf. DANIELE CATTANEO, Tribunal compétent « ratione loci », Plädoyer 1989/2 p. 59 ss). La possibilité de former recours devant le tribunal des assurances du canton de domicile du dernier employeur suisse a été introduite avec l’entrée en vigueur de la LAMal, le 1er janvier 1996, répondant favorablement à une motion déposée en ce sens (art. 86 al. 3 LAMal, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002 [RO 2002 3371], qui correspond à l’art. 58 LPGA actuel; ATF 135 V 153 consid. 4.9 p. 161; Message du 6 novembre 1991 concernant la révision de l’assurance-maladie, FF 1992 I 77 p. 189).

Enfin, à propos d’un conflit négatif de compétence de deux tribunaux cantonaux des assurances, le Tribunal fédéral a jugé, en relation avec l’art. 58 al. 1 LPGA, que la procédure devait être conduite devant l’instance la plus proche des faits à apprécier et que le danger de jugements contradictoires (en cas de procédures engagées dans différents cantons) pouvait être évité par une suspension de procédure (ATF 135 V 153 précité consid. 4.11 p. 161 s.).

 

A l’aune de ce qui précède, il y a lieu d’admettre l’existence d’un for au lieu de la succursale – en tant que domicile du dernier employeur suisse – s’il constitue pour le litige un point de rattachement prépondérant. Tel est le cas lorsque l’assuré a travaillé pour la succursale d’une société, dans un canton différent du siège principal. Une telle solution est compatible avec le sens de l’art. 58 LPGA, dont le régime en cascade entend favoriser l’assuré. Il s’agit là d’une compétence alternative, dès lors qu’il est uniquement question de faciliter l’action en justice et que rien n’empêche un justiciable de saisir le tribunal du canton de l’établissement principal.

En l’espèce, il ressort des constatations de la cour cantonale que l’assuré a travaillé en dernier lieu dans le canton de Genève pour la succursale de l’entreprise de placement de personnel, inscrite au Registre du commerce de ce même canton (art. 641 CO). Dans ces conditions, le fait que le salaire et les cotisations sociales auraient été versés par l’administration centrale, sise dans le canton de Neuchâtel, n’apparaît pas décisif. Partant, la juridiction cantonale n’a pas violé l’art. 58 LPGA en se déclarant compétente ratione loci.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_872/2017 consultable ici

 

 

8C_97/2018 (f) du 01.10.2018 – Rente d’invalidité – Comparaison des revenus – 16 LPGA – 18 LAA / Interprétation des descriptions de postes de travail (DPT) – Position assise vs position alternée / Définition de « souvent »

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_97/2018 (f) du 01.10.2018

 

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Rente d’invalidité – Comparaison des revenus / 16 LPGA – 18 LAA

Interprétation des descriptions de postes de travail (DPT) – Position assise vs position alternée / Définition de « souvent »

 

Assuré, sans formation, travaillant en qualité de ferrailleur, a été victime, le 20.08.2012, d’une fracture du plateau tibial Schatzker III à gauche alors qu’il jouait au football. L’assuré n’ayant pas repris son travail, son employeur l’a licencié avec effet au 31.12.2013.

L’assurance-accidents a recueilli l’avis de son médecin d’arrondissement, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, lequel a procédé à un examen final de l’assuré le 25.09.2014. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a alloué à l’assuré, à partir du 01.01.2015, une rente d’invalidité fondée sur un taux d’incapacité de gain de 12%, ainsi qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) d’un taux de 5%.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 45/15 – 138/2017 – consultable ici)

Par jugement du 15.11.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Les activités décrites dans les DPT ayant été prises en compte pour le calcul du revenu d’invalide sont compatibles avec l’état de santé de l’assuré. Dans son rapport final, le médecin d’arrondissement a fait état des limitations fonctionnelles suivantes: position de travail alternée assise/debout, déplacement en terrain plat, pas de travail à genou ou accroupi et port de charges limité à 20-25 kg de manière non répétitive. Le médecin-expert mandaté par l’assuré a retenu les mêmes limitations, estimant pour sa part que le port de charges ne devait pas dépasser 10 kg. Il a préconisé une activité d’établi, ajoutant qu’une activité d’aide-horloger, d’aide-micromécanicien ou une activité équivalente étaient tout à fait envisageables.

Les DPT proposées permettent l’alternance des positions debout et assise. Certes, l’activité de contrôleur de qualité évoque souvent la position assise et jamais la position debout. Cela veut simplement dire que le poste n’exige pas la position debout mais qu’il se fait principalement assis, comme toute activité d’établi ou d’aide-horloger jugée compatible avec l’état de santé de l’assuré par l’expert privé.

Au demeurant, l’adjectif « souvent » ne veut pas dire « exclusivement ». L’alternance des positions assises et debout n’implique aucunement une répartition chronologique rigoureuse de celles-ci mais uniquement la possibilité de passer de l’une à l’autre lorsque le besoin physique s’en fait sentir, ce qui est certainement possible dans l’activité de contrôleur de qualité et, a fortiori, dans les autres DPT retenues par l’assurance-accidents. On relèvera encore que ces dernières suggèrent des déplacements limités à plat, ce qui permet également l’alternance des positions. Les cinq DPT choisies respectent par ailleurs les autres limitations fonctionnelles de l’assuré, en particulier en ce qui concerne le port de charges sur lequel l’expert privé a mis l’accent.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_97/2018 consultable ici

 

 

6B_415/2018 (f) du 20.09.2018 – Tentative de contrainte – 181 CP / Dépôt d’une plainte pénale lors des négociations extrajudiciaires pour faire pression n’est pas forcément abusive

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_415/2018 (f) du 20.09.2018

 

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Tentative de contrainte – 181 CP

Dépôt d’une plainte pénale lors des négociations extrajudiciaires pour faire pression n’est pas forcément abusive

 

La société B.__ SA est une entreprise de location de voitures dont X.__ est l’un des administrateurs disposant de la signature individuelle. A.__ était, pour sa part, jusqu’au 31.01.2015 l’un des employés de la société.

Le 11.03.2015, l’employé a mis son ancien employeur en demeure de se déterminer sur ses prétentions en paiement d’un montant de 82’276 fr. correspondant à la rémunération d’heures supplémentaires et à une indemnité pour licenciement abusif. Par courrier du 21.04.2015, le conseil de B.__ SA, sur instructions de X.__, a opposé une fin de non-recevoir aux prétentions de son employé, ajoutant que l’employé avait, au cours de son emploi, accepté qu’un soir, des jeunes habitants de son quartier tournent un clip musical (et diffusé sur YouTube) dans le garage de son employeur, où étaient stationnés les véhicules de luxe de l’entreprise. Le conseil de B.__ SA a précisé que sa mandante était prête à ne pas déposer plainte si A.__ renonçait à toutes autres prétentions.

Le 24.06.2015, B.__ SA, sous la signature de X.__, a déposé une plainte pénale pour violation de domicile et vol d’usage, visant A.__ et d’autres comparses apparaissant dans le clip musical. Cette plainte a fait l’objet d’une ordonnance de non-entrée en matière rendue par le Ministère public de la République et canton de Genève, qui a retenu, en ce qui concernait A.__, que l’infraction de violation de domicile n’était pas réalisée tandis que celle de vol d’usage l’était, mais que sa culpabilité et les conséquences de ses actes avaient été manifestement peu importantes au sens de l’art. 52 CP. B.__ SA a vainement contesté l’ordonnance de non-entrée en matière à la Chambre pénale des recours, puis au Tribunal fédéral (cf. arrêt 6B_940/2016 du 06.07.2017).

Le 16.11.2015, l’employé a déposé plainte contre X.__ du chef de tentative de contrainte.

X.__ a été condamné pour contrainte à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 150 fr. le jour, avec sursis pendant 3 ans (jugement du Tribunal de police de la République et canton de Genève du 06.09.2017). Sur appel, X.__ a été condamné pour tentative de contrainte à une peine pécuniaire de 45 jours-amende à 150 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans (arrêt de la Chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 22.02.2018). La cour cantonale a estimé que X.__ avait menacé A.__ du dépôt d’une plainte pénale à son encontre ainsi que contre des connaissances, afin d’obtenir de lui un avantage indu consistant en la renonciation à faire valoir contre son ancien employeur les prétentions découlant du droit du travail que celui-ci articulait.

 

TF

Se rend coupable de contrainte selon l’art. 181 CP celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

Alors que la violence consiste dans l’emploi d’une force physique d’une certaine intensité à l’encontre de la victime (ATF 101 IV 42 consid. 3a), la menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l’auteur, sans toutefois qu’il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 consid. 2b; 106 IV 125 consid. 2a) ni que l’auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 consid. 2a). La loi exige un dommage sérieux, c’est-à-dire que la perspective de l’inconvénient présenté comme dépendant de la volonté de l’auteur soit propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d’action (ATF 120 IV 17 consid. 2a/aa p. 19). La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, en se plaçant du point de vue d’une personne de sensibilité moyenne (ATF 122 IV 322 consid. 1a p. 325; 120 IV 17 consid. 2a/aa p. 19).

Il peut également y avoir contrainte lorsque l’auteur entrave sa victime « de quelque autre manière » dans sa liberté d’action. Cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive. N’importe quelle pression de peu d’importance ne suffit pas. Il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d’un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l’entraver d’une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d’action. Il s’agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1 p. 440 s.; ATF 137 IV 326 consid. 3.3.1 p. 328).

Selon la jurisprudence, la contrainte n’est contraire au droit que si elle est illicite (ATF 120 IV 17 consid. 2a p. 19 et les arrêts cités), soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu’un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux mœurs (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1 p. 440; ATF 137 IV 326 consid. 3.3.1 p. 328; 120 IV 17 consid. 2a/bb p. 20). Ainsi, menacer d’une plainte pénale pour une infraction que rien ne permet sérieusement de soupçonner est un moyen en soi inadmissible (ATF 120 IV 17 consid. 2a/bb p. 20 s.). En revanche, réclamer le paiement d’une créance ou menacer de déposer une plainte pénale (lorsque l’on est victime d’une infraction) constituent en principe des actes licites; ils ne le sont plus lorsque le moyen utilisé n’est pas dans un rapport raisonnable avec le but visé et constitue un moyen de pression abusif, notamment lorsque l’objet de la plainte pénale est sans rapport avec la prestation demandée ou si la menace doit permettre d’obtenir un avantage indu (arrêt 6B_124/2017 du 27 octobre 2017 consid. 2.1; ATF 120 IV 17 consid. 2a/bb p. 20 et les arrêts cités; au sujet de la contrainte susceptible d’être réalisée par un commandement de payer, cf. arrêts 6B_1188/2017 du 5 juin 2018 consid. 3.1; 6B_153/2017 du 28 novembre 2017 consid. 3.1).

Sur le plan subjectif, il faut que l’auteur ait agi intentionnellement, c’est-à-dire qu’il ait voulu contraindre la victime à adopter le comportement visé en étant conscient de l’illicéité de son comportement; le dol éventuel suffit (ATF 120 IV 17 consid. 2c p. 22).

Lorsque la victime ne se laisse pas intimider et n’adopte pas le comportement voulu par l’auteur, ce dernier est punissable de tentative de contrainte (art. 22 al. 1 CP; ATF 129 IV 262 consid. 2.7 p. 270; ATF 106 IV 125 consid. 2b p. 12).

 

Selon le TF, X.__ avait des raisons légitimes de tenir A.__ pour responsable du tournage non autorisé d’un clip musical dans les locaux de l’entreprise et de l’utilisation, à cette occasion, de véhicules de luxe appartenant à la société. Il n’était ainsi pas exclu que la plainte envisagée aboutisse à une condamnation pénale de A.__, ni que la société puisse faire valoir des prétentions civiles dans le cadre de cette procédure pénale. Dans ce contexte, l’évocation de la possibilité du dépôt d’une plainte pénale traduit une démarche licite. Peu importe à cet égard que le ministère public ait estimé par la suite qu’il ne se justifiait pas d’entrer en matière sur la plainte au motif que les conséquences des actes de A.__ étaient finalement peu importantes et qu’elles justifiaient, au regard de l’art. 52 CP, une renonciation à le poursuivre.

Il n’apparaît pas qu’en tentant, dans le cadre de pourparlers, d’éviter à sa société les tracas d’une procédure judiciaire, X.__ a pour autant cherché à obtenir un avantage indu. En effet, le courrier litigieux a été adressé par l’avocat de B.__ SA à celui de l’ancien employé après que le second avait invité le premier à se déterminer sur les prétentions de l’intimé tendant au paiement de 1710 heures supplémentaires et d’une indemnité pour licenciement abusif. L’évocation d’une possible plainte pénale intervenait ainsi dans un contexte de négociations extrajudiciaires, lors desquelles habituellement les parties à un litige exposent leurs prétentions et tentent de dissuader l’autre à faire valoir les siennes, au besoin en subordonnant l’introduction ou la poursuite d’une action judiciaire au renoncement de l’autre partie. Les protagonistes étant représentés par des mandataires professionnels, ils étaient en mesure d’évaluer les risques inhérents aux démarches judiciaires évoquées par chacun d’eux. Ils ne pouvaient notamment pas ignorer qu’il demeurait loisible à A.__ de faire valoir les prétentions découlant de son contrat de travail même si une procédure pénale devait par la suite être introduite à son encontre.

On ne saurait retenir que l’objet de la plainte annoncée dans le courrier litigieux était sans rapport avec les prétentions de A.__. L’infraction reprochée à l’ancien employé avait en effet été commise sur son lieu de travail et aurait donc éventuellement pu justifier son licenciement pour justes motifs.

Il s’ensuit qu’en l’espèce, la menace de déposer une plainte pénale contenue dans le courrier du 21.04.2015 ne constitue pas un moyen de pression abusif et reste dans un rapport raisonnable avec le but visé, de sorte qu’elle n’apparaît pas non plus illicite sous cet angle.

 

Le TF admet le recours de X.__, annule l’arrêt cantonal et renvoie la cause à l’autorité cantonale pour nouvelle décision.

 

 

Arrêt 6B_415/2018 consultable ici

 

 

Loi sur l’assurance-chômage : modifications en vue d’un allègement administratif

Loi sur l’assurance-chômage : modifications en vue d’un allègement administratif

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 24.10.2018 consultable ici

 

Le 24.10.2018, le Conseil fédéral a ouvert une procédure de consultation sur la révision de la loi sur l’assurance-chômage (LACI). Les dispositions relatives à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail et à l’indemnité en cas d’intempéries doivent être simplifiées et les démarches administratives pour les entreprises facilitées. Par la même occasion, une base légale pour la mise en œuvre de la stratégie de cyberadministration dans le cadre de l’assurance-chômage sera créée.

L’obligation de chercher une occupation provisoire pendant la période où une indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) ou une indemnité en cas d’intempéries est perçue doit être supprimée. Parallèlement, la stratégie de cyberadministration du Conseil fédéral vise à réduire les démarches administratives pour faciliter l’interaction entre autorités, population et secteur économique. La LACI doit désormais permettre un mode de communication et de coopération numérique entre les entreprises, les citoyens et les autorités. Il faut créer la base légale pour que cela soit rapidement mis en œuvre.

Par ailleurs, la condition pour une prolongation de la durée maximale de la RHT doit être modifiée. Cela permet au Conseil fédéral d’agir à un stade précoce dans des périodes économiquement difficiles et de préserver ainsi les emplois.

Une motion (16.3457) a été déposée au Conseil des États en 2016 en vue de simplifier les dispositions relatives à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail et à l’indemnité en cas d’intempéries. Cette motion demande, d’une part, la suppression de l’obligation de chercher une occupation provisoire et propose, d’autre part, une simplification des démarches administratives dans le cadre de la stratégie de cyberadministration. Le Parlement a accepté cette motion en 2017, rendant la révision de la LACI nécessaire.

La procédure de consultation se déroule jusqu’au 07.02.2019.

 

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 24.10.2018 consultable ici

Rapport explicatif « Loi sur l’assurance-chômage : adaptations en vue d’un allègement administratif » du SECO consultable ici

Projet de modification de la LACI consultable ici

 

Discussion par article de la loi sur le contrat d’assurance terminée

Discussion par article de la loi sur le contrat d’assurance terminée

 

Communiqué de presse du Parlement du 24.10.2018 consultable ici

 

La Commissions de l’économie et des redevances (CER-N) a suivi majoritairement le projet du Conseil fédéral relatif à la loi sur le contrat d’assurance (17.043) Elle rejette, même si parfois avec des majorités étroites, la plupart des propositions visant à renforcer la position des assurés.

La commission repris la discussion par article aux dispositions du projet qu’elle avait suspendues lors de sa séance du mois d’avril (voir communiqué du 23-24 avril 2018). En ce qui concerne la possibilité contractuelle pour les assureurs d’adapter unilatéralement les conditions d’assurances et les primes (art. 35), la commission a suivi, avec des votes certes très serrés, la proposition du Conseil fédéral. Elle a notamment rejeté, par 11 voix contre 11, 2 abstentions et la voix prépondérante du président, une proposition qui voulait rendre nulle, sauf dans le domaine des risques professionnels et commerciaux, toute clause contractuelle permettant d’adapter unilatéralement les conditions d’assurance. La majorité ne veut en effet pas restreindre inutilement la liberté contractuelle. Elle renvoie également à l’obligation d’informer l’assuré avant la conclusion du contrat prévue à l’art. 3 al. 1 let. j. La minorité est pour sa part de l’avis que les conditions d’assurance ne doivent pas pouvoir être unilatéralement changées, faute de quoi les assurés ne peuvent pas avoir de protection suffisante.

La commission a par ailleurs également rejeté, par 12 voix contre 12 et voix prépondérante du président, une proposition, qui vise à introduire dans la loi une prolongation de couverture de 5 ans en matière d’assurance maladie complémentaire lorsque le dommage relatif au risque assuré n’apparaît qu’après la fin du contrat. Selon la majorité, l’obligation d’informer l’assuré (art. 3 al. 1 let. k) est suffisante et conforme à la liberté contractuelle. En matière de validité dans le temps de la couverture d’assurance, la commission a aussi rejeté, par 12 voix contre 9 et une abstention, une proposition qui visait à introduire dans la loi la nullité de clause contractuelle qui donne à une entreprise d’assurance le droit de supprimer ou limiter unilatéralement ses obligations de prestation lorsque le contrat prend fin après la survenance du sinistre. La majorité de la commission a suivi l’argumentation du Conseil fédéral selon laquelle cette limitation des obligations de prestation n’est pas problématique puisque l’assuré en a été informé avant la conclusion du contrat d’assurance (art. 3 al.1 1 let. l). Selon la minorité au contraire, de telles dispositions contractuelles se feront au détriment notamment des assurés âgés, qui seront contraints d’accepter que l’entreprise d’assurance dispose d’un droit correspondant de réduire ou de supprimer certaines prestations.

La commission est par ailleurs revenue sur la décision du 23 avril 2018 en ce qui concerne l’art. 2a al. 1. A l’instar du Conseil fédéral, elle propose par 12 voix contre 10 de ne prévoir un droit de révocation que dans le cadre de la conclusion du contrat, et non plus également en cas de modification importante du contrat. La commission a aussi procédé à quelques modifications du projet du Conseil fédéral. Elle propose ainsi, à l’unanimité, de ne pas abroger l’art. 34 en ce qui concerne la responsabilité de l’assureur pour ses agents. Une modification à l’art. 28 al. 2 a en outre été adoptée par 22 voix contre 0 et 1 abstention : selon cette proposition, le moment déterminant pour apprécier l’aggravation d’un risque sera le celui de la réponse aux questions et non plus celui de la conclusion du contrat. La commission propose enfin dans plusieurs articles que la résiliation du contrat d’assurance puisse avoir lieu par voie électronique.

Lors du vote sur l’ensemble, la commission a approuvé le projet par 14 voix contre 6 et 5 abstentions. Il n’est pas encore connu si le projet viendra à la session d’hiver 2018 ou, si faute de temps à disposition, le Conseil national ne pourra traiter cet objet qu’à la session de printemps 2019.

 

La commission a siégé du 22 et 23 octobre 2018 à Berne sous la présidence du conseiller national Jean-François Rime (UDC, FR) et, pour partie, en présence du conseiller fédéral Ueli Maurer.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 24.10.2018 consultable ici

 

 

9C_330/2017 (f) du 14.12.2017 – Allocation pour impotent – Nécessité de l’assistance d’un tiers pour la réalisation des tâches ménagères / 42 al. 3 LAI – 38 al. 1 RAI – 37 al. 2 let. c RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_330/2017 (f) du 14.12.2017

 

Consultable ici

 

Allocation pour impotent – Nécessité de l’assistance d’un tiers pour la réalisation des tâches ménagères / 42 al. 3 LAI – 38 al. 1 RAI – 37 al. 2 let. c RAI

 

Assurée, atteinte depuis sa naissance d’une dysphasie et de séquelles d’un syndrome de Marfan, a bénéficié de plusieurs prestations de l’assurance-invalidité.

Le 04.11.2014, l’assurée a sollicité de l’office AI une allocation pour impotent. Le médecin traitant, spécialiste en médecine interne générale, a confirmé le besoin d’aide de sa patiente. L’administration a également procédé à une enquête sur l’impotence. Il en ressort que l’intéressée nécessitait l’aide d’un tiers uniquement pour accomplir deux actes ordinaires de la vie.

L’assurée a également précisé, après réception du projet de décision reconnaissant le droit à une allocation pour impotent de degré faible à compter du 01.06.2011, qu’il fallait aussi prendre en compte les conséquences de sa dysphasie ainsi que son besoin d’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie et, partant, lui reconnaître un droit à une allocation pour impotent de degré moyen. Après avoir sollicité l’avis de l’auteur de l’enquête sur l’impotence ainsi que celui de son Service médical régional (SMR), l’administration a entériné l’octroi d’une allocation pour impotent de degré faible.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 79/16 – 103/2017 – consultable ici)

La juridiction cantonale a retenu que, compte tenu de son état de santé, l’assurée nécessitait une assistance importante pour réaliser ses travaux ménagers. Elle a en outre relevé que cette assistance était trop importante pour que, dans le cadre de l’obligation de diminuer le dommage, elle soit raisonnablement exigible des parents de l’assurée avec lesquels cette dernière faisait ménage commun. Elle en a déduit un besoin d’accompagnement régulier et durable pour faire face aux nécessités de la vie, en plus du besoin d’aide pour accomplir deux actes ordinaires de la vie.

Par jugement du 03.04.2017, admission du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant à l’assuré le droit à une allocation pour impotent de degré moyen à partir du 01.06.2011.

 

TF

Comme l’admet l’OFAS dans sa prise de position, la nécessité de l’assistance d’un tiers pour la réalisation des tâches ménagères peut justifier à elle seule la reconnaissance du besoin d’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie (cf. arrêt 9C_425/2014 du 26 septembre 2014 consid. 4.1). On rappellera également que la nécessité de l’aide apportée par une tierce personne doit être examinée de manière objective, selon l’état de santé de l’assuré concerné, indépendamment de l’environnement dans lequel celui-ci se trouve; seul importe le point de savoir si, dans la situation où il ne dépendrait que de lui-même, cet assuré aurait besoin de l’aide d’un tiers. L’assistance que lui apportent les membres de sa famille a trait à l’obligation de diminuer le dommage et ne doit être examinée que dans une seconde étape (cf. arrêt 9C_410/2009 du 1er avril 2010 consid. 5.1, in SVR 2011 IV n° 11 p. 29; voir aussi arrêt 9C_425/2014 du 26 septembre 2014 consid. 4.2).

La juridiction cantonale a retenu que si l’assurée pouvait certes réaliser certaines tâches culinaires en utilisant des ustensiles adaptés (four à micro-ondes, casserole à deux anses, etc.), même la préparation de repas simples exigeait un minimum de manipulations (ouvrir une bouteille, verser le contenu d’une casserole dans un égouttoir, etc.) que celle-ci n’était pas en mesure d’accomplir en raison d’une faiblesse des mains. Elle a ajouté qu’on ne pouvait exiger de l’assurée qu’elle s’alimente essentiellement de produits préfabriqués pour le four à micro-ondes. Elle a en outre relevé que, selon l’enquête sur l’impotence, l’assurée avait besoin d’aide pour les tâches lourdes, en raison d’un port de charges limité à trois kilogrammes, ou tous les autres travaux impliquant des mouvements de rotation ou des positions en porte-à-faux, en raison d’une arthrodèse rachidienne bloquant la colonne vertébrale en position rigide de la quatrième vertèbre dorsale à la troisième vertèbre lombaire. Elle a également déduit de l’impossibilité (totale ou partielle) à réaliser certains actes ordinaires de la vie (impossibilité de se pencher pour se laver les pieds et les jambes ou s’épiler, impossibilité de lever les bras pour se laver les cheveux, impossibilité d’effectuer une légère torsion du tronc pour se laver le dos, etc.) une impossibilité à accomplir certaines tâches ménagères (nettoyer les sols ou les sanitaires, faire la lessive, changer la literie, etc.). Elle a par conséquent conclu à un besoin d’aide suffisamment important pour justifier un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie. Le seul fait de savoir s’organiser et demander de l’aide lorsque celle-ci est nécessaire ne saurait remettre en question ce qui précède mais établit au contraire l’existence même de la nécessité de l’assistance apportée par un tiers.

S’agissant de l’aide que peuvent ou doivent apporter les parents de l’assurée dans la mesure où ceux-ci forment une communauté familiale, on précisera que, selon la jurisprudence, si la question de savoir comme s’organiserait cette communauté familiale dans le cas où elle ne devait pas percevoir de prestations d’assurance est certes importante, l’aide exigible ne doit pas devenir excessive ou disproportionnée (cf. arrêt 9C_410/2009 du 1er avril 2010 consid. 5.5, in SVR 2011 IV n° 11 p. 29). Or, sauf à vouloir vider l’institution de l’allocation pour impotent de tout son sens dans le cas où les parents font ménage commun avec leur enfant majeur et invalide, on ne saurait exiger de ceux-ci qu’ils assument toutes les tâches ménagères de leur enfant – ou la quasi-totalité de celles-ci au regard des empêchements mentionnés ci-dessus – comme le soutient péremptoirement l’administration.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_330/2017 consultable ici

 

 

Fixation du revenu d’invalide selon l’ESS

Fixation du revenu d’invalide selon l’ESS

 

Article paru in Jusletter, 22 octobre 2018

 

Expliquer à une personne atteinte dans sa santé pourquoi elle pourrait encore percevoir un revenu est tout aussi complexe que de déterminer ce revenu. La jurisprudence a abordé cette complexité en ayant recours à des données, réalisées par l’Office fédéral de la statistique. Par ailleurs, une déduction sur le salaire statistique doit être opérée, si le cas d’espèce le justifiait. Ce sont ces différents points qui sont abordés et développés dans le présent article, tout en restant ancré dans la pratique.

Publication : Fixation du revenu d’invalide selon l’ESS – David Ionta – Jusletter 2018-10-22

 

 

8C_465/2017 (f) du 12.01.2018 – publication prévue – Droit à l’indemnité chômage et retraite anticipée (à 50%) / 8 LACI – 13 LACI – 12 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_465/2017 (f) du 12.01.2018, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité chômage et retraite anticipée (à 50%) / 8 LACI – 13 LACI – 12 OACI

 

Assuré ayant travaillé pour un employeur du 01.02.2008 au 31.12.2015, date de l’échéance de son contrat de travail de durée déterminée. Au cours de l’été 2014, la Caisse de retraite anticipée a adressé à l’intéressé une formule de demande de prestations. L’assuré a retourné cette formule de demande en indiquant vouloir cesser son activité entre 60 et 61 ans et bénéficier d’une rente fondée sur un taux de 100%. Le 19.01.2015, la Caisse de retraite anticipée a indiqué qu’il aurait droit à une rente anticipée de 50% entre son 60ème et son 61ème anniversaire, et à une rente anticipée de 100% durant la période du 01.09.2016 au 31.08.2020. L’intéressé a bénéficié d’une rente de 50% dès le 01.01.2016.

L’assuré a requis l’octroi d’indemnités de chômage à compter du 01.01.2016. Par décision, confirmée sur opposition, la caisse de chômage a nié le droit de l’assuré à une indemnité de chômage à compter du 01.01.2016. L’intéressé a repris une activité au service de son employeur à partir du 25.04.2016.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 24.05.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 8 al. 1 let. e LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré. Celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 [LACI]), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation (art. 13 al. 1 LACI). Afin d’empêcher le cumul injustifié de prestations de vieillesse de la prévoyance professionnelle et de l’indemnité de chômage, le Conseil fédéral peut déroger aux règles concernant la prise en compte des périodes de cotisation pour les assurés mis à la retraite avant d’avoir atteint l’âge de la retraite selon l’art. 21 al. 1 LAVS (RS 831.10), mais qui désirent continuer à exercer une activité salariée (art. 13 al. 3 LACI).

Faisant usage de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté l’art. 12 OACI, selon lequel, pour les assurés qui ont été mis à la retraite avant d’avoir atteint l’âge donnant droit aux prestations de l’AVS, seule est prise en compte, comme période de cotisation, l’activité soumise à cotisation qu’ils ont exercée après leur mise à la retraite (al. 1). D’après l’art. 12 al. 2 OACI, cette règle n’est toutefois pas applicable lorsque l’assuré a été mis à la retraite anticipée pour des raisons d’ordre économique ou sur la base de réglementations impératives entrant dans le cadre de la prévoyance professionnelle (let. a) et qu’il a droit à des prestations de retraite inférieures à l’indemnité de chômage à laquelle il a droit en vertu de l’art. 22 LACI (let. b). Dans ce cas, les périodes de cotisation antérieures à la mise à la retraite anticipée sont prises en considération par l’assurance-chômage.

L’art. 12 al. 1 OACI a pour but d’éviter que des personnes cumulent des prestations de vieillesse de la prévoyance professionnelle et des indemnités de chômage, voire qu’elle résilient leur contrat de travail à cette fin, sans être réellement disposées à accepter un emploi convenable (ATF 129 V 327 consid. 4 p. 329; 126 V 393 consid. 3 p. 396). D’après le texte clair de l’art. 12 al. 2 OACI, toute résiliation des rapports de travail qui – sans que l’assuré ait un choix – aboutit à une retraite anticipée ne tombe pas sous le coup de cette réglementation. Les personnes qui sont licenciées par leur employeur pour des raisons autres que des motifs d’ordre économique ou qu’en vertu de réglementations impératives ressortissant à la prévoyance professionnelle ne peuvent pas se prévaloir de l’art. 12 al. 2 OACI (ATF 126 V 396 consid. 3b/bb p. 398; arrêts 8C_839/2009 du 19 février 2010 consid. 3.4; 8C_708/2008 du 5 mars 2009 consid. 3.3). Peu importe la partie qui met fin aux rapports de travail ou le fait que le travailleur a résilié en butte à une certaine pression de la part de l’employeur. Le critère déterminant n’est pas le caractère volontaire du congé mais celui de la prise de la retraite pour raison d’âge (ATF 129 V 327 consid. 3.1 p. 329; arrêt 8C_839/2009, déjà cité, consid. 3.4).

Au mois de janvier 2015, l’assuré a retourné à la Caisse de retraite anticipée une formule de demande de prestations, dans laquelle il indiquait vouloir cesser son activité entre 60 et 61 ans et bénéficier à ce moment-là d’une rente fondée sur un taux de 100 %. Aussi n’existe-t-il aucun lien entre la décision de l’intéressé de bénéficier d’une rente anticipée de la prévoyance professionnelle et sa situation professionnelle à l’échéance du contrat de travail de durée déterminée, le 31.12.2015. Il apparaît ainsi que l’assuré a choisi librement de bénéficier de la retraite anticipée.

 

En tant qu’il a pour but d’éviter que des assurés cumulent des prestations de vieillesse de la prévoyance professionnelle et des indemnités de chômage, l’art. 12 al. 1 OACI vise les personnes qui désirent continuer de travailler après la mise à la retraite anticipée mais qui tombent au chômage ou ne retrouvent pas d’activité lucrative. Dans ces éventualités, les périodes de cotisation antérieures à la retraite anticipée ne sont pas prises en considération par l’assurance-chômage. L’art. 13 al. 3 LACI qui habilite le Conseil fédéral à déroger aux règles concernant la prise en compte des périodes de cotisations pour les assurés mis à la retraite avant d’avoir atteint l’âge de la retraite selon l’art. 21 al. 1 LAVS n’a toutefois pas pour but de faire obstacle purement et simplement à l’octroi simultané de prestations de la caisse de prévoyance et d’indemnités de chômage (ATF 123 V 142 consid. 4b p. 146; THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Sécurité sociale, 3 ème éd., 2016, n° 224 p. 2331). Cette disposition légale vise à empêcher que la retraite anticipée corresponde à une décision de retrait définitif du marché du travail en ce sens que l’assuré n’est plus disposé à accepter un travail convenable (cf. FF 1980 III 565; BORIS RUBIN, op. cit., n. 32 ad art. 13 LACI).

En l’espèce, l’assuré a bénéficié d’une demi-rente anticipée à partir du 01.01.2016, soit à l’échéance du contrat de travail de durée déterminée. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il désirait se retirer définitivement du marché du travail. Il avait d’autant plus intérêt à poursuivre une activité, serait-ce seulement à temps partiel, que la demi-rente perçue ne couvrait que la moitié du salaire déterminant réalisé avant la mise à la retraite anticipée. En outre, jusqu’à l’octroi d’une rente entière de la prévoyance à compter du 31.08.2016, on ne voit pas en quoi le cumul d’une demi-rente de la prévoyance et d’indemnités de chômage calculées en fonction d’une perte d’emploi correspondant à 50% d’un travail à plein temps serait injustifié et contreviendrait à l’art. 13 al. 3 LACI. A cela s’ajoute qu’au moment où il a déclaré vouloir mettre fin à son activité lucrative entre 60 et 61 ans et percevoir une rente fondée sur un taux de 100%, l’assuré est parti de l’idée erronée qu’il avait droit à une telle prestation à compter de son 60ème anniversaire. C’est seulement le 19 janvier 2015 que la Caisse de retraite anticipée l’a informé qu’il aurait droit à une rente anticipée de 50% entre son 60ème et son 61ème anniversaire, et à une rente anticipée de 100% durant la période du 01.09.2016 au 31.08.2020. Qui plus est, l’intéressé a satisfait à son obligation de diminuer le dommage en ce sens qu’en demandant à bénéficier de la demi-rente anticipée, il a renoncé à se prévaloir de son droit à une indemnité de chômage pleine et entière jusqu’à la naissance de son droit à la rente entière.

Dans ces conditions, et pour autant que les prestations de retraite soient inférieures à l’indemnité de chômage due en vertu de l’art. 22 LACI (cf. art. 12 al. 2 let. b OACI), il n’y a pas lieu de déroger à la règle générale de l’art. 13 al. 1 LACI pour examiner si l’assuré satisfaisait aux conditions relatives à la période de cotisation à partir du 01.01.2016 (échéance du contrat de travail de durée déterminée) et jusqu’au 01.09.2016 (naissance du droit à la rente entière de la prévoyance professionnelle) en ce qui concerne la perte d’emploi correspondant à 50% d’un travail à plein temps au sens de l’art. 10 al. 2 let. a LACI.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et la décision de la caisse de chômage et renvoie la cause à la caisse pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

 

Arrêt 8C_465/2017 consultable ici

 

 

9C_901/2017 (f) du 28.05.2018 – Revenu d’invalide selon l’ESS – 16 LPGA / Niveau de compétences 2 vs 1 – Rappel de la notion du niveau de compétences selon ESS 2012 (et suivants)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_901/2017 (f) du 28.05.2018

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide selon l’ESS / 16 LPGA

Niveau de compétences 2 vs 1 – Rappel de la notion du niveau de compétences selon ESS 2012 (et suivants)

 

Assuré, opérateur de station d’épuration, souffrant de séquelles d’une pathologie pulmonaire incapacitante depuis le 01.09.2011, a requis des prestations de l’assurance-invalidité le 22.03.2012.

Dès lors que la situation s’était améliorée et permettait la reprise d’une activité à mi-temps dans un milieu protégé, l’office AI a reconnu le droit de l’assuré à des mesures de réadaptation. Ce dernier a bénéficié d’un reclassement dans la profession de comptable. Il a suivi une formation complète mais a échoué à l’examen final. Cette activité a néanmoins été considérée comme adaptée à son état de santé pour autant que le taux d’occupation ne dépassât pas les 50%.

La mesure de réadaptation menée à terme, l’administration a alloué à l’assuré une rente entière dès le 21.11.2012 et trois-quarts de rente dès le 01.08.2016. L’office AI a notamment fixé le montant du revenu d’invalide pour 2016 sur la base des données statistiques ressortant du tableau T1_skill_level (lignes 69-71 correspondant aux activités juridiques, comptables, de gestion, d’architecture et d’ingénierie, niveau de compétence 2, pour homme) de l’Enquête suisse sur la structure des salaires 2012 (ESS 2012).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/974/2017 – consultable ici)

Par jugement du 31.10.2017, admission du recours par le tribunal cantonal. L’instance cantonale a notamment jugé que le revenu d’invalide dont il fallait tenir compte était celui ressortant du tableau TA1_skill_level (lignes 69-71, niveau de compétence 1, pour homme) de l’ESS 2012.

 

TF

Le choix du niveau de compétence est une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement (ATF 143 V 295 consid. 2.4 p. 297).

L’ESS a été révisée dans sa version 2012 (sur les principaux changements, cf. notamment ATF 142 V 178 consid. 2.5.3 p. 184 ss). Les emplois sont désormais classés par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué et les critères de base utilisés pour définir le système des différents groupes de professions sont les niveaux et la spécialisation des compétences requis pour effectuer les tâches inhérentes à la profession. Quatre niveaux de compétence ont donc été définis en fonction des groupes de professions et du type de travail qui y est généralement effectué. Il existe neuf groupes de professions: les deux premiers regroupent les tâches qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques ou factuelles dans un domaine spécialisé (niveau de compétence 4); le troisième regroupe les tâches pratiques complexes nécessitant un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (niveau de compétence 3); les cinq suivants regroupent les tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l’utilisation de machines et d’appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (niveau de compétence 2); le neuvième regroupe les tâches physiques ou manuelles simples (niveau de compétence 1 ; cf. ESS 2012, brochure éditée par l’Office fédéral de la statistique, p. 11 ss). L’accent est donc désormais mis sur le type de tâches que l’assuré est susceptible d’assumer en fonction de ses qualifications mais pas sur les qualifications en elles-mêmes.

Aussi, l’absence d’expérience dans le domaine de la comptabilité, la reconnaissance du diplôme intermédiaire d’aide-comptable seulement par l’Etat de Genève ou le premier échec à l’examen final de comptabilité ne sauraient justifier le choix du niveau 1 de compétence, qui ne vise que les tâches physiques ou manuelles simples. Au contraire, ces différents éléments placent l’assuré au niveau de compétence 2, qui fait référence à des domaines dans lesquels il pourra mettre en valeur ses connaissances nouvellement acquises, indépendamment de l’absence d’expérience, comme l’a relevé l’administration.

On ajoutera que, compte tenu de la pathologie pulmonaire dont souffre l’assuré (insuffisance respiratoire), on ne peut exiger de lui qu’il exerce une activité physique ou manuelle, même simple.

En choisissant le niveau de compétence 1, la juridiction cantonale a dès lors violé le droit fédéral.

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_901/2017 consultable ici

 

 

8C_215/2018 (f) du 04.09.2018 – Maladie professionnelle – Traitement médical – 9 al. 1 LAA – 9 al. 2 LAA – 10 LAA / Amélioration sensible de l’état de santé en relation avec la maladie professionnelle reconnue

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_215/2018 (f) du 04.09.2018

 

Consultable ici

 

Maladie professionnelle – Traitement médical / 9 al. 1 LAA – 9 al. 2 LAA – 10 LAA

Amélioration sensible de l’état de santé en relation avec la maladie professionnelle reconnue

 

Assuré travaillant en qualité de journaliste. Dans son activité, l’assuré apparaît régulièrement sur les plateaux de télévision et doit se faire maquiller. Au cours de l’année 2013 il a ressenti des problèmes aux yeux, des démangeaisons, des maux de tête, une hypersensibilité à la lumière et au vent. Dans un rapport du 27.03.2014, le spécialiste en ophtalmologie a diagnostiqué une conjonctivite allergique aux deux yeux. Après avoir recueilli divers renseignements médicaux et requis l’avis d’un spécialiste en médecine du travail et en médecine interne, et médecin à la Division de médecine du travail de la CNA, l’assurance-accidents a reconnu comme maladie professionnelle la conjonctivite allergique bilatérale déclenchée par des composants de produits de maquillage.

Au cours de l’année 2015, l’assuré a consulté plusieurs médecins. Des spécialistes en ophtalmologie et ophtalmochirurgie ont diagnostiqué un Floppy Eyelid Syndrom et une blépharite chronique avec chalazions à répétition. Ces médecins ont préconisé la mise en œuvre d’une intervention chirurgicale des paupières, qui a été réalisée le 11.02.2016.

Par décision du 12.04.2016, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assuré à la prise en charge des frais liés au Floppy Eyelid Syndrom et à la blépharite chronique, motif pris que ces troubles ne constituent pas des maladies professionnelles et que l’intervention chirurgicale n’était pas en relation de causalité avec la maladie professionnelle reconnue, à savoir la conjonctivite allergique bilatérale. Saisie d’oppositions de l’assuré et de la caisse-maladie de l’intéressé, l’assurance-accidents les a rejetées le 12.09.2016.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a retenu que le Floppy Eyelid Syndrom et la blépharite chronique ne pouvaient se voir reconnaître le caractère de maladies professionnelles selon l’art. 9 al. 1 LAA, ni sous l’angle de l’art. 9 al. 2 LAA. Par ailleurs, la juridiction cantonale a considéré que l’existence d’un lien entre la maladie professionnelle reconnue (conjonctivite allergique bilatérale) et l’opération subie n’apparaissait pas vraisemblable au degré requis par la jurisprudence et que cette intervention ne constituait pas un traitement médical approprié de cette affection au sens de l’art. 10 LAA.

Par jugement du 24.01.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Les prestations d’assurance sont en principe allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle (art. 6 al. 1 LAA).

Selon l’art. 9 al. 1 LAA, sont réputées maladies professionnelles les maladies (art. 3 LPGA) dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l’exercice de l’activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux. Ces substances et travaux, ainsi que les affections dues à ceux-ci, sont énumérés de manière exhaustive (RAMA 1988 n° U 61 p. 447, U 98/87, consid. 1a) à l’annexe 1 de l’OLAA.

Sont aussi réputées maladies professionnelles les autres maladies dont il est prouvé qu’elles ont été causées exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l’exercice de l’activité professionnelle (art. 9 al. 2 LAA). La condition d’un lien exclusif ou nettement prépondérant n’est réalisée que si la maladie a été causée à 75% au moins par l’exercice de l’activité professionnelle (ATF 126 V 183 consid. 2b p. 186; 119 V 200 consid. 2b p. 201 et la référence). Cela signifie, pour certaines affections qui ne sont pas typiques d’une profession déterminée, que les cas d’atteinte pour un groupe professionnel particulier doivent être quatre fois plus nombreux que ceux que compte la population en général (ATF 116 V 136 consid. 5c p. 143; RAMA 2000 n° U 408 p. 407, U 235/99, consid. 1a).

Selon la jurisprudence, le point de savoir si une affection est une maladie professionnelle au sens de l’art. 9 al. 2 LAA est d’abord une question relevant de la preuve dans un cas concret. Cependant, s’il apparaît comme un fait démontré par la science médicale qu’en raison de la nature d’une affection particulière, il n’est pas possible de prouver que celle-ci est due à l’exercice d’une activité professionnelle, il est hors de question d’apporter la preuve, dans un cas concret, de la causalité qualifiée au sens de l’art. 9 al. 2 LAA (ATF 126 V 183 consid. 4c p. 190 et les références; arrêt 8C_415/2015 du 24 mars 2016 consid. 3.2; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 381/01 du 20 mars 2003 consid. 3.2-3.3).

Selon l’art. 10 LAA, l’assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l’accident (ou de la maladie professionnelle; cf. art. 6 al. 1 LAA), à savoir notamment au traitement ambulatoire dispensé par le médecin, le dentiste ou, sur prescription de ces derniers, par le personnel paramédical ainsi que par le chiropraticien, de même qu’au traitement ambulatoire dispensé dans un hôpital (let. a). Ce droit s’étend à toutes les mesures qui visent une amélioration de l’état de santé ou à éviter une péjoration de cet état. La preuve que la mesure envisagée permettra d’atteindre cet objectif doit être établie avec une vraisemblance suffisante; elle est rapportée dès que l’on peut admettre que le traitement envisagé ne représente pas seulement une possibilité lointaine d’amélioration (SVR 2011 UV n° 1 p. 1, 8C_584/2009, consid. 2; arrêt 8C_112/2014 du 23 janvier 2015 consid. 2.1). Le traitement médical n’est alloué qu’aussi longtemps que sa continuation est susceptible d’apporter une amélioration sensible de l’état de l’assuré (art. 19 al. 1, seconde phrase, LAA a contrario), une amélioration insignifiante n’étant pas suffisante. Il n’y a pas d’amélioration sensible de l’état de santé quand la mesure thérapeutique (p. ex. une cure annuelle) ne fait que soulager momentanément des douleurs occasionnées par un état par ailleurs stationnaire (RAMA 2005 n° U 557 p. 388, U 244/04, consid. 3.1; arrêt 8C_103/2018 du 25 juillet 2018 consid. 6.3).

 

En l’espèce, l’ophtalmologue a indiqué que l’opération réalisée par lui le 11.02.2016 avait pour but de diminuer les symptômes de sécheresse oculaire dont souffre l’assuré dans son activité professionnelle. Cette intervention de correction latérale de la paupière inférieure ne corrigeait en rien le Floppy Eyelid Syndrom ni la blépharite chronique. Il s’agissait d’une intervention simple ayant pour but d’améliorer le confort et la productivité de l’intéressé en diminuant sa gêne, ainsi que le besoin de lubrifier en permanence ses yeux. Dans son bref rapport complémentaire du 10.05.2016, rédigé sur intervention de l’assuré, ce médecin a ajouté que l’opération permettait de diminuer les symptômes des trois diagnostics présents (conjonctivite allergique, Floppy Eyelid Syndrom et blépharite chronique) sans en corriger la cause, de sorte que l’assuré resterait toujours sensible à son travail, mais dans une moindre mesure.

Il ressort de ces indications médicales que, si elle était bien propre à diminuer les symptômes provoqués par la conjonctivite allergique, l’opération réalisée était toutefois sans influence sur l’état de santé, par ailleurs stationnaire, à l’origine de ces symptômes. Par ailleurs, dans son rapport intermédiaire du 14.01.2016, dans lequel il propose d’effectuer une intervention chirurgicale en vue d’une possible amélioration des symptômes et de la productivité, l’ophtalmologue ne mentionne que les diagnostics de Floppy Eyelid Syndrom et de blépharite chronique. C’est seulement dans ses rapports rédigés après le prononcé de la décision de refus du 12.04.2016 et sur intervention de l’assuré que ce médecin a mentionné le diagnostic de conjonctivite allergique en plus des diagnostics déjà cités.

Cela étant il n’apparaît pas établi au degré de vraisemblance requis que l’opération réalisée le 11.02.2016 visait une amélioration sensible de l’état de santé en relation avec la maladie professionnelle reconnue, à savoir la conjonctivite allergique.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_215/2018 consultable ici