Fausses couches : prendre en charge l’intégralité des coûts de traitement et examiner l’opportunité d’introduire un congé spécifique

Fausses couches : prendre en charge l’intégralité des coûts de traitement et examiner l’opportunité d’introduire un congé spécifique

 

Communiqué de presse du Parlement du 23.05.2023 consultable ici

 

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (CSSS-E) souhaite charger le Conseil fédéral d’envisager l’instauration d’un congé payé en cas de fausse couche ou de mort périnatale. Elle a décidé, à l’unanimité, de déposer un postulat en ce sens. À partir de la 23ème semaine de grossesse, les mères ont droit à l’allocation de maternité, également en cas de mort périnatale. Avant la 23ème semaine, de tels événements sont considérés comme des empêchements de travailler au sens du code des obligations, lesquels ne donnent toutefois pas droit à un congé spécifique. La commission estime que les conséquences d’événements aussi marquants doivent être mieux prises en considération. En outre, la commission propose, par 7 voix contre 0 et 5 abstentions, de ne pas donner suite à l’iv. ct. TI. Un soutien pour les femmes confrontées à une fausse couche ou à une mort périnatale (22.308), qui a permis de lancer un débat à ce sujet. À ses yeux, il convient en effet dans un premier temps d’analyser en détail la situation juridique en Suisse et à l’étranger. La commission adoptera le texte définitif de son postulat lors de sa prochaine séance.

La commission continue de soutenir l’idée que les prestations fournies pendant une grossesse doivent être exemptées de la participation aux coûts même avant la 13ème semaine. Étant donné que le Conseil fédéral propose déjà une modification en ce sens dans le cadre du deuxième volet de mesures visant à freiner la hausse des coûts, tenant ainsi compte de l’objectif de l’iv. ct. VD. Pour que les fausses couches, les grossesses non évolutives et les grossesses extra-utérines soient remboursées (22.307), la commission propose, par 8 voix contre 0 et 5 abstentions, de ne pas donner suite à cette initiative.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 23.05.2023 consultable ici

Initiative ct. VD 22.307 « Pour que les fausses couches, les grossesses non évolutives et les grossesses extra-utérines soient remboursées » consultable ici

Initiative ct. TI 22.308 « Un soutien pour les femmes confrontées à une fausse couche ou à une mort périnatale » consultable ici

 

Comunicato stampa del 23.05.2023, Aborti spontanei: assunzione della totalità dei costi di cura e valutazione dell’opportunità di un congedo specifico, disponibile qui

Iniziativa cantonale VD 22.307 “Introdurre il rimborso per gli aborti spontanei, le gravidanze non evolutive e le gravidanze extra uterine” disponibile qui

Iniziativa cantonale TI 22.308 “Per un sostegno alle donne che subiscono un aborto spontaneo o una perdita perinatale” disponibile qui

 

Medienmitteilung den 23.05.2023, Fehlgeburten: Behandlungskosten vollständig übernehmen und gesonderten Urlaub prüfen, hier verfügbar

Standesinitiative VD 22.307 «Erstattung der Behandlungskosten bei Fehlgeburt, Windei oder Eileiterschwangerschaft» hier verfügbar

Standesinitiative TI 22.308 «Unterstützung für Frauen nach einer Fehl- oder Totgeburt» hier verfügbar

 

Hausse du nombre d’heures travaillées en 2022 en Suisse – Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique [DNT]

Hausse du nombre d’heures travaillées en 2022 en Suisse – Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique [DNT]

 

Communiqué de presse de l’OFS du 22.05.2023 consultable ici

 

Pour rappel, ces statistiques sont nécessaires pour la détermination des revenus sans et avec invalidité en cas d’utilisation des salaires statistiques (ESS).

 

En 2022, 7,922 milliards d’heures ont été travaillées dans le cadre professionnel en Suisse, soit une augmentation de 1,3% par rapport à l’année précédente. Le niveau d’avant la pandémie a été retrouvé. Entre 2017 et 2022, la durée hebdomadaire effective de travail des salariés à plein temps s’est réduite en moyenne de 59 minutes pour s’établir à 39 heures et 59 minutes, selon les derniers résultats de l’Office fédéral de la statistique (OFS).

Selon la statistique du volume du travail de l’OFS (SVOLTA), le nombre total d’heures travaillées par l’ensemble des personnes actives occupées en Suisse a augmenté de 1,3% entre 2021 et 2022. Le volume d’heures de 2022 a retrouvé son niveau d’avant la pandémie de COVID-19 (+0,2% entre 2019 et 2022).

Entre 2021 et 2022, l’augmentation du volume du travail est due à la hausse du nombre d’emplois (+1,5%), compensée en partie par une baisse de la durée annuelle effective de travail par emploi (-0,2%). Si cette dernière a reculé malgré une forte baisse de la durée des absences due au chômage partiel (2021: 33 heures par emploi; 2022: 2 heures), c’est en raison de la réduction du nombre de jours travaillés (-1,3%; l’année 2022 a vu plus de jours fériés coïncider avec des jours ouvrables et davantage de vacances ont été prises).

 

Recul d’une heure du temps de travail sur cinq ans

Entre 2017 et 2022, la durée hebdomadaire effective de travail des salariés à plein temps (sans les salariés propriétaires de leur entreprise) s’est contractée de 59 minutes à 39 heures et 59 minutes. Ceci s’explique par une diminution de la durée hebdomadaire contractuelle de travail (-10 minutes à 41 heures et 43 minutes), une baisse de la durée hebdomadaire d’heures supplémentaires (-15 minutes à 40 minutes) et une augmentation de la durée hebdomadaire d’absences (+33 minutes à 2 heures et 25 minutes). Sur la même période, le nombre de semaines de vacances est passé de 5,1 à 5,2 semaines par année, soit un gain de 0,2 jour. Les salariés âgés de 20 à 49 ans disposent de 5,0 semaines de vacances, contre 5,4 semaines pour les 15-19 ans et 5,6 semaines pour les 50-64 ans.

 

Secteur primaire: près de 45 heures hebdomadaires

Ce sont les salariés à plein temps du secteur primaire qui ont accompli la charge de travail la plus élevée par semaine (durée effective de 44 heures et 58 minutes). Suivent, dans l’ordre, les branches «activités financières et d’assurances» (41 heures et 23 minutes), «activités spécialisées, scientifiques et techniques» (40 heures et 47 minutes) et «arts, loisirs, ménages privés, autres» (40 heures et 14 minutes). Les durées effectives les moins longues ont été enregistrées dans les branches «immobilier, activités administratives» (39 heures et 19 minutes) et «hébergement et restauration» (39 heures et 23 minutes).

 

Hausse des absences pour raison de santé

Entre 2021 et 2022, la durée moyenne annuelle des absences en raison de santé (maladie/accident) s’est accrue, passant de 53 à 64 heures par emploi. Par contre, la durée annuelle des absences en raison du chômage partiel des salariés a reculé de manière très marquée (de 33 à 2 heures). Les absences en raison d’obligations militaires ou civiles, de congé maternité et pour raisons personnelles ou familiales ont faiblement diminué. Enfin, les absences pour «autre raison» (p.ex. personnes en quarantaine ou restrictions d’activité des indépendants durant la pandémie de COVID-19) ont également baissé, passant de 24 à 17 heures par emploi.

 

Des comparaisons internationales très variées

À des fins de comparaisons internationales, la méthode de calcul de la durée de travail doit être adaptée (cf. annexe méthodologique). Principale adaptation, les personnes absentes toute la semaine sont exclues des calculs, ce qui conduit à une durée de travail bien plus élevée. Ainsi calculée, la durée hebdomadaire effective de travail des salariés à plein temps s’élève en Suisse à 42 heures et 44 minutes, ce qui la positionne en tête des pays de l’UE/AELE devant la Roumanie (40 heures et 3 minutes). La Belgique (36 heures et 27 minutes) et la Finlande (36 heures et 35 minutes) enregistrent la durée la moins élevée. La durée au sein de l’UE s’élevait en moyenne à 38 heures et 20 minutes.

En considérant l’ensemble des actifs occupés, la Suisse (35 heures et 45 minutes) se situe toutefois parmi les pays dont les durées hebdomadaires effectives de travail sont les moins élevées en 2022. Cela s’explique par la forte proportion de personnes occupées à temps partiel. La durée la plus haute et la plus basse ont été enregistrées respectivement en Grèce (39 heures et 41 minutes) et aux Pays-Bas (30 heures et 50 minutes), la moyenne de l’UE s’établissant à 35 heures et 56 minutes.

 

Enfin, en rapportant le volume total d’heures hebdomadaires travaillées à l’ensemble de la population de 15 ans et plus, la Suisse (22 heures et 48 minutes) se situe à nouveau parmi les pays dont les durées hebdomadaires effectives de travail sont les plus élevées. La position de la Suisse s’explique par la part élevée de personnes participant au marché du travail. La durée la plus haute et la plus basse ont été relevées respectivement en Islande (25 heures et 22 minutes) et en Italie (16 heures et 17 minutes). La moyenne de l’UE s’établit à 19 heures et 27 minutes.

 

 

Communiqué de presse de l’OFS du 22.05.2023 consultable ici

Tableau « Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique (NOGA 2008), en heures par semaine » disponible ici

 

Nouvel accord à partir du 1er juillet 2023 : pas de changement de compétence en matière d’assurances sociales lors de télétravail inférieur à 50% dans certains Etats

Nouvel accord à partir du 1er juillet 2023 : pas de changement de compétence en matière d’assurances sociales lors de télétravail inférieur à 50% dans certains Etats

 

Communication de l’OFAS consultable ici (dernière modification le 15.05.2023)

 

En raison des restrictions imposées en lien avec la pandémie, l’application flexible des règles européennes d’assujettissement en matière de sécurité sociale prévues dans le cadre de l’Accord sur la libre circulation des personnes Suisse-UE (ALCP) et de la Convention AELE s’est appliquée jusqu’au 30 juin 2022. Cette flexibilité a été prolongée pendant une phase transitoire jusqu’au 30 juin 2023.

Jusqu’à cette date, une personne (par exemple un travailleur frontalier exerçant son activité à domicile) reste soumise à la législation suisse de sécurité sociale quelle que soit la part d’activité exercée sous forme de télétravail dans son Etat de résidence (UE/AELE). Une attestation A1 n’est en principe pas nécessaire dans de telles situations.

 

Pas de changement de compétence en cas de télétravail inférieur à 50% dès le 1er juillet 2023 en relation avec les Etats ayant signé l’accord multilatéral

La Suisse et certains Etats de l’UE et de l’AELE vont signer un accord multilatéral qui déroge aux règles d’assujettissement ordinaires pour faciliter le télétravail au-delà du 30 juin 2023, dans l’intérêt des travailleurs concernés et de leurs employeurs.

Cet accord prévoit que les personnes travaillant dans un Etat pour un employeur qui y a son siège peuvent effectuer jusqu’à 50% de télétravail transfrontalier (au maximum 49.9% du temps de travail) depuis leur Etat de résidence, en principe en utilisant des moyens informatiques, tout en maintenant la compétence de l’Etat du siège de l’employeur pour les assurances sociales. Cette dérogation ne peut concerner que les situations concernant deux Etats qui sont signataires de l’accord.

A ce jour, outre la Suisse, les Etats suivants ont indiqué avoir l’intention de signer l’accord :

Allemagne, Autriche, Belgique, Estonie, Finlande, Hongrie, Irlande, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Slovaquie, République Tchèque, ainsi que le Liechtenstein et la Norvège.

Cette liste sera mise à jour au fur et à mesure. Pour toute question concernant la position d’un Etat n’y figurant pas, il convient de s’adresser aux autorités de l’Etat concerné.

L’accord multilatéral concerne les personnes auxquelles l’ALCP resp. la Convention AELE est applicable. Il n’est pas applicable aux :

  • personnes qui exercent également une activité autre que du télétravail dans l’Etat de résidence signataire de l’accord (p. ex. visite de clients, activité accessoire indépendante) ;
  • personnes exerçant également une activité dans l’UE resp. l’AELE en dehors de leur Etat de résidence signataire de l’accord et de la Suisse ;
  • personnes travaillant pour un autre employeur situé dans l’UE resp. l’AELE en plus de l’activité exercée pour leur employeur suisse ;
  • travailleurs indépendants.

Le texte de l’accord et un mémorandum explicatif sont disponibles (en anglais, des traductions sont en cours (état au 15.05.2023)) :

Il est prévu d’adapter les règles de coordination européennes à plus long terme afin de prendre en compte le télétravail transfrontalier.

Cette communication ne concerne que les assurances sociales, pas le droit en matière de fiscalité.

 

Répercussions de l’accord sur les travailleurs frontaliers dans les relations avec l’Allemagne, l’Autriche et le Liechtenstein

Dès le 1er juillet 2023, les travailleurs frontaliers occupés par un employeur suisse (ou plusieurs employeurs suisses) qui télétravaillent jusqu’à 50% (au maximum 49.9% du temps de travail) depuis l’Allemagne, l’Autriche ou le Liechtenstein peuvent rester assurés en Suisse.

Inversement, les frontaliers résidant et télétravaillant moins de 50% en Suisse pour un employeur (ou plusieurs employeurs) dont le siège est en Allemagne, en Autriche ou au Liechtenstein, peuvent rester soumis aux assurances sociales du siège de l’employeur.

 

Informations pratiques

Pour que l’accord s’applique à leurs salariés, les employeurs suisses doivent demander une attestation A1 (validité maximale de 3 ans, renouvelable) à leur caisse de compensation AVS au moyen de la plateforme ALPS (Applicable Legislation Portal Switzerland), qui est en cours d’actualisation également afin d’automatiser autant que possible les processus et la délivrance de l’attestation A1.

En principe la plateforme ALPS devrait déjà être adaptée au 1er juillet 2023, mais il n’est pas nécessaire de présenter une demande tout de suite, car l’attestation A1 pourra couvrir rétroactivement la période débutant au 1er juillet 2023 pour toutes les demandes déposées jusqu’à fin juin 2024.

 

Pas de changement de compétence et application des règles ordinaires en cas de télétravail inférieur à 25% dans les relations avec tous les Etats de l’UE/AELE

L’accord multilatéral s’applique au télétravail transfrontalier compris entre 25% et 49.9% du temps de travail. Les règles et procédures ordinaires continuent à s’appliquer au télétravail transfrontalier inférieur à 25% même s’il est effectué dans un Etat signataire de l’accord.

En cas de télétravail exercé sur le territoire d’un Etat qui n’a pas signé l’accord multilatéral dérogatoire, ou pour un employeur ayant un siège dans un Etat qui n’a pas adhéré à l’accord, les règles et procédures ordinaires applicables avant la pandémie sont à nouveau applicables à partir du 1er juillet 2023 pour la demande d’attestation A1 (l’assujettissement est déterminé par l’institution compétente de l’Etat de résidence): le télétravail transfrontalier jusqu’à 25% (au maximum 24.9%) est possible sans impact sur les assurances sociales.

 

Détachement en cas de télétravail temporaire à plein temps dans un Etat de l’UE ou de l’AELE

Les Etats appliquant les règles européennes de coordination se sont mis d’accord pour interpréter les dispositions relatives au détachement de manière à ce qu’un détachement en vertu de l’art. 12 du règlement (CE) nº 883/2004 soit également possible en cas de télétravail temporaire et ponctuel à plein temps (100% du temps de travail). Dès lors, un employeur suisse peut détacher un salarié pour télétravailler dans un Etat de l’UE resp. de l’AELE, peu importe à l’initiative de qui le télétravail transfrontalier est effectué, pour autant qu’il ait été convenu entre l’employé et l’employeur. Peu importe également que le télétravail transfrontalier temporaire soit motivé par des raisons professionnelles ou privées.

Si les conditions du détachement sont remplies et que le télétravail transfrontalier ne dépasse pas la durée maximale de 24 mois, un détachement est p. ex. possible dans les situations suivantes :

  • prise en charge de proches à l’étranger ;
  • raisons médicales ;
  • fermeture des bureaux pour rénovation ;
  • télétravail depuis une destination de vacances.

Les demandes d’attestation A1 sont à adresser par l’employeur suisse à la caisse de compensation AVS compétente, qui traite la demande selon la procédure habituelle prévue pour des détachements.

Aucune prolongation au-delà de 24 mois du détachement en cas de télétravail transfrontalier temporaire n’est acceptée.

 

 

En résumé (commentaires personnels) :

  • Lorsque le siège de l’employeur et le domicile de l’employé se trouvent dans un pays qui a signé le nouvel accord, le télétravail est possible jusqu’à 49,9% du temps de travail.
  • Lorsque le siège de l’employeur ou le domicile de l’employé se trouve dans un pays qui n’a pas signé le nouvel accord, le télétravail est possible jusqu’à 24,9% du temps de travail.
  • La communication de l’OFAS concerne uniquement la sécurité sociale et n’englobe pas le droit en matière de fiscalité.

 

Communication de l’OFAS consultable ici (dernière modification le 15.05.2023)

Texte de l’accord et mémorandum explicatif disponibles ici (en anglais ; état au 15.05.2023)

Neue Vereinbarung ab dem 1. Juli 2023: Kein Zuständigkeitswechsel im Bereich der Sozialversicherungen bei Telearbeit unter 50% in bestimmten Staaten (Stand am 15.05.2023; hier verfügbar)

Nuovo accordo a partire dal 1° luglio 2023: nessuna modifica di competenza in materia di assicurazioni sociali in caso di telelavoro inferiore al 50% in alcuni Stati (al 15.05.2023; disponibile qui)

 

 

9C_24/2023 (f) du 17.04.2023 – Restitution de prestations indûment perçues – Refus d’une remise de l’obligation de restituer en l’absence de bonne foi – 35a LPP / Omission d’annoncer la reprise d’une activité – Demande de restitution alors que l’assuré est désormais retraité

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_24/2023 (f) du 17.04.2023

 

Consultable ici

 

Restitution de prestations indûment perçues – Refus d’une remise de l’obligation de restituer en l’absence de bonne foi / 35a LPP

Omission d’annoncer la reprise d’une activité – Demande de restitution alors que l’assuré est désormais retraité

 

Par décision du 08.12.2015, l’office AI a supprimé la rente d’invalidité dont bénéficiait l’assuré avec effet rétroactif au 01.06.2006. Le principe de la suppression a été confirmé par les instances cantonale et fédérale de recours (cf. arrêt 9C_107/2017 du 8 septembre 2017).

Par décision du 22.12.2015, l’office AI a réclamé à l’assuré le remboursement de la somme de 179’524 fr. représentant les prestations versées à tort du 01.12.2010 au 31.10.2015. L’assuré a déféré cette décision au tribunal cantonal, en concluant à son annulation. Parallèlement, il a conclu à la remise de l’obligation de restituer la somme de 179’524 fr., subsidiairement à hauteur de 167’315 fr. Par arrêt du 06.11.2018, confirmé par le Tribunal fédéral (cf. arrêt 9C_16/2019 du 25 avril 2019), la juridiction cantonale a rejeté le recours dirigé contre la restitution et contre la remise de l’obligation de restituer.

Dans le cadre de la prévoyance professionnelle obligatoire des chômeurs, la Fondation institution supplétive a accordé à l’assuré des rentes d’invalidité dès le 01.02.2002. Par lettre du 17.12.2015, l’institution supplétive a supprimé avec effet immédiat le droit à la rente d’invalidité, ajoutant qu’elle lui demanderait le remboursement des rentes perçues à tort depuis le 01.06.2006. Le 13.01.2016, elle a requis de l’assuré le remboursement de 82’940 fr. et 12’163 fr. 07, correspondant à des prestations indument versées à partir du 01.01.2011.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1009/2022 – consultable ici)

Le 26.04.2021, l’institution supplétive a saisi la Cour cantonale d’une action en justice, en concluant à ce que l’assuré fût condamné à lui verser le montant de 93’107 fr. 07 avec intérêts à 5% l’an dès le 13.02.2016, et à ce que l’opposition qu’il avait formée au commander de payer du 18.12.2020 fût écartée.

Par jugement du 21.11.2022, admission partielle de la demande par le tribunal cantonal, condamnant l’assuré à payer à l’institution supplétive le montant de 93’103 fr. 07 et prononçant la mainlevée définitive de l’opposition au commandement de payer à concurrence de ce montant.

 

TF

Consid. 2.2
Se référant au litige qui avait opposé l’assuré à l’office AI, l’autorité cantonale a rappelé que ledit office avait supprimé la rente d’invalidité avec effet rétroactif au 01.06.2006, car l’assuré disposait d’une capacité de travail entière dès cette date dans toute activité et avait exercé une activité professionnelle depuis décembre 2000 sans l’avoir annoncée, violant ainsi son obligation de renseigner. Comme une rente de la prévoyance professionnelle obligatoire dépend et suit l’allocation d’une rente AI, l’institution supplétive était fondée à supprimer la rente de la prévoyance professionnelle, dès lors que l’évaluation de l’office AI, confirmée par les instances de recours cantonale et fédérale, n’était à l’évidence pas insoutenable. L’assuré était par conséquent tenu de restituer les sommes perçues sans cause juridique valable.

En ce qui concerne la remise de l’obligation de restituer, l’instance cantonale a retenu, en renvoyant à l’arrêt du Tribunal fédéral du 25 avril 2019 (9C_16/2019), que l’assuré avait non seulement omis d’annoncer qu’il avait repris une activité, mais qu’il avait de plus nié exercer une activité accessoire dans les questionnaires de révision de 2006, 2011 et 2014. L’intéressé ne devait pas ignorer que l’exercice d’une activité, quelle qu’elle fût, était susceptible d’entraîner une nouvelle appréciation de ses capacités de travail et de gain, pouvant le cas échéant aboutir à une modification de la rente. L’obligation d’annoncer valait tout particulièrement en raison de ses attributions légales d’associé gérant présidant d’une société. En taisant l’exercice de telles activités, sa négligence avait revêtu un caractère de gravité suffisante pour exclure la bonne foi. Pareille conclusion s’imposait aussi dans la présente procédure concernant les rentes d’invalidité de la prévoyance professionnelle.

Consid. 3.1
L’assuré se prévaut d’une violation du principe de non-rétroactivité de lois. Il fait observer qu’il avait atteint l’âge légal de la retraite le 10.02.2021 et son épouse le 09.02.2022, si bien que leurs revenus de retraités ont diminué sensiblement. Il en déduit qu’en le condamnant à restituer des rentes d’invalidité versées durant plusieurs années avant son départ à la retraite, il serait confronté à une rétroactivité d’autant plus excessive qu’il se trouverait dans l’impossibilité de mettre à disposition les sommes réclamées, compte tenu de ses faibles revenus et de son absence de fortune. A son avis, il aurait fallu qu’il sache, au moment où les rentes d’invalidité lui avaient été versées, que leur remboursement pourrait lui être réclamé bien des années après; ceci l’aurait conduit à chercher une autre source de revenu, ce qu’il n’a pas eu l’opportunité de faire.

Consid. 3.2
Contrairement à ce que soutient l’assuré, on ne se trouve pas dans un litige concernant l’application d’une règle de droit à des faits survenus avant son entrée en vigueur. La présente affaire porte uniquement sur la restitution de prestations indûment perçues, ainsi que sur le refus d’une remise de l’obligation de restituer en l’absence de bonne foi, soit sur un cas d’application de l’art. 35a LPP dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2020, à l’époque des faits.

S’agissant de l’obligation de restituer et quoi qu’en dise l’assuré, il devait savoir, à l’époque où il avait violé son obligation d’annoncer, qu’il pourrait être appelé à restituer les rentes en cause, puisqu’elles avaient été obtenues de façon indue. Dès lors qu’il rétablit l’ordre légal en condamnant l’assuré à rembourser le montant de 93’103 fr. 07, l’arrêt attaqué est conforme au droit.

Quant à la remise de cette obligation de restituer, les juges cantonaux ont également refusé à juste titre de l’accorder, puisque la condition de la bonne foi de l’assuré faisait à l’évidence défaut.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_24/2023 consultable ici

 

8C_419/2022 (f) du 06.04.2023 – Violation lors de la conclusion du contrat d’assurance LAA du devoir de conseil de l’assurance-accidents et de son conseiller – 27 LPGA / Principe de la protection de la bonne foi – 9 Cst.

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_419/2022 (f) du 06.04.2023

 

Consultable ici

 

Couverture d’assurance d’une métairie / 1a LAA – 1 OLAA

Obligation d’assurance / 59 al. 2 LAA – 68 LAA

Portée du devoir de conseils de l’assureur social lors de la conclusion du contrat d’assurance LAA – Principe de la protection de la bonne foi / 27 al. 2 LPGA – 9 Cst.

Violation du devoir de conseil de l’assurance-accidents et de son conseiller / 27 LPGA

 

Madame A.__, titulaire d’une autorisation de tenir un établissement public, a exploité depuis le 01.05.2017, avec son époux Monsieur B.A.__, la Métairie. Le 28.06.2017, Madame A.__ a rempli et signé, avec l’aide de E.__, collaborateur de l’assurance-accidents divers documents (proposition pour la conclusion d’une assurance-accidents LAA, demande d’adhésion de raison individuelle/d’indépendant auprès de GastroSocial pour l’exploitation de la Métairie). Le 19.10.2017, l’assurance-accidents a adressé à Madame A.__ la police relative à l’assurance-accidents obligatoire LAA et complémentaire LAA, correspondant à la proposition d’assurance signée le 28.06.2017.

Le 23.08.2018, vers 14h30, Monsieur B.A.__ a été victime d’un accident mortel alors qu’il avait quitté la Métairie au volant d’un tracteur agricole prêté par un entrepreneur forestier de la région afin de couper un arbre. Il ressort des témoignages du chef cuisinier de la Métairie, et de G.__, berger, que feu Monsieur B.A.__ avait aidé pour le service d’un banquet le jour même jusqu’à 14h30 au restaurant de la Métairie, avant d’aller couper du bois pour une manifestation qu’il organisait le week-end suivant au restaurant. Par déclaration d’accident Madame A.__ a annoncé l’accident et le décès de son époux à l’assurance-accidents. Sous les rubriques « profession exercée » et « place de travail habituelle », il était indiqué « berger », respectivement « pâturage – forêt ». Le formulaire mentionnait en outre que la victime était engagée par contrat de durée déterminée depuis le 01.05.2017 par Madame A.__, Métairie de C.__, au taux de 100% à raison de 43,5 heures par semaine.

Par décision du 08.02.2021, l’assurance-accidents a refusé de prendre en charge l’événement du 23.08.2018. Madame A.__ a formé opposition contre cette décision, tout comme la Caisse supplétive. Par décision sur oppositions du 11.06.2021, l’assurance-accidents a rejeté les oppositions, considérant en substance que Monsieur B.A.__ exerçait la profession de berger à titre indépendant et que le fait qu’il ait aidé au restaurant le jour de l’accident ne constituait qu’un simple coup de main insuffisant pour créer une relation de travail. Si l’on devait considérer que le défunt exerçait une activité dépendante, il n’était pas couvert par la police d’assurance conclue avec l’assurance-accidents qui, selon la proposition d’assurance signée le 28.06.2017, assurait uniquement le personnel d’un hôtel-restaurant à la campagne et non l’activité de berger ou de bûcheron. L’assurance-accidents a également contesté le défaut de renseignement de son conseiller E.__.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 87/21 – 55/2022 – consultable ici)

Par jugement du 19.05.2022, admission des recours de Madame A.__ et de la Caisse supplétive par le tribunal cantonal, les conséquences de l’accident du 23.08.2018 devant être pris en charge par l’assurance-accidents.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 1a al. 1 let. a LAA, sont assurés à titre obligatoire contre les accidents les travailleurs occupés en Suisse. Aux termes de l’art. 1 OLAA, est réputé travailleur selon l’art. 1a al. 1 LAA quiconque exerce une activité lucrative dépendante au sens de la législation fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants. De manière générale, la jurisprudence considère comme tel la personne qui, dans un but lucratif ou de formation et sans devoir supporter de risque économique propre, exécute durablement ou provisoirement un travail pour un employeur, auquel il est plus ou moins subordonné (ATF 144 V 411 consid. 4.2; 115 V 55). Ce sont donc avant tout les personnes au bénéfice d’un contrat de travail au sens des art. 319 ss CO ou qui sont soumises à des rapports de service de droit public qui sont ici visées. Dans le doute, la qualité de travailleur doit être déterminée, de cas en cas, à la lumière de l’ensemble des circonstances de l’espèce, notamment au regard de l’existence d’une prestation de travail, d’un lien de subordination et d’un droit au salaire sous quelque forme que ce soit (arrêts 8C_611/2019 du 11 mai 2020 consid. 3.1 et les références; 8C_538/2019 du 24 janvier 2020 consid. 2.3 et les références, in SVR 2020 UV n° 22 p. 85).

En cas d’accident professionnel, il incombe à l’assureur auprès duquel le travailleur était assuré au moment où est survenu l’accident d’allouer les prestations (art. 77 al. 1, première phrase, LAA).

Consid. 3.2.1
L’assurance-accidents est gérée, selon les catégories d’assurés, par la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (CNA) ou par d’autres assureurs autorisés et par une caisse supplétive gérée par ceux-ci (art. 58 LAA). Selon l’art. 68 al. 1 LAA, les personnes que la CNA n’a pas la compétence d’assurer doivent être assurées contre les accidents par une entreprise d’assurance privée soumise à la loi fédérale sur la surveillance des assurances (LSA), par une caisse publique d’assurance-accidents ou par une caisse-maladie au sens de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal). L’employeur doit veiller à ce que les travailleurs qu’il emploie soient assurés auprès d’un des assureurs désignés à l’art. 68 LAA (art. 69 al. 1, première phrase, LAA). Si un travailleur soumis à l’assurance obligatoire n’est pas assuré au moment où survient un accident, la caisse supplétive lui alloue les prestations légales d’assurance (art. 59 al. 3 LAA; cf. art. 73 al. 1 LAA).

Consid. 3.2.2
Alors que, dans l’assurance obligatoire, le rapport d’assurance avec la CNA est fondé sur la loi (art. 59 al. 1 LAA), le rapport d’assurance avec les autres assureurs est fondé sur un contrat passé entre l’employeur et l’assureur ou sur l’appartenance à une caisse résultant des rapports de travail (art. 59 al. 2 LAA). Aussi bien les entreprises d’assurance que les caisses maladies autorisées à pratiquer l’assurance-accidents au sens de l’art. 68 LAA agissent comme détentrices de la puissance publique, puisque la loi leur donne la compétence de rendre des décisions. Un tel pouvoir leur confère la possibilité de conclure des contrats d’assurance avec des employeurs et de réglementer des questions qui relèvent du droit public. Ces contrats peuvent être librement qualifiés de contrats spéciaux de droit public selon la LAA, qui ne sont liés ni aux règles de la LCA ni à celles de la LAMal. Dans la mesure où la LAA et son ordonnance d’exécution règlent l’assurance-accidents obligatoire de manière très détaillée, il ne reste que peu de place à l’autonomie contractuelle des parties. Les assureurs désignés à l’art. 68 LAA sont ainsi tenus d’établir conjointement un contrat-type – soumis à l’approbation du Conseil fédéral – contenant les clauses qui doivent obligatoirement figurer dans tout contrat d’assurance (art. 59a al. 1 et 3 LAA; sur le tout: arrêt 8C_44/2019 du 19 mai 2020 consid. 3.3).

Consid. 3.2.3
Selon l’art. 92 LAA, les assureurs fixent les primes en pour-mille du gain assuré (al. 1, première phrase). En vue de la fixation des primes pour l’assurance des accidents professionnels, les entreprises sont classées dans l’une des classes du tarif des primes et, à l’intérieur de ces classes, dans l’un des degrés prévus; le classement tient compte de la nature des entreprises et de leurs conditions propres, notamment du risque d’accidents et de l’état des mesures de prévention; les travailleurs d’une entreprise peuvent être classés par groupe, dans des classes et degrés différents (al. 2). Il n’y a pas de nécessité légale d’établir des polices distinctes pour des établissements exploités par le même employeur, puisque l’art. 92 LAA permet de classer les travailleurs d’une entreprise par groupe, dans des classes et degrés différents, de manière à appliquer des taux de primes nets différents en fonction des différentes classes de risque (arrêt 8C_44/2019 précité, consid. 3.4 et 4.2.2).

 

Consid. 4.1
L’art. 27 LPGA prévoit que dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs et les organes d’exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1) et que chacun a le droit d’être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations (al. 2, première phrase).

Consid. 4.2
Le devoir de conseils de l’assureur social au sens de l’art. 27 al. 2 LPGA comprend l’obligation d’attirer l’attention de la personne intéressée sur le fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l’une des conditions du droit aux prestations (ATF 139 V 524 consid. 2.2; 135 V 339; 131 V 472 consid. 4.3). Les conseils ou renseignements portent sur les faits que la personne qui a besoin de conseils doit connaître pour pouvoir correctement user de ses droits et obligations dans une situation concrète face à l’assureur. Le devoir de conseils s’étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique. Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l’assuré, telle qu’elle est reconnaissable pour l’administration (arrêt 9C_145/2019 du 29 mai 2019 consid. 4.3.1 et les références).

Consid. 4.3
Selon la jurisprudence, le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l’assureur, est assimilé à une déclaration erronée de sa part qui peut, à certaines conditions, obliger l’autorité à consentir à un administré un avantage auquel il n’aurait pas pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi découlant de l’art. 9 Cst. Un renseignement ou une décision erronés de l’administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (a) l’autorité soit intervenue dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées, (b) qu’elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (c) que l’administré n’ait pas pu se rendre compte immédiatement (« ohne weiteres ») de l’inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu’il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour (d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (e) que la réglementation n’ait pas changé depuis le moment où l’assurance a été donnée. Ces principes s’appliquent par analogie au défaut de renseignement, la condition (c) devant toutefois être formulée de la façon suivante: que l’administré n’ait pas eu connaissance du contenu du renseignement omis ou que ce contenu était tellement évident qu’il n’avait pas à s’attendre à une autre information (ATF 143 V 341 consid. 5.2.1; 131 V 472 consid. 5).

 

Consid. 6.2.1
L’assurance-accidents reproche aux juges cantonaux d’avoir violé l’art. 1a al. 1 LAA en retenant que feu Monsieur B.A.__, qui exerçait une activité indépendante, était assuré à titre obligatoire auprès d’elle.

Consid. 6.2.2
Il est vrai que la cour cantonale a considéré qu’il était vraisemblable que les époux A.__ fussent tous les deux indépendants mais elle a laissé la question du statut de feu Monsieur B.A.__ ouverte, dès lors qu’il eût incombé à l’assurance-accidents d’instruire cette question avant de conclure le contrat d’assurance-accidents avec son employeur et de percevoir des primes. Cela étant, il appert que soit Monsieur B.A.__ avait un statut de salarié et la question de savoir si l’art. 1a al. 1 LAA a été violé ne se pose pas, soit il avait une activité indépendante et dans ce cas, il eût incombé à l’assurance-accidents de déterminer le statut de ce dernier et de renseigner correctement Madame A.__ à ce propos avant de signer la proposition d’assurance. Or l’assurance-accidents n’a non seulement pas renseigné Madame A.__, admettant implicitement que feu Monsieur B.A.__ avait un statut de salarié, mais elle n’a pas non plus réagi lorsque Madame A.__ lui avait indiqué qu’elle-même, en tant qu’indépendante, était la seule à ne pas être couverte par l’assurance, confortant ainsi cette dernière dans le fait que son mari était assuré en tant que salarié. Dès lors que c’est en vertu du principe de la bonne foi que la cour cantonale a considéré que feu Monsieur B.A.__ était assuré à titre obligatoire auprès de l’assurance-accidents au moment de son accident, elle n’a pas violé l’art. 1a LAA en parvenant à cette conclusion.

 

Consid. 6.3.3
L’assurance-accidents ne démontre pas en quoi l’appréciation juridique des faits par la cour cantonale serait erronée. En particulier, elle ne discute pas le fait que l’information selon laquelle la couverture d’assurance ne concernait que le personnel de la restauration n’avait pas été donnée à Madame A.__, se contentant d’exposer sa propre appréciation de la situation en affirmant que son conseiller informait toujours (de manière générale) les employeurs qu’une activité agricole devait être assurée de manière séparée. Outre le fait que le témoignage de son conseiller sur ce point n’est corroboré par aucune pièce au dossier, on notera qu’il est en contradiction avec le fait que l’assurance-accidents prétend – à tort comme on le verra ci-après – ne pas avoir eu connaissance du fait que feu Monsieur B.A.__ exerçait aussi une activité agricole. En outre, l’assurance-accidents ne discute pas le fait que son conseiller aurait dû renseigner correctement Madame A.__, non pas de manière générale, mais dans le cas concret, au sujet de la couverture d’assurance. Elle ne peut pas se dédouaner de ses responsabilités en se référant simplement aux termes de la proposition pour la conclusion d’une assurance signée par les parties le 28.06.2017, laquelle est très sommaire. Dès lors qu’il est venu sur les lieux et qu’il n’y avait que trois employés, le conseiller de l’assurance-accidents aurait pu s’enquérir du cahier des charges de ces trois employés s’il entendait d’emblée exclure certaines activités de la couverture d’assurance. L’assurance-accidents a cependant encaissé des primes pour trois employés dont deux au moins exerçaient des activités de type « agricole ». Même si elle n’entendait assurer que la partie « restauration », l’assurance-accidents savait que l’employeur était une métairie – ce qui figure même sur la police d’affiliation -, soit, dans le Jura suisse, une ferme de montagne offrant un service de restauration à côté de l’exploitation agricole. Elle ne pouvait ainsi pas ignorer que Madame A.__ souhaitait assurer son personnel pour toutes les activités de la Métairie et devait dès lors attirer son attention sur la limitation de la couverture d’assurance en mentionnant expressément que les activités de type « agricole » étaient exclues et/ou en lui proposant une assurance complémentaire ou dans une autre classe de risque.

Consid. 6.3.4
Quant à la comparaison avec l’arrêt 8C_44/2019, elle est tout à fait pertinente dans le cas d’espèce, quoi qu’en dise l’assurance-accidents. En effet, le Tribunal fédéral y constate qu’il n’y a pas de nécessité légale d’établir des polices distinctes pour des établissements exploités par le même employeur, puisque l’art. 92 LAA permet de classer les travailleurs d’une entreprise par groupe, dans des classes et degrés différents, de manière à appliquer des taux de primes nets différents en fonction des différentes classes de risque. A plus forte raison n’y avait-il aucune nécessité d’établir des polices distinctes pour chaque groupe de risque en l’espèce, dès lors qu’il n’était question que d’un seul établissement et que celui-ci ne comptait que trois employés au total. Par ailleurs, il appartenait à l’assurance-accidents et non à Madame A.__ d’identifier les différents types de risques propres à une entreprise telle qu’une métairie. Certes, c’est le terme « auberge » qui figurait sur la proposition pour la conclusion d’une assurance-accidents LAA et/ou assurance-accidents complémentaire à la LAA de GastroSocial, mais la demande d’adhésion de raison individuelle/d’indépendant auprès de GastroSocial indiquait « gestion d’une métairie » sous la description de l’activité et les polices d’assurance-accidents obligatoire LAA correspondant aux propositions d’assurance signées entre Madame A.__ et l’assurance-accidents le 28.06.2017 mentionnaient que l’employeur était une métairie. Il ne pouvait dès lors pas échapper à l’assurance-accidents, respectivement à son conseiller, que le contrat d’assurance-accidents obligatoire couvrait la Métairie et que si l’assurance-accidents entendait limiter sa couverture aux seules activités de restauration et d’hôtellerie, il lui appartenait d’attirer expressément l’attention de Madame A.__ à ce sujet, comme le commandait son obligation de renseigner découlant de l’art. 27 LPGA. Comme on l’a vu ci-dessus, le contenu de l’obligation de renseigner dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l’assuré, telle qu’elle est reconnaissable pour l’administration. Or au moment de la proposition d’assurance, le conseiller de l’assurance-accidents disposait de suffisamment d’éléments (visite des lieux, pièces au dossier) qui auraient dû le conduire à reconnaître que Madame A.__ se trouvait dans une situation dans laquelle ses employés risquaient de perdre un droit aux prestations.

 

Consid. 6.4.2
Selon les constatations de fait de l’arrêt attaqué, Madame A.__ avait indiqué lors d’un entretien téléphonique du 12.11.2018 avec l’assurance-accidents que feu son époux avait une activité de berger mais également de cuisinier. Par courrier du 19.02.2019 adressé à l’assurance-accidents, Madame A.__ avait indiqué que son époux était assuré en qualité de restaurateur, activité qu’il exerçait en premier lieu à 90%, l’activité de berger ne représentant que 10% de son temps de travail, précisant que la (seule) mention de berger dans la déclaration d’accident était une erreur, due au choc émotionnel après sa disparition et que G.__ avait été engagé dans le but d’accomplir les tâches relatives à l’activité de berger; elle a en outre mentionné que le fait d’aller chercher du bois entrait dans le cahier des charges usuel d’un tenancier de métairie afin de pourvoir au chauffage et à l’eau chaude du bâtiment dans lequel étaient reçus les clients.

Consid. 6.4.3
Contrairement à ce qu’affirme l’assurance-accidents, les déclarations de Madame A.__ ne sont pas contradictoires entre elles puisque l’exploitation d’une métairie impliquait précisément de s’occuper à la fois des animaux, de l’entretien du bâtiment, du nettoyage du terrain autour de la bâtisse ainsi que de la restauration et de l’hébergement et que Madame A.__ s’était entourée de trois employés pour la seconder dans ces diverses activités, soit d’un cuisinier, d’un berger et de feu son mari, lequel était à la fois berger et tenancier de restaurant. C’est donc à juste titre que la cour cantonale a retenu que feu Monsieur B.A.__ exerçait – pas seulement mais aussi – l’activité de restaurateur.

 

Consid. 6.5.2
La question de savoir si une personne doit être considérée comme étant de condition salariée ou indépendante et, partant, si elle est couverte par l’assurance-accidents contractée par son employeur ne se pose pas seulement au moment de la survenance d’un cas d’assurance, mais déjà lorsqu’il s’agit de déterminer quel organisme d’assurance est compétent pour percevoir des primes. Comme le montre précisément le présent cas, les assureurs-accidents ne peuvent pas compter sur le fait que la couverture des travailleurs au service d’un employeur peut toujours être vérifiée dans le cadre d’un accident concret. Une clarification précoce de la couverture d’assurance n’est pas seulement dans l’intérêt du bon fonctionnement de la sécurité sociale, elle est également nécessaire pour garantir aux employeurs et aux travailleurs concernés une sécurité juridique aussi optimale que possible (cf. arrêt 8C_475/2009 du 22 février 2010 consid. 5.2).

Consid. 6.5.3
En l’espèce, il ressort des constatations de fait de la juridiction cantonale que dans une demande d’adhésion de raison individuelle/d’indépendant au 2e pilier auprès de GastroSocial signée par Madame A.__ le 28.06.2017 et dont copie a été reçue par l’assurance-accidents le 04.07.2017, il était mentionné sous « Décrivez brièvement votre activité »: « gestion d’une métairie »; il y était également indiqué que feu Monsieur B.A.__ était le partenaire de l’employeuse et qu’il travaillait dans l’exploitation de sa conjointe. L’assurance-accidents ne saurait dès lors prétendre qu’elle ne savait pas que l’époux de Madame A.__ travaillait dans l’entreprise et qu’il faisait ainsi partie des trois employés de la Métairie. Si l’assureur avait eu le moindre doute quant au statut d’employé de ce dernier, il aurait dû en informer l’employeuse qui aurait pu prendre d’autres dispositions pour assurer son mari contre le risque d’accident, comme elle avait dû le faire pour elle-même.

Étant donné que l’assurance-accidents avait connaissance, sur la base des documents en sa possession et de la visite des lieux par l’un de ses conseillers, du champ d’activités de l’entreprise qui lui était assujettie, on pouvait exiger d’elle qu’elle renseigne l’employeuse sur le fait que la couverture d’assurance-accidents était limitée à la seule activité de restauration, à l’exclusion de toute activité agricole. Cela était d’autant plus exigible de sa part que dans le cas d’espèce, l’entreprise n’employait que trois personnes et qu’il était aisé de s’enquérir précisément de leurs activités respectives. Ne l’ayant pas fait, elle a violé son devoir de conseil. En raison du comportement de l’assurance-accidents, Madame A.__ a pu croire qu’il existait une couverture d’assurance auprès de l’assurance-accidents en ce qui concernait feu son époux, et elle n’avait aucune raison de supposer que ce dernier était en réalité exclu de cette assurance pour la partie « agricole » de son activité. La disposition préjudiciable de Madame A.__ consiste dans le fait qu’elle a employé feu Monsieur B.A.__ dans la Métairie sans avoir la garantie d’une couverture d’assurance. Aucun élément fiable du dossier ne permet de conclure qu’elle aurait fait preuve de négligence en matière d’assurance et n’aurait pas cherché une solution d’assurance auprès d’un autre assureur ou demandé une assurance facultative, comme elle l’avait fait pour elle-même, si elle ne s’était pas fiée à la compétence du conseiller de l’assurance-accidents. En résumé, il apparaît donc que les conditions d’une invocation de la protection de la bonne foi sont remplies.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_419/2022 consultable ici

 

9C_457/2022 (f) du 03.04.2023 – Conditions pour révision procédurale de décision entrée en force – 53 al. 1 LPGA / Délais applicables en matière de révision – Délai de péremption absolu de 10 ans – 55 al. 1 PA – 67 al. 1 PA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_457/2022 (f) du 03.04.2023

 

Consultable ici

 

Conditions pour révision procédurale de décision entrée en force / 53 al. 1 LPGA

Délais applicables en matière de révision – Délai de péremption absolu de 10 ans / 55 al. 1 PA – 67 al. 1 PA

 

Assuré a déposé une première demande de prestations de l’assurance-invalidité le 12.10.2004. Dans le cadre de l’instruction de cette demande, l’office AI a notamment mis en œuvre une expertise psychiatrique. Le 15.11.2007, l’office AI a, en se fondant sur les conclusions de l’expertise psychiatrique, nié le droit de l’assuré à des prestations de l’assurance-invalidité.

Par décision du 29.08.2013, l’office AI a rejeté la deuxième demande de prestations déposée par l’assuré en date du 10.05.2012. Il a constaté qu’il n’existait aucun fait médical nouveau depuis la décision du 15.11.2007.

Le 05.01.2021, l’assuré a déposé une troisième demande de prestations. Par décision du 02.09.2021, l’office AI a rejeté cette nouvelle demande.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 363/21 – 273/2022 – consultable ici)

Par jugement du 29.08.2022, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision du 02.09.2021 et renvoyant la cause à l’office AI pour qu’il complète l’instruction dans le sens des considérants puis rende une nouvelle décision.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 53 al. 1 LPGA, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l’assuré ou l’assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant.

Aussi, par analogie avec la révision des décisions rendues par les autorités judiciaires, l’administration est tenue de procéder à la révision (dite procédurale) d’une décision formellement passée en force lorsque sont découverts des faits nouveaux importants ou de nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant et qui sont susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 148 V 277 consid. 4.3 et la référence). La notion de faits ou moyens de preuve nouveaux s’apprécie de la même manière en cas de révision (dite procédurale) d’une décision administrative (art. 53 al. 1 LPGA), de révision d’un jugement cantonal (art. 61 let. i LPGA) ou de révision d’un arrêt du Tribunal fédéral fondée sur l’art. 123 al. 2 let. a LTF (qui correspond à l’ancien art. 137 let. b OJ et auquel s’applique la jurisprudence rendue à propos de cette norme, cf. ATF 144 V 245 consid. 5.1). La révision suppose la réalisation de cinq conditions:

  1. le requérant invoque un ou des faits;
  2. ce ou ces faits sont « pertinents », dans le sens d’importants (« erhebliche »), c’est-à-dire qu’ils sont de nature à modifier l’état de fait qui est à la base du jugement et à conduire à un jugement différent en fonction d’une appréciation juridique correcte;
  3. ces faits existaient déjà lorsque le jugement a été rendu: il s’agit de pseudo-nova (« unechte Noven »), c’est-à-dire de faits antérieurs au jugement ou, plus précisément, de faits qui se sont produits jusqu’au moment où, dans la procédure principale, des allégations de faits étaient encore recevables;
  4. ces faits ont été découverts après coup (« nachträglich »), soit postérieurement au jugement, ou, plus précisément, après l’ultime moment auquel ils pouvaient encore être utilement invoqués dans la procédure principale;
  5. le requérant n’a pas pu, malgré toute sa diligence, invoquer ces faits dans la procédure précédente (ATF 143 III 272 consid. 2.2; arrêt 8C_562/2020 du 14 avril 2021 consid. 3.2).

Consid. 3.2
S’agissant des délais applicables en matière de révision, l’art. 53 al. 1 LPGA n’en prévoit pas. En vertu du renvoi prévu par l’art. 55 al. 1 PA, sont déterminants les délais applicables à la révision de décisions rendues sur recours par une autorité soumise à la PA (ATF 143 V 105 consid. 2.1). A cet égard, l’art. 67 al. 1 PA prévoit un délai (de péremption) absolu de dix ans dès la notification de la décision sur recours (soit la décision soumise à révision; ATF 148 V 277 consid. 4.3). La jurisprudence a précisé que ce délai absolu de dix ans était aussi applicable lorsque la révision procédurale porte sur une décision de l’administration (ATF 140 V 514 consid. 3.3; arrêt 8C_377/2017 du 28 février 2018 consid. 7.2 et la référence).

Après dix ans, la révision ne peut être demandée qu’en vertu de l’art. 66 al. 1 PA (art. 67 al. 2 PA; ATF 140 V 514 consid. 3.3). Aux termes de cette disposition, l’autorité de recours procède, d’office ou à la demande d’une partie, à la révision de sa décision lorsqu’un crime ou un délit l’a influencée.

Consid. 3.3
Sur le vu des éléments qui précèdent, la demande de révision procédurale de la décision du 15.11.2007 devait être adressée par écrit à l’autorité qui a rendu la décision dans les 90 jours qui suivaient la découverte du motif de révision, mais au plus tard dix ans après la notification de la décision (art. 67 al. 1 PA en corrélation avec l’art. 55 al. 1 LPGA; arrêt 8C_434/2011 du 8 août 2011 consid. 3, in SVR 2012 UV n° 17 p. 63). En agissant le 05.01.2021, soit plus de 13 ans après la notification de la décision du 15.11.2007, l’assuré a agi tardivement. Il ne prétend par ailleurs pas qu’un crime ou un délit a influencé cette décision (révision « propter falsa », au sens de l’art. 66 al. 1 PA).

Dans ces conditions, le droit de demander la révision procédurale de la décision du 15.11.2007, fondée sur les irrégularités alléguées de l’expertise psychiatrique du 25.11.2005, était périmé au moment où l’assuré s’en est prévalu le 05.01.2021. Les conditions d’une révision procédurale au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA ne sont dès lors pas réalisées, sans qu’il y ait lieu de trancher les autres questions soulevées dans le recours.

Consid. 4
L’introduction du délai absolu de 10 ans de l’art. 67 al. 2 PA a pour double finalité de garantir la sécurité juridique et de faciliter le bon fonctionnement de l’administration, en stabilisant définitivement des rapports de droit après l’écoulement d’un certain temps, sans que cette durée ne puisse être prolongée. Aussi, après un délai de 10 ans, l’assuré ne saurait demander la révision procédurale de la décision du 15.11.2007 qui est entrée en force, ni la révision procédurale de la décision ultérieure du 29.08.2013 en raison d’éléments – l’expertise psychiatrique du 25.11.2005 – qui ont déjà fondé la décision du 15.11.2007.

A moins qu’il existe un motif de révision matérielle (art. 17 LPGA), l’autorité de la chose décidée interdit de recommencer la procédure qui a conduit à la décision du 15.11.2007 sur le même objet. Pour demander la révision procédurale de la décision du 29.08.2013, l’assuré devait invoquer, conformément aux exigences découlant de la sécurité du droit, des faits nouveaux importants ou des nouveaux moyens de preuve qui ne fondent pas déjà la décision du 15.11.2007. La répétition des moyens invoqués tardivement pour demander la révision de la décision du 15.11.2007 ne saurait par conséquent ouvrir la voie de la révision « propter nova » de la décision du 29.08.2013.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_457/2022 consultable ici

 

8C_254/2022 (f) du 03.02.2023 – Propulsion électrique pour fauteuil manuel – Moyens auxiliaires / Critères de simplicité et d’adéquation – Principe de la proportionnalité dans le cadre de l’assurance-accidents sociale – 11 al. 2 LAA – 1 al. 2 OMAA / Causalité naturelle et adéquate

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_254/2022 (f) du 03.02.2023

 

Consultable ici

 

Propulsion électrique pour fauteuil manuel – Moyens auxiliaires destinés à compenser un dommage corporel ou la perte d’une fonction / 11 LAA – OMAA

Critères de simplicité et d’adéquation – Principe de la proportionnalité dans le cadre de l’assurance-accidents sociale / 11 al. 2 LAA – 1 al. 2 OMAA

Octroi d’un moyen auxiliaire – Existence d’un lien de causalité (naturelle et adéquate) entre l’atteinte à la santé et l’accident / 6 LAA – 1 al. 1 OMAA

 

Assuré né en 1978 qui, le 26.09.2006, a été victime d’un accident de moto, provoquant une paraplégie complète au-dessous de la vertèbre D4, nécessitant la remise d’un fauteuil roulant manuel. Dès le 01.10.2007, l’assuré a progressivement repris le travail et a depuis lors occupé différents postes de juriste dans les secteurs privé et public. A l’heure actuelle, il exerce comme avocat indépendant et comme juge assesseur. Il est marié et père de deux enfants.

L’assurance-accidents a octroyé à l’assuré une rente d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 30% avec effet au 01.04.2012, mais lui a refusé une allocation pour impotent.

Par courrier du 25.03.2019, l’assuré a sollicité une allocation pour impotent en raison de problèmes rencontrés aux deux épaules. Par décision, l’assurance-accidents a, d’une part, refusé le droit à des prestations d’assurance LAA en lien avec les troubles aux deux épaules, et, d’autre part, a accordé une allocation pour impotent de degré faible à compter du 01.03.2019.

Le 24.02.2021, l’assuré a sollicité la prise en charge d’un système de traction électrique de type « Triride » d’une valeur de 8’961 fr. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a refusé la prise en charge d’un propulseur électrique à titre de moyen auxiliaire.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/297/2022 – consultable ici)

Par jugement du 30.03.2022, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 11 LAA, l’assuré a droit aux moyens auxiliaires destinés à compenser un dommage corporel ou la perte d’une fonction; le Conseil fédéral établit la liste de ces moyens auxiliaires (al. 1). Les moyens auxiliaires sont d’un modèle simple et adéquat; l’assureur les remet en toute propriété ou en prêt (al. 2). A l’art. 19 OLAA, le Conseil fédéral a délégué au Département fédéral de l’intérieur (DFI) la compétence de dresser la liste des moyens auxiliaires et d’édicter des dispositions sur la remise de ceux-ci. Ce département a édicté l’ordonnance du 18 octobre 1984 sur la remise de moyens auxiliaires par l’assurance-accidents (OMAA [RS 832.205.12]) avec, en annexe, la liste des moyens auxiliaires. Selon l’art. 1 OMAA, l’assuré a droit aux moyens auxiliaires figurant sur la liste en annexe, dans la mesure où ceux-ci compensent un dommage corporel ou la perte d’une fonction qui résulte d’un accident ou d’une maladie professionnelle (al. 1). Le droit s’étend aux moyens auxiliaires nécessaires et adaptés à l’atteinte à la santé, d’un modèle simple et adéquat, ainsi qu’aux accessoires indispensables et aux adaptations qu’exige l’atteinte à la santé; le nombre et les caractéristiques des moyens auxiliaires doivent répondre tant aux exigences de la vie privée qu’à celles de la vie professionnelle (al. 2). L’annexe à l’OMAA comprend notamment les fauteuils roulants sans moteur (ch. 9.01) ainsi que les fauteuils roulants à moteur électrique; ces derniers sont fournis si des assurés incapables de marcher ne peuvent pas utiliser un fauteuil roulant usuel par suite de paralysies ou d’autres infirmités des membres supérieurs et ne peuvent se déplacer de façon indépendante qu’en fauteuil roulant mû électriquement (ch. 9.02). Les dispositifs de propulsion électrique pour fauteuil manuel – comme celui litigieux en l’espèce – sont assimilés aux fauteuils roulants à moteur électrique (ATF 135 I 161 consid. 4; arrêt 8C_699/2013 du 3 juillet 2014 consid. 2.1). Le droit à ce moyen auxiliaire suppose donc que l’assuré ait besoin d’un fauteuil roulant, qu’il ne soit pas en mesure d’utiliser un fauteuil roulant usuel et qu’il ne puisse se déplacer de manière autonome qu’avec un fauteuil roulant électrique (arrêt 9C_543/2014 du 17 novembre 2014 consid. 5).

Consid. 3.2.1
Comme tout moyen auxiliaire, un fauteuil roulant à moteur électrique ou un dispositif assimilé doit répondre aux critères de simplicité et d’adéquation (art. 11 al. 2 LAA; art. 1 al. 2 OMAA). Ces critères, qui sont l’expression du principe de la proportionnalité, supposent d’une part que la prestation en cause soit propre à atteindre le but fixé par la loi et apparaisse nécessaire et suffisante à cette fin, et d’autre part qu’il existe un rapport raisonnable entre le coût et l’utilité du moyen auxiliaire, compte tenu de l’ensemble des circonstances de fait et de droit du cas particulier (ATF 141 V 30 consid. 3.2.1; 135 I 151 consid. 5.1; arrêt 8C_52/2016 du 8 avril 2016 consid. 3.1, in SVR 2016 UV n° 43 p. 142). Il découle de ces exigences que le droit à un fauteuil électrique est exclu pour les assurés qui peuvent se déplacer seuls en fauteuil roulant manuel, même dans les cas où un système électrique leur serait utile (ATF 140 V 538 consid. 5.2; cf. ATF 132 V 215 consid. 4.31 et les références). La remise de ce moyen est également exclue si la personne invalide ne peut pas utiliser seule le système de démarrage et de freinage électrique d’un fauteuil roulant (ATF 140 V 538).

Consid. 3.2.2
Selon la jurisprudence, l’existence d’une forte déclivité ou d’un emplacement inaccessible à un fauteuil roulant n’est pas en soi un motif suffisant pour admettre le droit à un dispositif de propulsion électrique car, le cas échéant, toute personne dépendante d’un fauteuil roulant pourrait prétendre à un tel dispositif. Une telle extension du droit n’est pas compatible avec le but consistant à accorder un fauteuil roulant électrique aux assurés qui ne peuvent pas utiliser un fauteuil roulant usuel par suite de paralysies ou d’autres infirmités des membres supérieurs et ne peuvent se déplacer de façon indépendante qu’en fauteuil mû électriquement (ch. 9.02 de l’annexe à l’OMAA). Bien que le chiffre 9.02 de l’annexe à l’OMAA indique qu’un assuré a droit à un fauteuil roulant électrique pour se « déplacer de façon indépendante », cela ne signifie pas que l’intéressé doit pouvoir circuler sur tous les terrains et dans tous les lieux possibles. Il ressort en effet du principe de la proportionnalité qu’un rapport raisonnable doit exister, dans le cadre de l’assurance-accidents sociale, entre le but visé, le bénéfice supposé apporté par le moyen auxiliaire en question et le coût de celui-ci. Dans ce contexte, les exigences de la vie privée et de la vie professionnelle (art. 1 al. 2 OMAA) font référence aux lieux les plus proches situés hors du domicile dans lesquels s’établissent les contacts sociaux habituels de la population (ATF 135 I 161 consid. 6; arrêts 9C_543/2014 du 17 novembre 2014 consid. 5; 8C_699/2013 du 3 juillet 2014 consid. 6.2; 9C_265/2012 du 12 octobre 2012 consid. 4.1; 8C_34/2011 du 13 septembre 2011 consid. 4.3, in SVR 2012 IV n° 20 p. 89). A cet égard, il est un fait notoire que, pour des raisons architecturales, de nombreux lieux publics ou privés ne sont pas ou que très difficilement accessibles aux personnes handicapées se déplaçant en fauteuil roulant (manuel ou électrique). Si cet état de fait est la source d’inconvénients certains, puisqu’il tend, en comparaison avec la situation des personnes valides, à restreindre l’autonomie et la qualité du contact social des personnes à mobilité réduite, la jurisprudence a également souligné que l’assurance sociale n’a pas pour mission d’assurer les mesures qui sont les meilleures dans le cas particulier, mais seulement celles qui sont nécessaires et propres à atteindre le but visé (ATF 131 V 167 consid. 4.2 et la référence citée; arrêts 8C_279/2014 du 10 juillet 2015 consid. 7.2, in SVR 2016 UV n° 3 p. 5; 9C_265/2012 du 12 octobre 2012 consid. 4.2; 8C_699/2013 du 3 juillet 2014 consid. 6.2; à propos de la discrimination à l’égard des personnes handicapées, voir ATF 134 I 105 consid. 5).

 

Consid. 4.3
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral exposée ci-dessus, un fauteuil roulant à moteur électrique ou un dispositif assimilé n’est octroyé qu’à titre exceptionnel (cf. consid. 3.2 supra). En l’espèce, il ressort des constatations de l’arrêt attaqué et des déclarations de l’assuré que celui-ci est toujours en mesure de se déplacer en fauteuil roulant manuel de manière indépendante, c’est-à-dire sans l’aide d’un tiers ou d’un appareil de traction électrique. En effet, il a déclaré lors de l’audition de comparution personnelle du 25.02.2022 qu’il pouvait se déplacer sur une distance d’environ un kilomètre sans avoir trop de problèmes aux épaules. Son étude se trouvait à environ un kilomètre de son domicile, de sorte qu’il pouvait s’y rendre en fauteuil roulant manuel, et l’école de ses enfants était à la même distance, sans montée. Il peut ainsi rejoindre sans l’aide d’autrui ses principaux lieux de contacts sociaux et professionnels, notamment son étude, les commerces et l’école de ses enfants, qui sont tous situés dans ce périmètre d’un kilomètre. Pour aller aux endroits de contacts sociaux réguliers plus éloignés, il dispose d’une voiture adaptée à son handicap. Certes, la remise de l’appareil de traction électrique lui éviterait dix transferts douloureux par semaine du fauteuil roulant à la voiture et vice-versa (mais pas les autres transferts inévitables dans la vie quotidienne mentionnés par la cour cantonale). L’assuré soutient (dans son mémoire de réponse) que ce dispositif lui éviterait dix transferts par jour, mais il ne démontre pas en quoi les constatations de fait de la cour cantonale seraient incorrectes. Il allègue en outre pas pouvoir se déplacer seul sur une distance de plus d’un kilomètre, ce qui aurait pour conséquence qu’il ne pourrait notamment pas se rendre sur son lieu de travail, « qui se situe à une distance de deux kilomètres aller-retour ». Ce faisant, il se met toutefois en contradiction avec ses propres dépositions devant les premiers juges, selon lesquelles il peut se rendre à son étude en fauteuil roulant manuel. Au vu des conditions strictes que pose la jurisprudence à l’octroi d’un dispositif de propulsion électrique (voire d’un fauteuil roulant à moteur électrique), la possibilité d’éviter certains transferts ne saurait justifier d’assimiler la nécessité de ménager les épaules à une impossibilité de se déplacer de manière autonome en fauteuil roulant manuel.

Concernant l’argument selon lequel le dispositif à traction électrique serait la seule mesure adéquate pour permettre à l’assuré de surveiller ses enfants lors de leurs sorties à l’extérieur, et qu’il serait ainsi à même d’assumer ses responsabilités de père dans les lieux de contacts sociaux habituels que sont notamment les parcs, l’assurance-accidents soutient, à juste titre, que cet élément sécuritaire justifierait alors l’octroi d’un dispositif de traction électrique à tout parent dépendant d’un fauteuil roulant et ce indépendamment de toute paralysie ou autre infirmité des membres supérieurs; ce dispositif ne servirait ainsi pas pour compenser une perte de fonction des membres supérieurs.

Il ressort des considérations de la cour cantonale que la remise du dispositif à traction litigieux est certes une solution idéale pour la situation de l’assuré, car elle facilite son quotidien et lui offre un confort maximal. Toutefois, dans son cas particulier, le but légal poursuivi, c’est-à-dire compenser la perte de fonction des jambes et lui offrir une mobilité autonome, peut déjà être atteint de manière adéquate et suffisante avec un fauteuil manuel et un véhicule automobile adapté. Dès lors, l’octroi du dispositif à propulsion électrique est en contradiction avec le principe selon lequel l’assurance sociale n’a pas pour mission d’assurer les mesures qui sont les meilleures, mais seulement celles qui sont nécessaires et propres à atteindre le but visé (ATF 135 I 161 consid. 5.1), et est ainsi contraire au droit fédéral.

 

Consid. 5.1
L’assurance-accidents avait également refusé le moyen auxiliaire sollicité au motif qu’il n’existait pas de lien de causalité entre les troubles aux épaules et l’accident du 26.09.2006. Elle s’était fondée sur sa décision du 28.10.2019, dans laquelle elle avait refusé le droit aux prestations de l’assurance-accidents pour les troubles aux épaules faute de lien de causalité avec l’évènement accidentel. Cependant, la cour cantonale a laissé ouverte la question de la causalité, considérant qu’elle n’était pas décisive pour juger du droit à un dispositif de propulsion électrique, mais qu’était déterminante la seule question de savoir si le moyen auxiliaire servait à compenser un dommage corporel ou une perte de fonction due à l’accident, soit en l’espèce l’usage des jambes.

Consid. 5.2
Il sied de rappeler que, comme toute autre prestation de l’assurance-accidents, l’octroi d’un moyen auxiliaire présuppose (entre autres) l’existence d’un lien de causalité (naturelle et adéquate) entre l’atteinte à la santé et l’évènement accidentel (cf. ATF 129 V 177 consid. 3). Cela ne ressort pas seulement de l’art. 6 al. 1 LAA, mais également de l’art. 1 al. 1 OMAA, qui exige que les moyens auxiliaires doivent servir à compenser un dommage corporel ou la perte d’une fonction résultant d’un accident ou d’une maladie professionnelle (cf. ATF 146 V 129 consid. 5.6). Comme le recours doit être admis déjà pour les raisons exposées ci-dessus, il n’est toutefois pas nécessaire d’examiner plus avant la question du lien de causalité.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_254/2022 consultable ici

 

Retrait EPL (encouragement à la propriété du logement) et installation solaire: précision de l’OFAS

Retrait EPL (encouragement à la propriété du logement) et installation solaire: précision de l’OFAS

 

Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 161 du 11.05.2023 consultable ici

 

Est-il admissible de financer par un retrait EPL une installation solaire dont la production de courant est supérieure à la consommation propre de la personne assurée ?

Dans le Bulletin de la prévoyance professionnelle N° 110 du 15 janvier 2009, il est indiqué au ch. 679 que l’installation de panneaux solaires produisant de l’électricité ou de l’eau chaude ou pour chauffer l’habitation peut être financée par un retrait anticipé.

Selon l’OFAS, une personne assurée est autorisée à utiliser une partie de son capital de prévoyance pour financer l’installation de panneaux solaires pour la production d’électricité destinée à couvrir ses propres besoins au sens de l’art. 4 al. 1 OEPL, c’est-à-dire en vue d’une utilisation par la personne assurée. Cela signifie qu’une installation de production d’électricité non destinée à la consommation ou à l’utilisation propre de la personne assurée ne peut être financée par des fonds provenant de la prévoyance professionnelle.

Cette appréciation confirme l’avis du législateur de limiter l’utilisation des capitaux de la prévoyance professionnelle au financement des besoins propres de la personne assurée et d’exclure tout financement d’investissements destinés à dégager un profit. En effet, de tels investissements ne s’inscriraient pas dans un but de prévoyance et seraient contraires au principe de l’encouragement à la propriété du logement.

Pour pouvoir financer l’installation de panneaux solaires par un retrait EPL, la personne assurée doit donc être en mesure de prouver à l’institution de prévoyance quelle part de l’électricité produite par cette installation servira à sa propre consommation.

 

Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 161 du 11.05.2023 consultable ici

 

Mitteilungen über die berufliche Vorsorge Nr. 161 (11.05.2023), WEF (Wohneigentumsförderung) und Solaranlagen: Präzisierung des BSV

 

Questions-réponses sur les modifications de la prévoyance professionnelle introduites par la réforme AVS 21 – Prise de position de l’OFAS

Questions-réponses sur les modifications de la prévoyance professionnelle introduites par la réforme AVS 21 – Prise de position de l’OFAS

 

Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 161 du 11.05.2023 consultable ici

LPP,  dans sa version au 01.01.2024, consultable ici et LFLP, dans sa version au 01.01.2024, consultable ici

 

 

La réforme AVS 21 entre en vigueur le 1er janvier 2024. Les effets de cette réforme sur la prévoyance professionnelle sont présentés ci-après sous forme de questions-réponses.

1. Le nouvel âge de référence de l’AVS s’applique-t-il aussi à la prévoyance professionnelle ?

Oui, le nouvel âge de référence de 65 ans pour les hommes et les femmes s’applique également dans la prévoyance professionnelle. L’âge de référence s’appliquant aux femmes de la génération transitoire sera relevé par étapes de trois mois par an dans les deux piliers. Ce relèvement commence un an après l’entrée en vigueur de la réforme, c’est-à-dire en 2025. À partir de 2028, l’âge de référence sera de 65 ans pour toutes et tous.

Les femmes nées en 1960 partiront à la retraite à 64 ans, alors que celles nées en 1964 seront les premières à travailler jusqu’à 65 ans.

Femmes nées en 1960 64 ans
Femmes nées en 1961 64 ans et 3 mois
Femmes nées en 1962 64 ans et 6 mois
Femmes nées en 1963 64 ans et 9 mois
Femmes nées en 1964 65 ans

 

2. Qu’est-ce qui change concrètement pour une personne âgée de 59 ans ?

Rien. La réforme flexibilise les conditions de départ à la retraite pour les personnes entre 63 et 70 ans uniquement. Une personne de 59 ans ne peut donc prendre une retraite anticipée que si le règlement de sa caisse de pension le prévoit, comme dans le droit actuel. Le droit à la perception anticipée des prestations ne prend naissance qu’à partir de 63 ans (voir question suivante).

Si elle souhaite baisser son taux d’occupation et que le règlement de son institution de prévoyance ne lui permet pas de percevoir sa prestation de vieillesse de manière anticipée, c’est le droit en vigueur qui s’applique : il n’est possible d’éviter un décompte équivalent à un cas de libre passage que lorsque le règlement de l’institution de prévoyance prévoit une réglementation au moins aussi favorable pour l’assuré ou tient compte de l’activité moyenne (art. 20 al. 2 LFLP).

De même, maintenir sa prévoyance au niveau du dernier gain assuré en versant des cotisations d’épargne jusqu’à l’âge de référence réglementaire n’est possible que si le règlement de l’institution de prévoyance le prévoit (art. 33a LPP).

3. Qu’est-ce qui change pour une personne de 63 ans ?

Grâce à la réforme, cette personne a désormais le droit de percevoir sa prestation de vieillesse de manière anticipée si elle ne veut plus travailler. Si la personne était auprès d’une institution de prévoyance qui ne prévoyait pas la retraite anticipée dans son règlement, elle a désormais le droit à une prestation de vieillesse.

Si cette personne baisse son taux d’occupation, elle n’est en outre pas obligée de retirer l’avoir correspondant. Celui-ci est conservé par l’institution de prévoyance et peut être perçu ultérieurement. Elle n’est donc plus tributaire des dispositions explicites du règlement de son institution de prévoyance.

 

4. Qu’est-ce qui change pour une personne qui aura 65 ans en 2024 ?

Cette personne atteindra l’âge de référence et aura donc le droit de percevoir sa prestation de vieillesse. Rien ne change donc par rapport au droit actuel.

Si la personne souhaite continuer à travailler après son 65e anniversaire, l’institution de prévoyance doit lui proposer d’ajourner sa prestation de vieillesse jusqu’à la cessation de son activité professionnelle, mais au plus tard jusqu’à son 70e anniversaire. Ajourner la perception de la totalité de la prestation de vieillesse est possible même en cas de réduction du taux d’occupation. Cependant, elle ne peut maintenir sa prévoyance en continuant à payer les cotisations correspondantes que si le règlement de son institution de prévoyance le prévoit (art. 33b LPP). Selon le droit en vigueur, la personne devrait percevoir sa prestation de vieillesse à 65 ans, si les dispositions règlementaires de son institution de prévoyance ne prévoient pas que la prestation de vieillesse ne prend naissance qu’à la fin de l’activité professionnelle.

 

5. Combien d’étapes pour le retrait partiel de la prestation le règlement de l’institution de prévoyance doit-il au moins proposer ?

Les institutions de prévoyance doivent offrir la possibilité de percevoir les prestations de vieillesse de manière anticipée à partir de 63 ans et en ajourner la perception jusqu’à 70 ans. Dans cet intervalle, elles doivent proposer l’option d’un passage progressif à la retraite en au moins trois étapes. Concrètement, les assurés doivent avoir la possibilité de percevoir leur prestation de vieillesse sous forme de rente en trois étapes.

Si le règlement autorise l’assuré à percevoir une prestation en capital en lieu et place d’une rente de vieillesse (art. 37 al. 4 LPP) et que l’assuré fait usage de cette possibilité, l’institution de prévoyance ne doit proposer que deux étapes supplémentaires.

 

6. Une institution de prévoyance peut-elle régler de façon plus précise la perception partielle de la prestation de vieillesse dans son règlement de prévoyance ?

Les institutions de prévoyance doivent proposer trois étapes de perception partielle de la rente de vieillesse entre 63 et 70 ans.

Les institutions de prévoyance ne peuvent pas subordonner les possibilités de retrait prévues légalement à d’autres conditions. Pour protéger les institutions de prévoyance, la loi prévoit que le premier retrait partiel doit représenter au moins 20% de la prestation de vieillesse. La forme sous laquelle l’avoir est perçu (rente ou capital) ne joue aucun rôle. L’institution de prévoyance peut autoriser un pourcentage minimal moins élevé.

L’assuré peut également demander que le quart de son avoir de vieillesse déterminant pour le calcul de la prestation de vieillesse effectivement touchée lui soit versé sous la forme d’une prestation en capital (art. 37 al. 2 LPP ; cf. question 7). L’institution peut fixer un délai déterminé que l’assuré doit respecter pour faire valoir son droit à une prestation en capital (art. 37 al. 4 LPP). Des règles supplémentaires sont seulement autorisées pour garantir une exécution raisonnable. En effet, il s’agit de ne pas restreindre davantage les droits des assurés.

Cependant, l’institution qui offre la possibilité de percevoir la prestation en plus de trois étapes peut prévoir des conditions s’appliquant aux étapes supplémentaires. La loi prévoit seulement que le capital peut être perçu en trois étapes au plus. De même, quand des retraits partiels sont déjà possibles à partir de 58 ans, l’institution de prévoyance peut fixer des règles particulières.

 

7. L’assuré a-t-il le droit de retirer son avoir sous forme de capital ?

Les institutions de prévoyance n’ont pas l’obligation de prévoir dans leur règlement un retrait en capital indépendant d’une rente de vieillesse, mais elles sont ensuite tenues de verser, à la demande de l’assuré, le quart de son avoir de vieillesse déterminant pour le calcul de la prestation de vieillesse effectivement touchée sous la forme d’une prestation en capital (art. 37 al. 2 LPP). L’OFAS estime toutefois que les institutions de prévoyance ne sont pas obligées, en cas de retrait de la rente de vieillesse en trois étapes, de verser à chaque étape un quart de l’avoir de vieillesse disponible en capital. Elles sont toutefois libres de le prévoir, tout comme elles peuvent autoriser trois retraits partiels en capital indépendamment d’une rente de vieillesse.

 

8. Comment procéder lorsqu’un assuré a plusieurs rapports de prévoyance liés au même employeur et souhaite percevoir une partie de sa rente de manière anticipée ?

Si une personne a plusieurs rapports de prévoyance dans le cadre d’un seul emploi, deux situations sont à différencier :

Si la personne continue après la retraite partielle à être assurée auprès de plusieurs institutions de prévoyance avec dans chacune une baisse du salaire assuré, le retrait partiel dans chaque institution de prévoyance doit au maximum être égal à la diminution de salaire.

Si la personne n’est plus assurée que dans un plan après la retraite partielle car elle ne remplit plus les conditions d’entrée dans l’autre/les autres institutions de prévoyance, elle devrait en principe percevoir intégralement les prestations de vieillesse de cette/ces institutions de prévoyance si elle a atteint l’âge de préretraite du règlement si elle le souhaite. Sinon, elle percevra la part de prestation de vieillesse correspondant à la baisse du salaire et la partie restante peut être versée auprès d’une fondation de libre passage ou auprès d’une autre institution de prévoyance à laquelle elle est assurée, si les dispositions réglementaires de celle-ci le permettent.

En ce qui concerne la caisse de base, du fait d’une baisse du taux d’activité, une perception des prestations de vieillesse à hauteur de la retraite partielle devrait avoir lieu en cas de baisse du salaire assuré à la demande de l’assuré.

En revanche, si le salaire assuré ne baisse pas dans la caisse de base (ou auprès d’une institution de prévoyance), car la baisse de salaire ne concerne qu’une caisse-cadre, nous sommes d’avis qu’aucune prestation de vieillesse ne doit être versée de la caisse de base. Il faut donc distinguer ce cas de celui où une personne n’est assurée qu’auprès d’une institution de prévoyance minimum LPP alors que son salaire AVS est bien plus élevé. Dans ce cas-là, les prestations de vieillesse correspondant à la baisse du salaire peuvent être versées.

 

9. Les institutions de prévoyance doivent-elles vérifier si l’assuré a plusieurs rapports de prévoyance et perçoit également des prestations à ce titre ?

A notre avis, si une personne a plusieurs employeurs, chacun des employeurs doit être considéré individuellement. Le salarié annonce son intention de prendre une retraite partielle à chaque employeur ou à un seul s’il le souhaite. Pour chaque employeur, l’institution de prévoyance sait si tout le salaire de cet employeur est assuré auprès d’elle ou si une partie de salaire est assurée auprès d’une autre institution de prévoyance. Elle peut donc facilement se coordonner avec l’autre/les autres institutions de prévoyance de l’employeur.

 

10. En cas de retraite anticipée partielle, l’institution de prévoyance peut-elle disposer dans son règlement que l’assuré quitte la caisse si le salaire restant est inférieur au seuil d’entrée ?

L’art. 13a al. 4 LPP permet à une institution de prévoyance de prévoir réglementairement que, si dans le cadre de la retraite partielle, le salaire restant est inférieur au seuil d’entrée de l’institution de prévoyance, la prestation de vieillesse est obligatoirement perçue.

Si rien n’est prévu réglementairement, que se passe-t-il ? Si l’on considère que, du moment où il n’atteint plus le seuil d’entrée, l’assuré quitte l’institution de prévoyance, on devrait alors appliquer l’art. 2 al. 1bis LFLP. L’assuré pourrait alors demander le versement de sa prestation de sortie sur un compte de libre passage. Si, dans le cas où le règlement ne prévoit rien, c’est cette possibilité qui est retenue, il va de soi qu’un règlement pourrait prévoir une telle solution.

En cas de libre passage, la personne pourrait théoriquement demander le transfert auprès de deux fondations de libre passage.

 

11. L’institution de prévoyance doit-elle proposer un ajournement de la prestation de vieillesse sans cotisations d’épargne ?

Oui, l’institution de prévoyance doit offrir aux assurés l’ajournement de la perception de leur prestation de vieillesse sans verser des cotisations d’épargne. Les art. 13 al. 2 et 13b al. 2 LPP régissent le droit des assurés à ajourner la perception de leur prestation de vieillesse au-delà de l’âge de référence et jusqu’à la cessation de leur activité professionnelle (mais au plus tard jusqu’à 70 ans) en cas de poursuite de celle-ci. L’institution de prévoyance ne peut en revanche subordonner cet ajournement au versement de cotisations supplémentaires par le salarié et l’employeur.

Outre la garantie du droit légal des assurés à l’ajournement, l’institution de prévoyance peut prévoir dans son règlement la possibilité pour ses assurés de verser des cotisations supplémentaires en cas de poursuite de leur activité professionnelle (art. 33b LPP). Il faut toutefois expressément préciser que le maintien de la prévoyance dans ce cas est possible uniquement «sur demande de l’assuré».

 

12. À partir de quel âge une assurée appartenant à la génération transitoire peut-elle retirer son avoir du 3e pilier ?

Jusqu’à l’entrée en vigueur d’AVS 21 le 1er janvier 2024, les femmes peuvent retirer leur prestation du pilier 3a dès leur 59e anniversaire. Avant cette date, toutes les femmes nées entre 1960 et 1964 auront atteint l’âge de 59 ans.

Les femmes nées en 1964 peuvent donc également retirer leurs prestations du 3e pilier en 2023 à l’âge de 59 ans. Or, dès l’entrée en vigueur d’AVS 21 le 1er janvier 2024, le nouveau droit s’applique et un retrait pour les femmes nées en 1964 n’est possible qu’à partir de 60 ans. Les femmes nées en 1964 n’auraient donc pas la possibilité de retirer leur avoir en 2024 pendant quelques mois jusqu’à leur 60e anniversaire. L’OFAS estime toutefois que le droit que les femmes de cette génération ont acquis en 2023 de pouvoir retirer leur pilier 3a ne doit pas tomber avec l’entrée en vigueur d’AVS 21. Cette solution pragmatique permet d’éviter une interruption temporaire de la possibilité de retirer son avoir.

Exemple : une assurée née le 30 juin 1964 peut retirer son 3e pilier à partir du 1er juillet 2023 (l’ancien droit s’applique : retrait dès 59 ans). Bien que l’assurée n’ait pas encore 60 ans le 1er janvier 2024, elle garde la possibilité de retirer son 3e pilier puisque son droit a pris naissance le 1er juillet 2023.

Les femmes nées en 1965 auront 59 ans en 2024. Elles sont donc soumises au nouveau droit, et ne pourront retirer leur avoir qu’à leurs 60 ans, en 2025.

 

13. Jusqu’à quel âge au plus tard les assurées sans activité professionnelle appartenant à la génération transitoire doivent-elles retirer leur avoir du pilier 3a ?

Dès l’entrée en vigueur d’AVS 21 le 1er janvier 2024, tous les avoirs du 3e pilier doivent être retirés au plus tard à 65 ans (contre 64 ans actuellement pour les femmes cessant leur activité) si l’assuré n’exerce plus d’activité professionnelle. Pour les générations nées en 1961/1962/1963, les dispositions transitoires de l’AVS s’appliquent :

 

Année Année de naissance Retrait au plus tard à
2024 Femmes nées en 1960 64 ans
2025/2026 Femmes nées en 1961 64 ans et 3 mois
2026/2027 Femmes nées en 1962 64 ans et 6 mois
2027/2028 Femmes nées en 1963 64 ans et 9 mois
2029 Femmes nées en 1964 65 ans

Exemple : une assurée née le 30 novembre 1961 doit retirer son avoir du 3e pilier jusqu’au 28 février 2026 (à 64 ans et 3 mois).

 

14. Bien que la réforme AVS 21 n’entre en vigueur qu’en 2024, les institutions de prévoyance peuvent-elles déjà adapter le financement des rentes AVS transitoires cette année ?

Les rentes transitoires sont des rentes AVS de substitution allouées par les institutions de prévoyance conformément au règlement LPP durant la période précédant la retraite et jusqu’au versement d’une rente AVS ordinaire. Quelques institutions de prévoyance proposent de telles rentes transitoires. Ces dernières sont en général (co)financées par l’employeur ou par une réduction du montant de la rente versée à vie par l’institution de prévoyance à l’assuré.

Dès 2025, l’âge de référence pour les femmes sera relevé par étapes de trois mois, avec pour corollaire un allongement de la durée de versement des rentes AVS transitoires. Par exemple, la rente transitoire d’une femme née en 1962 et prenant sa retraite à 62 ans devra être versée six mois de plus, puisque celle-ci pourra percevoir une rente AVS pleine à 64 ans et six mois seulement. Il est donc nécessaire d’adapter le financement des rentes transitoires. Les institutions de prévoyance devraient donc d’ores et déjà pouvoir prendre des mesures visant à garantir le versement des prestations transitoires jusqu’à l’âge de référence réel, et non jusqu’à 64 ans seulement.

 

Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 161 du 11.05.2023 consultable ici

Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP), dans sa version au 01.01.2024, consultable ici

Loi fédérale du 17 décembre 1993 sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (Loi sur le libre passage, LFLP), dans sa version au 01.01.2024, consultable ici

 

Mitteilungen über die berufliche Vorsorge Nr. 161 (11.05.2023), Fragen und Antworten zu den Änderungen in der beruflichen Vorsorge im Rahmen der Reform AHV 21 – Stellungnahmen des BSV

 

 

 

 

 

Retrait partiel du pilier 3a pour l’accession à la propriété du logement sans devoir résilier le rapport de prévoyance – Précision de l’OFAS

Retrait partiel du pilier 3a pour l’accession à la propriété du logement

 

Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 161 du 11.05.2023 consultable ici

 

Il est possible de retirer une partie du pilier 3a pour l’accession à la propriété du logement sans devoir résilier le rapport de prévoyance.

Suite à des questions, l’OFAS apporte les précisions suivantes au sujet du versement anticipé du pilier 3a pour l’encouragement à la propriété du logement (EPL) :

L’ordonnance OPP 3 n’exige pas la résiliation du rapport de prévoyance en cas de versement anticipé du pilier 3a pour l’EPL. Un retrait partiel du pilier 3a pour l’EPL est donc admissible sans devoir procéder à une telle résiliation. En effet, la condition de la résiliation du rapport de prévoyance s’applique aux cas mentionnés par l’al. 2 de l’art. 3 OPP 3, à savoir la perception d’une rente entière de l’AI alors que le risque d’invalidité n’est pas assuré, un changement d’activité indépendante ou un cas de versement en espèces selon l’art. 5 LFLP. Par contre, l’al. 3 de l’art. 3 OPP 3 ne mentionne pas la condition de la résiliation du rapport de prévoyance en ce qui concerne le versement anticipé pour l’accession à la propriété du logement. Voir aussi dans le même sens : Prévoyance et impôts, publié par la Conférence suisse des impôts aux éditions Cosmos, Cas d’application de prévoyance professionnelle et de prévoyance individuelle, cas B.3.2.3.

Rappelons toutefois qu’un retrait partiel du pilier 3a pour l’EPL est possible seulement tant que l’âge-limite fixé par l’al. 1 de l’art. 3 OPP 3 n’est pas encore atteint, à savoir 5 ans avant l’âge ordinaire de la retraite. Par contre, un versement anticipé EPL n’est plus admissible à partir de cet âge-limite, car la personne dispose alors de la possibilité de demander le versement de la totalité de sa prestation de vieillesse; la résiliation du rapport de prévoyance entraîne alors l’imposition globale de ladite prestation (voir le cas B.3.2.3 précité et les Bulletins de la prévoyance professionnelle n° 116 ch. 724 et n° 136 ch. 892).

 

Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 161 du 11.05.2023 consultable ici

 

Mitteilungen über die berufliche Vorsorge Nr. 161 (11.05.2023), Teilweiser Vorbezug der Säule 3a für den Erwerb von Wohneigentum, ohne das Vorsorgeverhältnis auflösen zu müssen: Präzisierung des BSV

 

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