Le Conseil fédéral adopte le message concernant la convention de sécurité sociale avec l’Argentine

Le Conseil fédéral adopte le message concernant la convention de sécurité sociale avec l’Argentine

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 14.05.2025 consultable ici

 

Lors de sa séance du 14 mai 2025, le Conseil fédéral a transmis au Parlement le message concernant l’approbation de la convention de sécurité sociale entre la Suisse et l’Argentine. La convention coordonne les systèmes de sécurité sociale des deux États dans le domaine des assurances vieillesse, décès et invalidité et règle en particulier le versement des rentes à l’étranger.

La convention règle les relations entre la Suisse et l’Argentine en matière de sécurité sociale. Elle correspond aux conventions déjà conclues par la Suisse dans ce domaine et est conforme aux standards internationaux en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale. La convention couvre les assurances en cas de vieillesse, décès et invalidité, à savoir l’AVS et l’AI pour la Suisse.

Elle garantit aux assurés une égalité de traitement ainsi qu’un accès facilité aux prestations, et permet notamment le versement des rentes à l’étranger. Cet accord favorise en outre les échanges économiques entre les deux pays en simplifiant le détachement de personnel dans l’autre État. La convention contient également des dispositions relatives à la coopération en matière de lutte contre les abus.

En Amérique du Sud, la Suisse a déjà conclu des conventions avec le Chili, l’Uruguay et le Brésil. La convention avec l’Argentine a été signée le 27 mai 2024. Son entrée en vigueur définitive requiert l’approbation des parlements des deux États.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 14.05.2025 consultable ici

Message du Conseil fédéral concernant l’approbation de la convention de sécurité sociale entre la Suisse et l’Argentine consultable ici

Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République argentine consultable ici

 

9C_260/2024 (f) du 03.02.2025 – Valeur probante de l’expertise médicale / Vraisemblance du diagnostic de syndrome d’Asperger (F84.5 CIM-10) / Constatations issues des rapports du psychiatre traitant vs du médecin-expert

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_260/2024 (f) du 03.02.2025

 

Consultable ici

 

Valeur probante de l’expertise médicale / 44 LPGA

Vraisemblance du diagnostic de syndrome d’Asperger (F84.5 CIM-10)

Constatations issues des rapports du psychiatre traitant vs du médecin-expert

 

L’assurée, née en 1983, a travaillé comme enseignante dans un centre scolaire secondaire. Se plaignant d’un «épuisement maternel» depuis 2018, puis de «difficultés personnelles et professionnelles» à partir de novembre 2019, elle a déposé une demande de prestations auprès de l’assurance-invalidité le 23.04.2020.

Au cours de l’instruction, l’office AI a recueilli un rapport d’expertise psychiatrique établi par le docteur B.__ pour l’assureur perte de gain le 23 juin 2020, qui diagnostiquait un trouble dépressif récurrent, épisode moyen, sans syndrome somatique, et attestait une incapacité totale de travail depuis le 18.11.2019. Les médecins traitants ont en plus diagnostiqué un syndrome d’Asperger.

L’office AI a confié une expertise psychiatrique au docteur E.__ qui s’est adjoint l’aide de la psychologue F.__. Ces experts ont retenu un trouble dépressif récurrent léger, une agoraphobie avec phobies sociales légères, ainsi que des traits de personnalité anxieuse, labile et dépendante, mais sans effet sur la capacité de travail, et ont écarté le diagnostic de syndrome d’Asperger.

Se fondant sur les conclusions de ce rapport, l’office AI a informé l’assurée, par projet de décision du 26.01.2022, qu’il entendait rejeter sa demande, faute d’atteinte invalidante à la santé. À la suite des critiques du docteur C.__ (psychiatre traitant) et de D.__ (psychologue traitante) sur le rapport d’expertise, l’office AI a sollicité un nouvel avis du docteur E.__, qui a établi une liste de questions complémentaires à poser au psychiatre et à la psychologue de l’assurée. Le docteur E.__ n’ayant pas modifié son appréciation après examen des réponses des thérapeutes traitants, l’office AI a rejeté la demande de prestations par décision du 25.04.2023.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 04.04.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4 [résumé]
Le tribunal cantonal a jugé que l’office AI pouvait se fonder sur le rapport d’expertise du docteur E.__ pour refuser à l’assurée le droit à une rente d’invalidité, dans la mesure où le médecin-expert n’a retenu aucun trouble psychique susceptible d’influencer durablement la capacité de travail de l’assurée.

Sur le plan formel, la cour cantonale a écarté les critiques de l’assurée concernant les compétences de l’expert pour diagnostiquer un syndrome d’Asperger et la durée des examens, estimant que le rapport remplissait toutes les conditions requises pour avoir pleine valeur probante. Sur le plan matériel, elle a considéré que l’expertise permettait une évaluation structurée des troubles psychiques conformément aux exigences jurisprudentielles, et expliquait précisément pourquoi le syndrome d’Asperger n’avait pas été retenu : absence de symptômes typiques, apparition improbable sans observation préalable par les médecins traitants, capacité de l’assurée à travailler sans limitation et à entretenir des relations sociales pendant plus de dix ans, ainsi que développement de nouveaux centres d’intérêt. Le tribunal cantonal a aussi rejeté le reproche de diagnostic incomplet, relevant que tous les symptômes décrits par les médecins traitants avaient été pris en compte par l’expert, qui ne les jugeait pas incapacitants. Il a également noté la discordance entre la capacité de travail diminuée selon les médecins traitants et les activités quotidiennes de l’assurée, ainsi que l’absence d’hospitalisation psychiatrique ou de traitement médicamenteux spécifique. Les informations complémentaires transmises par le psychiatre et la psychologue traitants n’apportaient pas d’éléments nouveaux par rapport à ceux déjà considérés par l’expert, qui n’a donc pas modifié son appréciation. Enfin, la cour a écarté la diminution de capacité de travail mentionnée par le psychiatre traitant, estimant que celle-ci reposait sur des limitations difficilement objectivables, en particulier l’incapacité de l’assurée à admettre ses propres limites.

Consid. 6 [résumé]
Contrairement à l’avis de la juridiction cantonale, le médecin-expert n’a pas accordé l’importance nécessaire aux avis détaillés du docteur C.__ tout au long de la procédure administrative. La lecture de l’arrêt révèle une contradiction manifeste entre les mêmes éléments anamnestiques, utilisés différemment par l’expert et le psychiatre traitant pour retenir ou exclure un syndrome d’Asperger. Tandis que le psychiatre traitant relevait des signes tels que manque d’autonomie, rigidité de comportement, besoin de soutien parental, crises violentes, problèmes de communication et angoisses omniprésentes, le médecin-expert inférait l’absence de difficultés à partir de la stabilité professionnelle et relationnelle ou du maintien de relations sociales, sans expliquer cette divergence fondamentale. Bien que le tribunal cantonal ait expressément indiqué que l’expert avait tenu compte de tous ces symptômes, on ne retrouve toutefois dans son raisonnement aucune explication éclairant ces divergences notables. La référence aux critères diagnostiques du syndrome d’Asperger (F84.5 de la CIM-10) pour appuyer le point de vue de l’expert n’explique pas davantage cette divergence.

Pour soutenir le caractère convaincant de l’expertise, les juges cantonaux ont attaché beaucoup d’importance aux constatations de l’expert sur l’absence de symptôme psychotique et de traitement antipsychotique d’une part et à l’absence d’hospitalisation en milieu psychiatrique d’autre part. Or, si la juridiction cantonale avait cité l’intégralité du point F84.5 CIM-10, elle aurait pu non seulement relever que le syndrome d’Asperger se caractérisait par l’altération des interactions sociales réciproques (élément à propos duquel on ne retrouve dans l’arrêt attaqué aucune explication quant à l’appréciation fondamentalement différente de l’expert et du psychiatre traitant), mais aussi qu’il s’accompagnait parfois – pas nécessairement toujours – d’épisodes psychotiques au début de l’âge adulte. L’absence de symptôme psychotique et de traitement y relatif ne semble donc pas déterminant en l’occurrence, contrairement à ce que laisse accroire le tribunal cantonal. De plus, on peine à comprendre en quoi une hospitalisation constituerait un autre élément déterminant au regard de l’importante structure de soutien de l’assurée mise en place (un suivi intensif institué par l’Office de protection de l’enfant, une psychologue et une infirmière en psychiatrie en plus du soutien de l’ex-mari et des parents) que les juges cantonaux ont pourtant dûment relevé, mais dont ils n’ont tiré aucune conclusion.

Il ressort au demeurant des différents rapports produits par le psychiatre traitant tout au long de la procédure administrative que celui-ci a décrit de façon constante et circonstanciée les difficultés rencontrées par sa patiente dans sa vie personnelle, professionnelle et sociale – à tous âges et pas seulement au moment de l’établissement de son rapport – ainsi que les différentes stratégies mises en place par celle-ci pour y remédier ou les dissimuler. Il a pris position de manière tout autant circonstanciée sur le rapport d’expertise. Il a en particulier contesté la capacité de l’assurée à gérer son quotidien de manière autonome, contrairement à ce qu’avait retenu le médecin-expert sur la base de la description d’une journée type de travail, en réitérant ses observations cliniques et celles des multiples intervenants s’occupant de l’assurée. Il a aussi expliqué les raisons pour lesquelles le syndrome d’Asperger avait été long à diagnostiquer. Confronté à ces nombreuses critiques, l’expert a brièvement relevé quelques incertitudes, déclaré manquer d’éléments pour se prononcer et a établi une liste de questions à poser au psychiatre traitant. Le psychiatre traitant a répondu de façon très précise à ces questions. Il a singulièrement expliqué en détail pourquoi le diagnostic avait été posé tardivement, comment celui-ci s’était exprimé dans tous les domaines de la vie et à tous âges, pourquoi il avait échappé aux médecins traitants et experts antérieurs ou comment la situation avait évolué. Sa nouvelle appréciation correspondait pour l’essentiel à l’appréciation déjà faite auparavant. En réaction, le médecin-expert s’est contenté de déclarer ne pas avoir assez d’éléments pour remettre en cause son appréciation initiale. Il apparaît dès lors que l’expert n’a pas apporté de réponses satisfaisantes aux nombreuses observations et objections consciencieusement motivées du psychiatre traitant. Il est tout particulièrement surprenant que les conclusions du médecin-expert reposent surtout sur la capacité de l’assurée à gérer sa vie quotidienne telle qu’elle ressortait de la description d’une journée type. Or, si une telle journée s’organisait avant tout autour des activités réalisées par les enfants et de quelques loisirs selon l’expert, le psychiatre traitant a expliqué que sa patiente était incapable de s’occuper adéquatement de ses enfants sans l’importante structure institutionnelle et familiale de soutien mise en place et qu’elle ne s’en occupait en outre qu’un week-end sur deux, les lundis et mardis et un mercredi sur deux. Il s’agit d’une divergence fondamentale d’avis qui ne trouve pas d’explication dans l’arrêt attaqué, ni dans le rapport d’expertise.

 

 

Dans ces circonstances, l’appréciation de la juridiction cantonale est manifestement inexacte. L’assurée a soulevé suffisamment d’éléments pour remettre en cause les conclusions de l’expert, et l’arrêt ne lève pas les doutes. Par conséquent, l’arrêt cantonal et la décision administrative sont annulés et la cause est renvoyée à l’office AI pour complément d’instruction par une nouvelle expertise psychiatrique et nouvelle décision.

 

Le TF admet le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_260/2024 consultable ici

 

Commentaire

L’arrêt 8C_465/2024 met en lumière l’importance des rapports médicaux des médecins traitants dans la procédure d’assurances sociales. Dans le contexte de l’assurance-invalidité, la qualité et la cohérence des rapports médicaux jouent un rôle déterminant dans l’établissement des faits et l’appréciation du droit aux prestations. Si la jurisprudence rappelle que la valeur probante des rapports des médecins traitants peut être limitée, elle n’en souligne pas moins leur importance lorsque ces documents sont circonstanciés, étayés et continus dans le temps.

Les rapports médicaux du médecin traitant constituent souvent la base du dossier médical, car ils reflètent l’évolution clinique, les stratégies d’adaptation et la réalité quotidienne du patient. Lorsque ces rapports sont de bonne qualité, ils permettent de documenter de manière précise non seulement les symptômes, mais aussi leur impact concret sur la capacité de travail et la vie sociale de l’assuré. Dans l’arrêt 8C_465/2024, le Tribunal fédéral reproche précisément à l’expert mandaté d’avoir insuffisamment pris en compte les avis circonstanciés et continus du psychiatre traitant, alors même que ceux-ci décrivaient avec constance les limitations fonctionnelles et les besoins de soutien de l’assurée dans tous les domaines de sa vie. Cette lacune a conduit à l’annulation de la décision administrative et au renvoi pour complément d’instruction.

Cet arrêt illustre ainsi la nécessité, pour l’administration comme pour les experts, de ne pas se limiter à une lecture formelle ou superficielle des rapports du médecin traitant. Lorsque ceux-ci sont de bonne qualité, ils doivent être analysés de manière approfondie, confrontés aux autres éléments du dossier et, le cas échéant, conduire à des investigations complémentaires si des divergences majeures subsistent. La recherche de la vérité matérielle, principe fondamental en assurances sociales, ne peut être atteinte que par une prise en compte équilibrée, rigoureuse et respectueuse de toutes les sources médicales pertinentes, en particulier celles émanant du médecin traitant qui accompagne l’assuré sur la durée.

Cf. également : David Ionta, Les rapports médicaux en assurances sociales – Le rôle du médecin traitant en particulier, in : Jusletter 13 mai 2024

 

9C_458/2024 (f) du 10.02.2025 – Marché équilibré du travail réaliste pour un port de charge maximum de 1 kg avec le membre supérieur droit / Revenu avec invalidité sans prise en considération d’un salaire minimum cantonal

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_458/2024 (f) du 10.02.2025

 

Consultable ici

 

Capacité résiduelle de travail moyennant l’exécution préalable de mesures de réadaptation / 16 LPGA

Marché équilibré du travail réaliste pour un port de charge maximum de 1 kg avec le membre supérieur droit

Ni la loi ni la jurisprudence n’admettent la prise en considération d’un « salaire minimum cantonal » pour la détermination du revenu avec invalidité

 

À la suite d’un premier refus de prestations de l’assurance-invalidité (décision du 03.03.2021), l’assuré, né en 1972, a déposé une nouvelle demande de prestations, au mois de juin 2021. Après avoir notamment diligenté une expertise médicale, dont il a soumis les conclusions à son Service médical régional, l’office AI a rejeté la demande, par décision du 03.10.2023.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/504/2024 – consultable ici)

Par jugement du 25.06.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.1
Selon la jurisprudence, lorsque le corps médical fixe une capacité résiduelle de travail, tout en réservant que celle-ci ne pourra être atteinte que moyennant l’exécution préalable de mesures de réadaptation, il n’y a pas lieu de procéder à une évaluation du taux d’invalidité sur la base de la capacité résiduelle de travail médico-théorique avant que lesdites mesures n’aient été exécutées (arrêt 9C_809/2017 du 27 mars 2018 consid. 5.2 et les arrêts cités).

Consid. 5.2 [résumé]
Selon les constatations cantonales, les médecins du centre d’expertise ont attesté d’une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée, sans subordonner cette capacité à l’exécution préalable de mesures de réadaptation. Le rapport d’expertise rédigé par le docteur E.__, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, excluait le besoin d’une rééducation avant une reprise du travail, précisant qu’aucune mesure médicale ou thérapie ne permettrait d’améliorer significativement la capacité de travail, celle-ci étant déjà de 100% dans une activité adaptée. La juridiction cantonale a expliqué que l’avis des docteurs B.__ et C.__ [produits par l’assuré dans le cadre de la procédure cantonale], qui recommandaient une rééducation pour travailler la souplesse de l’épaule et espérer une reprise du métier habituel de peintre, ne remettait pas en cause ces conclusions. Leur proposition n’allait pas au-delà d’une aide à la reprise professionnelle et ne contestait pas la position du médecin-expert sur l’absence de nécessité de mesures médicales préalables à une reprise complète dans une activité adaptée.

Le simple fait, pour l’assuré, de souligner que le rapport qu’il a produit émane de médecins réputés ne suffit pas à démontrer que l’appréciation des premiers juges serait arbitraire ou contraire au droit. Il n’est pas non plus établi que des mesures de réadaptation préalables seraient nécessaires du point de vue médical. De plus, les médecins B.__ et C.__ n’ont évoqué la réadaptation qu’en lien avec la reprise de l’activité habituelle de peintre, pas pour une activité adaptée. Le recours est donc mal fondé sur ce point.

Consid. 5.3
En ce qu’il affirme ensuite que les activités considérées comme adaptées par l’instance cantonale étaient « manifestement incompatibles » avec ses limitations fonctionnelles, l’assuré ne fait pas état de spécificités telles qu’elles rendraient illusoire l’exercice d’une activité professionnelle. À cet égard, les juges cantonaux ont dûment exposé que le marché équilibré du travail (sur cette notion, cf. ATF 110 V 273 consid. 4b; arrêt 9C_326/2018 du 5 octobre 2018 consid. 6.2) offrait un nombre significatif d’activités simples et légères, accessibles à l’assuré eu égard à son profil, soit de nombreux emplois en lien avec ses connaissances, compétences et expériences (tels qu’agent de sécurité, préposé à l’emballage de petites pièces ou composants, contrôleur/visiteur en salle blanche dans l’industrie légère, chauffeur au transport de personnes), qui étaient compatibles avec les limitations fonctionnelles liées à son état de santé (activité sédentaire; pas d’élévation antérieure des épaules au-dessus de la ligne des mamelons, pas de mouvement d’abduction-adduction de l’épaule répétitif; l’activité peut se faire les avant-bras posés sur un support, l’activité étant légère [charge maximum au niveau du membre supérieur droit de 1 kg]) et ne requéraient pas de formation complémentaire particulière.

L’instance cantonale a en particulier expliqué que si les limitations fonctionnelles de l’assuré, notamment celle relative à l’empêchement de porter une charge de plus de 1 kg avec le bras droit, étaient susceptibles de restreindre le nombre d’emplois disponibles pour lui sur le marché du travail, on ne se trouvait en l’occurrence pas dans un cas où l’activité exigible au sens de l’art. 16 LPGA ne pourrait être exercée que sous une forme tellement restreinte qu’elle n’existerait pratiquement pas sur le marché général du travail ou que son exercice supposerait d’un employeur des concessions irréalistes et que, de ce fait, il semblerait exclu de trouver un emploi correspondant. Au demeurant, l’assuré ne conteste pas la considération de la juridiction cantonale, selon laquelle il apparaît être en mesure de travailler par exemple comme manutentionnaire en atelier avec ses bras et mains, sur des objets légers, de tels emplois n’étant pas rares.

Consid. 5.4
L’assuré ne saurait finalement rien tirer en sa faveur d’une critique de l’ « application automatique des statistiques ESS ». En se référant notamment à son âge (51 ans), à son absence de formation et à sa mauvaise maîtrise du français, il reproche à l’instance cantonale de ne pas avoir déterminé son revenu avec invalidité en se fondant sur le salaire minimum cantonal genevois de 4’368 fr. par mois.

Quoi qu’en dise l’assuré, et comme l’a dûment exposé la juridiction cantonale, ni la loi ni la jurisprudence n’admettent la prise en considération d’un « salaire minimum cantonal » pour la détermination du revenu avec invalidité (arrêt 9C_197/2024 du 12 août 2024, consid. 5.3.4 et les références). On rappellera à cet égard, à la suite des juges cantonaux, que le revenu avec invalidité doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible -, le revenu avec invalidité peut être évalué sur la base des données statistiques résultant de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS; ATF 148 V 174 consid. 6.2 et les arrêts cités). En l’occurrence, l’assuré ne prétend pas qu’il aurait effectivement réalisé un revenu, qui eût dû être pris en compte pour évaluer son revenu d’invalide. Partant, il n’y a pas lieu de s’écarter du revenu avec invalidité arrêté par la juridiction cantonale (à 67’102 fr.).

Consid. 5.5
Compte tenu du taux d’invalidité de l’assuré constaté par les premiers juges (13%), c’est à bon droit qu’ils ont nié son droit à une rente d’invalidité (cf. art. 28 al. 1 let. c LAI) et à des mesures de reclassement professionnel (cf. art. 17 LAI). Dans ce contexte, on rappellera en effet que le seuil minimum fixé par la jurisprudence pour ouvrir le droit à une mesure de reclassement est une diminution de la capacité de gain de 20% environ (ATF 139 V 399 consid. 5.3; 130 V 488 consid. 4.2 et les références). Le recours est mal fondé.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_458/2024 consultable ici

 

8C_465/2024 (f) du 05.02.2025 – Aptitude au placement d’un étudiant / 8 LACI – 15 LACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_465/2024 (f) du 05.02.2025

 

Consultable ici

 

Droit aux indemnités chômage – Aptitude au placement d’un étudiant / 8 LACI – 15 LACI

 

Assuré, né en 1989 et titulaire d’un doctorat en droit de l’École des hautes études en sciences économiques, a travaillé notamment pour la société B.__ dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée. Il s’est inscrit comme demandeur d’emploi à 50% auprès de l’Office régional de placement (ORP) et a sollicité des prestations de l’assurance-chômage à partir du 15.09.2023. Lors de son premier entretien avec son conseiller ORP le 09.10.2023, il a indiqué avoir débuté le 18.09.2023 une formation à plein temps à la Haute école d’art C.__ pour obtenir un Bachelor en communication visuelle, et a transmis le planning des cours pour l’année académique 2023-2024.

Face à des doutes sur son aptitude au placement, l’ORP a soumis le dossier à la Direction de l’autorité cantonale de l’emploi. Invité à s’exprimer, l’assuré a expliqué qu’il était disponible pour des mesures de chômage à 50%, soit 20 heures par semaine, et pour travailler les jeudis, vendredis, ainsi que les demi-journées du mercredi et du samedi. La Haute école C.__ a précisé que le Bachelor en communication visuelle représentait trois années d’études à plein temps, avec un calendrier hebdomadaire de 40 heures de cours en présentiel, mais aussi 23 semaines par an sans cours durant lesquelles les étudiants pouvaient travailler à 100%. Elle a ajouté que le parcours d’études de l’assuré pouvait être adapté ou prolongé si nécessaire, et que celui-ci était prêt à renoncer à la formation pour prendre un emploi ou suivre une mesure de l’ORP.

Par décision du 15.11.2023, confirmée sur opposition, la Direction générale de l’emploi et du marché du travail (DGEM) a déclaré l’assuré inapte au placement. En substance, elle a retenu que l’assuré n’avait jamais mentionné être prêt à renoncer à sa formation pour prendre un emploi salarié durable ou pour suivre une mesure de marché du travail, mais uniquement être disposé à adapter son plan d’études.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 41/24 – 108/2024 – consultable ici)

Par jugement du 18.07.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
L’assuré a droit à l’indemnité de chômage si, entre autres conditions, il est apte au placement (art. 8 al. 1 let. f LACI). Est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d’intégration et qui est en mesure et en droit de le faire (art. 15 al. 1 LACI). L’aptitude au placement comprend ainsi un élément objectif et un élément subjectif: la capacité de travail d’une part, c’est-à-dire la faculté d’exercer une activité lucrative salariée sans que la personne assurée en soit empêchée pour des causes inhérentes à sa personne, et d’autre part la disposition à accepter immédiatement un travail convenable au sens de l’art. 16 LACI, ce qui implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s’il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante quant au temps que la personne assurée peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF 146 V 210 consid. 3.1; 125 V 51 consid. 6a).

Consid. 4.2
L’aptitude au placement est évaluée de manière prospective d’après l’état de fait existant au moment où la décision sur opposition a été rendue (ATF 143 V 168 consid. 2 et les références) et n’est pas sujette à fractionnement. Soit l’aptitude au placement est donnée (en particulier la disposition à accepter un travail au taux d’au moins 20% d’une activité à plein temps; cf. art. 5 OACI), soit elle ne l’est pas (ATF 143 V 168 consid. 2; 136 V 95 consid. 5.1). Lorsqu’un assuré est disposé à n’accepter qu’un travail à temps partiel (d’un taux d’au moins 20%), il convient non pas d’admettre une aptitude au placement partielle pour une perte de travail de 100% mais, à l’inverse, d’admettre purement et simplement l’aptitude au placement de l’intéressé dans le cadre d’une perte de travail partielle (ATF 145 V 399 consid. 2.2; 136 V 95 consid. 5.1). C’est sous l’angle de la perte de travail à prendre en considération (cf. art. 11 al. 1 LACI) qu’il faut, le cas échéant, tenir compte du fait qu’un assuré au chômage ne peut ou ne veut pas travailler à plein temps (ATF 126 V 124 consid. 2; cf. BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, n° 9 ad art. 11 LACI et n° 5 ad art. 15 LACI).

Consid. 4.3
Lorsqu’un assuré participe à un cours de formation durant la période de chômage (sans que les conditions des art. 59 ss LACI soient réalisées), il doit, pour être reconnu apte au placement, clairement être disposé à y mettre un terme du jour au lendemain afin de pouvoir débuter une nouvelle activité. Cette question doit être examinée selon des critères objectifs. Une simple allégation de l’assuré ne suffit pas à cet effet (ATF 122 V 264 consid. 4; arrêts 8C_82/2022 du 24 août 2022 consid. 4.4; 8C_742/2019 du 8 mai 2020 consid. 3.4). Il faut que la volonté de l’assuré se traduise par des actes, et ce pendant toute la durée du chômage (arrêt 8C_82/2022 du 24 août 2022 loc. cit.; RUBIN, op. cit., n° 19 ad art. 15 LACI). Pour juger si l’assuré remplit cette condition, il faut examiner toutes les circonstances, notamment le coût de la formation, l’ampleur de celle-ci et le moment de la journée où elle a lieu, la possibilité de remboursement partiel en cas d’interruption de celle-ci, les clauses contractuelles relatives au délai de résiliation (s’il existe un contrat écrit) et le comportement de l’assuré (arrêt 8C_474/2017 du 22 août 2018 consid. 5.2; RUBIN, op. cit. n° 50 ad art. 15 LACI), en particulier s’il poursuit ses recherches d’emploi de manière qualitativement et quantitativement satisfaisante (arrêts 8C_933/2008 du 27 avril 2009 consid. 4.3.2; C 149/00 du 7 février 2001 consid. 2a, in DTA 2001 p. 230).

Consid. 5 [résumé]
La juridiction cantonale a constaté que l’assuré avait entamé une formation à plein temps à la Haute école C.__ en vue d’obtenir un Bachelor en communication visuelle et de se reconvertir professionnellement. Elle a estimé que la disponibilité de 23 semaines sans cours par an, soit un taux de 44%, n’était pas un argument pertinent pour démontrer l’aptitude au placement, car la disponibilité pour un emploi ou une mesure du marché du travail ne se mesure pas de façon purement mathématique, mais doit être appréciée selon les circonstances concrètes. Les juges ont constaté que, selon le planning académique, les cours se déroulaient tous les jours, souvent de 8h30 à 17h30 ou 18h, parfois jusqu’à 20h, ce qui contredisait la disponibilité avancée par l’assuré pour certains jours et demi-journées. Ils ont aussi relevé que la formation impliquait 40 heures de cours en présentiel par semaine, qu’elle n’était pas proposée à temps partiel, et que l’assuré s’était inscrit pour des études à temps plein, tout en indiquant initialement être disponible pour travailler les soirs et week-ends. À cela s’ajoutaient son engagement comme ambassadeur des réseaux sociaux de l’école, sa volonté de réaliser un film sur quatre mois, et un emploi de commis administratif à 20% dès avril 2024.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’instance cantonale a considéré que l’assuré ne pouvait pas exercer une activité salariée à 50%, ni qu’un employeur pourrait accepter ses horaires fluctuants. La cour cantonale a également jugé que ses déclarations sur la possibilité d’adapter son plan d’études ou d’aménager son programme ne démontraient pas une réelle volonté d’interrompre sa formation. Ce n’est que dans le cadre du recours qu’il a évoqué la possibilité de renoncer à ses études, tout en restant ouvert à un aménagement du programme. L’assuré n’a donc pas manifesté une intention claire de cesser sa formation immédiatement pour accepter un emploi ou suivre une mesure du marché du travail, ni prouvé avoir sollicité un plan d’études personnalisé. Enfin, le fait d’être prêt à accepter un emploi dans divers secteurs ne suffisait pas, selon la cour cantonale, à établir son aptitude au placement.

Consid. 6.3 [résumé]
L’assuré soutient que ses activités d’ambassadeur des réseaux sociaux et de réalisation de film ont été à tort retenues pour nier son intention de prendre un emploi durable. Il n’est effectivement pas certain que l’argumentation des juges puisse être suivie sur ce point, car ces activités étaient présentées comme des recherches d’emploi par l’assuré, sans examen particulier par la juridiction cantonale. Toutefois, ces activités, de nature très accessoire selon les propres déclarations de l’assuré, ne suffisent pas à établir son aptitude au placement. Par ailleurs, la conclusion des juges sur la disponibilité trop limitée de l’assuré repose sur d’autres éléments suffisants pour écarter le grief d’arbitraire.

Consid. 6.4
L’assuré ne saurait par ailleurs être suivi lorsqu’il se prévaut, à titre de preuves, de ses nombreuses recherches d’emploi effectuées entre septembre 2023 et juin 2024 pour attester son aptitude au placement. Le seul fait que les recherches d’emploi satisfont aux exigences jurisprudentielles ne suffit pas pour reconnaître l’aptitude au placement pendant la fréquentation d’un cours lorsqu’on peut tenir pour établi que l’intéressé n’est pas disposé à interrompre le cours en tout temps (arrêt 8C_598/2011 du 16 août 2012 consid. 4.4).

Consid. 6.5
Enfin, l’assuré ne saurait tirer argument de l’absence de mesures relatives au marché du travail en vue d’établir son aptitude au placement, alors que cette dernière est précisément l’une des conditions à l’octroi d’une telle mesure (art. 8 al. 1 let. f LACI par renvoi de l’art. 59 al. 3 let. a LACI).

Consid. 7.1 [résumé]
L’assuré reproche à la cour cantonale d’avoir appliqué à tort des précédents jurisprudentiels à son cas, estimant que seule l’application de l’art. 15 al. 1 LACI et de la jurisprudence y relative aurait dû prévaloir. Il considère que l’exigence d’abandonner ses études du jour au lendemain est contraire à la liberté économique et personnelle ainsi qu’au bon sens. Il invoque également son statut S, qui lui permet de travailler en Suisse à plein temps sans restriction, et fait valoir que sa situation financière (absence de bourse, absence de fortune) n’a pas été prise en compte. Enfin, il reproche aux premiers juges de ne pas avoir tenu compte de faits postérieurs à la décision attaquée, tels que sa demande de plan d’études personnalisé du 21 juin 2024 et ses 105 heures de travail en juin 2024 à la Haute école C.__.

Consid. 7.2 [résumé]
L’examen de l’aptitude au placement doit se faire sur la base de la situation factuelle existant jusqu’au prononcé de la décision administrative litigieuse. Les faits survenus en juin 2024, invoqués par l’assuré, ne sont pas pertinents pour l’examen du litige, puisque la période déterminante s’étend de l’inscription au chômage en septembre 2023 jusqu’à la décision sur opposition du 24 janvier 2024.

Consid. 7.3 [résumé]
La cour cantonale a examiné l’aptitude au placement de l’assuré en tenant compte du calendrier des cours et de sa volonté de renoncer à sa formation. Elle a constaté qu’il n’avait pas déposé de demande de plan d’études personnalisé ni démontré son intention de renoncer à sa formation pour prendre un emploi. Les déclarations de l’assuré évoquaient seulement la possibilité d’adapter son plan d’études, mais pas d’y renoncer. Il n’a donc pas pris de mesures concrètes pour mettre un terme à sa formation et débuter une activité salariée. Ses arguments ne suffisent pas à établir une volonté réelle de travailler à 50%, d’autant que la Haute école C.__ a confirmé que le cursus ne pouvait pas être suivi à temps partiel et qu’aucune adaptation n’était garantie. Par ailleurs, l’assuré ne conteste pas que le calendrier prévoyait 40 heures de cours en présentiel du lundi au vendredi, ce qui confirme l’absence d’arbitraire dans le constat de son indisponibilité pour un emploi durable à 50%.

Consid. 7.4
Cela étant, les juges cantonaux ont considéré, à juste titre, qu’en se prévalant de 23 semaines sans cours, équivalant à un temps de travail au taux de 44%, l’assuré faisait état d’une disponibilité sporadique, à l’instar des étudiants qui ne désirent exercer une activité lucrative qu’entre 2 semestres académiques. On ne saurait dès lors leur faire grief d’avoir cité la jurisprudence relative à l’aptitude au placement des étudiants, ressortant notamment à l’ATF 120 V 392 consid. 2a. Contrairement à ce que soutient l’assuré, les juges cantonaux n’ont pas assimilé sa situation à celle ayant donné lieu à l’ATF précité, où le litige portait sur l’aptitude au placement d’un ressortissant étranger ne possédant pas l’autorisation d’exercer une activité salariée en Suisse.

Consid. 7.5
Pour le surplus, l’argument de l’assuré relatif à son statut S « qui lui permet[trait] de travailler en Suisse à plein temps sans restriction » est dépourvu de pertinence. Son autorisation à travailler en Suisse n’a pas été remise en cause et elle ne suffit pas à fonder son aptitude au placement dès lors qu’il n’a pas la disponibilité alléguée. Quant à l’évocation de sa situation financière, elle ne démontre pas que l’assuré entendait renoncer à sa formation pour débuter une activité lucrative.

Consid. 7.6
Enfin, on ne voit pas que la décision litigieuse serait contraire aux principes de la liberté économique et personnelle, dès lors qu’elle n’interdit pas à l’assuré de continuer ses études. Ce dernier demeure libre dans son choix de poursuivre sa formation, mais il lui appartient de remplir les conditions du droit à l’indemnité de chômage s’il entend bénéficier des prestations de l’assurance-chômage.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_465/2024 consultable ici

 

Progression des salaires nominaux de 1,8% en 2024 et hausse des salaires réels de 0,7%

Progression des salaires nominaux de 1,8% en 2024 et hausse des salaires réels de 0,7%

 

Communiqué de presse de l’OFS du 22.04.2025 disponible ici  

En 2024, l’indice suisse des salaires nominaux a enregistré une hausse moyenne de 1,8% par rapport à l’année précédente, atteignant ainsi 104,2 points (base 2020 = 100). Avec une inflation annuelle moyenne de +1,1%, les salaires réels ont progressé de 0,7%, s’établissant à 97,6 points (base 2020 = 100), selon les calculs de l’Office fédéral de la statistique (OFS).

Pour la pratique quotidienne, vous trouverez les divers tableaux sur notre page Evolution des salaires.

 

Communiqué de presse de l’OFS du 22.04.2025 disponible ici  

9C_271/2022 (f) du 28.11.2022 – Nouvelle demande AI – Revenu sans invalidité et revenu d’invalide après des précédentes mesures d’ordre professionnel

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_271/2022 (f) du 28.11.2022

 

Consultable ici

 

Nouvelle demande AI – Revenu sans invalidité et revenu d’invalide après des précédentes mesures d’ordre professionnel / 16 LPGA

Vraisemblance des possibilités théoriques de développement professionnel

 

Assuré, né en 1980, a obtenu un CFC de caviste en 1998, une maturité professionnelle en 1999 et un baccalauréat littéraire français en 2001. Il a exercé la profession de caviste à plusieurs reprises pour l’entreprise B.__ entre 1999 et 2004, ainsi que pour une société de remontées mécaniques en Valais de 2003 à 2006.

En septembre 2005, il a déposé une demande de prestations AI en raison des séquelles d’une fracture du talon subie en 1996. L’office AI a accordé des mesures professionnelles, permettant à l’assuré de suivre une formation dans une Haute école spécialisée dès 2006, où il a obtenu un bachelor en sciences du vivant en 2009, puis un master en chimie en 2011. Dès le 01.05.2011, il a travaillé comme adjoint scientifique pour l’entreprise C.__.

Par décision du 23.05.2011, l’office AI a refusé l’octroi d’une rente, retenant que la comparaison entre les revenus issus de ses activités antérieures (caviste et employé de remontées mécaniques) et son revenu d’adjoint scientifique ne révélait pas un taux d’invalidité suffisant.

En février 2014, l’assuré a présenté une nouvelle demande de prestations (arthrodèse au pied droit). Après instruction, l’office AI a reconnu un droit à une rente entière du 01.08.2014 au 30.11.2014. Il a considéré que, sans problèmes de santé, l’assuré aurait poursuivi ses activités de caviste et d’employé de remontées mécaniques, ces activités servant de référence pour le revenu sans invalidité. La comparaison avec le revenu d’adjoint scientifique a abouti à des taux d’invalidité (de 3 % à 14 %) insuffisants pour maintenir un droit à la rente au-delà du 30.11.2014.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 14.04.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.3.1
On rappellera toutefois qu’en ce qui concerne le revenu sans invalidité, est déterminant le salaire qu’aurait effectivement réalisé l’assuré sans atteinte à la santé, selon le degré de la vraisemblance prépondérante. En règle générale, on se fonde sur le dernier salaire réalisé avant l’atteinte à la santé, compte tenu de l’évolution des circonstances à l’époque où est né le droit à la rente. Au regard des capacités professionnelles de l’assuré et des circonstances personnelles le concernant, on prend en considération ses chances réelles d’avancement compromises par le handicap, en posant la présomption qu’il aurait continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité. Des exceptions ne sauraient être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2; arrêt 9C_708/2017 du 23 février 2018 consid. 8.1).

Consid. 3.3.2
Le revenu que pourrait réaliser l’assuré sans invalidité est en principe établi sans prendre en considération les possibilités théoriques de développement professionnel (lié en particulier à un complément de formation) ou d’avancement, à moins que des indices concrets rendent très vraisemblable qu’elles se seraient réalisées. Cela pourra être le cas lorsque l’employeur a laissé entrevoir une telle perspective d’avancement ou a donné des assurances en ce sens. En revanche, de simples déclarations d’intention de l’assuré ne suffisent pas; l’intention de progresser sur le plan professionnel doit s’être manifestée par des étapes concrètes, telles que la fréquentation d’un cours, le début d’études ou la passation d’examens (arrêt 8C_45/2022 du 3 août 2022 consid. 3.2 et les références).

Consid. 3.3.3
Dans la procédure de révision, à la différence de la procédure initiale à l’issue de laquelle le droit à la rente est déterminé pour la première fois, le parcours professionnel effectivement suivi entre-temps par la personne assurée est connu. Celui-ci permet éventuellement – à la différence toujours de l’octroi initial de la rente – de faire des déductions (supplémentaires) quant à l’évolution professionnelle et salariale hypothétique sans atteinte à la santé. Pour examiner alors ce que la personne assurée aurait atteint sur le plan professionnel et salarial sans atteinte à la santé ou de quelle manière son salaire se serait développé, il faut tenir compte de l’ensemble des circonstances survenues jusqu’au moment de la révision (arrêt 9C_708/2017 cité consid. 8.2 et les références).

Consid. 4 [résumé]
La juridiction cantonale a constaté que, durant près de quatre ans après l’obtention de son baccalauréat, l’assuré avait poursuivi ses activités de caviste et d’employé auprès de sociétés de remontées mécaniques, sans entreprendre de démarches concrètes pour accéder à des études universitaires ou supérieures. Les juges cantonaux ont considéré que les déclarations de l’assuré concernant une éventuelle poursuite d’études relevaient de simples intentions, sans élément concret pour les rendre plausibles, puisqu’aucune inscription ni projet n’avait été concrétisé. De plus, l’assuré ne s’était pas opposé à la première décision de l’office AI du 23.05.2011, qui avait déjà fixé le revenu sans invalidité sur la base de ses activités de caviste et d’employé de remontées mécaniques. Dès lors, faute d’éléments concrets rendant vraisemblable la poursuite d’études universitaires, il convenait de fixer le revenu sans invalidité en fonction des dernières activités exercées par l’assuré en 2004 et 2005.

 

Consid. 6.1
La majorité des titulaires d’un certificat de maturité gymnasiale obtiennent avec grande vraisemblance un diplôme universitaire par la suite, éventuellement après avoir changé de branche d’études (cf. arrêt 9C_439/2020 du 18 août 2020 consid. 4.4). Toutefois, l’assuré ne saurait en l’espèce être suivi lorsqu’il soutient qu’il ne pouvait « aspirer qu’à un changement d’orientation professionnelle » et qu’il aurait donc effectué des études supérieures, puisque les titres et les diplômes qu’il avait obtenus « se trouvaient en déconnexion avec les activités professionnelles exercées jusqu’alors [activités de caviste et employé de remontées mécaniques] ». En effet, à la suite des juges cantonaux, on constate que pendant une période de quatre années entre l’obtention de son baccalauréat français (assimilable en l’occurrence à une maturité suisse) et la présentation de la demande de prestations en septembre 2005 (en raison d’une arthrose sous-astragalienne post-traumatique modérée), l’assuré n’a pas entrepris de démarches particulières, comme par exemple une immatriculation, afin de poursuivre des études supérieures. A cet égard, l’assuré ne remet pas en cause la constatation des juges cantonaux selon laquelle la seule pièce du dossier mentionnant une possibilité d’évolution professionnelle était un compte-rendu d’entretien d’enquête de l’assurance-accidents. A cette occasion, l’assuré avait indiqué vouloir rester dans le domaine du vin, en évoquant la possibilité d’une formation d’oenologue, qu’il n’a pourtant jamais entreprise. Il n’existe donc pas d’éléments concrets permettant de conclure qu’en 2005, l’assuré avait la volonté de changer de carrière et aurait planifié la suite de sa formation auprès d’une université ou d’une haute école.

C’est également en vain que l’assuré fait valoir, pour démontrer qu’il faudrait tenir compte de l’issue de sa formation pour déterminer son revenu sans invalidité, que l’office AI avait relevé chez lui des aptitudes qui se situaient « au-delà de la moyenne » ainsi qu’un « important potentiel de reclassement. En effet, si de telles appréciations se sont révélées correctes puisque l’assuré a terminé avec succès une formation de niveau supérieur, elles ne permettent pas d’établir, au degré très vraisemblable, que l’assuré aurait suivi une telle formation sans atteinte à la santé (comp. arrêt 8C_778/2017 du 25 avril 2018 consid. 4.3).

Consid. 6.2
On doit ainsi constater que les mesures professionnelles mises en place par l’office AI ont été déterminantes, en ce sens qu’elles ont constitué l’impulsion à partir de laquelle l’assuré a entrepris de poursuivre des études de niveau supérieur, ainsi qu’un changement d’orientation professionnelle. En définitive, en tenant compte de l’ensemble des circonstances jusqu’à la procédure de révision, on ne saurait déduire du succès de la carrière de l’assuré après l’invalidité qu’il aurait occupé une position semblable dans le domaine des sciences du vivant, sans invalidité. Partant, c’est à bon droit que la juridiction cantonale a fixé le revenu sans invalidité, en se référant aux dernières activités exercées par l’assuré en 2004 et 2005 (activité de caviste et employé auprès de sociétés de remontées mécaniques).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_271/2022 consultable ici

 

Le Conseil fédéral adopte le message sur l’harmonisation des prestations dans le régime des allocations pour perte de gain

Le Conseil fédéral adopte le message sur l’harmonisation des prestations dans le régime des allocations pour perte de gain

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 16.04.2025 consultable ici

 

Le Conseil fédéral entend harmoniser les prestations du régime des allocations pour perte de gain (APG) afin de mieux les adapter à l’évolution de la société. Initialement conçu pour compenser le manque à gagner des soldats astreints au service militaire, ce régime a progressivement été élargi à d’autres situations de perte de revenu liées à la parentalité. Il couvre notamment les congés après une naissance ou une adoption, ainsi que le congé de prise en charge destiné aux parents d’enfants gravement atteints dans leur santé. Lors de sa séance du 16 avril 2025, le Conseil fédéral a adopté son message à l’intention du Parlement.

Ces dernières années, diverses interventions parlementaires ont été déposées dans le but d’unifier le régime des APG. Actuellement, les mères, les pères, les épouses des mères, les parents d’enfants gravement atteints dans leur santé et les parents adoptifs ne bénéficient pas des prestations accessoires des APG (allocations pour enfants, allocations d’exploitation et allocations pour frais de garde), contrairement aux personnes effectuant un service militaire, civil ou de protection civile. Afin de remédier à ces disparités, le Conseil fédéral a élaboré un projet de modification de la loi sur les allocations pour perte de gain (LAPG) prévoyant quatre mesures :

  • Harmonisation des prestations
    Actuellement, certaines prestations telles que l’allocation d’exploitation, l’allocation pour frais de garde et l’allocation pour enfant ne sont versées qu’aux personnes qui effectuent un service. Il est prévu que l’allocation d’exploitation, qui vise à couvrir une partie des frais fixes des indépendants pendant leur période de service, soit étendue à l’ensemble des bénéficiaires du régime des APG exerçant une activité indépendante. Cela les aidera ainsi à faire face à leurs charges pendant leur congé. Selon le projet, l’allocation pour frais de garde sera également maintenue et élargie à l’ensemble des bénéficiaires du régime des APG qui en remplissent les conditions. L’allocation pour enfant sera quant à elle supprimée. Instituée avant l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur les allocations familiales (LAFam), cette allocation n’est plus nécessaire. Elle entraîne une surindemnisation, puisque chaque enfant ouvre déjà droit à une allocation selon la LAFam, indépendamment de la situation professionnelle ou personnelle du parent.
  • Prolongation du droit à l’allocation de maternité en cas d’hospitalisation prolongée de la mère
    Actuellement, si un nouveau-né doit être hospitalisé au moins deux semaines immédiatement après sa naissance, l’allocation de maternité peut être prolongée. En revanche, aucune disposition similaire n’existe en cas d’hospitalisation prolongée de la mère, bien qu’elle ne soit alors pas en mesure de s’occuper de son enfant. Le projet prévoit que l’allocation de maternité puisse être prolongée pour la durée effective de l’hospitalisation de la mère, jusqu’à un maximum de 56 jours, comme c’est déjà le cas lorsque c’est le bébé qui est hospitalisé.
  • Maintien du droit à l’allocation à l’autre parent en cas de décès de l’enfant
    Actuellement, le droit à l’allocation à l’autre parent qui indemnise le congé pris par le père ou par l’épouse de la mère s’éteint si le nouveau-né décède. Le projet prévoit que le père resp. l’épouse de la mère garde son droit si le nouveau-né décède à la naissance ou dans les 14 jours qui suivent.
  • Extension du droit à l’allocation de prise en charge en cas d’hospitalisation de l’enfant
    Si un enfant doit être hospitalisé pendant au moins quatre jours, l’un de ses parents peut interrompre son activité professionnelle et bénéficier de l’allocation de prise en charge pour la durée de l’hospitalisation. Une fois l’enfant de retour à domicile, cette allocation pourra être prolongée jusqu’à trois semaines supplémentaires si un certificat médical atteste de la nécessité d’une prise en charge parentale durant la convalescence. L’allocation ne peut toutefois être octroyée que pour 98 jours au maximum, hospitalisation et convalescence comprises.

Les modifications proposées peuvent être financées par les ressources actuelles du régime des APG, sans source de financement additionnelle.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 16.04.2025 consultable ici

Message concernant la modification de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain (Harmonisation des prestations dans le régime des APG) disponible ici

Harmonisation des prestations dans le régime des APG, Rapport sur les résultats de la consultation, 16.04.2025, disponible ici

Modification de la LAPG et du CO (art. 329f, 329g, 329i et 336c CO) consultable ici

 

9C_52/2024 (f) du 06.03.2025 – Versement de la prestation de libre passage à l’assuré en violation de l’art. 5 al. 2 LFLP – Vérification du consentement de l’épouse / Prestations en faveur des survivants – Prescription – Actes interruptifs

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_52/2024 (f) du 06.03.2025

 

Consultable ici (arrêt à 5 juges non publié)

 

Versement de la prestation de libre passage à l’assuré en violation de l’art. 5 al. 2 LFLP – Vérification du consentement de l’épouse / 97 CO

Prestations en faveur des survivants – Police de libre passage – Prescription – Actes interruptifs / 135 CO

 

L’assuré, policier assuré par la Caisse C.__ pour la prévoyance professionnelle (gérée par les Retraites Populaires), a démissionné le 31.01.2006. Le 24.01.2008, il a annoncé son intention de s’établir à son compte et a obtenu le 27.02.2008 le remboursement d’une partie de sa prestation de libre passage (CHF 137’528.30). Il a en outre obtenu le remboursement de la part des Retraites Populaires du capital de sa police de libre passage (CHF 342’420.60) le 06.06.2008. Il est décédé le 10.06.2009.

Son épouse, A.__, a contacté à plusieurs reprises les Retraites Populaires pour contester l’absence de prestations de survivants. L’institution de prévoyance a invoqué les remboursements de 2008, auxquels elle aurait consenti par signature. La veuve a nié avoir été informée ou avoir signé ces documents. Le 24.02.2011, elle a déposé une réclamation contestant l’authenticité des signatures et blâmant l’institution de prévoyance pour le manque de vérifications. Le Conseil d’administration des Retraites Populaires a rejeté sa demande le 26.09.2011, confirmant la régularité des remboursements.

Le 06.06.2019, la veuve a déposé des réquisitions de poursuite pour un montant de CHF 342’420.60 (capital de la police de libre passage) avec intérêts à 5% depuis le 10.06.2009. Les Retraites Populaires se sont opposées aux commandements de payer notifiés le 13.06.2019. Les Retraites Populaires ont aussi renoncé à invoquer la prescription les 03.06.2020 et 16.06.2021, jusqu’au 30.06.2022.

 

Procédure cantonale (arrêt PP 29/21 – 36/2023 – consultable ici)

La veuve a engagé deux actions devant le tribunal cantonal : la première le 09.11.2021 contre les Retraites Populaires Fondation de prévoyance, et la seconde le 23.06.2022 contre les Retraites Populaires. Le tribunal cantonal a joint les causes le 27.10.2022.

Par jugement du 30.11.2023, le tribunal cantonal a d’abord établi que les Retraites Populaires étaient la défenderesse principale, tandis que la Fondation de prévoyance intervenait à titre accessoire. Sur le fond, il a partiellement admis l’action contre les Retraites Populaires, condamnant l’institution à verser à la veuve la part du capital de la police de libre passage lui revenant en qualité d’épouse survivante. Ce montant, augmenté des intérêts applicables jusqu’au 10.06.2009 (date du décès), devait être majoré d’intérêts à 5% annuels à compter du 10.09.2009.

 

TF

Consid. 3 [résumé]
Le tribunal cantonal a estimé que les Retraites Populaires avaient fait preuve de négligence en vérifiant le prétendu consentement de la veuve au remboursement intégral du capital de la police de libre passage de son mari, ce qui lui avait causé un préjudice en la privant indûment de ses droits à prestations après le décès de celui-ci. Il a relevé que le devoir de vérification des institutions de prévoyance avait été renforcé depuis la publication du Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 51 du 22.06.2000. Une comparaison des signatures de la veuve sur sa carte d’identité et sur le formulaire de remboursement montrait des différences manifestes. De plus, les circonstances ayant conduit le défunt à démissionner de ses fonctions de policier ne permettaient pas d’accorder une confiance particulière dans le cadre du remboursement.

Le tribunal cantonal a évalué le dommage subi par la veuve à la moitié du capital assuré et des intérêts convenus dans la police jusqu’au décès, l’autre moitié revenant légalement à leur fille. Il s’est appuyé sur l’arrêt ATF 130 V 103 pour examiner l’obligation de réparer un dommage consécutif à l’impossibilité d’exécuter une obligation prévue par un contrat de prévoyance privé, en application de l’art. 97 CO.

En réponse au grief des Retraites Populaires concernant la prescription, le tribunal cantonal a conclu que le délai avait commencé à courir au décès du défunt, le 10.06.2009, et non au versement du capital en juin 2008, puisque les prétentions de la veuve n’étaient pas exigibles du vivant de son mari. Le délai avait été valablement interrompu par la réquisition de poursuite déposée le 06.06.2019, les renonciations à invoquer la prescription les 03.06.2020 et 16.06.2021, ainsi que l’ouverture de l’action le 09.11.2021. Le tribunal a également admis l’intérêt moratoire requis à hauteur de 5% par an depuis le 10.09.2009, date à laquelle la créance était devenue exigible.

Consid. 4.2.1
Les juges cantonaux ont fondé leur raisonnement sur l’art. 41 al. 2 LPP, aux termes duquel « les actions en recouvrement de créances se prescrivent par cinq ans quand elles portent sur des cotisations ou des prestations périodiques, par dix ans dans les autres cas. Les art. 129 à 142 CO sont applicables ». Ils ont retenu que, dans la mesure où la prestation litigieuse était en l’espèce le versement d’un capital, et non d’une rente, c’était le délai décennal qui s’appliquait à la prescription. Ils ont en outre considéré que, comme la jurisprudence situait l’exigibilité d’une prestation de la prévoyance professionnelle lors de la naissance du droit à cette prestation d’après les dispositions légales et réglementaires qui lui étaient applicables (cf. ATF 132 V 159 consid. 3), ce délai avait débuté avec le décès de l’assuré. Par conséquent, les prétentions de la veuve n’étaient pas exigibles du vivant de son conjoint. Les juges cantonaux ont encore exposé que ce délai avait valablement été interrompu par le dépôt de la réquisition de poursuite le 06.06.2019, les renonciations à invoquer la prescription des 03.06.2020 et 16.06.2021, ainsi que l’ouverture de l’action le 09.11.2021.

Consid. 4.2.2
Sous cet angle, le raisonnement du tribunal cantonal est fondé. En cas de décès de l’assuré, le droit aux prestations de libre passage (qui ne tombent pas dans la succession) revient en principe aux bénéficiaires énumérés à l’art. 15 OLP (ATF 129 III 305 consid. 3; arrêt 2C_738/2021 du 23 décembre 2021 consid. 4.3.1), dont en premier lieu le conjoint survivant. Les bénéficiaires disposent d’un droit originaire qui leur est conféré par la loi (art. 15 OLP qui renvoie aux art. 19 à 20 LPP) ou par le règlement de l’institution de prévoyance. Dans cette dernière éventualité, les ayants droit apparaissent comme les bénéficiaires d’une stipulation pour autrui au sens de l’art. 112 CO (ATF 131 V 27 consid. 3.1; 113 V 287 consid. 4b; cf. arrêt 9C_588/2020 du 18 mai 2021 consid. 4.1.2). Dès lors que la veuve faisait valoir son droit au capital de la police de libre passage de son mari et que ce capital n’était pas exigible avant le décès de celui-ci, elle a effectivement agi à temps, avant que son droit ne soit prescrit.

Consid. 4.3.1
Cependant, la juridiction cantonale a en l’espèce perdu de vue que, dans la mesure où le remboursement à l’assuré de l’intégralité du capital de sa police de libre passage était intervenu le 06.06.2008, les recourantes se retrouvaient dans l’impossibilité de donner suite aux prétentions de la veuve.

Consid. 4.3.2
Dans l’ATF 130 V 103, cité par les juges cantonaux, le Tribunal fédéral a examiné le point de savoir si, comme en l’espèce, l’institution de prévoyance pouvait être tenue de verser une seconde fois le montant de la prestation de libre passage lorsque celle-ci avait été versée à l’assuré en violation de l’art. 5 al. 2 LFLP (soit sans le consentement écrit du conjoint de l’assuré). Il a considéré que, dans ces conditions, le versement en question n’était pas nul à la différence d’autres dispositions apparentées, telles que l’art. 494 al. 1 et 3 CO, où l’absence de consentement valable conduisait à la nullité de l’acte juridique, sans que la partie contractante ne puisse se prévaloir de sa bonne foi (cf. consid. 3.2). Il a alors fondé la prétention en cause sur les art. 97 ss CO et a retenu que l’institution de prévoyance est tenue de prester si elle n’a pas fait preuve de la diligence requise pour vérifier le consentement du conjoint (cf. consid. 3.3). Il a toutefois exclu que, dans la situation alors jugée, l’institution de prévoyance ait manqué à son devoir de diligence lors de la vérification du consentement des ayants droit et doive réparer le dommage en résultant (cf. consid. 3.4 et 3.5). Cette jurisprudence a été confirmée et appliquée à de nombreuses reprises (cf. ATF 133 V 205 consid. 4.4; arrêt B 126/04 du 20 mars 2006 consid. 2.3 et les cas d’application mentionnés; cf. en particulier arrêt B 58/01 du 7 janvier 2004; voir aussi THOMAS GEISER/CHRISTOPH SENTI in: Commentaire LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n° 59 ss ad art. 5 LFLP; Hans-Ulrich Stauffer, Berufliche Vorsorge, 3e éd. 2019, p. 472 n° 1465).

Consid. 4.3.3
Les recourantes se retrouvaient donc en l’espèce vis-à-vis de la veuve dans la situation prévue à l’art. 97 al. 1 CO. Selon cette disposition « lorsque le créancier ne peut obtenir l’exécution de l’obligation ou ne peut l’obtenir qu’imparfaitement, le débiteur est tenu de réparer le dommage en résultant, à moins qu’il ne prouve qu’aucune faute ne lui est imputable ». La cour cantonale a considéré que, dès lors que l’institution de prévoyance avait été particulièrement négligente dans le traitement du remboursement du capital de la police de libre passage de l’assuré, elle avait causé un dommage à la veuve et devait le réparer conformément à l’art. 99 CO. Une fois admise la non exécution du contrat de prévoyance, il reste à examiner si la veuve a fait valoir son droit à la réparation du dommage – et non son droit au capital de la police de libre passage – dans le délai de prescription. Or, d’après l’art. 127 CO applicable à l’inexécution des obligations contractuelles, « toutes les créances se prescrivent par dix ans, lorsque le droit civil fédéral n’en dispose pas autrement ». Les règles relatives à la responsabilité dérivant d’actes illicites s’appliquant par analogie aux effets de la faute contractuelle (art. 99 al. 3 CO), le début du délai de prescription correspond au moment où est survenu l’acte dommageable tant pour les prétentions contractuelles que pour les prétentions extra-contractuelles (cf. ATF 146 III 14 consid. 6.1.2). Dès lors que l’acte qui a privé la veuve de ses prétentions envers les recourantes est en l’occurrence le versement du capital de la police de libre passage fondé sur une demande de remboursement contenant la signature contrefaite de la veuve, le droit de celle-ci d’obtenir la réparation de son dommage s’est éteint dix ans après le 06.06.2008 et était prescrit lors du dépôt de la première réquisition de poursuite le 06.06.2019.

Consid. 4.3.4
On précisera encore que, dans le domaine de la prévoyance professionnelle, les actes interruptifs de la prescription sont limités à ceux énumérés de façon exhaustive à l’art. 135 CO (cf. ATF 132 V 404 consid. 5.2; arrêt B 55/05 du 16 octobre 2006 consid. 4.2.3). Le fait que la veuve a déposé le 24.02.2011 une réclamation contre une lettre des recourantes l’informant qu’elle avait consenti au remboursement du capital de la police de libre passage de son mari n’a donc pas interrompu la prescription.

Consid. 4.4
Compte tenu de ce qui précède, il convient d’admettre le recours, sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner les autres griefs de l’institution de prévoyance et de réformer le jugement cantonal en ce sens que les demandes de la veuve des 09.11.2021 et 23.06.2022 sont rejetées.

 

Le TF admet le recours des Retraites Populaires, réformant le jugement cantonal en ce sens que les demandes de la veuve sont rejetées.

 

Arrêt 9C_52/2024 consultable ici

 

8C_563/2024 (f) du 14.02.2025 – Prestations complémentaires – Montant des pensions alimentaires reconnu comme dépenses / Convention ratifiée par un juge étranger et conventions ultérieures passées sous seing privé

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_563/2024 (f) du 14.02.2025

 

Consultable ici

 

Prestations complémentaires – Montant des pensions alimentaires reconnu comme dépenses / 10 al. 3 let. e LPC

Convention ratifiée par un juge étranger et conventions ultérieures passées sous seing privé

 

Assuré, né en 1958 et de nationalité suisse, s’est installé en Grèce en 1995, où il a épousé B.__, née en 1970. Ils ont eu une fille en 2000. Depuis 2013, il est à nouveau domicilié à Genève. Par décision du 19.03.2019, le Tribunal de première instance d’Athènes a prononcé la dissolution de leur mariage, ratifiant une convention privée du 20.10.2017 prévoyant des pensions alimentaires de EUR 1’000 pour leur fille (pendant deux ans) et de EUR 300 pour l’ex-épouse.

Le 05.04.2023, l’assuré a atteint l’âge légal de la retraite et, dès le 01.05.2023, il a perçu des rentes mensuelles de l’AVS (CHF 1’589) et de la prévoyance professionnelle (CHF 621.05). Le 14.04.2023, il a demandé des prestations complémentaires, déclarant verser des pensions alimentaires de EUR 500 pour sa fille et de EUR 1’000 pour son ex-épouse.

Par décision du 12.10.2023, confirmée sur opposition le 30.11.2023, le service des PC a calculé les prestations dès le 01.05.2023. Il a reconnu une pension alimentaire en faveur de l’ex-épouse uniquement pour les mois de mai à juillet 2023. Les PC fédérales ont été fixées à CHF 1’532 pour mai, à CHF 1’367 pour juin et juillet, à CHF 544 d’août à octobre, puis à CHF 1’133.90 dès novembre. Les PC cantonales ont été établies à CHF 554 par mois depuis mai.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/646/2024 – consultable ici)

Par jugement du 27.08.2024, admission partielle du recours par le tribunal cantonal. À l’inverse du service des prestations complémentaires, les juges cantonaux ont considéré qu’une contribution d’entretien de EUR 300 en faveur de l’ex-femme de l’assuré devait être prise en considération dans le calcul des prestations complémentaires dès le 01.08.2023.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 9 al. 1 LPC, le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants, mais au moins au plus élevé des montants suivants: la réduction des primes la plus élevée prévue par le canton pour les personnes ne bénéficiant ni de prestations complémentaires ni de prestations d’aide sociale (let. a); 60% du montant forfaitaire annuel pour l’assurance obligatoire des soins au sens de l’art. 10 al. 3 let. d (let. b). En vertu de l’art. 10 al. 3 let. e LPC, sont notamment reconnues comme dépenses, pour toutes les personnes, les pensions alimentaires versées en vertu du droit de la famille.

Consid. 3.2
Selon la jurisprudence afférente à l’art. 10 al. 3 let. e LPC, cette disposition a pour but de compenser des besoins vitaux accrus en raison d’obligations alimentaires (ATF 147 V 441 consid. 4.3.3). Les organes des prestations complémentaires sont liés par les décisions ayant force de chose jugée que le juge civil a rendues en matière de contributions d’entretien, que ce soit en homologuant une convention ou en fixant lui-même les contributions (ATF 147 V 441 consid. 3.3.1; arrêts 9C_396/2018 du 20 décembre 2018 consid. 5.1; 9C_740/2014 du 9 mars 2015 consid. 4.1). Toutefois, si l’administration parvient, après un examen approprié, à la conclusion que le bénéficiaire de prestations complémentaires doit payer des contributions trop élevées par rapport à ses possibilités financières, elle doit lui fixer un délai approprié pour introduire une demande en modification du jugement civil (arrêt 9C_396/2018 précité consid. 5.1; cf. aussi MICHEL VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n° 66 ad art. 10 LPC). Selon le ch. 3271.02 des directives de l’OFAS concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC), qui sont conformes au droit fédéral (cf. arrêt 9C_396/2018 précité consid. 5.2), si la situation financière du bénéficiaire de PC vient à se péjorer de manière conséquente et durable, l’organe PC doit exiger de celui-ci qu’il sollicite une modification du jugement de divorce ou de la convention conclue entre les parties; le bénéficiaire de PC doit être averti par écrit des conséquences indiquées au ch. 3271.03. Le ch. 3271.03 DPC prévoit que si l’assuré ne se conforme pas à cette exigence dans les trois mois, l’organe PC prend une décision sur la base du dossier existant; il est en droit de prévoir un montant correspondant de zéro franc.

Consid. 4.1 [résumé]
La juridiction cantonale a constaté que le jugement de divorce prononcé en Grèce le 19.03.2019 avait validé une convention conclue entre l’assuré et son ex-épouse le 20.10.2017. Cette convention prévoyait notamment une pension alimentaire de EUR 1’000 par mois pour leur fille, limitée à deux ans, avec possibilité de révision « d’un commun accord en fonction des besoins du moment de l’enfant » à partir du 20.10.2019, ainsi qu’une pension de EUR 300 par mois pour l’ex-épouse, sans limitation de durée. En validant cette convention, le juge civil grec avait fixé la contribution d’entretien en faveur de l’ex-épouse à EUR 300 mensuels pour une durée indéterminée.

L’assuré ne pouvait se prévaloir des conventions ultérieures passées sous seing privé, non validées par un tribunal, qui prévoyaient une augmentation de la pension versée à son ex-épouse (EUR 1’000 dès janvier 2021, puis EUR 800 dès juin 2023). Les motifs avancés par l’assuré pour justifier ces augmentations, tels que l’absence de partage de son deuxième pilier, étaient déjà connus des parties lors de la ratification de la convention initiale par le juge grec et ne pouvaient donc être pris en considération.

Consid. 4.2 [résumé]
Les juges cantonaux ont estimé que l’assuré pouvait, de bonne foi, penser avoir satisfait aux exigences du service des prestations complémentaires en obtenant une réduction de la pension alimentaire de EUR 1’000 à EUR 800. Le service des PC ne lui avait pas clairement indiqué qu’il devait modifier la convention de 2017 ratifiée par le juge grec, et non celle en vigueur depuis février 2023. Dès lors, il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir saisi la justice grecque, et la contribution d’entretien de EUR 300 par mois fixée par le jugement de 2019 ne pouvait être écartée sans examen.

Les juges cantonaux ont relevé qu’au moment de la convention de 2017, l’assuré percevait une indemnité de chômage de CHF 3’706 par mois, tandis que son ex-épouse travaillait à mi-temps. Depuis sa retraite en avril 2023, ses revenus avaient diminué à CHF 2’210 (rentes AVS et LPP). Toutefois, il n’était pas probable qu’une demande auprès du juge grec aurait permis de réduire ou supprimer la pension de EUR 300, compte tenu notamment de la durée du mariage, de la répartition des rôles durant la vie commune, des efforts de l’ex-épouse qui travaillait désormais à plein temps pour un salaire modeste (EUR 829.25), et de la réduction importante de la pension versée à leur fille sans emploi, qui vivait encore avec sa mère.

Enfin, l’absence de partage des avoirs de prévoyance professionnelle avait favorisé l’assuré au détriment de son ex-épouse, qui n’avait pas pu se constituer une telle prévoyance. Dans ces circonstances, la pension de EUR 300 restait adaptée et devait être prise en compte dans le calcul des prestations complémentaires dès le 01.08.2023.

Consid. 5.2.1
Il ressort des faits constatés par la cour cantonale qu’à l’appui de sa demande de prestations du 14.04.2023, l’assuré a produit la convention du 20.10.2017, la décision du tribunal grec du 19.03.2019 prononçant la dissolution du mariage, ainsi que les conventions sous seing privé des 04.01.2021 et 10.02.2023, qui prévoyaient toutes deux des contributions d’entretien mensuelles de EUR 1’000 en faveur de son ex-femme.

En réponse à cette demande, le service des PC a, par pli du 03.05.2023, requis de l’assuré la transmission de plusieurs documents, en particulier la « copie intégrale du jugement de divorce ou la convention de divorce modifiée », au motif que sa situation financière s’était péjorée, en précisant que s’il ne s’y conformait pas dans un délai de trois mois, un montant de 0 fr. pourrait être retenu.

Le 31.05.2023, l’assuré a répondu en expliquant avoir en vain cherché à savoir quel montant pouvait être admis au titre de contribution d’entretien pour son ex-épouse, l’Hospice général ayant évoqué une somme de CHF 833. Il précisait avoir demandé par téléphone au service des PC s’il pouvait signer une nouvelle convention sous seing privé, mais on lui avait répondu qu’il devait produire un jugement d’un tribunal suisse.

Le 07.06.2023, le service des PC s’est contenté de lui adresser un rappel, en mentionnant n’avoir pas reçu la copie intégrale du jugement de divorce ou de la convention modifiée, sans préciser que le montant de la contribution d’entretien évoqué par l’Hospice général était supérieur à celui ratifié par le juge grec et qu’il était nécessaire de diminuer la première pension convenue.

Le 15.06.2023, l’assuré a fait parvenir au recourant une nouvelle convention datée du 14.06.2023 prévoyant une contribution d’entretien de CHF 833 (EUR 800).

Le 17.07.2023, le service des PC a sollicité la production d’un document bancaire, sans référence à la contribution d’entretien.

Consid. 5.2.2
Sur la base de cette correspondance, les juges cantonaux ont retenu que le service des PC n’avait pas indiqué clairement à l’assuré qu’il devait modifier la convention de 2017 ratifiée par le juge du divorce, et non pas celle en vigueur depuis le 10.02.2023. Le service des PC ne critique pas, à raison, cet établissement des faits. Alors que l’assuré lui avait transmis, en sus de la convention d’octobre 2017 ratifiée par la justice grecque, deux conventions ultérieures prévoyant une contribution d’entretien plus importante, le service des PC s’est en effet contenté d’exiger une copie du jugement de divorce ou de la « convention de divorce modifiée », sans préciser à quelle convention il se référait et, surtout, sans attirer l’attention de l’assuré sur la nécessité de saisir le juge grec d’une demande en modification du jugement de divorce du 19.03.2019, en vue de diminuer ou de supprimer la contribution d’entretien de EUR 300 ratifiée par ce juge. Par la suite, tandis que l’assuré cherchait à diminuer la pension de EUR 1’000 qu’il versait depuis 2021, le service des PC n’a pas clarifié la situation, pas même après réception de la nouvelle convention du 14.06.2023, qui abaissait la pension à EUR 800.

Dans ces circonstances, le service des PC ne pouvait pas calculer le droit aux prestations complémentaires fédérales dès le 01.08.2023 sans prendre en compte, au titre de dépense reconnue, la contribution d’entretien de EUR 300 dont l’assuré est toujours légalement tenu de s’acquitter. Le point de savoir si ce dernier aurait eu de bonnes chances ou non d’obtenir de la justice grecque la réduction ou la suppression de cette contribution peut rester indécis; en l’absence d’une communication claire et complète de ce qui était attendu de lui, le service des PC n’était pas en droit d’écarter cette dépense sur la base du dossier existant, en se livrant à un examen préjudiciel du droit de l’ex-femme à une contribution d’entretien. Il s’ensuit que le recours doit être rejeté.

 

Le TF rejette le recours du service des PC.

 

Arrêt 8C_563/2024 consultable ici

 

9C_659/2024 (f) du 20.02.2025 – Assistance judiciaire – Droit à l’assistance d’un avocat – 61 let. f LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_659/2024 (f) du 20.02.2025

 

Consultable ici

 

Assistance judiciaire – Droit à l’assistance d’un avocat / 61 let. f LPGA

Le fait que la partie adverse est assistée d’un avocat ne suffit pas en tant que tel pour admettre la nécessité de l’assistance d’un avocat

 

Assuré, né en 1960, est assuré pour l’assurance obligatoire des soins auprès d’une caisse-maladie. Par décision du 18.03.2024, confirmée sur opposition, la caisse-maladie a prononcé la mainlevée définitive de l’opposition formée par l’assuré dans le cadre de la poursuite n° xxx, à concurrence de CHF 4’891.40, montant comprenant des primes et participations aux coûts d’assurance-maladie (CHF 4’817.40), ainsi que des frais de poursuite (CHF 74).

 

Procédure cantonale

L’assuré a déféré la décision sur opposition au tribunal cantonal et sollicité le bénéfice de l’assistance judiciaire. Par décision du 14.11.2024, la juridiction cantonale a mis l’assuré au bénéfice de l’assistance judiciaire partielle, limitée à la dispense des avances de frais et de sûretés ainsi que des émoluments de justice.

 

TF

Consid. 2.2
Le refus de l’assistance judiciaire et de la désignation d’un avocat d’office est susceptible de causer un préjudice irréparable lorsqu’une avance de frais doit être fournie dans un court délai (ATF 128 V 199 consid. 2b) ou lorsque le requérant est amené à devoir défendre ses intérêts sans l’assistance d’un mandataire (ATF 129 I 129 consid. 1.1; 129 I 281 consid. 1.1; arrêt 8C_480/2016 du 17 novembre 2016 consid. 1.4 ss). En l’espèce, la juridiction cantonale a mis l’assuré au bénéfice de l’assistance judiciaire partielle, limitée à la dispense des avances de frais et de sûretés ainsi que des émoluments de justice. La requête ne porte donc que sur le droit à l’assistance d’un avocat.

Consid. 3.2
La décision attaquée se fonde sur les art. 61 let. f LPGA et 2 de la loi valaisanne du 11 février 2009 sur l’assistance judiciaire (LAJ-VS; RS/VS 177.7), qui traitent des conditions du droit à l’assistance judiciaire, ainsi que sur les garanties minimales en la matière offertes par l’art. 29 al. 3 Cst. De manière générale, dans le domaine des assurances sociales, les conditions d’octroi du droit à l’assistance judiciaire en procédure cantonale sont réalisées si le requérant est indigent, si l’assistance d’un avocat est nécessaire ou du moins indiquée et si les conclusions du recours ne paraissent pas d’emblée vouées à l’échec (ATF 140 V 521 consid. 9.1 et les références; cf. aussi arrêt 9C_566/2020 du 16 juin 2021 consid. 6.2).

Si la juridiction cantonale a admis que l’assuré remplissait la condition d’indigence et que le recours formé contre la décision sur opposition du 23.07.2024 n’apparaissait pas d’emblée dénué de chances de succès, elle a toutefois nié que la désignation d’un avocat d’office fût nécessaire. Elle a justifié son point de vue en indiquant que ni la procédure applicable ni le litige qui lui était soumis ne soulevaient de difficultés particulières, sous l’angle des faits ou du droit.

Consid. 3.3
En ce que l’assuré se réfère à l’art. 118 CPC, soit à une disposition qui régit les conditions du droit à l’assistance judiciaire en matière civile, son argumentation est mal fondée. La question de l’assistance, nécessaire ou du moins indiquée, d’un avocat pour la procédure cantonale en matière d’assurance sociale, où la maxime inquisitoire s’applique (art. 61 let. c LPGA), doit être tranchée d’après les circonstances concrètes objectives et subjectives, en examinant si l’affaire soulève des difficultés en fait et en droit telles que la personne assurée n’est pas en mesure de les résoudre seule, comme l’a dûment rappelé l’instance précédente. Pratiquement, il faut se demander pour chaque cas particulier si, dans des circonstances semblables et dans l’hypothèse où le requérant ne serait pas dans le besoin, l’assistance d’un avocat serait judicieuse, compte tenu du fait que l’intéressé n’a pas lui-même des connaissances juridiques suffisantes et que l’intérêt au prononcé d’un jugement justifierait la charge des frais qui en découle (arrêt I 127/07 du 7 janvier 2008 consid. 4.2; cf. aussi ATF 125 V 32 consid. 4b; 103 V 46 consid. b, 98 V 115 consid. 3a et les références). Le fait que la partie adverse est assistée d’un avocat ne suffit dès lors pas en tant que tel pour admettre la nécessité de l’assistance d’un avocat.

Pour le surplus, en se limitant à affirmer que l’aide d’un avocat pourrait lui être précieuse, étant donné qu’il est étranger et qu’il ne maîtrise que partiellement les différentes lois suisses, l’assuré ne prend pas position sur les motifs qui ont conduit la juridiction cantonale à nier dans son cas la nécessité de l’aide d’un avocat, ni ne démontre en quoi celle-ci aurait fait une application arbitraire du droit cantonal ou violé l’art. 61 let. f LPGA ou l’art 29 al. 3 Cst. Il n’explique en particulier nullement en quoi sa cause soulèverait des difficultés particulières – sous l’angle des faits ou du droit – rendant nécessaire l’assistance d’un avocat. Partant, le recours ne répond pas aux exigences des art. 42 al. 1 et 2 et 106 al. 2 LTF sur ce point. Il est mal fondé pour le reste.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré dans la mesure où il est recevable.

 

Arrêt 9C_659/2024 consultable ici