Arrêt du Tribunal fédéral 9C_664/2023 (d) du 24.06.2024, destiné à la publication
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Notion d’indemnités forfaitaires de dérangement en cas d’urgence / 43 LAMal – Tarmed
Interprétation d’« institut » au sens du Tarmed (00.2510, 00.2520, 00.2530) / 35 al. 2 let. n LAMal – 36a aLAMal
Restitution par le fournisseur de soins des prestations indues / 25 LPGA
Par requête datée du 20.06.2022 (postée le 20.07.2022, reçue le 21.07.2022), une caisse-maladie a procédé auprès du Tribunal arbitral contre A.__ SA. Elle a notamment demandé que A.__ SA soit tenue de payer CHF 352’071 (avec intérêt de 5%) pour des indemnités forfaitaires de dérangement en cas de consultation ou visite pressante F (position tarifaire TARMED 00.2505), des indemnités forfaitaires de dérangement en cas d’urgence A et B (positions tarifaires TARMED 00.2510 et 00.2520) ainsi que des majorations en pourcents pour urgence B (position tarifaire TARMED 00.2530) pour la période du 01.01.2018 au 31.05.2022 et que A.__ SA devait être tenu de facturer à l’avenir ces forfaits conformément aux règles.
Par arrêt du 08.09.2023, le Tribunal arbitral a condamné A.__ SA à rembourser à la caisse-maladie la somme de CHF 393’295.–.
TF
Consid. 2.2.1
Sous le titre « Principe », l’art. 43 LAMal contient notamment les règles suivantes concernant la fixation des tarifs : Les tarifs et les prix sont fixés par convention entre les assureurs et les fournisseurs de prestations (convention tarifaire) ou, dans les cas prévus par la loi, par l’autorité compétente. Ceux-ci veillent à ce que les conventions tarifaires soient fixées d’après les règles applicables en économie d’entreprise et structurées de manière appropriée (art. 43 al. 4, 1e et 2e phrases, LAMal). Les tarifs à la prestation et les tarifs des forfaits par patient liés aux traitements ambulatoires doivent chacun se fonder sur une seule structure tarifaire uniforme, fixée par convention sur le plan suisse (art. 43 al. 5, 1e phrase, LAMal). Le Conseil fédéral peut procéder à des adaptations de la structure tarifaire si celle-ci s’avère inappropriée et que les parties ne peuvent s’entendre sur une révision de la structure (art. 43 al. 5bis LAMal). Les parties à la convention et les autorités compétentes veillent à ce que les soins soient appropriés et leur qualité de haut niveau, tout en étant le plus avantageux possible (art. 43 al. 6 LAMal). Le Conseil fédéral peut établir des principes visant à ce que les tarifs soient fixés d’après les règles d’une saine gestion économique et structurés de manière appropriée; il peut aussi établir des principes relatifs à leur adaptation (art. 43 al. 7, 1e phrase, LAMal). Ensuite, l’art. 46 al. 4 LAMal précise ce qui suit : La convention tarifaire doit être approuvée par le gouvernement cantonal compétent ou, si sa validité s’étend à toute la Suisse, par le Conseil fédéral. L’autorité d’approbation vérifie que la convention est conforme à la loi et à l’équité et qu’elle satisfait au principe d’économie (ATF 144 V 138 consid. 2.2.1 et les références).
Consid. 2.2.2
Depuis le 1er janvier 2004, les prestations médicales ambulatoires fournies dans le cadre de l’assurance obligatoire des soins sont facturées de manière uniforme via le système tarifaire TARMED. Ce système se fonde notamment sur la convention-cadre TARMED conclue le 13 mai 2002 entre les associations santésuisse et H+ ainsi que– en tant que partie intégrante de cette convention – sur la structure tarifaire TARMED. Les prestations médicales et techniques sont saisies dans cette dernière et se voient attribuer des points tarifaires. Le montant des points tarifaires (en francs et en centimes) est fixé au moyen de conventions tarifaires au niveau cantonal. Le prix de chaque unité de prestation résulte de la multiplication des points de taxation par la valeur du point de taxation.
Le 15 juin 2012, le Conseil fédéral a approuvé la structure tarifaire TARMED version 1.08 convenue par les partenaires tarifaires. En édictant l’ordonnance du 20 juin 2014 sur la fixation et l’adaptation de structures tarifaires dans l’assurance‑maladie (RS 832.102.5 ; ci-après : ordonnance sur l’adaptation), il est intervenu lui-même pour la première fois dans la structure tarifaire. Le Conseil fédéral a abrogé ces dispositions à la fin de l’année 2016 ; en contrepartie, il a approuvé, le 23 novembre 2016, la convention des partenaires tarifaires prévoyant le maintien de la structure tarifaire existante (y compris les adaptations mentionnées) jusqu’à la fin de l’année 2017. Au 1er janvier 2018, il a de nouveau modifié l’ordonnance d’adaptation et donc la structure tarifaire TARMED (cf. ATF 144 V 138, état de fait let. A.a.). Les adaptations effectuées se trouvent à l’annexe 1 de l’ordonnance et la structure tarifaire version 1.09 valable à partir du 1er janvier 2018 à l’annexe 2.
Consid. 2.2.3
Conformément à l’art. 25 al. 2 LPGA (dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2021) en relation avec l’art. 56 al. 2 LAMal (cf. ATF 133 V 579 consid. 4.1), le droit de demander la restitution s’éteint trois ans (d’un an selon l’art. 25 al. 2 LPGA dans sa version en vigueur jusqu’à fin 2020) après le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Les délais mentionnés sont des délais de péremption (ATF 140 V 521 consid. 2.1 avec renvois).
Si le versement indu de la prestation repose sur une erreur de l’administration, le délai de péremption relatif ne commence à courir qu’à partir de ce que l’on appelle la « deuxième circonstance » [« zweiten Anlass »]. En revanche, la connaissance raisonnablement attendue de la situation déclenche déjà le délai lorsque le caractère indu de la prestation fournie ressort directement du dossier et qu’il n’y a donc pas (ou plus) besoin de clarifier les éléments constitutifs de la demande de restitution. La question de savoir si et dans quelle mesure la demande de restitution est périmée est une question de droit que le Tribunal fédéral peut examiner librement (ATF 148 V 217 consid. 2.2 et 5 et les références).
Consid. 4.2
Selon les interprétations correspondantes de la structure tarifaire TARMED version 1.09, les indemnités forfaitaires de dérangement en cas d’urgence A et B ainsi que la majoration en pourcents pour urgence B (positions tarifaires TARMED 00.2510, 00.2520 et 00.2530) ne peuvent être facturés que par des médecins spécialistes non rémunérés de manière fixe par l’hôpital ou l’institut.
En ce qui concerne le terme «institut» (allemand : «Institut» ; italien : «istituti»), il faut convenir avec la recourante [A.__ SA] que le libellé n’est pas clair d’emblée. L’OFSP fait également remarquer à juste titre que, contrairement à la notion d’«hôpital» (cf. art. 35 al. 2 let. h et art. 39 LAMal), la LAMal ne contient pas de catégorie de fournisseurs de prestations analogue. En particulier, les termes utilisés à l’art. 35 al. 2 let. n LAMal ne correspondent pas, du moins dans les versions allemande («Einrichtungen») et française (« institutions»), aux termes utilisés dans les interprétations des positions tarifaires TARMED 00.2510 à 00.2530 (allemand : «Institut» ; français : «institut») ; dans la version italienne, les termes sont en revanche identiques (respectivement «istituti»). Il n’en va pas autrement en ce qui concerne l’art. 36a aLAMal, encore en vigueur lors de la formulation de la structure tarifaire TARMED version 1.08, qui utilisait la même terminologie que l’art. 35 al. 2 let. n LAMal.
Si la structure tarifaire TARMED avait effectivement voulu reprendre la terminologie de la LAMal en suivant l’argumentation de l’instance précédente, on aurait pu s’attendre à ce qu’une terminologie uniforme ne se limite pas à la version italophone. Le terme «institut» (allemand : «Institut» ; italien : «istituti») utilisé dans la structure tarifaire n’est donc pas clair et il faut, puisque différentes interprétations sont possibles, en rechercher la véritable portée à l’aide d’autres éléments d’interprétation.
Consid. 4.3
A.__ SA objecte à juste titre qu’avec l’ordonnance d’adaptation du Conseil fédéral, c’est une ordonnance dépendante qui est au cœur de l’examen (ATF 144 V 138 consid. 2.4). Il convient néanmoins de tenir compte, lors de l’interprétation, du fait que la structure tarifaire TARMED version 1.09 repose en grande partie sur une structure tarifaire convenue au préalable entre les représentants des assureurs et des fournisseurs de prestations, et donc sur un contrat de droit public (cf . ATF 139 V 82 consid. 3.1.1 et 3.1.2 ainsi que décision du Conseil fédéral du 5 octobre 2001 dans la cause Verband Krankenversicherer St. Gallen-Thurgau gegen Regierungsrat des Kantons St. Gallen betreffend Festsetzung der Tarife des Kantonsspitals und der Regionalspitäler, in: RKUV 2002 Nr. KV 215 S. 210ff.). C’est précisément la condition négative formulée dans les positions tarifaires TARMED 00.2510, 00.2520 et 00.2530 «Ne peut être facturé que par des spécialistes qui ne sont pas salariés d’un hôpital ou d’un institut» qui a été reprise telle quelle dans la structure tarifaire TARMED version 1.09, à l’exception d’une simple modification rédactionnelle (le singulier «istituto» a été remplacé par le pluriel «istituti» dans la version italophone).
La fixation autonome des tarifs par les partenaires tarifaires constitue la règle en matière de tarification des prestations (cf. message du 6 novembre 1991 concernant la révision de l’assurance-maladie, BBl 1992 I 93, 180 [en français : FF 1992 I 77, 162). En conséquence, le législateur a souligné, en introduisant l’art. 43 al. 5bis LAMal, l’importance de l’autonomie tarifaire et la subsidiarité des compétences accordées au Conseil fédéral (cf. rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 1er septembre 2011 sur l’initiative parlementaire « Tarmed : compétence subsidiaire du Conseil fédéral », BBl 2011 7385 (en français : FF 2011 6793) ; cf. sur l’ensemble l’arrêt 9C_524/2013 du 21 janvier 2014 consid. 3 et les références). Il se justifie donc de prendre également en considération, dans le cadre de l’interprétation (historique), ce que les partenaires contractuels avaient voulu à l’époque en formulant que les positions tarifaires TARMED 00.2510, 00.2520 et 00.2530 ne pouvaient être facturées que par des médecins spécialistes qui ne sont pas salariés d’un hôpital ou d’un institut.
Consid. 4.3.1
Les parties s’accordent à dire que A.__ SA exploite un cabinet médical de type walk-in et qu’elle est une institution au sens de l’art. 35 al. 2 let. n LAMal (resp. art. 36a aLAMal ; cf. à ce sujet l’ATF 135 V 237) avec des médecins à rémunération fixe. Dans le cadre de son interprétation historique et téléologique, elle souligne à juste titre que la proposition de modifications de la structure tarifaire TARMED de mars 2017, mise en consultation, selon laquelle les positions tarifaires TARMED 00.2510 à 00.2590 auraient dû être précisées notamment en ce sens qu’elles ne pouvaient plus, de manière générale (c.-à-d. indépendamment d’autres critères), être utilisées par des institutions au sens de l’art. 36a aLAMal, a finalement été rejetée par le Conseil fédéral. La solution prévue dans un premier temps avait été justifiée par le fait que les institutions au sens de l’art. 36a aLAMal (institutions de soins ambulatoires dispensés par des médecins) avaient explicitement axé leur infrastructure et leur personnel sur les cas d’urgence. Une urgence ne constituerait pas plus un inconvénient pour de telles institutions que pour les hôpitaux (cf. modification proposée par l’OFSP de l’ordonnance sur la détermination et l’adaptation des structures tarifaires dans l’assurance-maladie de mars 2017, p. 12). Selon le rapport de l’OFSP du 18 octobre 2017 sur les résultats de la consultation, les réactions (des cantons, des partis politiques et des commissions, des organisations du système de santé [assureurs et patients] ainsi que des fournisseurs de prestations) ont cependant montré qu’une distinction claire entre les diverses offres n’était guère réalisable et que celles-ci contribuaient dans certains cantons au financement des soins ambulatoires d’urgence (p. 23 ss du rapport ; cf. également la fiche d’information de l’OFSP sur les adaptations du tarif médical TARMED du 18 octobre 2017). En conséquence, le passage décrit dans la proposition, selon lequel les positions tarifaires 00.2510 à 00.2590 ne sont généralement plus prises en charge par les institutions au sens de l’art. 36a LAMal, a été supprimé et les critères d’urgence sont restés plus stricts.
A la lumière de ce qui vient d’être exposé, on peut conclure avec A.__ SA que l’OFSP et le Conseil fédéral étaient tous deux partis du principe que les institutions au sens de l’art. 36a aLAMal pouvaient facturer les forfaits d’urgence en présence des critères correspondants (éventuellement négatifs). C’était déjà le cas dans le cadre de la structure tarifaire TARMED version 1.08, où le chapitre 00.08 (suppléments pour cas urgents et suppléments d’urgence) indiquait encore expressément qu’il s’agissait de la facturation « par des institutions ambulatoires (p. ex. permanences, centres médicaux, etc.) ».
Consid. 4.3.2
En guise de conclusion intermédiaire, il convient de retenir que la structure tarifaire TARMED, ni dans sa version 1.09, ni dans sa version 1.08, n’exclut ou n’a exclu de manière générale – et donc indépendamment de la question d’une rémunération fixe – les médecins d’institutions au sens de l’art. 35 al. 2 let. n LAMal (ou de l’art. 36a aLAMal) de la facturation des positions tarifaires TARMED 00.2510, 00.2520 et 00.2530. A.__ SA ne peut toutefois pas en déduire quoi que ce soit en sa faveur. En particulier, on ne peut pas en conclure qu’un cabinet walk-in tel que celui qu’elle exploite est de ce fait libéré de la condition négative «Ne peut être facturé que par des spécialistes qui ne sont pas salariés d’un hôpital ou d’un institut» (cf. également à ce sujet consid. 4.3.6 infra).
Consid. 4.3.3
Les interprétations des positions tarifaires TARMED 00.2510, 00.2520 et 00.2530 ne définissent pas ce qu’il faut entendre par «institut». Elles expliquent toutefois, à la suite de la phrase «Ne peut être facturé que par des spécialistes qui ne sont pas salariés d’un hôpital ou d’un institut», que lors d’interventions à l’hôpital ou dans un institut, la règle suivante est applicable : « Le spécialiste doit, depuis l’extérieur, venir d’urgence et de manière imprévue à l’hôpital ou à l’institut. L’indemnité de déplacement est alors comprise. Les spécialistes qui touchent un salaire fixe, entier ou partiel, de la part de l’hôpital ou de l’institut ne peuvent pas facturer cette position. »
Les interprétations expliquent ainsi ce qu’il faut entendre par dérangement en cas d’urgence et justifient pourquoi les médecins à rémunération fixe ne peuvent pas la facturer. L’intention est d’indemniser les médecins qui se rendent de manière non planifiée à l’hôpital ou à l’institut en raison d’une urgence, sans être indemnisés pour ce dérangement personnel dans le cadre d’une rémunération fixe.
Dans ce contexte, il ne faut pas seulement considérer l’indemnité de déplacement explicitement mentionnée dans les interprétations, mais également prendre en compte le fait que le médecin appelé qui effectue un service de garde est limité dans ses activités privées et doit éventuellement les interrompre immédiatement à un moment inopportun. En conséquence, les positions tarifaires TARMED 00.2510, 00.2520 et 00.2530 font partie des groupes de prestations LG-59 et LG-63 et ne peuvent être revendiquées, selon la structure tarifaire TARMED, que dans les rôles définis de médecin de cabinet ou de médecin agréé.
Consid. 4.3.4
A.__ SA n’explique pas de manière compréhensible et on ne voit pas non plus pourquoi une interdiction de facturer devrait s’appliquer au personnel médical à rémunération fixe d’un hôpital ou d’un autre institut, mais pas au personnel médical à rémunération fixe d’un «walk-in practice». Outre le fait que A.__ SA ne parvient pas à démontrer quels autres fournisseurs de prestations devraient être couverts par la notion d’«institut» à sa place, une interprétation conforme à la lecture de la recourante ne serait guère compatible avec les interprétations des positions tarifaires TARMED 00.2510, 00.2520 et 00.2530 présentées précédemment au consid. 4.3.3. Il n’en va pas autrement de l’avis de l’OFSP, selon lequel le terme «institut» ne doit désigner que les établissements situés dans un environnement proche de l’hôpital ou les instituts gérés par des hôpitaux.
Dans leurs objections, A.__ SA et l’OFSP ne tiennent pas compte du fait que le point de rattachement essentiel est l’absence de rémunération fixe pour un dérangement subi personnellement par le médecin et non la forme d’organisation du côté de l’employeur.
A la lumière de ce qui précède, les réserves exprimées lors de la consultation sur l’adaptation prévue de la structure tarifaire TARMED, selon lesquelles il ne serait pas approprié d’exclure de manière générale toutes les institutions au sens de l’art. 35 al. 2 let. n LAMal (resp. art. 36a aLAMal) de la facturation des positions tarifaires TARMED 00.2510 à 00.2590, notamment en raison du nombre d’offres insuffisamment distinctes, prennent tout leur sens (cf. consid. 4.3.1 supra). Ainsi, il est tout à fait concevable – comme c’est le cas pour les hôpitaux explicitement mentionnés dans les interprétations (on pense en particulier aux médecins agréés) – que, selon les offres, des médecins exercent également dans les institutions constituées en personnes morales (cf. à ce sujet l’ATF 135 V 237), qui ne sont pas rémunérés de manière fixe.
Consid. 4.3.5
Il faut donc partir du principe, avec l’instance précédente, que les cabinets walk-in comme celui de la recourante doivent être considérés comme des instituts au sens des positions tarifaires TARMED 00.2510, 00.2520 et 00.2530, si bien que leurs médecins à rémunération fixe ne sont pas autorisés à facturer ces positions tarifaires. Ce n’est qu’à la condition négative qu’un cabinet sans rendez-vous (walk-in practice) ne rémunère pas ses médecins de manière fixe, qu’une facturation des indemnités forfaitaires correspondantes peut entrer en ligne de compte (cf. consid. 4.3.1 supra).
Consid. 4.3.6 [résumé]
La recourante semble être d’avis qu’il existe une catégorie de fournisseurs de prestations avec des médecins à salaire fixe qui ne relèvent pas des notions d’hôpital ou d’institut au sens des positions tarifaires TARMED 00.2510, 00.2520 et 00.2530 et qui peuvent donc toujours facturer les forfaits correspondants lorsque les critères médicaux d’urgence sont remplis. La question de savoir ce qu’il en est peut rester ouverte ici, compte tenu de ce qui a été exposé au considérant 4.3.5. Il n’en va pas autrement du grief formulé dans ce contexte, selon lequel cette catégorie de fournisseurs de prestations serait privilégiée et qu’il y aurait donc une violation du principe de l’égalité.
Par ailleurs, il convient de souligner avec le tribunal arbitral qu’il est objectivement justifié de distinguer, pour le droit à la facturation, si les médecins sont rémunérés de manière fixe et donc indemnisés pour les inconvénients personnels ou non. Une distinction objective ferait plutôt défaut si, selon l’argumentation de la recourante, les médecins à rémunération fixe d’un cabinet walk-in pouvaient facturer les positions tarifaires 00.2510, 00.2520 et 00.2530, alors que leurs collègues d’un hôpital ou d’un institut, également à rémunération fixe, n’y seraient pas autorisés.
Consid. 4.3.7
En suivant le Tribunal arbitral et en considérant la recourante comme un institut au sens des positions tarifaires TARMED 00.2510, 00.2520 et 00.2530, le Tribunal fédéral ne néglige pas non plus le fait que les urgences peuvent également causer des inconvénients dans les cabinets sans rendez-vous et les permanences. Il faut notamment penser au fait que les traitements de patients réguliers sont retardés en raison des urgences et qu’il en résulte des temps d’attente. De tels désagréments n’affectent toutefois pas les médecins engagés à titre permanent par les cabinets médicaux et se trouvant sur place, et sont – dans la mesure où ils concernent ces derniers – indemnisés par un salaire correspondant. Le Tribunal fédéral ne méconnaît pas non plus le fait que les cabinets walk-in et les permanences peuvent, en raison du service d’urgence proposé, présenter des frais d’exploitation plus élevés que les cabinets qui n’entretiennent pas un tel service. Il n’est pas non plus contesté que de tels services d’urgence déchargent les hôpitaux ayant éventuellement des structures de cabinet encore plus élevées et qu’ils puissent ainsi avoir une influence positive sur les coûts de la santé. Dans la structure tarifaire TARMED version 1.08 et version 1.09, rien n’indique toutefois que les positions tarifaires litigieuses visent, au-delà de l’indemnisation des inconvénients personnels des médecins décrits dans les interprétations, à indemniser les employeurs disposant de structures de cabinet coûteuses ou à financer un service d’urgence. Le fait que de telles considérations (de politique de santé) aient pu jouer un rôle dans le cadre de la tentative, finalement rejetée, d’exclure totalement les institutions au sens de l’art. 35 al. 2 let. n LAMal (resp. art. 36a aLAMal) du droit de facturer (cf. consid. 4.3.1 supra), n’y change rien.
Consid. 5
Il convient d’examiner si le droit de demander la restitution est périmé dans la mesure où il concerne des indemnités forfaitaires de dérangement en cas de consultation ou visite pressante F décomptés à tort avant le 01.01.2020.
Consid. 5.1
En se référant à l’ATF 133 V 579 consid. 4.3.5 ainsi qu’à l’absence de procédure de conciliation obligatoire dans le canton de Berne, le délai de péremption relatif peut être respecté par un acte préalable par lequel l’assureur-maladie a fait valoir de manière appropriée sa créance de remboursement envers le débiteur. Dans le cas présent, cela a été fait en temps utile avec les deux courriers du 04.11.2020 et du 08.10.2021.
Consid. 5.2
La recourante objecte que le Tribunal fédéral n’a pas du tout traité, dans l’ATF 133 V 579, la question de savoir comment le délai de péremption devait être respecté lorsque la procédure (art. 44 et 45 des Gesetzes betreffend die Einführung der Bundesgesetze über die Kranken-, die Unfall- und die Militärversicherung des Kantons Bern [EG KUMV; BSG 842.11]) ne prévoient pas de procédure de conciliation obligatoire. Si, dans de telles constellations, l’ayant droit au remboursement renonce à une procédure de conciliation, seule la requête peut être considérée comme respectant le délai. En l’espèce, la caisse-maladie a déposé sa demande le 22.06.2022. Sur la base du délai de péremption relatif d’un an en vigueur à l’époque, la péremption est donc intervenue pour toutes les indemnités forfaitaires de dérangement F versés avant le 01.01.2020.
Consid. 5.3
Par ce grief, la recourante ne tient pas compte du fait qu’un assureur-maladie n’a pas la possibilité, selon les art. 44 et 45 EG KUMV, de se prononcer pour ou contre la mise en œuvre d’une procédure de conciliation. Il peut certes déposer une demande en ce sens, mais il appartient en fin de compte uniquement au président du tribunal arbitral de décider de la mise en œuvre ou non d’une telle procédure. La question de savoir si de telles requêtes sont susceptibles de respecter les délais n’a pas besoin d’être clarifiée ici.
Ainsi, dans l’ATF 133 V 579, consid. 4.3.5, le Tribunal fédéral a expressément et sans équivoque considéré que, contrairement à l’arrêt K 167/04 du 18 mars 2005 du Tribunal fédéral des assurances, la question de l’effet sur la conservation du délai d’autres actions devait être approuvée, chaque fois qu’il n’existe pas de procédure d’arbitrage obligatoire. Dans la présente constellation, il est incontestable qu’il n’existe pas de procédure arbitrale obligatoire, de sorte que d’autres actes, comme c’est en principe le cas en droit public (cf. ATF 133 V 579 consid. 4.3.1), ont un effet sur le respect des délais. Aucun motif visible ou invoqué à bon droit ne justifie de s’écarter de cette jurisprudence claire.
Le TF rejette le recours de A.__ SA.
Arrêt 9C_664/2023 consultable ici
Proposition de citation : 9C_664/2023 (d) du 24.06.2024, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2024/11/9c_664-2023)