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9C_77/2024 (f) du 10.10.2024 – Partage entre les époux de prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage et jusqu’à l’introduction de la procédure de divorce / Maxime inquisitoire

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_77/2024 (f) du 10.10.2024

 

Consultable ici

 

Partage entre les époux de prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage et jusqu’à l’introduction de la procédure de divorce / 122-124e CC – 22, 22a et 25a LFLP – 8a OLP

Maxime inquisitoire / 25 LFLP – 73 al. 2 LPP

 

Par jugement du 25.06.2021, le Tribunal de première instance a prononcé le divorce des époux A.__ et B.__, mariés depuis le 23.12.2006. Sous le ch. 12 du dispositif du jugement, il a donné acte aux prénommés de leur accord de partager par moitié leurs avoirs accumulés au titre de la prévoyance professionnelle pendant le mariage. Le jugement est devenu définitif le 01.09.2021 et a été transmis d’office à la Chambre des assurances sociales le 22.09.2021, pour exécution du partage.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/963/2023 – consultable ici)

La Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève a alors contacté les institutions de prévoyance concernées pour obtenir les montants des avoirs à partager, accumulés par A.__ et B.__ entre le 23.12.2006 et le 17.07. 2018, date à laquelle la demande de divorce a été introduite.

Une audience de comparution personnelle a eu lieu le 27.04.2023. Le 08.06.2023, elle a informé les parties que les prestations de libre passage à partager s’élevaient respectivement à CHF 35’037. 0 pour B.__ et à CHF 96’188.44 pour A.__, indiquant qu’elle rendrait un arrêt sur cette base en l’absence d’observations. Le 19 juin 2023, A.__ a contesté le calcul effectué par la juridiction cantonale. Par la suite, la cour cantonale a demandé des informations complémentaires à une autre institution de prévoyance, où B.__ avait été affilié du 01.06.2014 au 31.03.2020.

Dans un arrêt rendu le 07.12.2023, rectifié le 12.01.2024, la juridiction cantonale a ordonné à l’institution supplétive LPP de transférer un montant de CHF 30’575.60 du compte de A.__ à la caisse de pension en faveur de B.__, ainsi que des intérêts compensatoires depuis le 17.07.2018 jusqu’au moment du transfert.

 

TF

Consid. 4.1 [résumé]
La cour cantonale a constaté que le Tribunal de première instance avait ordonné le partage par moitié des prestations de sortie acquises durant le mariage entre A.__ et B.__, avec comme dates déterminantes le 23.12.2006, date du mariage, et le 17.07.2018, date de dépôt de la demande en divorce. Selon l’accord entre les ex-conjoints, il a été décidé de réintégrer dans les avoirs de prévoyance de B.__ l’équivalent en francs suisses du montant de 45’000 euros retiré par A.__ pour indemniser sa précédente épouse. Lors de l’audience du 27.04.2023, les parties ont convenu d’appliquer un taux de conversion au 09.06.2022, soit 1 euro = 0,9704 franc suisse, ce qui a permis de déterminer que la somme à réintégrer s’élevait à CHF 43’668. Après cette réintégration, la prestation acquise par B.__ pendant le mariage était de CHF 35’037.20 ([43’668 + 189’447,20] – 198’078). En parallèle, la prestation acquise par A.__ s’élevait à CHF 96’188.44 (88’146,19 + 3’348 + 4’694.25). Ainsi, B.__ devait à son ex-épouse un montant de CHF 17’518.60 (35’037,20 : 2), tandis qu’A.__ devait à son ex-époux un montant de CHF 48’094.20 (96’188,44 : 2). Il en résultait que la prénommée devait à B.__ la somme de 30’575 fr. 60 (48’094,20 – 17’518,60).

Consid. 4.2. [résumé]
Dans le cadre de son recours, A.__ soutient que l’établissement des faits par la juridiction précédente était arbitraire et contraire à la maxime d’instruction. Elle reproche aux juges de ne pas avoir déduit des avoirs de prévoyance de B.__ au 23.12.2006 le montant de CHF 43’753 versé à sa première épouse pour le partage des avoirs accumulés durant leur mariage, assimilant à tort ce montant à la somme de CHF 43’668 qui devait être réintégrée aux avoirs de son ex-époux. Cette omission aurait conduit à une augmentation de CHF 21’876.50 du montant qu’elle recourante devait payer. De plus, A.__ critique la juridiction cantonale pour avoir fondé le partage des avoirs de prévoyance sur des chiffres qu’elle considère comme « insuffisamment établis et potentiellement faux », ce qui constituerait une violation de la maxime inquisitoire. Elle estime que les avoirs accumulés par B.__ entre le 23.12.2006 et le 17.07.2018 devraient être fixés à CHF 111’537.27, et réclame que la caisse de pension transfère la somme de CHF 7’674 du compte de son ex-époux à l’institution supplétive en sa faveur.

Consid. 4.3 [résumé]
Pour sa part, B.__ soutient que la cour cantonale n’a pas violé l’interdiction de l’arbitraire en ne déduisant pas le montant versé à sa première épouse de ses avoirs au 23.12.2006, car l’accord trouvé lors de l’audience du 27.04.2023 ne concernait pas cette déduction. Concernant le grief d’A.__ sur la violation de la maxime inquisitoire, B.__ argue qu’il n’est pas fondé, affirmant que ses avoirs de prévoyance à la date du mariage avec A.__ et à celle du dépôt de la demande en divorce ont été correctement établis grâce à des certificats de prévoyance.

Consid. 5.1
Le jugement de divorce entré en force lie en principe le juge compétent selon l’art. 73 al. 1 LPP en ce qui concerne le partage à exécuter (ATF 134 V 384 consid. 4.2; cf. aussi arrêt 9C_780/2013 du 18 février 2014 consid. 4.2). En l’occurrence, conformément au jugement du Tribunal de première instance du 25.06.2021, qui est entré en force, afin de tenir compte d’un retrait anticipé pour l’accession à la propriété effectué au mois de novembre 2008 par B.__ (d’un montant de CHF 124’000), ainsi que du prix de cession convenu entre les ex-époux de la part de copropriété du prénommé sur le bien immobilier en question (EUR 45’000), seul un montant de EUR 45’000 devait être réintégré dans les avoirs de prévoyance de B.__ au 17.07.2018. À cet égard, les constatations de la cour cantonale quant à l’accord intervenu entre les parties, selon lequel il y avait lieu de réintégrer dans les avoirs de prévoyance de B.__ l’équivalent en francs suisses du montant de EUR 45’000 retiré par le prénommé « pour indemniser sa précédente épouse » sont manifestement inexactes. Le montant de EUR 45’000 à réintégrer dans les avoirs de prévoyance de B.__ doit permettre de tenir compte du retrait anticipé effectué pour l’accession à la propriété.

Consid. 5.2 [résumé]
Le jugement du Tribunal de première instance du 25.06.2021 précise que les avoirs accumulés au titre de la prévoyance professionnelle par A.__ et B.__ pendant leur mariage doivent être partagés par moitié, avec la détermination des montants à effectuer par la Chambre des assurances sociales. En l’absence d’une convention conforme à l’article 280 CPC, le Tribunal de première instance a déféré l’affaire au tribunal compétent pour établir le montant des avoirs à partager. Lors de l’audience, B.__ a affirmé que le montant de CHF 43’753, qu’il devait verser à son épouse précédente, devait être soustrait de ses avoirs avant le mariage. Il a reconnu qu’il était juste de déduire ce montant des avoirs au moment du mariage.

Cependant, en instance cantonale, il n’a pas contesté cette déduction, mais a critiqué la volonté de son ex-épouse d’ajouter des intérêts. La juridiction cantonale a ensuite confondu le montant de CHF 43’753 avec celui de EUR 45’000 devant être pris en compte selon l’accord ratifié par le Tribunal de première instance. Elle a indiqué que le montant à réintégrer était en fait la conversion des EUR 45’000, soit CHF 43’668, et a reproché à la demanderesse d’avoir additionné les deux montants, ce qui aurait entraîné une double prise en compte, soit une première fois en francs suisses et une deuxième fois en euro. Cette confusion s’est poursuivie dans l’arrêt final, où la juridiction cantonale a admis que les EUR 45’000 correspondaient au montant retiré pour indemniser la précédente épouse. L’attestation de l’institution de prévoyance a confirmé l’existence de deux montants distincts : un versement anticipé et un versement divorce, qui doivent tous deux être pris en compte pour le partage.

En conséquence, l’erreur manifeste de la juridiction cantonale doit être corrigée et le montant de CHF 43’753 doit être déduit des avoirs de prévoyance de B.__ au 23.12.2006 (consid. 5.3.4 infra). Le recours est bien fondé sur ce point.

 

Consid. 5.3
Pour le reste, l’argumentation de la recourante à l’appui d’une violation de la maxime inquisitoire (art. 25 LFLP, art. 73 al. 2 LPP) et de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.) en relation avec le montant des avoirs de prévoyance accumulés par B.__ est en revanche mal fondée, pour les raisons qui suivent.

Consid. 5.3.1
Contrairement à ce que soutient B.__, on rappellera que ce n’est pas la maxime des débats, mais bien la maxime inquisitoire qui s’applique lorsque, comme en l’occurrence, le juge compétent au sens de l’art. 73 al. 1 LPP exécute d’office, après que l’affaire lui a été transmise (art. 281 al. 3 CPC), le partage de la prévoyance professionnelle sur la base de la clé de répartition déterminée par le juge du divorce (cf. art. 25a al. 1 LFLP, art. 73 al. 2 LPP).

Consid. 5.3.2
En l’espèce, en se fondant sur les documents dont elle avait requis la production auprès des institutions de prévoyance auxquelles B.__ avait été affilié, la cour cantonale a arrêté le montant des avoirs de prévoyance du prénommé comme il suit: CHF 198’078 à la date de son mariage avec la recourante (correspondant à CHF 164’243.40, intérêts au 17.07.2018 non compris); CHF 189’447. 20 au jour de l’introduction de la procédure de divorce, intérêts compris à ce jour. Il en résultait que la prestation acquise pendant la durée du mariage (du 23.12.2006 au 17.07.2018) par B.__ était, après réintégration du montant de CHF 43’668 (destiné, comme on vient de le voir, à tenir compte d’un retrait anticipé pour l’accession à la propriété effectué au mois de novembre 2008 ; consid. 4.1 supra), de CHF 35’037.20 (soit [43’668 + 189’447 fr. 20] – 198’078).

Consid. 5.3.3
À l’inverse de ce qu’allègue A.__, les pièces figurant au dossier permettent de déterminer le montant des avoirs accumulés par B.__ durant son mariage avec elle et celui des intérêts sur le montant des avoirs de prévoyance dont disposait le prénommé à la date du mariage (le 23.12.2006), jusqu’à l’introduction de la requête de divorce (le 17.07.2018).

Pour arrêter le montant des avoirs de prévoyance de B.__ à CHF 198’078 à la date de son mariage avec la recourante et à CHF 189’447.20 au jour de l’introduction de la procédure de divorce, la juridiction cantonale s’est fondée sur les décomptes établis par la caisse de pension. L’institution de prévoyance auprès de laquelle le prénommé avait été affilié du 01.06.2014 au 31.03.2020 avait en effet fait état d’une prestation de libre passage à l’introduction de la procédure de divorce (le 17.07.2018) de CHF 189’447.20 et d’une prestation de sortie à la conclusion du mariage (le 23.12.2006) de CHF 198’078, en précisant que ce dernier montant correspondait à une prestation de sortie de CHF 164’243.40, majorée des intérêts composés au taux minimum LPP jusqu’à l’introduction de la demande en divorce. Or il n’était pas arbitraire pour la juridiction cantonale de se fonder sur ces chiffres pour établir le montant des avoirs de prévoyance de B.__; ces chiffres résultaient en effet des attestations de l’institution de prévoyance et les juges précédents s’étaient assurés des montants attestés par celle-ci en lui demandant de lever une incertitude liée à un courrier du 19.01.2023. A.__ conteste certes ces montants. Cela étant, en présentant une addition des cotisations que son ex-époux aurait effectuées avec son employeur pendant la période déterminante, la recourante ne met pas en évidence que l’institution de prévoyance n’aurait pas correctement pris en compte les cotisations au cours des années d’assurance de B.__ dans les certificats de prévoyance que l’institution de prévoyance a établis pour chaque année d’affiliation.

Par ailleurs, aucun document ne met en évidence que les intérêts selon l’art. 22a al. 1 LFLP n’auraient pas été pris en compte. En ce qu’elle se limite à affirmer que la question du calcul des intérêts demeure à ce jour « totalement opaque », A.__ n’établit pas que les deux retraits effectués par son ex-époux en 2008 et 2009 (retrait anticipé pour l’accession à la propriété de CHF 124’000, puis retrait d’un montant de CHF 43’753 destiné à la première épouse de l’intimé au titre du partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés durant leur mariage) n’auraient pas été assortis d’intérêts équivalents ou auraient porté à tort des intérêts, vu la prise en considération des déductions au moment du divorce. Elle n’établit pas non plus que les intérêts sur ces deux montants – l’un déduit, l’autre ajouté – n’auraient pas été à peu près équivalents. La recourante n’allègue du reste pas que les documents produits par son ex-mari ne confirmeraient pas les attestations de l’institution de prévoyance.

Consid. 5.3.4
En définitive, le montant de la prestation acquise pendant la durée du mariage par B.__ doit être fixé à CHF 78’790.20 (soit CHF 233’115.20 – [198’078 + 43’753]). Ce montant correspond à la différence entre le montant de la prestation de libre passage du prénommé lors de l’introduction de la procédure de divorce de CHF 189’447.20, auquel il y a lieu de réintégrer le montant de CHF 43’668 destiné à tenir compte d’un retrait anticipé pour l’accession à la propriété effectué en 2008 (soit un montant total de CHF 233’115.20 [43’668 + 189’447.20]), et le montant de la prestation de sortie de B.__ à la date de la conclusion de son mariage avec A.__ de CHF 198’078 fr. (consid. 5.3.2 supra), duquel il y a lieu de déduire le montant de CHF 43’753 (correspondant au montant que l’intimé devait à sa précédente épouse à titre du partage de la prévoyance professionnelle; consid. 5.2 supra).

Le montant de la prestation acquise par B.__ pendant la durée du mariage ainsi déterminé, de CHF 78’790.20, correspond du reste au montant allégué par la recourante en lien avec l’erreur de la juridiction cantonale quant à la somme à réintégrer dans le calcul. Au vu du montant de la prestation acquise par la recourante (CHF 96’188.44), celle-ci doit à B.__ la somme de CHF 8’699.10 (48’094,20 [soit 96’188,44 : 2] – 39’395,10 [soit 78’790,20 : 2]). L’arrêt entrepris doit être réformé en ce sens.

 

Le TF admet partiellement le recours de A.__.

 

 

Arrêt 9C_77/2024 consultable ici

 

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025

 

Article de Mélanie Sauvain, paru in Sécurité sociale CHSS du 26.11.2024, consultable ici

 

À l’instar des rentes AVS et AI, plusieurs prestations sociales vont augmenter au 1er janvier 2025. C’est également à partir de cette date que l’âge de référence des femmes passera progressivement de 64 à 65 ans.

Plusieurs nouvelles mesures entrent en vigueur début 2025. Afin que les assurés, les employeurs et les personnes actives dans le domaine des assurances sociales aient une vue d’ensemble, le présent article résume les principaux changements, sur la base des informations disponibles à la fin novembre 2024. Au moment de la rédaction de cet article, le recours contre le relèvement de l’âge de la retraite des femmes est toujours pendant au Tribunal fédéral.

 

1er pilier : hausse des rentes et des allocations pour impotent

Les rentes du 1er pilier augmentent de 2,9% dès le 1er janvier 2025. La rente minimale dans l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) et dans l’assurance-invalidité (AI) passe ainsi de 1’225 à 1’260 francs par mois ; la rente maximale pour une durée de cotisation complète de 2’450 à 2’520 francs. La rente AVS pour couples mariés s’élève désormais à 3’780 francs. La dernière adaptation de ces rentes à l’évolution des prix et des salaires datait de 2023.

En parallèle, le montant de la cotisation minimale AVS/AI/APG pour les indépendants et les personnes sans activité lucrative passe à 530 francs par an ; celui de la cotisation minimale dans l’AVS/AI facultative à 1’010 francs.

Destinées aux bénéficiaires de rentes tributaires de l’aide d’autrui, les allocations pour impotent dans l’AVS et l’AI sont également relevées. Leurs montants dépendent du degré de l’impotence. Enfin, dans l’AI, la contribution d’assistance se monte désormais à 35.30 francs par heure (+ 1 franc) et à 169.10 francs par nuit (+ 4.65 francs).

 

Besoins vitaux : hausse des PC et des Ptra

Les prestations complémentaires (PC) et les prestations transitoires (Ptra) augmentent également. Le forfait annuel pour couvrir les besoins vitaux passe à 20’670 francs pour les personnes seules (+ 570 francs) ; à 31’005 francs pour les couples (+ 855 francs) ; à 10’815 francs pour les enfants âgés de plus de 11 ans (+ 300 francs) et à 7’590 francs pour les enfants de moins de 11 ans (+ 210 francs).

Les montants maximaux des loyers pris en compte dans le cadre des PC et des Ptra sont aussi adaptés au renchérissement. Ils s’élèvent désormais à 18’900 francs dans les grands centres urbains (région 1), à 18’300 francs dans les villes (région 2) et à 16’680 francs à la campagne (région 3). Enfin, les franchises sur le revenu de l’activité lucrative sont relevées de 1’000 à 1’300 francs par an pour les personnes seules ; de 1’500 à 1’950 francs par an pour les couples ou les personnes avec enfant.

 

Allocations familiales : hausse des montants minimaux

Dans le domaine des allocations familiales, les montants minimaux fixés par la Confédération sont revus à la hausse en 2025. L’allocation pour enfant s’élève désormais à 215 francs par mois au lieu de 200 francs ; l’allocation de formation à 268 francs par mois au lieu de 250 francs.

Cette augmentation concerne en premier lieu les parents travaillant dans les cantons qui versent les montants minimaux, à savoir Argovie, Bâle-Campagne, Glaris, Soleure, Tessin, Thurgovie et Zurich. Les autres cantons, qui prévoient déjà des allocations plus élevées, ne sont pas obligés de procéder à une hausse.

 

2e et 3e piliers : nouveaux montants

Liés aux rentes du 1er pilier, plusieurs montant de la prévoyance professionnelle subissent aussi des changements début 2025. La déduction de coordination dans le régime obligatoire (LPP) passe à 26’460 francs ; le seuil d’entrée à 22’680 francs. Pour le 3e pilier (3a), la déduction fiscale autorisée par année s’élève désormais à 7’258 francs pour les personnes avec un 2e pilier et à 36’288 francs pour celles qui n’en ont pas.

Les rentes de survivants et d’invalidité de la LPP sont également adaptées. Elles augmentent de 0,8% si elles ont été adaptées pour la première fois en 2024 ; de 2,5% si leur dernière adaptation a eu lieu en 2023. Dans le régime surobligatoire, c’est l’organe suprême de l’institution de prévoyance qui décide chaque année si et dans quelle mesure les rentes doivent être adaptées.

Le taux d’intérêt minimal dans la LPP reste inchangé à 1,25% en 2025. Le Conseil fédéral a suivi les recommandations de la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle pour fixer l’intérêt minimal auquel doivent être rémunérés les avoirs de vieillesse de la LPP.

Enfin, dans la prévoyance individuelle liée (pilier 3a), il sera désormais possible d’effectuer des rachats à certaines conditions. Concrètement, une personne exerçant une activité lucrative en Suisse et qui n’aura pas versé chaque année la cotisation maximale autorisée dans son 3e pilier pourra la verser rétroactivement dans les dix années qui suivent. Seules les lacunes de cotisation survenant après l’entrée en vigueur du projet pourront être rachetées. Les lacunes étant apparues avant 2025 ne peuvent donc pas être comblées. Ce rachat sera autorisé en plus de la cotisation ordinaire et pourra également être déduit du revenu imposable.

 

AVS 21 : 2e étape

La deuxième étape de la réforme Stabilisation de l’AVS (AVS 21) entre en vigueur début 2025. Seules les femmes nées après 1960 sont concernées. Leur âge de référence (auparavant «âge de la retraite») va augmenter progressivement jusqu’en 2028 pour s’établir finalement à 65 ans comme pour les hommes.

 

L’âge de référence indique l’âge auquel une personne peut percevoir sa rente de vieillesse sans réduction ni supplément. Il n’est pas contraignant. Depuis 2024, il est en effet possible de prendre sa retraite entre 63 et 70 ans ; et cela également de manière partielle. En cas de départ à la retraite avant 65 ans, la rente est réduite ; si la retraite est repoussée après 65 ans, la rente est augmentée (Sauvain, 2023). Les taux de réduction et d’ajournement seront prochainement revus à la baisse, probablement en 2027, afin de mieux tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie.

L’augmentation de l’âge de référence s’accompagne de mesures de compensation (OFAS, 2022). Ainsi, les femmes nées entre 1961 et 1969 ont droit dès 2025 à un supplément de rente pour autant qu’elles perçoivent leur rente de vieillesse à l’âge de référence ou ultérieurement. Les femmes qui choisissent d’anticiper leur rente n’ont pas droit à ce supplément, mais elles bénéficient de taux de réduction plus favorables.

Le supplément de rente est échelonné en fonction du revenu et de l’année de naissance. Il s’élève entre 13 et 160 francs par mois. Il n’est pas soumis au plafonnement des rentes pour les couples mariés et est versé même si le montant de la rente maximale est dépassé. Versé à vie, il n’entraîne pas de réduction du montant des prestations complémentaires.

AMal : hausse des primes et règles pour les courtiers

Les primes de l’assurance-maladie obligatoire (AMal) augmentent pour toutes les catégories d’âge en 2025. La prime mensuelle moyenne s’élèvera à 378.70 francs, ce qui correspond à une augmentation de 6% par rapport à 2024. La prime moyenne est calculée en additionnant toutes les primes payées en Suisse et en les divisant par le nombre total d’assurés. La hausse moyenne pour les jeunes adultes et pour les enfants sera un peu moins élevée, respectivement de 5.4% et 5.8%.

L’annonce de cette augmentation de primes a pour la première fois été accompagnée de règles contraignantes pour les intermédiaires d’assurances. Ainsi, le démarchage téléphonique à froid, c’est-à-dire la prise de contact avec une personne qui n’a jamais été assurée auprès de l’assureur en question ou qui ne l’est plus depuis trois ans, est interdit. De plus, l’intermédiaire a l’obligation d’établir un procès-verbal lors de ses entretiens-conseils et de le faire signer par le client. Quant à sa rémunération, elle est dorénavant limitée. Les assureurs qui contreviennent à ces règles, entrées en vigueur en septembre 2024, encourent une amende pouvant aller jusqu’à 100’000 francs.

 

Social et santé : numérisation en marche

La numérisation des assurances sociales franchit une nouvelle étape avec la possibilité pour les personnes effectuant un service (militaire, civil, Protection civile) de demander en ligne leurs allocations pour perte de gain (APG). Les modifications légales en ce sens entrent en vigueur début 2025. Les formulaires papier seront dès 2026 progressivement remplacés par une procédure numérisée, plus simple et plus efficace. Le changement de loi vise à alléger les démarches administratives, tant pour les assurés que pour leurs employeurs.

Dans le domaine de la santé, un jalon important pour le dossier électronique du patient (DEP) est posé. La Confédération soutient désormais financièrement les fournisseurs de DEP. Cette mesure visant à diffuser et promouvoir le dossier électronique est transitoire jusqu’à ce que la révision de la loi correspondante soit adoptée et mise en œuvre. Le message sur cette révision complète doit être transmis au Parlement au printemps 2025.

 

Protection de la jeunesse renforcée

La première étape de la nouvelle loi sur la protection des mineurs dans les secteurs du film et du jeu vidéo entre en vigueur en 2025. Les enfants et les adolescents seront ainsi mieux protégés face aux contenus de films et de jeux vidéo susceptibles de les heurter, notamment les contenus violents ou sexuellement explicites. La loi harmonise à l’échelle du pays, le système de classification et de contrôle de l’âge en matière d’accès aux films et jeux vidéo.

 

Champ d’action élargi pour les fonds patronaux

Les fonds patronaux de bienfaisance pourront élargir leur champ d’action dès 2025. Jusqu’ici limités aux situations de détresse, ils peuvent désormais accorder des prestations visant à prévenir les risques financiers liés à la maladie, aux accidents et au chômage. De nouvelles mesures pour soutenir la formation continue, la conciliation entre vie familiale et professionnelle, ainsi que la promotion de la santé, seront également possibles. La modification du Code civil en ce sens vise à encourager ces fondations d’entreprise à caractère social.

 

 

Bibliographie :

OFAS (2024). Montants valables dès le 1er janvier 2025.

Sauvain, Mélanie (2023). Entre le travail et la retraite : plus grande flexibilité dès 2024, Sécurité sociale CHSS. 21 novembre.

OFAS (2022). Fiche d’information AVS 21 : Conséquences pour les femmes

 

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025, article de Mélanie Sauvain, paru in Sécurité sociale CHSS du 26.11.2024, consultable ici

Sozialversicherungen: Was ändert sich 2025?, Artikel von Mélanie Sauvain, in Soziale Sicherheit CHSS vom 26.11.2024 erschienen, hier abrufbar

 

Transfert temporaire d’avoirs de prévoyance des plans 1e à des institutions de libre passage

Transfert temporaire d’avoirs de prévoyance des plans 1e à des institutions de libre passage

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 16.10.2024 consultable ici

 

Les salariés qui, dans le cadre du 2e pilier, sont assurés dans un plan de prévoyance 1e, qui leur permet de choisir eux-mêmes le niveau de risque de placement, doivent pouvoir transférer temporairement leur avoir de prévoyance à une institution de libre passage en cas de changement d’emploi. Cette possibilité doit s’appliquer dans les situations où ces assurés devraient sinon transférer leur avoir à une institution de prévoyance n’offrant pas le choix de la stratégie de placement. Lors de sa séance du 16 octobre 2024, le Conseil fédéral a mis en consultation à cet effet la modification de la loi sur le libre passage jusqu’au 30 janvier 2025. Il entend également s’assurer que les avoirs de prévoyance ne restent pas dans des institutions de libre passage lorsque les assurés sont tenus de les transférer dans une caisse de pension.

 

Les employeurs peuvent, pour les parts de salaire dépassant 132’300 francs, assurer leurs employés auprès d’institutions de prévoyance proposant ce que l’on appelle des plans de prévoyance 1e. Ces plans offrent aux assurés la possibilité de choisir entre plusieurs stratégies de placement présentant des niveaux de risque différents.

Si un assuré quitte une telle institution de prévoyance (parce qu’il change d’employeur ou perd son emploi), celle-ci peut lui transmettre la valeur effective de la prestation de sortie. L’assuré supporte alors lui-même une éventuelle perte. Conformément à la loi, la totalité de l’avoir de prévoyance doit en principe être transférée à l’institution de prévoyance du nouvel employeur. Aujourd’hui, cette règle s’applique même quand le nouvel employeur ne propose pas de plan de prévoyance 1e. Dans une telle situation, il peut s’avérer difficile pour l’assuré d’espérer compenser une éventuelle perte liée à un plan de prévoyance 1e une fois qu’il entre dans sa nouvelle institution de prévoyance.

 

Les assurés bénéficiant d’un plan 1e devraient se voir accorder le temps de compenser leurs pertes

En septembre 2023, le Parlement a transmis la motion 21.4142 « Protéger l’avoir de prévoyance en cas de sortie d’un plan de prévoyance 1e » au Conseil fédéral pour qu’il la mette en œuvre. Cette motion demande que les assurés concernés aient la possibilité de transférer, pendant deux ans, l’avoir de prévoyance issu d’un plan 1e à une institution de libre passage. En choisissant une institution adéquate, ces assurés pourraient investir leur avoir de prévoyance dans des placements similaires à ceux de leur ancienne institution de prévoyance et, ainsi, tenter de compenser d’éventuelles pertes. Le Conseil fédéral a mis en consultation la modification correspondante de la loi sur le libre passage. Afin de garantir que l’avoir soit transféré de l’institution de libre passage à l’institution de prévoyance du nouvel employeur à l’expiration du délai de deux ans, il faut également réglementer l’échange d’informations entre ces institutions.

Aujourd’hui déjà, il arrive que des avoirs de prévoyance restent dans une institution de libre passage alors qu’ils devraient être transférés à une nouvelle institution de prévoyance. Si les assurés n’indiquent pas à leur nouvelle institution où ils étaient auparavant assurés, les institutions de prévoyance seront désormais tenues de rechercher activement les avoirs des assurés. Si un assuré n’en prend pas lui-même l’initiative, la nouvelle institution de prévoyance devra réclamer le transfert de l’avoir.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 16.10.2024 consultable ici

Rapport explicatif du Conseil fédéral du 16.10.2024 relatif à l’ouverture de la procédure de consultation disponible ici

Avant-projet de modification de la loi sur le libre passage consultable ici

 

9C_526/2023 (f) du 29.05.2024 – Déductibilité du revenu du contribuable d’un montant versé à titre de rachat pour la prévoyance professionnelle après un divorce moins de 3 ans avant la retraite / Pas d’évasion fiscale même pour un rachat effectué peu de temps avant le départ à la retraite

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_526/2023 (f) du 29.05.2024

 

Consultable ici

 

Déductibilité du revenu du contribuable d’un montant (CHF 75’000) versé à titre de rachat pour la prévoyance professionnelle après un divorce moins de 3 ans avant la retraite / 79b LPP – 33 al. 1 let. d LIFD – 37 al. 1 let. d LI (RS/VD 642.11)

Retrait partiel du capital du 2e pilier – Pas d’évasion fiscale même pour un rachat effectué peu de temps avant le départ à la retraite

 

Le contribuable, né en 1955, a divorcé le 27.11.2013. À la suite du prononcé de divorce, un montant de CHF 600’000 a été prélevé sur ses avoirs de prévoyance professionnelle et a été versé sur le compte de libre passage de son ex-épouse le 13.12.2013. Entre décembre 2013 et avril 2020, le contribuable a procédé à des rachats de prestations réglementaires d’un montant annuel de CHF 75’000, afin de combler la lacune d’avoirs de prévoyance résultant du transfert dans le cadre du divorce précité.

Par courriers des 26.01.2017 et 18.10.2017, le contribuable s’est adressé à l’Administration fiscale pour s’informer sur la déductibilité fiscale des rachats de prévoyance, en vue d’un possible retrait en capital une fois retraité et d’une éventuelle installation à l’étranger. Le 15.11.2017, l’Administration fiscale lui a répondu que comme il avait déjà pris sa décision de percevoir sa prestation de vieillesse sous forme de capital et qu’il n’envisageait pas de combler la lacune de prévoyance existant avant le divorce, elle considérait que « les rachats de divorce qui seraient effectués tant au cours de période de cessation de l’activité lucrative impliquant la réalisation du cas de vieillesse que durant la période fiscale précédente » ne seraient pas déductibles du revenu. Selon elle, l’objectif de prévoyance faisait défaut, car le contribuable avait « l’intention de percevoir les prestations de retraite sous forme de capital sitôt lesdits rachats effectués ».

Le contribuable a procédé au dernier rachat de CHF 75’000 le 20.04.2020. Il a cessé son activité lucrative le 31.05.2020 et a pris sa retraite. Il a en outre opté pour un retrait partiel du capital de son 2e pilier (soit d’un premier montant de CHF 600’000 et d’un second de CHF 793’921.55, versés sur deux comptes bancaires distincts), correspondant à moins de 50% des avoirs accumulés). Depuis lors, il perçoit également une rente mensuelle de la prévoyance professionnelle.

Par décision de taxation du 20.08.2021 relative à la période fiscale 2020, l’office d’impôt a refusé la déduction du rachat d’années de prévoyance de CHF 75’000 effectué en 2020, tant pour l’impôt fédéral direct (ci-après: IFD) que pour les impôts cantonaux et communaux (ci-après: ICC), au motif que le versement de la prestation en capital avait été effectué (le 01.06.2020) dans le délai de blocage de trois ans. Statuant sur réclamation le 09.05.2022, l’Administration fiscale a notamment rejeté la réclamation du contribuable et a confirmé la décision de taxation de la période fiscale 2020.

 

Procédure cantonale (arrêt FI.2022.0085 – consultable ici)

Par arrêt du 05.07.2023, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur réclamation du 09.05.2022 et renvoyant la cause à l’administration pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

 

TF

Consid. 3.2
Selon l’art. 33 al. 1 let. d LIFD, sont déduits du revenu les primes, cotisations et montants légaux, statutaires ou réglementaires versés à l’assurance-vieillesse et survivants, à l’assurance-invalidité et à des institutions de la prévoyance professionnelle (cf. aussi l’art. 81 al. 2 LPP).

Aux termes de l’art. 79b al. 1 LPP, l’institution de prévoyance ne peut permettre le rachat que jusqu’à hauteur des prestations réglementaires. L’art. 79b al. 3 LPP prévoit que les prestations résultant d’un rachat ne peuvent être versées sous forme de capital par les institutions de prévoyance avant l’échéance d’un délai de trois ans. Lorsque des versements anticipés ont été accordés pour l’encouragement à la propriété, des rachats facultatifs ne peuvent être effectués que lorsque ces versements anticipés ont été remboursés. Selon l’art. 79 al. 4 LPP, les rachats effectués en cas de divorce ou de dissolution judiciaire du partenariat enregistré en vertu de l’art. 22c LFLP (actuellement art. 22d de la loi fédérale du 17 décembre 1993 sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité [LIFD]; cf. RO 2016 2313) ne sont pas soumis à limitation.

Consid. 3.3
Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion d’interpréter l’art. 79b al. 3 et 4 LPP en relation avec la question de la déductibilité des rachats de cotisations de la prévoyance professionnelle après un divorce. Il a constaté que le texte légal, la systématique et les travaux préparatoires y relatifs laissaient certes penser que la référence à la « limitation » (à laquelle ne sont pas soumis les rachats mentionnés) prévue à l’art. 79b al. 4 LPP renvoyait à la limitation du montant du rachat de l’art. 79b al. 1 LPP (« jusqu’à hauteur des prestations réglementaires »; ATF 142 II 399 consid. 3.3.1 à 3.3.3). Sur la base d’une interprétation téléologique, le Tribunal fédéral est toutefois parvenu à la conclusion que l’exception contenue à l’art. 79b al. 4 LPP ne pouvait pas uniquement se référer à la limitation du montant de l’al. 1, mais portait également sur la période de blocage de trois ans prévue à l’art. 79b al. 3 LPP. Il en a déduit qu’en cas de rachat après un divorce ou une dissolution judiciaire du partenariat enregistré, le versement des prestations sous forme de capital dans les trois ans suivant le rachat n’était pas en soi exclu: certes, le rachat d’années de cotisation servait en premier lieu à améliorer les expectatives de prestations de la prévoyance professionnelle, mais un rachat pouvait aussi être effectué pour des raisons d’optimisation fiscale. Afin d’éviter les abus y relatifs, la loi prévoyait le blocage des versements en capital. L’art. 79b LPP ne poursuivait donc pas seulement un but en lien avec le droit de la prévoyance professionnelle, mais visait aussi à éviter des transferts de fonds vers et depuis le 2e pilier motivés par des raisons purement fiscales. En outre, il fallait tenir compte de la ratio legis de l’art. 22c LFLP (actuellement art. 22d LFLP), qui visait notamment à maintenir la protection de prévoyance des conjoints. Après un divorce, le conjoint débiteur devait avoir la possibilité, après le partage des avoirs de prévoyance, de retrouver la même situation en matière de prévoyance qu’avant le divorce. Par conséquent, en cas de rachat après un divorce, il devait donc être possible de combler la lacune créée par le partage des prestations de prévoyance. Pour permettre cette égalité, il convenait donc de comprendre l’exception de l’art. 79b al. 4 LPP en ce sens que les rachats après un divorce doivent être exclus du délai de blocage de trois ans, faute de quoi un rachat suivi d’un versement en capital serait impossible, notamment en cas de divorce peu avant la retraite (ATF 142 II 399 consid. 3.3.4 et 3.3.5; cf. arrêt 2C_895/2016 et 2C_896/2016 du 14 juin 2017 consid. 2.2). En d’autres termes, le Tribunal fédéral a admis qu’un retrait en capital dans les trois ans (après le versement) n’est pas exclu en cas de rachat après un divorce ou une dissolution d’un partenariat enregistré. Réservant toutefois l’examen d’un tel versement sous l’angle d’une possible évasion fiscale, il a retenu qu’une déduction selon l’art. 33 al. 1 let. d LIFD n’est pas autorisée en présence d’un cas d’évasion fiscale, alors même que les rachats seraient en principe admissibles selon l’art. 79b al. 3 et 4 LPP (ATF 142 II 399 consid. 4.1 et 4.2).

Consid. 3.4
On rappellera que selon la jurisprudence, il y a évasion fiscale: a) lorsque la forme juridique choisie par le contribuable apparaît comme insolite, inappropriée ou étrange, en tout cas inadaptée au but économique poursuivi; b) lorsqu’il y a lieu d’admettre que ce choix a été abusivement exercé uniquement dans le but d’économiser des impôts qui seraient dus si les rapports de droit étaient aménagés de façon appropriée et c) lorsque le procédé choisi conduirait effectivement à une notable économie d’impôt dans la mesure où il serait accepté par l’autorité fiscale (ATF 147 II 338 consid. 3.1; 142 II 399 consid. 4.2; 138 II 239 consid. 4.1 et les références). Si ces trois conditions sont remplies, l’imposition doit être fondée non pas sur la forme choisie par le contribuable, mais sur la situation qui aurait dû être l’expression appropriée au but économique poursuivi par les intéressés (ATF 147 II 338 consid. 3.1; 142 II 399 consid. 4.2; 138 II 239 consid. 4.1 et les références).

L’autorité fiscale doit en principe s’arrêter à la forme juridique choisie par le contribuable. Ce dernier est libre d’organiser ses relations de manière à générer le moins d’impôt possible. Il n’y a rien à redire à une telle planification fiscale, tant que des moyens autorisés sont mis en oeuvre. L’état de fait de l’évasion fiscale est réservé à des constellations extraordinaires, dans lesquelles il existe un aménagement juridique (élément objectif) qui – abstraction faite des aspects fiscaux – va au-delà de ce qui est raisonnable d’un point de vue économique. Une intention abusive (élément subjectif) ne peut de surcroît pas être admise si d’autres raisons que la seule volonté d’épargner des impôts jouent un rôle décisif dans la mise en place de la forme juridique. Une certaine structure peut en effet se justifier pour d’autres raisons commerciales ou personnelles (ATF 147 II 338 consid. 3.1; 142 II 399 consid. 4.2; 138 II 239 consid. 4.1 et les références; arrêts 9C_715/2022 du 19 juillet 2023 consid. 10.2.1; 2C_68/2022 du 8 décembre 2022 consid. 6.4). Selon la jurisprudence relative à l’art. 33 al. 1 let. b LIFD, une déduction d’un rachat au sens de cette disposition n’est pas admise lorsque des rachats et des versements en capital, permettant une économie d’impôt abusive, sont effectués non pas dans le but de combler une lacune dans la prévoyance professionnelle, mais de détourner le 2e pilier de son but en le considérant comme un compte courant fiscalement avantageux (« steuerbegünstigter Kontokorrent »; ATF 142 II 399 consid. 4.2).

Consid. 3.5
Dans deux affaires, auxquelles les parties font référence, le Tribunal fédéral est parvenu à des conclusions différentes quant à la réalisation des conditions d’une évasion fiscale, alors même que l’art. 79 al. 4 LPP trouvait application.

Dans l’arrêt publié aux ATF 142 II 399, l’existence d’une évasion fiscale a été admise: le contribuable avait effectué un rachat financé par un prêt de sa mère un peu moins de deux ans avant la retraite et le retrait en capital, mais quatorze ans après le prononcé du divorce, sans qu’aucun autre rachat ne fût intervenu dans l’intervalle. Le Tribunal fédéral a considéré que si certains éléments pris séparément ne devaient pas forcément être considérés comme inhabituels ou étranges, la manière de procéder du contribuable indiquait toutefois, dans son ensemble, une volonté de diminuer abusivement sa charge fiscale. En particulier, il n’avait pas exposé les raisons pour lesquelles il avait effectué un rachat si tardivement après le divorce, respectivement si peu avant sa retraite et le versement planifié de la prestation en capital, et ce alors même qu’il aurait pu disposer plus tôt des fonds provenant du contrat de prêt. Or le fait de procéder à un versement dans la prévoyance professionnelle pour ensuite retirer le même montant moins de deux ans après ne faisait, dans le cas d’espèce, aucun sens tant du point de vue économique ou du point de vue de la prévoyance professionnelle. Il ressortait ainsi des circonstances que le contribuable ne souhaitait pas combler aussi rapidement que possible une lacune de prévoyance, mais que sa démarche visait (uniquement) à profiter d’une économie d’impôt (ATF 142 II 399 consid. 4.4).

Dans un arrêt 2C_895/2016 et 2C_896/2016 du 14 juin 2017, le Tribunal fédéral a en revanche nié l’existence d’une évasion fiscale. Le contribuable, qui avait divorcé en 2007 et était parti à la retraite (manifestement contre sa volonté) en 2012, avait procédé à des rachats en lien avec sa prévoyance professionnelle en 2007, 2009, 2010 ainsi qu’en 2012. Cette situation n’était pas constitutive d’une évasion fiscale, au regard des exigences élevées pour admettre une telle constellation (arrêt 2C_895/2016 et 2C_896/2016 du 14 juin 2017 consid. 2.6).

 

Consid. 4.1
La juridiction cantonale a constaté que le contribuable avait divisé le montant versé à son ex-épouse ensuite du partage de sa prévoyance professionnelle par le nombre d’années qui restaient jusqu’à l’âge de la retraite ordinaire (CHF 600’000 divisé par 8 ans) et avait de ce fait racheté annuellement le montant de CHF 75’000, à l’aide de fonds propres. Cette manière de procéder n’apparaissait pas insolite, inappropriée, étrange ou encore inadaptée au but économique poursuivi. Contrairement à la situation jugée in ATF 142 II 399, le contribuable n’avait pas attendu pour procéder au rachat juste avant le retrait du capital, mais avait souhaité d’emblée combler la lacune créée par le partage ensuite du divorce. Le fait de « lisser » les cotisations de rachat sur l’entier des années restant avant l’âge de la retraite ne pouvait dès lors être considéré comme insolite. Les juges cantonaux n’ont pas suivi l’argumentation de l’Administration fiscale selon laquelle le contribuable aurait dû éviter de procéder à un rachat l’année même de son départ à la retraite, cet élément spécifique devant être considéré comme insolite. À leur avis, une telle argumentation revenait à vider de sa substance l’art. 79b al. 4 LPP, qui permet précisément de racheter des années de cotisation pour combler une lacune de prévoyance consécutive à un divorce même dans l’année qui précède le retrait en capital; elle conduisait également à introduire un « délai de latence » d’une année qui n’avait pas été prévu par le législateur lors de l’adoption des al. 3 et 4 de l’art. 79b LPP. En outre, le contribuable n’avait pas retiré l’entier de ses avoirs de prévoyance professionnelle sous forme de capital, mais uniquement la moitié. Partant, il était d’autant moins insolite de procéder à un rachat quelques mois avant la retraite, puisqu’une partie des prestations de la prévoyance professionnelle était servie au contribuable sous forme de rente. Compte tenu de ces circonstances, la juridiction cantonale a nié que la première condition de l’évasion fiscale fût réalisée (supra consid. 3.4), et ce quand bien même le rachat litigieux en 2020 avait été effectué peu de temps avant le départ à la retraite du contribuable.

 

Consid. 5.1
À titre liminaire et comme l’a retenu à bon droit la cour cantonale, la survenance d’un cas d’évasion fiscale doit en l’espèce être examinée en fonction de l’ensemble des circonstances. Une telle approche correspond à celle suivie par le Tribunal fédéral notamment dans les causes jugées par l’ATF 142 II 399 et l’arrêt 2C_895/2016 et 2C_896/2016 du 14 juin 2017 (cf. supra consid. 3.5). Ensuite, et contrairement à ce que voudrait l’AFC qui se réfère notamment dans ce contexte au principe de l’étanchéité des périodes fiscales, une analyse centrée uniquement sur l’année 2020 rendrait en large partie ineffective la possibilité instaurée par le législateur à l’art. 79 al. 4 LPP, puisque le rachat effectué dans l’année précédant le début de la retraite ne serait pas déductible selon l’art. 33 al. 1 let. d LPP. En effet, par un tel examen focalisé sur l’année au cours de laquelle le contribuable prend sa retraite (et se voit verser un capital de la prévoyance professionnelle), un lien entre le rachat effectué peu avant et l’amélioration de la prévoyance professionnelle devrait presque toujours être nié. Or rien n’indique que le législateur, comme l’a considéré à juste titre le Tribunal cantonal, aurait souhaité limiter le caractère déductible du rachat effectué en cas de divorce ou de dissolution du partenariat enregistré, alors même qu’il a prévu la possibilité de rachats et de versements de prestations de prévoyance qui ne sont pas soumis au délai de blocage prévu à l’art. 79 al. 3 LPP. Du reste, l’Administration fiscale n’apporte aucun élément permettant de parvenir à une conclusion différente.

Consid. 5.2
On rappellera ensuite que dans le cadre de son divorce, le contribuable a dû partager une partie de sa prévoyance professionnelle à hauteur de CHF 600’000 Partant, le fait qu’il a procédé annuellement à des rachats de CHF 75’000 pendant huit ans (période qui correspond à celle entre le divorce 2013 et la retraite intervenue en 2020), et ce à l’aide de ses fonds propres, n’a rien d’insolite ou d’abusif. On ne saurait à cet égard reprocher au contribuable, comme le voudrait la recourante, de ne pas avoir procédé à des rachats plus élevés afin « d’éviter de procéder au dernier rachat juste avant son départ à la retraite », alors qu’il a simplement mis en œuvre un plan de rachats consistant à combler la lacune de prévoyance due au partage pour cause de divorce jusqu’au jour de son départ à la retraite, en divisant le montant en cause par le nombre d’années restant jusqu’à cette date. En outre, le procédé utilisé par le contribuable pour compenser la diminution de ses avoirs de prévoyance ensuite de son divorce se distingue de celui jugé à l’ATF 142 II 399. Le rachat avait alors été effectué près de quatorze ans après le divorce, alors même que le contribuable aurait eu la possibilité de procéder à des rachats plus tôt; le Tribunal fédéral en avait conclu que l’opération ne faisait aucun sens du point de vue économique ou de celui de la prévoyance professionnelle. À l’inverse, le contribuable intimé s’est en l’occurrence attaché à compenser immédiatement sa prévoyance professionnelle après son divorce, et ce de manière régulière. Il est vrai que le dernier versement de CHF 75’000 n’a pas pu avoir un impact déterminant sur l’amélioration de la prévoyance professionnelle du contribuable. Toutefois, même s’il n’est pas possible d’opérer de distinction sur l’origine des fonds servant à la prévoyance professionnelle, le capital de prévoyance devant être considéré comme un tout (cf. ATF 148 II 189 consid. 3.4.3 et les références), le fait que le contribuable n’a retiré qu’une partie du capital de la prévoyance pour bénéficier d’une rente de vieillesse dénote qu’il avait en vue l’amélioration des prestations (futures) de prévoyance par le biais des rachats, en comblant la lacune liée au partage des avoirs de prévoyance consécutif à son divorce. Par conséquent, le rachat effectué en 2020, mis en perspective avec l’ensemble des montants déjà versés depuis 2013 selon un plan précis défini à l’avance, n’était pas dénué de sens du point de vue économique ou de la prévoyance professionnelle. Enfin, on rappellera que les exigences pour admettre les conditions pour une évasion fiscale sont élevées (cf. aussi arrêt 2C_895/2016 et 2C_896/2016 du 14 juin 2017 consid. 2.6). Or il n’apparaît pas que la démarche choisie par le contribuable intimé et les rachats qu’il a effectués, pris dans leur ensemble, seraient extraordinaires dans le contexte du comblement d’une lacune de la prévoyance professionnelle après un divorce. C’est partant à bon droit que la cour cantonale a considéré que le montant litigieux devait être déductible pour l’année 2020. Dans la mesure où la première des conditions pour admettre une évasion fiscale (supra consid. 3.4) n’est pas réalisée, il n’y a pas lieu d’examiner les deux autres, ni les griefs y relatifs de la recourante.

Consid. 5.3
Ce qui précède conduit au rejet du recours en matière d’IFD.

Consid. 6
L’art. 37 al. 1 let. d de la loi vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux (LI; RSV 642.11) a la même teneur que les art. 9 al. 2 let. d LHID et 33 al. 1 let. d LIFD. En outre, les art. 79b al. 3 et 4 LPP s’appliquent également aux ICC (arrêt 2C_895/2016 et 2C_896/2016 du 14 juin 2017 consid. 3). Partant, le raisonnement développé en matière d’IFD s’applique mutatis mutandis aux ICC de la période fiscale sous examen. Cela conduit également au rejet du recours en matière d’ICC.

 

Le TF rejette le recours de l’Administration cantonale des impôts.

 

Arrêt 9C_526/2023 consultable ici

 

9C_678/2023 (f) du 28.05.2024 – Rente d’invalidité LPP – Connexité temporelle – 23 LPP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2023 (f) du 28.05.2024

 

Consultable ici

 

Rente d’invalidité LPP – Connexité temporelle / 23 LPP

Lien de connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l’invalidité ultérieure – Tentative de réinsertion et mesures de réadaptation AI

 

Assuré a travaillé pour le compte de B.__ du 01.12.1986 au 31.07.2019. À ce titre, il a été affilié pour la prévoyance professionnelle auprès de la caisse de pensions X.

Par décisions des 08.09.2021 et 27.10.2021, également communiquées à la caisse de pensions, l’office AI a reconnu le droit de l’assuré à un quart de rente depuis le 01.06.2021. Le 10.11.2021, la caisse de pensions a nié le droit de l’assuré à une rente de la prévoyance professionnelle. Elle a confirmé son refus par courriers des 30.12.2021 et 04.02.2022. En bref, elle a considéré, en se fondant sur les constatations de l’office AI, que le lien de connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l’invalidité ultérieure avait été interrompu, puisque l’assuré avait présenté une capacité de travail entière dans une activité adaptée depuis le 27.05.2019, avant que son état de santé ne s’aggrave à compter du 15.07.2020.

 

Procédure cantonale (arrêt PP 6/22 – 31/2023 – consultable ici)

Par jugement du 20.09.2023, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Le jugement entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment au droit à des prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire (art. 23 LPP) et à la notion de survenance de l’incapacité de travail, en relation avec la double condition de la connexité matérielle et temporelle nécessaire pour fonder l’obligation de prester d’une institution de prévoyance (ATF 144 V 58 consid. 4.4 et 4.5; 138 V 409 consid. 6.2 et 6.3; 134 V 20 consid. 3.2 et 5.3 et les références). Il rappelle également les conditions dans lesquelles les décisions de l’assurance-invalidité lient l’institution de prévoyance compétente (ATF 144 V 72 consid. 4.1; 138 V 409 consid. 3.1 et les arrêts cités). Il suffit d’y renvoyer.

Consid. 6.1
À la suite des juges cantonaux, on rappellera que la connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l’invalidité ultérieure est interrompue lorsque la personne concernée dispose d’une capacité de travail de plus de 80% dans une activité adaptée pendant plus de trois mois et que celle-ci lui permet de réaliser un revenu excluant le droit à une rente (ATF 144 V 58 consid. 4.4 et les références; arrêt 9C_7/2017 du 4 avril 2017 consid. 4.1).

Consid. 6.2
L’assuré reproche à l’instance précédente d’avoir fait preuve d’arbitraire en admettant qu’il avait recouvré une capacité de travail de plus de 80% pendant plus de trois mois durant la période comprise entre le 27.05.2019 et le 15.07.2020. Il se prévaut à cet égard du fait qu’il a uniquement effectué des mesures de reclassement ordonnées par l’office AI, soit des mesures dont les exigences ne peuvent guère être comparées à celles prévalant dans le cadre d’une activité professionnelle ordinaire, et fait implicitement valoir que les décisions de l’office AI des 08.09.2021 et 27.10.2021 seraient insoutenables.

Consid. 6.2.1
En l’espèce, il ressort des constatations cantonales, non contestées par les parties, que l’assuré a été licencié pour le 31.07.2019 parce qu’il n’avait pas été en mesure d’obtenir le niveau de performance et de qualité correspondant aux attentes du poste, notamment en termes de productivité et de flexibilité, malgré les mesures de réadaptation mises en œuvre au sein de l’entreprise par l’office AI. L’assuré avait ensuite suivi des mesures professionnelles de l’assurance-invalidité dès le 27.05.2019, sous la forme d’une orientation professionnelle puis d’un reclassement, en vue de sa réadaptation dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles psychiques.

Même si les mesures de réadaptation s’étaient échelonnées sur plus d’un an et demi au taux de 100%, les juges cantonaux ne pouvaient cependant pas admettre en se fondant sur cette seule circonstance qu’une diminution de la capacité de travail de 100% retenue dans une activité adaptée n’avait pas été objectivée, compte tenu des circonstances du cas d’espèce. À cet égard, il apparaît en effet qu’à l’occasion d’un bilan effectué le 21.11.2019 au Centre d’observation professionnelle de l’assurance-invalidité (Orif) de Morges, l’office AI avait relevé que l’assuré avait présenté une résistance au stress « bas seuil », qu’il n’arrivait pas à fournir le travail demandé en un temps donné (crispations/dorsalgies/réduction de la production et montée de la tension interne) et qu’il allait au-delà de ses limites au risque d’aggraver son état de santé actuel. Après avoir prolongé la mesure d’orientation professionnelle à deux reprises, l’office AI n’avait pas encore été en mesure de déterminer quelle était l’activité adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assuré (note d’entretien du 06.02.2020). Si une telle activité avait finalement été retenue en février 2020 (à savoir une « activité de type administratif : AFP de bureau/assistant bureau »; note d’entretien du 13.02.2020), l’office AI avait cependant considéré comme plausible en l’état une capacité de travail à 70% voire 100% dans cette activité en mars 2020 (compte rendu de la permanence du SMR du 26.03.2020). Par la suite de « sérieux doutes » avaient été émis quant à l’employabilité de l’assuré au terme de la formation envisagée d’AFP employé de bureau, au vu de ses problèmes psychologiques (angoisses entre autres) qui risquaient d’être des obstacles à un emploi « dans le milieu économique » (note d’entretien du 04.06.2020). Le SMR s’était finalement prononcé en faveur d’une capacité de travail de 70% à tester avec présence de 100% et 50% avec rendement correspondant (compte rendu de la permanence du SMR du 16.07.2020) et les mesures professionnelles n’avaient pas pu se poursuivre avec la formation AFP en automne 2020 car la santé psychique de l’assuré s’était aggravée par surinvestissement (rapport final de réadaptation du 01.06.2021). En raison de cette aggravation de l’état de santé de l’assuré, l’office AI lui a alloué un quart de rente d’invalidité à compter du 01.06.2021.

Consid. 6.2.2
Dans ces circonstances
, la juridiction cantonale a constaté de manière manifestement inexacte que l’assuré avait disposé d’une capacité de travail entière depuis le mois de mai 2019; une incapacité de travail supérieure à 20% à partir de cette date est établie. Dès novembre 2019 à tout le moins, les organes d’observation professionnelle de l’assurance-invalidité ont en effet proposé de diminuer le taux d’activité de l’assuré afin d’éviter que son état de santé ne s’aggrave (courriel de l’Orif du 14.11.2019). Or la durée de plus de trois mois durant laquelle la personne assurée doit avoir présenté une capacité de travail de plus de 80% dans une activité adaptée, nécessaire pour admettre la rupture du lien de connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l’invalidité ultérieure, doit être relativisée lorsque l’activité en question doit être considérée comme une tentative de réinsertion (cf. arrêt 9C_209/2022 du 20 janvier 2023 consid. 6.2), comme c’est le cas en l’espèce. On ajoutera que l’office AI n’a pas demandé l’avis de son SMR avant le mois de mars 2020 et qu’une fois sollicité, celui-ci a considéré qu’il était en l’état plausible que l’assuré disposât d’une capacité de travail de 70% (compte rendu du 26.03.2020).

Quant au fait que l’assuré se soit annoncé le 01.06.2021 en tant que demandeur d’emploi à 100% à l’assurance-chômage, il ne signifie pas encore qu’il disposait nécessairement d’une capacité de travail durant la même période (cf. arrêt 9C_162/2013 du 8 août 2013 consid. 2.3.2). Cette circonstance s’est par ailleurs produite en dehors de la période déterminante en l’espèce pour apprécier l’existence d’un lien de connexité temporelle (du 27.05.2019 au 15.07.2020).

Consid. 6.2.3
Il suit de ce qui précède que la juridiction cantonale a violé l’art. 23 LPP en retenant une rupture de la connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue à l’époque où l’intéressé était affilié auprès de l’intimée et son invalidité ultérieure. L’assuré a droit à une rente de la prévoyance professionnelle de la part de la caisse de pensions.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_678/2023 consultable ici

 

9C_449/2022 (d) du 29.11.2023, destiné à la publication – Demande de restitution de rentes : date de début et respect du délai relatif / 6 LPP – 35a al. 2 LPP – 135 CO

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_449/2022 (d) du 29.11.2023, destiné à la publication

 

Consultable ici

Résumé tiré du Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 163, ch. 1135

 

Demande de restitution de rentes : date de début et respect du délai relatif / 6 LPP – 35a al. 2 LPP – 135 CO

 

Le délai relatif visé à l’art. 35a al. 2 LPP est un délai de péremption. Concernant le moment auquel le délai commence à courir, la jurisprudence relative à l’(ancien) art. 25 al. 2 LPGA s’applique par analogie ; concernant le respect du délai, l’art. 135 CO s’applique par analogie.

Dans un courrier de mai 2021, l’institution de prévoyance demande à l’assuré W. de lui restituer des prestations de rente versées en trop. En effet, en raison d’un calcul erroné de la surindemnisation basé sur une évaluation excessive des revenus avec et sans invalidité, elle lui versait une rente trop élevée depuis le 01.05.2016. L’assuré s’oppose à cette demande et porte l’affaire en justice. Selon lui, le droit de demander la restitution des prestations octroyées entre le 01.05.2016 et le 31.05.2021 est en grande partie déjà prescrit resp. frappé de péremption, car l’institution de prévoyance l’a fait valoir trop tard. De son côté, l’institution de prévoyance affirme dans sa réponse au recours du 23.11.2021 qu’elle n’a été informée ni par l’office AI ni par l’assuré de la révision à la baisse des revenus avec et sans invalidité, et qu’elle n’en a eu connaissance qu’à la réception du dossier AI complet en avril 2021.

Dans la présente procédure devant le Tribunal fédéral, la question litigieuse à examiner est notamment celle de la date de début et du respect du délai relatif visé à l’(ancien) art. 35a al. 2 LPP.

Le Tribunal fédéral constate d’abord qu’en l’absence de règles relatives aux conflits de lois dans la base légale applicable, il convient de se référer aux principes généraux du droit intertemporel. Ainsi, l’ancien art. 35a LPP était applicable jusqu’à l’entrée en vigueur de sa version révisée le 1er janvier 2021. À partir de ce moment, c’est le nouvel art. 35a qui s’applique, même pour les droits nés, devenus exigibles mais pas encore prescrits avant cette date. Dans la prévoyance professionnelle, il faut en outre tenir compte de l’art. 6 LPP : ainsi, si le règlement de prévoyance prévoit des dispositions plus avantageuses que la loi pour l’assuré, ce sont ces dispositions qui s’appliquent. Dans le cas présent, le règlement prévoit, même après le 1er janvier 2021, un délai de prescription, ce qui est plus avantageux pour l’assuré que le délai de péremption défini à l’art. 35a al. 2 LPP.

Concernant le moment auquel le délai relatif de prescription ou de péremption fixé à l’art. 35a al. 2 LPP [tant dans sa version actuelle que dans celle en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020] commence à courir, le Tribunal fédéral estime que la jurisprudence au sujet de l’(ancien) art. 25 al. 2 LPGA s’applique par analogie. Ainsi, le moment déterminant pour l’institution de prévoyance est celui auquel elle aurait pu ou dû reconnaître son erreur après avoir fixé le montant de la rente pour la première fois. Selon le Tribunal fédéral, en l’espèce, ce n’est pas la date à laquelle l’institution de prévoyance a reçu le dossier AI complet (avril 2021) qui est déterminante, mais celle à laquelle elle a procédé au premier recalcul de la rente (07.08.2018). Pour ce qui est du délai relatif de prescription ou de péremption visé à l’art. 35a al. 2 LPP, seules les actions citées à l’art. 135 CO sont pertinentes. On peut notamment considérer que l’institution de prévoyance a respecté le délai si elle fait valoir une exception devant un tribunal. Dans le cas présent, le courrier adressé à l’assuré en mai 2021 ne suffit donc pas.

Dans le cas concret, le Tribunal fédéral arrive à la conclusion qu’en vertu des principes du droit intertemporel et du règlement de prévoyance, on peut considérer que la réponse au recours (exception) de l’institution de prévoyance datée du 23.11.2021 respecte le délai relatif applicable à la demande de restitution pour les prestations versées du 23.11.2020 au 31.05.2021. Pour celles versées entre le 01.05.2016 et le 22.11.2020, en revanche, la demande a été faite trop tard.

 

Arrêt 9C_449/2022 consultable ici

Résumé tiré du Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 163, ch. 1135

 

Les rentes pour enfants pourraient être supprimées dans l’AVS et la prévoyance professionnelle

Les rentes pour enfants pourraient être supprimées dans l’AVS et la prévoyance professionnelle

 

Communiqué de presse du Parlement du 07.03.2024 consultable ici

Les rentes pour enfants pourraient être supprimées dans l’AVS et la prévoyance professionnelle. Le National a adopté le 7 mars 2024 par 117 voix contre 62 une motion de commission en ce sens qui vise la durabilité économique et la justice sociale. Le Conseil des Etats doit encore se prononcer.

Les coûts de ces rentes pour enfants ont fortement augmenté ces 20 dernières années. Elles représentent aujourd’hui une charge de plus de 230 millions de francs par année rien que pour l’AVS.

Pour le National, ces rentes sont discriminatoires pour plusieurs raisons. Les rentes pour enfants de l’AVS discriminent les jeunes familles, puisque les parents à la retraite sont bien souvent privilégiés par rapport aux parents en âge de travailler recevant des allocations pour enfants.

Les rentes pour enfants de l’AVS privilégient les bénéficiaires de l’AVS dont le revenu est élevé par rapport à ceux dont le revenu est faible, car elles dépendent du montant de la rente des parents, a avancé Andri Silberschmidt (PLR/ZH) au nom de la commission.

 

Prestations complémentaires

Le National a toutefois prévu certaines garanties. Pour remplacer les rentes, les parents qui touchent une petite retraite et qui sont dans le besoin pourront toucher des prestations complémentaires, a expliqué Benjamin Roduit (C/VS). Les rentiers de l’étranger ne seront pas couverts, ni les rentiers qui n’ont pas de problèmes financiers. Contrairement à aujourd’hui, ce sont donc bien les parents dans le besoin qui obtiendront plus d’argent.

Les rentes d’orphelin et les rentes pour enfants versées en cas d’invalidité d’un des parents doivent elles être conservées. La garantie des droits acquis des personnes bénéficiant d’une rente pour enfants de l’AI est maintenue lorsque l’âge de référence est atteint. Les rentes pour enfants de l’AVS déjà octroyées continuent d’être versées jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge maximum ou finisse sa formation.

La gauche a critiqué un projet qui se fait sur le dos des enfants. Pour la ministre des assurances sociales Elisabeth Baume-Schneider aussi, la motion est contraire à l’égalité des chances pour les enfants. Par ailleurs, le risque de pauvreté augmenterait. Les rentes pour enfants seront à nouveau examinées dans le cadre du message sur la stabilisation de l’AVS qui sera présenté au plus tard en décembre 2026.

 

Communiqué de presse du Parlement du 07.03.2024 consultable ici

Motion CSSS-N 24.3004 «Suppression des rentes pour enfants et augmentation simultanée des prestations complémentaires pour les parents avec obligation d’entretien» consultable ici

 

9C_430/2022 (f) du 16.11.2023, destiné à la publication – Interruption de l’assurance obligatoire – Interprétation par le TF de l’art. 47 LPP / Retraite anticipée – Notion de la survenance du cas de prévoyance « vieillesse »

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_430/2022 (f) du 16.11.2023, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Interruption de l’assurance obligatoire – Interprétation par le TF de l’art. 47 LPP

Retraite anticipée – Notion de la survenance du cas de prévoyance « vieillesse »

 

La Société Suisse des Entrepreneurs (SSE), d’une part, et les syndicats SIB (Syndicat Industrie & Bâtiment; aujourd’hui: UNIA) et SYNA, d’autre part, ont conclu le 12.11.2002 la Convention collective de travail pour la retraite anticipée dans le secteur principal de la construction (ci-après: la CCT RA). Cette convention, dont l’entrée en vigueur a été fixée au 01.07.2003 et qui est applicable à l’ensemble du territoire suisse (à l’exception du Valais), a pour but de permettre aux travailleurs du secteur principal de la construction de prendre une retraite anticipée dès l’âge de 60 ans révolus et d’en atténuer les conséquences financières.

Afin d’assurer l’application de la convention, les parties contractantes ont constitué le 19.03.2003 la Fondation pour la retraite anticipée dans le secteur principal de la construction (ci-après: la Fondation FAR). Celle-ci a conclu un accord avec la Fondation institution supplétive LPP (ci-après: l’institution supplétive) afin, notamment, que cette institution reçoive la prestation de sortie acquise à la date de départ à la retraite anticipée des travailleurs affiliés et les bonifications de vieillesse jusqu’à l’âge ordinaire de la retraite AVS, dans les cas où l’institution de prévoyance de l’employeur ne le proposait pas; en outre, une fois l’âge de la retraite AVS atteint, l’institution supplétive était tenue de verser une rente de vieillesse (ou un capital; accord du 16.06.2003, puis du 15.03.2005). Le 02.05.2018, l’institution supplétive a résilié l’accord conclu avec la Fondation FAR, avec effet au 31.12.2018.

A.__, né en janvier 1959, et B.__, né en février 1959, ont perçu des prestations de la Fondation FAR dès le 01.02.2019 (s’agissant du premier), respectivement le 01.03.2019 (concernant le second), soit au moment où ils ont atteint l’âge de 60 ans et mis un terme à l’activité professionnelle qu’ils déployaient pour des entreprises assujetties à la CCT RA. Ayant tous deux été affiliés, dans le cadre de leur activité professionnelle respective, auprès d’une institution de prévoyance pour la couverture des risques de vieillesse, d’invalidité et de décès qui ne proposait pas la continuation du rapport d’assurance après la résiliation du contrat de travail, ils ont présenté une demande de maintien de la prévoyance professionnelle sans assurance de risque auprès de l’institution supplétive (plan de prévoyance maintien facultatif de la prévoyance vieillesse dans le cadre de la LPP [WO]). Après que celle-ci a rejeté les demandes, les 26.03.2019 et 19.06.2019, l’avoir de vieillesse acquis par chacun des prénommés a été transféré sur un compte de libre passage.

 

Procédure cantonale (arrêt 200.2019.82.LPP  – consultable ici)

Statuant le 06.07.2022, la juridiction cantonale a rejeté les actions.

 

TF

Consid. 2.2.1 à 2.2.4
Selon l’art. 47 LPP, avec le titre marginal « Interruption de l’assurance obligatoire », l’assuré qui cesse d’être assujetti à l’assurance obligatoire peut maintenir sa prévoyance professionnelle ou sa seule prévoyance vieillesse, dans la même mesure que précédemment, soit auprès de la même institution de prévoyance, si les dispositions réglementaires le permettent, soit auprès de l’institution supplétive (al. 1).

Conformément à l’art. 33a LPP, relatif au « Maintien de la prévoyance au niveau du dernier gain assuré », l’institution de prévoyance peut prévoir dans son règlement la possibilité, pour les assurés ayant atteint l’âge de 58 ans et dont le salaire diminue de la moitié au plus, de demander le maintien de leur prévoyance au niveau du dernier gain assuré (al. 1). La prévoyance peut être maintenue au niveau du dernier gain assuré au plus tard jusqu’à l’âge réglementaire ordinaire de la retraite (al. 2).

L’art. 47a LPP, avec le titre marginal « Interruption de l’assurance obligatoire à partir de 58 ans », est entré en vigueur le 1er janvier 2021. Il prévoit que l’assuré qui, après avoir atteint l’âge de 58 ans, cesse d’être assujetti à l’assurance obligatoire en raison de la dissolution des rapports de travail par l’employeur peut maintenir son assurance en vertu de l’art. 47, ou exiger que son assurance soit maintenue dans la même mesure que précédemment auprès de la même institution de prévoyance en vertu des al. 2 à 7 du présent article (al. 1).

L’art. 1 al. 2 LPP, qui porte le titre marginal « But », prévoit que le salaire assuré dans la prévoyance professionnelle ou le revenu assuré des travailleurs indépendants ne doit pas dépasser le revenu soumis à la cotisation AVS.

 

Consid. 4.1
A la suite des premiers juges, on rappellera que la loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 148 II 299 consid. 7.1 et les arrêts citées).

Consid. 4.3
Certes, à la suite des premiers juges, on constate que l’interprétation systématique révèle l’existence d’une contradiction entre l’art. 47 LPP et l’art. 1 al. 2 LPP, dès lors que cette dernière norme prévoit que seul un salaire (art. 7 LPP) ne dépassant pas le revenu soumis à la cotisation AVS est assuré, alors que dans les hypothèses visées par l’art. 47 al. 1 LPP, un tel salaire est en principe inexistant. Cela étant, à l’inverse de l’instance précédente, on ne saurait en déduire que l’application de l’art. 47 al. 1 LPP, en cas de cessation d’une activité lucrative, s’avère possible uniquement pendant deux ans et seulement à des assurés n’ayant pas atteint l’âge de 58 ans. En particulier, l’interprétation tant littérale qu’historique de la disposition en cause ne permet pas de parvenir à ce résultat.

Consid. 4.3.1
Sur le plan de l’interprétation littérale de l’art. 47 LPP, il ressort du texte légal que l’application de la disposition suppose un assujettissement antérieur à l’assurance obligatoire, ainsi que la cessation de cet assujettissement. Le texte de la norme ne fait en revanche pas mention d’une durée maximale du maintien de la prévoyance professionnelle, ni d’un âge maximal de l’assuré.

Consid. 4.3.2
Il ressort de l’interprétation historique de l’art. 47 al. 1 LPP – à laquelle l’instance précédente a pourtant également dûment procédé -, que la continuation de l’assurance ne devait pas être réservée aux cas d’interruption passagère de l’assujettissement à l’assurance obligatoire. Dans le cadre des débats parlementaires relatifs à la LPP, la discussion a porté sur le maintien de l’assurance et il a été mis en évidence que la continuation de l’assurance ne doit pas être limitée dans le temps (cf. BO 1977 N 1349 ss, en particulier l’intervention du rapporteur de la commission du Conseil national Anton Muheim [BO 1977 N 1350]). En effet, le maintien de l’assurance est financé par l’assuré et non par son ancien employeur (cf. intervention Muheim, précitée). En outre, la question de la volonté de l’assuré de retrouver à terme une activité lucrative conduisant à nouveau à un assujettissement à l’assurance obligatoire n’a pas été abordée. D’ailleurs, le Tribunal fédéral avait déjà relevé que l’ancien art. 47 LPP s’appliquait indépendamment des motifs de la sortie de l’assurance obligatoire et sans exiger que cette sortie fût passagère (arrêt B 1/91 du 4 septembre 1992 consid. 4a, in RSAS 1995, p. 295).

Consid. 4.3.3
L’interprétation systématique fait certes apparaître une contradiction entre l’art. 47 LPP et l’art. 1 al. 2 LPP. Cette dernière disposition a cependant été introduite dans le cadre de la première révision de la LPP, le 1er janvier 2006 (RO 2004 1677), soit postérieurement à l’adoption de l’art. 47 al. 1 LPP (entré en vigueur le 1er janvier 1985, puis modifié avec effet au 1er janvier 1997 [RO 1996 273]). Lors de l’adoption de l’art. 1 al. 2 LPP, il a été mentionné qu’il fallait lutter contre les abus liés à l’utilisation du deuxième pilier à des fins fiscales (en admettant par exemple des déductions fiscales qui ne correspondent pas au salaire proprement dit; cf. BO 2002 E 1036, intervention de la Conseillère fédérale Ruth Dreifuss). Toutefois, la question de la relation entre cette disposition et l’art. 47 LPP n’a pas été examinée dans le cadre des débats parlementaires (BO 2002 N 504 s.; BO 2002 E 1035 s.; BO 2003 N 618 ss; BO 2003 E 444), comme l’a également constaté la juridiction cantonale. La contradiction entre les art. 1 al. 2 et 47 al. 1 LPP n’a pas non plus été abordée lors des débats parlementaires dans le cadre de l’adoption de l’art. 33a LPP, entré en vigueur le 1er janvier 2011 (RO 2010 4427), puis de celle de l’art. 47a LPP, entré en vigueur le 1er janvier 2021 (RO 2020 585), ni du reste la question des rapports entre ces nouvelles dispositions et l’art. 47 al. 1 LPP (cf. BO 2008 E 583; BO 2009 N 1593 ss; BO 2009 E 1237; BO 2018 N 451 ss et 465; BO 2018 E 323), comme l’ont également retenu les premiers juges.

Partant si le législateur entendait restreindre la portée temporelle de l’art. 47 LPP lors de l’adoption de l’art. 1 al. 2 LPP (ou celle postérieure des art. 33a et 47a LPP), il lui eût appartenu de mentionner clairement sa volonté, par exemple en incluant expressément une condition d’âge à l’art. 47 al. 1 LPP et/ou en prévoyant que seule une cessation temporaire de l’activité lucrative en permet l’application. Cette considération s’impose au regard de l’interprétation tant littérale qu’historique de l’art. 47 al. 1 LPP (consid. 4.3.1 et 4.3.2). On ajoutera que comme le font valoir les recourants, les art. 33a et 47 LPP règlent des situations différentes: alors que l’art. 33a LPP figure dans le titre 1 de la partie 2 de la LPP, relatif à l' »Assurance obligatoire des salariés », l’art. 47 LPP prend place dans le titre 3 de la partie 2 de la LPP, qui porte sur l' »Assurance facultative ». Quant à l’art. 47a LPP, il est entré en vigueur le 1er janvier 2021 (RO 2020 585), soit postérieurement aux faits juridiquement déterminants pour le présent litige (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références). A cet égard, on constate du reste, à la lecture du texte clair de l’art. 47a al. 1 LPP, que cette norme autorise expressément l’application de l’art. 47 LPP à des assurés âgés de plus de 58 ans, dans la situation qu’elle régit.

Consid. 4.3.4
L’intimée ne saurait rien non plus déduire en sa faveur des avis de la Conférence suisse des impôts et de l’OFAS, dont il ressort que les déductions fiscales des cotisations versées par des assurés en application de l’art. 47 LPP (cf. également art. 81 al. 2 LPP) ne sont possibles que pendant une durée de deux ans au maximum (Conférence suisse des impôts, Prévoyance et impôts: cas d’application de prévoyance professionnelle et de prévoyance individuelle, 2022, A.2.4.1), respectivement que s’il est possible que le salaire assuré au sens de l’art. 47 LPP dépasse le salaire assuré auprès de l’AVS, un tel dépassement doit être provisoire ou transitoire et ne peut durer plus de deux ans, à moins qu’une base légale expresse ne précise le contraire, à l’exemple de l’art. 33a LPP (prise de position de l’OFAS « Assurance externe et maintien de l’assurance en cas de réduction du taux d’occupation », Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 110 du 15 janvier 2009, ch. 677). Ces avis ne permettent en effet pas de restreindre l’application temporelle de l’art. 47 LPP dans le sens retenu par les premiers juges, dès lors déjà qu’il s’agit de directives et circulaires administratives qui, même si elles ne sont pas dépourvues d’importance sous l’angle de l’égalité de traitement des assurés, ne créent pas de nouvelles règles de droit et ne lient pas le juge (cf. ATF 148 V 102 consid. 4.2 et les arrêts cités).

Consid. 4.3.5
Sur le plan finalement de l’interprétation téléologique, l’intention du législateur de restreindre les droits des travailleurs proches de l’âge de la retraite, en supprimant la possibilité jusqu’alors conférée par l’art. 47 al. 1 LPP pour ceux qui cesseraient leur activité lucrative sans être licenciés, ne ressort pas des travaux préparatoires des différentes réformes de la LPP. L’introduction des art. 33a et 47a LPP visait en effet à réduire la rigidité du système de retraite pour les personnes souhaitant diminuer progressivement leur taux d’occupation professionnelle ou perdant leur emploi (cf., notamment, Message concernant la révision de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité [Réforme structurelle] du 15 juin 2007, FF 2007 5381 [5433 s.]), comme l’ont constaté les premiers juges. A cet égard, si le législateur entendait introduire une différence de traitement entre les travailleurs proches de l’âge de la retraite, en fonction de la nature de la dissolution des rapports de travail (licenciement par l’employeur, d’une part, démission du travailleur ou accord de résiliation entre le travailleur et son employeur, d’autre part) lorsqu’il a introduit l’art. 47a LPP, en réservant dorénavant l’application de l’art. 47 LPP, après l’âge de 58 ans, aux seuls travailleurs dont la dissolution des rapports de travail est le fait de l’employeur, il lui eût appartenu de le préciser clairement à l’art. 47 LPP. On ajoutera du reste que l’art. 47a LPP confère des droits plus étendus que l’art. 47 LPP, puisqu’il permet à l’assuré licencié après avoir atteint l’âge de 58 ans, non seulement de maintenir son assurance en vertu de l’art. 47, mais également d’exiger que son assurance soit maintenue dans la même mesure que précédemment auprès de la même institution de prévoyance (conformément aux al. 2 à 7 de l’art. 47a LPP).

Consid. 4.4
En définitive les considérations de la juridiction cantonale selon lesquelles l’art. 47 al. 1 LPP ne peut pas s’appliquer à un assuré qui a déjà atteint l’âge de 58 ans et l’application de cette norme est dans tous les cas limitée à une période de deux ans, ne peuvent pas être suivies. L’assuré qui, après avoir atteint l’âge de 58 ans, cesse d’être assujetti à l’assurance obligatoire en raison de la dissolution des rapports de travail par lui-même peut maintenir son assurance aux conditions fixées par l’art. 47 LPP, même s’il s’agit d’une cessation d’activité définitive.

 

Consid. 5.1
Il convient ensuite d’examiner si malgré le fait que l’art. 47 LPP peut s’appliquer en cas de cessation définitive de l’activité professionnelle et aux assurés âgés de plus de 58 ans, c’est à bon droit que l’instance précédente a considéré que les recourants ne pouvaient pas se prévaloir de l’application de cette disposition à leur situation respective afin de requérir le maintien de leur prévoyance vieillesse auprès de l’intimée.

Consid. 5.2
On rappellera, à la suite de la juridiction de première instance, que l’application de l’art. 47 LPP exige un assujettissement antérieur à l’assurance obligatoire, ainsi que la cessation de cet assujettissement (consid. 4.3.1 supra). Pour que l’institution supplétive puisse maintenir la prévoyance professionnelle ou la prévoyance vieillesse d’un assuré, il est par ailleurs nécessaire qu’une prestation de sortie lui soit versée. La prestation de sortie versée à l’institution de prévoyance tenue de fournir la couverture d’assurance permet en effet le financement des prestations futures. Or à cet égard, conformément à l’art. 2 al. 1 LFLP, la prestation de sortie ne peut être versée par l’ancienne institution de prévoyance de l’assuré que s’il la quitte avant la survenance d’un cas de prévoyance (cas de libre passage; consid. 5.3.1.2 infra).

Lorsqu’une institution de prévoyance accorde la possibilité d’une retraite anticipée (cf. art. 13 al. 2 LPP, en relation avec l’art. 1i OPP 2) – comme c’est le cas des institutions de prévoyance auprès desquelles les recourants étaient affiliés par leur ancien employeur respectif, selon les constatations cantonales non contestées par les parties -, la survenance du cas de prévoyance « vieillesse » a lieu non seulement lorsque l’assuré atteint l’âge légal de la retraite selon l’art. 13 al. 1 LPP, mais aussi lorsqu’il atteint l’âge auquel le règlement lui donne droit à une retraite anticipée. Si la résiliation du rapport de travail intervient à un âge auquel l’assuré peut, en vertu des dispositions du règlement de l’institution de prévoyance, prétendre des prestations de vieillesse au titre de la retraite anticipée, le droit à des prestations de vieillesse prévues par le règlement naît indépendamment de l’intention de l’assuré d’exercer une activité lucrative ailleurs. Il en va autrement lorsque le règlement subordonne l’octroi de prestations à titre de retraite anticipée à une déclaration de volonté de l’assuré: dans ce cas, l’événement vieillesse excluant le droit à une prestation de sortie n’intervient que si l’assuré a fait valoir ses prétentions (ATF 138 V 227 consid. 5.2.1 et les arrêts cités). Le point de savoir si un cas de libre passage ou un cas de prévoyance vieillesse survient avec l’abandon de l’activité lucrative avant l’accession à l’âge ordinaire de la retraite doit ainsi être examiné – sous réserve de l’art. 2 al. 1bis LFLP – à la lumière du règlement de la dernière institution de prévoyance à laquelle l’assuré a été affilié, étant précisé que la perception d’une rente transitoire de la part de la Fondation FAR n’est pas déterminante (ATF 141 V 162 consid. 4.3), comme l’ont dûment rappelé les premiers juges. La perception d’une telle rente ne constitue en effet pas un cas d’assurance. A cet égard, l’art. 18 al. 3 du règlement de la Fondation FAR, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 mars 2019, prévoit que les rentes transitoires peuvent être cumulées avec des rentes de l’AVS et de la prévoyance professionnelle lorsque celles-ci sont réduites en raison de la retraite anticipée (cf. ATF 141 V 162 consid. 4.3.2 et 4.3.3).

 

Consid. 5.3.1.1
Selon les constatations cantonales, non contestées par les recourants, B.__ avait été affilié par son ancien employeur à la Fondation C.__. Il avait atteint l’âge de 60 ans en février 2019 et avait commencé à percevoir des prestations de la Fondation FAR dès mars 2019. A la demande du prénommé, la Fondation C.__ lui avait versé une prestation de sortie, en contradiction avec son propre règlement de prévoyance, qui prévoit qu’une personne assurée qui quitte l’institution de prévoyance entre l’âge minimal de retraite anticipée (en l’occurrence, 58 ans) et l’âge réglementaire ordinaire de la retraite peut seulement prétendre une prestation de sortie si elle continue à exercer une activité lucrative ou est déclarée au chômage. Dans la mesure où B.__ n’avait plus exercé d’activité lucrative et ne s’était pas retrouvé au chômage postérieurement à la fin de son dernier emploi (art. 2 al. 1bis LFLP a contrario), l’instance précédente a considéré qu’il n’avait d’autre choix que de prendre une retraite anticipée et que c’était donc à tort que la Fondation C.__ lui avait versé une prestation de sortie.

Consid. 5.3.1.2
Dans ces circonstances, c’est à bon droit que les premiers juges ont admis que l’institution supplétive était fondée à refuser le maintien de la prévoyance vieillesse au sens de l’art. 47 al. 1 LPP, compte tenu qu’un cas de prévoyance était déjà survenu, conformément au règlement de prévoyance. En effet, l’ancienne institution de prévoyance de l’assuré ne peut verser une prestation de sortie à l’institution de prévoyance tenue de maintenir la prévoyance professionnelle ou la prévoyance vieillesse que si l’assuré la quitte avant la survenance d’un cas de prévoyance (art. 2 al. 1 LFLP), ce qui s’explique par le fait que la prestation de sortie est destinée à financer les prestations qui seront allouées ultérieurement à l’assuré par la nouvelle institution de prévoyance (consid. 5.2 supra). Lorsque le cas de prévoyance est survenu, un transfert de la prestation de sortie n’est à l’inverse plus possible, dès lors que le capital acquis par l’assuré est utilisé pour financer les prestations qui lui sont allouées par l’institution de prévoyance à laquelle il était alors affilié. Dans une jurisprudence publiée récemment, le Tribunal fédéral avait déjà relevé la problématique liée au fait que l’art. 47 LPP permet le maintien de la prévoyance dans la même mesure que précédemment, bien que ni un salaire minimum selon l’art. 7 LPP ne soit atteint ni les conditions de l’art. 2 al. 1bis LFLP ne soient remplies (ATF 141 V 162 consid. 4.3.4). Compte tenu du caractère d’exception de l’art. 47 LPP, qui permet de déroger au principe général selon lequel seul est possible un assujettissement si un salaire minimum est versé (art. 7 LPP), il se justifie de réserver l’application de la possibilité offerte par l’art. 47 LPP aux situations dans lesquelles le cas de prévoyance vieillesse n’est pas encore survenu selon le règlement de prévoyance. Cette possibilité est en effet offerte indépendamment du fait que les assurés remplissent les conditions générales de l’accès à la prévoyance professionnelle (voir aussi GEISER/SENTI, in Commentaire LPP et LFLP, 2e éd. 2020, no 5 ad art. 47 LPP), mais cela ne signifie pas que l’on puisse faire abstraction de la survenance d’un cas d’assurance. Le recours est mal fondé sur ce point.

 

Consid. 5.3.2
Concernant ensuite A.__, il ressort du jugement entrepris qu’il avait été affilié par son ancien employeur auprès de la Fondation D.__, qu’il avait atteint l’âge de 60 ans en janvier 2019 et commencé à percevoir des prestations de la Fondation FAR en février 2019, ce que les parties ne contestent pas. Sa prestation de sortie lui avait été versée, à sa demande, par la Fondation D.__, conformément au règlement de prévoyance de celle-ci, selon lequel si les rapports de travail cessent entre l’âge permettant de prendre une retraite anticipée (en l’espèce, 58 ans) et l’âge ordinaire de la retraite, une prestation de sortie est versée à la personne assurée qui ne souhaite pas une retraite anticipée. A cet égard, A.__ n’avait pas perçu de prestations à titre de retraite anticipée ni demandé à en percevoir. Quoi qu’en dise l’intimée, le cas de prévoyance n’était dès lors pas survenu pour le prénommé. Dans la mesure où l’application de l’art. 47 al. 1 LPP n’est pas réservée aux assurés qui n’ont pas déjà atteint l’âge de 58 ans ni limitée à une période de deux ans (consid. 4 supra), et dès lors que A.__ remplit les conditions de l’art. 47 al. 1 LPP (supra consid. 5.2), l’intimée doit recevoir sa prestation de sortie et maintenir sa couverture d’assurance. Le recours est bien fondé sur ce point.

 

Consid. 6.1
Dans une argumentation subsidiaire, les recourants invoquent une violation des dispositions étendues et déclarées de force obligatoire de la CCT RA concernant le maintien de la prévoyance au sens de l’art. 47 LPP. Ils font valoir à cet égard que dans l’hypothèse où le Tribunal fédéral devrait admettre qu’il se justifie de réserver l’art. 47 LPP aux assurés n’ayant pas encore atteint l’âge de 58 ans et d’en limiter l’application pour une durée de deux ans au plus, les clauses normatives – étendues et déclarées de force obligatoire – de la CCT RA mettant en oeuvre le régime de retraite anticipée « créent un régime quasi-légal de maintien de la prévoyance, analogue et parallèle à celui de l’art. 47 LPP », qui leur permet de maintenir leur prévoyance auprès de l’institution supplétive en vertu de l’art. 47 LPP entre l’âge de 60 et 65 ans, afin de percevoir une « rente de retraite » non réduite à l’âge ordinaire de la retraite.

Consid. 6.2
Il n’y a pas lieu d’examiner plus avant cette argumentation s’agissant de A.__, dès lors qu’il a droit au maintien de la prévoyance en application de l’art. 47 LPP (consid. 5.3.2 supra). Quant à B.__, il ne saurait rien en déduire en sa faveur, dès lors déjà que la CCT RA ne prévoit pas un droit au maintien de la prévoyance auprès de l’institution supplétive en vertu de l’art. 47 LPP. On rappellera à cet égard que la CCT RA règle exclusivement les relations entre l’employeur, le travailleur et la Fondation FAR, si bien que l’institution supplétive n’entre pas dans son champ d’application (cf. ATF 141 V 162 consid. 4.3.1).

 

Le TF admet la demande de A.__ et rejette celle de B.__.

 

 

Arrêt 9C_430/2022 consultable ici

 

9C_297/2022 (f) du 30.10.2023 – Prestation pour survivants – Communauté de vie au cours des cinq années qui précèdent immédiatement le décès – 20a al. 1 let. a LPP / Relation atypique – Absence de communauté d’habitation

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_297/2022 (f) du 30.10.2023

 

Consultable ici

 

Prestation pour survivants – Communauté de vie au cours des cinq années qui précèdent immédiatement le décès / 20a al. 1 let. a LPP

Relation atypique – Absence de communauté d’habitation

 

D.__ (l’assuré) est décédé le 08.05.2019.

La Fondation de prévoyance de cette société (ci-après: la fondation) – qui avait entamé des démarches auprès de la mère du défunt, A.__, pour lui verser les prestations prévues en cas de décès – a suspendu le traitement du dossier (courriel du 31 juillet 2019) à cause de l’annonce de C.__ de la communauté de vie formée avec le défunt depuis longtemps. Au terme d’un échange de correspondances tendant à déterminer la bénéficiaire des prestations prévues en cas de décès, elle a informé A.__ et C.__ qu’elle ne verserait pas de prestations en l’absence d’accord entre elles ou d’une décision de justice définitive et exécutoire.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/411/2022 – consultable ici)

Le 17.11. 2020, A.__ a ouvert action contre la fondation. Pendant la procédure, elle a conclu à ce que la fondation soit condamnée à lui verser, d’une part, la prestation de libre passage du défunt de 838’122 fr. 25 et, d’autre part, le capital-décès complémentaire de 629’000 fr., avec intérêts à 5% dès le 05.08.2019. La fondation s’en est remise à justice. C.__ a été appelée en cause le 15.12.2020. Elle a conclu à la condamnation de la fondation à lui verser, d’une part, une rente de survivant d’un montant annuel de 50’320 fr. sous la forme d’un capital unique et, d’autre part, le capital-décès complémentaire de 629’000 fr., avec intérêts à 5% dès le 05.02.2021.

A l’issue de la procédure, la juridiction cantonale a reconnu à C.__ la qualité d’ayant droit aux prestations prévues en cas de décès de D.__, condamné la fondation à lui verser ce qui était dû selon son règlement et renvoyé la cause à cette institution pour qu’elle chiffre les prétentions en découlant (arrêt du 02.05.2022).

 

TF

Consid. 4.1
Comme mentionné par le tribunal cantonal, l’art. 20a al. 1 LPP (depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 2005) permet aux institutions de prévoyance d’inscrire dans leurs règlements comme bénéficiaires des prestations pour survivants – en plus des ayants droit selon les art. 19 à 20 LPP (le conjoint ou le partenaire enregistré et les orphelins) – notamment les personnes qui avaient formé avec le défunt une communauté de vie d’au moins cinq ans immédiatement avant son décès (let. a) ou les parents de celui-ci (let. b).

Consid. 4.2
Comme l’a également relevé la juridiction cantonale, la fondation intimée a fait usage de cette possibilité en édictant les art. 36 et 39 de son règlement (dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2019). Ainsi, le concubin de sexe opposé a droit à la rente de survivant, dès lors qu’il est assimilé au conjoint survivant s’il a formé avec le défunt une communauté de vie ininterrompue d’au moins cinq ans tout de suite avant le décès (art. 36 al. 2 let. a). Il a aussi droit au capital-décès en l’absence d’un conjoint ou d’orphelins. Les parents peuvent également prétendre un capital-décès si d’autres bénéficiaires prioritaires font défaut (art. 39 al. 1).

Consid. 4.3
Selon la jurisprudence, la communauté de vie au sens de l’art. 20a al. 1 let. a LPP (ou de l’art. 36 al. 2 let. a du règlement en l’occurrence) est la relation en principe exclusive tant sur le plan intellectuel et moral que physique et économique qu’établissent deux personnes, de même sexe ou de sexes différents. Ces diverses caractéristiques ne sont pas forcément cumulatives. Il n’est notamment pas nécessaire qu’il y ait eu une communauté d’habitation, permanente et indivise, ni que l’une des parties ait été entretenue de façon déterminante par l’autre. Est seul décisif le point de savoir si l’appréciation des circonstances prouve que les deux partenaires sont disposés à se prêter mutuellement fidélité et assistance, comme l’exige l’art. 159 al. 3 CC des époux (ATF 138 V 86 consid. 4.1 et les références). Compte tenu de la difficulté à établir que les concubins sont fidèles l’un à l’autre et se prêtent assistance comme le feraient des époux, le Tribunal fédéral présume que le concubinage, d’une durée de cinq ans, est une communauté de destin semblable à un mariage. Cela implique que la partie au procès, qui entend déduire des droits d’un concubinage, doit uniquement prouver que celui-ci existe et qu’il a duré au moins cinq ans. Si elle y parvient, il appartient alors à la partie adverse de démontrer que le concubinage en question n’est pas si étroit ou si stable que les concubins puissent s’attendre à un soutien mutuel semblable à celui existant dans un mariage (arrêt 9C_680/2009 du 23 octobre 2009 consid. 1.3 et les références).

 

Consid. 5.1
A propos de la prémisse de la présomption, la juridiction cantonale a déduit principalement des déclarations faites en audiences d’enquête par E.__, le fils de l’appelée en cause, F.__, la psychologue de cette dernière, G.__, une amie de C.__, et H.__, une amie de la mère de l’appelée en cause, que C.__ et D.__ avaient entretenu une relation de couple, même si leur relation était atypique, dès lors qu’ils n’avaient jamais vécu sous le même toit. Elle a ensuite considéré que cette relation revêtait toutes les qualités d’une communauté de vie telle que visée par la jurisprudence, en particulier sur les plans économique et affectif, depuis l’année 2004. Elle a relevé que l’assuré avait cosigné le bail de l’appelée en cause, qu’il lui avait transféré le montant total de 92’060 fr. entre 2007 et le mois ayant précédé son décès et qu’il l’avait invitée pour des vacances à Paris et au Kenya. Elle a en outre déduit des témoignages évoqués que le couple était amoureux, qu’il avait une vie affective et que leur relation était exclusive. Elle a par ailleurs exclu l’éventualité de la rupture, évoquée par la recourante, I.__ (sa fille), ainsi que J.__ (sa petite-fille), en raison d’incohérences dans leurs propos et de plusieurs éléments plaidant en faveur de la poursuite de la relation, y compris pendant les cinq années précédant le décès. De même, elle a écarté leurs déclarations, en tant qu’elles paraissaient expliquer l’assistance apportée à C.__ plus par un sentiment de pitié que d’amour ou mettre en doute la stabilité et le caractère exclusif de la relation, au motif que les éléments du dossier (particulièrement les déclarations de K.__ et de L.__, collègues et amis du défunt) démontraient le contraire et empêchaient ainsi le renversement de la présomption.

 

Consid. 5.2
La recourante
[…] soutient plus particulièrement que le tribunal cantonal a omis de prendre en considération le fait (pourtant dûment allégué plusieurs fois au cours de la procédure cantonale) que C.__ avait été incapable de produire la moindre information précise et vérifiable ou le moindre élément matériel (correspondances, copies de sms, messages WhatsApp ou e-mails, relevés de téléphone, photographies, factures/relevés de carte bancaire en relation avec des dépenses communes, mention du nom d’un établissement public [dans lequel le couple aurait eu ses habitudes] ou d’amis communs, cadeaux faits lors d’événements particuliers) prouvant sa relation avec le défunt ou permettant d’apprécier la nature des sentiments que les partenaires se portaient. Elle considère que ce manquement est d’autant plus grave que les quelques témoignages sur lesquels reposent l’acte attaqué sont des témoignages indirects qui émanent de personnes n’ayant presque jamais vu l’appelée en cause en compagnie de l’assuré durant les cinq années précédant le décès ou faisant avant tout état d’événements qui s’étaient déroulés avant la période déterminante. Elle rappelle en outre que si l’assuré a bien cosigné le bail de l’appartement de C.__, cet événement remonte à l’année 2005, que s’il lui a versé près de 90’000 fr. depuis 2007, la somme totale transférée pendant les cinq dernières années est bien inférieure et que si le couple a partagé certains loisirs, ceux connus consistent en un voyage au Kenya en 2011 et – au cours de la période déterminante – en un week-end à Paris et deux journées d’excursion. Elle relève également que la juridiction cantonale a admis que les souvenirs rapportés par E.__ (né en 1995) remontaient essentiellement à son enfance et à son adolescence.

Consid. 5.3
L’appelée en cause
soutient que les éléments retenus par la cour cantonale démontrent qu’elle entretenait une relation de couple avec le défunt non seulement depuis 2004 mais aussi pendant les cinq années précédant le décès. Elle évoque à ce sujet le soutien financier – décrit comme étant conséquent et régulier – apporté par l’assuré entre 2004 et 2019, ainsi que l’influence que ce dernier a exercée sur ses enfants. Elle relève aussi les témoignages concordants. Elle souligne encore les contradictions entachant les propos de la mère de l’assuré et les vaines tentatives de discréditer les témoins entreprises par celle-ci. Elle constate par ailleurs que la recourante a échoué à renverser la présomption de concubinage. Elle rappelle à cet égard les raisons pour lesquelles le couple avait choisi de vivre séparément, de façon « atypique ». Elle souligne que, dans ces circonstances, l’absence d’éléments matériels (courriels, photographies, etc.) n’est pas déterminante. Elle relève en outre que les déclarations des témoins cités par la mère du défunt se contredisent mutuellement et intrinsèquement.

 

Consid. 5.4.1
L’argumentation de la mère de l’assuré est infondée. En effet, le tribunal cantonal pouvait inférer des témoignages réunis (déclarations des proches du défunt ou de C.__) et des circonstances (voyages, excursions, signature du contrat de bail, transferts d’argent, etc.), sans commettre d’arbitraire dans la constatation des faits et dans l’appréciation des preuves que l’appelée en cause avait établi au degré de vraisemblance requis en matière d’assurances sociales (ATF 139 V 176 consid. 5.3), l’existence d’un concubinage qualifié au sens de la loi et du règlement, à savoir d’une communauté de vie ininterrompue d’au moins cinq ans immédiatement avant le décès.

Consid. 5.4.2.1
D’après les constatations cantonales, l’existence d’une relation de couple se fonde non seulement sur les témoignages des personnes liées à C.__ (son fils, sa psychologue, deux amies proches), mais aussi sur les déclarations des personnes liées au défunt (K.__, un ex-collègue et ami) et/ou à sa mère (sa sœur, sa nièce). Le couple y est décrit comme étant « atypique » et n’ayant jamais vécu sous le même toit pour des raisons inhérentes aux personnalités des deux protagonistes ainsi qu’à leurs vécus (besoin de protéger ses enfants en lien avec la perte de ses propres parents avant d’avoir atteint l’âge adulte pour l’appelée en cause; caractère secret et solitaire, tendance à compartimenter les différents aspects de sa vie pour l’assuré). L’existence de ladite relation ressort toutefois de tous les témoignages mentionnés. Dans ces circonstances, il n’était a priori pas arbitraire de la part des juges cantonaux d’en reconnaître l’existence. La recourante conteste l’existence même de cette relation. Elle invoque d’abord à cet égard l’absence d’élément matériel (correspondances, sms ou e-mails, relevés de téléphone, photographies, relevés de cartes bancaires liés à des dépenses communes, mention d’un établissement dans lequel le couple aurait eu ses habitudes ou d’amis communs, cadeaux faits lors d’événements particuliers) pouvant attester la relation entre l’assuré et C.__. Dès lors que la jurisprudence sur la définition de la communauté de vie (cf. consid. 4.3 supra) reconnaît la difficulté à établir que des concubins se prêtent fidélité et assistance comme le feraient des époux (d’autant plus qu’il n’est pas nécessaire qu’ils partagent le même logement ou que l’un entretienne l’autre de manière déterminante), des éléments tels que ceux évoqués font partie des circonstances qu’il convient d’apprécier pour démontrer l’existence d’une relation de couple. Leur absence ne signifie toutefois pas que la conclusion du tribunal cantonal serait arbitraire. Un couple peut effectivement choisir de vivre discrètement voire même de façon cachée sans que cela n’altère la nature de la relation. Peu importe dès lors l’absence de photographies, de messages, de cadeaux ou de tout autre élément du moment que comme en l’espèce, divers témoignages concordants attestent la relation de concubinage.

Consid. 5.4.2.2
On relèvera encore que les témoignages recueillis en première instance ne sont pas les seuls éléments de preuve qui ont conduit la juridiction cantonale à reconnaître une véritable communauté de vie depuis 2004. Dans son examen de la nature de la relation de l’appelée en cause et du défunt, elle a notamment retenu, sur le plan matériel, le soutien financier important et régulier (cosignature du bail, versements d’argent) ainsi que le financement de vacances (au Kenya, à Paris) et, sur le plan affectif, la participation de l’assuré à la vie familiale de C.__ ainsi que l’influence exercée par le premier sur le fils de la seconde. Elle a également déduit de certains témoignages, plus particulièrement de ceux du fils et de la psychothérapeute de l’appelée en cause, que le couple était amoureux, qu’il avait une vie affective et que leur relation était exclusive. La mère de l’assuré ne conteste pas ces éléments en tant que tels, mais cherche seulement à en atténuer la portée pour les cinq années précédant le décès.

Consid. 5.4.2.3
Vu ce qui précède, on ne peut pas valablement reprocher aux juges cantonaux d’avoir fait preuve d’arbitraire en retenant que le défunt et l’assurée avaient entretenu une relation de couple depuis 2004 au moins.

 

Consid. 5.4.3
La cour cantonale a déduit de ces mêmes moyens de preuve (cf. consid. 5.4.2 supra) que l’assuré et C.__ avaient formé une communauté de vie ininterrompue de 2004 jusqu’au moment du décès. Elle a en outre exclu que la rupture évoquée par les proches du défunt se soit produite, relevant que les déclarations de ces derniers contenaient des incohérences et que d’autres éléments établissaient le maintien de la relation. Parmi ces éléments, elle a retenu les déclarations (constantes et cohérentes) de l’appelée en cause, la certitude exprimée par sa psychothérapeute (qui la suivait régulièrement depuis près de quinze ans) et les propos (concordants et convaincants) de H.__, G.__ et E.__. Son appréciation n’est pas arbitraire dès lors qu’elle repose sur les éléments récoltés en cours de procédure.

La recourante reproche néanmoins au tribunal cantonal d’avoir extrapolé le maintien de la relation jusqu’à la date du décès de déclarations discutables et de circonstances qui avaient pu prévaloir avant la période déterminante. Elle soutient substantiellement que les trois témoins mentionnés n’ont jamais rencontré le couple et que leurs témoignages se fondaient uniquement sur ce que C.__ avait pu leur raconter de sa relation ou que les propos de E.__ se rapportaient avant tout à des événements survenus pendant son enfance et son adolescence. Elle semble en outre prétendre que les versements effectués durant les cinq dernières années n’étaient ni importants ni réguliers et que les seules activités communes partagées durant la période déterminante (le voyage à Paris et deux excursions) n’étaient pas significatives. Cette argumentation ne remet toutefois pas en cause l’arrêt cantonal. En effet, les déclarations de H.__ et G.__, de même que celles de la psychothérapeute, ne sauraient être mises en doute au seul motif que ces personnes n’ont jamais rencontré l’assuré. Outre le fait que G.__ a déclaré avoir rencontré le couple trois ans avant le décès, on relèvera que toutes trois ont entretenu une relation (personnelle ou médicale) de longue durée avec l’appelée en cause et que ces relations, régulières, existaient déjà ou ont débuté au moment de la formation du couple. Sauf à dire que C.__ a sciemment menti à son entourage pendant près de quinze ans, ce que la psychothérapeute a expressément exclu et dont on ne retrouve pas d’indices dans le dossier, il n’y a dès lors pas de raison d’écarter les témoignages en question. Au contraire, ceux-ci sont encore renforcés par les déclarations de E.__ qui, même si ses rencontres avec le défunt étaient moins fréquentes depuis son passage à l’âge adulte, a attesté une relation poursuivie jusqu’à la date du décès. On ajoutera que, quelle que soit la façon dont on qualifie les versements effectués durant la période déterminante, leur existence même (quatre virements pour un montant de 3’200 fr. en 2016, deux virements pour un montant de 10’000 fr. en 2017, trois virements pour un montant de 2’500 fr. en 2018 et deux virements pour un montant de 4’500 fr. selon la mère de l’assuré) démontre le maintien de la relation. On rappellera enfin que le nombre de voyages ou d’excursions n’est pas un critère déterminant dans le contexte d’un couple ayant fait un choix de vie atypique.

Compte tenu de ce qui précède, on ne saurait reprocher aux juges cantonaux d’avoir fait preuve d’arbitraire en retenant que la communauté de vie entre l’appelée en cause et l’assuré avait duré jusqu’au moment du décès de ce dernier en 2019.

Consid. 5.4.4
Le tribunal cantonal a finalement examiné si l’argumentaire de la recourante permettait de renverser la présomption de communauté de vie ininterrompue au cours des cinq années précédant immédiatement le décès. Il a abouti à la conclusion que tel n’était pas le cas. Il a plus particulièrement considéré que l’allégation – selon laquelle l’assistance matérielle et émotionnelle prodiguée par l’assuré à l’appelée en cause n’entrait pas dans le cadre d’un devoir d’assistance assimilable à celui d’époux mais résultait de la grande générosité de l’assuré et de la pitié que suscitait C.__ – ne trouvait aucun fondement dans le dossier. Au contraire, il a relevé que K.__ avait expressément déclaré que le soutien financier et moral était apporté par amour. Il a aussi retenu que la tentative de remettre en question la stabilité et le caractère exclusif de la relation de couple en raison d’une éventuelle liaison de l’assuré avec L.__ était vaine puisque l’intéressée avait clairement réfuté cette hypothèse. Cette appréciation n’est pas arbitraire dès lors qu’elle repose sur les témoignages récoltés en première instance. Il n’y a pas de raison de s’en écarter dans la mesure où la mère de l’assuré ne la critique pas.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

Arrêt 9C_297/2022 consultable ici

 

9C_536/2022 (d) du 05.10.2023 – Bénéficiaires selon l’art. 20a LPP : notion de «frères et sœurs»

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_536/2022 (d) du 05.10.2023

 

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_536/2022 consultable ici
(arrêt à 3 juges, non publié)

Résumé tiré du Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 162 (ch. 1128) consultable ici

 

Bénéficiaires selon l’art. 20a LPP : notion de «frères et sœurs»

 

Les demi-frères et les demi-sœurs doivent aussi être considérés comme des «frères et sœurs» au sens de l’art. 20a al. 1 let. b LPP, pour autant que le règlement de l’institution de prévoyance n’en dispose pas autrement.

Dans le cas d’espèce, l’institution de prévoyance souhaitait verser, conformément à son règlement, la moitié du capital-décès à la sœur de la personne décédée et l’autre moitié à son demi-frère. Or, la sœur n’approuvait pas cette façon de procéder et estimait que la totalité du capital-décès devait lui revenir.

Le litige portait sur la question de savoir si la notion de «frères et sœurs» au sens de l’art. 20a al. 1 let. b LPP s’applique uniquement aux frères et sœurs germains ou aussi aux demi-frères et demi-sœurs.

Le TF y a répondu par l’affirmative et a jugé qu’il faut se baser sur le lien de parenté. Les demi-frères et demi-sœurs font partie du cercle de bénéficiaires visés à l’art. 20a al. 1 let. b LPP au même titre que les frères et sœurs germains, car ils ont un parent commun et donc un lien de sang avec l’assuré. Pour autant que le règlement n’en dispose pas autrement et que la personne décédée n’ait pas donné d’autre instruction, un demi-frère ou une demi-sœur a donc droit aux mêmes prestations qu’un frère germain ou une sœur germaine. Le TF confirme ainsi la position adoptée par l’OFAS dans le Bulletin de la prévoyance professionnelle no 138, ch. 914.

En l’espèce, le demi-frère a droit à la moitié du capital-décès.

 

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_536/2022 consultable ici

Résumé tiré du Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 162 (ch. 1128) consultable ici