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Assurances sociales : ce qui va changer en 2025

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025

 

Article de Mélanie Sauvain, paru in Sécurité sociale CHSS du 26.11.2024, consultable ici

 

À l’instar des rentes AVS et AI, plusieurs prestations sociales vont augmenter au 1er janvier 2025. C’est également à partir de cette date que l’âge de référence des femmes passera progressivement de 64 à 65 ans.

Plusieurs nouvelles mesures entrent en vigueur début 2025. Afin que les assurés, les employeurs et les personnes actives dans le domaine des assurances sociales aient une vue d’ensemble, le présent article résume les principaux changements, sur la base des informations disponibles à la fin novembre 2024. Au moment de la rédaction de cet article, le recours contre le relèvement de l’âge de la retraite des femmes est toujours pendant au Tribunal fédéral.

 

1er pilier : hausse des rentes et des allocations pour impotent

Les rentes du 1er pilier augmentent de 2,9% dès le 1er janvier 2025. La rente minimale dans l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) et dans l’assurance-invalidité (AI) passe ainsi de 1’225 à 1’260 francs par mois ; la rente maximale pour une durée de cotisation complète de 2’450 à 2’520 francs. La rente AVS pour couples mariés s’élève désormais à 3’780 francs. La dernière adaptation de ces rentes à l’évolution des prix et des salaires datait de 2023.

En parallèle, le montant de la cotisation minimale AVS/AI/APG pour les indépendants et les personnes sans activité lucrative passe à 530 francs par an ; celui de la cotisation minimale dans l’AVS/AI facultative à 1’010 francs.

Destinées aux bénéficiaires de rentes tributaires de l’aide d’autrui, les allocations pour impotent dans l’AVS et l’AI sont également relevées. Leurs montants dépendent du degré de l’impotence. Enfin, dans l’AI, la contribution d’assistance se monte désormais à 35.30 francs par heure (+ 1 franc) et à 169.10 francs par nuit (+ 4.65 francs).

 

Besoins vitaux : hausse des PC et des Ptra

Les prestations complémentaires (PC) et les prestations transitoires (Ptra) augmentent également. Le forfait annuel pour couvrir les besoins vitaux passe à 20’670 francs pour les personnes seules (+ 570 francs) ; à 31’005 francs pour les couples (+ 855 francs) ; à 10’815 francs pour les enfants âgés de plus de 11 ans (+ 300 francs) et à 7’590 francs pour les enfants de moins de 11 ans (+ 210 francs).

Les montants maximaux des loyers pris en compte dans le cadre des PC et des Ptra sont aussi adaptés au renchérissement. Ils s’élèvent désormais à 18’900 francs dans les grands centres urbains (région 1), à 18’300 francs dans les villes (région 2) et à 16’680 francs à la campagne (région 3). Enfin, les franchises sur le revenu de l’activité lucrative sont relevées de 1’000 à 1’300 francs par an pour les personnes seules ; de 1’500 à 1’950 francs par an pour les couples ou les personnes avec enfant.

 

Allocations familiales : hausse des montants minimaux

Dans le domaine des allocations familiales, les montants minimaux fixés par la Confédération sont revus à la hausse en 2025. L’allocation pour enfant s’élève désormais à 215 francs par mois au lieu de 200 francs ; l’allocation de formation à 268 francs par mois au lieu de 250 francs.

Cette augmentation concerne en premier lieu les parents travaillant dans les cantons qui versent les montants minimaux, à savoir Argovie, Bâle-Campagne, Glaris, Soleure, Tessin, Thurgovie et Zurich. Les autres cantons, qui prévoient déjà des allocations plus élevées, ne sont pas obligés de procéder à une hausse.

 

2e et 3e piliers : nouveaux montants

Liés aux rentes du 1er pilier, plusieurs montant de la prévoyance professionnelle subissent aussi des changements début 2025. La déduction de coordination dans le régime obligatoire (LPP) passe à 26’460 francs ; le seuil d’entrée à 22’680 francs. Pour le 3e pilier (3a), la déduction fiscale autorisée par année s’élève désormais à 7’258 francs pour les personnes avec un 2e pilier et à 36’288 francs pour celles qui n’en ont pas.

Les rentes de survivants et d’invalidité de la LPP sont également adaptées. Elles augmentent de 0,8% si elles ont été adaptées pour la première fois en 2024 ; de 2,5% si leur dernière adaptation a eu lieu en 2023. Dans le régime surobligatoire, c’est l’organe suprême de l’institution de prévoyance qui décide chaque année si et dans quelle mesure les rentes doivent être adaptées.

Le taux d’intérêt minimal dans la LPP reste inchangé à 1,25% en 2025. Le Conseil fédéral a suivi les recommandations de la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle pour fixer l’intérêt minimal auquel doivent être rémunérés les avoirs de vieillesse de la LPP.

Enfin, dans la prévoyance individuelle liée (pilier 3a), il sera désormais possible d’effectuer des rachats à certaines conditions. Concrètement, une personne exerçant une activité lucrative en Suisse et qui n’aura pas versé chaque année la cotisation maximale autorisée dans son 3e pilier pourra la verser rétroactivement dans les dix années qui suivent. Seules les lacunes de cotisation survenant après l’entrée en vigueur du projet pourront être rachetées. Les lacunes étant apparues avant 2025 ne peuvent donc pas être comblées. Ce rachat sera autorisé en plus de la cotisation ordinaire et pourra également être déduit du revenu imposable.

 

AVS 21 : 2e étape

La deuxième étape de la réforme Stabilisation de l’AVS (AVS 21) entre en vigueur début 2025. Seules les femmes nées après 1960 sont concernées. Leur âge de référence (auparavant «âge de la retraite») va augmenter progressivement jusqu’en 2028 pour s’établir finalement à 65 ans comme pour les hommes.

 

L’âge de référence indique l’âge auquel une personne peut percevoir sa rente de vieillesse sans réduction ni supplément. Il n’est pas contraignant. Depuis 2024, il est en effet possible de prendre sa retraite entre 63 et 70 ans ; et cela également de manière partielle. En cas de départ à la retraite avant 65 ans, la rente est réduite ; si la retraite est repoussée après 65 ans, la rente est augmentée (Sauvain, 2023). Les taux de réduction et d’ajournement seront prochainement revus à la baisse, probablement en 2027, afin de mieux tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie.

L’augmentation de l’âge de référence s’accompagne de mesures de compensation (OFAS, 2022). Ainsi, les femmes nées entre 1961 et 1969 ont droit dès 2025 à un supplément de rente pour autant qu’elles perçoivent leur rente de vieillesse à l’âge de référence ou ultérieurement. Les femmes qui choisissent d’anticiper leur rente n’ont pas droit à ce supplément, mais elles bénéficient de taux de réduction plus favorables.

Le supplément de rente est échelonné en fonction du revenu et de l’année de naissance. Il s’élève entre 13 et 160 francs par mois. Il n’est pas soumis au plafonnement des rentes pour les couples mariés et est versé même si le montant de la rente maximale est dépassé. Versé à vie, il n’entraîne pas de réduction du montant des prestations complémentaires.

AMal : hausse des primes et règles pour les courtiers

Les primes de l’assurance-maladie obligatoire (AMal) augmentent pour toutes les catégories d’âge en 2025. La prime mensuelle moyenne s’élèvera à 378.70 francs, ce qui correspond à une augmentation de 6% par rapport à 2024. La prime moyenne est calculée en additionnant toutes les primes payées en Suisse et en les divisant par le nombre total d’assurés. La hausse moyenne pour les jeunes adultes et pour les enfants sera un peu moins élevée, respectivement de 5.4% et 5.8%.

L’annonce de cette augmentation de primes a pour la première fois été accompagnée de règles contraignantes pour les intermédiaires d’assurances. Ainsi, le démarchage téléphonique à froid, c’est-à-dire la prise de contact avec une personne qui n’a jamais été assurée auprès de l’assureur en question ou qui ne l’est plus depuis trois ans, est interdit. De plus, l’intermédiaire a l’obligation d’établir un procès-verbal lors de ses entretiens-conseils et de le faire signer par le client. Quant à sa rémunération, elle est dorénavant limitée. Les assureurs qui contreviennent à ces règles, entrées en vigueur en septembre 2024, encourent une amende pouvant aller jusqu’à 100’000 francs.

 

Social et santé : numérisation en marche

La numérisation des assurances sociales franchit une nouvelle étape avec la possibilité pour les personnes effectuant un service (militaire, civil, Protection civile) de demander en ligne leurs allocations pour perte de gain (APG). Les modifications légales en ce sens entrent en vigueur début 2025. Les formulaires papier seront dès 2026 progressivement remplacés par une procédure numérisée, plus simple et plus efficace. Le changement de loi vise à alléger les démarches administratives, tant pour les assurés que pour leurs employeurs.

Dans le domaine de la santé, un jalon important pour le dossier électronique du patient (DEP) est posé. La Confédération soutient désormais financièrement les fournisseurs de DEP. Cette mesure visant à diffuser et promouvoir le dossier électronique est transitoire jusqu’à ce que la révision de la loi correspondante soit adoptée et mise en œuvre. Le message sur cette révision complète doit être transmis au Parlement au printemps 2025.

 

Protection de la jeunesse renforcée

La première étape de la nouvelle loi sur la protection des mineurs dans les secteurs du film et du jeu vidéo entre en vigueur en 2025. Les enfants et les adolescents seront ainsi mieux protégés face aux contenus de films et de jeux vidéo susceptibles de les heurter, notamment les contenus violents ou sexuellement explicites. La loi harmonise à l’échelle du pays, le système de classification et de contrôle de l’âge en matière d’accès aux films et jeux vidéo.

 

Champ d’action élargi pour les fonds patronaux

Les fonds patronaux de bienfaisance pourront élargir leur champ d’action dès 2025. Jusqu’ici limités aux situations de détresse, ils peuvent désormais accorder des prestations visant à prévenir les risques financiers liés à la maladie, aux accidents et au chômage. De nouvelles mesures pour soutenir la formation continue, la conciliation entre vie familiale et professionnelle, ainsi que la promotion de la santé, seront également possibles. La modification du Code civil en ce sens vise à encourager ces fondations d’entreprise à caractère social.

 

 

Bibliographie :

OFAS (2024). Montants valables dès le 1er janvier 2025.

Sauvain, Mélanie (2023). Entre le travail et la retraite : plus grande flexibilité dès 2024, Sécurité sociale CHSS. 21 novembre.

OFAS (2022). Fiche d’information AVS 21 : Conséquences pour les femmes

 

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025, article de Mélanie Sauvain, paru in Sécurité sociale CHSS du 26.11.2024, consultable ici

Sozialversicherungen: Was ändert sich 2025?, Artikel von Mélanie Sauvain, in Soziale Sicherheit CHSS vom 26.11.2024 erschienen, hier abrufbar

 

Prestations complémentaires : le Conseil fédéral veut promouvoir le logement protégé

Prestations complémentaires : le Conseil fédéral veut promouvoir le logement protégé

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 13.09.2024 consultable ici

 

Le Conseil fédéral souhaite mieux soutenir l’autonomie des personnes âgées et encourager leur maintien à domicile. À l’avenir, les bénéficiaires de prestations complémentaires (PC) à l’AVS et à l’AI auront droit à certaines prestations leur permettant de continuer à vivre dans leur propre logement. Les systèmes d’appel d’urgence ou les services de repas, par exemple, seront ainsi pris en charge dans le cadre des PC sous la forme d’un forfait versé à l’avance. Lors de sa séance du 13 septembre 2024, le Conseil fédéral a adopté le message à l’intention du Parlement concernant la modification de la loi fédérale sur les prestations complémentaires (LPC).

Environ un tiers des personnes qui vivent dans un établissement médico-social (EMS) requièrent moins d’une heure de soins par jour. Leur entrée en EMS pourrait être retardée, voire évitée, si elles avaient la possibilité de vivre dans un logement adapté à leurs besoins ou de bénéficier de prestations d’assistance à domicile. Les personnes âgées aspirent à vivre le plus longtemps possible de manière autonome dans leur propre logement. Pour cela, elles peuvent avoir besoin non seulement d’un soutien médical, mais aussi d’une aide pour le ménage, de services de repas ou d’un environnement sûr (prévention des chutes).

 

Contenu du message

Les nouvelles prestations d’assistance à domicile ne seront pas réservées aux bénéficiaires de PC à l’AVS ; les personnes touchant des PC à l’AI pourront elles aussi y prétendre. Le principe de l’égalité de traitement entre les bénéficiaires de rentes de vieillesse et de rentes d’invalidité sera ainsi respecté. Cependant, les prestations prises en charge par les PC n’interviendront qu’une fois l’offre de prestations de l’AI épuisée.

Lorsque le besoin est avéré, les prestations d’assistance en faveur du logement protégé seront versées à l’avance au bénéficiaire sous la forme d’un forfait. Cette solution est avantageuse pour les assurés, qui n’auront pas à financer les prestations avant d’en obtenir le remboursement. Elle évite également les complications administratives. Ces prestations comprennent, selon les besoins :

  • un système d’appel d’urgence ;
  • une aide au ménage ;
  • un service de repas ;
  • un service de transport et d’accompagnement.

Le supplément pour la location d’un logement adapté et le remboursement des frais d’adaptation (seuils, mains courantes, etc.) seront calculés sur la base des frais effectifs.

Ces prestations profiteront aux assurés qui, en raison de leur âge ou d’une atteinte à leur santé, ont besoin d’un soutien ciblé pour pouvoir continuer à vivre dans leur propre logement. Tout comme les suppléments pour le logement, les prestations forfaitaires énumérées ci-dessus relèvent des frais de maladie et d’invalidité et seront donc entièrement prises en charge par les cantons. Lors de la consultation, ces derniers s’y étaient opposés ; néanmoins, le Conseil fédéral maintient sa décision. En effet, celle-ci correspond à la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons définie en 2008 par la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches. Le Conseil fédéral tient ainsi également compte de la situation financière tendue dans laquelle se trouve la Confédération.

Les coûts supplémentaires pour les cantons sont estimés entre 340 et 730 millions de francs en 2030, pour des économies de 280 millions. Ces économies, qui profiteront entièrement aux cantons, sont dues au fait que les mesures prévues permettront de retarder ou d’éviter des entrées en EMS.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 13.09.2024 consultable ici

Modification de la LPC consultable ici

Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (Prestations d’aide et d’assistance à domicile) consultable ici

 

8C_664/2023 (f) du 15.07.2024 – Restitution de prestations complémentaires familiales cantonales – Demande de remise – 25 LPGA – 24 LPCC (RS/GE J 4 25) / Bonne foi niée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_664/2023 (f) du 15.07.2024

 

Consultable ici

 

Restitution de prestations complémentaires familiales cantonales – Demande de remise / 25 LPGA – 24 LPCC (RS/GE J 4 25)

Bonne foi niée

 

Assurée, mère célibataire de trois enfants, bénéficie de prestations complémentaires familiales depuis 2013. Dès le 01.09.2013, le SCARPA (service cantonal genevois d’avance et de recouvrement des pensions alimentaires) s’est chargé de recouvrer et d’avancer la pension alimentaire de 1’290 fr. par mois due par son ex-conjoint.

Dès le 01.09.2016, le SCARPA a cessé les avances mais a continué à percevoir et reverser les pensions. Dès lors que le mandat de recouvrement se poursuivait au-delà de cette date, elle n’était pas habilitée à recevoir directement en ses mains les paiements effectués par le conjoint. En pratique, le SCARPA a continué à percevoir les pensions alimentaires et à les reverser à l’assurée, mais plus à titre d’avances.

Par décision du 13.12.2016, le service des prestations complémentaires (ci-après: SPC) a néanmoins recalculé le droit aux prestations complémentaires familiales, en tenant compte du fait que depuis le 01.09.2016, l’intéressée ne percevait plus du SCARPA la pension alimentaire de 15’480 fr. par an (12 x 1’290 fr.).

Dans une attestation du 20.01.2017, transmise au SPC le 19.07.2017, le SCARPA a mentionné qu’au cours de l’année 2016, l’assurée avait reçu la somme de 15’480 fr. à titre de pension alimentaire et/ou d’arriérés pour elle-même et ses trois enfants. Par la suite, le SPC a rendu plusieurs décisions sans prendre en compte de pensions alimentaires ou d’avances de celles-ci.

En 2021, le SPC a demandé à l’assurée de restituer 18’616 fr. de trop-perçu pour la période de juillet 2020 à octobre 2021, puis 49’298 fr. pour la période de septembre 2016 à juin 2020, après avoir pris en compte les pensions alimentaires effectivement reçues. L’assurée s’est opposée à ces décisions, qui ont été maintenues par le SPC en février 2022.

Le 11.04.2022, l’assurée a déposé une demande de remise de l’obligation de restituer la somme de 67’914 francs. Par décision, confirmée sur opposition, le SPC a rejeté cette demande, au motif que la condition relative à la bonne foi n’était pas réalisée.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/617/2023 – consultable ici)

Par jugement du 15.06.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4 [résumé]
Les juges cantonaux ont examiné les conditions de remise de l’obligation de restituer (en particulier art. 25 al. 1 LPGA et art. 24 al. 1 de la loi cantonale genevoise du 25 octobre 1968 sur les prestations complémentaires cantonales [LPCC; RS/GE J 4 25]), en particulier de la bonne foi. Ils ont retenu que le montant à restituer s’expliquait presque exclusivement par la non prise en compte, par le SPC, de la pension alimentaire que le SCARPA avait en réalité continué de verser à l’assurée, non plus à titre d’avance mais de « produit » du mandat de recouvrement maintenu au-delà du 31.08.2016. Bien que l’assurée ait informé l’administration de ces versements, elle ne pouvait pas invoquer sa bonne foi en raison de sa négligence à signaler une erreur manifeste dans les calculs. Les plans de calcul montraient clairement une diminution de son revenu déterminant, correspondant exactement au montant de la pension alimentaire, ce qui aurait dû l’alerter. Par conséquent, la cour a estimé que l’assurée avait agi avec négligence, ce qui a conduit à la conclusion que la condition de bonne foi n’était pas remplie. Les conditions de la remise de l’obligation de restituer étant cumulatives, il n’était pas nécessaire d’examiner le critère de la situation économique difficile.

Consid. 5 [résumé]
L’assurée conteste l’application de l’art. 25 LPGA, applicable selon elle par renvoi de l’art. 1A al. 2 let. c LPCC, affirmant que l’analyse de sa bonne foi n’a pas été complète. Elle soutient que les juges cantonaux n’ont pas pris en compte les 19 décisions rendues par le SPC entre septembre 2016 et novembre 2021, qui étaient majoritairement des décisions de recalcul difficiles à comprendre en raison de leur manque d’explications. Selon elle, on ne saurait lui reprocher une négligence grave, d’autant que la reconnaissance d’une négligence légère aurait conduit à une remise intégrale de son obligation de restituer le montant de 67’914 francs. De plus, elle argue que la jurisprudence citée par les juges ne s’applique pas à son cas, car elle concerne des bénéficiaires de prestations AVS/AI, dont la situation financière est plus stable, contrairement aux situations financières très fluctuantes des bénéficiaires de prestations complémentaires familiales (« working poors »).

Consid. 6.1
Le litige porte sur des prestations sociales fondées exclusivement sur le droit cantonal. Dans la mesure où l’art. 1A al. 2 let. c LPCC renvoie à la LPGA, celle-ci n’est applicable qu’à titre de droit cantonal supplétif. Au demeurant, la question de la remise de l’obligation de restituer est en l’occurrence réglée par l’art. 24 al. 1 LPCC dont on voit mal qu’il laisserait encore place, en complément, à une application de l’art. 25 LPGA à titre supplétif. Le pouvoir d’examen du Tribunal fédéral est donc limité à l’arbitraire, s’agissant de l’application des règles de droit pertinentes.

Consid. 6.2
Aux termes de l’art. 24 al. 1 LPCC, les prestations indûment touchées doivent être restituées; la restitution ne peut être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile.

Selon la jurisprudence relative à l’art. 25 al. 1 LPGA – dont le texte est identique à celui de l’art. 24 al. 1 LPCC -, l’ignorance, par le bénéficiaire des prestations, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre sa bonne foi. Il faut bien plutôt que le requérant ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave. Il s’ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d’emblée lorsque les faits qui conduisent à l’obligation de restituer sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, le bénéficiaire peut invoquer sa bonne foi lorsque l’acte ou l’omission fautifs ne constituent qu’une violation légère de l’obligation d’annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 avec les renvois). Les comportements excluant la bonne foi ne sont pas limités aux violations du devoir d’annoncer ou de renseigner. Peuvent entrer en ligne de compte également d’autres comportements, notamment l’omission de se renseigner auprès de l’administration (arrêts 9C_318/2021 du 21 septembre 2021 consid. 3.1; 8C_535/2018 du 29 octobre 2018 consid. 5.1; 9C_184/2015 du 8 mai 2015 consid. 2 et la référence). Dans le contexte de calculs erronés de prestations complémentaires, la personne concernée ne peut pas se prévaloir de sa bonne foi si elle a omis de contrôler ou a contrôlé de manière peu précise la feuille de calcul et ne constate pas, de ce fait, une erreur facilement décelable (arrêt 9C_318/2021 précité consid. 3.2 et les arrêts cités).

Consid. 6.3
En l’occurrence, on doit admettre que l’assurée ne pouvait ignorer l’augmentation importante, dès septembre 2016, de ses prestations complémentaires familiales, en parallèle à la pension alimentaire perçue du SCARPA. Selon les constations non contestées de la juridiction cantonale, cette augmentation se chiffrait mensuellement à 1’290 fr., correspondant ainsi exactement au montant de la pension alimentaire mensuelle. L’assurée ne démontre pas qu’une autre modification du revenu déterminant et/ou des dépenses reconnues aurait pu expliquer cette différence. Par ailleurs, dans sa décision du 13.12.2016, mentionnant liminairement un recalcul du droit aux prestations à la suite de la révision du dossier, le SPC a expressément invité l’assurée à contrôler attentivement les montants indiqués, afin de s’assurer qu’ils correspondaient bien à la situation réelle. Comme l’ont souligné les juges cantonaux, cette « invitation » a été réitérée dans chacune des décisions successives, sans réaction de l’assurée alors que les feuilles de calcul étaient manifestement et de façon reconnaissable fondées sur un état de fait qui ne correspondait plus à la réalité depuis septembre 2016. L’assurée ne saurait, à cet égard, invoquer avec succès la notification d’un nombre particulièrement élevé de décisions durant la période litigieuse (19 décisions entre le 01.09.2016 et le 30.11.2021), pas plus que l’absence de mise en exergue des motifs de recalcul. En effet, l’obligation de contrôler les nouveaux calculs permettait de constater que, de manière constante, la rubrique « revenu déterminant » ne faisait plus apparaître le poste « pension alimentaire reçue », et cela indépendamment des modifications et/ou suppressions d’autres postes. En conclusion, on ne voit pas dans la motivation du recours d’arguments susceptibles de démontrer une application arbitraire du droit cantonal – l’art. 25 LPGA n’étant au demeurant pas applicable (consid. 6.1 supra) – en tant que les juges cantonaux ont nié la bonne foi de l’assurée, retenant qu’elle avait fait preuve de négligence grave en ne relevant pas l’erreur manifeste apparaissant sur les plans de calcul à compter de la décision du 13.12.2016. Dans ces conditions, le refus d’accorder la remise de l’obligation de restituer la somme de 67’914 fr. peut être confirmé.

L’argumentation développée à l’égard de la situation très fluctuante des bénéficiaires de prestations complémentaires familiales ne permet pas d’aboutir à un autre résultat. On soulignera néanmoins que si les juges cantonaux ont fait mention des arrêts 9C_385/2013 et 9C_720/2013, il s’agissait de références jurisprudentielles topiques en matière d’erreur manifeste ressortant des feuilles de calcul.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_664/2023 consultable ici

 

Majoration de 35 francs de la rente minimale AVS/AI et adaptations dans le domaine des cotisations, dans la prévoyance professionnelle obligatoire et des prestations complémentaires

Majoration de 35 francs de la rente minimale AVS/AI et adaptations dans le domaine des cotisations, dans la prévoyance professionnelle obligatoire et des prestations complémentaires

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 28.08.2024 consultable ici

 

Les rentes AVS/AI seront adaptées à l’évolution des prix et des salaires : elles seront relevées de 2,9% au 1er janvier 2025. Le Conseil fédéral a pris cette décision sur la base de l’indice mixte prévu par la loi lors de sa séance du 28 août 2024. La rente minimale AVS/AI passera ainsi de 1225 à 1260 francs par mois. Parallèlement, des adaptations seront apportées dans le domaine des cotisations, pour les prestations complémentaires, pour les prestations transitoires et dans la prévoyance professionnelle obligatoire.

Le montant de la rente minimale AVS/AI passera de 1’225 à 1’260 francs par mois et celui de la rente maximale de 2’450 à 2’520 francs (pour une durée de cotisation complète). Le montant de la cotisation minimale AVS/AI/APG pour les indépendants et les personnes sans activité lucrative passera de 514 à 530 francs par an et celui de la cotisation minimale dans l’AVS/AI facultative de 980 à 1’010 francs.

 

Adaptation selon l’indice mixte

Comme le prescrit la loi sur l’AVS, le Conseil fédéral examine, en règle générale tous les deux ans, la nécessité d’adapter les rentes de l’AVS et de l’AI à l’évolution des salaires et des prix. Pour prendre sa décision, le Conseil fédéral s’appuie sur la moyenne arithmétique de l’indice des salaires et de l’indice des prix (indice mixte) et prend en compte la recommandation de la Commission fédérale AVS/AI. La dernière adaptation des rentes par le Conseil fédéral date de 2023. Il avait alors fixé le montant de la rente minimale AVS/AI à 1225 francs.

 

Coûts de l’adaptation des rentes

Le relèvement des rentes engendrera des dépenses supplémentaires d’environ 1672 millions de francs. L’AVS les supportera à hauteur de 1487 millions de francs, dont 300 millions à la charge de la Confédération (qui finance 20,2 % des dépenses de l’assurance). L’AI assumera des dépenses supplémentaires de 185 millions de francs. La Confédération ne devra supporter ici aucune charge supplémentaire, sa contribution à l’AI n’étant plus calculée en pourcentage des dépenses.

 

Adaptation des montants limites dans la prévoyance professionnelle

Cette adaptation a également un impact sur la prévoyance professionnelle obligatoire. Le montant de la déduction de coordination dans le régime obligatoire de la prévoyance professionnelle passera de 25’725 à 26’460 francs, et le seuil d’entrée de 22’050 à 22’680 francs. La déduction fiscale maximale autorisée dans le cadre de la prévoyance individuelle liée (pilier 3a) passera de 7’056 à 7’258 francs pour les personnes possédant un 2e pilier et de 35’280 à 36’288 francs pour celles qui n’en ont pas. Ces adaptations entreront elles aussi en vigueur le 1er janvier 2025.

 

Adaptations concernant les prestations complémentaires et les prestations transitoires

Les montants annuels des prestations complémentaires et des prestations transitoires, destinées à couvrir les besoins vitaux, passeront de 20’100 francs à 20’670 francs pour les personnes seules et de 30’150 francs à 31’005 francs pour les couples. Ils passeront également à 10’815 francs pour les enfants âgés de plus de 11 ans et à 7’590 francs pour les enfants de moins de 11 ans. L’adaptation des prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI et des prestations transitoires induit des dépenses supplémentaires d’environ 11 millions de francs pour la Confédération et de 6 millions pour les cantons.

Les montants maximaux des loyers pris en compte dans le cadre des PC et des prestations transitoires sont adaptés au renchérissement sur la base de certaines positions de l’indice national des prix à la consommation pour le logement et l’énergie. Depuis juin 2022, dernier mois pris en compte lors de l’adaptation de 2023, l’augmentation est de 7,3%. Les montants annuels maximaux s’élèveront désormais à 18’900 francs dans les grands centres urbains (région 1), à 18’300 francs dans les villes (région 2) et à 16’680 francs à la campagne (région 3). Le forfait pour les charges accessoires et les frais de chauffage sera également adapté et passera de 3’060 à 3’480 francs par année. Les coûts de ces augmentations seront de 35 millions de francs, dont 22 millions à la charge de la Confédération et 13 millions à la charge des cantons.

Les franchises sur le revenu de l’activité lucrative sont adaptées à l’évolution des salaires depuis la dernière adaptation sur la base de l’indice des salaires. La franchise pour les personnes seules est relevée de 1’000 à 1’300 francs par an et pour les couples et les personnes avec enfants de 1’500 à 1’950 francs par an. Cette adaptation entraîne des coûts de 11 millions de francs, dont 7 millions pour la Confédération et 4 millions pour les cantons.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 28.08.2024 consultable ici

Tableau récapitulatif des montants dès le 1er janvier 2025 disponible ici

Commentaire relatif à l’ordonnance sur les adaptations à l’évolution des salaires et des prix dans le régime de l’AVS, de l’AI et des APG à partir de 2025 consultable ici

Textes des ordonnances consultables ici

 

6B_1022/2023 (f) du 27.03.2024 – Obtention frauduleuse de prestations sociales et obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale – 31 al. 1 let. d LPC – 148a CP

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1022/2023 (f) du 27.03.2024

 

Consultable ici

 

Obtention frauduleuse de prestations sociales et obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale / 31 al. 1 let. d LPC – 148a CP

Notion de domicile et de résidence habituelle / 4 al 1 LPC – 13 LPGA – 23 à 26 CC

 

Par jugement du 07.09.2022, le Tribunal de police a classé la procédure s’agissant des faits antérieurs au 07.09.2015 et acquitté A.A.__ d’obtention frauduleuse de prestations sociales et d’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale.

Statuant le 15 juin 2023 (arrêt AARP/217/2023 – consultable ici), la Chambre pénale d’appel et de révision a admis l’appel formé par le Service des prestations complémentaires contre le jugement précité. Elle a classé la procédure s’agissant des faits antérieurs au 07.09.2015, a déclaré A.A.__ coupable d’obtention frauduleuse de prestations sociales (art. 31 al. 1 let. d LPC) pour la période du 07.09.2015 au 30.09.2016 et d’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale (art. 148a al. 1 CP) pour la période du 01.10.2016 au 30.06.2019, l’a condamné, outre aux frais de la procédure, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 30 fr. le jour, assortie du sursis et d’un délai d’épreuve de 3 ans, rejeté les conclusions en indemnisation de A.A.__ au sens de l’art. 429 CPP et a déclaré irrecevables les conclusions civiles du Service des prestations complémentaires.

 

TF

Consid. 2.1.1
Aux termes de l’art. 4 al 1 LPC (teneur inchangée), les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires dès lors qu’elles perçoivent une rente de vieillesse de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) (let. a).

A teneur de l’art. 13 LPGA, le domicile d’une personne est déterminé selon les art. 23 à 26 du code civil (al. 1). Une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d’emblée limitée (al. 2).

Consid. 2.1.2
Aux termes de l’art. 23 CC, le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l’intention de s’y établir; le séjour dans une institution de formation ou le placement dans un établissement d’éducation, un home, un hôpital ou une maison de détention ne constitue en soi pas le domicile (al. 1). Nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles (al. 2).

L’art. 23 al. 1 CC fait dépendre la constitution du domicile de deux conditions: d’une part, la résidence, soit un séjour d’une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d’autre part, l’intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence, intention qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d’un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles (ATF 141 V 530 consid. 5.2 p. 534 s.; 137 II 122 consid. 3.6 p. 126). Le domicile d’une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l’ensemble des circonstances (ATF 135 I 233 consid. 5.1 p. 249). Le lieu où les papiers d’identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l’emporter sur le lieu où se focalise un maximum d’éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l’intéressé (ATF 141 V 530 consid. 5.2 p. 535; 136 II 405 consid. 4.3 p. 409, arrêt 6B_1396/2022 du 7 juin 2023 consid. 1.1.3).

Le lieu où la personne réside (élément objectif) et son intention de s’établir (élément subjectif) relèvent de l’établissement des faits, que le Tribunal fédéral ne corrige qu’en cas d’arbitraire (art. 97 al. 1 LTF, en relation avec l’art. 9 Cst.). En revanche, les conclusions à en déduire sous l’angle de l’art. 23 al. 1 CC quant à l’intention de s’établir ressortissent au droit, dont le Tribunal fédéral revoit librement l’application (ATF 136 II 405 consid. 4.3 p. 410; 120 III 7 consid. 2a p. 8 et la référence citée; arrêt 6B_1396/2022 du 7 juin 2023 consid. 1.1.3).

Consid. 2.1.3
Selon l’art. 24 CC, toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu’elle ne s’en est pas créé un nouveau (al. 1).

L’art. 24 al. 1 CC vise le cas de l’abandon d’un domicile sans création d’un nouveau. En l’absence de création d’un nouveau domicile, le domicile abandonné subsiste comme domicile fictif. Un recours au domicile fictif n’est pas requis lorsque la personne a conservé son centre de vie à l’ancien lieu; ce dernier demeurant son domicile volontaire, nul n’est besoin d’établir un domicile fictif (PICHONNAZ/FOËX/ FOUNTOULAKIS, Commentaire romand, Code civil I, 2e éd. 2023, art. 24 CC, n. 3-4a).

Consid. 2.2
Pour autant que l’on comprenne le recourant, il reproche à la cour cantonale de ne pas avoir déterminé le lieu précis de son centre d’intérêts à l’étranger. A défaut d’avoir localisé son nouveau domicile, il aurait fallu retenir, en application de l’art. 24 CC, que Genève demeurait son centre de vie et d’intérêts.

Le recourant ne saurait être suivi. La cour cantonale a en effet retenu que le centre d’intérêts du recourant s’était trouvé successivement en Normandie, où vivaient sa fille et son chien, puis à W.__ à partir du début de l’année 2016, lorsque sa fille a déménagé au Canada pour ses études. Sur la base des faits retenus, dont le recourant n’a pas démontré l’arbitraire, la cour cantonale n’a pas violé le droit fédéral en considérant qu’il s’était créé un nouveau domicile hors de Suisse. Il s’ensuit que c’est à bon droit que la cour cantonale n’a pas fait usage de la fiction de l’art. 24 al. 1 CC.

Quoi qu’il en soit, peu importe, puisque la cour cantonale a conclu à l’absence d’une résidence habituelle en Suisse, sans que le recourant ne démontre l’arbitraire de cette appréciation. Or, le droit aux prestations complémentaires fédérales et cantonales ne dépend pas uniquement de la condition d’un domicile en Suisse, mais aussi d’une résidence habituelle en Suisse (cf. art. 4 al. 1 LPC [respectivement dans le canton de Genève, art. 2 al. 1 de la loi genevoise du 25 octobre 1968 sur les prestations complémentaires cantonales [LPCC; RSG J 4 25]; cf. arrêt 9C_741/2019 du 2 juin 2020 consid. 4.4). Infondés, les griefs sont partant rejetés.

Pour le reste, le recourant ne conteste pas sa condamnation sous un autre angle (art. 42 al. 2 LTF).

 

Le TF rejette le recours de A.A.__.

 

Arrêt 6B_1022/2023 consultable ici

 

8C_662/2023 (f) du 22.03.2024 – Droit aux prestations complémentaires cantonales – Condition du domicile et de la résidence habituelle / Séjour à l’étranger de plus de 90 jours – Restitution des prestations complémentaires indûment perçues

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2023 (f) du 22.03.2024

 

Consultable ici

 

Droit aux prestations complémentaires cantonales – Condition du domicile et de la résidence habituelle / 2 al. 1 LPCC [GE] – 13 LPGA – 23 à 26 CC

Séjour à l’étranger de plus de 90 jours – Restitution des prestations complémentaires indûment perçues

Objet du litige

 

L’assuré touche des prestations complémentaires cantonales à sa rente d’invalidité depuis le 01.03.2007. Il perçoit en outre des subsides de l’assurance-maladie, lesquels ont également été octroyés à son épouse et à ses quatre enfants. Le 20.03.2018, le Service des prestations complémentaires (SPC) a sollicité de l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) une enquête sur la domiciliation de l’assuré. Dans son rapport d’entraide administrative interdépartementale du 21.03.2019, l’enquêteur mandaté par l’OCPM a notamment constaté que selon le passeport de l’intéressé, celui-ci était parti à l’étranger pour une durée largement supérieure à 90 jours par année lors des trois années précédentes, soit 172 jours en 2016, 200 jours en 2017 et 131 jours en 2018.

Par décision du 20.06.2019, le SPC a réclamé à l’assuré la restitution d’un montant de CHF 59’985, correspondant aux prestations complémentaires versées pour la période du 01.01.2017 au 30.06.2019.

Statuant par décisions séparées du 24.06.2019, le SPC a requis la restitution de CHF 5’788, correspondant à des rentes complémentaires pour enfant de l’AVS/AI, pour la période du 01.07.2012 au 31.12.2016. Il a recalculé le droit aux prestations complémentaires pour la période du 01.01.2018 au 30.06.2019, ce qui générait un solde rétroactif de CHF 36’336 en faveur de l’assuré et a réclamé le remboursement de CHF 20’301, correspondant à des subsides de l’assurance-maladie pour l’année 2017. Enfin, il a requis la restitution de CHF 2’502, correspondant à des subsides de l’assurance-maladie pour l’année 2017.

Par décisions séparées du 09.07.2019, le SPC a demandé à l’assuré le remboursement de frais médicaux à hauteur de CHF 1’990.45 pour lui-même, CHF 1’985.80 pour son épouse et CHF 596.30, respectivement CHF 506.95, pour deux de ses enfants.

Par décision sur opposition du 26.07.2021, le SPC a rejeté les oppositions formées par l’assuré contre les décisions des 20.06.2019 et 24.06.2019.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/673/2023 – consultable ici)

Par jugement du 31.08.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Il convient tout d’abord de préciser l’objet du litige.

Consid. 3.1
L’assuré conteste la restitution d’un premier montant de CHF 59’985, correspondant aux prestations complémentaires versées du 1 er janvier 2017 au 30 juin 2019, ainsi que d’un second montant de CHF 20’301, correspondant à des subsides de l’assurance-maladie pour l’année 2017. Il demande également que son droit à des prestations complémentaires pour les années 2017, 2018 et 2019, ainsi qu’à des subsides de l’assurance-maladie pour l’année 2017, soit reconnu.

Consid. 3.2
Amenés à circonscrire l’objet du litige en procédure cantonale, les juges cantonaux ont constaté que l’assuré s’était opposé à la décision du 20.06.2019, réclamant la restitution de CHF 59’985, et à celle du 24.06.2019 qui exigeait la restitution de CHF 20’301, en faisant valoir que son absence de Genève durant 200 jours en 2017 était justifiée par des raisons médicales. Il n’avait, en revanche, pas contesté les autres décisions des 24.06.2019 et du 09.07.2019 demandant la restitution de diverses prestations. L’examen de l’opposition avait été ainsi limité à la question de la résidence habituelle dans le canton de Genève, à laquelle était subordonné le droit aux prestations complémentaires. Dans son recours cantonal, l’assuré contestait devoir rembourser les montants de CHF 59’985 et CHF 20’301 pour les mêmes motifs que ceux exposés dans son opposition.

La cour cantonale a ajouté qu’en cours de procédure, le SPC avait expliqué que la suppression du droit aux prestations complémentaires pour l’année 2017 avait nécessité l’annulation, dans le système informatique, des prestations complémentaires allouées du 01.01.2017 au 30.06.2019 ; comme l’assuré avait été mis au bénéfice de prestations complémentaires pour la période rétroactive du 01.01.2018 au 30.06.2019, le SPC lui devait encore CHF 312 pour cette période. Toujours selon le SPC, en définitive, il était exigé de l’assuré la restitution d’un montant de CHF 23’649, correspondant aux prestations complémentaires octroyées pour l’année 2017. La juridiction cantonale en a conclu que le litige portait uniquement sur le point de savoir si le SPC avait, à juste titre, retenu que l’assuré n’avait pas sa résidence habituelle dans le canton de Genève en 2017, et requis la restitution des prestations complémentaires cantonales et des subsides de l’assurance-maladie versés du 01.01.2017 au 31.12.2017.

Consid. 3.3
L’assuré ne formule aucun grief à l’encontre de l’appréciation du tribunal cantonal, qui ne prête au demeurant pas le flanc à la critique. Aussi, l’objet du présent litige soumis au Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà de la question de la restitution des prestations complémentaires cantonales et des subsides de l’assurance-maladie perçus par l’assuré pour l’année 2017. Dès lors, sa conclusion tendant à reconnaître son droit aux prestations complémentaires pour les années 2018 et 2019, qui excède l’objet du litige et échappe au pouvoir de cognition du Tribunal fédéral, est irrecevable.

 

Consid. 5
En l’espèce, les juges cantonaux ont observé que selon le rapport de l’enquêteur de l’OCPM, l’assuré avait séjourné 200 jours à l’étranger en 2017, soit plus de six mois. Ce dernier avait du reste admis avoir séjourné plus de six mois au Kosovo cette année-là, en effectuant des voyages à répétition. Rappelant qu’une absence à l’étranger au-delà de trois mois n’interrompait pas le droit aux prestations complémentaires jusqu’à une année si elle avait été dictée par des raisons valables, voire au-delà d’une année si elle s’était prolongée pour des motifs contraignants ou imprévisibles, la juridiction cantonale s’est attelée à examiner si des raisons valables avaient justifié l’absence de l’assuré du canton de Genève durant 200 jours en 2017. A cet égard, l’intéressé invoquait des motifs médicaux et le climat au Kosovo, plus supportable. Selon les pièces médicales versées au dossier, il souffrait de douleurs chroniques au niveau de la nuque et du dos, de maux de tête, de vertiges et d’un syndrome neuropsychiatrique. Ses médecins indiquaient que les douleurs chroniques étaient aggravées par les changements climatiques et que sa présence au Kosovo, où il parlait sa langue maternelle et se trouvait auprès de sa famille et de ses proches, dans un milieu naturel, améliorait son état de santé. Les médecins ne faisaient toutefois que rapporter les dires de leur patient. Par ailleurs, selon les tableaux « historique de la météo en 2017 » pour ces deux lieux, le climat au Kosovo était quasi-identique à celui de Genève en 2017. L’explication selon laquelle l’assuré serait resté davantage au Kosovo l’année en question, pour éviter une aggravation de ses douleurs chroniques due au changement de temps, n’emportait ainsi pas la conviction. En outre, il n’avait produit aucun rapport médical attestant l’existence, au Kosovo, d’un traitement inexistant à Genève, ou d’une décompensation psychique durant les périodes où il résidait à Genève. Selon la jurisprudence, les raisons d’ordre social, familial et personnel n’étaient pas pertinentes. Au demeurant, il existait à Genève, voire à Lausanne, des associations où l’assuré pouvait échanger en albanais avec d’autres membres de sa communauté. Enfin, la campagne genevoise lui permettait de passer des moments agréables, seul ou en famille.

L’instance cantonale a conclu qu’à défaut de raisons valables ayant justifié le séjour de l’assuré à l’étranger durant 200 jours en 2017, le SPC avait considéré à juste titre qu’il n’avait pas droit aux prestations complémentaires cantonales – conditionné notamment à l’exigence d’une résidence habituelle dans le canton de Genève – du 01.01.2017 au 31.12.2017. Dès lors que les subsides de l’assurance-maladie étaient notamment destinés aux bénéficiaires de prestations complémentaires à l’AVS/AI, c’était également à tort que l’assuré avait perçu de tels subsides pour lui et sa famille en 2017.

La cour cantonale a finalement constaté que le SPC avait été informé en mars 2019 de l’absence du maintien de la résidence effective de l’assuré dans le canton de Genève durant l’année 2017. En réclamant, par décisions des 20.06.2019 et 24.06.2019, la restitution des prestations complémentaires et des subsides de l’assurance-maladie versés à tort pour l’année 2017, le SPC avait respecté tant le délai relatif d’une année, à compter du moment où il avait eu connaissance des faits, que le délai absolu de cinq ans après le versement des prestations.

 

Consid. 6.2
Il n’est pas contesté que l’assuré, installé dans le canton de Genève avec sa famille, a passé 200 jours au Kosovo en 2017. Les parties s’opposent en revanche sur le point de savoir si l’assuré avait, au sens de la loi, sa résidence habituelle dans le canton de Genève cette année-là. On notera que l’assuré a perçu pour l’année 2017 des prestations complémentaires exclusivement cantonales, et non fédérales. L’octroi de ces prestations, ainsi que leur restitution, relève donc du droit cantonal, tout comme les subsides de l’assurance-maladie. Dès lors, en la présente procédure, le Tribunal ne peut revoir les questions de droit que sous l’angle restreint de l’arbitraire, comme tel est le cas s’agissant de l’établissement des faits.

Quoi qu’en dise l’assuré, la cour cantonale n’a pas versé dans l’arbitraire en considérant qu’il n’avait pas de raisons valables pour avoir séjourné 200 jours au Kosovo en 2017. Elle a exposé, de manière convaincante, que le climat dans ce pays était semblable à celui de Genève, que l’assuré avait la possibilité de côtoyer des personnes issues de sa communauté dans la région genevoise – où vivent également son épouse et ses enfants – et qu’il pouvait, si besoin, y trouver un environnement calme et apaisant. L’assuré, qui ne prend pas position sur ces éléments pertinents, ne les dément pas. Il se contente, de manière purement appellatoire, de répéter que ses séjours au Kosovo amélioreraient son état de santé, sans expliquer concrètement pour quelles raisons il ne pourrait pas trouver à Genève des conditions de vie similaires à celles prévalant dans son pays d’origine, étant rappelé que la Suisse abrite une importe communauté kosovare. En outre, comme sous-entendu par les juges cantonaux, les médecins de l’assuré n’ont pas fait état d’une diminution de ses souffrances qui puisse être objectivable. Pour le reste, l’assuré ne conteste pas qu’à défaut d’une résidence habituelle dans le canton de Genève en 2017, il n’a pas droit aux prestations complémentaires cantonales et, en corollaire, pas droit non plus aux subsides de l’assurance-maladie. Il ne prétend pas davantage que les conditions à la restitution des prestations indûment touchées ne seraient pas réunies.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_662/2023 consultable ici

 

8C_448/2023 (f) du 22.04.2024 – Prestations complémentaires – Condition d’un séjour ininterrompu de dix ans en Suisse avant le dépôt de sa demande niée / 5 LPC

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_448/2023 (f) du 22.04.2024

 

Consultable ici

 

Prestations complémentaires – Condition d’un séjour ininterrompu de dix ans en Suisse avant le dépôt de sa demande niée / 5 LPC

 

Assurée, née en 1988, ressortissante bolivienne, a été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour (permis B) du 20.09.2010 au 28.02.2012. Une nouvelle autorisation de séjour lui a été délivrée le 05.07.2021, avec une première échéance au 28.07.2022, prolongée jusqu’au 28.07.2024. Depuis le 01.05.2021, elle est au bénéfice d’une rente entière de l’assurance-invalidité.

Le 13.10.2022, l’assurée a déposé une demande de prestations complémentaires. Par décision du 15.11.2022, confirmée sur opposition le 20.01.2023, le service des prestations complémentaires (ci-après: SPC) a rejeté la demande, au motif que la prénommée ne remplissait pas la condition d’un séjour ininterrompu de dix ans en Suisse avant le dépôt de sa demande.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/517/2023 – consultable ici)

Par jugement du 29.06.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
L’arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment à la condition, pour les étrangers, de la durée minimale du séjour préalable en Suisse, à laquelle est subordonné le droit aux prestations complémentaires fédérales et cantonales (art. 4 ss LPC [RS 831.30] et art. 2 de la loi [de la République et canton de Genève] sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 [LPCC; RS/GE J 4 25]). Les juges cantonaux ont en particulier rappelé qu’aux termes des art. 5 al. 1 LPC et 2 al. 3 LPCC, les étrangers n’ont droit à des prestations complémentaires fédérales et cantonales que s’ils séjournent de manière légale en Suisse; ils doivent y avoir résidé de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire (délai de carence). En outre, selon le ch. 2320.01 des Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC), édictées par l’OFAS, seule la présence effective et conforme au droit vaut résidence habituelle en Suisse; les périodes au cours desquelles une personne a séjourné illégalement en Suisse ne sont pas prises en compte dans la détermination de la durée de séjour.

Consid. 3.3
On ajoutera que l’autorisation de séjour est limitée dans le temps, mais peut être prolongée s’il n’existe aucun motif de révocation au sens de l’art. 62 al. 1 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l’intégration (LEI; RS 142.20) (art. 33 al. 3 LEI). L’autorisation prend fin notamment à l’expiration de sa durée de validité (art. 61 al. 1 let. c LEI) ou en cas de révocation (art. 62 LEI). La personne concernée peut cependant rester en Suisse pendant la procédure de prolongation de l’autorisation de séjour, et également après l’échéance de cette dernière, lorsqu’elle a déposé une demande de prolongation et pour autant que l’autorité compétente n’ait pas pris des mesures provisionnelles différentes (art. 59 al. 2 de l’ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative [OASA; RS 142.201]). Il ne s’agit certes que d’un droit de séjour procédural; les droits conférés par l’autorisation (notamment en matière de séjour et d’activité lucrative) restent toutefois valables après l’expiration de la durée de validité de l’autorisation de séjour (arrêt 9C_378/2020 du 25 septembre 2020 consid. 5.3; arrêt 2C_1154/2016 du 25 août 2017 consid. 2.3 et les références).

Consid. 4
La juridiction cantonale a considéré que l’assurée alléguait être arrivée en Suisse en 2005, mais qu’elle ne contestait pas avoir été au bénéfice d’une première autorisation de séjour du 20.09.2010 au 28.02.2012 seulement. Par la suite, elle avait séjourné en Suisse sans autorisation valable pendant près de deux ans, jusqu’à sa demande de renouvellement du 06.02.2014. Les juges cantonaux ont ainsi considéré que le délai de carence prévu par les art. 5 al. 1 LPC et 2 al. 3 LPCC débutait le 06.02.2014 au plus tôt. Partant, la condition du séjour légal et ininterrompu de dix ans en Suisse n’était pas remplie au moment où l’assurée a demandé les prestations complémentaires en octobre 2022.

 

Consid. 5 – Fait nouveau et preuve nouvelle

Consid. 5.1
L’assurée a produit en annexe à son recours une demande de renouvellement de son permis de séjour datée du 20.12.2011 puis, en annexe à sa réplique, différents documents échangés avec l’Office cantonal de la population, établis entre mai 2012 et février 2014. Selon l’assurée, il conviendrait de tenir compte de ces pièces dès lors que la juridiction cantonale aurait avancé un nouvel argument juridique « fondé sur un fait contraire à la réalité ». En substance, elle expose que la décision du SPC reposait notamment sur l’absence de renouvellement du permis de séjour, alors que les juges cantonaux retenaient le dépôt d’une demande de renouvellement le 06.02.2014. Cependant, c’est la date du 20.12.2011 qui devait être retenue comme l’atteste sa demande de renouvellement. De surcroît, dans ses déterminations devant le Tribunal fédéral, l’OFAS alléguait qu’entre décembre 2011 et février 2014, environ deux ans s’étaient écoulés sans que l’assurée ait interpellé l’Office cantonal de la population, faits qu’elle conteste sur la base des nouvelles pièces produites.

Consid. 5.3
Les pièces produites par l’assurée à l’appui de son recours et de sa réplique ne figurent pas au dossier cantonal. Contrairement à ce qu’elle invoque, les conditions de l’exception de l’art. 99 al. 1 LTF ne sont pas réalisées. L’assurée ne démontre pas qu’elle ne pouvait pas produire, en instance cantonale, ces documents établis antérieurement à l’arrêt attaqué. Au demeurant, elle soutient avoir « prouvé et développé » que le permis de séjour délivré le 20.09.2010 a fait l’objet d’une procédure de renouvellement. Or on peut s’étonner qu’elle n’ait pas déposé ces pièces, lesquelles auraient été pertinentes en procédure cantonale, ce d’autant plus que dans sa décision du 20.01.2023, le SPC reprochait précisément à l’assurée de ne pas avoir fait renouveler son permis de séjour. Enfin, on soulignera que l’issue de la procédure en première instance ne constitue pas à elle seule un motif suffisant au sens de l’art. 99 al. 1 LTF pour justifier la recevabilité de nova qui auraient déjà pu être soulevés sans autre dans la procédure cantonale (ATF 143 V 19 consid. 1.2; cf. consid. 5.2 supra). Il s’ensuit que les nouvelles pièces ne peuvent être prises en compte pour l’examen de la présente cause.

 

Consid. 6.1
L’assurée reproche ensuite aux juges cantonaux d’avoir établi les faits de manière arbitraire en ne retenant pas la demande de renouvellement de son permis de séjour déposée en décembre 2011. Elle soutient également que les juges cantonaux auraient violé le droit en considérant qu’elle ne remplissait pas la condition de la durée minimale du séjour préalable en Suisse pour bénéficier des prestations complémentaires.

Consid. 6.2
Ces deux griefs reposent sur la prémisse erronée que son nouveau moyen de preuve est admissible et que la demande de renouvellement doit être considérée comme ayant été déposée en décembre 2011. Ces griefs tombent dès lors à faux.

 

Consid. 7
L’assurée, qui succombe, a demandé à bénéficier de l’assistance judiciaire gratuite. Une partie ne remplit les conditions de l’assistance judiciaire que si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l’échec (art. 64 al. 1 LTF; ATF 140 V 521 consid. 9.1). Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci apparaissait d’emblée dénué de chances de succès et la requête d’assistance judiciaire doit dès lors être rejetée. L’assurée doit par conséquent payer les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF) et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocat.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_448/2023 consultable ici

 

Prestations complémentaires : le Conseil fédéral veut promouvoir le logement protégé

Prestations complémentaires : le Conseil fédéral veut promouvoir le logement protégé

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 08.05.2024 consultable ici

 

Le Conseil fédéral souhaite mieux soutenir l’autonomie des personnes âgées et encourager leur maintien à domicile. C’est pourquoi les prestations complémentaires (PC) devraient à l’avenir couvrir certaines prestations d’assistance permettant aux personnes concernées de continuer à vivre dans leur propre logement. Lors de sa séance du 8 mai 2024, le Conseil fédéral a pris connaissance des résultats de la consultation consacrée à la modification de la loi fédérale sur les prestations complémentaires (LPC). Il a chargé le Département fédéral de l’intérieur (DFI) d’élaborer d’ici l’automne un message à l’intention du Parlement. Les prestations d’assistance sont conçues comme un forfait versé à l’avance, et les bénéficiaires de PC à l’AI pourront eux aussi y prétendre.

Environ un tiers des personnes qui vivent dans un établissement médico-social (EMS) requièrent moins d’une heure de soins par jour. Leur entrée en EMS pourrait être retardée, voire évitée, si elles avaient la possibilité de vivre dans un logement adapté à leurs besoins ou de bénéficier de prestations d’assistance à domicile. Les personnes âgées aspirent à vivre le plus longtemps possible de manière autonome dans leur propre logement. Pour cela, elles ont besoin non seulement d’un soutien médical, mais aussi d’une aide pour le ménage, de services de repas ou d’un environnement sûr (prévention des chutes).

 

Un intérêt marqué, mais aussi de nombreuses critiques

Le projet consacré à la prise en compte du logement protégé dans les PC a suscité un vif intérêt lors de la consultation, mais aussi de fortes résistances. Les cantons s’opposent à l’idée que le financement leur incombe exclusivement. Une grande majorité des participants à la consultation demandent en outre que les bénéficiaires de PC à l’AI puissent, eux aussi, avoir droit à ces nouvelles prestations.

Une nette majorité déplore également que les bénéficiaires de PC doivent financer au préalable certaines prestations d’assistance avant d’en obtenir le remboursement. D’autres critiques portent sur le supplément pour la location d’un logement adapté aux besoins des personnes âgées ainsi que sur la nécessité de mieux tenir compte des aspects psychosociaux comme l’accompagnement dans l’organisation du quotidien.

 

Principes fondamentaux pour le message

Sur la base des résultats de la consultation, le Conseil fédéral a décidé d’ouvrir le droit aux prestations pour le logement protégé non seulement aux bénéficiaires de PC à l’AVS, mais aussi aux bénéficiaires de PC à l’AI. Le principe de l’égalité de traitement entre les bénéficiaires de rentes de vieillesse et de rentes d’invalidité sera ainsi respecté. Cependant, les prestations prises en charge par les PC n’interviendront qu’une fois l’offre de prestations de l’AI épuisée.

Les prestations en faveur du logement protégé devront être versées à l’avance sous la forme d’un forfait. Cette solution est avantageuse pour les assurés, qui n’auront pas à financer les prestations avant d’en obtenir le remboursement. Elle évite également les complications administratives. Ces prestations comprennent, selon les besoins :

  • un supplément pour la location d’un logement adapté aux personnes âgées ;
  • le remboursement des frais liés à l’adaptation du logement ;
  • un système d’appel d’urgence ;
  • une aide au ménage ;
  • un service de repas ;
  • un service de transport et d’accompagnement.

Ces prestations profiteront aux assurés qui, en raison de leur âge ou d’une atteinte à leur santé, ont besoin d’un soutien ciblé pour pouvoir continuer à vivre dans leur propre logement. C’est pourquoi le Conseil fédéral maintient qu’elles relèvent des frais de maladie et d’invalidité dans le système des PC et qu’elles doivent donc être entièrement prises en charge par les cantons. Cela correspond également à la répartition des compétences définie en 2008 par la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons. Les économies que le projet permettra de réaliser en retardant ou en évitant les entrées en EMS ne profiteront par conséquent qu’aux cantons. Enfin, le Conseil fédéral tient compte, par cette décision, de la situation financière tendue dans laquelle se trouve la Confédération.

Les coûts supplémentaires pour les cantons sont estimés entre 300 et 620 millions de francs, pour des économies de 280 millions. Ces économies proviennent du fait que les prestations d’assistance concernées permettront de retarder ou d’éviter des entrées en EMS.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 08.05.2024 consultable ici

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, mai 2024, «Reconnaissance des logements protégés pour les bénéficiaires de PC à l’AVS», disponible ici

 

8C_500/2023 (f) du 24.01.2024 – Prestation complémentaire à l’AVS/AI – Calcul, capacité de travail et revenu hypothétique de l’épouse – 9 ss LPC

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_500/2023 (f) du 24.01.2024

 

Consultable ici

 

Prestation complémentaire à l’AVS/AI – Calcul, capacité de travail et revenu hypothétique de l’épouse / 9 ss LPC

 

Assuré, né en 1949, touche des prestations complémentaires depuis novembre 2014, soit le mois qui a suivi celui où il a atteint l’âge de la retraite. Par décision du 28.02.2022, l’office AI a rejeté la demande de prestations de l’épouse de l’assuré, née en 1986. L’office AI s’est notamment fondé sur les conclusions d’une expertise psychiatrique conduite par le docteur C., lequel avait conclu à une pleine capacité de travail dans l’activité habituelle de ménagère, ainsi que dans l’activité adaptée de femme de ménage pour des particuliers. Un exemplaire de la décision de l’office AI a été transmis à la caisse de compensation.

Par décision du 27.05.2022, confirmée sur opposition, la caisse a procédé à un nouveau calcul du montant des prestations complémentaires, qui tenait compte d’un revenu hypothétique – correspondant à une activité à 50% – de l’épouse de l’assuré. Ce nouveau calcul causait une diminution du montant mensuel des prestations complémentaires de 2’301 fr. à 1’335 fr. à compter du 01.12.2022.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2022 161 – consultable ici)

Par jugement du 14.06.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.2
Selon la jurisprudence, le point de savoir si l’on peut exiger du conjoint d’un bénéficiaire de prestations complémentaires qu’il exerce une activité lucrative doit être examiné à l’aune des critères posés en droit de la famille, plus particulièrement de l’art. 163 CC. Les critères décisifs auront notamment trait à l’âge de la personne concernée, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l’activité exercée jusqu’ici, au marché de l’emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 142 V 12 consid. 3.2; 134 V 53 consid. 4.1). On est en droit d’attendre du parent se consacrant à la prise en charge de l’enfant qu’il recommence à travailler, en principe, à 50% dès l’entrée du plus jeune enfant à l’école obligatoire, à 80% à partir du moment où celui-ci débute le degré secondaire, et à 100% dès qu’il atteint l’âge de 16 ans révolus (ATF 144 III 481 consid. 4.7.6).

 

Consid. 5
Selon l’instance cantonale, l’assuré n’était pas parvenu à rendre vraisemblable que son épouse était incapable d’exercer une activité lucrative pour des motifs de santé. Dans son attestation du 30.032022, la médecin traitante de l’épouse avait fait état d’un trouble dépressif récurrent ainsi que d’un trouble mixte de la personnalité à traits dépendants et émotionnellement labile, avec présence d’hallucinations acoustico-verbales et visuelles, troubles qui entraînaient une incapacité totale de travail au vu de leur gravité et de leur chronicité. Toutefois cette médecin n’avait pas attesté ladite incapacité de manière argumentée. La situation avait fait l’objet d’un examen approfondi de la part de l’expert psychiatre, lequel avait explicitement admis la possibilité pour l’épouse d’accomplir une activité simple, comme celle de femme de ménage, tout en relevant la présence de facteurs étrangers à l’invalidité limitant les chances de réinsertion.

Par ailleurs, si des éléments étaient de nature à compliquer la recherche d’une activité lucrative (l’intéressée était âgée 36 ans au moment de la décision de la caisse, ne parlait presque pas le français malgré sa présence en Suisse depuis plus de dix ans, ne disposait d’aucune formation, n’avait jamais travaillé en Suisse, et elle pourvoyait en outre à l’éducation de ses deux enfants, nés en 2011 et 2014), ils n’empêchaient toutefois pas une mise à profit de la capacité de gain dans une activité ne requérant pas de qualifications particulières. Enfin, sa présence auprès de l’assuré, afin de lui prodiguer des soins, n’était pas de nature à entraver l’exercice d’une activité à mi-temps ; les éléments au dossier ne permettaient pas de déduire qu’une présence continue était nécessaire, mais plaidaient au contraire en faveur d’une aide ponctuelle, compatible avec l’exercice d’une activité à temps partiel. Il en allait de même de l’éducation des enfants, en âge scolaire. Un délai de six mois avait par ailleurs été prévu pour permettre à la femme de l’assuré d’entreprendre des démarches en vue de trouver un emploi, ce qui était largement suffisant.

 

Consid. 6.2
L’expertise psychiatrique ne portait pas uniquement sur la capacité de l’épouse dans ses activités ménagères, mais plus largement sur sa capacité de travail dans toute activité – y compris lucrative – correspondant à ses aptitudes. Comme relevé par l’instance cantonale, l’expert a diagnostiqué un trouble dépressif récurrent en rémission partielle ou léger, sans répercussion sur la capacité de travail, ainsi que des traits de personnalité état limite et immatures. Il a indiqué que le trouble dépressif n’était pas lié à des conflits intrapsychiques, mais était intervenu dans le contexte de tensions conjugales et surtout de difficultés économiques. En conclusion, l’expert a estimé que l’épouse de l’assuré n’était pas limitée dans son activité habituelle de femme au foyer, l’activité de femme de ménage pour des particuliers étant par ailleurs tout à fait adaptée. Elle disposait d’une pleine capacité de travail dans l’activité de femme de ménage, malgré ses affections psychiques et quand bien même la recherche d’emploi était limitée par l’inadaptation socio-culturelle ainsi que l’absence de maîtrise du français et de qualifications. Les avis médicaux dont se prévaut l’assuré se bornent à constater sans autres détails une incapacité de travail dans « l’économie libre » ou sur le « marché libre du travail », sans se prononcer spécifiquement sur l’activité de femme de ménage. Ils ne sont donc pas susceptibles d’infirmer les conclusions motivées et convaincantes de l’expert.

Par ailleurs, l’assuré ne remet pas en cause l’appréciation de l’expert psychiatre, selon laquelle sa femme n’est pas limitée dans son activité habituelle de femme au foyer. Or les tâches d’une femme de ménage se rapprochent de celles d’une ménagère. Elles ne nécessitent pas de formation particulière et le bon usage du français n’est pas primordial à leur accomplissement, étant entendu qu’une aide extérieure peut être fournie pour rechercher et trouver un emploi. L’épouse de l’assuré est du reste encore jeune et la caisse de compensation lui a accordé un délai de six mois pour mettre en valeur sa capacité de travail. Ses enfants sont tous deux scolarisés, ce qui devrait lui permettre d’assumer un emploi à mi-temps et de s’occuper d’eux et de son ménage, quel que soit le degré de l’aide apportée par l’assuré à ce niveau-là. A ce propos, ce dernier n’a fourni aucun élément concret donnant à penser qu’il aurait besoin d’un soutien à domicile à plein temps de son épouse pour éviter un placement dans un EMS, celle-ci ayant du reste fait savoir à l’expert que son mari n’était « pas spécialement limité », en dehors de « quelques difficultés respiratoires », et qu’il ne l’aidait pas « pour des raisons culturelles ». Les griefs du recourant s’avèrent ainsi mal fondés.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_500/2023 consultable ici

 

8C_209/2023 (f) du 16.10.2023 – Recours en matière de droit public contre un jugement cantonal portant exclusivement sur le droit à des prestations complémentaires fondées sur la législation cantonale

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_209/2023 (f) du 16.10.2023

 

Consultable ici

 

Recours en matière de droit public contre un jugement cantonal portant exclusivement sur le droit à des prestations complémentaires fondées sur la législation cantonale / 89 LTF

Pas de qualité pour recourir du service cantonal de prestations complémentaires pour la restitution de prestations d’aide sociale versées

 

A.__, née en 1988, mariée et mère de deux enfants nés en 2016 et 2020, est au bénéfice de prestations complémentaires familiales et d’aide sociale depuis 2018. Le 16.11.2021, le service des bourses et prêts d’études lui a octroyé une bourse d’étude de 24’000 fr. pour l’année scolaire 2020-2021 dans le cadre d’une formation universitaire à distance.

Par décision du 25.02.2022, le service des prestations complémentaires (ci-après: SPC) a recalculé son droit aux prestations d’aide sociale et lui a réclamé la restitution du montant de 7’638 fr. à titre de prestations versées indûment du 01.09.2020 au 28.02.2021. Ce montant incluait un subside de 502 fr. indûment versé par le service de l’assurance-maladie. A teneur du plan de calcul, une bourse d’étude de 21’000 fr. était prise en compte dans son revenu déterminant.

A.__ s’y est opposée, soutenant qu’elle n’aurait pas dû recevoir de bourse d’études pour le semestre 2020, car elle n’était pas encore immatriculée à l’université durant cette période, son parcours d’étude ayant débuté en 2021. Par décision sur opposition du 13.04.2022, portant sur les prestations d’aide sociale, le SPC a maintenu la demande de restitution.

 

Procédure cantonale (arrêt ATA/213/2023 – consultable ici)

Par jugement du 07.03.2023, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et renvoyant la cause au SPC pour nouveau calcul du droit aux prestations d’aide sociale pour la période du 01.09.2020 au 28.02.2021 au sens des considérants.

 

TF

Consid. 2.2
En l’espèce, les prestations d’aide sociale litigieuses étaient octroyées par le service cantonal de prestations complémentaires (cf. art. 26 al. 3 du règlement du canton de Genève du 27 juin 2012 relatif aux prestations complémentaires familiales [RPCFam; RSG J 4 25.04]), qui interjette un recours en matière de droit public contre l’arrêt cantonal niant son droit au remboursement. Il sied ainsi d’examiner d’abord la qualité pour recourir du SPC.

Consid. 3.1
Le droit de recours des collectivités publiques est visé en premier lieu par l’art. 89 al. 2 LTF. Toutefois, lorsque les conditions fixées par cette disposition ne sont pas remplies, comme c’est indéniablement le cas en l’espèce, il faut examiner si l’autorité peut se prévaloir de l’art. 89 al. 1 LTF. D’après cette disposition, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a); est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué (let. b); et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c). La qualité pour recourir de la règle générale de l’art. 89 al. 1 LTF est en premier lieu conçue pour les particuliers. Il est toutefois admis que les collectivités publiques peuvent s’en prévaloir à certaines conditions restrictives. Elles peuvent recourir si la décision litigieuse les atteint de la même manière qu’un particulier, ou du moins de manière analogue, dans leurs intérêts patrimoniaux, ou lorsque cette décision les touche dans leurs prérogatives de puissance publique, de manière qualifiée. Le simple intérêt général à une correcte application du droit n’est pas suffisant dans ce contexte. De même, n’importe quel intérêt financier découlant directement ou indirectement de l’exécution d’une tâche de droit public ne permet pas à la collectivité concernée de se fonder sur l’art. 89 al. 1 LTF. Il faut qu’elle soit touchée dans des intérêts centraux liés à sa puissance publique (ATF 140 I 90 consid. 1.2; voir également ATF 141 II 161 consid. 2.1; 135 I 43 consid. 1.3).

La jurisprudence admet que ces conditions sont remplies lorsqu’une commune recourt contre un jugement cantonal dans le domaine de l’aide sociale, pour autant que ce jugement puisse avoir valeur de précédant et entraîner ainsi des charges financières importantes pour la commune (ATF 140 V 328 consid. 6.4.4, 6.4.5 et 6.6). Elle se montre en revanche beaucoup plus restrictive lorsque s’opposent des organes d’une même collectivité publique, notamment les autorités exécutives et judiciaires cantonales, en particulier lorsqu’il s’agit d’interpréter ou d’appliquer du droit cantonal. En effet, lors de l’adoption de la LTF, le Parlement a rejeté la proposition du Conseil fédéral qui tendait à habiliter les gouvernements cantonaux, dans certains cas, à attaquer les arrêts de leurs propres tribunaux cantonaux; le législateur ne voulait pas que les litiges entre autorités exécutives et judiciaires suprêmes des cantons soient tranchés par le Tribunal fédéral. En Suisse, la règle est donc celle de l’interdiction des procédures dites  » intra-organiques  » (ATF 141 II 161 consid. 2.2; arrêts 2C_285/2023 du 13 septembre 2023 consid. 3; 1C_36/2021 du 3 juin 2021 consid. 1.2.1; FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n° 61 et 63 ad art. 89 LTF).

Consid. 3.2
Selon la jurisprudence, conformément à la légitimation fondée sur l’art. 89 al. 1 LTF, seule une collectivité publique comme telle (voire une autre personne morale de droit public) peut se prévaloir de cette disposition, mais pas une autorité ou une branche de l’administration dépourvue de la personnalité juridique, à moins d’avoir une procuration expresse lui permettant d’agir au nom de la collectivité publique en cause. Peu importe à cet égard que l’autorité ait ou non rendu la décision administrative à l’origine de la procédure et ait pris part à la procédure devant le tribunal cantonal (ATF 141 I 253; 140 II 539 consid. 2.2; 136 V 351 consid. 2.4; 134 II 45 consid. 2.2.3; arrêt 2C_1016/2011 du 3 mai 2012 consid. 1.3, non publié in ATF 138 I 196).

Consid. 3.3
Le Tribunal fédéral a déjà nié la qualité du SPC pour interjeter un recours en matière de droit public contre un jugement cantonal portant exclusivement sur le droit à des prestations complémentaires fondées sur la législation cantonale. D’une part, le SPC ne se voit pas expressément conférer la qualité pour recourir par une loi fédérale au sens de l’art. 89 al. 2 let. d LTF, le droit de recours prévu par l’art. 38 OPC-AVS/AI, en relation avec l’art. 62 al. 1bis LPGA, ne concernant que les litiges relatifs à des prestations complémentaires fondées sur le droit fédéral. D’autre part, il ne dispose pas d’un intérêt digne de protection à l’annulation ou à la modification du jugement entrepris au sens de l’art. 89 al. 1 let. c LTF (ATF 134 V 53 consid. 2 et 3; arrêt 8C_1033/2008 du 26 mars 2009 consid. 2). En appliquant les mêmes principes, le Tribunal fédéral a également nié la qualité pour recourir du SPC en rapport avec un jugement cantonal portant exclusivement sur le droit à des subsides destinés à la couverture des primes de l’assurance-maladie, fondé sur la loi cantonale d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal; RSG J 3 05; arrêt 8C_642/2009 du 3 septembre 2009 consid. 2.3). En l’espèce, il n’y a aucun motif de s’écarter de ces jurisprudences.

Consid. 3.4
Indépendamment de ce qui précède, le recours a été formé par le SPC en son propre nom et est signé par la directrice dudit service. Celui-ci est un service administratif cantonal rattaché à l’Office de l’action, de l’insertion et de l’intégration sociales du canton de Genève (OAIS), lui-même rattaché au Département cantonal de la cohésion sociale (DCS; art. 9 al. 1 let. b ch. 1 du règlement sur l’organisation de l’administration cantonale du 1er juin 2018, en vigueur jusqu’au 31 mai 2023, respectivement art. 9 al. 1 let. c ch. 1 du règlement sur l’organisation de l’administration cantonale du 1er juin 2023 [ROAC; RSG B 4 05.10]). Ainsi, le service recourant est une entité cantonale dépourvue de la personnalité juridique. L’office recourant ne prétend pas qu’il aurait agi en tant que représentant du canton de Genève et ne démontre pas non plus qu’il serait habilité à agir pour le canton dans la procédure devant le Tribunal fédéral (cf. ATF 134 II 45 consid. 2.2.3). Du reste, les corporations de droit public sont en principe représentées seulement par leurs autorités supérieures, en l’occurrence le Conseil d’Etat s’agissant de Genève (arrêt 2C_971/2012 du 28 juin 2013 consid. 2.3; voir aussi arrêt 2C_1016/2011 du 3 mai 2012 consid. 1.3 non publié aux ATF 138 I 196). Pour ce motif, le recours est irrecevable.

 

Le TF a déclaré le recours du service des prestations complémentaires irrecevable.

 

Arrêt 8C_209/2023 consultable ici