Archives par mot-clé : LPP

9C_435/2021 (f) du 07.09.2022 – Notion de survenance de l’incapacité de travail – 23 LPP / Connexité matérielle et temporelle – Principes généraux en matière de droit transitoire

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_435/2021 (f) du 07.09.2022

 

Consultable ici

 

Notion de survenance de l’incapacité de travail / 23 LPP

Connexité matérielle et temporelle

Principes généraux en matière de droit transitoire

 

Assurée, née en 1963, a travaillé notamment comme secrétaire comptable auprès d’un grand magasin de 1985 à 1990, puis comme commise administrative à 50% auprès de l’Hôpital C.__ dès le 01.08.1996. A ce titre, elle était affiliée pour la prévoyance professionnelle auprès de la caisse de prévoyance CIA du 01.08.1996 au 31.01.2002, puis de la caisse de prévoyance CEH dès le 01.02.2002. Le 01.01.2014, la CEH a fusionné avec la CIA afin de constituer la Caisse de prévoyance de l’Etat de Genève (ci-après: la CPEG).

En mars 2017, l’assurée a déposé une demande AI. Dans un avis du 07.03.2018, le médecin auprès du SMR a diagnostiqué une anorexie mentale; l’assurée était en incapacité de travail à 50% depuis le 17.05.1989 et à 100% depuis le 25.04.2017. L’office AI a, en se fondant sur l’avis du médecin de son SMR, octroyé à l’assurée une rente entière de l’assurance-invalidité dès le 01.09.2017 (décision du 21.11.2018).

Donnant suite à la décision de l’office AI, la CPEG a nié le droit de l’assurée à des prestations de la prévoyance professionnelle au motif que l’incapacité de travail de celle-ci était survenue le 17.05.1989, soit avant l’affiliation du 01.08.1996.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/677/2021 – consultable ici)

Par jugement du 24.06.2021, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
La CPEG est une institution de prévoyance de droit public dite enveloppante, en ce sens qu’elle alloue à ses affiliés des prestations obligatoires et plus étendues (sur la notion d’institution de prévoyance enveloppante, voir ATF 140 V 169 consid. 6.1). Une telle institution est libre de définir, dans les limites des dispositions expressément réservées à l’art. 49 al. 2 LPP en matière d’organisation, de sécurité financière, de surveillance et de transparence, le régime de prestations, le mode de financement et l’organisation qui lui convient, pour autant qu’elle respecte les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que l’interdiction de l’arbitraire (ATF 140 V 145 consid. 3.1 et les références).

La faculté réservée aux institutions de prévoyance en vertu de l’art. 49 al. 2 LPP n’implique cependant pas pour elles un pouvoir discrétionnaire. Lorsqu’elles adoptent dans leurs statuts ou règlements un certain système d’évaluation, elles doivent se conformer, dans l’application des critères retenus, aux conceptions de l’assurance sociale ou aux principes généraux (voir par exemple, en ce qui concerne la notion de l’invalidité, ATF 120 V 106 consid. 3c, ou en ce qui concerne la notion de l’événement assuré, arrêts B 31/03 du 23 janvier 2004 consid. 3; B 57/02 du 19 août 2003 consid. 3.3; B 40/93 du 22 juin 1995 consid. 4, in SVR 1995 LPP n° 43 p. 127). Autrement dit, si elles ont une pleine liberté dans le choix d’une notion, elles sont néanmoins tenues de donner à celle-ci sa signification usuelle et reconnue en matière d’assurance (arrêt 9C_52/2020 du 1 er février 2021 consid. 5.2.1, non publié in ATF 147 V 146).

Consid. 3.2
Le règlement d’une institution de prévoyance de droit public peut être modifié même en l’absence de toute disposition réservant un changement de réglementation, à condition toutefois de respecter les principes d’égalité de traitement et d’interdiction de l’arbitraire (ATF 135 V 382 consid. 6.1; 134 I 23 consid. 7.2 et les références citées). La nouvelle réglementation ne doit également pas porter atteinte aux droits acquis. Ces derniers ne naissent en faveur des personnes concernées que si la loi a fixé une fois pour toutes les relations en cause pour les soustraire aux effets des modifications légales, ou lorsque des assurances précises ont été données à l’occasion d’un engagement individuel (sur la notion de droits acquis, voir ATF 143 I 65 consid. 6.2; 134 I 23 consid. 7.2). En matière de prévoyance plus étendue, seul le droit à la rente comme tel constitue un droit acquis, lequel n’est pas touché par un changement des paramètres de calcul de la surindemnisation, même si ce changement peut avoir une incidence sur le montant des prestations d’assurance en cours (ATF 144 V 236 consid. 3.4.1; arrêt 9C_111/2018 du 14 septembre 2018 consid. 4.2 et les références).

 

Consid. 5.1
La juridiction cantonale a retenu que l’incapacité de travail de l’assurée était survenue le 17.05.1989, soit à une époque où l’intéressée n’était pas encore assurée auprès de la caisse de prévoyance. En raison d’une anorexie mentale, l’assurée avait été incapable de travailler à 50% du 17.05.1989 au 24.04.2017, puis à 100% dès le 25.04.2017. Dans la mesure où elle n’avait pas présenté une capacité de travail de plus de 80% dans une activité adaptée pendant plus de trois mois depuis le 17.05.1989, le lien de connexité matérielle et temporelle entre l’incapacité de travail survenue à cette date et l’invalidité reconnue « officiellement en septembre 2017 » n’avait par ailleurs pas été interrompu. Il n’incombait par conséquent pas à l’institution de prévoyance de prendre en charge le cas d’invalidité, l’incapacité de travail déterminante existant déjà à une époque où l’assurée n’était pas encore assurée auprès de la caisse de prévoyance.

Consid. 6.1
D’après les principes généraux en matière de droit transitoire, on applique, en cas de changement de règles de droit et sauf réglementation transitoire contraire, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement et qui a des conséquences juridiques. Ces principes valent également en cas de changement de dispositions réglementaires ou statutaires des institutions de prévoyance (ATF 138 V 176 consid. 7.1 et les références). Leur application ne soulève pas de difficultés en présence d’un événement unique, qui peut être facilement isolé dans le temps. S’agissant par exemple des prestations de survivants, on applique les règles en vigueur au moment du décès de l’assuré, c’est-à-dire la date à laquelle naît le droit aux prestations du bénéficiaire (ATF 137 V 105 consid. 5.3.1 et la référence).

En cas d’incapacité de travail donnant lieu à une rente d’invalidité, l’état de fait dont découle le droit aux prestations de la prévoyance professionnelle n’est pas la survenance de l’incapacité de travail, événement déterminé dans le temps, mais l’incapacité de travail comme telle, qui est un état durable. La situation juridique qui donne lieu à une rente d’invalidité n’est donc pas ponctuelle, mais perdure jusqu’à la naissance du droit aux prestations de la prévoyance professionnelle. En cas de modification réglementaire après la survenance de l’incapacité de travail, mais avant le début du droit aux prestations, ce sont donc les nouvelles règles qui sont applicables, sauf disposition contraire (ATF 121 V 97 consid. 1c).

Consid. 6.2
Ces principes conduisent à retenir que le droit de l’assurée à une rente de la prévoyance professionnelle (surobligatoire) doit être examiné conformément aux dispositions du RCPEG et non pas des statuts de la CEH, comme l’ont retenu à juste titre les juges cantonaux. En effet, l’état de fait dont découle le droit aux prestations – que ce soit en vertu de l’art. 27 des statuts ou de l’art. 33 RCPEG – est l’incapacité de remplir sa fonction ou l’incapacité de remplir au sens de l’assurance-invalidité comme telle, qui est un état de fait durable. La situation juridique qui donne lieu à une rente d’invalidité perdure donc jusqu’à la naissance du droit aux prestations, coïncidant ici avec celui du droit à une rente de l’assurance-invalidité (art. 33 al. 3 RCPEG; art. 27 al. 4 des statuts), soit le 01.09.2017. Le RCPEG ne contient en outre aucune disposition transitoire qui déclarerait applicables les anciennes dispositions en cas d’incapacité de travail survenue avant cette date.

Par ailleurs, l’art. 27 al. 1 des statuts de la CEH n’attache aucune conséquence juridique particulière à la date de la survenance de l’incapacité de travail, tant et aussi longtemps que cette incapacité ne fonde pas un droit à des prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle. Dans la mesure où aucun droit à la rente en faveur de l’assurée n’a pris naissance sous l’empire des statuts de la CEH, l’assurée ne saurait par conséquent être suivie lorsqu’elle prétend être au bénéfice d’un droit acquis, qui conduirait, selon elle, à l’application des statuts de la CEH.

 

Consid. 7.1
Dans le domaine de la prévoyance professionnelle obligatoire, le versement des prestations d’invalidité incombe à l’institution de prévoyance auprès de laquelle la personne assurée était affiliée au moment de la survenance de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité, même si celle-ci est survenue après la fin des rapports de prévoyance (art. 23 let. a LPP; ATF 138 V 227 consid. 5.1 et les références citées). Ce principe sert à délimiter les responsabilités entre institutions de prévoyance, notamment lorsque le travailleur, déjà atteint dans sa santé dans une mesure propre à influer sur sa capacité de travail, entre au service d’un nouvel employeur en changeant en même temps d’institution de prévoyance, et bénéficie, ultérieurement, d’une rente de l’assurance-invalidité (ATF 123 V 262 consid. 1c; 121 V 97 consid. 2a; arrêt 9C_797/2013 du 30 avril 2014 consid. 3.4).

Les mêmes principes sont applicables en matière de prévoyance professionnelle surobligatoire, à tout le moins en l’absence de dispositions réglementaires ou statutaires contraires (ATF 138 V 409 consid. 6.1; 136 V 65 consid. 3.2; 123 V 262 consid. 1b).

Consid. 7.2
En l’espèce, le RCPEG, applicable au présent litige, prévoit que le membre salarié reconnu invalide par l’AI l’est également par la caisse pour autant qu’il ait été assuré auprès de la caisse lorsqu’est survenue l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité (art. 33 al. 1 RCPEG). Cette disposition réglementaire a donc la même teneur que l’art. 23 let. a LPP, sur les points litigieux. Les principes posés par l’art. 23 let. a LPP s’imposent par conséquent dans le domaine de la prévoyance professionnelle surobligatoire, dans la mesure où le RCPEG n’y déroge aucunement.

Consid. 7.3
La référence de l’assurée à l’arrêt B 101/02 n’y change rien. Dans le cadre de la prévoyance professionnelle surobligatoire, les institutions de prévoyance sont libres de définir, dans les limites des dispositions expressément réservées à l’art. 49 al. 2 LPP, le régime de prestations qui leur convient (arrêt B 101/02 précité consid. 4.1). A cet égard, elles peuvent notamment faire dépendre le droit à une rente d’invalidité étendue (respectivement le droit à la part étendue de la rente d’invalidité en cas de solutions de prévoyance enveloppantes) de l’existence du rapport de prévoyance au moment de la survenance, respectivement de l’aggravation de l’invalidité définie réglementairement (ATF 118 V 158 consid. 5a; arrêt 9C_658/2016 du 3 mars 2017 consid. 6.4.2; HÜRZELER, Commentaire LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n° 5 et 58 ad art. 23 LPP et les références). Le cas échéant, elles ont alors la possibilité d’instituer une réserve pour l’affection qui est à l’origine de l’invalidité (arrêt B 101/02 précité consid. 4.4; ATF 118 V 158 consid. 5a). Dans l’arrêt B 101/02, le Tribunal fédéral a jugé qu’une obligation de prester à la charge des institutions de prévoyance peut découler de l’interprétation de leur règlement de prévoyance selon le principe de la confiance lorsqu’elles renoncent à instituer une réserve, alors qu’elles ont dûment connaissance d’une atteinte à la santé préexistante. Tel est le cas de l’institution de prévoyance qui confirme expressément à la personne concernée, sur la base d’investigations médicales qui ont révélé une atteinte à la santé préexistante, qu’elle l’assure sans réserve pour sa capacité de gain résiduelle (arrêt B 101/02 consid. 4.4).

A l’inverse de la situation qui a donné lieu à l’arrêt B 101/02 précité, l’assurée n’a pas établi en l’espèce que la caisse de prévoyance avait eu connaissance du certificat d’examen médical du 18.01.2002. Il s’agit en effet d’un certificat d’aptitude demandé par l’employeur, singulièrement par la Direction des ressources humaines de l’Hôpital C.__. On ne voit dès lors pas ce que ce certificat médical, qui n’a pas été porté à la connaissance de la caisse de prévoyance, apporterait de plus à l’interprétation littérale de l’art. 33 al. 1 RCPEG. Qui plus est, le médecin qui a rédigé ce certificat a uniquement confirmé l’aptitude de l’assurée à exercer sa fonction à un taux d’activité de 50% et n’a pas mentionné une atteinte à la santé préexistante (voire une incapacité de travail pour les 50% restants). Dans ces circonstances, les motifs invoqués par l’assurée, en particulier le fait qu’elle a été assurée sans réserve par la caisse de prévoyance (à ce sujet, voir arrêt 9C_536/2012 du 28 décembre 2012 consid. 2.4), ne justifient aucunement de s’écarter des conditions d’assurance résultant du RCPEG.

Consid. 7.4
Finalement, l’assurée ne prétend pas que le lien de connexité temporelle et matérielle entre l’incapacité de travail survenue dès 1989 et l’invalidité ultérieure a été interrompue. Il s’ensuit que la juridiction cantonale a retenu à juste titre que l’institution de prévoyance intimée, auprès de laquelle l’assurée n’était pas affiliée lors de la survenance de l’incapacité de travail déterminante en 1989, n’est pas tenue de prendre en charge le cas d’invalidité ainsi que son aggravation.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_435/2021 consultable ici

 

9C_300/2021 (d) du 03.05.2022 – Obligation de cotiser : assujettissement réglementaire des revenus d’activités accessoires – 2 LPP – 49 LPP – 1j al. 1 let. c OPP 2

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_300/2021 (d) du 03.05.2022

 

Arrêt 9C_300/2021 consultable ici, résumé du Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 160 du 10.11.2022 disponible ici

 

Obligation de cotiser : assujettissement réglementaire des revenus d’activités accessoires / 2 LPP – 49 LPP – 1j al. 1 let. c OPP 2

 

Le règlement d’une institution de prévoyance peut prévoir que les revenus tirés d’une activité accessoire inférieurs au seuil d’accès LPP soient également soumis à l’obligation de cotiser à la prévoyance professionnelle s’ils sont réalisés auprès d’un employeur qui est affilié à la même institution de prévoyance que l’employeur de l’activité exercée à titre principal.

Une personne assurée est active auprès de deux employeurs qui sont affiliés à la même institution de prévoyance. Dans son activité principale, la personne assurée est obligatoirement assurée à la prévoyance professionnelle. L’institution de prévoyance soumet désormais également à l’obligation de cotiser le revenu de l’activité exercée à titre accessoire, qui correspond à un salaire annuel de seulement 10 000 francs. Elle le fait sur la base de son règlement, lequel prévoit que tous les revenus soumis à l’AVS réalisés par une personne assurée auprès des employeurs qui lui sont affiliés sont soumis à l’obligation de cotiser. La personne assurée s’y oppose, arguant que selon l’art. 1j, al. 1, let. c, OPP 2, les salariés exerçant une activité accessoire ne sont pas soumis à l’assurance obligatoire s’ils y sont déjà assujettis pour une activité lucrative exercée à titre principal.

Le TF considère que, dans le cas présent, le revenu de l’activité accessoire est inférieur au seuil d’entrée et qu’il n’est donc pas soumis à la prévoyance obligatoire. Cependant, il relève qu’en matière de prévoyance étendue au-delà des prestations minimales, il n’existe aucune disposition impérative concernant un salaire minimum ou l’assurance des salariés au service de plusieurs employeurs (art. 49, al. 2, LPP). Contrairement à la thèse défendue par la personne assurée, l’art. 1j, al. 1, let. c, OPP 2, fondé sur l’art. 2, al. 4, LPP, n’est donc pas obligatoirement applicable. Au contraire, la LPP autorise une couverture d’assurance plus étendue que celle prévue par la loi. Dans le cadre de la prévoyance étendue au-delà des prestations minimales, une institution de prévoyance peut également assurer des revenus qui sont inférieurs au salaire minimum de la prévoyance obligatoire (prévoyance sous-obligatoire).

Le TF arrive donc à la conclusion que le règlement d’une institution de prévoyance peut soumettre à l’obligation de cotiser les revenus d’une activité accessoire qui se situent en dessous du seuil d’entrée.

 

Arrêt 9C_300/2021 consultable ici

Résumé in Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 160 du 10.11.2022 disponible ici

 

Prévoyance professionnelle : adaptation des rentes de survivants et d’invalidité à l’évolution des prix au 01.01.2023

Prévoyance professionnelle : adaptation des rentes de survivants et d’invalidité à l’évolution des prix au 01.01.2023

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.10.2022 consultable ici

 

Au 01.01.2023, les rentes de survivants et d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire seront adaptées à l’évolution des prix, certaines pour la première fois, d’autres de manière subséquente.

 

Les rentes de survivants et d’invalidité du régime obligatoire de la prévoyance professionnelle doivent être adaptées périodiquement jusqu’à l’âge ordinaire de la retraite en cas d’augmentation de l’indice des prix à la consommation. Ces rentes de la LPP doivent être adaptées pour la première fois après trois ans, puis en même temps que les rentes de l’AVS, en règle générale tous les deux ans.

 

Rentes adaptées pour la première fois

Le taux d’adaptation des rentes ayant pris naissance en 2019 sera de 3,4%. Il est calculé sur la base des indices des prix à la consommation de septembre 2019 (101,1522 selon base décembre 2020 = 100) et de septembre 2022 (104,5831 selon base décembre 2020 = 100).

Au vu du niveau du renchérissement actuel, il y a également lieu d’examiner si certaines rentes de survivants et d’invalidité qui n’ont encore jamais été adaptées (celles ayant pris naissance en 2008 et 2011) doivent être adaptées à l’évolution des prix au 01.01.2023. La comparaison de l’indice de septembre 2022 avec l’indice correspondant de l’année de naissance des rentes donne les taux d’adaptation suivants :

  • Pour les rentes nées en 2008, le taux d’adaptation sera de 2,8%
  • Pour les rentes nées en 2011, le taux d’adaptation sera de 3,0%

 

Adaptations subséquentes en raison de l’augmentation des rentes AVS

Les rentes de l’AVS étant adaptées en 2023, chaque génération de rentes de survivants et d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire doit être examinée pour savoir à quel taux se monte leur adaptation subséquente au 01.01.2023. Le taux d’adaptation est calculé par la comparaison de l’indice de septembre 2022 avec l’indice correspondant de la dernière adaptation des rentes. Toutes les rentes de survivants et d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire seront adaptées, les taux d’adaptation peuvent être lus dans le tableau en annexe (sous « Documents »).

 

Rentes du régime surobligatoire

Les rentes pour lesquelles la LPP ne prévoit pas de compensation périodique du renchérissement sont adaptées par les institutions de prévoyance dans les limites de leurs possibilités financières. L’organe suprême de l’institution de prévoyance décide chaque année si et dans quelle mesure les rentes doivent être adaptées (cf. art. 36 al. 2 LPP). Les décisions sont commentées dans les comptes annuels ou dans le rapport annuel de l’institution de prévoyance.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.10.2022 consultable ici

Tableau des taux d’adaptation du 20.10.2022 disponible ici

 

 

8C_487/2021 (f) du 05.05.2022 – LPP – L’admission du recours par la partie intimée ne dispensent pas le Tribunal fédéral d’examiner la cause au fond – 32 LTF / Maxime d’office – 43 al. 1 LPGA – 61 let. c LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_487/2021 (f) du 05.05.2022

 

Consultable ici

 

Rente d’invalidité LPP – Erreur manifeste du tribunal cantonal dans calcul avoir vieillesse

L’admission du recours par la partie intimée ne dispensent pas le Tribunal fédéral d’examiner la cause au fond – 32 LTF / Maxime d’office – 43 al. 1 LPGA – 61 let. c LPGA

Frais judiciaires et dépens – 66 LTF – 68 LTF

 

Assurée, née en 1976, a travaillé du 01.02.2007 au 31.03.2012 en qualité de secrétaire trilingue et était affiliée pour la prévoyance professionnelle auprès de la A.__ (l’institution de prévoyance).

Le 24.02.2014, l’assurée a présenté une demande de prestations de l’assurance-invalidité. Elle été mise au bénéfice d’une rente entière d’invalidité dès le 01.08.2014 conformément à l’arrêt rendu le 09.03.2017 par le tribunal cantonal dans la cause l’opposant à l’office AI.

Saisie le 31.05.2017 d’une demande de rente de la prévoyance professionnelle, l’institution de prévoyance a informé l’assurée qu’elle estimait ne pas être tenue de lui allouer des prestations. Le 14.03.2018, l’assurée a ouvert action contre l’institution de prévoyance en concluant à l’octroi d’une rente entière d’invalidité d’au moins 41’184 fr. par an dès le 01.04.2012 avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 01.06.2017.

Par arrêt du 29.07.2019 (arrêt PP 4/18 – 25/2019), la cour cantonale a admis la demande, a constaté que l’assurée avait droit à une rente entière d’invalidité de la prévoyance professionnelle à compter du 01.04.2012 et a invité l’institution de prévoyance à fixer le montant des prestations à servir conformément aux considérants.

A la suite de cet arrêt, l’institution de prévoyance a alloué à l’assurée une rente d’invalidité d’un montant mensuel de 2’998 fr. 80. Cette dernière a manifesté son désaccord avec ce montant, invoquant le droit à une rente d’invalidité annuelle de 41’184 fr., soit une rente de 3’432 fr. par mois. L’institution de prévoyance a maintenu sa position, expliquant que l’incapacité de travail invalidante remontait au 27.08.2009, de sorte que le calcul de la rente était effectué sur la base du gain assuré selon le certificat personnel au 01.01.2009 (61’444 fr. 65) et non sur celui au 01.01.2012 (70’595 fr.).

 

Procédure cantonale (arrêt PP 5/20 – 16/2021 – consultable ici)

Le 05.03.2020, l’assurée a déposé à titre principal une demande d’interprétation du dispositif de l’arrêt rendu le 29.07.2019 par la cour cantonale, en concluant à ce que son droit à la rente d’invalidité dès le 01.04.2012 se calcule d’après son gain assuré figurant sur le dernier certificat de prévoyance au 01.01.2012. Subsidiairement, elle a formé une demande en constatation de droit tendant à ce que la rente annuelle entière d’invalidité qui lui est due par l’institution de prévoyance avec intérêts s’élève à au moins 41’184 fr.

Par arrêt du 12.05.2021, la cour cantonale a déclaré irrecevable la demande d’interprétation (chiffre I) et a admis la demande en constatation de droit (chiffre II) en ce sens que l’assurée a droit à compter du 01.04.2012 à une rente annuelle d’invalidité de 46’005 fr. 15 avec intérêts à 5% dès le 14.03.2018 (chiffre III).

 

TF

Consid. 3.1
Compte tenu des motifs et conclusions du recours, le litige en instance fédérale ne porte plus que sur un seul aspect du calcul opéré par la cour cantonale pour fixer le montant de la rente annuelle d’invalidité due par l’institution de prévoyance à l’assurée dès le 01.04.2012.

Alors que les juges cantonaux ont retenu, au titre de l’avoir de vieillesse déterminant pour calculer cette rente, un montant de 704’519 fr. 93, l’institution de prévoyance soutient que ce montant doit être établi à 630’672 fr. 90, ce qui donne, après application du taux de conversion de 6,53% selon l’annexe 3 RPEC [Règlement de prévoyance pour les personnes employées et les bénéficiaires de rente de la Caisse de prévoyance de la Confédération; RS 172.220.141.1], une rente annuelle d’invalidité de 41’182 fr. 95 et non pas de 46’005 fr. 15 comme fixé dans le dispositif de l’arrêt entrepris. Plus particulièrement, l’institution de prévoyance s’en prend à la manière dont la cour cantonale a déterminé, dans le cas d’espèce, la somme des bonifications de vieillesse depuis la naissance du droit à la prestation d’invalidité jusqu’à l’âge de 65 ans selon l’art. 24 RPEC, somme qui, avec l’avoir de vieillesse selon l’art. 36 RPEC que la personne assurée a accumulé jusqu’à la naissance du droit à la prestation d’invalidité, compose l’avoir de vieillesse déterminant servant au calcul de la rente (voir l’art. 57 al. 1 let. a et b RPEC).

Consid. 3.2
L’assurée ayant conclu à l’admission du recours sur ce point, il convient de déterminer ce que cela implique pour l’examen de la cause par la Cour de céans.

En droit privé, lorsque la cause est soumise à la maxime de disposition, l’acquiescement devant un tribunal est considéré comme un acte de procédure unilatéral par lequel la partie intimée reconnaît le bien-fondé de la prétention de la partie recourante et admet les conclusions de celle-ci (cf. arrêt 5A_667/2018 du 2 avril 2019 consid. 3.2, publié in SJ 2019 I 344). En droit des assurances sociales, dans lequel prévaut la maxime d’office (cf. art. 43 al. 1 et art. 61 let. c LPGA), l’acquiescement de la partie intimée ne permet pas au Tribunal fédéral de rayer la cause du rôle conformément à l’art. 32 al. 2 LTF; en d’autres termes, des conclusions de la partie intimée tendant à l’admission du recours ne dispensent pas le Tribunal fédéral d’examiner la cause au fond, en vérifiant que la situation résultant de l’admission du recours soit conforme au droit fédéral et en rendant une décision sur le fond (FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in: Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n° 23a ad art. 32 LTF; arrêts 8C_331/2020 du 4 mars 2021 consid. 2.1; 9C_149/2017 du 10 octobre 2017 consid. 1; 2C_299/2009 du 28 juin 2010 in RDAF 2010 II 494, consid. 1.3.4).

Il convient dès lors d’examiner si, comme le soutient l’institution de prévoyance, la cour cantonale a violé les dispositions pertinentes du RPEC en établissant le montant de la rente annuelle d’invalidité à 46’005 fr. 15 sur la base d’un avoir de vieillesse déterminant de 704’519 fr. 93.

Consid. 4.1
Invoquant un établissement inexact des faits (art. 97 al. 1 et art. 105 al. 2 LTF), l’institution de prévoyance reproche à la cour cantonale d’avoir pris en compte à double la même prestation de libre passage de l’assurée dans l’avoir de vieillesse déterminant pour le calcul de la rente d’invalidité selon l’art. 57 al. 1 let. a et b RPEC. Elle explique que le 09.10.2012, elle avait transféré, en raison de la sortie de l’assurée de sa caisse, un montant de 46’381 fr. 40 (sic) sur un compte auprès de la Fondation institution supplétive LPP et que ce montant lui avait été reversé par cette dernière le 16.10.2019, majoré des intérêts courus depuis le versement jusqu’à la date de remboursement (48’279 fr. 19), après qu’elle avait été condamnée à verser une rente d’invalidité à l’assurée par arrêt du 29.07.2019. Ces faits ressortaient clairement de ses écritures ainsi que des documents qu’elle avait versés en procédure cantonale, et auraient dû être constatés par la cour cantonale conformément à son obligation d’établir les faits d’office (art. 73 al. 2 LPP). La prise en compte, par l’instance cantonale, à la fois du montant de 46’381 fr. 40 et du versement de 48’279 fr. 19 conduisait à un calcul de rente erroné en violation des dispositions règlementaires.

Consid. 4.2
En l’occurrence, on doit donner raison à l’institution de prévoyance. Après avoir pris en considération d’une manière correcte la prestation de sortie de l’assurée, à sa valeur au 31.03.2012 (soit 46’381 fr. 40), au titre de l’avoir de vieillesse accumulée par celle-ci au moment de la naissance du droit à la prestation d’invalidité (cf. art. 57 al. 1 let. a RPEC), la cour cantonale a également porté en compte, dans le calcul de la somme des bonifications de vieillesse futures de l’assurée (cf. art. 57 al. 1 let. b RPEC), le montant de 48’279 fr. 19 correspondant au versement effectué par la Fondation institution supplétive LPP à l’institution de prévoyance en date du 16.10.2019 (voir le tableau y relatif figurant à la page 25 de l’arrêt entrepris). Il s’agit là d’une erreur manifeste de la cour cantonale, puisqu’il ressort des pièces produites par-devant elle que le montant de 48’279 fr. 19 constitue la prestation de sortie de l’assurée versée par l’institution de prévoyance en 2012 et restituée à cette dernière en 2019 avec les intérêts courus depuis lors conformément à l’art. 90 RPEC, et non pas une prestation de sortie acquise par l’assurée auprès d’autres institutions de prévoyance et apportée à l’institution de prévoyance. Si l’on fait abstraction du montant précité dans le calcul de la somme des bonifications de vieillesse futures de l’assurée, l’avoir de vieillesse déterminant de celle-ci s’élève à 630’672 fr. 90, comme cela résulte du tableau récapitulatif à la page 18 du recours. Il en découle une rente annuelle d’invalidité de 41’182 fr. 95 (630’672 fr. 90 x 6,53).

Consid. 4.3
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et l’arrêt attaqué réformé en ce sens que l’assurée a droit, à compter du 01.04.2012, à une rente annuelle d’invalidité de 41’182 fr. 95 avec intérêts à 5% dès le 14.03.2018.

 

Consid. 5
Doit encore être résolue la question des frais et dépens de la présente procédure.

Consid. 5.1
Selon l’art. 66 al. 1 LTF, en règle générale, la partie qui succombe doit payer les frais judiciaires; si les circonstances le justifient, le Tribunal peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. En ce qui concerne les dépens, le Tribunal fédéral décide si et, le cas échéant, dans quelle mesure les frais de la partie obtenant gain de cause sont supportés par celle qui succombe (art. 68 al. 1 LTF). En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu’ils obtiennent gain de cause dans l’exercice de leurs attributions officielles (art. 68 al. 3 LTF).

Consid. 5.2
En l’espèce, l’institution de prévoyance obtient gain de cause. Elle a dû recourir pour faire corriger une erreur manifeste commise par la cour cantonale dans l’établissement de l’avoir de vieillesse déterminant de l’assurée. Devant le Tribunal fédéral, cette dernière ne s’est pas identifiée à l’arrêt entrepris, mais elle a au contraire acquiescé au recours, mettant en évidence l’erreur qui faussait le calcul de sa rente. On ne saurait donc lui reprocher d’avoir succombé sur ce point devant le Tribunal fédéral (cf. arrêt 4A_595/2011 précité consid. 3), de sorte qu’il sera renoncé à la perception de frais judiciaires pour la procédure fédérale (art. 66 al. 1, deuxième phrase, LTF). Bien qu’obtenant gain de cause, l’institution de prévoyance, en sa qualité d’institution chargée de tâches de droit public, n’a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF; ATF 128 V 124 consid. 5b). Quant à l’assurée, elle saurait ne se voir allouer les dépens qu’elle demande dès lors qu’elle n’obtient pas gain de cause (art. 68 al. 1 LTF).

 

Le TF admet le recours de l’institution de prévoyance.

 

 

Arrêt 8C_487/2021 consultable ici

 

Prévoyance professionnelle : le taux d’intérêt minimal reste à 1%

Prévoyance professionnelle : le taux d’intérêt minimal reste à 1%

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 12.10.2022 consultable ici

 

Le taux d’intérêt minimal appliqué dans la prévoyance professionnelle restera fixé à 1% l’année prochaine. Lors de sa séance du 12 octobre 2022, le Conseil fédéral a été informé qu’il n’était pas nécessaire de revoir le taux cette année. Ce taux détermine l’intérêt minimal auquel doivent être rémunérés les avoirs de vieillesse du régime obligatoire conformément à la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle (LPP).

 

Aux termes de la loi, l’élément déterminant pour la fixation du taux est l’évolution du rendement des obligations de la Confédération ainsi que, en complément, celui des actions, des obligations et de l’immobilier.

Le rendement des obligations de la Confédération a nettement progressé : le taux d’intérêt des obligations de la Confédération à dix ans était de -0,13% à la fin 2021 et de 1,09% à la mi-septembre 2022. Si les actions et l’immobilier ont connu une évolution positive en 2021, l’année en cours a été marquée par des reculs importants. Malgré la situation actuellement difficile sur les marchés, le maintien du taux d’intérêt minimal à 1% se justifie dans l’ensemble. C’est pourquoi le taux n’est pas revu cette année. Le Conseil fédéral est tenu de réévaluer le taux d’intérêt minimal au moins tous les deux ans et procédera à cet examen l’année prochaine.

Le 30 août 2022, la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle s’est, elle aussi, prononcée pour un maintien du taux à 1%.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 12.10.2022 consultable ici

 

9C_274/2021 (f) du 22.02.2022 – Procédures d’action selon l’art. 73 LPP – Obligation d’alléguer les faits pertinents dans la demande en justice

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_274/2021 (f) du 22.02.2022

 

Consultable ici

 

Procédures d’action selon l’art. 73 LPP – Obligation d’alléguer les faits pertinents dans la demande en justice

Pas de violation des art. 9 et 29 Cst. par la Cour cantonale ayant renoncé à fixer au recourant un délai pour pallier les carences de sa demande

 

Par mémoire du 12.08.2019, l’assuré la Cour de justice cantonale d’une demande dirigée une Fondation LPP, tendant à la reconnaissance de son droit à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire (« rente invalidité LPP ») avec intérêts moratoires, la suspension de la procédure étant requise jusqu’à droit connu quant aux prestations allouées par l’office de l’assurance-invalidité.

La Cour de justice a constaté, pour l’essentiel, que la demande du 12.08.2019 comportait un état de fait « plus que lacunaire » et n’était « aucunement motivée », le demandeur ne donnant aucune indication quant à l’atteinte à sa santé ni quant aux motifs pour lesquels la Fondation LPP devait intervenir. Par ailleurs, la juridiction cantonale a relevé l’absence même d’éléments suffisants lui permettant de se prononcer sur sa propre compétence. Elle a ainsi considéré que les conditions de recevabilité prévues par l’art. 89B LPA faisaient défaut.  La juridiction cantonale a déclaré irrecevable la demande par arrêt du 01.04.2021 (arrêt ATAS/314/2021).

 

TF

Consid. 4.1
Les procédures d’action selon l’art. 73 LPP ne font pas suite à une procédure administrative aboutissant à une décision initiale. A l’instar des actions civiles, elles nécessitent donc l’exposé de tous les faits et moyens de preuve pertinents pour pouvoir juger, sur le fond, du droit ou de la créance invoquée. S’il est certes exact, comme le fait valoir l’assuré, que le principe inquisitoire vaut également dans le cadre de la procédure en matière de prévoyance professionnelle (art. 73 al. 2 LPP), ce principe se trouve limité par l’obligation de collaborer des parties. Ces dernières doivent présenter les faits pertinents, ce qui implique que les allégations y relatives, voire la contestation de certains faits, doivent figurer dans leurs écritures. Cela vaut d’autant plus lorsqu’elles sont, comme c’est ici le cas, représentées par un avocat (ATF 138 V 86 consid. 5.2.3 et les références; arrêt 9C_48/2017 du 4 septembre 2017 consid. 2.2.2).

Consid. 4.2
En l’espèce,
on constate à la suite de la Cour de justice que la demande du 12.08.2019 ne permettait pas de comprendre sur la base de quel état de fait l’assuré faisait valoir une prétention. La partie « II. Faits » de la demande comporte une énumération de faits sans lien apparent entre eux ou avec la prestation réclamée. Il n’en ressort en particulier aucun élément quant à la nature d’une éventuelle atteinte à la santé dont souffrirait l’assuré (victime, selon ses indications, d’un accident le 14.09.1994), ni sur la date à laquelle celle-ci serait intervenue et aurait entraîné une incapacité de travail voire une invalidité. La seule mention qu’une procédure de l’assurance-invalidité serait en cours depuis août 2016 ne suffit pas à cet égard; en l’absence de toute indication en relation avec des circonstances déterminantes pour la reconnaissance du droit à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle (cf. art. 23 ss LPP), on voit mal quelle(s) preuve (s) la juridiction cantonale aurait été tenue d’administrer. Cela vaut d’autant plus que l’assuré indique lui-même avoir déposé des « demandes identiques » devant les tribunaux d’autres cantons (Valais, Vaud, Berne, Fribourg), admettant ainsi pour le moins implicitement la nature largement indéterminée de la prétention qu’il entend faire valoir à l’encontre de la Fondation LPP.

Contrairement à ce qu’il soutient ensuite, il n’appartenait pas à la Cour de justice de faire d’emblée verser le « dossier AI » à la procédure pour le consulter et y chercher les éléments susceptibles de fonder la prétention invoquée. Par ailleurs, le fait que la juridiction cantonale aurait déjà été appelée à statuer dans la « procédure AI » n’est pas déterminant. L’assuré perd en effet de vue qu’il s’agit d’une procédure distincte de celle qu’il a initiée en matière de prévoyance professionnelle et qu’il lui appartenait, dès lors, en vertu des exigences de l’art. 89B LPA (en relation avec l’art. 73 LPP) et de son devoir de collaborer, d’alléguer les faits pertinents dans la demande en justice. Le grief d’une violation de l’art. 73 al. 2 LPP tombe dès lors à faux, tout comme celui d’arbitraire dans l’application de l’art. 89B al. 1 let. a LPA. C’est en effet sans arbitraire que la Cour de justice a considéré que la norme cantonale exigeait un exposé succinct des faits ou des motifs invoqués et non pas seulement la mention de divers faits sans aucune indication quant à leur rapport avec le droit prétendu. Or un tel exposé faisait défaut dans la demande du 12.08.2019. Il en va de même, du reste, des « motifs invoqués », l’indication générale du lien fonctionnel entre l’assurance-invalidité et la prévoyance professionnelle ne suffisant pas à comprendre les raisons pour lesquelles la Fondation LPP serait appelée à prester; la seule mention du fait qu’elle était apparemment l’institution de prévoyance auprès de laquelle était affilié l’ancien employeur de l’assuré ne suffit pas à cet égard.

 

Consid. 5.1
La garantie constitutionnelle de l’accès à la justice n’est pas en cause en l’occurrence, car le justiciable reste libre d’introduire une nouvelle demande en justice à la suite d’une décision d’irrecevabilité, rendue en raison du défaut de réalisation des conditions formelles de l’action. Ce droit d’action n’est limité que par les délais de prescription de droit matériel (art. 41 LPP; ATF 129 V 27 consid. 2.2). Le grief de la violation de l’art. 29 Cst. sous cet angle est dès lors mal fondé, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la question de savoir s’il a été formulé conformément aux exigences de motivation accrues de l’art. 106 al. 2 LTF.

Consid. 5.2
Ensuite, l’art. 89B al. 3 LPA dont l’assuré invoque la violation est une règle de procédure de droit cantonal. Le Tribunal fédéral n’en revoit l’application que sous l’angle limité de l’arbitraire. Cette disposition prévoit que « Si la lettre ou le mémoire n’est pas conforme à ces règles, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice impartit un délai convenable à son auteur pour le compléter en indiquant qu’en cas d’inobservation la demande ou le recours est écarté. » L’instance précédente l’a interprétée à la lumière des art. 61 let. b LPGA et 10 al. 5 OPGA – qui prévoient l’octroi d’un délai supplémentaire pour régulariser un acte de recours respectivement une opposition – ainsi que de la jurisprudence s’y rapportant. Selon le Tribunal fédéral, les conditions de l’octroi d’un délai supplémentaire en vertu des art. 61 let. b LPGA et 10 al. 5 OPGA ne sont en principe pas réalisées lorsque la partie est représentée par un avocat ou un mandataire professionnel, sauf si ce dernier ne disposait plus de suffisamment de temps à l’intérieur du délai légal non prolongeable de recours pour motiver ou compléter la motivation insuffisante d’une écriture initiale, typiquement parce qu’il a été mandaté tardivement (ATF 134 V 162 consid. 5.1; arrêts 8C_817/2017 du 31 août 2018 consid. 4; 9C_191/2016 du 18 mai 2016 consid. 4.2.1; cf. ég. ATF 142 V 152 consid. 2.3 et 4.5).

En l’occurrence, on ne saurait reprocher à la Cour de justice d’avoir fait preuve d’arbitraire en renonçant à impartir un délai à l’assuré pour compléter son écriture, respectivement de n’avoir pas assorti le délai pour s’exprimer sur la réponse de la Fondation LPP d’une mention selon laquelle il lui appartenait de compléter sa demande sous peine d’irrecevabilité, comme le fait valoir en vain l’assuré. Ce dernier ne se trouvait en effet pas dans la situation dans laquelle son mandataire aurait pu invoquer avoir été consulté peu avant l’échéance d’un délai de recours, respectivement avoir dû agir rapidement pour un autre motif. A cet égard, son argument selon lequel son mandataire aurait été pressé par le temps parce que le droit à des intérêts moratoires de la part de la Fondation LPP ne naîtrait qu’à partir de la date de l’introduction de sa demande en justice ne saurait en aucun cas être suivi. Admettre une telle argumentation reviendrait en effet à faire fi des exigences de recevabilité d’une action en justice et à reconnaître qu’il serait loisible de rechercher quiconque en justice en se limitant à quelques allégations de fait sans relation suffisante avec la prétendue créance. Une telle démarche empêcherait notamment la partie défenderesse de prendre utilement position quant au bien-fondé de la demande; relevant d’un abus de droit, elle ne saurait être protégée. Il suffit, pour le surplus, de rappeler à la suite de la juridiction cantonale que le droit d’action prévu par l’art. 73 al. 1 LPP n’est soumis à l’observation d’aucun délai.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_274/2021 consultable ici

 

 

Frontaliers et art. 47a LPP – Prise de position de l’OFAS

Frontaliers et art. 47a LPP – Prise de position de l’OFAS

 

Paru in Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 159 du 16.05.2022, ch. 1089 (disponible ici)

 

Les frontaliers qui perdent leur emploi en Suisse après avoir atteint l’âge de 58 ans peuvent-ils maintenir leur assurance auprès de leur institution de prévoyance en vertu de l’art. 47a LPP ?

La question de savoir si un frontalier ayant perdu son emploi en Suisse peut maintenir sa prévoyance auprès de son institution de prévoyance en vertu de l’art. 47a LPP a été adressée à l’OFAS à plusieurs reprises.

Le lieu de résidence et la nationalité de l’assuré ne sont pas des critères d’assujettissement à la prévoyance professionnelle selon la LPP. Cependant, les dispositions de la LPP ne s’appliquent qu’aux personnes également assurées auprès de l’assurance-vieillesse et survivants fédérale (AVS) (selon la disposition expresse de l’art. 5 al. 1 LPP). Par conséquent, comme l’art. 47a LPP n’est applicable qu’aux personnes encore assurées à l’AVS, seules celles qui le sont peuvent maintenir leur prévoyance.

Ainsi, les frontaliers n’étant en principe plus assurés à l’AVS suisse après la perte de leur emploi en Suisse, ils ne peuvent pas non plus maintenir leur prévoyance professionnelle suisse en vertu de l’art. 47a LPP. Ce principe s’applique également au maintien facultatif de la prévoyance en vertu de l’art. 47 LPP, qui existe depuis longtemps.

 

 

Paru in Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 159 du 16.05.2022, ch. 1089 (disponible ici)

 

 

Réforme LPP 21 : des rentes plus élevées pour les bas revenus

Réforme LPP 21 : des rentes plus élevées pour les bas revenus

 

Communiqué de presse du Parlement du 27.04.2022 consultable ici

 

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États souhaite aider les personnes à revenu modeste à améliorer leurs rentes dans la prévoyance professionnelle. En outre, elle propose que les 20 premières cohortes d’assurés concernés par la baisse du taux de conversion obtiennent une compensation plus généreuse que celle qui a été décidée par le Conseil national.

Au vote sur l’ensemble, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (CSSS-E) a approuvé le projet de réforme de la LPP (20.089) par 10 voix contre 0 et 3 abstentions (voir annexe). Aucun de ses membres n’a contesté l’abaissement du taux de conversion minimal de 6,8% à 6,0%, qui signifie que, pour un avoir de vieillesse de 100 000 francs, la rente annuelle passera de 6800 à 6000 francs. Pour compenser cette diminution, la commission propose notamment les mesures ci-après ; celles-ci s’écartent considérablement à la fois du compromis originel des partenaires sociaux repris par le Conseil fédéral que de la décision du Conseil national :

  • Compensation pour la génération transitoire : les 20 premières cohortes d’assurés qui prendront leur retraite après l’entrée en vigueur de la réforme auront droit, à vie, à un supplément de rente (art. 47b-47i ; par 7 voix contre 6). Les personnes dont le revenu ne dépasse pas 100 380 francs recevront l’intégralité du supplément, soit 2400 francs par an pour les cinq premières cohortes, 1800 francs par an pour les cinq suivantes, 1200 francs par an pour les cinq suivantes et 600 francs pour les cinq dernières. Ces montants diminueront progressivement pour les personnes dont le revenu se situe entre 100 380 et 143 400 francs, alors que celles qui ont un revenu supérieur ne recevront aucun supplément. La commission estime que, selon son modèle, 70% des assurés de la génération transitoire recevront l’intégralité du supplément et 18% auront un supplément réduit. Dans le modèle du Conseil fédéral, tous les assurés auraient reçu un supplément et, dans celui du Conseil national, entre 35% et 40% des quinze premières cohortes d’assurés. La majorité de la CSSS-E considère que le modèle du Conseil national n’est pas assez généreux pour permettre à la réforme de la LPP de réunir une majorité en votation populaire.
  • Seuil d’accès, déduction de coordination et bonification de vieillesse : à l’instar du Conseil national, la CSSS-E souhaite améliorer la situation des personnes employées à temps partiel ou cumulant plusieurs emplois ; toutefois, elle propose un autre modèle. Selon elle, il y a lieu d’abaisser le seuil d’accès à 17 208 francs (art. 2, al. 1 ; par 7 voix contre 4), de sorte que 140 000 personnes à revenu modeste supplémentaires seraient assurées auprès d’une caisse de pension (le Conseil national souhaite baisser davantage le seuil d’accès, ce qui permettrait à 320 000 personnes supplémentaires d’être assurées). Toutefois, selon la commission, les assurés à revenu modeste devront pouvoir épargner nettement plus de capital vieillesse, car 85% du salaire soumis à l’AVS doit être assuré (art. 8, al. 1 ; par 10 voix contre 2 et 1 abstention). Selon les explications fournies par l’administration, il ne sera pas nécessaire d’adapter les bonifications de vieillesse devant être prélevées à partir de l’âge de 25 ans. Aux yeux de la CSSS-E, qui a fait examiner plusieurs modèles, l’avantage de celui-ci réside dans un meilleur rapport coût-utilité. En outre, la commission a décidé de déposer une motion visant à ce que les revenus tirés d’activités accessoires ne soient plus exclus de l’assurance obligatoire. Contrairement au Conseil national, elle ne souhaite toutefois pas, pour des raisons pratiques, obliger les salariés au service de plusieurs employeurs, dont le salaire annuel total dépasse le seuil d’accès, à s’assurer auprès d’une institution de prévoyance (art. 46, al. 1 ; par 11 voix contre 1).

Dans le cadre de cette réforme de la LPP, la commission veut en outre veiller à ce que les petits avoirs de libre passage ne soient pas oubliés. Par conséquent, elle propose que les avoirs de vieillesse jusqu’à 2000 francs puissent être retirés en espèces si la personne concernée ne s’est pas affiliée à une nouvelle caisse de pension dans les trois mois qui suivent la fin du dernier rapport de prévoyance (art. 5, al. 1, de loi sur le libre passage ; par 10 voix contre 0 et 3 abstentions). Dans la foulée, la motion 20.4482 a été retirée. Le conseiller aux États Damian Müller a lui aussi retiré sa motion « Le produit des intérêts négatifs dans la prévoyance professionnelle doit revenir aux assurés » (20.3670) après que la commission a décidé après mûre réflexion – notamment sur la question de la constitutionnalité – de ne pas intégrer cet objectif à son projet. Enfin, la CSSS-E propose à son conseil, à l’unanimité, de rejeter la décision du Conseil national – qu’elle juge inutile – de permettre aussi aux assurés de moins de 58 ans dont le salaire diminue de demander le maintien de leur prévoyance au niveau du dernier gain assuré.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 27.04.2022 consultable ici

Objet du Conseil fédéral 20.089 « Réforme LPP » consultable ici

Message du Conseil fédéral du 25.11.2020 concernant la modification de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (Réforme LPP 21), paru in FF 2020 9501.

 

Colloque IDAT – Jeudi 2 juin 2022

Colloque IDAT – Jeudi 2 juin 2022

 

Madame, Monsieur,

Le prochain Colloque IDAT mettra le focus sur des questions clés en rapport avec la position de l’employeur, les protections offertes aux travailleurs et la fin des rapports de travail. S’ajoutent les nouveaux défis qui nous attendent pour 2022 : mise en pratique de régimes récemment créés (APG), entrée en vigueur de la révision AI et modifications connexes (LPGA, LCA).

Les organisateurs espèrent vous accueillir nombreux à cette journée d’étude.

 

Contrat de travail et protection sociale : développement récents
Jeudi 2 juin 2022 – Unil IDHEAP de 09h00 à 16h15

 

Intervenants :
Bettina Hummer, Rémy Wyler (organisateurs), Semsija Etemi, Johan Juge, Corinne Monnard Séchaud, Stéphanie Perrenoud, Aurélien Witzig.

 

Programme consultable ici :  https://www.unil.ch/idat/colloque2022

Inscription : https://www.unil.ch/idat/colloque2022/inscription

 

Programme IDAT 2022

 

Programme et inscription ici :  https://www.unil.ch/idat/colloque2022

 

Article sponsorisé

Assurances sociales : ce qui va changer en 2022

Assurances sociales : ce qui va changer en 2022

 

Article de Mélanie Sauvain paru in Sécurité sociale CHSS consultable ici

 

Le projet Développement continu de l’AI entre en vigueur le 1er janvier 2022, avec notamment l’introduction d’un système linéaire de rentes. C’est la principale modification dans le domaine des assurances sociales suisses. La présente contribution donne un aperçu de ce qui change en 2022, sur la base des informations disponibles mi-novembre 2021.

Changements au 1er janvier 2022

  • Assurance-invalidité (AI)

Le projet Développement continu de l’AI s’inscrit dans la lignée des réformes précédentes qui ont transformé l’AI en une assurance de réadaptation grâce à l’introduction et l’extension d’une multitude de mesures d’intégration et de réintégration professionnelle. Les nouvelles dispositions (RO 2021 706), adoptées en juin 2020 par le Parlement et en vigueur dès le 1er janvier 2022, se concentrent sur trois groupes-cibles : les enfants, les jeunes adultes et les personnes atteintes dans leur santé psychique. Elles visent en premier lieu à intensifier le suivi des personnes concernées, à étendre des mesures qui ont déjà fait leurs preuves et à renforcer la collaboration avec les médecins traitants et les employeurs.

La principale mesure qui concerne les enfants est l’actualisation de la liste des infirmités congénitales (IC ou OIC-DFI ; RO 2021 708), révisée pour la dernière fois en 1985. Le but était d’adapter la liste à l’état actuel des connaissances scientifiques. Certaines maladies, pouvant être aujourd’hui facilement traitées, ont été retirées de la liste et sont désormais prises en charge par l’assurance-maladie. D’autres affections sont simplement regroupées sous une nouvelle position, en l’occurrence un nouveau chiffre, et restent donc à la charge de l’AI. Enfin, plusieurs maladies ont été ajoutées à cette liste : c’est le cas de certaines maladies rares dorénavant considérées comme des infirmités congénitales. En parallèle, les critères pour définir une IC figurent désormais dans la loi (art. 13 LAI), ce qui apporte clarté et sécurité juridique pour les personnes assurées, ainsi que pour les organes d’exécution. En cas d’atteintes à la santé complexes, un accompagnement plus étroit sera proposé à l’enfant et à sa famille par l’AI. Les traitements médicaux seront mieux coordonnés afin de favoriser une réadaptation professionnelle ultérieure. Dans cette optique, l’AI renforce sa collaboration avec les médecins traitants.

Pour les adolescents et jeunes adultes atteints dans leur santé, notamment psychique, des mesures ciblées sont mises en place pour éviter autant que possible qu’ils ne touchent une rente d’invalidité dès leur entrée dans la vie adulte. Améliorer les transitions entre scolarité obligatoire et formation professionnelle, et entre formation professionnelle et marché du travail, est une priorité. En ce sens, il s’agit d’intervenir le plus vite possible auprès de ce public. Si un jeune présente par exemple une psychose, l’extension de la détection précoce augmente les chances d’une prise en charge rapide. Il pourra ainsi bénéficier d’un accompagnement continu par exemple ou/et d’une mesure de réinsertion visant à structurer sa journée. Pour lui permettre d’achever sa formation, les mesures médicales de réadaptation de l’AI pourront désormais lui être octroyées jusqu’à l’âge de 25 ans au besoin. Une autre mesure importante est le renforcement de la collaboration avec les médecins traitants, pour que ces derniers mettent rapidement leurs patients en contact avec l’AI et soutiennent les mesures de celle-ci.

Plusieurs nouvelles dispositions visent à améliorer la (ré)-insertion professionnelle des personnes atteintes dans leur santé psychique, ces troubles étant la cause la plus fréquente d’octroi d’une rente AI. Les prestations de conseil et de suivi sont davantage adaptées aux besoins des assurés avec une augmentation de leur continuité et de leur durée. La détection précoce sera étendue afin que l’AI puisse fournir un soutien dès que les premiers signes annonçant une incapacité de travail se manifestent. Les mesures de réinsertion seront octroyées de manière plus souple et pourront notamment être reconduites. Une nouvelle mesure d’ordre professionnel est mise en place après avoir fait ses preuves lors de projets-pilote : la location de services. Elle permet à une entreprise de faire connaissance avec un futur employé potentiel sans engagement. L’employeur n’a pas besoin de conclure un contrat de travail et est exempté de l’obligation d’assurance. La démarche permet à la personne assurée de mettre un pied dans le marché primaire du travail, de se faire connaître, d’élargir son expérience professionnelle et d’augmenter ses chances d’être engagée.

Le principal changement pour tous les assurés est le passage à un nouveau système de rentes linéaire. Il s’appliquera à tout nouveau bénéficiaire dès le 1er janvier 2022. Les rentes en cours seront calculées selon le nouveau système si, lors d’une révision, le taux d’invalidité a subi une modification d’au moins 5 points. Les rentes des bénéficiaires de moins de 30 ans seront transposées dans le système linéaire dans les dix ans à venir au maximum. Les droits acquis sont garantis pour les personnes de 55 ans et plus. Avec l’introduction du nouveau modèle, la quotité de la rente d’invalidité est fixée en pourcentage d’une rente entière, et non plus par paliers de quarts de rente. Comme jusqu’ici, l’assuré a droit à une rente à partir d’un taux d’invalidité de 40% ; à une rente entière à partir d’un taux d’invalidité de 70%. Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond désormais précisément au taux d’invalidité. Pour les taux d’invalidité compris entre 40 et 49%, la rente s’échelonne de 25 à 47,5% (voir graphique). Le nouvel échelonnement en pourcentage exact est utilisé dans l’assurance-invalidité et dans la prévoyance professionnelle obligatoire. En faisant disparaître les effets de seuil sur le revenu disponible, dus aux quatre paliers, le législateur a voulu encourager la reprise d’une activité lucrative ou l’augmentation du taux d’occupation des bénéficiaires de rente.

Systèmes de rente, avant et après le Développement continu de l’AI

 

La méthode pour fixer le taux d’invalidité de personnes travaillant à temps partiel a également été modifiée sur le fond. Désormais, on considère systématiquement que les personnes à temps partiel accomplissent également des travaux habituels (ménage) qui doivent être pris en compte dans le calcul.

Le Développement continu de l’AI introduit aussi plusieurs nouveautés concernant les expertises médicales, expertises souvent nécessaires lors de l’instruction pour déterminer si une personne a droit aux prestations de l’AI. La voie du consensus est privilégiée dans l’attribution du mandat d’expertise, la personne assurée devant être concertée si elle le souhaite. L’expérience a montré qu’une expertise décidée par consensus est mieux acceptée par la personne concernée. La transparence des expertises est aussi améliorée, puisque les entretiens entre experts et assurés font désormais l’objet d’un enregistrement sonore, joint au dossier. Les offices AI tiennent eux une liste publique contenant des informations sur les experts auxquels ils font appel. Désormais, les expertises bidisciplinaires sont attribuées de manière aléatoire comme c’était déjà le cas pour les expertises pluridisciplinaires.

Dans un souci d’évaluer et de garantir la qualité de ces expertises, une commission extraparlementaire indépendante entrera en fonction au 1er janvier 2022. Elle a pour tâche de surveiller l’accréditation des centres d’expertises, la procédure d’établissement des expertises médicales et les résultats de celles-ci. Sa composition n’était pas encore connue au moment de la rédaction de cet article. Elle comprendra des représentants des différentes assurances sociales, du corps médical, des experts, des milieux scientifiques, des institutions de formation de la médecine des assurances, ainsi que des organisations de patients et des organisations d’aide aux personnes handicapées.

Le projet Développement continu de l’AI a été conçu comme une révision visant à améliorer le système de l’AI, neutre en termes de coûts. Cela veut dire que les coûts supplémentaires et les économies réalisées devraient s’équilibrer. À plus long terme, le renforcement de la réadaptation doit permettre un allègement des finances de l’AI.

 

  • Contribution d’assistance de l’AI

Le montant du forfait de nuit de la contribution d’assistance est relevé, de 88 fr. 50 à 160 fr. 50 dès 2022. L’évaluation de cette prestation, entre 2012 et 2019, a mis en évidence l’insuffisance de ces montants pour rémunérer les assistants conformément aux dispositions figurant dans les contrats-types de travail pour les travailleurs de l’économie domestique (Guggisberg 2020).

 

  • Assurance-maladie

En 2022 et pour la première fois depuis 2008, la prime moyenne de l’assurance obligatoire des soins va diminuer. La prime mensuelle s’élèvera à 315.30 francs par mois, en baisse de 0,2% par rapport à 2021.

Cette diminution est à mettre sur le compte de la révision de l’ordonnance sur la surveillance de l’assurance-maladie, entrée en vigueur en juin 2021 (RO 2021 254). La réforme incite les assureurs, d’une part, à calculer les primes au plus juste et, d’autre part, à recourir aux réductions volontaires des réserves. L’Office fédéral de la santé publique a ainsi approuvé pour 2022 une baisse volontaire des réserves de certains assureurs à hauteur de 380 millions de francs (28 millions en 2021). Les réserves cumulées dépassent encore les 12,4 milliards, ce qui plaide pour d’autres réductions à l’avenir.

Pour le moment, il n’est pas encore possible de connaître l’impact de la pandémie de Covid-19 sur les coûts de la santé, et donc sur les futures primes-maladie. Le Conseil fédéral publiera un rapport sur le sujet à la fin de 2022.

Le 1er janvier 2022 entre en vigueur l’ordonnance sur l’assurance-maladie révisée (RO 2021 439) avec de nouvelles dispositions relatives aux critères d’admission et à la planification des hôpitaux, des maisons de naissance et des établissements médico-sociaux. Les cantons appliqueront désormais des critères uniformes en vue d’améliorer la coordination entre eux. Les hôpitaux qui figurent sur les listes cantonales ne sont eux plus autorisés à offrir des rémunérations ou des bonus liés au volume. L’objectif consiste à lutter contre la multiplication des prestations non justifiées du point de vue médical.

 

  • Prévoyance professionnelle : pas de retrait du capital en cas de créance d’entretien

Il sera plus difficile de retirer son capital de prévoyance professionnelle en cas de manquement à l’obligation d’entretien. Les offices actifs dans l’aide au recouvrement et les institutions de prévoyance devront se conformer à de nouvelles obligations d’annonce dès le 1er janvier 2022 (RO 2020 7) Concrètement, l’institution de prévoyance et de libre passage d’une personne qui manque à son obligation d’entretien, par exemple envers son enfant, sera informée de cette créance par l’office de recouvrement compétent. L’institution de prévoyance sera ensuite tenue de communiquer sans délai une éventuelle échéance d’un versement sous forme de capital. Ces annonces permettront d’engager à temps des démarches judiciaires en vue de garantir les créances d’entretien.

 

  • Adaptation des rentes invalidité et survivants de la PP

Certaines rentes de survivants et d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire seront adaptées pour la première fois à l’évolution des prix au 1er janvier 2022. Le taux d’adaptation sera de 0,3% pour les rentes ayant pris naissance en 2018 ; de 0,1% pour celles nées en 2012.

 

  • Taux d’intérêt minimal dans la PP

Le taux d’intérêt minimal dans la prévoyance professionnelle (PP) obligatoire reste fixé à 1% en 2022. Le taux d’intérêt minimal ne concerne que les avoirs relevant du domaine obligatoire du 2e pilier. Pour le reste, les instituts de prévoyance sont libres de fixer une autre rémunération. Le taux de 1% est en vigueur depuis 2017.

 

  • Numéro AVS : utilisation étendue

Les autorités seront autorisées dès le 1er janvier 2022 à utiliser systématiquement le numéro AVS comme identificateur de personnes pour accomplir leurs tâches légales. Cette modification de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS) (RO 2021 758) doit rendre plus efficaces les procédures administratives et permettre d’éviter des confusions lors du traitement de dossiers personnels. L’utilisation étendue du numéro AVS contribue à la mise en œuvre de la stratégie suisse de cyberadministration. L’accès aux banques de données utilisant le numéro AVS sera sécurisé de manière optimale (droits d’accès limités, transmission sécurisée, cryptage, protection antivirus, etc.).

 

Changements courant 2022

  • Assurance-maladie : prise en charge des psychothérapies

Les psychologues-psychothérapeutes pourront dès le 1er juillet 2022 fournir leurs prestations à la charge de l’assurance obligatoire des soins (AOS) (RO 2021 188) sur prescription médicale. Le but de la révision de l’ordonnance correspondante est de faciliter et d’accélérer la prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiques. Une prescription par un médecin de famille remplacera le modèle actuel de la délégation qui nécessite de consulter au préalable un médecin spécialiste en psychothérapie ou psychiatrie. Une prescription médicale donne droit à quinze séances au maximum. À partir de 30 séances, il faut consulter l’assureur afin de prolonger la thérapie. Dans le cadre d’une situation de crise ou d’une thérapie de courte durée chez les patients atteints de maladies graves, tous les médecins peuvent prescrire une fois dix séances au maximum. Cette disposition doit prévenir une augmentation injustifiée des prestations et encourager la coordination entre les médecins et les psychothérapeutes. Selon les estimations du Conseil fédéral, l’AOS remboursera à l’avenir un montant de 100 millions de francs pour des prestations payées auparavant par les patients eux-mêmes. Les répercussions de cette nouvelle réglementation au niveau des coûts et des soins feront l’objet d’une évaluation ces prochaines années.

 

  • APG : congé d’adoption

Le Parlement a donné son feu vert à l’introduction d’un congé d’adoption (13.478) de deux semaines, indemnisé par les allocations perte de gain (APG), en automne 2021. Le délai référendaire pour combattre ce projet court jusqu’au 20 janvier 2022 (FF 2021 2323). S’il n’y a pas d’opposition, la date d’entrée en vigueur sera alors fixée par le Conseil fédéral. Cela pourra être à la mi-2022 ou en 2023. Ce congé sera réservé aux parents adoptifs d’enfant de moins de 4 ans et qui exercent une activité lucrative. Les parents adoptifs pourront choisir lequel des deux bénéficiera du congé ou de le partager entre eux. Les deux semaines pourront être prises en bloc ou sous forme de 10 jours de congé isolés.

 

Principaux chantiers 2022

  • Prévoyance vieillesse : réformes et initiatives

Les projets de Stabilisation de l’AVS (AVS 21, 19.050) et réforme de la prévoyance professionnelle (Réforme LPP 2021, 20.089) se trouvent à des stades différents au Parlement. La première est bientôt sous toit (session d’hiver 2021 ou session de printemps 2022), alors que la seconde va être examinée par la première chambre.

Deux initiatives populaires en lien avec la prévoyance vieillesse ont par ailleurs abouti et vont être mises en votation ces prochaines années. La première demande le versement d’une 13e rente AVS (FF 2021 1505). La seconde, nommée initiative sur les rentes (FF 2021 1957), veut dans une première phase augmenter l’âge de la retraite à 66 ans pour tout le monde, et dans une deuxième phase lier cet âge à l’espérance de vie de la population à 65 ans. Ces deux initiatives ont déjà été rejetées par le Conseil fédéral.

 

  • Assurance-maladie : initiative et contre-projet

Le Conseil fédéral a transmis au Parlement un contre-projet indirect (FF 2021 2383) à l’initiative populaire « Maximum 10 % du revenu pour les primes d’assurance-maladie » qu’il propose de rejeter. L’initiative dite d’allègement des primes vise à ce que les assurés ne doivent pas consacrer plus de 10% de leur revenu disponible au paiement de leurs primes-maladie. La réduction des primes serait financée à raison de deux tiers au moins par la Confédération, le reste par les cantons. Comme contre-projet, le Conseil fédéral propose une modification de la loi fédérale sur l’assurance-maladie : les cantons seront tenus de réglementer la réduction des primes de telle sorte que le montant annuel accordé en ce sens corresponde au moins à un pourcentage déterminé des coûts de la santé. Pour ce faire, ils devront tenir compte du poids des primes sur le budget des assurés aux revenus les plus faibles du canton. Les cantons continueront à organiser comme ils l’entendent la réduction des primes.

 

 

Article de Mélanie Sauvain paru in Sécurité sociale CHSS consultable ici

Article «Sozialversicherungen: Was ändert sich 2022?» disponible ici