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8C_225/2023 (f) du 06.03.2024 – Postulation avec 3 jours de retard par inadvertance – 25 jours de suspension du droit à l’indemnité de chômage / 30 al. 1 LACI – 45 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_225/2023 (f) du 06.03.2024

 

Consultable ici

 

Suspension du droit à l’indemnité de chômage / 30 al. 1 LACI – 45 OACI

Postulation pour deux emplois avec 3 jours de retard par inadvertance – 25 jours de suspension

 

Assuré, né en 1985, inscrit au chômage dès le 01.07.2021 et au bénéfice d’un délai-cadre d’indemnisation jusqu’au 30.06.2023.

Par courriel du 16.11.2021, sa conseillère auprès de l’ORP l’a prié de poser sa candidature pour deux postes, soit un de logisticien et un de gestionnaire de stock, et lui a transmis les deux assignations correspondantes. Chacune d’elles mentionnait, en gras, un délai de postulation au 20.11.2021 au plus tard. Par courriel du 23.11.2021, l’intéressé a transmis à sa conseillère les preuves de postulation datées du 23.11.2021. Il a indiqué qu’il n’avait vu que ce jour le délai de postulation et s’est excusé de son oubli.

Par décision du 10.12.2021, confirmée sur opposition, l’Office des relations et des conditions de travail (ORCT) du Service cantonal de l’emploi a suspendu le droit de l’assuré à l’indemnité de chômage pour une durée de 34 jours, retenant une faute grave de celui-ci.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a constaté que l’assuré avait été assigné à postuler le 16.11.2021 pour deux emplois, dans un délai fixé au 20.11.2021, mais qu’il n’y avait donné suite que le 23.11.2021. Il s’agissait d’une violation de l’art. 30 al. 1 let. d LACI, qui constituait une faute et justifiait une suspension du droit aux indemnités journalières. Du point de vue des juges cantonaux, toutefois, le retard de postulation résultait d’une inadvertance ponctuelle de la part de l’assuré et ne traduisait pas un comportement désinvolte. Le retard n’était que de trois jours et l’assuré s’en était immédiatement, spontanément excusé auprès de sa conseillère à l’ORP. Il n’avait pas délibérément omis de postuler dans les délais au motif que les emplois assignés ne lui auraient pas convenus, et le dossier montrait que ses recherches d’emploi avaient été faites en suffisance, son comportement en lien avec ses obligations de chômeur étant pour le surplus irréprochable. L’erreur commise ne résultait pas d’un comportement négligent caractérisé, de la part d’un assuré qui ne prendrait pas au sérieux ses obligations. Dans ces circonstances, la faute de l’assuré devait être qualifié de moyenne et non de grave. Les juges cantonaux ont ainsi réduit de 34 à 16 jours la durée de la suspension dans l’exercice du droit aux indemnités journalières, considérant par ailleurs que le fait que le retard de l’assuré avait concerné deux emplois et non un seul ne justifiait pas de s’écarter du bas de la fourchette prévue par l’art. 45 al. 3 OACI pour une faute de gravité moyenne.

Par jugement du 06.03.2023, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision sur opposition en ce sens que le droit à l’indemnité de chômage était suspendu durant 16 jours

 

TF

Consid. 3.1
L’art. 30 al. 1 let. d LACI prévoit que le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci n’observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l’autorité compétente, notamment refuse un travail convenable. D’après la jurisprudence, l’art. 30 al. 1 let. d LACI trouve application non seulement lorsque l’assuré refuse expressément un travail convenable qui lui est assigné, mais également déjà lorsqu’il s’accommode du risque que l’emploi soit occupé par quelqu’un d’autre ou fait échouer la perspective de conclure un contrat de travail (ATF 122 V 34 consid. 3b; arrêts 8C_24/2021 du 10 juin 2021 consid. 3.1; 8C_865/2014 du 17 mars 2015 consid. 3 et les références). Selon les circonstances, la réaction tardive de l’assuré à l’injonction de l’ORP de prendre contact avec un employeur potentiel peut être assimilé à un refus d’emploi et, partant, considéré comme une faute grave au sens de l’art. 45 al. 4 let. b OACI (parmi d’autres: arrêts 8C_379/2009 du 13 octobre 2009 consid. 4; C 245/06 du 2 novembre 2007 consid. 3.4; C 30/06 du 8 janvier 2007; voir également 8C_285/2011 du 22 août 2011).

Consid. 3.2
Le but de la suspension du droit à l’indemnité, dans l’assurance-chômage, vise à faire participer l’assuré de façon équitable au dommage qu’il cause à cette assurance sociale, en raison d’une attitude contraire aux obligations qui lui incombent (ATF 124 V 199 consid. 6a). Pour autant, la suspension du droit à l’indemnité de chômage n’est pas subordonnée à la survenance d’un dommage effectif. Une telle condition ne ressort nullement du texte légal et ne se laisse pas non plus déduire d’une interprétation de celui-ci. En effet, l’art. 30 al. 1 let. d LACI sanctionne des comportements dont les conséquences préjudiciables pour l’assurance-chômage sont, pour certains, difficiles à quantifier (arrêt C 152/01 du 21 février 2002 consid. 4). Selon l’art. 30 al. 3 LACI, la durée de la suspension du droit à l’indemnité de chômage est proportionnelle à la gravité de la faute (cf. ATF 113 V 154 consid. 3). En vertu de l’art. 45 al. 3 OACI, elle est de 1 à 15 jours en cas de faute légère (let. a), de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (let. b) et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (let. c). Selon l’art. 45 al. 4 let. b OACI, il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l’assuré refuse un emploi réputé convenable. Par motif valable, il faut entendre un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il peut s’agir, dans le cas concret, d’un motif lié à la situation subjective de la personne concernée (d’éventuels problèmes de santé, la situation familiale ou l’appartenance religieuse) ou à des circonstances objectives (par exemple la durée déterminée du poste; ATF 141 V 365 consid. 4.1; 130 V 125 consid. 3.5). Si des circonstances particulières le justifient, il est donc possible, exceptionnellement, de fixer un nombre de jours de suspension inférieur à 31 jours.

Consid. 3.3
En tant qu’autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l’intention des organes d’exécution. Quand bien même de telles directives ne sauraient lier les tribunaux, elles constituent un instrument précieux pour ces organes d’exécution lors de la fixation de la sanction et contribuent à une application plus égalitaire dans les différents cantons (ATF 141 V 365 consid. 2.4; arrêt 8C_283/2021 du 25 août 2021 consid. 3.3). Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d’apprécier le comportement de l’assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier de celles qui ont trait au comportement de l’intéressé au regard de ses devoirs généraux d’assuré qui fait valoir son droit à des prestations. Elles pourront le cas échéant aller en dessous du minimum prévu par le barème indicatif (arrêt 8C_756/2020 du 3 août 2021 consid. 3.2.3 et les références). Le barème du SECO prévoit une suspension d’une durée de 31 à 45 jours en cas de premier refus d’un emploi convenable d’une durée indéterminée (Bulletin LACI IC, ch. D79/2.B/1).

 

Consid. 4.2
L’ORCT conteste l’appréciation de gravité de la faute de l’assuré par les juges cantonaux. Il soutient que le retard de l’assuré doit être assimilé à un refus d’emploi convenable, constitutif d’une faute grave au sens de l’art. 45 al. 4 let. b OACI, sans que des justes motifs permettent, en l’espèce, de s’écarter de la sanction prévue par l’art. 45 al. 3 let. c OACI pour une telle faute. L’ORCT se réfère sur ce point à un arrêt du Tribunal fédéral du 21 juillet 2021 dans la cause 8C_712/2020 et estime que les conditions posées dans cet arrêt pour admettre une réduction de la sanction ne sont pas remplies. La situation de l’assuré se rapprocherait ainsi plutôt de celle tranchée dans l’arrêt 8C_313/2021 du 3 août 2021, dans lequel le Tribunal fédéral n’avait pas admis de considérer comme moyenne, plutôt que grave, la faute commise par la personne assurée. En outre, les juges cantonaux auraient refusé à tort de considérer comme une circonstance aggravante le fait que le retard de l’assuré concernait deux emplois et non un seul.

Consid. 4.3.1
Les deux arrêts cités par l’ORCT n’ont pas la portée de principe que leur prête le recourant. Dans l’arrêt 8C_712/2020 du 21 juillet 2021, le Tribunal fédéral a confirmé l’appréciation des juges cantonaux relative à la gravité moyenne de la faute commise par la personne assurée, qui n’avait pas donné suite à une assignation, au regard des circonstances objectives et subjectives, en particulier des efforts de l’assuré en vue de retrouver un emploi même avant la fin de son contrat de travail en cours. Ce cas ne présente que peu de liens avec la situation présente de l’assuré, qui n’a pas omis de postuler, mais l’a fait avec un retard de trois jours. Tout au plus peut-on en déduire que même en cas d’absence de postulation pour un emploi assigné, et sur la base d’une appréciation de l’ensemble des circonstances objectives et subjectives, de justes motifs peuvent conduire à qualifier la faute de la personne assurée de moyenne plutôt que de grave. L’arrêt 8C_313/2021 du 3 août 2021 concerne également une personne assurée qui n’avait pas postulé pour l’emploi qui lui avait été assigné. Le Tribunal fédéral a considéré qu’elle ne pouvait pas se prévaloir du fait que le lien internet qui lui avait été communiqué par les autorités de chômage ne fonctionnait pas (elle l’avait en réalité mal recopié). On pouvait s’attendre d’elle, après avoir constaté le problème, qu’elle prenne rapidement contact avec son conseiller à l’ORP pour le régler, ce qu’elle n’avait pas fait. L’absence de postulation devait être assimilée à un refus d’emploi convenable, sans que des motifs justificatifs permettent de qualifier la faute de moyenne plutôt que de grave. Là encore, cette situation ne présente que peu de liens avec celle de l’assuré.

Consid. 4.3.2
En l’espèce,
l’assuré n’a pas postulé dans le délai fixé par l’ORP et, partant, n’a pas respecté une injonction de cet office, en violation de ses obligations. Cette faute tombe dans le champ d’application de l’art. 30 al. 1 let. d LACI, de sorte qu’une suspension dans l’exercice du droit aux indemnités journalières doit être prononcée. L’assuré a néanmoins postulé, mais avec trois jours de retard. Les juges cantonaux ont constaté que l’incident ne traduisait aucune volonté de l’assuré de mettre en échec ses postulations. L’ORCT ne démontre pas le caractère manifestement erroné de cette constatation. Il ne démontre pas d’avantage en quoi les juges cantonaux auraient excédé ou abusé de leur pouvoir d’appréciation en considérant que la faute commise était de gravité moyenne, après avoir pesé l’ensemble des circonstances objectives et subjectives. Le délai imparti par l’ORP pour postuler était en effet très bref, ce qui était certes justifié pour limiter le risque que l’emploi soit pourvu rapidement après la mise au concours du poste et pour favoriser au mieux les chances de succès d’une postulation de l’assuré. Pour autant, rien n’indique que les deux employeurs potentiels auraient eux-mêmes fixé un tel délai, ce que l’ORCT ne soutient pas. Par ailleurs, l’assuré a tout de même postulé en signalant spontanément à l’ORP qu’il n’avait pas prêté attention au délai qui avait été imparti et en lui demandant de bien vouloir l’en excuser. Il a confirmé par la suite, de manière crédible, son intérêt réel pour les emplois en question. Contrairement à ce que soutient l’ORCT, au vu de l’ensemble des circonstances, l’attitude de l’assuré n’était pas à ce point désinvolte que l’on devrait en conclure qu’il s’était délibérément accommodé du risque que l’emploi soit occupé par quelqu’un d’autre, de sorte que sa négligence devrait être assimilée à un refus d’emploi. Sur ce point, les constatations des juges cantonaux, qui ont également pris en considération l’attitude générale de l’assuré et ses efforts en vue de rechercher un emploi, sont exempts d’arbitraire.

Vu ce qui précède, les juges cantonaux n’ont pas violé le droit fédéral, et en particulier n’ont pas excédé leur pouvoir d’appréciation, ni n’en ont abusé, en qualifiant de moyenne la faute commise par l’assuré. Le recours est mal fondé sur ce point.

Consid. 5.1
La juridiction cantonale a réduit la durée de la sanction prononcée contre l’assuré à 16 jours, soit le minimum prévu par l’art. 45 al. 3 OACI pour une faute de gravité moyenne. Ils ont notamment refusé de tenir compte, pour fixer la quotité de la sanction, du fait que le retard de postulation concernait deux emplois assignés et non un seul. De manière ambiguë, ils ont admis qu’il n’était pas « en soi injustifiable » d’en tenir compte pour fixer la quotité de la sanction, mais se sont ensuite référés à l’art. 45 al. 5 OACI, d’après lequel une prolongation de la suspension pour tenir compte de manquements répétés n’entre en considération que si l’assuré a déjà été suspendu dans les deux dernières années, avant de souligner qu’en l’espèce, la faute commise résultait d’un seul et même comportement.

Consid. 5.2
Sur ce point, le raisonnement des juges cantonaux ne peut être suivi. En effet, le fait que la faute commise résulte d’un seul et même comportement justifie de ne prononcer qu’une seule mesure de suspension, et non deux. On ne se trouve ainsi pas dans le champ d’application de l’art. 45 al. 5 OACI, qui implique que plusieurs sanctions sont prononcées pour plusieurs violations distinctes de ses obligations par la personne assurée. En l’espèce, une seule sanction doit être prononcée, mais il est nécessaire de prendre en considération l’ensemble des circonstances pour fixer la quotité de la sanction. Ainsi, le retard de l’assuré portait sur l’injonction à postuler pour deux emplois distincts et l’on ne peut pas en faire abstraction. Sur ce point, les juges cantonaux ont fondé leur appréciation sur une mauvaise interprétation de l’art. 45 al. 5 OACI et, en fixant la durée de la suspension au minimum prévu par l’art. 45 al. 3 let. b OACI, ils n’ont pas tenu compte d’une circonstance objectivement pertinente. Eu égard à cette circonstance, il convient de réformer le jugement entrepris, de s’écarter du minimum prévu par l’art. 45 al. 3 let. b OACI et de fixer à 25 jours la durée de la suspension dans l’exercice du droit aux prestations.

 

Le TF admet partielle le recours de l’ORCT.

 

Arrêt 8C_225/2023 consultable ici

 

8C_622/2023 (f) du 27.05.2024 – Révision d’une décision entrée en force – Droit aux indemnités chômage / Mandataire professionnel ne faisant non pas une opposition mais demandant la révison/reconsidération d’une décision non entrée en force – Pas de formalisme excessif de l’autorité

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_622/2023 (f) du 27.05.2024

 

Consultable ici

 

Révision d’une décision entrée en force / 53 al. 1 LPGA

Existence d’un domicile en Suisse – Droit aux indemnités chômage

Mandataire professionnel ne faisant non pas une opposition mais demandant la révison/reconsidération d’une décision non entrée en force – Pas de formalisme excessif de l’autorité

 

L’assurée a notamment bénéficié d’un délai-cadre d’indemnisation de chômage du 01.07.2020 au 30.11.2022. A la suite d’une dénonciation, l’Office cantonal genevois de l’emploi (ci-après: OCE) a demandé une enquête sur le domicile de la prénommée au bureau des enquêtes de l’Office cantonal genevois de la population et des migrations (ci-après: OCPM). Il ressort d’un rapport d’aide administrative interdépartementale établi le 01.06.2022 que l’assurée ne résidait pas à la rue B.__ à Genève, mais à U.__ en France.

Par décision du 03.06.2022, adressée par pli recommandé, l’OCE a nié à l’assurée son droit à l’indemnité de chômage depuis le 01.07.2020, au motif qu’elle n’avait pas de domicile dans le canton de Genève, à tout le moins depuis cette date. Cette décision n’ayant pas été retirée dans le délai de garde postal, l’OCE l’a renvoyée à l’assurée le 20.06.2022, par courrier simple, en précisant que le « délai de recours » avait commencé à courir à l’échéance du délai de garde.

Le 20.07.2022, l’assurée, assistée d’un avocat, a informé l’OCE n’avoir eu connaissance de la décision du 03.06.2022 que par le biais du pli simple du 20.06.2022. Elle a expliqué ne plus habiter à la rue B.__ depuis le 05.06.2022 et ne pas avoir été en mesure de prendre connaissance de la décision dans le délai de garde postal. Niant être domiciliée en France, elle a réclamé l’annulation de la décision par reconsidération ou révision. Par décision du 22.08.2022, l’OCE a refusé d’entrer en matière sur la demande de l’assurée. Cette décision n’a pas fait l’objet d’une contestation.

Le 27.09.2022, l’assurée a formulé une nouvelle demande de reconsidération, s’appuyant sur une décision de l’OCE du 22.09.2022 reconnaissant son domicile à Genève du 03.04.2017 au 02.04.2019, ainsi que sur des attestations de tiers concernant son domicile après le 05.06.2022. Cette demande a été rejetée le 01.12.2022.

Parallèlement, l’OCPM a d’abord conclu à l’absence de domicile en Suisse de l’assurée depuis le 06.02.2020, avant d’annuler cette décision le 02.03.2023, reconnaissant finalement son domicile en Suisse sur la base des éléments fournis dans le cadre de la procédure avec l’OCE.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/632/2023 – consultable ici)

Par jugement du 23.08.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2
Il convient de définir l’objet du litige, plusieurs décisions ayant été rendues par l’OCE concernant la situation de l’assurée. L’arrêt attaqué porte sur la contestation par l’assurée de la décision du 01.12.2022 rejetant la demande de reconsidération et révision formée le 27.09.2022. Cette demande visait à obtenir la révision, respectivement la reconsidération de la décision de l’OCE du 03.06.2022 niant le droit de l’assurée à l’indemnité de chômage depuis le 01.07.2020, au motif qu’elle n’était pas domiciliée dans le canton de Genève. Le présent litige porte dès lors sur la réalisation des conditions d’une révision de cette dernière décision au moment du dépôt de la demande du 27.09.2022. Le recours est dès lors irrecevable en tant qu’il conclut au constat d’un domicile à Genève dès le 01.07.2020 et à la reconnaissance du droit à l’indemnité de chômage à partir de cette date.

Consid. 4.1
Selon l’art. 53 al. 1 LPGA, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l’assuré ou l’assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant. Aussi, par analogie avec la révision des décisions rendues par les autorités judiciaires, l’administration est tenue de procéder à la révision (dite procédurale) d’une décision formellement passée en force lorsque sont découverts des faits nouveaux importants ou de nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant et qui sont susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 148 V 277 consid. 4.3 et la référence).

Sont « nouveaux », au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA, les faits qui se sont produits jusqu’au moment où, dans la procédure principale, des allégations de faits étaient encore recevables, mais qui n’étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence. En outre, les faits nouveaux doivent être importants, c’est-à-dire qu’ils doivent être de nature à modifier l’état de fait qui est à la base de la décision dont la révision est demandée et conduire à une solution différente en fonction d’une appréciation juridique correcte. Les preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit les faits nouveaux importants, qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n’avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Ce qui est décisif, c’est que le moyen de preuve ne serve pas à l’appréciation des faits seulement, mais à l’établissement de ces derniers (arrêt 8C_778/2021 du 1 er juillet 2022 consid. 3.2 et 3.3 et les arrêts cités).

 

Consid. 4.2
La cour cantonale a considéré que la décision sur opposition rendue par l’OCE le 22.09.2022 et la décision rendue par l’OPCM le 02.03.2023 ne constituaient pas des nouveaux moyens de preuve au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA. Ces décisions se fondaient sur des témoignages qui auraient pu être présentés en temps utile par l’assurée dans le cadre d’un recours contre la décision de l’OCE du 03.06.2022. Celui-ci avait considéré à tort que cette décision avait été valablement notifiée à l’échéance du délai de garde de son pli recommandé, car la fiction de la notification ne s’appliquait pas lorsque comme en l’espèce, la destinataire ne faisait l’objet d’aucune procédure. La décision du 03.06.2022 avait donc été notifiée par pli simple du 20.06.2022. L’assurée ne pouvait toutefois pas se prévaloir du principe de la bonne foi, car son conseil aurait pu se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement contenu dans ce courrier. Dès lors, l’assurée aurait dû former une opposition à la décision du 03.06.2022, et non une demande de révision ou reconsidération. Dans la mesure où cette demande avait été formée dans le délai d’opposition, l’assurée aurait encore pu contester dans le délai de 30 jours la décision de l’OCE du 22.08.2022, quand bien même cette décision ne mentionnait pas la possibilité de la contester.

Consid. 4.3 [résumé]
L’assurée soutient que la décision sur opposition de l’OCE du 22.09.2022 constitue un nouveau moyen de preuve avec des faits nouveaux, car elle est postérieure aux décisions précédentes et démontre son domicile à Genève depuis 2016, sauf pour une courte période en 2022. Elle invoque également la décision de l’OCPM du 02.03.2023 qui annule une précédente décision niant son domicile en Suisse, en se basant sur la décision de l’OCE du 22.09.2022 et les documents fournis. L’assurée argue que ces éléments remettent en question le rapport d’enquête administrative de l’OCPM du 01.06.2022 sur lequel l’OCE s’était appuyé.

Consid. 4.4
Il convient de déterminer si les faits dont l’assurée se prévaut, soit l’existence d’un domicile genevois, peuvent constituer des faits nouveaux ouvrant la voie à une révision de la décision du 03.06.2022. L’assurée ne conteste pas que les décisions des 22.09.2022 et 02.03.2023 reposent sur des témoignages qui auraient pu être présentés lors de la procédure contre la décision du 03.06.2022. Les preuves qu’elle tente d’introduire sont des attestations de témoins de juillet et août 2022, relatives à son domicile, utilisées dans la procédure ayant conduit à la décision du 22.09.2022. Les juges cantonaux ont correctement conclu que l’assurée aurait pu présenter ces preuves lors de la procédure d’opposition ou de recours contre la décision du 03.06.2022. Par conséquent, les conditions pour une révision selon l’art. 53 al. 1 LPGA ne sont pas remplies, et le grief de violation de cette disposition doit être rejeté.

Consid. 5 [résumé]
L’assurée allègue une violation de l’interdiction de l’arbitraire et du principe de la bonne foi, arguant que l’arrêt est arbitraire dans sa motivation et son résultat, la décision de l’OCE du 03.06.2022 étant selon elle erronée. Cet argument se confond avec celui précédemment examiné (cf. consid. 4 supra) concernant les conditions de révision, et n’a donc pas plus de portée. Il en va de même du grief tiré d’une prétendue nullité de la décision du 03.06.2022, l’assurée n’exposant pas sur quelle base légales fonde une quelconque cause de nullité.

L’assurée soutient également que la cour cantonale aurait dû analyser les pièces produites sous l’angle de la reconsidération, arguant que le refus de l’OCE de reconsidérer sa décision constituerait un abus de droit et une violation de l’interdiction de l’arbitraire. Le fondement de l’argumentation de l’assurée est nébuleux. Comme l’assurée le reconnaît elle-même, aucune voie de recours n’existe contre un refus de reconsidération (cf. ATF 133 V 50 consid. 4). Les juges cantonaux n’étaient donc pas tenus d’examiner ce refus, et ce grief est rejeté.

 

Consid. 8.1
A titre subsidiaire, l’assurée soutient que les juges cantonaux auraient dû admettre que son courrier du 20.07.2022 adressé à l’OCE était une opposition et qu’à défaut, ils auraient violé l’art. 52 al. 1 et 2 LPGA. On déduit de son argumentation qu’en réalité, l’assurée se plaint que l’OCE n’ait pas interprété le courrier litigieux, qui requérait la reconsidération et la révision de la décision précitée, comme une opposition. Elle se plaint en conséquence d’un formalisme excessif de la part de l’OCE.

Consid. 8.2
Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 149 IV 9 consid. 7.2; 145 I 201 consid. 4.2.1; 142 IV 299 consid. 1.3.2).

Les formes procédurales sont nécessaires à la mise en œuvre des voies de droit pour assurer le déroulement de la procédure conformément au principe de l’égalité de traitement, ainsi que pour garantir l’application du droit matériel; toutes les exigences formelles ne se trouvent donc pas en contradiction avec la prohibition du formalisme excessif découlant de l’art. 29 al. 1 Cst. (ATF 142 V 152 consid. 4.2; arrêts 4A_254/2023 du 12 juin 2023 consid. 5.4; 5A_18/2018 du 16 mars 2018 consid. 3.3.1). En outre, selon la jurisprudence, l’avocat est non seulement représentant mais encore collaborateur de la justice, de sorte que le juge est en droit d’admettre qu’il agit en pleine connaissance de cause: l’avocat est présumé capable, en raison de sa formation particulière, de représenter utilement la partie; il se justifie dès lors de se montrer plus rigoureux en présence de ses procédés qu’en présence d’un plaideur ignorant du droit (ATF 113 Ia 84 consid. 3d; arrêt 2C_511/2012 du 15 janvier 2013 consid. 7.2).

Consid. 8.3
Il convient de rappeler que l’assurée n’a pas retiré durant le délai de garde postal la décision rendue le 03.06.2022. L’OCE l’a lui a renvoyée par pli simple du 20.06.2022, en indiquant que le délai d’opposition avait commencé à courir à l’échéance du délai de garde postal. Dans son acte du 20.07.2022, rédigé par son conseil, l’assurée a requis l’annulation de la décision de l’OCE du 03.06.2022 par reconsidération ou révision, et n’a pas formulé d’opposition. Il n’est pas contesté que la décision précitée n’était alors pas entrée en force, le délai d’opposition n’ayant débuté qu’après réception du second envoi.

Consid. 8.4
L’assurée expose s’être fondée sur les indications erronées fournies par l’OCE dans son envoi du 20.06.2022, ce dont on ne devrait pas lui tenir rigueur dans la mesure où son conseil aurait été constitué en urgence, soit le 18.07.2022 et donc deux jours à peine avant l’échéance pour agir contre la décision du 03.06.2022. Elle évoque pour le reste que son acte du 20.07.2022 pouvait être considéré comme une opposition, répondant aux conditions de forme et de fond nécessaires.

Consid. 8.5
Il est manifeste en l’espèce que le conseil de l’assurée pouvait, et devait, se rendre compte que la décision du 03.06.2022 n’avait pas été notifiée à l’échéance du délai de garde postal. La jurisprudence y relative (cf. ATF 146 IV 30 consid. 1.1.2 in fine; 139 IV 228 consid. 1.1) est en effet constante et doit être connue de tout conseil professionnel. En outre, le délai d’opposition n’étant pas échu au moment de sa constitution, le conseil devait procéder par cette voie et non requérir la révision ou la reconsidération de la décision litigieuse. Pour le reste, les conclusions de l’acte du 20.07.2022 sont claires et se limitent à requérir la reconsidération ou la révision de la décision du 03.06.2022. L’OCE – et la cour cantonale – n’a donc commis aucun arbitraire en s’en tenant à ce que l’assurée demandait. L’assurée omet au surplus de prendre en compte que sa requête de reconsidération et de révision du 20.07.2022 a fait l’objet d’une décision rendue le 22.08.2022 par l’OCE, contre laquelle elle n’a pas recouru. Si elle entendait faire valoir que sa requête constituait une opposition, c’est dans le cadre d’un tel recours qu’elle aurait dû agir en ce sens. Son grief s’avère mal fondé.

 

Consid. 9
Au vu de ce qui précède, le recours, manifestement mal fondé, doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. L’assurée, qui succombe, a demandé à bénéficier de l’assistance judiciaire gratuite. Une partie ne remplit les conditions de l’assistance judiciaire que si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l’échec (art. 64 al. 1 LTF; ATF 140 V 521 consid. 9.1). Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci apparaissait d’emblée dénué de chances de succès et la requête d’assistance judiciaire doit dès lors être rejetée. L’assurée doit par conséquent payer les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF) et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocat.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 8C_622/2023 consultable ici

 

Le Conseil fédéral prolonge la durée maximale d’indemnisation en cas de réduction de l’horaire de travail

Le Conseil fédéral prolonge la durée maximale d’indemnisation en cas de réduction de l’horaire de travail

 

Communiqué de presse du DEFR du 19.06.2024 consultable ici

 

Le 19.06.2024, le Conseil fédéral a décidé de faire passer de douze à dix-huit mois la durée maximale d’indemnisation en cas de réduction de l’horaire de travail. La modification d’ordonnance entrera en vigueur le 01.08.2024 et s’appliquera jusqu’au 31.07.2025.

 

En raison de la hausse notable des prix de l’énergie au début de la guerre en Ukraine, les branches ayant une consommation intensive d’énergie ont tout particulièrement dû recourir à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT). Ces prix ont certes de nouveau diminué dans l’intervalle, mais la conjoncture reste difficile dans diverses branches. La prolongation de la durée maximale d’indemnisation donne aux entreprises qui ont déjà atteint la durée maximale ordinaire d’indemnisation ou sont sur le point de l’atteindre plus de temps pour s’adapter au contexte difficile et pour trouver de nouveaux débouchés ou lancer de nouveaux produits, le cas échéant. Cette possibilité améliore la sécurité de leur planification. C’est pourquoi le Conseil fédéral a décidé de prolonger la durée maximale d’indemnisation en cas de réduction de l’horaire de travail, dans le but de contrer une hausse du chômage.

Cette prolongation, qui entre en vigueur le 01.08.2024, donne aux entreprises la possibilité de faire valoir désormais un droit à l’indemnité en cas de RHT pendant jusqu’à dix-huit mois pour leurs salariés, dans la mesure où les autres conditions du droit sont remplies. La durée de validité de cette prolongation est limitée au 31.07.2025.

 

Communiqué de presse du DEFR du 19.06.2024 consultable ici

Modification de l’OACI consultable ici

 

8C_691/2023 (f) du 18.04.2024 – Calcul gain assuré pour un courtier en immobilier – Commissions et provisions / 23 al. 1 LACI – 37 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_691/2023 (f) du 18.04.2024

 

Consultable ici

 

Calcul gain assuré pour un courtier en immobilier – Commissions et provisions / 23 al. 1 LACI – 37 OACI

 

Assuré, né en 1970, a travaillé comme courtier en immobilier pour B.__ SA à compter du 01.05.2020. Le contrat d’engagement prévoyait une rémunération mensuelle fixe de 3’000 fr., versée douze fois l’an, ainsi qu’un taux de commissionnement calculé à raison de 25% de la commission nette d’agence pour les objets de revente, respectivement de 20% pour les ventes portant sur des programmes de promotions développés par l’employeur ou d’éventuels promoteurs. Le 26.05.2021, l’assuré a été licencié avec effet au 31.07.2021. Il s’est inscrit à l’Office régional de placement (ORP) comme demandeur d’emploi à 100% dès le 01.08.2021 et a sollicité l’octroi d’indemnités de chômage auprès de la caisse de chômage à partir de cette date. Le 03.11.2021, il a informé la caisse que durant sa période d’activité pour B.__ SA, il avait réalisé trois ventes, en septembre et novembre 2020 ainsi qu’en mars 2021.

Par décision du 29.03.2022, la caisse a fixé le montant de l’indemnité journalière à 396 fr. 55 dès le 02.08.2021, compte tenu d’un gain assuré de 10’756 fr. 20, arrondi à 10’756 fr., calculé sur la base des douze derniers mois d’engagement. Statuant le 30.11.2022, elle a rejeté l’opposition formée par l’assuré contre cette décision et a réformé celle-ci, en ce sens que le gain assuré s’élevait à 10’526 fr. 95.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 4/23-100/2023 – consultable ici)

Conformément à l’art. 37 al. 1 et 2 OACI, il convenait de déterminer si le salaire des six derniers mois (soit du 01.02.2021 au 31.07.2021) ou des douze derniers mois (soit du 01.08.2020 au 31.07.2021) devait être pris en considération pour fixer le gain assuré. Selon ses déclarations, l’assuré avait réalisé trois ventes pour B.__ SA durant sa période de travail. L’employeur avait précisé les montants perçus par l’assuré à titre de commission à partir du 01.08.2020, à savoir 36’153 fr. 70 et 13’425 fr. pour des contrats conclus respectivement les 22.09.2020 et 15.10.2020, et 50’000 fr. pour un acte conclu le 29.01.2021, soit un montant total de 99’578 fr. 70. Cette somme n’avait pas à être répartie au prorata sur les mois de mai à juillet 2020 – comme l’avait fait la caisse de chômage – mais devait uniquement être prise en compte à titre de revenu dans le cadre de la période de référence pertinente, laquelle avait débuté au plus tôt le 01.08.2020. La prime Covid de 500 fr. versée à l’assuré en décembre 2020, assimilable à une prime spéciale, ne pouvait en revanche pas être prise en considération.

Procédant au nouveau calcul du gain assuré, la juridiction cantonale a retenu qu’en tenant compte d’une période de référence de six mois, l’assuré n’avait touché aucune commission ni prime, de sorte que seul le salaire mensuel de 3’000 fr. devait être pris en compte. Ce montant correspondait ainsi au gain assuré. En se basant sur une période de référence de douze mois, il convenait d’ajouter au salaire fixe mensuel de 3’000 fr. le montant des commissions perçues par l’assuré pour ses trois ventes des, ce qui représentait un gain annuel de 135’578 fr. 70 (36’000 fr. + 99’578 fr. 70), soit un gain assuré arrondi de 11’298 fr. 25. Il ressortait ainsi du calcul comparatif que le gain assuré le plus élevé était celui relatif aux douze derniers mois de salaire.

Par jugement du 13.09.2023, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision en ce sens que le gain assuré a été fixé à 11’298 fr. 25.

 

TF

Consid. 3
L’arrêt attaqué expose de manière complète les dispositions légales et la jurisprudence relatives à la notion de gain assuré et à son calcul (art. 23 al. 1 LACI et 37 OACI), en particulier s’agissant de la prise en compte de commissions et de provisions au regard du principe de la survenance (ATF 122 V 367 consid. 5b; cf. aussi arrêt 8C_246/2021 du 2 juillet 2021 consid. 4.2 et les arrêts cités). Il suffit d’y renvoyer.

Consid. 5.1
L’assuré reproche aux juges cantonaux d’avoir omis de prendre en compte, dans le calcul du salaire des douze derniers mois d’activité, un montant de 11’809 fr. 30, qui correspondrait à des commissions moyennes pour les mois de juin et juillet 2021 versées dans le cadre de son licenciement. Ce montant brut s’obtiendrait à partir d’un montant net de 10’987 fr. 35, qui figurerait sur un décompte de salaire du 25 août 2021 produit en instance cantonale, et conduirait à un revenu annuel de 147’388 fr., qui donnerait un gain assuré de 12’282 fr. 30.

Consid. 5.2
Le décompte de salaire du 25.08.2021 fait état de « commissions ventes (commissions moyennes juin et juillet 2021)  » équivalentes à un salaire net de 15’566 fr. 70 et à un salaire payé (après soustraction d’un « salaire négatif juillet 2021 ») de 10’987 fr. 35. Ce décompte ne mentionne pas à quelle (s) vente (s) ces commissions se rapportent et l’assuré ne le précise pas. Or, celui-ci ne conteste pas avoir réalisé en tout et pour tout trois ventes pour le compte de son ancien employeur, pour un montant total de commissions de 99’578 fr. 70. Ce montant a été intégralement pris en compte par la cour cantonale pour fixer le gain annuel déterminant, ce que l’assuré ne dément pas non plus. En l’absence d’une vente supplémentaire réalisée par celui-ci durant les douze derniers mois de son engagement, on ne voit pas à quelle commission supplémentaire il pourrait prétendre. Au vu des faits constatés par l’instance cantonale et à défaut d’éclaircissements de la part de l’assuré, tout porte à croire que les « commissions moyennes juin et juillet 2021 » correspondent à une partie des commissions touchées par l’assuré pour les trois ventes réalisées entre septembre 2020 et janvier 2021. Les premiers juges n’ont donc pas établi les faits de manière arbitraire et leur arrêt échappe à la critique, de sorte que le recours doit être rejeté.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_691/2023 consultable ici

 

8C_753/2023 (f) du 19.03.2024 – Droit à l’indemnité de chômage – Aptitude au placement – Inaptitude au placement en cas d’exercice d’une activité indépendante – 8 al. 1 LACI – 15 al. 1 LACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_753/2023 (f) du 19.03.2024

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité de chômage – Aptitude au placement – Inaptitude au placement en cas d’exercice d’une activité indépendante / 8 al. 1 LACI – 15 al. 1 LACI

Droit de réplique – Droit d’être entendu / 29 al. 2 Cst. – 6 par. 1 CEDH

 

Assuré, né en 1982, a travaillé comme chauffeur de taxi de 2013 à 2017. Depuis 2019, il était employé en qualité de chauffeur auprès de B.__. Après avoir été licencié pour le 31.05.2022, il s’est annoncé à l’assurance-chômage, en demandant des indemnités à partir du 01.06.2022.

L’assuré a présenté une incapacité de travail de 100% pour cause de maladie du 24.06.2022 au 15.07.2022 ainsi que du 20.07.2022 au 12.08.2022. Les 25.07.2022 et 19.08.2022, l’assuré a complété les formulaires « Indications de la personne assurée », respectivement pour les mois de juillet et août 2022, répondant par la négative à la question de savoir s’il avait exercé une activité indépendante. Le 31.08.2022, il a quitté le chômage pour débuter une activité de chauffeur de taxi à titre indépendant le 01.08.2022.

Après avoir été informée par courriels du 27.01.2023 de la caisse de compensation AVS que l’assuré était inscrit auprès de cette caisse en tant qu’indépendant depuis le 01.07.2022 et avait annoncé un revenu de 14’200 fr. pour la période entre le 01.07.2022 et le 31.12.2022, la Direction générale de l’emploi et du marché du travail (DGEM) a écrit à l’assuré le 09.02.2023 pour l’informer qu’elle était amenée à examiner son aptitude au placement.

Par décision du 23.03.2023, la DGEM a déclaré l’assuré inapte au placement à compter du 01.06.2022, après avoir constaté qu’il n’avait pas répondu au questionnaire d’aptitude au placement du 09.02.2023, ni au rappel du 01.03.2023. L’assuré s’est opposé à cette décision. A l’appui de celle-ci, il a produit diverses pièces, dont un courrier de la CNA dans lequel celle-ci a considéré que l’assuré exerçait une activité lucrative indépendante depuis le 17.06.2022, une lettre du 14.07.2022 de la caisse de compensation AVS lui confirmant son inscription comme indépendant dès le 01.07.2022, une copie de sa police d’assurance véhicules automobiles actualisée au 10.08.2022 et une autorisation d’entreprise de transport de personnes à titre professionnel délivrée le 09.08.2022 par la Police cantonale du commerce.

Par décision sur opposition du 14.06.2023, la DGEM a confirmé l’inaptitude au placement de l’assuré.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 73/23 – 116/2023 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont retenu qu’au moment de son inscription au chômage, l’assuré avait déjà la ferme intention d’entreprendre une activité indépendante de chauffeur de taxi et qu’il n’entendait pas renoncer à celle-ci pour le cas où une activité salariée se présenterait à lui. Au demeurant, il avait entrepris diverses démarches administratives dans ce sens qui s’étaient étendues sur toute la durée de son inscription au chômage du 01.06.2022 au 31.08.2022.

Par jugement du 26.10.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.1
En tant que l’assuré soutient que dès le moment où il a été informé de son licenciement, il a voulu à tout prix éviter le chômage ou en sortir le plus rapidement possible en entreprenant une activité indépendante, il ne démontre pas qu’il était disposé à renoncer à celle-ci pour exercer une activité salariée. Quant à l’arrêt 8C_702/2021 du 4 février 2022, auquel se réfère l’assuré, il ne lui est d’aucun secours. En effet, le Tribunal fédéral y avait rejeté le recours d’un assuré déclaré inapte au placement pendant la période précédant le début d’une activité indépendante, au motif que dite activité n’avait pas été entreprise dans le but de diminuer le dommage à l’assurance ; le Tribunal fédéral avait constaté que l’assuré n’était pas prêt à abandonner son activité indépendante pour une activité salariée. Par conséquent, en s’inscrivant à l’assurance-chômage, il n’avait cherché qu’une (courte) solution transitoire jusqu’au début définitif de son activité indépendante (cf. consid. 3.1 in fine de l’arrêt précité).

Enfin, en argumentant que les documents délivrés par la caisse de compensation AVS et la Police cantonale du commerce n’indiqueraient pas les dates auxquelles il avait déjà commencé une activité indépendante mais établiraient seulement que des autorisations d’exercer une activité indépendante lui avaient été délivrées au cours des mois de juillet et d’août 2022 et qu’au demeurant, ces autorisations ne l’avaient pas empêché de satisfaire à ses obligations de demandeur d’emploi, l’assuré ne démontre pas que les juges cantonaux auraient procédé à une constatation manifestement inexacte des faits pertinents, ni à une appréciation arbitraire des preuves. En effet, il ne fait qu’opposer sa propre appréciation des faits à celle de la cour cantonale. Par ailleurs, l’assuré passe sous silence d’autres éléments de preuve ainsi que d’autres faits sur lesquels s’est appuyée la cour cantonale pour conclure à son inaptitude au placement, à savoir notamment que la CNA avait constaté le 01.07.2022 qu’il exerçait une activité indépendante depuis le 17.06.2022 déjà et qu’il avait annoncé à la caisse de compensation AVS un revenu d’indépendant dès le 01.07.2022. L’assuré ne discute pas non plus l’argumentation des juges cantonaux selon laquelle, d’une part, il n’avait effectué que quatre recherches d’emploi – et aucune par l’envoi d’un dossier de candidature – entre le moment où il avait été informé de son licenciement et le début de sa période de chômage le 01.06.2022 et, d’autre part, qu’il avait essentiellement fait des offres spontanées pour des postes dans lesquels il n’avait aucune expérience professionnelle, rendant illusoires ses chances d’être engagé par un employeur, d’autant plus que sa disponibilité pour une activité salariée était d’emblée limitée dans le temps.

 

Consid. 5.2.1
Dans un autre grief de nature formelle, l’assuré reproche à la cour cantonale d’avoir violé son droit de réplique, au motif que la juridiction cantonale ne lui aurait pas octroyé un délai pour prendre position sur les déterminations de la DGEM du 16.08.2023.

Consid. 5.2.2
Conformément aux art. 29 al. 2 Cst. et 6 par. 1 CEDH, les parties ont le droit d’être entendues. Compris comme l’un des aspects de la notion générale de procès équitable, le droit d’être entendu comprend en particulier le droit, pour une partie à un procès, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu’elle soit ou non concrètement susceptible d’influer sur le jugement à rendre. Il appartient en effet aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1; 142 III 48 consid. 4.1.1; 139 I 189 consid. 3.2; 138 I 484 consid. 2.1; 137 I 195 consid. 2.3.1). Le droit de répliquer n’impose pas à l’autorité judiciaire l’obligation de fixer un délai à la partie pour déposer d’éventuelles observations. Elle doit seulement lui laisser un laps de temps suffisant, entre la remise des documents et le prononcé de sa décision, pour que la partie ait la possibilité de déposer des observations si elle l’estime nécessaire (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1; 142 III 48 consid. 4.1.1; 138 I 484 consid. 2.4).

Consid. 5.2.3
En l’espèce, il est constant que la juridiction cantonale a transmis à l’assuré, par lettre du 28.08.2023, la réponse de la DGEM du 16.08.2023 pour information. Celle-ci se limitait à constater que le recours ne contenait pas de nouveaux éléments et à conclure au maintien de la décision sur opposition du 14.06.2023. Si l’assuré jugeait nécessaire de se déterminer, il devait demander à le faire, respectivement le faire sans délai. L’arrêt attaqué a été rendu le 26.10.2023, soit deux mois après la communication à l’assuré de la réponse de la DGEM à son recours. L’assuré a ainsi eu tout loisir de déposer des observations spontanées sur ladite écriture, ce qu’il n’a pourtant pas fait. Par ailleurs, s’il n’était certes pas formellement représenté par un avocat, force est de constater que l’assuré a aisément été en mesure d’invoquer une violation de son droit de réplique inconditionnel et de défendre ses intérêts, tant en procédure cantonale que fédérale. Partant, le grief de violation de son droit d’être entendu n’est pas fondé et doit être rejeté.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_753/2023 consultable ici

 

8C_529/2023 (f) du 17.04.2024 – Indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) lors de la pandémie de Covid-19 – Fermeture de l’établissement pour cause de réfections et de rénovations – 31 ss LACI – 51 al. 1 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_529/2023 (f) du 17.04.2024

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) lors de la pandémie de Covid-19 / 31 ss LACI – 51 al. 1 OACI

Fermeture de l’établissement pour cause de réfections et de rénovations – Risques normaux d’exploitation

 

A.__ SA (ci-après: la société) a pour but l’achat, la vente, la gestion et l’administration d’immeubles, l’exploitation d’hôtels et de restaurants, ainsi que toutes activités commerciales annexes. Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, elle a été mise au bénéfice d’indemnités en cas de RHT pour la période du 04.11.2020 au 03.02.2021 (décision du 30.11.2020) et du 04.02.2021 au 03.05.2021 (décision du 01.02.2021).

Le 21.04.2021, la société a déposé une demande de modification de l’autorisation de RHT pour l’ensemble de l’entreprise auprès du Service de l’emploi (ci-après: SDE; depuis le 01.07.2022: Direction générale de l’emploi et du marché du travail [DGEM]).

Par décision du 30.04.2021 annulant et remplaçant celle du 01.02.2021, la société a été mise au bénéfice d’indemnités en cas de RHT pour la période du 04.02.2021 au 03.08.2021.

Par décision du 10.05.2022 annulant et remplaçant sa décision rectificative du 30.04.2021, le SDE a mis la société au bénéfice d’indemnités en cas de RHT pour la période du 04.02.2021 au 27.03.2021 ainsi que du 24.07.2021 au 03.08.2021, mais a rejeté la demande pour la période du 28.03.2021 au 23.07.2021. En réponse aux questions soulevées par le SDE en lien avec une demande d’indemnités subséquente, la société avait en effet indiqué avoir effectué des travaux de transformation au premier semestre 2021. Elle avait par ailleurs répondu à la négative à la question de savoir si son restaurant et son établissement hôtelier avaient pu être exploités durant ces travaux.

Le 08.06.2022, la société a demandé l’annulation de la décision rectificative du 10.05.2022. Par décision du 30.08.2022, la DGEM a rejeté cette opposition et confirmé sa décision.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 143/22 – 70/2023 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont constaté que la société avait régulièrement bénéficié, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, de l’indemnité en cas de RHT. Le SDE avait toutefois rectifié sa décision du 30.04.2021 et rejeté la demande d’indemnité pour la période du 28.03.2021 au 23.07.2021 au motif que la fermeture de l’établissement de la société recourante avait eu lieu pour cause de réfections et de rénovations, ce qui faisait partie des risques normaux d’exploitation que l’employeur devait supporter, même en période de pandémie. La cour cantonale a jugé que le SDE était fondé à procéder à une telle révision procédurale. En effet, c’était en avril 2022 que la société avait fait état pour la première fois de travaux au sein de son établissement. Or, si l’autorité en avait eu connaissance avant de rendre sa décision du 30.04.2021, elle aurait statué différemment.

Les juges cantonaux ont ensuite écarté l’argumentation de la société recourante selon laquelle la décision de fermer son établissement faisait suite aux restrictions sanitaires uniquement et n’était aucunement due aux travaux. Ils avaient déjà précisé que le raisonnement selon lequel il serait logique de profiter d’une fermeture liée à des restrictions sanitaires conduirait à avantager les personnes qui, bénéficiant d’indemnités en cas de RHT, procédaient en même temps à des travaux et reviendrait à créer une inégalité de traitement avec les exploitants qui, face à un besoin de rénovation similaire, devaient fermer un établissement en temps normal (soit en l’absence de pandémie) ou après la période durant laquelle les autorités avaient décidé d’une fermeture. La situation de la société recourante ne différait pas de cette situation en tant qu’elle avait concrètement aussi « profité » de la fermeture ordonnée en raison des restrictions sanitaires pour effectuer ses travaux.

Pour le surplus, l’affirmation selon laquelle les travaux en cause auraient pu être réalisés en cours d’exploitation n’a pas convaincu les juges cantonaux. Ils ont relevé qu’à la lecture du descriptif des travaux, ceux-ci ont inclus la création d’un espace de production complémentaire pour la brigade de cuisine ainsi que des travaux de maintenance dans l’ensemble de l’établissement (chambres, terrasse et café/bistrot). La société avait par ailleurs précisé être passée d’un seul à deux restaurants. L’instance cantonale voyait mal en pareille situation comment les travaux en cause auraient pu être réalisés en cours d’exploitation. Elle a encore relevé que la société recourante aurait eu tout loisir de produire des documents relatifs à ces travaux et à leur nature si elle entendait établir la faible ampleur alléguée, ce qu’elle n’avait pas fait. Les juges cantonaux ont ainsi retenu que l’autorité intimée était fondée à retenir que la fermeture de l’établissement de la société recourante du 28.03.2021 au 23.07.2021 était due à sa décision de procéder à des travaux de rénovation, et que les pertes de travail y relatives faisaient partie des risques habituels d’exploitation que l’employeur devait supporter, même en période de pandémie. L’autorité intimée était légitimée à nier le droit aux indemnités en cas de RHT à la société recourante pour cette période.

Par jugement du 19.06.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.2
L’art. 32 al. 1 let. a et b LACI précise que la perte de travail est prise en considération lorsqu’elle est due à des facteurs d’ordre économique et est inévitable et qu’elle est d’au moins 10 % de l’ensemble des heures normalement effectuées par les travailleurs de l’entreprise. Pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques ou à d’autres circonstances non imputables à l’employeur (art. 32 al. 3, première phrase, LACI). Le Conseil fédéral a ainsi notamment prévu à l’art. 51 al. 1 OACI que les pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, ou qui sont dues à d’autres motifs indépendants de la volonté de l’employeur, sont prises en considération lorsque l’employeur ne peut pas les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou faire répondre un tiers du dommage.

Consid. 4.3
Aux termes de l’art. 33 al. 1 let. a LACI, une perte de travail n’est pas prise en considération lorsqu’elle est due à des mesures touchant l’organisation de l’entreprise, tels que travaux de nettoyage, de réparation ou d’entretien, ou à d’autres interruptions habituelles et réitérées de l’exploitation, ou encore à des circonstances inhérentes aux risques normaux d’exploitation que l’employeur doit assumer. Doivent être considérés comme des risques normaux d’exploitation au sens de cette disposition les pertes de travail habituelles, c’est-à-dire celles qui, d’après l’expérience de la vie, surviennent périodiquement et qui, par conséquent, peuvent faire l’objet de calculs prévisionnels. Les pertes de travail susceptibles de toucher chaque employeur sont des circonstances inhérentes aux risques d’exploitation généralement assumés par une entreprise. Ce n’est que lorsqu’elles présentent un caractère exceptionnel ou extraordinaire qu’elles ouvrent le droit à une indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail. La question du risque d’exploitation ne saurait par ailleurs être tranchée de manière identique pour tous les genres d’entreprises, ce risque devant au contraire être apprécié dans chaque cas particulier, compte tenu de toutes les circonstances liées à l’activité spécifique de l’exploitation en cause (ATF 138 V 333 consid. 4.2.2; 119 V 498 consid. 1; arrêt C 283/01 du 8 octobre 2003 consid. 3). L’exception de l’art. 33 al. 1 let. a LACI ne vaut pas seulement pour les pertes de travail dues à des facteurs d’ordre économique selon l’art. 32 al. 1 LACI, mais s’applique également aux cas de rigueur au sens des art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI (ATF 138 V 333 consid. 4.2.1; 128 V 305 consid. 4b; 121 V 371 consid. 2c et les références; arrêt 8C_399/2022 du 21 août 2023 consid. 4.3).

 

Consid. 7.2
Le Tribunal fédéral a confirmé à plusieurs reprises que lorsqu’un motif de non-prise en considération de la perte de travail, au sens de l’art. 33 al. 1 LACI, est donné, il importe peu que l’état de fait dans lequel s’inscrit la perte de travail relève en soi des situations visées par les art. 32 al. 1 ou al. 3 LACI. Dans l’arrêt 8C_399/2022, il a jugé dans une constellation semblable que le fait que, parallèlement aux travaux de rénovation, une mesure des autorités au sens de l’art. 32 al. 3 LACI était, en tant que telle, susceptible de justifier la perte de travail n’est pas décisif, tout comme le point de savoir quand les travaux ont été décidés. En tout état de cause, on ne saurait se prévaloir du caractère exceptionnel de la pandémie de coronavirus pour remettre en cause ladite jurisprudence, étant rappelé, d’une part, que l’institution de l’indemnité en cas de RHT vise précisément à faire face à certaines situations présentant un caractère exceptionnel ou extraordinaire et, d’autre part, qu’en raison de l’ampleur de la pandémie, le Conseil fédéral a pu édicter des dispositions dérogeant à la LACI (art. 17 de loi fédérale du 25 septembre 2020 sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de Covid-19 [loi Covid-19; RS 818.102]). La société recourante ne prétend pas à cet égard que le Conseil fédéral aurait suspendu l’application de l’art. 33 al. 1 let. a LACI.

Quant aux critiques sommaires relatives à l’égalité de traitement, elles ne peuvent pas non plus être suivies. En effet, en procédant à la rénovation de son établissement pendant la période litigieuse, la société recourante ne pouvait certes pas toucher les indemnités requises, mais elle a pu profiter d’une fermeture générale de tous les établissements du secteur concerné. Si elle avait attendu la fin de la mesure – ce qui lui était loisible -, elle aurait dû fermer son restaurant au profit des autres établissements et n’aurait pas non plus touché les indemnités en cas de RHT pendant les travaux de rénovation. Elle n’est donc pas pénalisée. Comme l’ont relevé à juste titre les juges cantonaux, l’octroi des indemnités à la société recourante entraînerait au contraire une inégalité de traitement vis-à-vis d’une entreprise qui aurait planifié des travaux de rénovation ultérieurement et n’aurait pas la possibilité de les anticiper pendant la pandémie, respectivement pendant les mesures prises par les autorités. Enfin, l’argument selon lequel un grand nombre d’établissements aurait procédé de la même manière n’est d’aucune utilité à la société recourante dès lors qu’il n’existe en principe pas d’égalité dans l’illégalité (cf. p. ex. arrêt 1C_231/2018 du 13 novembre 2018 consid. 4.1).

Le TF rejette le recours de la société A.__ SA.

 

Arrêt 8C_529/2023 consultable ici

 

8C_532/2023 (f) du 17.04.2024 – Droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) pour les personnes en quarantaine – 31 ss LACI – 51 al. 1 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_532/2023 (f) du 17.04.2024

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) pour les personnes en quarantaine / 31 ss LACI – 51 al. 1 OACI

Perte de travail due à la fermeture de l’établissement liée à des mesures d’isolement et de quarantaine – Couverture par l’assurance-chômage revêt un caractère subsidiaire

 

A.__ SA (ci-après: la société) a pour but l’achat, la vente, la gestion et l’administration d’immeubles, l’exploitation d’hôtels et de restaurants, ainsi que toutes activités commerciales annexes. Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, elle a été mise au bénéfice d’indemnités en cas de RHT, la dernière fois jusqu’au 03.08.2021.

Le 6 janvier 2022, la société a formulé une nouvelle demande d’indemnités en cas de RHT pour 35 employés sur un total de 39 collaborateurs pour la période du 01.01.2022 au 31.03.2022, en annonçant une perte de travail prévisible de 100%. La société a notamment fait savoir que les horaires de travail de ses employés étaient réduits en raison de la fermeture de tout l’établissement du 10.01.2022 au 25.01.2022, à la suite d’un grand nombre de cas positifs au Covid-19 dans son organisation. Elle n’avait annoncé aucun collaborateur à l’assurance indemnité journalière maladie, car un délai de carence de 30 jours s’appliquait, et n’avait pas non plus contacté le médecin cantonal.

Par décision du 10.05.2022, confirmée sur opposition, le Service de l’emploi a rejeté la demande de la société du 06.01.2022, considérant que les conditions d’octroi d’une autorisation de RHT n’étaient pas remplies à la date du dépôt du préavis.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 142/22 – 69/2023 – consultable ici)

Par jugement du 19.06.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
Selon l’art. 31 al. 1 LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail lorsque: ils sont tenus de cotiser à l’assurance ou qu’ils n’ont pas encore atteint l’âge minimum de l’assujettissement aux cotisations AVS (let. a); la perte de travail doit être prise en considération (art. 32 LACI; let. b); le congé n’a pas été donné (let. c); la réduction de l’horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question (let. d).

Consid. 4.2
L’art. 32 al. 1 let. a et b LACI précise que la perte de travail est prise en considération lorsqu’elle est due à des facteurs d’ordre économique et est inévitable et qu’elle est d’au moins 10% de l’ensemble des heures normalement effectuées par les travailleurs de l’entreprise. Pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques ou à d’autres circonstances non imputables à l’employeur (art. 32 al. 3, première phrase, LACI). Le Conseil fédéral a ainsi notamment prévu à l’art. 51 al. 1 OACI que les pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, ou qui sont dues à d’autres motifs indépendants de la volonté de l’employeur, sont prises en considération lorsque l’employeur ne peut pas les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou faire répondre un tiers du dommage.

Consid. 4.3
Aux termes de l’art. 33 al. 1 let. a LACI, une perte de travail n’est pas prise en considération lorsqu’elle est due à des mesures touchant l’organisation de l’entreprise, tels que travaux de nettoyage, de réparation ou d’entretien, ou à d’autres interruptions habituelles et réitérées de l’exploitation, ou encore à des circonstances inhérentes aux risques normaux d’exploitation que l’employeur doit assumer. Doivent être considérés comme des risques normaux d’exploitation au sens de cette disposition les pertes de travail habituelles, c’est-à-dire celles qui, d’après l’expérience de la vie, surviennent périodiquement et qui, par conséquent, peuvent faire l’objet de calculs prévisionnels. Les pertes de travail susceptibles de toucher chaque employeur sont des circonstances inhérentes aux risques d’exploitation généralement assumés par une entreprise. Ce n’est que lorsqu’elles présentent un caractère exceptionnel ou extraordinaire qu’elles ouvrent le droit à une indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail. La question du risque d’exploitation ne saurait par ailleurs être tranchée de manière identique pour tous les genres d’entreprises, ce risque devant au contraire être apprécié dans chaque cas particulier, compte tenu de toutes les circonstances liées à l’activité spécifique de l’exploitation en cause (ATF 138 V 333 consid. 4.2.2; 119 V 498 consid. 1; arrêt C 283/01 du 8 octobre 2003 consid. 3). L’exception de l’art. 33 al. 1 let. a LACI ne vaut pas seulement pour les pertes de travail dues à des facteurs d’ordre économique selon l’art. 32 al. 1 LACI, mais s’applique également aux cas de rigueur au sens des art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI (ATF 138 V 333 consid. 4.2.1; 128 V 305 consid. 4b; 121 V 371 consid. 2c et les références; arrêt 8C_399/2022 du 21 août 2023 consid. 4.3).

Consid. 4.4
Dans le contexte des mesures prises par le Conseil fédéral en lien avec la pandémie de Covid-19, le SECO a rédigé des directives destinées à préciser les conditions d’octroi des prestations de l’assurance-chômage.

Dans l’annexe à sa directive n° 16 du 01.10.2021, le SECO a détaillé sous ch. 5 la situation d’une personne assurée mise en quarantaine sans qu’il y ait faute de sa part, alors que l’entreprise n’est pas déjà au bénéfice d’une autorisation de RHT. Dans ce cas, la personne assurée peut prétendre à l’allocation pour perte de gain Covid-19 (avec la précision « subsidiaire »). Quant aux conséquences pour l’entreprise, on peut lire « pas d’obligation de verser le salaire resp. demande d’APG Covid-19 par l’employeur ». Le ch. 5 vise également le cas d’une personne assurée mise en quarantaine sans faute de sa part, alors que l’entreprise est en RHT. Dans ce cas, on peut lire s’agissant des conséquences pour la personne assurée et pour l’entreprise « Droit à l’indemnité en cas de RHT ».

Bien que les directives administratives ne lient en principe pas le juge, celui-ci est néanmoins tenu de les considérer dans son jugement, pour autant qu’elles permettent une interprétation des normes juridiques qui soit adaptée au cas d’espèce et équitable. Ainsi, si les directives administratives constituent une concrétisation convaincante des dispositions légales, le tribunal ne s’en départit pas sans motif pertinent. Dans cette mesure, il tient compte du but de l’administration tendant à garantir une application égale du droit (ATF 148 V 102 consid. 4.2; 146 V 224 consid. 4.4. et l’arrêt cité).

Consid. 5.1
Dans le cas d’espèce, les juges cantonaux ont constaté que l’autorité intimée avait fondé sa décision sur le ch. 5 de l’annexe à la directive 2021/16 du SECO du 01.10.2021. Ainsi, dans la mesure où la société n’était pas au bénéfice d’une autorisation de RHT au moment de la fermeture du 10.01.2022 au 25.01.2022, elle ne pouvait pas être mise au bénéfice des indemnités en cas de RHT. Ils ont précisé que l’annexe en question ne concernait que la situation d’une mise en quarantaine non fautive et non, contrairement à ce que semblait considérer la société, tous les cas de figure dans lesquels un droit à l’indemnité en cas de RHT pouvait être reconnu. Il ne fallait ainsi pas dans tous les cas que l’entreprise bénéficie au préalable d’une autorisation de RHT. La cour cantonale a ensuite noté qu’en cas de mise en quarantaine non fautive alors que l’entreprise n’était pas au bénéfice d’une autorisation de RHT, la personne assurée pouvait prétendre aux allocations pour perte de gain Covid-19 (mais pas aux indemnités en cas de RHT).

Consid. 5.2
En substance, la société remettait en question l’application de la directive du SECO. Les juges cantonaux ne distinguaient pourtant prima facie pas de motif conduisant à se départir de cette directive administrative sur laquelle se fondait l’autorité intimée. Même s’il fallait s’en écarter, cela ne suffisait pas à admettre le recours. En effet, c’était la société qui avait pris la décision de fermer son établissement du 10.01.2022 au 25.01.2022, sans faire état de la situation aux autorités sanitaires. Du reste, elle avait pu fonctionner du 30.12.2021 au 09.01.2022 alors qu’elle se disait déjà en sous-effectif depuis le 30.12.2021, avec 5 collaborateurs en isolement. D’autres cas avaient été déclarés durant la première semaine de janvier 2022 (à savoir 4 sur 38 collaborateurs), semaine durant laquelle elle avait également maintenu son établissement ouvert. Durant les deux semaines de fermeture, 5 autres collaborateurs avaient été infectés par le virus. Selon les calculs de la société, 14 collaborateurs sur 38 avaient contracté le virus en moins de trois semaines. Les employés en question n’avaient cependant pas été malades simultanément. S’il faisait peu de doute qu’avec environ un tiers de son équipe malade sur trois semaines, la société avait traversé une période délicate, la cour cantonale a noté que la fermeture de l’établissement n’avait pas été ordonnée par l’autorité sanitaire du canton de Vaud – puisque la société n’avait pas informé le médecin cantonal d’un cluster au sein de son établissement -, mais bien par la société elle-même, alors qu’elle avait été en mesure de fonctionner du 29.12.2021 au 09.01.2022 avec un nombre égal de collaborateurs à celui qui aurait été disponible du 10.01.2022 au 25.01.2022.

Consid. 5.3
En l’absence de mesures prises par les autorités en raison de la pandémie, la cour cantonale a jugé que l’autorité intimée était fondée à retenir que la société ne pouvait pas prétendre à l’octroi d’indemnités en cas de RHT pour la période du 10.01.2022 au 25.01.2022. Ce n’était enfin pas à l’assurance-chômage de pallier le fait que la société avait un délai de carence de 30 jours pour son assurance indemnité journalière maladie.

 

Consid. 6.2.1
En faisant valoir qu’une autorisation de RHT préalable constituerait une condition qui ne ressortirait pas de la loi, la société recourante remet en question le bien-fondé de la directive administrative du SECO. La cour cantonale n’a pas examiné ce point en détail, jugeant qu’en toutes hypothèses, le recours ne saurait être admis. Si elle doit être suivie dans sa conclusion, on relève encore que l’annexe de la directive en question s’intitule « Aperçu des liens entre l’indemnité journalière de maladie/l’allocation pour perte de gain COVID-19/l’indemnité de chômage/l’indemnité en cas de RHT » et vise à clarifier les rapports entre différentes assurances sociales. En ce qui a trait à l’assurance-chômage, il ne paraît pas étranger au système que les indemnités en cas de RHT requièrent l’existence d’une autorisation correspondante. Comme le dit elle-même la société recourante, les simples décisions de mise en quarantaine ou d’isolement ne constituent pas un motif suffisant pour toucher de telles indemnités. La directive du SECO illustre ainsi que lorsqu’une entreprise déjà au bénéfice d’une autorisation de RHT est confrontée à des cas de quarantaine non fautive, elle continue de profiter du plan de l’assurance-chômage.

Consid. 6.2.2
Abstraction faite de la directive du SECO, la question se pose de savoir si la perte de travail due à la fermeture de l’établissement de la société recourante, liée à des mesures d’isolement et de quarantaine, peut entrer dans le champ d’application de l’art. 32 al. 3 LACI en relation avec l’art. 51 OACI. Tel est le cas si cette perte de travail est consécutive à une mesure prise par des autorités ou si elle est due à d’autres motifs indépendants de la volonté de l’employeur.

Le premier terme de l’alternative tombe à faux. En effet, c’est la société recourante qui a décidé de façon unilatérale de fermer son établissement. Elle n’a par ailleurs pas jugé utile d’informer le médecin cantonal de l’existence d’un cluster au sein de son organisation, le préavis de RHT soumis au SDE ne pouvant pallier l’absence d’annonce à l’autorité compétente pour décider de la fermeture de son établissement contrairement à ce que la société semble avancer. Ainsi, aucune autorité sanitaire n’a ordonné la fermeture de son établissement et la société recourante ne peut qualifier sa propre décision, respectivement la perte de travail qu’elle a créée, d’inévitable ou d’imprévisible.

Pour le second terme de l’alternative, à savoir l’existence d’autres motifs indépendants de la volonté de l’employeur, les pertes de travail sont prises en considération uniquement lorsque l’employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables, ou faire répondre un tiers du dommage (art. 51 al. 1 in fine OACI). La société recourante semble précisément oublier que la couverture par l’assurance-chômage revêt un caractère subsidiaire (cf. ég. art. 51 al. 4 OACI). Or, s’agissant des mesures de quarantaine et d’isolement, elle aurait en principe pu requérir des allocations perte de gain Covid-19. Pour les personnes en incapacité de travailler en raison d’une infection au Covid-19, elle aurait dû solliciter l’assurance ordinaire perte de gain. Du point de vue de l’assurance-chômage, le fait que la société ait opté pour un délai de carence de 30 jours dans le cadre de son assurance indemnité journalière maladie n’y change rien.

 

Le TF rejette le recours de la société A.__ SA.

 

Arrêt 8C_532/2023 consultable ici

 

8C_547/2023 (f) du 12.04.2024 – Refus de participer à une mesure de marché du travail – Suspension de l’indemnité de chômage / 30 al. 1 LACI – 45 al. 3 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_547/2023 (f) du 12.04.2024

 

Consultable ici

 

Refus de participer à une mesure de marché du travail – Suspension de l’indemnité de chômage / 30 al. 1 LACI – 45 al. 3 OACI

 

Assuré, né en 1963, titulaire d’une formation de gestionnaire commercial, s’est inscrit en tant que demandeur d’emploi à plein temps auprès de l’ORP le 18.11.2019, en sollicitant l’octroi des prestations de l’assurance-chômage dès cette date.

Par décision du 07.04.2021, l’ORP a suspendu le droit de l’assuré à l’indemnité de chômage pendant 21 jours à compter du 09.01.2021, au motif qu’il avait refusé de participer à une mesure de marché du travail qui lui était proposée sous la forme d’une participation à un programme d’emploi temporaire. Par décision du 01.09.2022, le Service de l’industrie, du commerce et du travail (SICT) a rejeté l’opposition de l’assuré et confirmé la suspension de 21 jours, dans la mesure où les déclarations de l’intéressé étaient contradictoires, se basaient sur des motifs non valables ou non prouvés et où l’emploi proposé était de nature administrative et correspondait à son profil.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a constaté que l’assuré avait adopté un comportement ayant fait obstacle à la mesure de marché du travail proposée. Ses allégations en instance de recours, selon lesquelles il avait pris des vacances pour réaliser un gain intermédiaire en qualité de curateur indépendant, ne suffisaient pas à le dispenser de suivre une telle mesure, d’autant qu’elles étaient contradictoires par rapport aux motifs, non valables, invoqués en procédure administrative. Au demeurant, si cette activité l’empêchait effectivement de participer à la mesure, la question de son aptitude au placement se poserait. En tout état de cause, il n’existait pas de motif valable justifiant le refus de l’assuré de ne pas donner suite à la mesure. En particulier, rien n’indiquait que l’activité de curateur indépendant le sortirait durablement du chômage. L’emploi temporaire proposé était convenable, adapté à sa situation personnelle et à son état de santé, et ne se situait pas à une distance trop éloignée de son domicile. Enfin, l’assuré avait commis une faute pour laquelle la sanction d’une suspension de 21 jours apparaissait comme adaptée et proportionnée au manquement.

Par jugement du 02.08.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
L’assuré qui fait valoir des prestations d’assurance doit, avec l’assistance de l’office du travail compétent, entreprendre tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l’abréger; il lui incombe, en particulier, de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu’il exerçait précédemment (art. 17 al. 1 LACI). Il est tenu d’accepter tout travail convenable qui lui est proposé et de participer aux mesures relatives au marché du travail lorsque l’autorité l’y enjoint (art. 17 al. 3 let. a LACI).

Consid. 4.2
L’art. 30 al. 1 LACI sanctionne les manquements aux obligations qui incombent à l’assuré par le biais d’une suspension du droit à l’indemnité de chômage. L’assuré doit être suspendu dans son droit aux prestations lorsqu’il est établi que celui-ci n’observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l’autorité compétente, notamment refuse un travail convenable, ne se présente pas à une mesure de marché du travail ou l’interrompt sans motif valable, ou encore compromet ou empêche, par son comportement, le déroulement de la mesure ou la réalisation de son but (art. 30 al. 1 let. d LACI).

L’interprétation de la notion juridique indéterminée « sans motif valable » (art. 30 al. 1 let. d LACI) est une question de droit relevant, en principe, du plein pouvoir d’examen du Tribunal fédéral (arrêt 8C_149/2023 du 14 août 2023 consid. 3.2. et les références).

Consid. 4.3
En vertu de l’art. 45 al. 3 OACI, la suspension dure de 1 à 15 jours en cas de faute légère (let. a), de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (let. b) et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (let. c). Le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) a adopté un barème indicatif – qui ne saurait toutefois lier les tribunaux (ATF 141 V 365 consid. 2.4) -, lequel prévoit une suspension de 21 à 25 jours en cas de non-présentation à un programme d’emploi temporaire, en tant qu’elle constitue une faute moyenne (Bulletin LACI IC, ch. D79/3.C./1).

La quotité de la suspension du droit à l’indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du Tribunal fédéral uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci (ATF 143 V 369 consid. 5.4.1; 141 V 365 consid. 1.2; 137 V 71 consid. 5.1).

 

Consid. 6.1
Se référant à l’art. 30 al. 1 let. d LACI, l’assuré invoque qu’il disposait d’un motif valable pour renoncer à la mesure et devrait dès lors être protégé dans sa bonne foi.

A cet égard, l’assuré se prévaut de faits qui n’ont pas été constatés par la juridiction cantonale (la fin de son chômage au 18.06.2021, la rémunération tardive de ses mandats de curatelle, le fait qu’il aurait dû remettre ses mandats de curateur en cas d’acceptation de l’emploi temporaire) et qui sont, pour partie tout au moins, étrangers aux circonstances ayant conduit à la sanction. Ce procédé, de nature appellatoire, n’est pas admissible devant le Tribunal fédéral. Par ailleurs, le bien-fondé de la sanction ne dépend pas en l’espèce du point de savoir si l’assuré était de bonne foi ou non, mais de l’existence de motifs valables pour refuser la mesure. Son grief doit donc être écarté.

Consid. 6.2
L’assuré, qui se plaint ensuite d’arbitraire et de violation du principe de proportionnalité dans l’application des art. 17 al. 1 et 30 al. 1 let. d LACI, reproche aux juges cantonaux d’avoir confirmé la sanction alors qu’il aurait satisfait à son obligation de réduire le dommage en prenant des mandats de curatelle.

L’argumentation est mal fondée. En effet, les juges cantonaux ont considéré à juste titre que les mandats de curatelle ne dispensaient pas l’assuré de son devoir de participer à la mesure de marché du travail et qu’il avait par ailleurs invoqué, en premier lieu, d’autres motifs non valables pour justifier son refus de participer au programme d’emploi temporaire. Ils ont notamment constaté que l’assuré avait précisé, en procédure administrative, qu’il n’avait pas refusé l’emploi temporaire en raison de son activité de curateur. Il est pour le surplus établi – et non contesté – que par son comportement, l’assuré a fait obstacle à la mesure. Dans ces circonstances, les juges cantonaux n’ont pas violé le droit fédéral en confirmant l’existence d’une cause de suspension du droit à l’indemnité, ni en confirmant la durée de suspension fixée à 21 jours.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_547/2023 consultable ici

 

Initiative parlementaire «Les entrepreneurs qui versent des cotisations à l’assurance-chômage doivent être assurés eux aussi contre le chômage» – Avis du Conseil fédéral

Initiative parlementaire «Les entrepreneurs qui versent des cotisations à l’assurance-chômage doivent être assurés eux aussi contre le chômage» – Avis du Conseil fédéral

 

Avis du Conseil fédéral du 10.04.2024 publié in FF 2024 973

 

Contexte

Le 12 mars 2020, le conseiller national Andri Silberschmidt a déposé l’initiative parlementaire 20.406 «Les entrepreneurs qui versent des cotisations à l’assurance-chômage doivent être assurés eux aussi contre le chômage». L’initiative parlementaire demande que la loi sur l’assurance-chômage (LACI) soit modifiée de manière à ce que les personnes qui occupent une position assimilable à celle d’un employeur et les conjoints qui travaillent dans l’entreprise aient le même droit aux indemnités de l’assurance-chômage (AC) que les salariés qui n’ont pas une position assimilable à celle d’un employeur, ou qu’ils puissent être libérés du paiement des cotisations.

L’initiative parlementaire a été déposée au début de la pandémie de COVID-19, lorsque de nombreuses entreprises et commerces ont été temporairement fermés ou ont vu leur activité limitée sur ordre des autorités. Afin d’atténuer les conséquences économiques pour les entreprises et les personnes concernées, le Conseil fédéral a pris des mesures extraordinaires et a décidé, entre autres, d’adapter l’instrument de l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) en fonction de l’évolution de la situation. Ces adaptations comprenaient notamment un élargissement à court terme des ayants droit aux travailleurs ayant une position assimilable à celle d’un employeur. Compte tenu du risque croissant d’abus lors de l’assouplissement des restrictions des activités économiques, ce droit à l’indemnité en cas de RHT a été remplacé après quelques mois déjà par les allocations pour perte de gain COVID-19. Contrairement à l’indemnité en cas de RHT, le droit à l’indemnité de chômage (IC) existait déjà pour les chômeurs qui avaient auparavant travaillé en tant qu’employés dans une position assimilable à celle d’un employeur. Néanmoins, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a décidé, lors de sa séance du 18 août 2022, d’étendre le droit à l’IC aux personnes ayant une position assimilable à celle d’un employeur. En revanche, elle a renoncé délibérément à étendre le droit à l’indemnité en cas de RHT. La commission a élaboré un projet en ce sens avec une solution de la majorité et une solution de la minorité et l’a mis en consultation.

La solution de la majorité vise à étendre ou à accélérer l’accès à l’IC pour les personnes qui conservent une position assimilable à celle d’un employeur. Elle contient deux propositions de minorité (Aeschi Thomas et Meyer Mattea) qui prévoient des conditions supplémentaires contre le risque d’abus. La solution de la minorité prévoit en revanche d’exempter de l’obligation de payer des cotisations à l’AC les personnes ayant une position assimilable à celle d’un employeur.

Le 22 février 2024, la CSSS-N a pris connaissance des résultats de la consultation. Sur cette base, une majorité de la CSSS-N a légèrement adapté les dispositions du projet modifiant la LACI en faveur des personnes qui occupent une position assimilable à celle d’un employeur et qui changent fréquemment d’emploi ou exercent des emplois de durée déterminée, afin de faire des concessions en faveur des acteurs de la branche culturelle. Ces personnes se trouvent en principe plus souvent dans des rapports de travail qui changent fréquemment ou sont de durée déterminée et il peut être plus difficile pour elles de se conformer aux dispositions de l’art. 8, al. 3, let. c, du projet de modification de la LACI (P-LACI). De même, l’art. 95, al. 1quater, P-LACI ne leur est pas applicable; par conséquent, elles ne doivent pas rembourser l’IC si elles retournent travailler dans l’entreprise où elles occupent une position assimilable à celle d’un employeur. La CSSS-N demande en outre de procéder à une évaluation cinq ans après l’entrée en vigueur des modifications de la loi, accompagnée le cas échéant de propositions d’adaptation. La commission a adopté son projet de loi à l’intention du Conseil national et a transmis son rapport3 au Conseil fédéral pour avis.

Dans son évaluation, le Conseil fédéral s’appuie notamment sur l’avis de la Commission de surveillance du fonds de compensation de l’assurance-chômage, qui conseille le Conseil fédéral sur les questions législatives dans le domaine de l’AC.

 

Synthèse de l’avis du Conseil fédéral

Les personnes ayant une position assimilable à celle d’un employeur et les conjoints travaillant dans l’entreprise ont déjà droit aujourd’hui aux prestations de l’AC. En raison du risque inhérent d’abus, certaines conditions s’appliquent à cet égard. Si ces conditions sont assouplies, le risque d’aléa moral et le potentiel d’abus augmentent considérablement, en particulier si les personnes concernées peuvent influencer, voire déterminer, leurs rapports de travail et donc leur risque de se retrouver au chômage. La solution de la majorité entraîne une indemnisation des risques des entreprises par l’AC, ce qui va à l’encontre de la finalité de l’AC. Tant la solution de la majorité que celle de la minorité conduisent à une augmentation de la bureaucratie en raison du travail supplémentaire de clarification et de contrôle nécessaire pour lutter contre le risque accru d’abus, ce qui ne se justifie pas pour octroyer un accès plus rapide à l’IC aux personnes ayant une position assimilable à celle d’un employeur. En outre, il n’est pas certain que les personnes occupant une position assimilable à celle d’un employeur accéderont de manière générale plus rapidement à l’IC.

 

Proposition du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral propose au Parlement de ne pas entrer en matière sur le projet de la CSSS-N.

 

 

Avis du Conseil fédéral du 10.04.2024 publié in FF 2024 973

Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 22 février 2024 publié in FF 2024 731

Initiative parlementaire Silberschmidt 20.406 «Les entrepreneurs qui versent des cotisations à l’assurance-chômage doivent être assurés eux aussi contre le chômage» consultable ici

 

Assurance-chômage : accès déjà garanti pour les travailleurs qui occupent une position assimilable à celle d’un employeur

Assurance-chômage : accès déjà garanti pour les travailleurs qui occupent une position assimilable à celle d’un employeur

 

Communiqué de presse du DEFR du 10.04.2024 consultable ici

 

Les travailleurs qui occupent une position assimilable à celle d’un employeur ont accès aujourd’hui déjà à l’indemnité de chômage lorsqu’ils sont au chômage. Le 10 avril 2024, le Conseil fédéral a adopté son avis concernant un rapport de la CSSS-N sur le sujet. D’après lui, le projet de la commission reviendrait à atténuer les risques entrepreneuriaux à l’aide de l’assurance-chômage, ce qui n’est pas l’objectif de l’assurance.

Le rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) porte sur l’initiative parlementaire Silberschmidt intitulée «Les entrepreneurs qui versent des cotisations à l’assurance-chômage doivent être assurés eux aussi contre le chômage». Cette initiative demande une modification de la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité (loi sur l’assurance-chômage, LACI).

 

Le Conseil fédéral favorable au maintien de la réglementation actuelle

Le Conseil fédéral est d’avis que la réglementation actuelle de la LACI représente un bon compromis entre le statut particulier, au sein de l’entreprise, des travailleurs ayant une position assimilable à celle d’un employeur et la prise en compte du risque d’abus que cette position entraîne. La LACI permet aujourd’hui déjà à une personne qui occupe une position assimilable à celle d’un employeur d’obtenir l’indemnité de chômage lorsqu’elle est au chômage, et ce dès qu’elle a renoncé définitivement à occuper cette position. Le Conseil fédéral soutient donc l’avis exprimé par la Conférence des chefs des départements cantonaux de l’économie publique (CDEP) et par la majorité des cantons dans le cadre de la consultation, avis selon lequel la réglementation actuelle correspond pleinement au principe d’assurance, autrement dit que l’assurance-chômage n’a pas pour objectif d’atténuer les risques entrepreneuriaux. Le Conseil fédéral est donc favorable au maintien du statu quo.

 

Communiqué de presse du DEFR du 10.04.2024 consultable ici

Rapport du 22 février 2024 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (version provisoire) disponible ici

Prise de position de la Commission de surveillance du fonds de compensation de l’assurance-chômage (CS AC) du 23.02.2024 disponible ici

Initiative parlementaire Silberschmidt 20.406 «Les entrepreneurs qui versent des cotisations à l’assurance-chômage doivent être assurés eux aussi contre le chômage» consultable ici

 

I lavoratori in posizione analoga a quella di datore di lavoro hanno già accesso all’AD, communicato stampa del Dipartimento federale dell’economia, della formazione e della ricerca , 10.04.2024, disponibile qui

Arbeitnehmer in arbeitgeberähnlicher Stellung haben bereits Zugang zur ALV, Medienmitteilung des Eidgenössischen Departements für Wirtschaft, Bildung und Forschung, 10.04.2024, hier abrufbar