Arrêt du Tribunal administratif fédéral A–6153/2020 (f) du 13.07.2021, publié aux ATAF 2021 I/1
ATAF 2021 I/1 consultable ici
Délai de recours / Notification de décisions expédiées par courrier A Plus
Art. 20 al. 1, art. 21 al. 1, art. 22 al. 1, art. 50 al. 1 PA.
- Délai de recours contre les décisions notifiées par courrier A Plus. Le délai commence à courir le lendemain du dépôt de la décision dans la boîte aux lettres ou la case postale. Pour en définir l’échéance, le destinataire doit procéder aux vérifications nécessaires à l’aide du numéro de référence du courrier A Plus (consid. 2.2–2.6).
- Présomption (naturelle) de régularité de la notification par courrier A Plus. Des indices concrets d’une erreur sont nécessaires pour renverser cette présomption. Les éventuelles irrégularités constatées doivent être annoncées à l’autorité de recours lors du dépôt du recours. De simples déclarations d’employés de l’étude du représentant des recourants – produites postérieurement – ne sont à cet égard pas suffisantes (consid. 2.7, 3.1 et 3.2).
- Le mandataire professionnel qui ne vérifie pas la date de notification d’un courrier A Plus par le biais du système de suivi des envois de la Poste commet une négligence (consid. 3.2).
Consid. 2.1
Conformément à l’art. 17 de la loi sur l’assistance administrative fiscale du 28 septembre 2012 (LAAF, RS 651.1), l’AFC notifie − par écrit (cf. art. 34 al. 1 PA) − à chaque personne habilitée à recourir une décision finale, dans laquelle elle justifie l’octroi de l’assistance administrative et précise l’étendue des renseignements à transmettre (al. 1). Lorsqu’une personne habilitée à recourir est domiciliée à l’étranger, la notification intervient par l’intermédiaire du représentant autorisé à recevoir des notifications (al. 3).
Consid. 2.2
Le recours doit être déposé dans les 30 jours qui suivent la notification de la décision finale de l’AFC (art. 50 al. 1 PA). Si le délai compté par jours doit être communiqué aux parties, il commence à courir le lendemain de la communication (art. 20 al. 1 PA). Les écrits doivent parvenir au Tribunal ou avoir été remis, à son adresse, à un bureau de poste suisse, le dernier jour du délai de recours au plus tard (art. 21 al. 1 PA). Ce délai ne peut pas être prolongé (art. 22 al. 1 PA).
Consid. 2.3
Selon un principe général, pour admettre que les communications des autorités ont été valablement notifiées, il suffit qu’elles soient placées dans la sphère de puissance («Machtbereich») de leur destinataire et que celui-ci soit à même d’en prendre connaissance (cf. ATF 145 IV 252 consid. 1.3.2; 144 IV 57 consid. 2.3.2; 142 III 599 consid. 2.4.1).
Consid. 2.4
Le fardeau de la preuve de la notification et de la date de celle-ci incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (cf. ATF 142 IV 125 consid. 4.3; 136 V 295 consid. 5.9; ATAF 2009/55 consid. 4; arrêt du TAF A–3841/2018 du 8 janvier 2021 consid. 6.2; BENOÎT BOVAY, Procédure administrative, 2e éd. 2015, p. 529; YVES DONZALLAZ, La notification en droit interne suisse, 2002, p. 583 no 1235). En la matière, c’est la règle du degré de vraisemblance prépondérante qui prévaut (cf. ATF 124 V 400 consid. 2b; arrêt du TF 5A_454/2012 du 22 août 2012 consid. 4.2.2; arrêts du TAF A–2703/2017 du 18 décembre 2018 consid. 2.1.1 et A–7730/2009 du 17 juin 2010 consid. 2.2).
Consid. 2.5
Les envois expédiés par courrier A ou B sont notifiés dès lors qu’ils sont remis dans la boîte aux lettres ou bien dans la case postale du destinataire. Ils sont ainsi à disposition de l’intéressé (cf. arrêts du TF 2C_463/2019 du 8 juin 2020 consid. 3.2.2; 2C_587/2018 du 8 mars 2019 consid. 3.1; 2C_875/2015 du 2 octobre 2015 consid. 2.2.1; 2C_784/2015 du 24 septembre 2015 consid. 2.1; arrêt du TAF A–3967/2020 du 29 octobre 2020 p. 3).
Consid. 2.6
Les règles relatives à la notification des envois effectués par courrier A Plus correspondent en principe à celles applicables à un envoi postal par pli simple, c’est-à-dire par courrier A et B, à la différence que le courrier A Plus est muni d’un numéro permettant de suivre le cheminement de l’envoi électroniquement via le système de «Suivi des envois» («Track & Trace») de la Poste. Il est ainsi possible d’être informé en temps réel des différentes étapes suivies par l’envoi et en particulier, du moment précis où le courrier est déposé (date et heure) dans la boîte aux lettres ou bien la case postale du destinataire. L’envoi par courrier A Plus constitue ainsi, comme tel est le cas pour les envois en courrier recommandé, un moyen qui permet de prouver à quel moment (date et heure) la Poste a remis un envoi à son destinataire (cf. arrêts du TF 2C_463/2019 consid. 3.2.2; 9C_655/2018 du 28 janvier 2019 consid. 4.3; 2C_875/2015 consid. 2.2.1; arrêt du TAF A–1838/2021 du 8 juin 2021 consid. 2 et 3).
Consid. 2.7
De longue et constante jurisprudence, si l’envoi par courrier recommandé en procédure administrative fédérale n’est pas prescrit, la notification d’une décision finale par courrier A Plus est admise. Le délai commence ainsi à courir le lendemain du dépôt de la décision dans la boîte aux lettres, également lorsque la décision est distribuée un samedi (cf. arrêts du TF 2C_463/2019; 2C_464/2019 du 24 mai 2019; 2C_476/2018 du 4 juin 2018, partiellement reproduit in: ASA 87 p. 141). Le courrier A Plus étant muni d’un numéro, lequel permet de suivre son cheminement électroniquement via le système de «Suivi des envois» («Track & Trace») de la Poste, l’information découlant du système indiquant que l’envoi est arrivé dans la boîte aux lettres ou dans la case postale du destinataire n’est pas en soi une preuve, mais constitue un indice (cf. ATF 142 III 599 consid. 2.2; parmi d’autres, arrêts du TF 2C_463/2019 consid. 3.2.2 s.; 2C_1059/2018 du 18 janvier 2019 consid. 2.2.2; 2C_16/2019 du 10 janvier 2019 consid. 3.2.2).
Il existe une présomption naturelle («natürliche Vermutung») que le courrier A Plus a été correctement déposé dans la boîte aux lettres ou dans la boîte postale du destinataire, à l’instar de ce qui s’applique mutatis mutandis à l’avis de retrait (« invitation à retirer un envoi »; cf. arrêts 2C_1059/2018 consid. 2.2.2; 2C_16/2019 consid. 3.2.2; 2C_476/2018 consid. 2.3.2; voir aussi arrêts du TF 2C_684/2019 du 11 novembre 2020 consid. 2.2.1; 2C_463/2019 consid. 3.2.3). Il découle de cette pratique jurisprudentielle que le jour déterminant est celui où le courrier est déposé par la Poste dans la boîte aux lettres, respectivement postale, du destinataire et non pas celui où il est récupéré par ce dernier. Le destinataire d’un tel courrier doit ainsi s’organiser afin de veiller à ce que le délai de recours soit respecté. Pour ce faire, il dispose d’un numéro de référence de la Poste qui lui permet, avec certitude et à tout moment, de procéder électroniquement au cheminement du courrier et ainsi aux vérifications nécessaires. Si des irrégularités lui apparaissent, il peut ainsi en faire part à l’autorité de recours (cf. arrêt A–1838/2021 consid. 3.3 et 3.4).
La possibilité d’une distribution postale irrégulière ne peut en effet jamais être exclue (cf. ATF 142 III 599 consid. 2.4.1). Toutefois, cela ne suffit pas, en soi, à renverser la présomption susmentionnée. Pour ce faire, il doit bien plus y avoir des indices concrets d’une erreur, faisant apparaître celle-ci comme plausible au vu des circonstances du cas d’espèce (cf. ATF 142 IV 201 consid. 2.3; parmi d’autres, arrêts du TF 2C_901/2017 du 9 août 2019 consid. 2.2.2 et réf. cit.; 1C_31/2018 du 14 janvier 2019 consid. 3.3 et réf. cit.; 2C_1059/2018 consid. 2.2.3; cf. également arrêt du TF 2C_65/2018 du 21 février 2018 consid. 2.3). Dans le cadre de cette preuve, la bonne foi de la partie est présumée (cf. ATF 142 III 599 consid. 2.4.1), ce qui ne change rien à la présomption de régularité de la distribution du courrier A Plus (cf. arrêt 1C_31/2018 consid. 4.2).
Selon la jurisprudence, la juge peut mettre un terme à l’instruction et renoncer à des mesures et à des offres de preuve supplémentaires, en procédant si besoin à une appréciation anticipée de celles-ci, s’il lui apparaît que leur administration ne serait de toute façon pas propre à entamer la conviction qu’elle s’est forgée sur la base de pièces ayant une haute valeur probatoire (cf. ATF 144 II 427 consid. 3.1.3; 131 I 153 consid. 3; arrêts du TAF A–3841/2018 consid. 2.3; A–7254/2017 du 1er juillet 2020 consid. 2.3; MOSER/BEUSCH/KNEUBÜHLER, Prozessieren vor dem Bundesverwaltungsgericht, 2e éd. 2013, n. marg. 3.140 ss, en particulier 3.144).
En outre, la procédure d’administration des preuves doit être menée avec diligence, de manière à éviter des pertes de temps (cf. art. 33 PA; ATF 130 II 473 consid. 2.3). Cela vaut en particulier en matière d’assistance administrative, dont la procédure est expressément régie par le principe de diligence (cf. art. 4 al. 2 LAAF). Ce principe, qui oblige l’AFC − ainsi que les autorités judiciaires − à mener la procédure rapidement (cf. Message du 6 juillet 2011 concernant l’adoption d’une loi sur l’assistance administrative fiscale, FF 2011 5771, 5783 ad art. 4 al. 2; ATF 142 II 218 consid. 2.5), sert en premier lieu les intérêts de la Suisse à un fonctionnement correct de l’assistance administrative vis-à-vis des Etats requérants et non pas ceux des contribuables visés par une demande (cf. ATF 142 II 218 consid. 2.5.1, avec référence à CHARLOTTE SCHODER, Praxiskommentar zum Bundesgesetz über die internationale Amtshilfe in Steuersachen, 2014, n. marg. 43 ad art. 4).
Consid. 3.1
En l’espèce, les recourantes ont élu domicile auprès d’un représentant en Suisse autorisé à recevoir des notifications. La décision attaquée, qui indique dans son dispositif ([…]) la forme de sa notification, à savoir par envoi « A Post Plus », a été expédiée en deux exemplaires séparés et adressés à un même destinataire, soit le mandataire professionnel des recourantes. L’étiquette apposée sur chacune des enveloppes ayant contenu un exemplaire de la décision entreprise indique, outre le symbole « A+ » et la mention « A-Post Plus/Courrier A Plus/Posta A Plus », le numéro permettant de suivre électroniquement le cheminement de l’envoi (…). Chacun des envois comprenait par ailleurs un courrier d’accompagnement (…) qui comportait également la référence « A-Post Plus ([…]000009) ».
Selon les extraits de « Suivi des envois » de la Poste (…), la décision attaquée, expédiée le lundi 9 novembre 2020 par courriers A Plus, a été distribuée via case postale le mardi 10 novembre 2020 à 06:20. Ces pièces, en tant qu’indices, permettent au tribunal de céans de retenir, dans le sens d’une présomption, que les envois en question ont été correctement déposés le mardi 10 novembre 2020 dans la case postale de l’étude du mandataire professionnel des recourantes (cf. consid. 2.4 ci-avant). Les critiques que ces dernières formulent dans leur prise de position du 29 décembre 2020 ([…]), ayant en substance trait à l’insécurité juridique qui découlerait de l’envoi par courrier A Plus, ne sauraient être retenues, au risque de procéder à un contrôle purement abstrait qui ne serait pas compatible avec la présomption posée. Comme exposé ci-dessus, la forme de notification d’une décision par envoi A Plus a été validée, aussi dans le présent domaine, par les juridictions fédérales. Le représentant des recourantes, en tant que mandataire professionnel qualifié, ne pouvait ignorer la jurisprudence déjà bien établie en la matière (cf. en ce sens arrêt du TF 2C_882/2019 du 31 octobre 2019 consid. 4.1 et réf. cit.). De surcroît, la conduite de leur représentant peut être attribuée aux recourantes (cf. parmi d’autres arrêts du TF 2C_463/2019 consid. 3.2.4; 2C_855/2015 du 1er octobre 2015 consid. 2.2).
Il apparaît ainsi que l’échéance du délai de recours pouvait être définie en se fondant sur le numéro de l’envoi permettant de suivre électroniquement le cheminement − identique − de chacun des deux courriers. En cas de doute quant à la date de la notification, le mandataire des recourantes pouvait − et aurait dû − l’indiquer dans son recours. Tel n’a toutefois pas été le cas, celui-ci n’ayant signalé aucun problème à cet égard dans son mémoire du 11 décembre 2020. Il en découle que la vérification par le biais du suivi électronique du courrier acheminé par la Poste n’a − a priori − pas été effectuée par le mandataire des recourantes.
Consid. 3.2
Dans leur prise de position du 29 décembre 2020, les recourantes font au surplus valoir, par le biais de leur mandataire, que les envois litigieux n’auraient été distribués qu’en date du 11 novembre 2020. Ce dernier produit à cet égard les déclarations écrites (établies le 24 décembre 2020) du livreur (« fattorino ») de l’étude (…), selon lesquelles lesdits envois ne se trouvaient pas dans la case postale lorsque le contenu de celle-ci a été retiré, le mardi 10 novembre 2020 à 07:30, mais qu’en revanche, ils s’y trouvaient le lendemain. Il produit également le courrier électronique que son assistante (…) lui a adressé − ainsi qu’à d’autres membres de l’étude − le mercredi 11 novembre à 09:13, notamment afin de confirmer la réception des envois en cause, ainsi que les déclarations écrites de celle-ci, également datées du 24 décembre 2020, confirmant que les envois contenant la décision attaquée n’ont pas été réceptionnés plus tôt.
Ces moyens ne suffisent toutefois pas à renverser la présomption que les envois en cause ont été correctement déposés le mardi 10 novembre 2020 dans la boîte postale de l’étude du mandataire des recourantes. En tant que les pièces en question, dont les recourantes entendent déduire un droit, émanent d’employés de cette étude, il convient d’abord d’en relativiser la valeur probatoire. En outre, si la bonne foi des recourantes − et de leur mandataire − est certes présumée, ces moyens ne sont en tout état de cause pas propres à faire naître un doute suffisant concernant la régularité de la distribution des envois litigieux et l’exactitude des justificatifs y relatifs du système de « Suivi des envois » de la Poste, et donc d’un éventuel dysfonctionnement du système postal dans le cadre de la remise du courrier le 10 novembre 2020. En effet, un dysfonctionnement au sein de l’étude ne peut pas non plus être exclu.
Le mandataire disposait par ailleurs des moyens techniques lui permettant de vérifier avec certitude le jour de la notification des courriers et de définir l’échéance du délai de recours. A défaut d’avoir opéré un tel contrôle, c’est seulement suite à l’ordonnance du Tribunal du 21 décembre 2020 que les recourantes ont fait valoir une erreur de la Poste. En considération de la pratique jurisprudentielle à l’égard du courrier A Plus (cf. consid. 2.4 ci-avant), que le mandataire des recourantes devait connaître, il y a lieu de retenir que ce dernier a lui-même commis une négligence en ne vérifiant pas la date de notification par le biais du suivi électronique du courrier acheminé par la Poste. L’on observera au surplus qu’il n’apparait pas que les recourantes, via leur mandataire, aient par la suite sollicité des explications de la Poste au sujet de la prétendue distribution irrégulière des envois en cause, ce qui aurait pourtant apparu logique dans un tel contexte et, surtout, utile à démontrer une éventuelle erreur. Aussi, il s’agit dans ces conditions de retenir que l’existence d’un dysfonctionnement du service postal n’est pas établie avec suffisamment de vraisemblance.
Dans la mesure où l’occasion a été donnée aux recourantes, qui sont représentées par un mandataire professionnel, de se déterminer sur la recevabilité de leur recours et de produire des moyens de preuve à cet égard et compte tenu en outre du principe de diligence qui régit la présente procédure d’assistance administrative (cf. consid. 2.5 ci-avant), il n’y a par ailleurs pas lieu d’inviter celles-ci à fournir des preuves supplémentaires, pas plus qu’il ne se justifie de procéder à d’autres mesures d’instruction, tendant par exemple à vérifier auprès de la Poste Suisse la possibilité qu’une erreur soit survenue lors la distribution des courriers A Plus en question.
Il s’agit dès lors de considérer que la décision a été notifiée à chacune des recourantes le mardi 10 novembre 2020, de sorte que le délai de recours a commencé à courir le mercredi 11 novembre 2020 et est échu le jeudi 10 décembre 2020. Partant, et dans la mesure où les recourantes ne font au surplus valoir aucun motif de restitution du délai au sens de l’art. 24 al. 1 PA, le recours du 11 décembre 2020 apparait tardif et doit donc être déclaré irrecevable, dans une procédure à juge unique (art. 23 al. 1 let. b LTAF).
ATAF 2021 I/1 consultable ici