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9C_327/2022 (d) du 10.10.2023 – Notion d’invalidité – Caractère invalidant d’un trouble de la santé – 4 LAI / Possibilité de traiter une affection ne s’oppose pas à la survenance d’une invalidité donnant droit à une rente

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_327/2022 (d) du 10.10.2023

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Notion d’invalidité – Caractère invalidant d’un trouble de la santé / 4 LAI

Possibilité de traiter une affection ne s’oppose pas à la survenance d’une invalidité donnant droit à une rente

 

Assuré, né en 1989. 1e demande AI le 03.01.2016 en raison de migraines chroniques. Refus par décision du 15.09.2016. Nouvelle demande déposée le 17.01.2018 : décision de non-entrée en matière (16.05.2018).

3e demande AI déposée le 03.07.2018. Mise en œuvre d’investigations médicales et professionnelles. Expertise bidisciplinaire (psychiatrique et neurologique). Décision de refus de prestations AI en date du 08.12.2021.

 

Procédure cantonale (arrêt VBE.2022.8 – consultable ici)

Par jugement du 01.06.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
En procédant à une appréciation globale du dossier médical, mais en se fondant en particulier sur l’expertise bidisciplinaire, le tribunal cantonal a constaté que l’assuré était toujours en mesure d’exercer son activité habituelle à 75%. Ce faisant, le tribunal a suivi les explications de l’expert neurologue selon lesquelles seuls les maux de tête liés à la migraine et survenant jusqu’à cinq jours par mois devaient être reconnus comme invalidants. En revanche, les céphalées de premier plan induites par une surconsommation de médicaments ne doivent pas être prises en compte, car elles peuvent être traitées par un sevrage raisonnablement exigible.

Consid. 4.2
Comme l’assuré le fait valoir à juste titre, l’expert neurologue, et à sa suite la cour cantonale, partent d’une notion trop étroite de l’invalidité. Le Tribunal fédéral a affirmé à plusieurs reprises, en se référant à l’ATF 127 V 294 consid. 4c, que dans l’assurance-invalidité, la possibilité de traiter une affection ne s’oppose pas – de manière absolue – à la survenance d’une invalidité donnant droit à une rente (cf. par exemple les arrêts 8C_222/2017 du 6 juillet 2017 consid. 5.2 ; 9C_682/2016 du 16 février 2017 consid. 3.2 ; 8C_349/2015 du 2 novembre 2015 consid. 3.1). En effet, la possibilité de traitement en tant que telle ne dit rien sur le caractère invalidant d’un trouble de la santé. Une limitation de la capacité de gain doit être prouvée et son étendue déterminée dans chaque cas particulier, indépendamment de la classification diagnostique d’une affection et en principe sans égard à l’étiologie. La question déterminante est de connaître la capacité de travail exigible de la personne assurée, ce qui s’évalue selon des critères essentiellement objectifs (ATF 143 V 409 consid. 4.2.1). Dans la mesure où la jurisprudence s’écartait de ces principes pour certains types de troubles psychiques, le Tribunal fédéral a abandonné cette pratique dans l’ATF 143 V 409. La naissance du droit à une rente d’invalidité présuppose donc toujours et uniquement qu’une incapacité de travail d’au moins 40% ait existé pendant une année (sans interruption notable) et qu’une incapacité de gain fondant le droit subsiste. Un refus ou une réduction des prestations au motif que l’assuré n’épuise pas les ressources thérapeutiques nécessite une procédure conforme à l’art. 21 al. 4 LPGA.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_327/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 9C_327/2022 (d) du 10.10.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/12/9c_327-2022)

 

Revenu d’invalide et ESS : le calcul pour l’AI sera revu – Proposition d’un abattement forfaitaire

Revenu d’invalide et ESS : le calcul pour l’AI sera revu – Proposition d’un abattement forfaitaire

 

Communiqué de presse du Parlement du 14.12.2022 consultable ici

Motion CSSS-CN 22.3377 « Utiliser des barèmes de salaires correspondant à l’invalidité dans le calcul du taux d’invalidité » consultable ici

 

La base de calcul qui sert à déterminer le revenu d’invalidité devra être revue. Le Conseil national a définitivement adopté tacitement mercredi une motion qui devrait bénéficier aux personnes les moins bien formées et atteintes dans leur santé.

Actuellement, la base de calcul est essentiellement fondée sur des statistiques qui prennent en compte les salaires de personnes en bonne santé. La motion demande de tenir compte des connaissances scientifiques les plus actuelles en la matière.

Elle devra être mise en œuvre d’ici fin 2023. Le Conseil des Etats a proposé de donner six mois de plus au Conseil fédéral pour mettre en œuvre la motion, par rapport à ce que le National proposait dans un premier temps.

« Vous n’aurez pas les 400 tableaux de données supplémentaires nécessaires pour changer le calcul à temps », a assuré le ministre des assurances sociales Alain Berset. Le problème est identifié par l’administration. « Il pourrait être réglé plus rapidement par une déduction forfaitaire supplémentaire » pour tous les assurés, qui produira les mêmes effets.

 

Extrait de la séance du 14.12.2022, Conseil national (bulletin officiel disponible ici)
[traduction libre et personnelle de l’allemand au français ; seul le BO fait foi]

Maillard Pierre-Yves (S, VD), pour la commission : […] Notre commission, avec votre appui unanime, veut que le Conseil fédéral change ses bases de calcul. Ce problème est connu depuis longtemps. Il existe un modèle développé par un groupe de travail, notamment présidé par Mme la professeure Riemer-Kafka et par M. Schwegler. Ce système semble simple et pourrait être mis en oeuvre rapidement. Malheureusement, l’administration peine à se convaincre de cette possibilité rapide de changement. Pour cette raison, nous avons élaboré cette motion, qui a été soutenue par le Conseil des Etats.

Il y a une divergence. Le Conseil national proposait le mois de juin 2023 pour que le Conseil fédéral passe à l’acte et change ce modèle de calcul et le Conseil des Etats propose décembre 2023. Pour donner un peu plus de temps au Conseil fédéral, votre commission a décidé de se rallier au Conseil des Etats et d’éliminer cette divergence en fixant le délai à décembre 2023.

Nous souhaitons vraiment que le département et le Conseil fédéral s’inspirent des travaux faits par ce groupe de travail sous la conduite de la professeure Riemer-Kafka et qu’ils ne réinventent pas un dispositif, car le risque est effectivement grand que l’on ne tienne pas le délai. Or nous voulons que ce délai soit tenu.

C’est la raison pour laquelle nous nous vous invitons à adopter cette motion et à éliminer la divergence en suivant le Conseil des Etats.

 

Lohr Christian (M-E, TG), für die Kommission: […] Lors de [la séance du 10 novembre 2022], l’administration a présenté à votre commission une méthode de calcul alternative avec une déduction forfaitaire de 10 %. Mais compte tenu de la majorité claire des voix au Conseil national, la commission ne s’est plus intéressée qu’à l’approbation ou non de la prolongation selon le Conseil des Etats. Il ne s’agissait plus de discuter du contenu.

Le fait que l’administration ait proposé une solution alternative au stade actuel du processus parlementaire d’élimination des divergences a pour le moins irrité, voire étonné, votre commission. La motion demande en effet très clairement que la nouvelle méthode de calcul du taux d’invalidité s’appuie sur « une méthode statistique reconnue et tiendra compte des connaissances scientifiques actuelles ». Selon le texte de la motion, la solution proposée par Riemer-Kafka/Schwegler doit également être prise en compte, ce qui n’exclut pas forcément qu’une autre variante puisse être choisie. Une alternative doit cependant être scientifiquement fondée, comme le prévoit le texte de la motion. L’abattement évoqué dans la proposition alternative de l’administration est en revanche restée en grande partie obscure pour nous.

En outre, la commission a critiqué le fait que l’étude pertinente dans ce domaine du bureau Bass, qui a encore récemment présenté un résumé, considère des corrections nettement plus importantes comme scientifiquement correctes. La proposition alternative de l’administration ne répondrait donc pas à des éléments essentiels de la motion.

Dans le cadre de la délibération, il a également été exprimé l’attente que l’administration aborde dès maintenant, c’est-à-dire dès cet après-midi, de manière énergique et correcte le cap clair que le Parlement – les deux Chambres – souhaite prendre ici, et qu’elle respecte ainsi non seulement la volonté parlementaire, mais qu’elle entreprenne également les travaux de mise en œuvre sans plus tarder. […]

 

Berset Alain, conseiller fédéral: […] Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’exprimer, il ne s’agit pas d’une mauvaise volonté de notre part, mais il faut être conscient que la motion nécessite des travaux d’approfondissement extrêmement importants; elle nécessite la préparation de 400 tableaux environ. Au stade actuel des travaux, il n’est d’ailleurs pas clair de savoir dans quelle mesure il s’agit de concevoir des tableaux adaptés pour les troubles psychiques et les comorbidités et quels seraient leur impact sur les différents groupes concernés. Dans ces conditions, malheureusement, je dois redire ici que le délai imparti est trop court; six mois de plus n’y change pas grand-chose.

Cela dit, et je pense que c’est l’élément le plus important, l’effet politiquement souhaité de la prise en compte de salaires avec invalidité plus bas et donc de rentes d’assurance-invalidité plus élevées peut être atteint par un autre biais. Il peut être atteint par une déduction forfaitaire supplémentaire décidée par le Conseil fédéral et appliquée à tous les revenus avec invalidité. C’est une solution qui s’appliquerait de la même manière à tous les assurés concernés, les hommes, les femmes, et indépendamment du type d’atteinte à la santé. Par ailleurs, cette déduction forfaitaire serait beaucoup plus facile à intégrer aux nouveautés introduites par le développement continu de l’assurance-invalidité. Avec cette méthode, on pourrait bien sûr respecter le délai retenu par le Conseil des Etats.

Les évaluations financières, vous les connaissez. Ce sont naturellement des charges qui seraient en hausse, mais c’est un souhait qui a été exprimé clairement par les conseils et que le Conseil fédéral reconnaît également avec l’idée de cette déduction forfaitaire supplémentaire.

On peut tourner cela dans tous les sens. Je dois vous dire que j’ai encore regardé évidemment pour la préparation de ce débat. Il ne suffit pas de nous demander de faire ces 400 tableaux dans l’urgence pour être sûr que cela suffise, que cela marche, que cela ne crée pas d’effets non souhaités ou de problèmes que l’on reconnaisse par la suite. Pas de précipitation; nous sommes donc prêts à faire le travail pour que, avec la déduction forfaitaire supplémentaire, on arrive à atteindre le même objectif, mais par un chemin beaucoup plus simple. Une fois que cela sera fait, ainsi on pourra respecter le délai fixé par la motion. Il faudra voir encore si on veut aller plus loin avec ces 400 tableaux qu’il faudrait encore réaliser.

Je vous aurais invité, si on avait demandé un vote – mais je vais y renoncer, parce que j’ai compris le message – à rejeter la motion, mais pas sur le fond. Sur le fond, nous avons proposé un chemin que le Conseil fédéral peut décider et qui permet très rapidement d’atteindre ce que vous voulez. Cela nous paraît beaucoup plus pragmatique, beaucoup plus juste et beaucoup plus rapide que le chemin proposé par la motion. Cela dit, je ne me fais pas trop d’illusion, vous allez l’adopter. On va faire ce qu’on peut pour la réaliser le plus vite possible, mais vous n’aurez pas ces 400 tableaux à la fin de l’année 2023, je dois malheureusement vous le dire. Par contre, vous aurez les effets souhaités par la motion puisque le Conseil fédéral va mettre en œuvre cette déduction forfaitaire supplémentaire, ce qui peut être fait très rapidement.

 

Weichelt Manuela (G, ZG): Le Conseil fédéral a mentionné à plusieurs reprises qu’un abattement forfaitaire serait éventuellement nécessaire pour corriger les salaires statistiques. Le Conseil fédéral est-il conscient du fait que, selon un résumé du bureau Bass paru récemment, le 7 novembre 2022, une solution forfaitaire nécessiterait une combinaison d’un abattement de 17% pour tous, en sus des déductions individuelles supplémentaires pour les personnes qui, pour des raisons structurelles, ne peuvent obtenir que des salaires nettement inférieurs ? Donc d’une part un abattement de 17% et d’autre part des abattements individuels ? Qu’en pensez-vous ?

 

Berset Alain, Bundesrat: […] je peux vous dire qu’en ce qui concerne l’abattement forfaitaire qui serait prévue ou qui pourrait être mise en œuvre très rapidement, nous devons faire le travail nécessaire et intégrer tous ces éléments dans la réflexion. Il va de soi que nous voulons aussi travailler dans cette direction pour que cela puisse être mis en œuvre rapidement. Ensuite, nous pourrons encore voir si des travaux supplémentaires ou, à long terme, peut-être une autre voie sont nécessaires.

 

Präsident (Candinas Martin, Präsident): La commission propose à l’unanimité d’adopter la motion telle qu’elle a été adoptée par le Conseil des Etats.

 

Adopté

 

 

Remarques personnelles : comme je l’ai exprimé dans ma dernière contribution «Revenu d’invalide selon l’ESS – une mise à jour» paru dans la Jusletter du 21.11.2022, j’espère que l’OFAS et l’OFSP se coordonneront afin d’apporter une solution pratique pour l’ensemble des assurances sociales concernées par l’art. 16 LPGA.

 

Communiqué de presse du Parlement du 14.12.2022 consultable ici

Bulletin officiel, Conseil national, session d’hiver 2022, séance du 14.12.2022 disponible ici

Motion CSSS-CN 22.3377 « Utiliser des barèmes de salaires correspondant à l’invalidité dans le calcul du taux d’invalidité » consultable ici

Diskussion Tabellenmedianlöhne LSE – Einkommensmöglichkeiten von Personen mit einer gesundheitlichen Beeinträchtigung, Büro BASS, 07.11.2022, disponible ici

 

9C_61/2021 (f) du 01.03.2022 – Personne assurée exerçant différentes activités à temps partiel et obligatoirement affilié à plusieurs institutions de prévoyance / Rente d’invalidité LPP et examen des différents rapports de travail

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_61/2021 (f) du 01.03.2022

 

Consultable ici

Cf. également demande de révision 9F_4/2022, 9F_5/2022

 

Personne assurée exerçant différentes activités à temps partiel et obligatoirement affilié à plusieurs institutions de prévoyance / Rente d’invalidité LPP et examen des différents rapports de travail

Aggravation de l’état de santé et augmentation de l’invalidité à un moment où l’assuré n’est plus affilié à l’IP / 23 LPP

 

Assuré ayant exercé différentes activités professionnelles à temps partiel, notamment pour le compte de l’Ecole-Club B.__ (ci-après: l’Ecole-Club) à compter du 01.02.2012 et de l’institut C.__ Sàrl dès le 01.09.2012. Dans le cadre de ces emplois, il a été affilié depuis le 01.01.2013 pour la prévoyance professionnelle respectivement auprès de la Caisse de pensions Migros (ci-après: la CPM ou la Caisse de pensions) et de la Caisse Inter-Entreprises de Prévoyance Professionnelle (ci-après: la CIEPP). L’assuré a également travaillé en tant qu’avocat collaborateur à 60% auprès d’une étude d’avocats, du 01.02.2013 au 31.07.2013. A ce titre, il a été assuré pour la prévoyance professionnelle auprès d’AXA Fondation LPP Suisse romande, Winterthur (ci-après: AXA), à compter du 01.02.2013.

Depuis le 01.12.2014, l’assuré a bénéficié d’une rente de l’assurance-invalidité (d’abord une demi-rente, puis trois quarts de rente dès le 01.04.2017 et une rente entière à compter du 01.10.2018; décisions de l’office AI des 08.01.2016, 26.06.2018 et 18.01.2019). L’assuré a également perçu une rente entière d’invalidité de la prévoyance professionnelle d’AXA, dès le 01.04.2015 (d’un montant de 42’120 fr. par an), et de la CIEPP, depuis le 01.10.2018 (d’un montant de 34’848 fr. par an).

Entre-temps, le 21.03.2016, la CPM a refusé d’allouer des prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle à l’assuré, au motif que son atteinte à la santé n’influençait pas son activité auprès de l’Ecole-Club. Après que la Caisse de pensions a réitéré son refus de prestations le 04.09.2018, l’assuré a ouvert action, concluant à l’octroi d’une demi-rente d’invalidité du 01.12.2014 au 31.03.2017, puis d’une rente entière à compter du 01.04.2017, et à ce que le revenu assuré déterminant pour le calcul des prestations s’élève à 42’207 fr. 15. Par arrêt du 18.12.2018 (cause A/3049/2018), la juridiction cantonale a pris acte du retrait de la demande en paiement et rayé la cause du rôle. Les 29.01.2019 et 18.02.2019, l’assuré s’est à nouveau adressé à la CPM afin de solliciter le versement d’une rente entière d’invalidité depuis octobre 2018. Le 14.03.2019, la Caisse de pensions a nié toute obligation de prester, en expliquant que l’activité de l’intéressé auprès de l’Ecole-Club était devenue accessoire depuis le 01.01.2015.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1186/2020 – consultable ici)

Le 18.04.2019, l’assuré a ouvert action contre la Caisse de pensions devant le tribunal cantonal compétent.

La juridiction cantonale a d’abord constaté que A.__ avait été affilié à titre obligatoire auprès de la Caisse de pensions, à tout le moins du 01.01.2013 au 31.12.2014; pour les années suivantes, l’activité exercée auprès de l’Ecole-Club avait été de nature accessoire, de sorte qu’il n’était pas affilié à titre obligatoire, ni facultatif du reste, auprès de la Caisse de pensions à partir du 01.01.2015. Elle a ensuite retenu que l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité ayant fondé le droit de l’assuré à une rente de l’assurance-invalidité était survenue le 01.04.2013. Cette date était déterminante pour l’examen du droit aux prestations de la prévoyance professionnelle, dès lors que l’art. 29 al. 1 et 3 du règlement de prévoyance de la CPM reprenait la définition de l’invalidité de l’assurance-invalidité et qu’il n’était pas insoutenable, pour l’office AI, d’avoir retenu que la cause de l’incapacité de travail (à savoir un début de sclérose en plaques avec les troubles qui l’ont accompagné) était survenue le 01.04.2013. Après avoir admis que la double condition de la connexité matérielle et temporelle était remplie, et compte tenu du fait que l’assuré avait présenté un taux d’invalidité supérieur à 70% depuis le second semestre 2018, les juges cantonaux ont considéré que la CPM était en principe tenue de lui verser une rente entière d’invalidité dès le 01.02.2019, sous réserve d’une surindemnisation. Ils ont ensuite fixé le montant annuel de cette rente à 20’524 fr., en se fondant sur le salaire assuré au 01.01.2014 de 41’602 fr., conformément aux certificats de prévoyance de l’intimé (art. 18 al. 3 OPP 2 en relation avec l’art. 24 LPP). La juridiction de première instance a encore examiné s’il y avait surindemnisation pour l’année 2019, ce qu’elle a nié. Elle a finalement fixé le taux d’intérêt moratoire sur les rentes échues à 5%, faute de disposition réglementaire sur ce point, à partir du 23.04.2019. En conséquence, elle a admis la demande de l’assuré.

 

TF

Consid. 5.2
L’arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment à l’assurance obligatoire des salariés (art. 2 et 7 LPP) et aux catégories de salariés non soumises à l’assurance obligatoire (art. 1j OPP 2 en relation avec l’art. 2 al. 4 LPP), au droit à des prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire (art. 23 LPP) et à la notion de survenance de l’incapacité de travail, en relation avec la double condition de la connexité matérielle et temporelle nécessaire pour fonder l’obligation de prester d’une institution de prévoyance (ATF 135 V 13 consid. 2.6; 134 V 20 consid. 3.2.1 et 5.3 et les références), ainsi qu’aux conditions dans lesquelles les décisions de l’assurance-invalidité lient l’institution de prévoyance compétente (ATF 144 V 72 consid. 4.1; 138 V 409 consid. 3.1 et les arrêts cités). Il rappelle également les règles applicables à l’obligation de verser des prestations d’invalidité lorsque l’assuré exerce plusieurs activités lucratives à temps partiel et est obligatoirement affilié à plusieurs institutions de prévoyance (ATF 144 V 72 consid. 5.3.4; 136 V 390 consid. 3 et 4; 129 V 132 consid. 4.3.3), ainsi qu’au calcul de ces prestations (art. 24 LPP et 18 OPP 2) et à la possibilité, pour l’institution de prévoyance, de réduire ses prestations afin d’éviter une surindemnisation de l’assuré (art. 34a LPP, art. 24 OPP 2). Il suffit d’y renvoyer.

 

Consid. 7.1
Conformément à l’art. 23 al. 1 LPP, ont droit à des prestations d’invalidité les personnes qui sont invalides à raison de 40% au moins au sens de l’AI, et qui étaient assurées lorsqu’est survenue l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité. Certes, comme le fait valoir l’assuré, la qualité d’assuré doit exister au moment de la survenance de l’incapacité de travail, mais pas nécessairement lors de l’apparition ou de l’aggravation de l’invalidité. Cette interprétation littérale est conforme au sens et au but de l’art. 23 LPP, lequel vise à faire bénéficier de l’assurance le salarié qui, après une maladie d’une certaine durée, devient invalide alors qu’il n’est plus partie à un contrat de travail (ATF 138 V 227 consid. 5.1; 136 V 65 consid. 3.1; 123 V 262 consid. 1a). Cela étant, on rappellera également que lorsqu’un assuré est obligatoirement affilié à plusieurs institutions de prévoyance sur la base de différentes activités à temps partiel et qu’il doit quitter un de ses emplois en raison d’une invalidité, seule la caisse de pensions de l’employeur avec lequel le rapport de travail s’est terminé à cause des empêchements rencontrés doit s’acquitter d’une rente entière d’invalidité, calculée sur le salaire perçu dans l’activité partielle abandonnée, les autres institutions de prévoyance n’ayant en revanche pas l’obligation de verser des prestations (ATF 136 V 390 consid. 3 et 4).

Dans l’ATF 129 V 132 consid. 4.3.3, le Tribunal fédéral a jugé que lorsqu’un assuré devient invalide à 50% et abandonne pour cette raison l’un de ses emplois, conservant l’autre au même taux que précédemment, l’institution de prévoyance de l’employeur restant peut être tenue à prestations en cas d’augmentation ultérieure de l’incapacité de travail pour les mêmes raisons de santé lorsque cette augmentation survient à un moment où l’intéressé est assuré auprès d’elle (et a une incidence sur les rapports de travail avec l’employeur concerné). Il résulte de cet arrêt que l’institution de prévoyance libérée de l’obligation de verser des prestations d’invalidité parce que l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité n’avait pas eu d’incidence sur les rapports de travail concernés, ne peut être tenue de verser des prestations, en cas d’aggravation ultérieure de l’invalidité pour les mêmes raisons de santé, qu’à la condition que la personne soit toujours assurée au moment où l’incapacité de travail alors déterminante – à savoir, l’augmentation de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’aggravation de l’invalidité – est survenue. Par conséquent, en tant que la juridiction cantonale a retenu qu’il importait peu que l’incapacité de travail de l’intimé se fût ou non manifestée de manière défavorable dans le cadre des rapports de travail avec l’Ecole-Club, son raisonnement ne saurait être suivi.

Consid. 7.2
En l’espèce, selon les constatations cantonales, non contestées par les parties, l’assuré a été affilié à titre obligatoire auprès de la Caisse de pensions du 01.01.2013 au 31.12.2014, mais non plus postérieurement à cette date. De plus, l’aggravation de son état de santé, qui trouve sa cause dans la sclérose en plaques ayant occasionné une incapacité de travail en avril 2013, est survenue en 2018, soit à un moment où il n’était plus assuré auprès de la CPM. Dans ces circonstances, une obligation de prester de la CPM ne pourrait être reconnue que si l’incapacité de travail initiale avait eu une incidence sur l’emploi exercé par l’assuré pour le compte de l’Ecole-Club et pour lequel il était assuré auprès de la Caisse de pensions, conformément à l’art. 23 let. a LPP. A cet égard, l’assuré soutient que tel est le cas, puisqu’il aurait présenté une claire diminution de rendement dans l’activité déployée pour l’Ecole-Club, dès le début de sa maladie en avril 2013, à tel point que la CMP aurait, selon lui, été tenue de lui verser une rente d’invalidité de 50% dès la reconnaissance de son droit à une demi-rente d’invalidité de l’assurance-invalidité par décision du 08.01.2016.

L’argumentation de l’assuré ne peut pas être suivie. S’il a certes présenté des incapacités de travail pendant la période d’emploi pour le compte de l’Ecole-Club durant laquelle il était affilié auprès de la Caisse de pensions, celles-ci ont cependant été peu nombreuses, courtes et isolées (à savoir à 100% du 11.02.2013 au 15.02.2013, du 26.03.2013 au 04.04.2013 et du 30.05.2013 au 02.06.2013 et 100% du 09.07.2014 au 20.07.2014 et du 08.08.2014 au 20.08.2014). A cet égard, l’assuré se limite à indiquer que le dossier instruit par la juridiction cantonale démontre une diminution de sa capacité fonctionnelle et de rendement dans l’activité qu’il exerçait pour le compte de l’Ecole-Club, et à déduire de la modification de son contrat de travail avec cet employeur, le 23.11.2016, qu’il n’effectuait désormais plus de tâches d’enseignement, mais uniquement des tâches administratives. Ce faisant, il ne démontre pas qu’il aurait présenté une incapacité de travail durable dans le cadre de son emploi pour l’Ecole-Club dès le début de sa maladie en 2013, soit pendant la période d’affiliation auprès de la CPM. Si le fait qu’une personne réduise son taux d’activité peut, suivant les circonstances, constituer un indice important, en faveur d’une incapacité de travail au sens de l’art. 23 LPP, cette réduction du taux d’occupation doit être due à des raisons de santé et ne suffit pas, à elle seule, pour démontrer une diminution de la capacité de rendement. Cela vaut en particulier lorsqu’il existe des raisons concurrentes, telles que le souhait de disposer de davantage de temps pour certaines autres activités ou pour une formation continue (arrêts 9C_420/2015 du 26 janvier 2016 consid. 4.2.2; 9C_394/2012 du 18 juillet 2012 consid. 3.1.2 et les arrêts cités).

Or en l’espèce, outre qu’il ressort des constatations cantonales, non contestées par l’assuré, que la diminution du taux d’occupation pour l’Ecole-Club s’accompagne notamment d’une augmentation du taux d’occupation pour l’institut C.__, ainsi que du suivi d’une formation (LLM suivi à l’Université D.__ entre août 2013 et le printemps 2014), aucun des médecins consultés n’a fait état d’une incapacité de travail durable dans l’activité exercée pour le compte de l’Ecole-Club en 2013 ou 2014. Dans ce contexte, la juridiction cantonale a retenu que l’incapacité de travail dès avril 2013 avait été attestée « en temps réel » et s’était manifestée de manière défavorable dans le cadre des rapports de travail avec l’étude d’avocats; une constatation semblable en ce qui concerne les rapports de travail avec l’Ecole-Club fait défaut. Par ailleurs, l’assuré a présenté une capacité de travail correspondant en tout cas à la capacité de travail résiduelle de 50% dès le 01.04.2013 (puis de 40% dès janvier 2017) dans une activité adaptée, telle que celle de formateur pour l’Ecole-Club et l’institut C.__, retenue par les organes de l’assurance-invalidité.

Consid. 7.3
En définitive, dès lors que l’assuré n’a pas subi d’incapacité de travail déterminante dans son emploi pour le compte de l’Ecole-Club pendant la durée de son affiliation auprès de la Caisse de pensions au sens de l’art. 23 let. a LPP à la suite de l’atteinte à la santé qui s’est manifestée en 2013, la CPM ne saurait être tenue de prendre en charge l’aggravation de l’invalidité intervenue en 2018, soit à un moment où l’assuré ne lui était plus affilié. Aussi, la juridiction cantonale n’était-elle pas en droit de reconnaître l’obligation de la CPM de verser à l’assuré une rente de la prévoyance professionnelle dès le 01.02.2019, en lien avec l’aggravation de l’invalidité ultérieure. Le recours est bien fondé.

 

Le TF admet le recours de la Caisse de pensions.

 

Arrêt 9C_61/2021 consultable ici

Cf. également demande de révision 9F_4/2022, 9F_5/2022

 

8C_256/2021 (d) du 09.03.2022, destiné à la publication – Détermination du revenu d’invalide – Méthode générale de comparaison des revenus – 28 LAI (dans sa version valable jusqu’au 31.12.2021) – 16 LPGA / Examen de l’opportunité du changement de jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_256/2021 (d) du 09.03.2022, publié aux ATF 148 V 174

 

Arrêt 8C_256/2021 consultable ici

ATF 148 V 174 consultable ici 

 

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Interdiction des véritables nova / 99 LTF

Détermination du revenu d’invalide – Méthode générale de comparaison des revenus / 28 LAI (dans sa version valable jusqu’au 31.12.2021) – 16 LPGA

Examen de l’opportunité du changement de jurisprudence

 

Assuré, né en 1964, a déposé une première demande AI le 11.12.2001, en raison d’une luxation de l’épaule droite. L’office AI a octroyé à l’assuré une rente entière limitée dans le temps, du 01.11.2002 au 31.10.2003. La décision de l’AI a été confirmée par le tribunal cantonal par jugement du 22.12.2010.

Le 25.06.2012, l’assuré a déposé une nouvelle demande AI. L’office AI a procédé aux investigations usuelles ainsi qu’à la mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire et d’une expertise de médecine du trafic. Par décision du 08.04.2014, l’office AI a octroyé à l’assuré un quart de rente d’invalidité à compter du 01.12.2012. Par communication du 24.04.2014, l’office AI a invalidé la décision du 08.04.2014, qui n’était pas encore entrée en force, en se fondant sur l’évaluation de la médecine du trafic. Par décision du 05.05.2014, l’office AI a réclamé la restitution des rentes déjà versées, d’un montant de 10’110 francs. Par décision du 25.06.2014, le droit à une rente d’invalidité a été nié. Tant le tribunal cantonal que le Tribunal fédéral (arrêt 8C_406/2015 du 31.08.2015) ont rejeté le recours déposé contre cette décision.

Le 17.10.2014, l’assuré a déposé une demande de mesures professionnelles auprès de l’office AI puis, le 22.02.2016, une nouvelle demande de prestations, se référant aux opérations qu’il a subies à l’épaule et à la colonne cervicale ainsi qu’aux attaques de panique et à la dépression dont il souffrait depuis 2012. Après de nouvelles investigations, dont une expertise médicale, l’office AI a octroyé à l’assuré un quart de rente d’invalidité à compter du 01.09.2018, par décision du 03.07.2020.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 16.03.2021, admission partiel du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assuré à un quart de rente dès le 01.12.2017, une rente entière à partir du 01.03.2018, trois-quarts de rente à partir du 01.08.2018 et un quart de rente dès le 01.11.2018.

 

TF

L’assuré a recouru contre le jugement. L’office AI conclut au rejet du recours. Sur invitation du Tribunal fédéral, l’OFAS a pris position le 14.06.2021 sur les questions soulevées lors du symposium Weissenstein « Fakten oder Fiktion? Die Frage des fairen Zugangs zu Invalidenleistungen » du 05.02.2021. Dans sa requête du 24.06.2021, l’OFSP a renoncé à prendre position. Le 30.06.2021, l’assuré s’est déterminé sur la prise de position de l’OFAS.

Par requête du 15.11.2021, l’assuré a fait parvenir la préimpression de la publication prévue dans la RSAS « Der Weg zu einem invaliditätskonformeren Tabellenlohn » de la Prof. em. Riemer-Kafka et du Dr. phil. Schwegler. Sur invitation du Tribunal fédéral, l’office AI a pris position le 09.12.2021, l’OFAS le 21.12.2021 et l’OFSP le 23.12.2021. Le 14.01.2022, l’assuré a déposé une requête qualifiée de « quadruplique ».

Le Tribunal fédéral a tenu une délibération publique le 09.03.2022.

 

Interdiction des véritables nova – 99 LTF

Consid. 2.1
Le recours au Tribunal fédéral doit en principe être déposé dans un délai de 30 jours (art. 100 al. 1 LTF). Dans ce délai, il doit indiquer les motifs et être accompagné des moyens de preuve (art. 42 al. 1 LTF). Sauf exceptions (cf. art. 43 LTF), il n’est pas admissible de compléter la motivation du recours après l’expiration du délai (ATF 134 IV 156 consid. 1.6 ; arrêt 8C_467/2021 du 13 août 2021 consid. 1.1).

Consid. 2.2
Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l’autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF), ce qui doit être exposé plus en détail dans le recours. Les véritables nova, c’est-à-dire les faits et moyens de preuve survenus postérieurement au prononcé de la décision entreprise ou qui n’ont été produits qu’après celle-ci, ne sont pas admissibles devant le Tribunal fédéral (ATF 143 V 19 consid. 1.2 et les références). Ne sont pas concernés par l’interdiction des nova selon l’art. 99 al. 1 LTF les faits connus de tous et notoires pour le tribunal, comme par exemple la littérature spécialisée accessible à tous (arrêts 9C_224/2016 du 25 novembre 2016 consid. 2.1, non publié in : ATF 143 V 52, mais in : SVR 2017 KV n° 9 p. 39 ; 9C_647/2018 du 1er février 2019 consid. 2 ; Johanna Dormann, Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 3e éd. 2018, n. 43 et 53 ad art. 99 LTF).

Consid. 2.3
La requête de l’assuré du 15.11.2021, déposée spontanément plus de quatre mois après la réplique, constitue dans une large mesure un complément inadmissible au mémoire de recours et, à cet égard, ne doit en principe pas être prise en considération. L’objectif principal de cette requête était la remise de l’article « Der Weg zu einem invaliditätskonformeren Tabellenlohn » de la Prof. em. Riemer-Kafka et du Dr phil Schwegler, publié entre-temps dans la RSAS 2021 p. 287 ss. Il s’agit là d’une littérature spécialisée accessible à tous, qui n’est pas concernée par l’interdiction des nova. On peut toutefois se demander si cela s’applique également aux nouveaux tableaux Niveau de compétence (NC [KN en allemand]) 1 « light » (annexes 3a et 3b) et NC 1 « light-moderate » (annexes 4a et 4b) présentés en annexe, sur lesquels se base l’article. Il n’est toutefois pas nécessaire de répondre de manière définitive à la question de savoir ce qu’il en est, comme le montrent les considérants ci-après. Les arguments de l’assuré dans sa requête qualifiée de « quadruplique » ne peuvent pas non plus être pris en considération, dans la mesure où ils constituent également un complément inadmissible au mémoire exposant les motifs du recours.

 

Méthode générale de comparaison des revenus

Consid. 4.1
Le 01.01.2022, la loi fédérale révisée sur l’assurance-invalidité (LAI) est entrée en vigueur (Développement continu de l’AI [DCAI] ; modification du 19.06.2020, RO 2021 705, FF 2017 2535). La décision sur laquelle se fonde l’arrêt ici attaqué a été rendue avant le 01.01.2022. Conformément aux principes généraux du droit intertemporel et des faits déterminants dans le temps (cf. notamment ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 129 V 354 consid. 1 et les références), les dispositions de la LAI et celles du règlement sur l’assurance-invalidité (RAI) sont donc applicables dans la version qui était en vigueur jusqu’au 31.12.2021.

Consid. 4.2
Le tribunal cantonal a exposé à juste titre les dispositions déterminantes pour l’évaluation du droit à la rente en l’espèce (art. 28 LAI dans sa version valable jusqu’au 31.12.2021), notamment celles relatives à l’incapacité de gain (art. 7 LPGA), à l’invalidité (art. 8 al. 1 LPGA en relation avec l’art. 4 al. 1 LAI) ainsi qu’à la détermination du taux d’invalidité selon la méthode générale de comparaison des revenus (art. 16 LPGA). Les explications relatives aux règles de révision applicables par analogie lors de la nouvelle demande (art. 17 al. 1 LPGA ; ATF 141 V 585 consid. 5.3 in fine et les références) sont également correctes. Il y est renvoyé.

Consid. 5.1
En ce qui concerne le moment du début de la rente, l’instance précédente a tout d’abord expliqué qu’en raison de l’incapacité de travail de 20% à prendre en compte depuis le 05.02.2015, le délai d’attente était considéré comme ouvert à cette date ; il a été rempli le 18.12.2017. Etant donné qu’au plus tôt du droit possible de la rente, l’incapacité de travail n’était que de 40% en moyenne, l’assuré avait droit à un quart de rente à partir du 01.12.2017, qui devait être augmenté à une rente entière au 01.03.2018 en application de l’art. 88a al. 2 RAI.

Pour déterminer le degré d’invalidité sur la base d’une comparaison des revenus, le tribunal cantonal s’est ensuite basé, en ce qui concerne le revenu d’invalide, sur les données issues de l’ESS 2018 publiée par l’OFS. Il a pris en compte la valeur centrale du tableau TA1_tirage_skill_level, secteur privé, total, hommes, niveau de compétence 1 de 5417 francs et a calculé – en l’adaptant au temps de travail hebdomadaire usuel de 41,7 heures et en le calculant sur une année entière – un revenu d’invalide de 67’766.67. francs pour un taux d’occupation de 100%. En tenant compte de la perte de gain de 2% à prendre en considération sur le revenu de valide ainsi que de l’abattement 10% accordée par l’office AI pour les limitations, l’instance précédente a calculé un revenu d’invalide de 23’908.09 francs pour un taux d’occupation de 40% et de 35’862.12 francs pour un taux d’occupation de 60%. Elle a constaté que les résultats des expertises mandatées par Coop Protection Juridique SA sur la question de l’accès équitable aux prestations d’invalidité, présentés lors du symposium Weissenstein du 05.02.2021 et invoqués par l’assuré, ne permettaient pas de calculer le revenu d’invalide selon un autre mode. L’application concrètement demandée du quartile le plus bas [Q1] au lieu du salaire médian comme valeur de référence n’entre pas en ligne de compte en raison de la jurisprudence claire du Tribunal fédéral. S’agissant de l’abattement, la jurisprudence prévoit explicitement une déduction au maximum de 25% sur la valeur médiane en raison de l’atteinte à la santé. L’office AI a suffisamment tenu compte des caractéristiques correspondantes en appliquant une déduction de 10%. Sur la base de la comparaison entre le revenu sans invalidité et le revenu d’invalide, le tribunal cantonal a constaté une perte de gain de 44’350.60 francs ou un taux d’invalidité de 65% en chiffres arrondis à partir du 01.05.2018 et une perte de gain de 32’396.57 francs ou un taux d’invalidité de 47% en chiffres arrondis à partir du 01.08.2018, ce qui a conduit, en application de l’art. 88a al. 2 RAI, à l’octroi de la rente (avec augmentation et diminution).

Consid. 5.2
L’assuré se plaint d’une violation du droit dans la détermination du revenu d’invalide. Dans son recours, il se réfère à nouveau aux résultats de l’enquête présentés lors du symposium Weissenstein du 05.02.2021 et fait valoir que les recherches les plus récentes prouvent que l’application de la valeur médiane de l’ESS pour déterminer le revenu d’invalide rend impossible un accès équitable aux prestations de l’assurance-invalidité. La pratique judiciaire en la matière est discriminatoire, car les personnes handicapées sont systématiquement désavantagées, ce qui viole les art. 6, 8 et 14 CEDH ainsi que l’art. 8 Cst. Dans le cas concret, les conséquences du handicap sur le revenu d’invalide ne sont pas prises en compte avec un abattement de 10%. Si le calcul de ce revenu était conforme au droit, il faudrait – en plus de la déduction pour les causes physiques – partir du quartile inférieur Q1 du tableau 9 ou 10 de l’ESS 2016, hommes, niveau de compétence 1, colonne 9/travailleurs auxiliaires. Cela donnerait – indexé pour 2018 et adapté au temps de travail hebdomadaire habituel de l’entreprise de 41,7 heures – un revenu annuel de 59’196 francs pour un taux d’occupation de 100%, de 20’884.35 francs pour un taux d’occupation de 40% et de 31’327.52 francs pour un taux d’occupation de 60%. En comparaison avec le revenu sans invalidité, il en résulte à partir du 01.05.2018 une perte de gain de 47’377.34 francs, soit un taux d’invalidité de 69,4%, et à partir du 01.08. 2018 une perte de gain de 36’931.69 francs, soit un taux d’invalidité arrondi à 54%, ce qui sert de base aux prestations de rente demandées.

Dans une autre requête, l’assuré indique ensuite que les nouveaux tableaux KN 1 « light » et KN 1 « light-moderate » figurant en annexe de la contribution de la RSAS « Der Weg zu einem invaliditätskonformeren Tabellenlohn » confirment les conclusions scientifiques des expertises présentées lors du symposium Weissenstein et donc l’effet discriminatoire de la pratique actuelle.

 

Détermination du revenu d’invalide

Consid. 6
Dans son argumentation, l’assuré – en s’appuyant sur les résultats d’analyse des expertises commandées par Coop Protection Juridique SA présentés lors du symposium Weissenstein du 05.02.2021 ainsi que, en complément, sur les nouveaux tableaux KN 1 « light » et KN 1 « light-moderate » mentionnés – fait valoir en premier lieu et pour l’essentiel que la jurisprudence actuelle relative à la détermination du revenu d’invalide viole le droit et est discriminatoire. Il reste à examiner ci-après s’il y a lieu de modifier cette jurisprudence.

Pour une meilleure compréhension, nous présentons tout d’abord les bases juridiques déterminantes dans le cas présent pour la détermination du degré d’invalidité ainsi que la jurisprudence actuelle relative à la détermination du revenu d’invalide :

Consid. 6.1
Conformément à l’art. 16 LPGA, pour déterminer le degré d’invalidité, on met en relation le revenu de l’activité lucrative que l’assuré aurait pu obtenir, après la survenance de l’invalidité et après avoir suivi le traitement médical et d’éventuelles mesures de réadaptation, en exerçant une activité pouvant raisonnablement être exigée de lui sur le marché équilibré du travail (revenu d’invalide) avec le revenu de l’activité lucrative qu’il aurait pu obtenir s’il n’était pas devenu invalide (revenu sans invalidité).

Consid. 6.2
Conformément à la jurisprudence actuelle, la détermination du revenu d’invalide contestée en l’espèce doit se fonder en premier lieu sur la situation professionnelle et lucrative dans laquelle se trouve concrètement la personne assurée. Si, après la survenance de l’invalidité, elle exerce une activité lucrative dans le cadre de laquelle – de manière cumulative – les rapports de travail particulièrement stables et que l’on peut supposer qu’elle met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible, et si, en outre, le gain obtenu correspond au travail effectivement fourni et ne contient pas d’éléments de salaire social, le salaire effectivement réalisé est en principe considéré comme le revenu d’invalide.

En l’absence d’un tel revenu, notamment parce que la personne assurée n’a pas repris d’activité lucrative après la survenance de l’atteinte à la santé ou, en tout cas, n’a pas repris d’activité lucrative raisonnablement exigible de sa part, il est possible, selon la jurisprudence, de se référer aux salaires figurant dans les tables de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 ; 135 V 297 consid. 5.2). En règle générale, c’est la ligne Total qui est appliquée (consid. 5.1 de l’arrêt 9C_237/2007 du 24 août 2007, non publié dans l’ATF 133 V 545 ; arrêt 9C_206/2021 du 10 juin 2021 consid. 4.4.2). Selon la pratique, la comparaison des revenus effectuée sur la base de l’ESS doit ensuite se baser sur le groupe de tableaux A (salaires bruts standardisés) (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa), en se référant habituellement au tableau TA1_tirage_skill_level, secteur privé (ATF 126 V 75 consid. 7a ; arrêts 8C_124/2021 du 2 août 2021 consid. 4.4.1 et 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1).

Ce principe n’est toutefois pas absolu et connaît des exceptions. Conformément à la jurisprudence, il peut tout à fait se justifier de se baser sur le tableau TA7, resp. T17 (à partir de 2012), si cela permet de déterminer plus précisément le revenu d’invalide et si le secteur public est également ouvert à la personne assurée (cf. arrêts 8C_124/2021 du 2 août 2021 consid. 4.4.1 et 8C_111/2021 du 30 avril 2021 consid. 4.2.1 et les références).

Lors de l’utilisation des salaires bruts standardisés, il convient, selon la jurisprudence, de partir à chaque fois de la valeur dite centrale (médiane) (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1).

Consid. 6.3
Si le revenu d’invalide est déterminé sur la base de données statistiques sur les salaires, comme notamment l’ESS, la valeur de départ ainsi relevée doit, selon la jurisprudence actuelle, être éventuellement réduite. Il s’agit ainsi de tenir compte du fait que des caractéristiques personnelles et professionnelles telles que le type et l’ampleur du handicap, l’âge, les années de service, la nationalité ou la catégorie de séjour et le taux d’occupation peuvent avoir des répercussions sur le montant du salaire (ATF 142 V 178 consid. 1.3 ; 124 V 321 consid. 3b/aa) et que, selon les circonstances, la personne assurée ne peut exploiter la capacité de travail restante qu’avec un résultat économique inférieur à la moyenne, même sur un marché du travail équilibré (ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; 126 V 75 consid. 5b/aa i.f.). L’abattement ne doit toutefois pas être automatique. Il doit être estimé globalement, en tenant compte des circonstances du cas d’espèce, dans les limites du pouvoir d’appréciation, et ne doit pas dépasser 25% (ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; 134 V 322 consid. 5.2 ; 126 V 75 consid. 5b/bb-cc). La jurisprudence actuelle accorde notamment un abattement sur le revenu d’invalide lorsqu’une personne assurée est limitée dans ses capacités, même dans le cadre d’une activité non qualifiée physiquement légère. D’éventuelles limitations liées à la santé déjà comprises dans l’évaluation médicale de la capacité de travail ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l’appréciation de l’abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (sur l’ensemble : ATF 146 V 16 consid. 4.1 s. et les références).

Consid. 6.4
Enfin, la jurisprudence actuelle tient également compte, lors de l’évaluation de l’invalidité selon l’art. 16 LPGA, du fait qu’une personne assurée percevait un revenu nettement inférieur à la moyenne dans l’activité qu’elle exerçait lorsqu’elle était en bonne santé, et ce pour des raisons étrangères à l’invalidité (p. ex. faible niveau de formation scolaire, absence de formation professionnelle, connaissances insuffisantes de l’allemand, possibilités d’embauche limitées en raison du statut de saisonnier), pour autant qu’il n’existe aucun indice permettant de penser qu’elle ne désirait pas s’en contenter délibérément. Cela permet de respecter le principe selon lequel les pertes de salaire dues à des facteurs étrangers à l’invalidité ne doivent pas être prises en compte, ou alors d’égale manière pour les deux revenus à comparer (ATF 141 V 1 consid. 5.4 et les références). En pratique, le parallélisme peut être effectué soit au regard du revenu sans invalidité en augmentant de manière appropriée le revenu effectivement réalisé ou en se référant aux données statistiques, soit au regard du revenu d’invalide en réduisant de manière appropriée la valeur statistique (ATF 134 V 322 consid. 4.1 et les références). Selon la jurisprudence actuelle, il ne faut toutefois intervenir que si le revenu sans invalidité est inférieur de plus de 5% par rapport au revenu médian usuel dans la branche, le parallélisme ne devant être effectué que dans la mesure où l’écart en pour cent dépasse la valeur limite de pertinence de 5% (cf. ATF 135 V 297 consid. 6.1 et les références).

Consid. 6.5
L’application correcte de l’ESS, notamment le choix du tableau ainsi que le recours au niveau déterminant (niveau de compétence ou d’exigence), est une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement. En revanche, l’existence de conditions concrètement nécessaires, telles qu’une formation spécifique et d’autres qualifications, déterminante pour le choix d’un tableau donné de l’ESS, relève de l’établissement des faits. De même, l’utilisation des chiffres du tableau déterminant de l’ESS sur la base de ces éléments est une question de faits (ATF 143 V 295 consid. 2.4 et les références).

Savoir s’il convient de procéder à un abattement sur le salaire statistique, qu’il soit justifié par les limitations fonctionnelles ou par un autre motif, est une question de droit que le Tribunal fédéral peut revoir librement. En revanche, l’étendue de l’abattement (indiqué dans le cas concret) est une question typique relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit (ATF 146 V 16 consid. 4.2 et les références).

Consid. 6.6
Après avoir exposé les bases juridiques applicables au cas d’espèce, il convient de souligner qu’en raison du système de rentes linéaire – introduit par la révision de la LAI et du RAI entrée en vigueur le 01.01.2022 –, la détermination du degré d’invalidité au pourcentage près a désormais une grande importances, contrairement au système de l’échelonnement des rentes prévus jusqu’ici par l’art. 28 al. 2 LAI. L’art. 28a al. 1 LAI délègue désormais au Conseil fédéral la compétence de définir par voie d’ordonnance les règles et les critères de détermination du revenu avec et sans invalidité (p. ex. quand il faut se baser sur les valeurs réelles et quand il faut se baser sur les salaires statistiques ou quelle table doit être appliquée), qui reposaient jusqu’à présent en grande partie sur la jurisprudence. De même, le Conseil fédéral procède aux corrections découlant de la jurisprudence pour ces revenus (p. ex. critères à prendre en compte pour une déduction en raison du handicap et montant de la déduction correspondante). Il s’agit notamment de limiter la marge d’interprétation des offices AI et des tribunaux cantonaux, de garantir une unité de doctrine dans toute la Suisse et d’éviter autant que possible les litiges portés devant les tribunaux à propos de l’évaluation de l’invalidité (cf. message concernant la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité [Développement continu de l’AI] du 15 février 2017, FF 2017 2363, en particulier 2493 et 2549 [en allemand : FF 2017 2535, en particulier 2668 et 2725]).

 

Examen de l’opportunité du changement de jurisprudence

Consid. 7
Un changement de jurisprudence doit reposer sur des motifs sérieux et objectifs, lesquels, sous l’angle de la sécurité du droit, doivent être d’autant plus importants que la pratique considérée comme erronée, ou désormais inadaptée aux circonstances, est ancienne. Un changement ne se justifie que lorsque la solution nouvelle procède d’une meilleure compréhension du but de la loi, repose sur des circonstances de fait modifiées, ou répond à l’évolution des conceptions juridiques (ATF 147 V 342 consid. 5.5.1 ; 146 I 105 consid. 5.2.2 ; 145 V 50 consid. 4.3.1 ; 141 II 297 consid. 5.5.1 ; 140 V 538 consid. 4.5 et les références).

Consid. 8.1
En ce qui concerne les motifs d’un changement de jurisprudence, le recours s’appuie pour l’essentiel sur l’expertise statistique « Nutzung Tabellenmedianlöhne LSE zur Bestimmung der Vergleichslöhne bei der IV-Rentenbemessung » du bureau BASS du 8 janvier 2021 (auteurs : Jürg Guggisberg, Markus Schärrer, Céline Gerber et Severin Bischof ; ci-après: expertise BASS) ainsi que sur l’avis de droit « Grundprobleme der Invaliditätsbemessung in der Invalidenversicherung » du 22 janvier 2021 (ci-après : avis de droit) et ses conclusions « Fakten oder Fiktion? Die Frage des fairen Zugangs zu Invalidenleistungen. Schlussfolgerungen aus dem Rechtsgutachten ‘Grundprobleme der Invaliditätsbemessung in der Invalidenversicherung’  » du 27 janvier 2021 (ci-après : conclusions de l’avis de droit), tous deux rédigés par Prof. Dr. iur. Gächter, Dr. iur. Egli, Dr. iur. Meier et Dr. iur. Filippo. Ces derniers résultats de recherche – selon l’assuré – démontrent que l’application de la valeur médiane de l’ESS rend impossible un accès équitable aux prestations de l’assurance-invalidité et que la pratique des tribunaux place systématiquement les personnes handicapées dans une situation moins favorable et qu’elle est donc discriminatoire.

Consid. 8.1.1
Ainsi, il ressort de l’expertise BASS du 8 janvier 2021 que les personnes souffrant de problèmes durables à la santé perçoivent des salaires significativement plus bas que les personnes en bonne santé. Les salaires médians des tableaux de l’ESS reflètent largement les salaires des personnes en bonne santé. Le salaire médian des tableaux comme référence pour le revenu des invalides est fictif dans la mesure où il n’est effectivement atteint que par une minorité des personnes concernées. Enfin, des facteurs importants liés au salaire qui ne sont pas pris en compte pourraient réduire massivement les chances de certaines personnes concernées d’atteindre un salaire médian. La seule prise en compte du niveau de compétence ne suffit pas à déterminer le niveau de salaire.

Consid. 8.1.2
Les experts ayant participé à l’avis de droit du 22 janvier 2021 et aux conclusions de l’avis de droit du 27 janvier 2021 s’accordent ensuite sur dix thèses selon lesquelles la pratique judiciaire actuelle empêche un accès équitable aux prestations de l’assurance-invalidité (rentes et mesures de réadaptation) :

« 1. La notion de « marché du travail équilibré » a été insidieusement renforcée par la pratique administrative et judiciaire pour devenir une considération largement fictive, qui ne tient plus compte des changements durables de la situation réelle du marché du travail au détriment des assurés.

  1. La question de savoir si la capacité de travail attestée par le médecin peut être utilisée sur le marché du travail (équilibré) ne peut être qu’affirmative ou négative. Les circonstances concrètes du cas d’espèce ne peuvent être prises en compte que dans le cadre d’une réglementation efficace des cas de rigueur, ce qui n’est jusqu’à présent pas suffisamment appliqué dans la pratique administrative et judiciaire.
  2. L’évaluation de la capacité de travail à partir de l’âge de 60 ans ou pour des profils de travail qui n’existent que si l’employeur fait preuve de complaisance sociale (« emplois de niche ») est éloignée de la réalité et n’est pas acceptable pour les assurés.
  3. Si l’on recourt à des données statistiques sur les salaires (ESS) pour déterminer le revenu d’invalide, ces valeurs moyennes et médianes doivent être adaptées au cas particulier. Dans la pratique administrative et judiciaire actuelle, il existe à cet effet plus d’une douzaine de caractéristiques dont il est régulièrement tenu compte par une déduction de 5 à 25% du salaire indiqué dans le tableau. La suppression (presque) totale de l’abattement sur le salaire statistique, prévue par la révision de l’AI (Développement continu de l’AI), entraînerait par conséquent un durcissement massif de la pratique en matière de rentes.
  4. La pratique administrative et judiciaire relative à l’abattement sur le salaire statistique est tentaculaire et incohérente, ce qui rend très difficile une application juridiquement équitable et sûre des caractéristiques pertinentes pour la déduction.
  5. L’exercice du pouvoir d’appréciation en matière d’abattement se heurte à des limites en raison des dispositions juridiques très vagues et n’est en outre soumis qu’à un contrôle judiciaire limité.
  6. Les données salariales de l’ESS utilisées englobent donc également un grand nombre de profils de postes inadaptés, qui ont tendance à être rémunérés plus fortement en raison de la pénibilité physique du travail, ce qui conduit à un revenu hypothétique d’invalide surestimé et donc à un degré d’AI plus faible.
  7. Les données salariales de l’ESS reposent sur les revenus de personnes en bonne santé. Or, il est possible de démontrer statistiquement que les personnes atteintes dans leur santé gagnent entre 10 et 15% de moins que les personnes en bonne santé exerçant la même activité.
  8. Le droit à des mesures professionnelles de l’AI – en premier lieu le reclassement – dépend de la perte de gain à laquelle on peut s’attendre, raison pour laquelle des salaires statistiques de l’ESS trop élevés (cf. thèses 7 et 8) se révèlent également être un obstacle au mandat de réadaptation de l’assurance-invalidité.
  9. Selon le Tribunal fédéral, l’utilisation des tables ESS existantes ne devrait être qu’une solution transitoire en raison de divers défauts. Dans le cadre du Développement continu de l’AI, ces défauts risquent d’être cimentés et renforcés à long terme, risquant de réduire encore davantage l’évaluation de l’invalidité à une fiction. »

Consid. 8.1.3
Comme solution pour un accès équitable aux prestations de l’assurance-invalidité, les experts proposent, dans un premier temps, de se baser immédiatement sur le quartile le plus bas (salaire Q1). La deuxième étape consiste à élaborer des barèmes sur la base de profils d’exigence ou d’activités appropriées et à fixer temporairement des abattements clairs et réalistes applicables immédiatement. Dans un troisième temps, il conviendrait d’exploiter les potentiels de l’ESS (différenciations par branche économique, région, formation, âge, etc.) et d’autoriser immédiatement – c’est-à-dire dans le cadre du Développement continu de l’AI – des abattements temporaires dans les tableaux pour les facteurs susceptibles de réduire le salaire en cas de changement de poste pour des raisons de santé.

 

Consid. 8.2
L’assuré fait en outre remarquer que la Prof. em. Riemer-Kafka et al. sont parvenus à la même conclusion dans une contribution (Invalideneinkommen Tabellenlöhne, in: Jusletter vom 22. März 2021). Dans cette contribution, les auteurs sont également partis du principe que les valeurs médianes de l’ESS pour les personnes atteintes dans leur santé se situaient en dehors de la réalité et que les tables de l’ESS se concentraient sur les personnes en pleine possession de leurs moyens. Il serait nécessaire d’affiner les tables de l’ESS et d’appliquer de manière plus différenciée les abattements liés à l’état de santé aux circonstances réelles, dans le but d’obtenir une égalité de traitement lors de l’évaluation du degré d’invalidité. La pratique actuelle du Tribunal fédéral s’éloigne de cette réalité et conduit à une inégalité de traitement. Le niveau de compétences 1 comprend de nombreuses activités physiques généralement pénibles qui ne peuvent habituellement plus être exigées des assurés concernés. Les personnes atteintes dans leur santé ne sont en outre pas géographiquement mobiles, raison pour laquelle la référence à l’ESS pour l’ensemble de la Suisse sans différenciation régionale du salaire n’est pas appropriée pour ces personnes. Une possibilité d’évaluation différenciée du degré d’invalidité serait de prendre en compte les valeurs quartiles de l’ESS. Une autre solution consisterait à appliquer des barèmes en fonction de la profession ou de la formation, ou encore des barèmes conformes à l’invalidité.

 

Consid. 8.3
Enfin, dans son mémoire complémentaire du 15.11.2021, l’assuré renvoie à l’article « Der Weg zu einem invaliditätskonformeren Tabellenlohn ». Il fait notamment valoir que les nouvelles tables KN 1 « light » et KN 1 « light-moderate » mentionnées dans l’annexe relative à l’ESS TA1_tirage_skill_level corroborent les conclusions scientifiques des expertises présentées lors du symposium Weissenstein et donc l’effet discriminatoire de la pratique actuelle. Ainsi, dans le tableau TA1, après élimination des facteurs de distorsion et des activités physiquement pénibles, on constate des salaires médians plus bas, en particulier pour les hommes. La différence de salaire ainsi calculée entre le KN 1 et le KN1 « light-moderate » est d’environ 5 %, et même de 16 % par rapport au KN1 « light ».

 

Consid. 9.1
La détermination du degré d’invalidité est réglée par l’art. 16 LPGA et donc, dans les grandes lignes, par la loi. Sur la base de cette disposition (en relation avec l’art. 7 al. 1 LPGA), le point de référence pour l’évaluation de l’invalidité dans le domaine de l’activité lucrative est le marché du travail supposé équilibré (ATF 147 V 124 consid. 6.2), contrairement au marché du travail effectif. Le fait de se référer au marché du travail équilibré selon l’art. 16 LPGA sert également à délimiter le domaine des prestations de l’assurance-invalidité de celui de l’assurance-chômage (ATF 141 V 351 consid. 5.2). Le marché du travail équilibré est une notion théorique et abstraite. Elle ne tient pas compte de la situation concrète du marché du travail, englobe également, en période de difficultés économiques, des offres d’emploi effectivement inexistantes et fait abstraction de l’absence ou de la diminution des chances des personnes atteintes dans leur santé de trouver effectivement un emploi convenable et acceptable. Il englobe d’une part un certain équilibre entre l’offre et la demande d’emploi ; d’autre part, il désigne un marché du travail qui, de par sa structure, laisse ouvert un éventail de postes différents (ATF 134 V 64 consid. 4.2.1 avec référence ; 110 V 273 consid. 4b ; cf. arrêt 8C_131/2019 du 26 juin 2019 consid. 4.2.2). Le marché du travail équilibré comprend également les emplois dits de niche, c’est-à-dire les offres d’emploi et de travail pour lesquelles les personnes handicapées peuvent compter sur une certaine obligeance de la part de l’employeur. On ne peut toutefois pas parler d’opportunité de travail lorsque l’activité raisonnablement exigible n’est possible que sous une forme si limitée qu’elle est pratiquement inconnue sur le marché équilibré du travail ou qu’elle n’est possible qu’avec la complaisance irréaliste d’un employeur moyen et que la recherche d’un emploi correspondant semble donc d’emblée exclue (SVR 2021 IV n° 26 p. 80, 8C_416/2020 E. 4 ; cf. Christoph Frey/Nathalie Lang, in : Basler Kommentar, Allgemeiner Teil des Sozialversicherungsrechts, 2020, N. 72 ad art. 16 LPGA).

Avec le concept d’un marché du travail équilibré, le législateur part donc du principe que même les personnes atteintes dans leur santé ont accès à un emploi correspondant à leurs capacités (restantes). Même si l’éventail des offres d’emploi et de travail s’est modifié au cours des dernières décennies, notamment en raison de la désindustrialisation et des mutations structurelles, il n’est pas permis de s’écarter du concept de marché du travail équilibré prescrit par la loi en se référant à des possibilités d’emploi ou à des conditions concrètes du marché du travail. Dans cette mesure, la critique des experts mentionnée au considérant 8.1.2 (thèse 1), selon laquelle la notion de marché du travail équilibré a été insidieusement renforcée par la pratique administrative et judiciaire pour devenir une considération largement fictive, ne peut pas constituer un motif de modification de la jurisprudence.

 

Consid. 9.2
Jusqu’à présent, la détermination des revenus de l’activité lucrative sur lesquels se fonde la comparaison des revenus prévue à l’art. 16 LPGA (revenus sans invalidité et d’invalide) n’était pas réglée par la loi. La jurisprudence exposée aux considérants 6.2 à 6.5 s’est formée et développée au fil des ans.

Consid. 9.2.1
Conformément à la jurisprudence actuelle, on se base en premier lieu sur la situation professionnelle concrète, en ce sens que la détermination du revenu sans invalidité se fonde sur le gain réalisé dans l’activité exercée jusqu’alors et que celle du revenu d’invalide se base sur la situation professionnelle et lucrative dans laquelle se trouve la personne assurée après la survenance de l’invalidité.

S’il n’est pas possible de déterminer le revenu sans invalidité et/ou d’invalide selon les circonstances du cas d’espèce, on se base subsidiairement sur les statistiques salariales, en règle générale sur les salaires des tables de l’ESS. Dans ce sens, l’utilisation des ESS dans le cadre de l’évaluation de l’invalidité selon l’art. 16 LPGA est, selon une jurisprudence constante, l’ultima ratio (cf. ATF 142 V 178 consid. 2.5.7 et les références) et n’est en principe pas contestée. Les ESS reposent sur une enquête menée tous les deux ans auprès des entreprises en Suisse ; elles s’appuient donc sur des données complètes et concrètes du marché effectif du travail et reflètent l’ensemble des salaires en Suisse.

Lorsque le Tribunal fédéral utilise les salaires bruts standardisés de l’ESS, il se base sur la valeur dite centrale (médiane), ce qui signifie qu’une moitié des salariés gagne moins et l’autre moitié gagne plus. En règle générale, le salaire médian est inférieur à la moyenne arithmétique (« salaire moyen ») dans la répartition des salaires (revenus) et, en comparaison, il est relativement peu sensible [statistiquement parlant] à la prise en compte de valeurs extrêmes (salaires très bas ou très élevés) (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa et la référence ; arrêt 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). Ce revenu médian peut donc en principe servir de valeur de référence pour déterminer le revenu d’invalide sur un marché du travail équilibré, en partant du principe que les personnes atteintes dans leur santé ont également accès à un emploi correspondant à leurs capacités (restantes).

Consid. 9.2.2
Afin de tenir compte du fait qu’une personne atteinte dans sa santé ne peut, dans certaines circonstances, mettre à profit sa capacité de travail résiduelle qu’avec un résultat économique inférieur à la moyenne, même sur un marché du travail équilibré, la jurisprudence actuelle accorde, lors de la détermination du revenu d’invalide basé sur les données statistiques, la possibilité d’un abattement allant jusqu’à 25%. Cette déduction permet de tenir compte des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier qui justifient une réduction du salaire médian.

L’abattement revêt une importance primordiale en tant qu’instrument de correction lors de la fixation d’un revenu d’invalide aussi concret que possible – ce que reconnaissent également les experts dans l’avis de droit du 22 janvier 2021 (p. 181, n. 687) et dans les conclusions de l’avis de droit du 27 janvier 2021 (p. 33, n. 93). Le Tribunal fédéral est et a toujours été conscient du fait que l’ESS recense des revenus effectivement réalisés par des personnes le plus souvent non handicapées (ATF 139 V 592 consid. 7.4).

L’expertise BASS n’apporte donc rien de nouveau en ce qui concerne la constatation que l’ESS contient principalement des revenus de personnes en bonne santé. Il met toutefois en évidence les dimensions quantitatives de l’écart des salaires des personnes atteintes dans leur santé et favorise la prise en compte du quartile inférieur Q1 plutôt que de la valeur centrale ou médiane. Jusqu’à présent, le Tribunal fédéral a explicitement refusé – en se référant à la possibilité d’un abattement en raison du handicap – de se baser sur le quartile inférieur Q1 de la valeur statistique au lieu du salaire médian ESS tant pour compenser les pertes liées au handicap que pour tenir compte des différences salariales régionales (arrêt 8C_190/2019 du 12 février 2020 consid. 4.1 et les références).

Outre l’abattement sur le salaire statistique, le parallélisme, en tant qu’autre instrument de correction, poursuit également le but de tenir compte du cas particulier lors de la comparaison des revenus par rapport à une considération standardisée. Dans la mesure où l’assuré fait valoir, en se référant à la critique des experts mentionnée au consid. 8.1.2 ci-dessus (thèses 5 et 6), que la pratique des tribunaux, notamment en matière d’abattement, est excessive et incohérente, il convient d’objecter que le taux de l’abattement indiqué dans le cas concret constitue une question d’appréciation et ne peut être corrigé en dernière instance qu’en cas d’excès positif ou négatif de son pouvoir d’appréciation ou en abusant de celui-ci (cf. consid. 6.5 ci-dessus).

Dans la mesure où la jurisprudence du Tribunal fédéral ne permet pas de déduire quelle déduction est appropriée pour quelles caractéristiques dans un cas concret, elle démontre simplement – mais toujours – si une certaine déduction constitue ou non une erreur de droit dans l’exercice du pouvoir d’appréciation.

Consid. 9.2.3
En résumé, pour déterminer le degré d’invalidité de la manière la plus réaliste possible au moyen d’une comparaison des revenus au sens de l’art. 16 LPGA, la jurisprudence actuelle s’oriente subsidiairement, en l’absence de données salariales concrètes, sur les valeurs centrales ou médianes de l’ESS, qui reflètent un marché du travail équilibré. Les possibilités de déduction sur le salaire statistique et de parallélisation constituent des instruments de correction pour une prise en compte adaptée au cas individuel par rapport à une prise en compte standardisée.

La question de savoir dans quelle mesure la détermination du revenu d’invalide sur la base des valeurs médianes de l’ESS, éventuellement corrigées par un abattement lié au handicap et/ou une parallélisation, serait discriminatoire, n’a pas été soulevée de manière étayée dans le recours et n’apparaît pas clairement au regard des arguments avancés par l’assuré. Il ne ressort pas non plus de l’expertise BASS du 8 janvier 2021, ni de l’expertise juridique du 22 janvier 2021, ni des conclusions de l’expertise juridique du 27 janvier 2021, que le fait de partir de la valeur médiane, éventuellement corrigée par un abattement lié au handicap et/ou une parallélisation, serait discriminatoire. Au contraire, les experts dans l’avis de droit et dans les conclusions de l’avis de droit soulignent eux-mêmes l’importance primordiale de l’abattement en tant qu’instrument de correction pour la fixation d’un revenu d’invalide aussi correct que possible. A cet égard, il convient de relever que, d’une part, le salaire médian est en partie atteint par des personnes atteintes dans leur santé et que, d’autre part, les instruments de correction actuels, notamment la possibilité de réduire jusqu’à 25% la valeur médiane, permettent de déterminer un revenu d’invalide inférieur au quartile inférieur Q1.

Il n’y a donc pas de motifs sérieux et objectifs pour modifier la jurisprudence relative au revenu d’invalide déterminé sur la base de données statistiques. On ne peut notamment pas partir du principe que le fait de se baser sur le quartile inférieur Q1 au lieu de la valeur médiane correspond à une meilleure compréhension du but de la loi, à une modification des circonstances de fait ou à l’évolution des conceptions juridiques, comme cela serait nécessaire pour un changement de jurisprudence.

Ce constat est illustré par l’assurance-accidents, dans laquelle le degré d’invalidité est également déterminé selon l’art. 16 LPGA. Le Tribunal fédéral part du principe de l’uniformité de la notion d’invalidité (ATF 133 V 549 consid. 6.1 ; cf. Christoph Frey/Nathalie Lang, op. cit., n. 2, 5 et 79 concernant l’art. 16 LPGA). Se baser sur le quartile inférieur Q1 plutôt que sur la valeur médiane pour déterminer le revenu d’invalide d’un assuré victime d’un accident qui ne peut plus exercer son activité habituelle aurait pour conséquence l’attribution fréquente d’une rente d’invalidité de l’assurance-accidents – étant donné qu’un degré d’invalidité de 10% est déjà déterminant pour l’octroi d’une rente (art. 18 al. 1 LAA). Dans ce contexte, on est surpris que l’OFSP ait renoncé à prendre position sur le recours [Vernehmlassung], faute d’être concerné.

 

Consid. 9.2.4
Enfin, même si les nouveaux tableaux KN 1 « light » et KN 1 « light-moderate » relatifs à l’ESS TA1_tirage_skill_level, mentionnés dans l’annexe de la revue RSAS précitée, n’étaient pas qualifiés de véritables nova (cf. consid. 2.2 et 2.3 ci-dessus), ils ne constituent pas non plus un motif sérieux et objectif pour modifier la jurisprudence relative au revenu d’invalide déterminé sur la base de données statistiques. On peut se référer dans une large mesure au considérant précédent. Dans son mémoire complémentaire, l’assuré ne démontre pas non plus en quoi le calcul du revenu d’invalide sur la base des valeurs médianes du tableau TA1_tirage_skill_level de l’ESS, éventuellement corrigées par un abattement lié au handicap et/ou une parallélisation, serait discriminatoire. Se contenter de renvoyer à de nouveaux tableaux avec des valeurs médianes corrigées ne suffit pas à cet effet, d’autant plus que les écarts allégués de 5% pour le tableau KN 1 « light-moderate » et de 16 % pour le KN 1 « light » peuvent être pris en compte avec les instruments de correction actuels, notamment avec la possibilité d’une déduction de la valeur médiane pouvant atteindre 25%.

En outre, le salaire médian selon le tableau TA1_tirage_skill_level est également atteint par des personnes atteintes dans leur santé – comme mentionné ci-dessus – et n’est pas une valeur fantaisiste. Les auteurs de la contribution parlent, à propos des deux nouveaux tableaux, d’un instrument développé sur une base scientifique et interdisciplinaire qui devrait contribuer à la discussion sur le développement de salaires comparatifs plus conformes à l’invalidité, qui pourrait peut-être même convaincre les instances chargées d’appliquer le droit et qui pourrait être utilisé dans la pratique dans l’intérêt d’une plus grande justice et d’un traitement équitable (RSAS 2021 p. 295).

Dans leurs prises de position, l’OFAS et l’OFSP indiquent que le Conseil fédéral a reconnu la nécessité d’agir dans ce sens et qu’il a chargé l’OFAS, dans le cadre du Développement continu de l’AI, d’examiner s’il était possible de développer des bases de calcul spécifiquement adaptées à l’assurance-invalidité. Dans le cadre de cet examen, l’OFAS tiendra bien entendu compte de l’analyse du bureau BASS, de l’avis de droit du Prof. Dr. iur. Gächter et al. ainsi que de l’étude de la Prof. em. Riemer-Kafka et du Dr. phil. Schwegler. Selon l’OFAS, il convient de noter que les corrections proposées, notamment pour la dernière étude mentionnée, se concentrent sur les personnes assurées souffrant de troubles physiques. L’accent des nouvelles bases de calcul pour les salaires statistiques est donc mis sur l’élimination des activités qui représentent une (lourde) charge physique. Il convient toutefois de noter que, dans l’assurance-invalidité, près de la moitié des bénéficiaires de rentes souffrent de troubles psychiques à l’origine de leur incapacité de gain et que les travaux physiques pénibles demeurent en soi exigibles pour ces assurés. Selon l’OFAS, il conviendra donc d’examiner entre autres comment la solution proposée se répercutera sur l’ensemble des assurés, également sous l’angle de l’égalité de traitement, si elle est compatible avec le concept d’un marché du travail équilibré, comment elle devrait être coordonnée avec les instruments de correction actuels et, enfin, si et comment elle s’intègre dans la structure de l’évaluation de l’invalidité selon le Développement continu de l’AI. Pour ce faire, il faudrait analyser et développer d’éventuels nouveaux tableaux en tenant compte du cadre légal, des conséquences financières et des répercussions sur les autres assurances sociales.

En l’état actuel des choses, on ne peut donc pas partir du principe que le fait de se baser sur les valeurs médianes corrigées des nouveaux tableaux au lieu de la valeur médiane actuelle du tableau TA1_tirage_skill_level correspond à une meilleure compréhension du but de la loi, à une modification des circonstances de fait ou à l’évolution des conceptions juridiques.

Consid. 9.2.5
En résumé, à l’aune de ce qui précède, les conditions d’une modification de la jurisprudence ne sont pas remplies. On ne peut toutefois pas en déduire que la jurisprudence ne peut pas évoluer – notamment sous une situation juridique révisée – puisque le Tribunal fédéral a déjà constaté que des démarches étaient en cours en vue d’un setting plus précis concernant l’utilisation de l’ESS dans l’assurance-invalidité (ATF 142 V 178 consid. 2.5.8.1). Dans ce sens, l’examen de tableaux plus différenciés pour déterminer notamment le revenu d’invalide sur la base de valeurs statistiques constitue un pas dans la bonne direction. Il convient de saluer le fait que, comme le mentionne l’OFAS, les relevés et les analyses de l’expertise BASS du 8 janvier 2021, de l’avis de droit du 22 janvier 2021, des conclusions de l’avis de droit du 27 janvier 2021 ainsi que de la contribution de la Prof. em. Riemer-Kafka et du Dr. phil. Schwegler publiée dans la RSAS doivent dans ce cadre être pris en considération.

 

Consid. 9.3
Enfin, une modification de la jurisprudence n’est pas non plus opportune compte tenu de la révision de la LAI et du RAI entrée en vigueur le 01.01.2022. Même si la situation juridique concernant la détermination du revenu d’invalide des personnes atteintes dans leur santé peut ne pas être satisfaisante en tous points, il convient de constater que la critique fondamentale formulée dans l’avis de droit du 22 janvier 2021 et dans les conclusions de l’avis de droit du 27 janvier 2021 est essentiellement dirigée contre certaines parties de la révision de l’AI (Développement continu de l’AI). Les enquêtes et analyses correspondantes seront intégrées – tout comme celles contenues dans la contribution de la Prof. em. Riemer-Kafka et du Dr. phil. Schwegler – dans l’examen du développement de bases de calcul spécifiquement adaptées à l’assurance-invalidité qui doit être effectué dans le cadre du Développement continu de l’AI (cf. consid. 9.2.4 ci-dessus).

Il n’est pas possible dans le cadre de la présente procédure de se pencher plus en détail sur la révision entrée en vigueur le 01.01.2022, étant donné que le présent cas doit être tranché selon l’ancien droit. Dans la mesure où la critique porte sur la jurisprudence actuelle, il n’est pas indiqué de la modifier, notamment au vu de la durée d’application limitée par la révision entrée en vigueur entre-temps.

 

Consid. 10 [non publié aux ATF 148 V 174]
Les conditions d’un changement de jurisprudence n’étant pas remplies, il reste à examiner si l’instance cantonale a violé le droit fédéral en déterminant le revenu d’invalide de l’assuré.

Consid. 10.1 [non publié aux ATF 148 V 174]
Le fait de se référer à l’ESS n’est pas contesté. Dans la mesure où l’assuré fait valoir un revenu d’invalide en tant que travailleur non-qualifié, niveau de compétence 1, quartile inférieur Q1 selon le tableau 9 ou 10 de l’ESS, il ne soulève pas de griefs concrets à l’encontre du tableau TA1_tirage_skill_level utilisé par l’instance cantonale, mais à l’encontre de l’utilisation de la valeur médiane qui y est indiquée. Le fait de se référer au tableau TA1_tirage_skill_level, à la ligne « Total » et à la valeur centrale (médiane) correspond toutefois à la jurisprudence. Selon les considérations ci-dessus, il n’y a aucune raison de s’en écarter et de se baser sur le quartile inférieur Q1.

Consid. 10.2 [non publié aux ATF 148 V 174]
L’assuré fait valoir que l’abattement de 10% ne tient pas suffisamment compte des conséquences du handicap sur le revenu d’invalide ; en plus de la déduction, il faudrait se baser sur le quartile inférieur Q1. Il ressort du consid. 10.1 ci-dessus qu’il ne faut pas se baser sur le quartile Q1. L’étendue de l’abattement (indiqué dans le cas concret) est une question typique relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit (cf. consid. 6.5 ci-dessus).

Le tribunal cantonal a confirmé l’abattement de 10% retenu par l’office AI en raison des limitations fonctionnelles. Il a expliqué que la limitation du port de charges avec la main droite dominante, l’interdiction de monter sur des échelles et des échafaudages ainsi que d’utiliser des machines dangereuses, la recommandation d’éviter les contacts sociaux continus et le fait que le port de charges très légères devait être alterné avaient déjà été pris en compte lors de la description de l’activité encore exigible et n’imposaient pas de limitations supplémentaires dans le cadre d’une activité adaptée.

Sa structure simple et son QI de 61 ont été pris en compte dans l’évaluation neuropsychologique et ont conduit, dans l’évaluation globale de l’incapacité de travail, à une prise en compte partiellement cumulative des différentes limitations dans les différentes disciplines médicales, raison pour laquelle une prise en compte supplémentaire est également exclue ici.

La présence maximale de cinq à huit heures ne change en rien le rendement de 40 ou 60% pour un taux d’occupation de 100%, raison pour laquelle l’office AI n’a, à juste titre, pas tenu compte d’un abattement en raison d’une activité à temps partiel.

Enfin, l’âge de l’assuré ne constitue pas un motif supplémentaire d’abattement. La situation actuelle due au Covid-19 n’est pas un motif pour s’écarter temporairement du marché du travail équilibré.

Consid. 10.3 [non publié aux ATF 148 V 174]
En résumé, les arguments avancés dans le recours ne font pas apparaître l’arrêt attaqué comme arbitraire ou contraire d’une autre manière au droit fédéral.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_256/2021 consultable ici

ATF 148 V 174 consultable ici 

 

Proposition de citation : 148 V 174 – Détermination du revenu d’invalide, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/04/8c_256-2021-148-v-174)

 

 

9C_325/2021 (f) du 21.12.2021 – Méthode extraordinaire de l’évaluation de l’invalidité / 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_325/2021 (f) du 21.12.2021

 

Consultable ici

 

Méthode extraordinaire de l’évaluation de l’invalidité / 28a LAI – 16 LPGA

 

Assuré, né en 1962, exploite en tant qu’indépendant une entreprise de menuiserie-charpenterie depuis 1988. Dépôt de la demande AI le 22.04.2016, en raison d’une incapacité de travail depuis octobre 2015 (opérations aux épaules consécutives à des accidents).

Eléments médicaux : l’assuré présentait une pleine capacité de travail dans son activité habituelle, avec toutefois une diminution de rendement de 75%, ainsi qu’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (port de charges limité à 5 kg, pas d’activités lourdes ni de travaux en élévation des bras).

1e enquête économique : l’enquêteur a fixé le taux d’invalidité à 44%, sur la base de la méthode extraordinaire d’évaluation.

Par projet de décision du 23.07.2018, l’office AI a informé l’assuré qu’il envisageait de lui reconnaître un droit à un quart de rente d’invalidité dès le 01.10.2016. L’intéressé a contesté le calcul de la rente et a conclu à l’octroi de trois quarts de rente, entraînant un nouveau complément du rapport de l’enquêteur économique, lequel a réévalué le taux d’invalidité à 35,46% (rapport du 27.09.2018).

Dans un nouveau projet de décision du 3 octobre 2018, l’office AI a informé l’assuré de son intention de lui dénier tout droit à une rente d’invalidité. Par décision du 28.01.2018, il a rejeté la demande de prestations de l’assuré, motif pris que le degré d’invalidité (35,46%) – déterminé selon la méthode extraordinaire d’évaluation – était insuffisant pour ouvrir le droit à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 04.05.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité est une question de droit sur laquelle le Tribunal fédéral se prononce librement (arrêt 9C_337/2020 du 25 novembre 2020 consid. 3 et la référence).

 

Dans son écriture adressée à l’office AI le 28.02.2018, l’assuré a indiqué avoir adapté ses tâches professionnelles dans le but de réduire sa perte de gain, ensuite de l’apparition de ses problèmes de santé. Il a relevé avoir diminué ses activités de charpente ainsi que les travaux lourds et accomplir en contrepartie davantage de travaux de menuiserie, ce dont l’enquêteur économique a tenu compte dans son rapport complémentaire du 27.09.2018 pour réévaluer à la baisse la perte de gain. Il résulte en outre des faits constatés par la cour cantonale que l’assuré fait appel à du personnel temporaire en fonction des besoins, de sorte que les résultats d’exploitation de son entreprise dépendent d’au moins un facteur étranger à l’invalidité. Ainsi, les circonstances justifient le choix de l’office AI et de l’autorité précédente d’appliquer la méthode extraordinaire pour déterminer le taux d’invalidité, comme d’ailleurs requis par l’assuré dans son écriture du 28.02.2018.

Le fait que celui-ci invoque dorénavant l’application d’une autre méthode d’évaluation ne saurait suffire à admettre le bien-fondé de son grief. Rien n’interdisait par ailleurs à l’enquêteur économique de compléter son analyse dans son rapport complémentaire du 27.09.2018 pour aboutir à de nouvelles conclusions, ni à l’office AI de se fonder sur cette nouvelle évaluation pour rendre une décision qui s’écartait du premier projet de décision du 23.07.2018. Enfin, on ne voit pas en quoi l’office AI ou la juridiction cantonale auraient, en appliquant la méthode extraordinaire d’évaluation de l’invalidité, confondu la situation personnelle de l’assuré avec celle de son entreprise, comme le soutient l’assuré en se référant à la jurisprudence prohibant une telle confusion (cf. notamment arrêt 9C_236/2010 du 7 octobre 2009 consid. 3.4).

 

Les critiques de l’assuré concernant sa reconversion imposée dans une nouvelle activité salariée tombent à faux, dès lors que tant l’office AI que l’instance cantonale ont évalué le taux d’invalidité en tenant compte de son choix de poursuivre son activité habituelle moyennant certains aménagements. L’assuré ayant clairement exprimé ce choix et librement réorganisé son entreprise pour assurer la viabilité de celle-ci malgré les atteintes à sa santé, on ne voit pas que la cour cantonale aurait violé sa liberté économique.

 

Par ailleurs, les juges cantonaux n’ont pas retenu que son entreprise était tenue de renoncer à tout travail de charpente pour réduire le dommage; le rapport complémentaire de l’enquêteur économique du 27.09.2018, qui fonde le taux d’invalidité retenu de 35,46%, mentionne que l’on peut exiger de l’assuré qu’il accomplisse des travaux de menuiserie, avec une baisse de rendement, et qu’il renonce à accomplir lui-même les travaux de charpente pour les confier, sous sa surveillance et sa direction, à son ouvrier ou à des travailleurs temporaires. Par rapport à la première évaluation du taux d’invalidité ressortant du rapport complémentaire du 17.07.2018, le nouveau calcul présenté dans le rapport subséquent du 27.09.2018 prend mieux en compte les aménagements effectués dans l’entreprise ensuite de l’apparition des problèmes de santé de l’assuré, ainsi que ses limitations fonctionnelles, qui le handicapent plus lourdement dans des travaux de charpente que dans ceux en principe plus légers de menuiserie. La nouvelle évaluation du taux d’invalidité, arrêté à 35,46%, reflète davantage les activités encore exigibles de la part de l’assuré, dont il a fait état dans son courrier du 28.02.2018, que l’évaluation précédente ayant abouti à un taux d’invalidité de 44%. Il convient de s’y tenir. Dès lors, par ailleurs, que l’assuré a voulu maintenir son activité habituelle sans envisager une reconversion professionnelle, il devait s’attendre à devoir aménager certains champs d’activité en fonction des limitations mises en évidence par les médecins. A cet égard, c’est en vain qu’il soutient que les travaux de charpente ne pourraient pas être effectués sans lui, alors qu’il avait l’habitude – déjà avant la survenance de l’atteinte à la santé – de recourir à l’aide d’auxiliaires temporaires en cas de besoin.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_325/2021 consultable ici

 

 

8C_627/2021 (d) du 25.11.2021 – Abattement sur le revenu d’invalide fixé selon l’ESS

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_627/2021 (d) du 25.11.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Revenu d’invalide – Capacité de travail entière avec baisse de rendement de 30% (CT exigible : 70%)

Abattement sur le revenu d’invalide fixé selon l’ESS / 16 LPGA

Pas d’abattement en raison de l’âge (même si cotisations LPP plus élevées) ni pour les difficultés linguistiques et analphabétisme

 

Assuré, né en 1964, a été employé en dernier lieu du 01.10.2010 au 05.09.2017 en tant qu’ouvrier du bâtiment. Son dernier jour de travail a été le 09.07.2015. Le 15.07.2015, il a subi une décompression microchirurgicale du disque L5/S1 gauche. Le 05.11.2015, l’assuré a déposé une demande AI. D’autres opérations du dos ont eu lieu les 14.03.2016 et 14.09.2016. L’office AI a accordé à l’assuré une rente entière d’invalidité du 01.07.2016 au 30.09.2017 et une demi-rente d’invalidité du 01.10.2017 au 31.12.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt IV.2021.00339 – consultable ici)

Par jugement du 08.10.2020, le tribunal cantonal a partiellement admis le recours de l’assuré, réformant la décision en ce sens que le droit de l’assuré à une rente entière du 01.07.2016 au 30.09.2017, un trois-quarts de rente du 01.10.2017 au 31.12.2018 et un quart de rente à partir du 01.01.2019 lui est reconnu (dispositif ch. 1).

Le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours formé par l’assuré contre cette décision. Il a annulé le chiffre 1 du dispositif du jugement cantonal dans la mesure où il concernait le droit à un quart de rente à partir du 01.01.2019. Il a renvoyé l’affaire à la juridiction cantonale pour nouvelle décision (arrêt 8C_761/2020 du 29 avril 2021).

Par jugement du 29.06.2021, le tribunal cantonal a confirmé le ch. 1 du dispositif de son jugement du 08.10.2020. Sur le plan médical, l’instance cantonale a considéré en substance que les rapports du médecin du SMR, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie, avaient valeur de preuve. Le médecin du SMR a démontré de manière compréhensible que l’assuré n’était plus capable de travailler dans son activité habituelle d’ouvrier du bâtiment et que l’assuré avait une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée à partir du 28.06.2017 et à 70% dès le 17.09.2018 (présence toute la journée avec rendement réduit de 30% en raison d’un besoin accru de pauses).

 

TF

Sur la base de l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral 8C_761/2020 du 29.04.2021 (ci-après : arrêt de renvoi), il est établi, sur la base du rapport du médecin du SMR, que l’assuré est capable de travailler à 70% dans des activités légères adaptées à son état de santé, avec une présence toute la journée (rendement réduit de 30% en raison d’un besoin accru de pauses) (sur le caractère contraignant des arrêts de renvoi du Tribunal fédéral, cf. ATF 135 III 334 consid. 2 ; 117 V 237 consid. 2a ; cf. également arrêt 8C_530/2019 du 20 novembre 2019 consid. 4). En outre, selon l’arrêt de renvoi, le revenu d’invalide doit être calculé sur la base du tableau TA1 de l’ESS 2016, valeur centrale des salaires mensuels bruts des hommes dans le domaine « Total » du secteur privé, niveau de compétences 1. Le revenu raisonnablement exigible est ainsi de 46’762 francs par an (taux d’occupation de 70%).

Selon l’arrêt de renvoi, l’instance cantonale devait uniquement juger si un abattement devait être effectuée sur ce revenu de 46 762 francs, conformément à l’ATF 126 V 75.

Consid. 5.2

Il est peut-être vrai que les travailleurs avec un rendement réduit utilisent l’infrastructure de l’employeur de manière plus inefficace et donc plus coûteuse que les travailleurs ayant un rendement illimité. Toutefois, il n’existe pas d’indices suffisants pour que cet effet ne soit pas compensé par les avantages de la présence du travailleur toute la journée (cf. arrêt 8C_211/2018 du 8 mai 2018 consid. 4.4 et les références). Il n’y a pas de raison apparente de déroger à cette règle (à ce sujet, cf. ATF 145 V 304 consid. 4.4).

 

Consid. 6.2

L’assuré fait valoir que les charges salariales plus élevées pour les cotisations patronales de prévoyance professionnelle ne sont pas prises en compte dans le salaire médian de l’ESS et que ce désavantage ne peut pas être compensé par des ressources, des compétences et/ou des capacités supérieures à la moyenne. Au contraire, l’assuré ne pourrait offrir sur le marché que des prestations inférieures à la moyenne. Un employeur aurait pour lui, par rapport à un jeune qui débute, des coûts supérieurs de plus de 6% rien que pour les cotisations LPP.

Selon le TF : Le seul fait qu’il y ait des charges salariales plus élevées et une durée d’activité plus courte ne justifie pas une déduction en raison du facteur « âge », car cela vaut pour tous les travailleurs et ne tient pas compte du cas particulier. En l’absence de bases statistiques fiables montrant les désavantages salariaux de l’âge avancé en cas de perte d’emploi, il n’est entre-temps pas possible d’en juger de manière générale et abstraite (arrêt 8C_841/2017 du 14 mai 2018 consid. 5.2.2.3).

 

Consid. 6.3

L’instance cantonale a considéré, eu égard à l’âge de l’assuré, qu’il avait travaillé pendant de nombreuses années comme ouvrier du bâtiment et qu’il avait également de l’expérience dans d’autres branches (service, cuisine, agriculture). Il pourrait profiter de sa longue expérience sur le marché du travail équilibré, d’autant plus qu’il dispose d’un très bon certificat de travail de son dernier employeur. Rien n’indique que sa capacité d’adaptation et d’apprentissage soit altérée. De même, au vu de son parcours professionnel réussi, rien n’indiquerait que ses capacités de négociation seraient limitées et qu’il serait concrètement désavantagé dans sa recherche d’emploi par rapport à d’autres candidats.

Selon le TF (consid. 6.3.2) : L’argument selon lequel ses activités antérieures dans le service, la cuisine et l’agriculture remontent à trop longtemps et ne peuvent plus être exigées de lui en raison de son état de santé n’est pas pertinent. En effet, cela ne change rien au fait que, selon la constatation des juges cantonaux qui n’est pas manifestement erronée, il dispose d’une longue expérience professionnelle dont il peut profiter sur un marché du travail équilibré. En particulier, il dispose d’une longue familiarité avec les postes de travail en Suisse depuis les années 1983 à 2000 et depuis janvier 2003 jusqu’à son dernier jour de travail le 09.07.2015. L’assuré ne fait pas valoir que son revenu en Suisse avant la survenance de l’invalidité ne correspondait pas aux revenus usuels de la branche ou qu’il était inférieur à la moyenne (cf. aussi ATF 146 V 16 consid. 6.2.3 et consid. 7.2.2). Il n’y a pas non plus de raison de supposer qu’il aurait été désavantagé sur le plan salarial dans une activité lucrative légère adaptée à son état de santé.

 

Consid. 7

L’assuré objecte en outre qu’après plus de 31 ans d’activité professionnelle en Suisse, il ne parle pas l’allemand. Cela le pénalise par rapport à ses concurrents sur le marché du travail, et ce aussi bien en ce qui concerne la communication et l’employabilité dans l’entreprise que la capacité de négociation. L’office AI n’aurait même pas pu lui proposer un placement, faute de connaissances linguistiques. Pour la recherche d’un emploi, il a dû faire appel à un prestataire de services qu’il a lui-même payé. L’analphabétisme va bien au-delà du manque de connaissances linguistiques et écrites. Il n’entre donc pas en ligne de compte pour des tâches de bureau et des fonctions de surveillance.

Selon le TF (consid. 7.2) : Au vu de l’activité lucrative que l’on peut raisonnablement attendre de l’assuré dans le niveau de compétence le plus bas, à savoir le niveau 1, il n’est pas possible de justifier dans la pratique un abattement sur le revenu statistique en raison de difficultés linguistiques ou d’analphabétisme (arrêts 8C_151/2020 du 15 juillet 2020 consid. 6.3.4 et 8C_328/2011 du 7 décembre 2011 consid. 10.2). Compte tenu également des activités professionnelles qu’il exerce depuis de nombreuses années en Suisse, on ne voit pas pourquoi l’assuré ne serait pas en mesure d’exercer des activités physiques légères ne nécessitant pas de connaissances linguistiques ou scolaires particulières (cf. consid. 6.3 ci-dessus ; arrêt 8C_370/2020 du 15 octobre 2020 consid. 11.2.2.1).

Le fait que la recherche d’emploi de l’assuré est rendue plus difficile pour des raisons linguistiques est, d’une part, étranger à l’invalidité et, d’autre part, sans pertinence dans le cadre de la question de l’abattement.

 

En conclusion, le TF confirme l’absence d’abattement et rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_627/2021 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 8C_627/2021 (d) du 25.11.2021 – Abattement sur le revenu d’invalide fixé selon l’ESS, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/02/8c_627-2021)

9C_701/2020 (f) du 06.09.2021 – Evaluation de l’invalidité – Caractère invalidant de troubles psychiques et autres syndromes sans substrat organique (troubles somatoformes douloureux/fibromyalgie) – 16 LPGA – 28a LAI / Valeur probante d’une expertise judiciaire bidisciplinaire (rhumato-psy)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_701/2020 (f) du 06.09.2021

 

Consultable ici

 

Evaluation de l’invalidité – Caractère invalidant de troubles psychiques et autres syndromes sans substrat organique (troubles somatoformes douloureux) / 16 LPGA – 28a LAI

Evaluation de la fibromyalgie sur le plan de la capacité de travail soumise à la grille d’évaluation grille d’évaluation normative et structurée du caractère invalidant des troubles psychiques au moyen d’indicateurs standards

Valeur probante d’une expertise judiciaire bidisciplinaire (rhumato-psy)

 

Assurée, née en 1963, engagée depuis septembre 1992 comme conseillère de vente, à temps partiel.

En incapacité de travail depuis juin 2015, l’assurée a déposé le 08.01.2016 une demande de prestations AI, en invoquant souffrir depuis 2012 notamment de douleurs chroniques des épaules ainsi que de douleurs cervico-brachiales et lombaires.

L’office AI a versé à son dossier celui de l’assurance-maladie de l’assurée, qui contenait notamment un rapport d’expertise pluridisciplinaire du 26.02.2016. Par décision du 03.03.2017, l’office AI a rejeté la demande de l’assurée, au motif qu’elle ne présentait pas d’atteinte à la santé au sens de l’assurance-invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/821/2020 et ATAS/844/2020)

Entre autres mesures d’instruction et après avoir considéré que le rapport d’expertise pluridisciplinaire du 26.02.2016 n’était pas probant, la cour cantonale a ordonné une expertise psychiatrique et rhumatologique. Les experts ont rendu un avis consensuel le 23.04.2020, selon lequel l’assurée était totalement incapable de travailler dans toute activité depuis le mois de décembre 2015.

La cour cantonale a retenu que l’assurée était totalement incapable de travailler dans toute activité dès le mois de décembre 2015, en se fondant sur les conclusions des rapports d’expertise judiciaire, auxquelles elle a reconnu une pleine valeur probante. L’expert psychiatrique avait en particulier procédé à l’examen des indicateurs développés par le Tribunal fédéral, ce qui relevait de sa compétence. Il n’avait pas retenu une incapacité de travail sous l’angle purement psychiatrique, en réservant toutefois l’appréciation globale du cas, selon les conclusions de l’expert rhumatologue. Après avoir eu connaissance de ces dernières, il avait conclu de manière consensuelle avec l’expert rhumatologue que l’assurée était totalement incapable de travailler en raison de l’ensemble de ses atteintes physiques et psychiques, retenant que l’ensemble de ses atteintes réduisait ses ressources.

Par jugement du 30.09.2020, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision de l’office AI en ce sens que l’assurée avait droit à une rente entière d’invalidité dès le 01.12.2016.

 

TF

S’agissant de la valeur probante de rapports médicaux, que le juge ne s’écarte en principe pas sans motifs impérieux des conclusions d’une expertise judiciaire, la tâche de l’expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l’éclairer sur les aspects médicaux d’un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut notamment constituer une raison de s’écarter d’une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu’une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d’autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l’expert, on ne peut pas exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d’une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2; 135 V 465 consid. 4.4; arrêt 8C_711/2020 du 2 juillet 2021 consid. 3.2 et la référence citée).

Le Tribunal fédéral a considéré qu’il se justifiait sous l’angle juridique, en l’état des connaissances médicales, d’appliquer par analogie les principes développés par la jurisprudence en matière de troubles somatoformes douloureux à l’appréciation du caractère invalidant d’une fibromyalgie, vu les nombreux points communs entre ces troubles (ATF 132 V 65 consid. 4). Quand bien même le diagnostic de fibromyalgie était d’abord le fait d’un médecin rhumatologue, il convenait ici aussi d’exiger le concours d’un médecin spécialiste en psychiatrie. Une expertise interdisciplinaire tenant à la fois compte des aspects rhumatologiques et psychiques apparaissait donc la mesure pour établir de manière objective si l’assuré présentait un état douloureux d’une gravité telle que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du travail ne pouvait plus du tout ou seulement partiellement être exigible de sa part (ATF 132 V 65 consid. 4.3; arrêt 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2). La modification de la jurisprudence ayant conduit à l’introduction d’une grille d’évaluation normative et structurée du caractère invalidant des troubles psychiques au moyen d’indicateurs standards (ATF 143 V 409; 143 V 418; 141 V 281) n’a rien changé à cette pratique : la fibromyalgie est toujours considérée comme faisant partie des pathologies psychosomatiques et son évaluation sur le plan de la capacité de travail est par conséquent soumise à la grille d’évaluation mentionnée (cf. arrêt 9C_808/2019 du 18 août 2020 consid. 5.2 et la référence citée).

Dans leur appréciation consensuelle du 23.04.2020, les experts n’ont pas retenu, sur le plan psychique, l’existence d’une atteinte durablement incapacitante, mais ont indiqué qu’il existait une certaine fragilité au niveau de la personnalité et de l’humeur, ce qui entraînait une légère diminution des ressources adaptatives renforçant l’effet délétère des atteintes physiques. Sur le plan somatique, ils ont relevé « des atteintes cliniques et surtout une diminution sévère des ressources (cf. texte de l’expertise pour les détails) dans le cadre du syndrome douloureux chronique, la polyarthrose (périphérique et au rachis), la polytendinopathie avec des bursites ». Les experts ont conclu que l’état de santé de l’expertisée et les répercussions fonctionnelles entraînaient une incapacité de travail totale dans toute activité depuis décembre 2015.

A l’instar de l’office AI recourant, on ne saurait suivre le raisonnement des juges cantonaux, selon lequel l’avis consensuel du 23.04.2020 constitue un examen global de l’état de santé et de la capacité de travail de l’assurée. En effet, en l’absence de diagnostic psychiatrique invalidant et compte tenu du fait que l’assurée dispose, selon le volet psychiatrique de l’expertise, de ressources mobilisables suffisantes pour contrebalancer les effets limitatifs de la dysthymie de gravité légère à moyenne, l’appréciation du rhumatologue, qui semble attester une incapacité de travail totale principalement sur la base des troubles psychosomatiques (syndrome douloureux chronique; « syndrome anxio-dépressif sévère ») apparaît contradictoire. L’expert rhumatologue a indiqué que l’incapacité totale de travail s’explique « surtout par une réduction des ressources dans la globalité de la patiente » présentant un syndrome anxio-dépressif sévère, tandis que l’expert psychiatre n’a pas retenu un tel diagnostic, ni une autre atteinte de degré sévère.

S’agissant ensuite de la question des limitations fonctionnelles, même si l’on se réfère aux rapports d’expertise respectifs, on ne parvient pas à comprendre en quoi celles-ci consistent concrètement ou de quel diagnostic elles résultent précisément, ni pourquoi elles limitent entièrement la capacité de travail de l’assurée. Ainsi, dans son rapport, l’expert rhumatologue énumère une liste de syndromes et d’atteintes somatiques dont souffre l’assurée, en indiquant de manière très générale que « tous les mouvements de la performance physique globale sont très limités », il en déduit directement une incapacité totale de travail sans expliquer en quoi les diagnostics posés ont des répercussions sur la capacité de travail, ni en quoi consistent celles-ci. Cela étant, l’avis consensuel fait plutôt apparaître un manque de cohérence entre les deux rapports d’expertises, dans lesquels les spécialistes renvoient – à tour de rôle – à l’appréciation de l’autre expert, particulièrement s’agissant de la fibromyalgie respectivement du trouble somatoforme douloureux, sans qu’il soit possible pour l’organe d’application du droit de comprendre si les critères de classification sont effectivement remplis (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1). Aussi, force est de constater qu’en l’état de l’instruction, la cour cantonale ne pouvait pas se fonder sur l’appréciation consensuelle du 23.04.2020 pour l’évaluation de la capacité de travail de l’assurée.

L’argumentation de l’office recourant est également fondée en tant qu’elle porte sur le grief selon lequel les juges cantonaux n’ont pas effectué d’évaluation du caractère invalidant des atteintes psychiatriques au regard des indicateurs développés par la jurisprudence (ATF 141 V 281). Dans la mesure où ils ont retenu une incapacité de travail totale sur la base de l’appréciation consensuelle, ils ne pouvaient pas renoncer à examiner les conclusions médicales en fonction de la grille d’évaluation déterminante. S’il est vrai qu’il appartient au médecin de poser un diagnostic selon les règles de la science médicale, il n’en demeure pas moins que l’évaluation du caractère invalidant au regard des indicateurs développés par la jurisprudence est du ressort de l’administration ou, en cas de litige, de celui du juge (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.1.1. in initio, arrêt 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2 in fine).

 

En l’absence d’une appréciation globale interdisciplinaire suffisamment motivée et tenant à la fois compte des aspects rhumatologiques et psychiques pour établir de manière objective si l’assurée présente un état douloureux d’une gravité telle que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du travail ne pouvait plus du tout ou seulement partiellement être exigible de sa part, il s’avère nécessaire de faire compléter l’instruction médicale. Contrairement à ce que fait valoir l’office recourant, on ne saurait se fonder sur l’avis de son service médical du 19.05.2020, dès lors déjà que celui-ci constitue non pas une appréciation du cas à proprement parler, mais plutôt une critique à l’égard de l’expertise judiciaire. Par conséquent, il convient de renvoyer l’affaire à l’instance précédente afin qu’elle procède à un complément d’expertise, en demandant par exemple aux médecins-experts une nouvelle prise de position consensuelle dûment motivée mettant en lien de manière coordonnée les diagnostics retenus et leurs effets éventuels sur la capacité de travail de l’assurée. Au besoin, il lui est loisible d’ordonner une nouvelle expertise.

 

Le TF admet le recours de l’office AI et annule le jugement cantonal, renvoyant la cause à l’autorité cantonale pour qu’elle complète l’instruction au sens des considérants et rende un nouvel arrêt.

 

 

 

Arrêt 9C_701/2020 consultable ici

 

 

9C_147/2021 (f) du 13.10.2021 – Début et fin du droit à des prestations d’invalidité – 26 LPP / Survenance de l’incapacité de travail – Connexité matérielle et temporelle

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_147/2021 (f) du 13.10.2021

 

Consultable ici

 

Début et fin du droit à des prestations d’invalidité / 26 LPP

Survenance de l’incapacité de travail – Connexité matérielle et temporelle

Absence de preuve d’une incapacité de travail de 20% au moins

 

Assuré, né en 1967, a travaillé pour le compte de la Poste Suisse, du 01.11.1983 au 30.09.2012. A ce titre, il a été assuré pour la prévoyance professionnelle auprès de la Caisse de pensions Poste (ci-après: la Caisse de pensions) jusqu’au 30.09.2012. L’assuré s’est ensuite inscrit à l’assurance-chômage dès le 01.10.2012.

Entre-temps, l’office AI a reconnu le droit de l’assuré à un quart de rente d’invalidité du 01.03.2006 au 31.05.2006, puis à une rente entière du 01.06.2006 au 31.12.2006. A la suite d’une nouvelle demande de prestations présentée par l’assuré en septembre 2014, l’office AI lui a octroyé une rente entière d’invalidité du 01.03.2015 au 28.02.2017, puis dès le 01.06.2017 (décisions des 21.09.2017 et 24.11.2017). En bref, l’administration a considéré, après avoir notamment diligenté une expertise auprès d’un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et sollicité l’avis de son Service médical régional (SMR), que l’assuré présentait une incapacité totale de travail dans toute activité professionnelle depuis le 24.10.2013. L’office AI a précisé que si la demande de prestations n’avait pas été tardive, l’assuré aurait pu prétendre à une rente entière d’invalidité, fondée sur un taux d’invalidité de 100%, depuis le 01.10.2014.

Le 20.09.2017, l’assuré s’est adressé à la Caisse de pensions en vue d’obtenir des prestations de la prévoyance professionnelle. Celle-ci a nié toute obligation de prester, au motif que selon les décisions de l’office AI des 21.09.2017 et 24.11.2017, l’incapacité de travail ayant conduit à l’invalidité avait débuté le 24.10.2013, soit à un moment où l’assuré n’était plus affilié auprès d’elle.

 

Procédure cantonale

Après avoir constaté que l’office AI avait fixé au 24.10.2013 le moment de la survenance de l’incapacité de travail qui a constitué la cause de l’invalidité ayant fondé le droit de l’assuré à une rente de l’assurance-invalidité dès le 01.03.2015, et considéré que cette date n’était cependant pas déterminante pour l’examen du droit aux prestations de la prévoyance professionnelle, dès lors que la demande de prestation de l’assurance-invalidité avait été présentée tardivement par l’assuré, la juridiction cantonale a procédé à une appréciation du cas sans égard à la date déterminante pour l’assurance-invalidité.

La cour cantonale a constaté que l’incapacité de travail ayant conduit au droit de l’assuré à une rente de l’assurance-invalidité en 2006 était exclusivement en lien avec des atteintes somatiques, alors que la rente octroyée dès le 01.03.2015 l’avait été en raison essentiellement d’un trouble spécifique de la personnalité, personnalité anxieuse (F60.4) et d’un trouble dépressif récurrent, épisode moyen. Partant, les juges cantonaux ont nié que l’incapacité de travail survenue en 2006 pût constituer la cause de l’invalidité reconnue dès 2015 (à défaut de lien de connexité matérielle).

Si l’instance cantonale a ensuite admis que le choc subi par l’annonce du licenciement le 17.04.2012 avait entraîné une perturbation psychique chez l’assuré, elle a constaté que celle-ci n’avait évolué que progressivement vers une atteinte sévère et finalement invalidante et qu’aucun élément au dossier ne permettait de retenir une perte (durable) de capacité de travail de l’intéressé durant sa période d’emploi auprès de la Poste Suisse pour ce motif. Les premiers éléments concrets concernant une baisse de la capacité de travail de l’assuré avaient été mentionnés le 04.10.2013 par l’office régional de placement, alors que l’assuré était inscrit depuis le 01.10.2012 comme demandeur d’emploi à 100% à l’assurance-chômage. En conséquence, les juges cantonaux ont admis que la connexité temporelle entre la prétendue incapacité de travail durant le rapport de prévoyance (dès le printemps 2012) et l’invalidité ultérieure avait été interrompue.

Par jugement du 25.01.2021, rejet de l’action par le tribunal cantonal.

 

TF

La juridiction cantonale n’a pas négligé ni minimisé le diagnostic d’état dépressif réactionnel posé en 2006 par le médecin-traitant, spécialiste en médecine interne générale. Si ce médecin a certes attesté une incapacité totale de travail depuis le 30.05.2006, il a fait état d’une évolution favorable sur le plan psychique dans son rapport du 18.08.2006, puis a, par la suite, conclu au recouvrement d’une capacité totale de travail dès le 06.11.2006. Dans un rapport établi le 30.01.2018, à la demande du mandataire de l’assuré, le médecin-traitant a par ailleurs indiqué qu’en 2006 son patient avait fait une réaction dépressive transitoire et réactionnelle à sa peur d’être licencié à l’époque par sa hiérarchie, en précisant qu’il n’y avait pas eu de diminution fonctionnelle de rendement en raison d’une atteinte à la santé psychique et que si l’assuré avait été en incapacité de travail à différentes reprises avant le 30.09.2012, c’était en raison de divers accidents (genoux et chevilles). Dans son rapport final, le médecin du SMR a retenu le diagnostic principal d’état après corrections chirurgicales de troubles de la statique du pied gauche et le diagnostic associé avec répercussion sur la capacité de travail d’état après myocardite aiguë. Il a en revanche classé le trouble de l’humeur au sein des diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail.

C’est également sans fondement que l’assuré reproche à la juridiction cantonale de ne pas avoir pris en compte une note interne établie par l’office AI le 31.10.2007, à la suite d’un entretien téléphonique. Le fait que l’assuré aurait, au cours de cet entretien, « surréagi et craignait d’être licencié s’il percevait une rente » ne permet en effet pas de conclure à une incapacité de travail pour des raisons psychiques à cette époque, dès lors déjà que ces déclarations sont contredites par les rapports médicaux versés au dossier.

Si le médecin-expert a certes indiqué qu’à partir de l’entretien disciplinaire d’avril 2012 et de l’annonce de son licenciement, l’assuré s’était senti fragile psychiquement et avait fait une « réaction aiguë à un facteur de stress », et qu’il a conclu à une incapacité totale de travail à compter de « la fin de son activité en juillet 2012 », cette conclusion est infirmée par d’autres éléments du dossier. Outre le fait que l’assuré n’a cessé de travailler que le 01.09.2012, dans son premier rapport d’expertise, le médecin-expert n’avait pas fait état d’une incapacité de travail de 20% au moins avant le 24.10.2013. Par ailleurs, le médecin-traitant a attesté une incapacité totale de travailler depuis le 24.10.2013 seulement, et non dès 2012 déjà. Comme l’a retenu sans arbitraire la juridiction cantonale, la seconde évaluation du médecin-expert, postérieure de plus de six ans après la période déterminante, n’est dès lors pas susceptible d’établir une diminution de la capacité de travail pendant ou au terme des rapports de travail avec la Poste Suisse.

Le fait que l’assuré a annoncé à son employeur qu’il avait des « problèmes de moral » au cours de l’entretien disciplinaire d’avril 2012 et qu’en réponse à l’annonce de son licenciement, il a manifesté « une volonté de se jeter dans le Rhône », ne sont pas non plus des éléments suffisants pour admettre, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’il présentait une incapacité de travail en raison d’une atteinte à la santé psychique au printemps 2012 déjà. Outre qu’il s’agit des propres déclarations – subjectives – de l’assuré, on constate, à la suite de la juridiction cantonale, que les premiers éléments concrets concernant une baisse de la capacité de travail de l’assuré ont été mentionnés le 04.10.2013 par l’office régional de placement, alors que l’assuré était inscrit depuis le 01.10.2012 comme demandeur d’emploi à 100% à l’assurance-chômage. Hormis des incapacités attestées en raison d’accidents divers et un jour d’arrêt maladie le jour de l’annonce du licenciement, le 17.04.2012, aucune incapacité de travail pour des raisons psychiques n’avait été médicalement attestée. Il ressort par ailleurs des décomptes de salaires afférents aux mois de mai à septembre 2012 et des relevés de la saisie du temps de travail relatifs aux mois de juillet à septembre 2012 que l’assuré avait travaillé jusqu’au terme des rapports de travail, effectuant même les travaux de nuit. A cet égard, l’argumentation de l’assuré selon laquelle il n’aurait travaillé que 31 jours de juillet à septembre 2012, ce qui lui « permettait de compenser une incapacité de travail due à son état de santé », ne saurait emporter conviction, dès lors déjà qu’il admet avoir été en vacances et libéré de son obligation de travailler pendant une partie de cette période.

Quant au fait que l’assuré a mentionné, lors de son premier entretien à l’office régional de placement, le 05.10.2012, qu’il était en dépression, il ne suffit pas non plus pour admettre qu’il était déjà en incapacité de travail à cette époque. Outre qu’il s’est inscrit auprès de l’assurance-chômage en tant que demandeur d’emploi à 100% dès le 01.10.2012, on constate, à la suite des juges cantonaux, qu’aucun élément ne permet de retenir une incapacité de travail à ce moment-là, puisque l’assuré avait cherché activement du travail, suivi des cours informatiques et bénéficié d’un programme temporaire (PET) auprès de l’hôpital F.__. L’assuré a en conséquence perçu de pleines indemnités de chômage du 01.10.2012 au 18.10.2013, ce qu’il ne conteste pas.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_147/2021 consultable ici

 

 

Développement continu de l’AI : entrée en vigueur le 01.01.2022

Développement continu de l’AI : entrée en vigueur le 01.01.2022

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 03.11.2021 consultable ici
(version italienne / allemande)

 

Le Développement continu de l’AI entrera en vigueur le 01.01.2022. Le Conseil fédéral l’a décidé lors de sa séance du 03.11.2021. Cette révision de loi apporte des améliorations en particulier en faveur des enfants, des jeunes et des personnes atteintes de troubles psychiques. Les expertises médicales feront l’objet de mesures visant à garantir la qualité et à améliorer la transparence. La mise en œuvre de la révision implique d’importantes modifications au niveau réglementaire, lesquelles ont été soumises à consultation. Le Conseil fédéral a pris connaissance des résultats et adapté quelques dispositions en conséquence.

Le Développement continu de l’AI vise notamment à soutenir, de façon encore plus ciblée, les enfants et les jeunes en situation de handicap ainsi que les personnes atteintes dans leur santé psychique, ceci afin de renforcer leur potentiel de réadaptation et d’améliorer leur aptitude au placement. À cette fin, l’AI intensifiera la collaboration avec les acteurs impliqués, en particulier les médecins traitants et les employeurs. En outre, les mesures en faveur des jeunes seront coordonnées et davantage orientées vers le marché primaire du travail. Les prestations de conseil et de suivi seront étoffées et consolidées pour profiter tant aux jeunes assurés qu’aux professionnels de l’enseignement et de la formation. Les instruments de détection précoce et les mesures de réinsertion socioprofessionnelles qui ont fait leurs preuves auprès des adultes seront étendus aux jeunes.

 

Expertises médicales : amélioration de la qualité et de la transparence

Dans le cadre du Développement continu de l’AI, les mesures d’instruction et la procédure liée aux expertises médicales seront uniformisées pour toutes les assurances sociales. Lors de l’attribution des mandats d’expertise, l’assurance et la personne assurée devront se mettre d’accord sur un mandataire. En outre, les expertises deviendront plus transparentes : les entretiens entre experts et assurés feront désormais l’objet d’un enregistrement sonore, qui sera joint au dossier. En ce qui concerne l’AI en particulier, les offices AI tiendront une liste publique contenant des informations sur les experts auxquels ils font appel (nombre d’expertises effectuées, remboursements, incapacités de travail attestées, appréciation des expertises dans le cadre de décisions de justice).

 

Les expertises bidisciplinaires seront confiées exclusivement et de manière aléatoire à des centres agréés ou à des binômes d’experts, comme c’était le cas pour les seules expertises pluridisciplinaires (trois disciplines ou plus) jusqu’ici. Une commission extraparlementaire indépendante sera instituée pour veiller à la qualité des expertises. Ses tâches et compétences seront réglées par voie d’ordonnance. À la demande des participants à la consultation, le nombre de représentants du corps médical au sein de la commission diminue au profit de celui des organisations de patients et d’aide aux personnes handicapées. Par ailleurs, des exigences relatives aux qualifications professionnelles des experts médicaux seront définies.

 

Évaluation du taux d’invalidité : une réglementation plus claire

Un système de rentes linéaire est introduit pour les nouveaux bénéficiaires de rente, afin de les inciter à augmenter le taux de leur activité lucrative. Dans le système actuel à quatre échelons, de nombreux bénéficiaires de rente AI n’ont pas intérêt à travailler davantage, car cela n’augmenterait pas leur revenu disponible en raison d’effets de seuil. Une rente entière sera octroyée, comme aujourd’hui, à partir d’un taux d’invalidité de 70%.

Avec l’introduction d’un système de rentes linéaire, l’exactitude du taux d’invalidité revêtira une plus grande importance. En effet, dans ce nouveau système, chaque point de pourcentage sera déterminant pour le calcul du montant de la rente. Afin d’accroître la sécurité juridique et l’uniformité, les principes essentiels de l’évaluation du taux d’invalidité seront désormais définis au niveau d’une ordonnance et non plus par voie de directive. La réforme clarifie en outre les dispositions applicables aux cas suivants : personnes travaillant à temps partiel, comparaison du revenu réalisé avant la survenance de l’invalidité avec celui réalisable après, personnes sans diplôme professionnel, invalides précoces ou de naissance et revenus particulièrement bas avant la survenance de l’invalidité. Ces modifications devraient profiter aux personnes assurées à différents égards. Les participants à la consultation ont en particulier critiqué la réglementation sur l’abattement en raison d’une atteinte à la santé et l’application des tableaux de l’Enquête suisse sur la structure des salaires pour la détermination d’un revenu réalisable. Le Conseil fédéral a décidé de s’en tenir à cette pratique tout en chargeant l’Office fédéral des assurances sociales d’examiner la possibilité de développer de nouvelles bases spécifiques à l’AI.

[NB : le communiqué de presse ne mentionne pas l’abandon de l’abattement sur les salaires statistiques utilisés pour le revenu avec invalidité (nouvelle appellation du revenu d’invalide). Cf. à ce sujet les commentaires de l’art. 26bis al. 3 P-RAI dans le rapport explicatif pour la situation dès le 01.01.2022 et les prises de position dans le rapport sur les résultats de la consultation (p. 48).]

 

Infirmités congénitales : mise à jour de la liste

L’AI finance le traitement médical de certaines infirmités congénitales qui touchent les enfants et les jeunes. La réforme prévoit d’inscrire dans la loi des critères clairs pour déterminer si une maladie est assimilée à une infirmité congénitale, et donc si l’AI prend en charge les coûts de son traitement. La liste des infirmités congénitales sera mise à jour. Les affections qui peuvent être traitées facilement seront désormais prises en charge par l’assurance-maladie. À l’inverse, de nouvelles maladies, en particulier des maladies rares, seront prises en charge par l’AI. La tenue de la liste des infirmités congénitales sera confiée au Département fédéral de l’intérieur (DFI). L’ordonnance actuelle du Conseil fédéral sera donc remplacée par une ordonnance départementale, ce qui facilitera la mise à jour régulière de la liste.

 

Prise en charge de médicaments : création d’un centre de compétences

Pour les infirmités congénitales reconnues, l’AI prend aussi en charge les coûts des médicaments. Afin de simplifier la procédure et de concentrer les compétences techniques, une liste des spécialités sera créée pour l’AI (liste des spécialités en matière d’infirmités congénitales, LS IC). Elle recensera les médicaments pris en charge par l’AI ainsi que leur prix maximal. Pour être admis sur la liste, les médicaments devront faire l’objet d’un examen selon les critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité, sur le modèle de la procédure appliquée dans l’assurance-maladie. La nouvelle LS IC remplacera l’actuelle liste des médicaments destinés au traitement des infirmités congénitales. Lorsqu’une personne assurée atteint l’âge de 20 ans, les médicaments remboursés par l’AI seront pris en charge dans la même mesure par l’assurance obligatoire des soins.

Un centre de compétences sera créé auprès de l’Office fédéral de la santé publique pour la procédure d’admission et la tenue de la LS IC. En effet, cet office étant responsable de la liste des spécialités de l’assurance-maladie, il dispose déjà de l’expérience nécessaire en la matière.

 

Aides financières de l’AI : ajournement de l’ordre de priorité

Les organisations faîtières de l’aide privée aux personnes en situation de handicap peuvent recevoir des aides financières de l’AI. Dans le cadre du Développement continu de l’AI, il était prévu que le Conseil fédéral détermine un ordre de priorité suivant lequel répartir ces aides dans les limites du montant fixé. S’étant heurtée à une vive opposition lors de la consultation, cette réglementation est pour l’heure abandonnée. Un éventuel ajustement sera envisagé de concert avec les organisations concernées pour la prochaine période contractuelle 2024-2027.

 

Nouvelle ordonnance du département sur les prestations de soins

Le DFI met en vigueur une nouvelle ordonnance sur les prestations de soins au 01.01.2022. Celle-ci désigne les prestations de soins ambulatoires (par exemple soins prodigués par des organisations d’aide et de soins à domicile) fournies aux enfants et aux adolescents qui seront prises en charge par l’AI. En faisant édicter une ordonnance du ressort du DFI, le Conseil fédéral répond à un mandat découlant du Développement continu de l’AI.

 

 

Quelques précisions (données issues du rapport explicatif)

 

Optimisation de la réadaptation

  • Formation professionnelle initiale

Pour que la formation professionnelle initiale (FPI) puisse être menée à bien et déboucher sur une intégration au marché du travail (primaire) aussi durable que possible, il est important qu’elle corresponde aux aptitudes et au niveau de développement de l’assuré (cf. art. 8, al. 1bis, LAI).

Avec le Développement continu de l’AI (DC AI), l’art. 16 LAI a été complété de sorte que la FPI vise si possible l’insertion professionnelle sur le marché du travail primaire et soit mise en œuvre sur ce dernier. La norme de délégation de l’al. 4 donnera au Conseil fédéral la compétence de fixer les conditions d’octroi de mesures de formation pratiques et à bas seuil en ce qui concerne leur nature, leur durée et leur étendue.

La réglementation de la FPI doit également être concrétisée au niveau de l’ordonnance. Les points suivants seront inscrits dans le RAI : Définition du recoupement avec l’art. 15 LAI (Orientation professionnelle) (art. 5, al. 2, PRAI) ; Définition de la réussite d’une FPI (art. 5, al. 3, P-RAI) ; Précision de la norme de délégation donnée au Conseil fédéral (art. 5, al. 4 et 5, P-RAI) ; Définition du recoupement avec l’art. 17 LAI (Reclassement) (art. 5bis, al. 1, P-RAI).

 

  • Indemnité journalière de l’AI

La nouvelle réglementation de la LAI relative aux indemnités journalières vise à mettre les jeunes atteints dans leur santé sur un pied d’égalité financière avec les personnes du même âge en bonne santé. Elle permet d’éviter que, pendant la formation, les premiers ne reçoivent des indemnités journalières plus élevées que le salaire perçu par les seconds. Le droit aux indemnités journalières sera ouvert dès le début de la formation, et cela même en l’absence d’une perte de gain et avant l’âge de 18 ans. Ce modèle permettra à l’assuré de percevoir un vrai salaire, directement versé par l’employeur en contrepartie du travail fourni.

Le RAI doit être modifié en conséquence, en particulier en ce qui concerne les modalités d’octroi des indemnités journalières durant l’instruction (art. 17, al. 2, P-RAI) et durant le délai d’attente (art. 18 P-RAI) et les bases de calcul du montant des indemnités journalières (art. 21octies, al. 3, et 22, P-RAI).

 

  • Couverture accidents

L’assurance-accidents de personnes bénéficiant de mesures de l’AI (AA AI), introduite par le Développement continu de l’AI (DC AI), offre une sécurité juridique à toutes les personnes concernées, ce qui favorisera la réadaptation. Les nouvelles dispositions permettent à l’AI de prendre en charge les coûts et obligations notamment des employeurs, dans l’optique d’inciter ces derniers à proposer des mesures de réadaptation.

En 2018, le Tribunal fédéral a, pour la première fois, jugé (ATF 144 V 411) qu’une mesure de réadaptation de l’AI (concrètement, un placement à l’essai au sens de l’art. 18a LAI) était assujettie à la couverture accidents selon la loi fédérale sur l’assurance-accidents (LAA). Les dispositions relatives à la couverture accidents contenues dans le message relatif au DC AI ont donc été adaptées à la nouvelle jurisprudence.

La mise en œuvre de l’AA AI nécessite plusieurs modifications dans le RAI et l’OLAA (notamment les art. 88sexies ss P-RAI ainsi que le titre 8a P-OLAA [art. 132 ss P-OLAA]]). Ces adaptations concernent principalement la procédure relative à la nouvelle branche d’assurance. Au vu de la situation spécifique des assurés bénéficiant de mesures de réadaptation, il est également nécessaire de préciser certaines modalités (notamment calcul des prestations en cas d’accident).

 

Mesures médicales

  • Mesures médicales de réadaptation

Dans le DC AI, la limite d’âge pour les mesures médicales de réadaptation de l’art. 12 LAI a été relevée. Les assurés participant à une mesure de réadaptation d’ordre professionnel bénéficieront désormais de mesures médicales de réadaptation jusqu’à 25 ans. Les modalités de l’enchaînement de mesures de réadaptation d’ordre professionnel doivent être réglées dans le RAI (art. 2bis P-RAI). En outre, les conditions régissant la prise en charge des coûts doivent être concrétisées de sorte qu’une mesure médicale de réadaptation doit être demandée avant le début du traitement (art. 2, al. 3, P-RAI). Cette modification entend alléger la charge administrative liée à la procédure de délimitation des compétences entre les assureurs-maladie et l’AI.

 

Système de rentes

  • Système de rentes linéaire

Avec l’introduction du système de rentes linéaire dans l’AI, le montant du droit aux prestations sera fixé en pourcentage d’une rente complète, et non plus par paliers d’un quart de rente. La disparition du système de paliers entraîne des adaptations formelles du RAI et du RAVS (art. 33bis, al. 2, et art. 38, al. 2, P-RAI ; art. 51, al. 5, RAVS) ; une disposition transitoire portant sur la diminution des deux rentes d’un couple sera également nécessaire. Par ailleurs, les tables de rentes seront remplacées par des prescriptions relatives au calcul du montant des rentes (art. 53, al. 1, P-RAVS).

Comme le nouvel échelonnement du droit à la rente s’appliquera également aux prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire, les art. 4 et 15 P-OPP 2 ainsi que l’art. 3 de l’ordonnance sur la prévoyance professionnelle obligatoire des chômeurs seront modifiés.

 

  • Évaluation du taux d’invalidité

La norme de délégation accordée au Conseil fédéral par le DC AI pour le calcul du revenu déterminant a été précisée (art. 28a, al. 1, LAI). Celui-ci pourra donc régler par voie d’ordonnance le revenu avec et sans invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables.

Le nouveau système de rentes linéaire revalorisera les prestations au pourcentage près du taux d’invalidité. Pour un taux d’invalidité compris entre 40% et 70%, chaque pour cent modifiera le montant de la rente. La pratique actuelle, fondée principalement sur les directives et tirée en grande partie de la jurisprudence, sera inscrite dans la législation par voie d’ordonnance dans le cadre de la norme de délégation accordée au Conseil fédéral. L’objectif est de créer la plus grande sécurité juridique possible afin de prévenir autant que possible les litiges relatifs au calcul du taux d’invalidité.

Dans un premier temps, il s’agira de déterminer le statut de l’assuré, à savoir si ce dernier exerce une activité lucrative, n’exerce pas d’activité lucrative ou exerce une activité lucrative à temps partiel (art. 24septies P-RAI). Ensuite, les principes généraux applicables à la comparaison des revenus, et en particulier à la date déterminante et à l’application des valeurs statistiques, seront fixés (art. 25 P-RAI).

L’art. 25 al. 2 P-RAI dispose que la situation et les salaires sur le marché suisse du travail sont déterminants pour le calcul du taux d’invalidité. Dans des cas particuliers dûment motivés, l’office AI pour les assurés résidant à l’étranger peut également établir les revenus à comparer sur la base du marché du travail étranger, notamment quand les revenus effectifs sur ce marché sont connus et qu’ils ne peuvent pas être convertis sans autres sur le marché suisse du travail. Cela suppose toutefois que les deux revenus à comparer sont déterminés sur le même marché du travail étranger.

Le revenu avec et sans invalidité sera défini, si possible sur la base du revenu effectif, sinon, sur la base de valeurs statistiques (art. 26 et 26bis P-RAI). En principe, il faut utiliser à cet effet les tableaux de l’ESS ; d’autres valeurs statistiques peuvent être utilisées lorsque le revenu en question n’est pas représenté dans l’ESS.

Pour le calcul du taux d’invalidité, il est prévu d’appliquer les principes généraux aux invalides précoces ou de naissance et de renoncer à l’actuel classement par groupe d’âge jusqu’à 30 ans (art. 26, al. 5 et 6, P-RAI). L’inégalité de traitement sera ainsi supprimée. Les jeunes assurés en possession d’une attestation de formation professionnelle ou d’un certificat fédéral de capacité selon la LFPr doivent être considérés comme les autres jeunes du même âge sans atteinte à la santé.

Une parallélisation sera effectuée pour les revenus sans invalidité, lorsque le salaire de l’assuré est inférieur de plus de 5% au salaire usuel dans la branche (art. 26, al. 2, P-RAI). La nouvelle réglementation est plus avantageuse que la réglementation actuelle pour les assurés, parce qu’il n’est plus nécessaire d’examiner quels sont précisément les facteurs à l’origine d’un revenu inférieur à la moyenne ou si, éventuellement, l’assuré ne se serait pas satisfait d’un revenu aussi modeste. On part plutôt du principe qu’un salarié n’aurait vraisemblablement pas accepté volontairement un revenu aussi faible. La parallélisation doit par conséquent être systématiquement effectuée lorsque le revenu effectivement réalisé selon l’al. 1 est inférieur de 5%, voire davantage au revenu médian usuel dans la branche selon l’ESS. Contrairement à la pratique du Tribunal fédéral, une parallélisation est ici aussi pratiquée lorsque l’assuré réalise le salaire minimum prévu par convention collective de travail (CCT) ou contrat-type de travail (CTT) mais que celui-ci reste néanmoins inférieur de 5 %, voire davantage au revenu médian usuel dans la branche selon l’ESS. Une CCT ou un CTT ne réglemente que le salaire minimum, généralement pas le revenu usuel. Enfin, de nombreuses CCT et CTT ne s’appliquent que régionalement. Le travail des organes d’exécution serait considérable s’il fallait vérifier dans chaque cas qu’une CCT ou un CTT s’applique. Avec l’application automatique de la parallélisation pour les salariés, tous les facteurs économiques pouvant être pris en considération pour un abattement en raison d’une atteinte à la santé sont déjà pris en compte.

Pour les assurés qui sont invalides de naissance ou invalides précoces, le revenu sans invalidité est fixé sur la base de valeurs statistiques non spécifiques au sexe (cf. art. 26, al. 6, P-RAI). Pour éviter toute distorsion, le revenu avec invalidité doit donc lui aussi être déterminé sur la base de valeurs indépendantes du sexe.

S’agissant du revenu avec invalidité, l’abattement en raison d’une atteinte à la santé n’est désormais plus appliqué (cf. commentaires de l’art. 26bis al. 3 P-RAI).

Les règles s’appliquant au calcul du taux d’invalidité des assurés exerçant une activité lucrative à temps partiel ou n’exerçant pas d’activité lucrative resteront largement inchangées (art. 27 et 27bis P-RAI). Toutefois, le calcul applicable au temps partiel sera uniformisé et égalitaire du point de vue juridique. Les activités lucratives et les travaux habituels seront désormais considérés comme complémentaires, de sorte que tout ce qui n’est pas réputé activité lucrative relèvera des travaux habituels (art. 27bis, al. 1, P-RAI).

 

Procédure et expertises

La procédure d’instruction menée d’office vise à garantir un traitement aussi simple et rapide que possible des procédures en matière d’assurances sociales. Les droits de participation des assurés ainsi que les rôles et les compétences des organes d’exécution seront réglés dans la LPGA pour toutes les assurances sociales. De plus, les mesures en matière de procédure d’instruction sont clarifiées et uniformisées, notamment s’agissant des expertises médicales :

  • si un assureur et un assuré ne parviennent pas à s’entendre sur un expert, l’assureur communique sa conclusion par décision incidente (art. 44, al. 4, LPGA). Pour que l’expert puisse être choisi de manière consensuelle, les parties doivent, si possible, parvenir à un accord avant la décision. La procédure de consensus est précisée dans l’OPGA (art. 7j P-OPGA). La possibilité d’une recherche de consensus ne prive pas l’assureur de sa compétence s’agissant de la désignation de l’expert. La jurisprudence actuelle selon laquelle l’assuré ne peut se prévaloir d’aucun droit à la désignation d’un expert de son choix continue de s’appliquer.
  • S’agissant de l’attribution des mandats d’expertise, le Conseil fédéral peut édicter des règles pour chaque domaine des assurances sociales (art. 44, al. 7, LPGA). Les règles s’appliquant au domaine de l’AI méritent d’être révisées. Ainsi, en vue de garantir la qualité et à l’instar des expertises multidisciplinaires, les expertises bidisciplinaires sont attribuées uniquement, et de manière aléatoire, à des centres d’expertises ou à des binômes d’experts autorisés (art. 72bis, al. 1bis, P-RAI). De plus, les exigences relatives à la qualification professionnelle des experts médicaux désireux de travailler sur mandat d’une assurance sociale sont définies au plan fédéral (art. 7l P-OPGA).
  • Les entretiens entre l’expert et l’assuré sont enregistrés (enregistrement sonore) et joints au dossier. Le terme «entretien» est employé dans la loi (art. 44, al. 6, LPGA), mais n’y est pas défini. Il doit donc être précisé dans le règlement (art. 7k P-OPGA). Par entretien, on entend l’anamnèse et la description par l’assuré de l’atteinte à sa santé. Les explications et déclarations personnelles de l’assuré sont placées au premier plan. L’enregistrement sonore doit garantir que les déclarations de l’assuré sont saisies correctement et reprises avec exactitude dans le rapport de l’expert. La partie consacrée à l’évaluation psychologique dans les expertises psychiatriques, neurologiques et neuropsychologiques ne peut pas être enregistrée. Lorsque l’assuré souhaite renoncer à l’enregistrement sonore de l’entretien, il doit en aviser par écrit l’assureur. La renonciation ne peut être communiquée qu’à l’organe d’exécution. Si l’assuré décide seulement après coup qu’il ne souhaite pas d’enregistrement, il doit demander à l’organe d’exécution, dans les dix jours qui suivent l’entretien, la destruction de l’enregistrement (art. 7k al. 3 lit. b P-OPGA). En règle générale, l’expertise n’est pas encore terminée à ce stade, ce qui signifie que l’expert n’enverra que son rapport écrit à l’organe d’exécution.
  • Les offices AI géreront une liste publique en vue d’assurer un maximum de transparence en matière de répartition des mandats d’expertise (art. 57, al. 1, let. n, LAI). Ces deux nouveautés sont précisées par voie d’ordonnance (art. 7k et 7l P-OPGA ; art. 41b P-RAI).
  • En vue de l’établissement d’expertises, les médecins doivent avoir suivi une formation postgrade en tant que spécialiste, mais aussi dans le domaine des expertises médicales. L’exigence relative à la possession d’une certification de l’association Médecine d’assurance suisse (Swiss Insurance Medicine, SIM) garantit que les médecins spécialistes qui réalisent des expertises pour les assurances sociales en tant qu’experts ont suivi une formation proposée en Suisse dans le domaine des expertises médicales (art. 7m al. 2 P-OPGA). Le respect de cette condition professionnelle peut également être vérifié sur Internet et dans un registre librement accessible. La qualification en médecine des assurances est requise uniquement pour les disciplines médicales les plus demandées (spécialistes en médecine interne générale, en psychiatrie et en psychothérapie, en neurologie, en rhumatologie, en orthopédie ou en chirurgie orthopédique et en traumatologie de l’appareil locomoteur).
  • Par ailleurs, une commission extra-parlementaire indépendante chargée de veiller à la qualité des expertises est créée (art. 44, al. 7, let. c, LPGA ; art. 7o ss P-OPGA). Ses tâches et compétences sont réglées par voie d’ordonnance. Concrètement, il est prévu qu’elle élabore et contrôle des directives et des instruments en la matière (accréditation des centres d’expertises, normes de qualité pour les expertises, outils standardisés de contrôle de la qualité des expertises, formation de base et formation continue des experts, etc.), qu’elle émette des recommandations et en assure la surveillance (art. 7p P-OPGA).

Plusieurs de ces mesures prises aux niveaux de la loi et de l’ordonnance, comme la création d’une commission indépendante, la fixation de critères d’admission pour les experts médicaux et l’attribution aléatoire des mandats d’expertise bidisciplinaires, correspondent aux recommandations du rapport d’experts sur les expertises médicales dans l’AI, publié à l’automne 2020. L’étude a été rédigée par l’entreprise Interface Politikstudien Forschung Beratung, en collaboration avec le service de psychiatrie forensique de l’Université de Berne. Elle a été faite sur demande du DFI datant de fin 2019 et analyse le système de l’activité d’expert et l’attribution des mandats.

 

Autres mesures du Développement continu de l’AI

  • Indemnité journalière de l’assurance-chômage

Actuellement, les bénéficiaires d’une rente AI dont la rente a été réduite ou supprimée suite à une révision (art. 17 LPGA ou art. 8a LAI) ont droit à 90 indemnités journalières de l’assurance-chômage au plus (art. 27, al. 4, de la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité ; LACI). Les nouveaux art. 68septies LAI et 27, al. 5, et 94a, LACI étendent ce droit à 180 indemnités journalières et autorisent l’AI à prendre en charge les indemnités journalières dès le 91e jour. Le nouvel art. 120a P-OACI réglera la procédure de décompte des coûts entre l’AI et l’assurance-chômage débutant le 91e jour des indemnités journalières.

 

Mesures sans lien avec le Développement continu de l’AI

  • Contribution d’assistance

L’évaluation de la contribution d’assistance (2012 à 2019) a mis en évidence que les forfaits de nuits étaient insuffisants. L’urgence d’un ajustement dans ce domaine est devenue encore plus marquée avec le modèle complétant les contrats-types de travail (CTT) cantonaux pour les travailleurs de l’économie domestique mis à la disposition des cantons par le Secrétariat d’État à l’économie (SECO). Le modèle CTT a pour objectif d’améliorer la situation des personnes qui s’occupent 24 heures sur 24 de personnes âgées ou en situation de handicap. Les actuels forfaits de nuit de la contribution d’assistance ne permettent pas de rémunérer les assistants conformément à ces dispositions.

Afin de trouver une solution à cette problématique, un groupe de travail, constitué de représentants de l’OFAS, de la COAI, des organisations pour personnes en situation de handicap, de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) et de la Conférence des chefs des départements cantonaux de l’économie publique (CDEP), a analysé plusieurs possibilités et retenu une variante. Celle-ci prévoit, conformément aux recommandations du SECO, de relever le montant du forfait de nuit de 88 fr. 55 à 160 fr. 50 (art. 39f, al. 3, P-RAI).

Il est également prévu de supprimer la limitation du droit à des prestations de conseil, actuellement fixée à une seule fois. Cette modification découle des discussions menées avec les organisations pour personnes en situation de handicap suite à l’évaluation de la contribution d’assistance. Certes, les prestations de conseil sont surtout demandées en début de contrat, et servent à organiser la prestation (engager du personnel, établir des contrats de travail, souscrire des assurances perte de gain, etc.). Toutefois, la pratique montre qu’elles s’avèrent aussi nécessaires par la suite, contrairement à ce qui était attendu, et ceci dans une mesure qui dépasse les quelques heures qui avaient été estimées.

 

Dispositions transitoires (selon le texte actuellement disponible)

a. Indemnités journalières

Le début effectif de la mesure est déterminant pour la détermination du droit aux indemnités journalières.

b. Évaluation du taux d’invalidité

Si une rente AI a été octroyée avant l’entrée en vigueur de la modification du … à un assuré qui, en raison de son invalidité, n’a pas pu acquérir de connaissances professionnelles suffisantes et si cet assuré n’avait pas encore 30 ans au moment de l’entrée en vigueur de la modification, le droit à la rente AI doit être révisé selon les nouvelles dispositions dans l’année qui suit. En sont exclus les assurés qui perçoivent déjà une rente entière. Une éventuelle augmentation de la rente a lieu au moment de l’entrée en vigueur de la modification du ….

c. Système de rentes

Si les let. b et c des dispositions transitoires de la modification du 19 juin 2020 de la LAI34 sont applicables à un conjoint, la réduction des deux rentes AI du couple en vertu de l’art. 37, al. 1bis, LAI s’effectue, en dérogation à l’art. 32, al. 2, en fonction du droit du conjoint dont la rente AI équivaut au pourcentage le plus élevé d’une rente entière.

d. Révision du montant de la contribution d’assistance pour les prestations de nuit

Le montant des contributions d’assistance allouées pour les prestations de nuit auxquelles les assurés avaient droit au moment de l’entrée en vigueur de la modification du … est adapté conformément à la modification. L’adaptation du montant déploie ses effets au moment de l’entrée en vigueur de la modification en question.

e. Conventions existantes concernant le remboursement de médicaments par l’assurance-invalidité

Les conventions existantes entre l’OFAS et les titulaires d’autorisation qui ont été conclues avant l’entrée en vigueur de la modification du… restent applicables jusqu’à l’inscription du médicament sur la liste des spécialités ou sur la liste des spécialités en matière d’infirmités congénitales.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 03.11.2021 consultable ici

Modification du RAI – Rapport explicatif (après la procédure de consultation) consultable ici

Modification de la LAI publié au RO 2021 705 et du RAI publié in RO 2021 706

Rapport explicatif RAI (après la procédure de consultation) disponible ici 

Rapport sur les résultats de la consultation consultable ici

Ordonnance du DFI concernant les infirmités congénitales (OIC-DFI) et rapport explicatif consultables ici et la publication au RO 2021 708

Ordonnance du DFI sur les prestations de soins fournies sous forme ambulatoire et rapport explicatif consultables ici et la publication au RO 2021 707

 

Cf. également le communiqué de presse d’Inclusion Handicap du 03.11.2021 consultable ici (version allemande ici)

 

Version italienne :

 

Version allemande :

 

 

Retraite anticipée dans la prévoyance professionnelle / Recherche d’emploi et indemnité de chômage également en cas de retraite anticipée

Retraite anticipée dans la prévoyance professionnelle / Recherche d’emploi et indemnité de chômage également en cas de retraite anticipée

 

Le Tribunal fédéral a rendu deux arrêts qui répondent à des questions concernant la retraite anticipée. Son arrêt du 26 mars 2021 (9C_732/2020) portait sur la question de savoir si une personne peut décider de prendre une retraite anticipée même lorsque le cas de prévoyance «invalidité» est déjà survenu. Dans son arrêt du 15 juin 2021 (8C_721/2020, destiné à la publication), le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence de longue date. Il a étendu le champ d’application de la retraite anticipée involontaire aux personnes qui, non seulement pour des motifs économiques mais aussi pour d’autres raisons sans qu’il y ait faute de leur part, ont pris une retraite anticipée après avoir été licenciées.

 

Vu que les deux cas de prévoyance «invalidité» et «âge» s’excluent mutuellement, la possibilité d’une retraite anticipée prévue par le règlement devient caduque dès la survenance du cas de prévoyance «invalidité». Selon l’arrêt du Tribunal fédéral du 26 mars 2021 (9C_732/2020), ce principe s’applique même dans le cas où la personne assurée a demandé à être mise à la retraite anticipée avant que l’AI ait rendu sa décision d’octroi d’une rente.

Dans son arrêt du 15 juin 2021 (8C_721/2020, destiné à la publication), le Tribunal fédéral a statué que l’on pouvait admettre l’existence d’une retraite anticipée involontaire au sens de l’art. 12 al. 2 let. a de l’ordonnance sur l’assurance-chômage (OACI) même dans le cas où une personne choisit, après avoir été licenciée, le versement anticipé de prestations de vieillesse en lieu et place d’une prestation de sortie. De cette manière, l’activité soumise à cotisation exercée avant la mise à la retraite anticipée est prise en compte comme période de cotisation.

 

Pour le développement et les commentaires de ces deux arrêts, cf. la publication «Droit et Handicap 07/2021 (21.10.2021)» de Petra Kern d’Inclusion Handicap, consultable ici.