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Les rapports médicaux en assurances sociales – Le rôle du médecin traitant en particulier

Vous trouverez dans l’édition de Jusletter du 13 mai 2024 ma contribution «Les rapports médicaux en assurances sociales – Le rôle du médecin traitant en particulier».

 

Résumé :

L’arène des assurances sociales est le théâtre de nombreux défis au quotidien. Le traitement des rapports médicaux et des expertises médicales est un élément central lors de l’examen du droit aux prestations dans ce domaine complexe et crucial. Dans cet environnement, la valeur probante des rapports médicaux et des expertises médicales revêt une importance significative pour déterminer le droit aux prestations des personnes assurées.

 

Publication : David Ionta, Les rapports médicaux en assurances sociales – Le rôle du médecin traitant en particulier, in : Jusletter 13 mai 2024

 

8C_613/2022 (d) du 06.10.2023 – Automutilation – 37 al. 1 LAA / Valeur probante de l’expertise médicale pluridisciplinaire

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_613/2022 (d) du 06.10.2023

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Automutilation / 37 al. 1 LAA

Valeur probante de l’expertise médicale pluridisciplinaire

 

Assurée, pizzaiola née en 1983, s’est blessée le 03.02.2018 au pied gauche sur le bord d’une marche d’escalier (perforation avec une barre de fer). Traitement initial aux services des urgences. Par la suite, le médecin de famille a refermé la plaie, d’abord laissée ouverte, mais qui s’est rouverte dix jours plus tard et a entraîné par la suite de nombreux traitements en raison d’un trouble de la cicatrisation.

Expertise pluridisciplinaire (orthopédie, psychiatrie et neurologie) mise en œuvre par l’assurance-accidents. Rapport d’expertise du 30.09.2020 et rapport complémentaire du 30.03.2021. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a suspendu les prestations avec effet rétroactif au 29.10.2020, en se basant sur les évaluations des experts. Elle a expliqué que l’automutilation de l’assurée avait entraîné des complications qui avaient nécessité d’autres traitements. Les troubles actuels ne seraient, selon toute vraisemblance, pas en lien de causalité avec l’accident du 03.02.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt VBE.2021.502 – consultable ici)

Par jugement du 16.09.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
L’assurée conteste en premier lieu la valeur probante (cf. ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 125 V 351 consid. 3a) de l’expertise pluridisciplinaire. Elle fait valoir qu’il aurait encore fallu faire appel à un expert en plaies ainsi qu’à un médecin spécialisé en infectiologie.

Consid. 4.2
Les experts disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans le choix des méthodes d’examen (cf. par ex. les arrêts 8C_260/2016 du 13 juillet 2016 consid. 5.1 et les références; 8C_780/2014 du 25 mars 2015 consid. 5.1 et les références). Le choix des examens médicaux spécialisés à effectuer en fait également partie (arrêt 8C_820/2016 du 27 septembre 2017 consid. 5.5 et les références). Il appartient donc aux personnes chargées de l’expertise de décider si le recours à d’autres spécialités est nécessaire (arrêt 8C_495/2021 du 16 mars 2022 consid. 4.3 et les référence). Selon le texte introductif de l’expertise, l’assurance-accidents a accordé aux experts du centre d’expertises la possibilité de faire appel à d’autres spécialistes, après consultation avec elle. Les experts ont manifestement estimé être en mesure d’évaluer de manière définitive l’état de santé avec les disciplines de l’orthopédie, de la psychiatrie et de la neurologie, raison pour laquelle on ne peut pas reprocher à l’instance cantonale d’avoir accordé à l’expertise une valeur probante même en l’absence de spécialistes supplémentaires.

 

Consid. 5.2
Selon l’art. 37 al. 1 LAA, l’automutilation et le suicide présupposent un acte intentionnel. Le dol éventuel est également suffisant (ATF 143 V 285 consid. 4.2.4). La question de savoir si l’on est en présence d’une automutilation s’apprécie selon le degré de preuve de la vraisemblance prépondérante, usuel en droit des assurances sociales. En l’occurrence, compte tenu des difficultés pratiques de preuve, il ne faut pas poser d’exigences excessives à la preuve d’une automutilation volontaire (arrêts 8C_828/2019 du 17 avril 2020 consid. 4.4.1 ; 8C_663/2009 du 27 avril 2010 consid. 2.4 et les références). Contrairement au suicide, l’automutilation ne bénéficie pas de la présomption naturelle selon laquelle, en raison de la puissance de l’instinct de conservation, il faut généralement partir du principe qu’un tel acte est involontaire (cf. arrêts 8C_591/2015 du 19 janvier 2016 consid. 3.1 ; 8C_663/2009 du 27 avril 2010 consid. 2.3 et 2.4).

 

Consid. 5.3.1
Les médecins experts ont pris connaissance du rapport du médecin traitant, le professeur E.__, spécialiste en chirurgie. Celui-ci s’est exprimé sur les résultats qui, selon lui, indiquaient une automutilation. Dans le cadre de l’anamnèse, le centre d’expertises a contacté le professeur E.__ par téléphone. Il a confirmé une nouvelle fois ce qui avait déjà été dit dans le rapport d’opération. Il a fait remarquer que lors de la révision de la plaie, des germes tout à fait inhabituels pour des infections cutanées (deux germes intestinaux et Klebsiella) avaient été mis en évidence. En outre, lors d’une intervention chirurgicale, il avait découvert au microscope un point de piqûre dorsal par rapport à la blessure initiale, raison pour laquelle il avait soupçonné une automutilation avec un instrument en forme d’aiguille. Par la suite, il a administré le « scotchcast » pendant le traitement chirurgical et a ainsi étanchéifié toute la zone d’infection. L’assurée n’a ensuite plus pu manipuler la plaie. Pendant ce temps, la situation s’est calmée et aucune autre infection n’est survenue. Selon le professeur E.__, il a été frappé par le fait que la dernière infection était survenue alors que l’assurée n’était pas sous surveillance médicale ou thérapeutique. Cette circonstance a clairement renforcé ses soupçons d’une infection auto-infligée.

L’expert orthopédique a rapporté que la blessure subie par l’assurée le 03.02.2018 aurait guéri au plus tard après six à neuf mois, même en cas d’apparition d’une infection dans la profondeur de la jambe gauche. L’état déplorable constaté lors des examens était exclusivement lié à la maladie. Il ressort de l’expertise psychiatrique que l’automutilation est un trouble auto-infligé (CIM-10 F68.10). Le psychiatre a précisé que le seul critère diagnostique à remettre en question était la condition selon laquelle le comportement manifesté ne pouvait pas être mieux expliqué par un autre trouble psychique (p. ex. un trouble délirant ou un autre trouble psychotique). Il a conclu qu’il existait chez l’assurée une suspicion de trouble de la personnalité borderline (CIM-10 F60.31). Les automutilations sont relativement fréquentes dans ce trouble. De plus, selon le rapport de sortie de la clinique F.__, des phénomènes psychotiques et de déréalisation auraient été observés chez l’assurée. Cependant, dans les troubles de la personnalité borderline ainsi que dans les troubles psychotiques, les comportements d’automutilation ne sont généralement pas dissimulés. De plus, dans le cas d’automutilations liées à des troubles mentaux, l’assistance médicale n’est généralement pas l’objectif premier de la personne concernée. Dans le cas d’espèce, la simulation évidente d’un trouble a apparemment eu pour effet de la considérer comme handicapée, et par conséquent, aucune activité professionnelle ne lui serait plus exigible dans ce contexte. Les circonstances présentes plaident donc plutôt contre une automutilation due à un trouble mental.

Dans leur avis complémentaire, les experts ont à nouveau confirmé que le trouble de la cicatrisation avait été causé par une automutilation. Il est difficile de déterminer quand celle-ci a commencé. Au plus tard depuis que le professeur E.__ a pris en charge le traitement chirurgical et pris des mesures (« Scotchcast »), le soupçon d’automutilation s’est renforcé.

Consid. 5.3.2
La cour cantonale a reconnu qu’il était établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que les limitations encore présentes reposaient sur une automutilation intentionnelle. L’assurée ne présente aucun élément concret qui contredise l’appréciation des preuves de la juridiction cantonale. Elle expose essentiellement sa propre vision de la manière dont le trouble de la cicatrisation s’est développé, comment interpréter les documents médicaux, et quelles conclusions en tirer. Cela n’est pas suffisant pour rendre l’appréciation de la cour cantonale contraire au droit fédéral (arrêt 8C_380/2022 du 27 décembre 2022 consid. 11.1 et la référence).

L’assurée affirme notamment que le canal de piqûre, dont le professeur E.__ et les médecins-experts déduiraient l’automutilation, serait dû au fait que des abcès auraient été percés à la fois à l’hôpital et à la clinique F.__. Or, comme elle le constate elle-même, cela n’est pas documenté dans les rapports respectifs. De plus, l’allégation de la recourante selon laquelle les professionnels de la santé l’auraient traitée à plusieurs reprises sans gants d’hygiène n’est pas étayée. En outre, l’instance cantonale a correctement constaté que, pour les médecins-experts, il était resté incertain depuis quand exactement les germes inhabituels étaient présents dans la plaie.

Ils sont toutefois partis du principe que cela avait été le cas au plus tard à partir de la date du traitement par le professeur E.__ (date de l’opération : 17.02.2020). On ne voit pas dans quelle mesure le tribunal cantonal aurait violé le droit fédéral en se basant sur le moment fixé par l’expertise pour déterminer le moment de l’automutilation. Comme le fait remarquer à juste titre l’assurée, il n’est pas exclu que la contamination de la plaie ait eu lieu plus tôt, mais cela ne changerait rien en sa faveur quant à la fin du droit aux prestations à compter du 29.10.2020.

Pour la même raison, le renvoi de l’assurée au rapport de la clinique F.__ du 21.11.2019 et le reproche qui y est lié, à savoir qu’une manipulation (de la plaie) n’était pas reconnaissable à l’époque, est sans objet. A ce sujet également, il convient de noter que les médecins-experts n’ont admis l’existence d’une automutilation qu’à une date ultérieure et que l’assurance-accidents a en conséquence cessé de prester qu’en octobre 2020.

 

Consid. 5.4.1
Au vu de ce qui précède, l’instance cantonale a, dans une appréciation anticipée des preuves (arrêt 144 V 361 consid. 6.5), renoncé à d’autres investigations, conformément au droit fédéral. Conformément à l’expertise pluridisciplinaire, la cour cantonale a jugé que les troubles encore présents étaient attribuables à l’automutilation, position qui peut être suivie. La conclusion du tribunal cantonal selon lequel les causes dues à l’accident, étayées par les résultats de l’expertise, auraient guéri sans conséquences notables au plus tard neuf mois après l’événement du 03.02.2018, en l’absence du trouble auto-infligé, n’est pas non plus critiquable. Comme l’a à juste titre retenu la cour cantonale, il faut partir du principe que l’atteinte à la santé a été auto-infligée (au moins par dol éventuel) (cf. art. 37 al. 1 LAA et consid. 5.2 ci-dessus).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_613/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_613/2022 (d) du 06.10.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/11/8c_613-2022)

 

8C_704/2022 (d) du 27.09.2023 – Lésions causées à l’assuré victime d’un accident lors du traitement médical – 6 al. 3 LAA / Causalité naturelle et adéquate

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_704/2022 (d) du 27.09.2023

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Lésions causées à l’assuré victime d’un accident lors du traitement médical / 6 al. 3 LAA

Causalité naturelle et adéquate

 

Assurée, née en 1996, employée depuis le 1er octobre 2016 dans le cadre d’un contrat d’apprentissage en tant que cuisinière diététique auprès d’un hôpital. Le 18.09.2017, elle a subi un traumatisme par distorsion du genou droit lors d’un exercice de gymnastique. Le bilan radiologique a mis en évidence une rupture du LCA, qui a fait l’objet d’une intervention chirurgicale le 23.10.2017. Fin décembre 2017, l’assurée a subi un nouveau traumatisme par distorsion. De nouvelles interventions chirurgicales ont eu lieu les 08.03.2018, 30.05.2018, 31.07.2018 et 28.08.2018.

Sur les conseils du médecin-conseil de l’assurance-accidents, l’assurée s’est rendue à la clinique C.__ pour un deuxième avis. Là, un mauvais positionnement de la plastie du ligament croisé a été constaté et une nouvelle opération a été réalisée le 07.12.2018. Malgré un séjour stationnaire du 03.03.2019 au 18.04.2019 au centre de rééducation D.__, des douleurs permanentes, accentuées en fonction de l’effort, ainsi qu’une limitation de l’extension ont toutefois persisté. En raison de l’évolution, des examens neurologiques ont été effectués. Du 06.01.2020 au 27.03.2020, l’assurée a derechef été hospitalisée, cette fois-ci à la clinique E.__, où elle a une nouvelle fois chuté le 06.02.2020. Aucun progrès significatif n’a été réalisé. Après une consultation dans un centre pour la maladie de Parkinson/les troubles de la mobilité, à l’automne 2020, un nouveau séjour de réadaptation à la clinique G.__ a été réalisé du 03.01.2021 au 27.03.2021. Entre-temps, l’assurée se déplaçait en grande partie en fauteuil roulant.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a procédé à la clôture du cas au 30.11.2020.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a confirmé la clôture du cas au 30.11.2020, étant donné qu’à cette date, il n’y avait plus d’amélioration notable à attendre d’un traitement supplémentaire des troubles, dans la mesure où ils étaient d’origine somatique. Le trouble de la marche développé n’avait pas d’explication neurologique et structurelle, aucun substrat organique n’avait pu être trouvé pour les douleurs dont se plaignait l’assurée. Le tribunal cantonal a examiné la question de savoir s’il existait un lien de causalité adéquate entre les troubles organiques non prouvés objectivement et les accidents subis, conformément à la pratique relative aux conséquences psychiques des accidents. Les événements devaient à chaque fois être qualifiés de légers et le lien de causalité adéquate devait donc être niée d’emblée. Tout au plus l’événement de fin décembre 2017, pour lequel on ne dispose toutefois pas de données en temps réel, pourrait, s’il s’agissait d’une chute dans les escaliers, être classé parmi les accidents de gravité moyenne, mais à la limite des accidents légers. Un lien de causalité adéquate avec les plaintes encore existantes le 30.11.2020 devait également être nié. A cet égard, l’instance cantonale a notamment considéré que les troubles ne pouvaient plus être expliqués objectivement sur le plan organique après la rééducation au printemps 2019. Par conséquent, les critères de la durée anormalement longue du traitement médical, des douleurs physiques persistantes et du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques ne sont notamment pas remplis. La cour cantonale a en outre rejeté, faute de lien de causalité adéquate, l’obligation de prestation invoquée par l’assurée sur la base de l’art. 6 al. 3 LAA en raison d’une erreur de traitement médical lors de la plastie ligamentaire du 23.10.2017.

Par jugement du 26.10.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Au sens de l’art. 6 al. 3 LAA, l’assurance alloue en outre ses prestations pour les lésions causées à l’assuré victime d’un accident lors du traitement médical (art. 10). Le sens et le but de cette disposition est que l’assureur-accidents assume le risque pour les mesures médicales qu’il a prises en charge ; le corollaire de l’obligation de traitement et de la soumission de l’assuré à cette obligation est ainsi établi.

La responsabilité s’étend aux atteintes à la santé imputables à des mesures de traitement prises à la suite d’un accident. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait une erreur de traitement, ni que la notion d’accident soit remplie, ni qu’il y ait une faute professionnelle, ni même qu’il y ait objectivement une violation du devoir de diligence du médecin. Ainsi, la complication médicale est également assurée au sens d’une conséquence indirecte de l’accident, et ce même dans le cas des complications les plus rares et les plus graves. L’assureur ne verse pas non plus de dommages-intérêts au sens du droit de la responsabilité civile, mais fournit des prestations d’assurance selon la LAA (ATF 128 V 169 consid. 1c).

Comme il ne s’agit pas de conséquences d’un accident, mais d’un traitement médical, il n’y a pas lieu d’appliquer une évaluation de la causalité adéquate selon la jurisprudence relative aux conséquences psychiques d’un accident en tenant compte de critères liés à l’accident (ATF 115 V 133), mais de recourir à la formule générale d’adéquation. En d’autres termes, il faut se demander si le traitement qui n’a éventuellement pas été effectué lege artis est en soi susceptible, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, de provoquer un résultat du type de celui qui s’est produit, autrement dit si la survenance de ce résultat apparaît généralement comme favorisée par l’événement (ATF 129 V 177 consid. 3 et 4 ; SVR 2007 UV n° 37 p. 125 avec références, U 292/05 consid. 3.1 ; arrêt 8C_288/2007 du 12 mars 2008 consid. 6.1).

Consid. 3.3
Il convient d’ajouter que la preuve du lien de causalité naturelle doit être apportée en premier lieu par les indications des professionnels de la santé (SVR 2016 UV n° 18 p. 55, 8C_331/2015 E. 2.2.3.1 ; arrêt 8C_287/2020 du 27 avril 2021 consid. 3.1). […]

 

Consid. 5
Le recours est dirigé en premier lieu contre le fait que l’instance cantonale a renoncé à une clarification plus approfondie des douleurs et des limitations de mouvement persistant depuis le premier accident du 18.09.2017 et qu’elle a également nié l’obligation de prester de l’assurance-accidents sur la base de l’art. 6 al. 3 LAA, faute de lien de causalité adéquate.

En examinant le lien de causalité adéquate requis pour l’obligation de verser des prestations selon la pratique relative aux conséquences psychiques d’un accident (ATF 115 V 133), le tribunal cantonal a violé le droit fédéral. Lors de l’évaluation d’une éventuelle responsabilité selon l’art. 6 al. 3 LAA, c’est plutôt la formule générale d’adéquation qui s’applique et il est déterminant de savoir si, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, une mesure médicale qui a échoué est en soi susceptible de provoquer un résultat du genre de celui qui s’est produit (cf. consid. 3.2 supra). Si l’appréciation du lien de causalité adéquate par l’instance cantonale s’avère erronée dans la procédure de recours devant le Tribunal fédéral et que le lien de causalité adéquate devait être retenu, il conviendra, conformément à la pratique, d’ordonner des investigations supplémentaires sur les questions qui se posent du point de vue factuel concernant la nature des troubles (diagnostic, caractère invalidant) ainsi que leur lien de causalité naturelle, avant de se prononcer définitivement à ce stade sur le lien de causalité adéquate (ATF 148 V 138 consid. 5).

La question de savoir si l’assurée a éventuellement subi un dommage dans le cadre de l’intervention chirurgicale du 23.10.2017 n’a pas été clarifiée à ce jour de manière juridiquement satisfaisante, pas plus que la question de savoir si, dans l’affirmative, les troubles persistants par la suite sont en lien de causalité naturelle avec la complication médicale. Même si les troubles ne devaient pas être causés par une lésion lors de l’opération, des investigations supplémentaires sont nécessaires quant à leur étiologie. Certes, des examens approfondis ont été effectués dans des cliniques spécialisées. Cependant, les médecins traitants n’avaient pas besoin d’éclaircissements à ce sujet, mais les évaluations diagnostiques servaient avant tout à évaluer les possibilités thérapeutiques. Pour que l’assureur-accidents soit tenu de verser des prestations – éventuellement au-delà du 30.11.2020 -, il est toutefois indispensable de clarifier la nature des limitations. Compte tenu de la complexité de l’évolution, l’assurance-accidents a notamment renoncé à tort à soumettre le dossier à son médecin-conseil pour un examen plus approfondi.

L’affaire doit être renvoyée à l’assurance-accidents pour un examen complet, également indispensable pour les questions juridiques qui se posent, et pour qu’elle rende une nouvelle décision sur son obligation de prester.

 

Le TF admet le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_704/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_704/2022 (d) du 27.09.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/11/8c_704-2022)

 

8C_326/2023 (d) du 06.10.2023 – Chute sur l’épaule – Coiffe des rotateurs – Causalité naturelle / 6 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_326/2023 (d) du 06.10.2023

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Chute sur l’épaule – Coiffe des rotateurs – Causalité naturelle / 6 LAA

 

Assuré, né en 1978, plâtrier. Le 05.01.2021, il a glissé dans un escalier verglacé alors qu’il travaillait. En tombant, il s’est fait une contusion au coccyx et à l’avant-bras droit. Sans consulter un médecin, il a d’abord cessé son travail. En raison de douleurs persistantes, il s’est rendu le 11.01.2021 au service des urgences de l’hôpital C.__, où une contusion du rachis lombaire et une luxation acromio-claviculaire de degré I-II à l’épaule droite ont été diagnostiquées et où une incapacité de travail totale a été attestée du 05.01.2021 au 02.02.2021. Par courrier du 01.04.2021, l’assurance-accidents a reconnu son obligation de verser des prestations en ce qui concerne les conséquences de l’accident pour une durée limitée, du 05.01.2021 jusqu’au 04.04.2021 et a ensuite renvoyé l’assuré à la compétence de la caisse-maladie pour la suite du traitement médical. Par décision du 11.02.2022, confirmée par décision sur opposition le 10.08.2022, l’assurance-accidents a maintenu la clôture du cas au 04.04.2021.

 

Procédure cantonale (arrêt VBE.2022.319 disponible ici)

L’instance cantonale a considéré qu’il fallait se fonder sur les appréciations médicales – probantes – du dossier des 01.04.2021 et 12.01.2022 du médecin-conseil. Les constatations peropératoires effectuées le 31.03.2021 permettent de conclure au degré de la vraisemblance prépondérante à une contusion de l’épaule qui a entraîné une aggravation passagère de l’état dégénératif antérieur avec une discrète brèche osseuse dans la zone du tuberculum minus. Tant le tendon du biceps altéré par la dégénérescence que la rupture de la coiffe des rotateurs réparée lors de l’opération du 31.03.2021 n’auraient, selon toute vraisemblance, pas de lien de causalité avec l’accident. Non seulement ces résultats peropératoires mais également le fait que l’assuré ne se soit rendu au service des urgences pour un premier traitement médical que six jours après la chute dans les escaliers invoquée comme cause de l’accident plaident contre la causalité de l’accident pour la problématique de l’épaule persistante après le 04.04.2021.

La cour cantonale s’est penchée de manière approfondie sur les appréciations de la causalité naturelle et a expliqué les raisons pour lesquelles les appréciations des médecins traitants n’étaient pas en mesure d’éveiller des doutes, même minimes, sur le résultat des preuves et pourquoi il n’y avait pas lieu d’attendre d’autres mesures probatoires dans le cadre d’une appréciation anticipée des preuves des éléments nouveaux essentiels à la décision.

Par jugement du 06.04.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.3
Il est établi et incontesté que l’épaule droite contusionnée lors de l’accident présente un état dégénératif antérieur qui, selon l’anamnèse, n’a provoqué aucun symptôme jusqu’au 05.01.2021. Selon le rapport du médecin, ni l’opération du 31.03.2021 ni l’opération de révision de septembre 2021 n’ont eu d’effet positif durable sur les douleurs dont l’assuré se plaint depuis lors.

Consid. 3.2
L’assuré n’apporte aucun élément susceptible de remettre sérieusement en question l’appréciation des preuves et la constatation des faits pertinents en droit effectuées par l’instance cantonale. En particulier, ses objections ne sont pas de nature à éveiller des doutes, même minimes, quant à l’appréciation du médecin-conseil ou à invalider l’argumentation de l’instance cantonale.

L’évaluation du lien de causalité naturelle par le médecin-conseil répond aux réquisits jurisprudentiels (cf. arrêt 8C_167/2021 du 16 décembre 2021 consid. 4.1 avec références ; cf. en outre, concernant la position défendue par swiss orthopädics : arrêt 8C_62/2023 du 16 août 2023 consid. 5.2.2 avec référence à SVR 2021 UV no 34 p. 154, 8C_672/2020 E. 4.5 avec références).

L’assuré se réfère à plusieurs reprises au rapport de son chirurgien traitant du 23.03.2021. Il n’avait toutefois pas encore connaissance des résultats peropératoires du 31.03.2021. Ces résultats ont en revanche été appréciés par le médecin-conseil dans son évaluation du dossier du 12.01.2022. Contrairement à la description de l’assuré, c’est précisément le chirurgien traitant qui a indiqué le 23.03.2021 que l’état de santé s’était plutôt détérioré sous physiothérapie, raison pour laquelle l’assuré souhaitait alors une démarche proactive concernant la planification de l’opération du 31.03.2021. Les publications citées par l’assuré ne modifient pas la valeur probante des appréciations médicales sur dossier du médecin-conseil. En particulier, il ne fait pas valoir et il n’apparaît pas que l’événement accidentel aurait entraîné une aggravation déterminante de l’état dégénératif préexistant.

 

Consid. 5
Le recours étant manifestement mal fondé, il doit être considéré comme voué à l’échec au sens de l’art. 64 al. 1 LTF (arrêt 8C_300/2021 du 23 juin 2021 consid. 6 avec référence). La requête d’assistance judiciaire gratuite doit par conséquent être rejetée.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_326/2023 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_326/2023 (d) du 06.10.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/11/8c_326-2023)

8C_396/2022 (d) du 21.04.2023 – Revenu sans invalidité d’un indépendant – Vraisemblance de la poursuite ou de la cessation de l’activité en bonne santé – Revenu précédant l’atteinte à la santé relativement bas – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_396/2022 (d) du 21.04.2023

 

Consultable ici

NB : Traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Revenu sans invalidité d’un indépendant – Vraisemblance de la poursuite ou de la cessation de l’activité en bonne santé – Revenu précédant l’atteinte à la santé relativement bas / 16 LPGA

 

Assuré, né en 1982, a exercé une activité indépendante en tant que propriétaire de l’entreprise individuelle B.__ à partir du 01.03.2010. Troubles dès janvier 2016 en lien avec une sclérose en plaques (diagnostic posé en septembre 2016). Dépôt de la demande AI : 08.03.2017. Expertise neurologique en octobre 2018 et expertises psychiatriques en janvier 2019 et mai 2021. Décision de refus de prestations AI le 05.10.2021.

 

Procédure cantonale (arrêt IV.2021.178 – consultable ici)

Par jugement du 30.03.2022, admission du recours par le tribunal cantonal (droit à une demi-rente AI dès septembre 2017 et à un quart de rente dès avril 2021).

 

TF

Consid. 3.2.1
Pour déterminer le revenu sans invalidité, il est déterminant de savoir ce que la personne assurée aurait gagné au moment déterminant sur la base de ses capacités professionnelles et de ses circonstances personnelles, au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 145 V 141 consid. 5.2.1). Partant de la présomption que l’assuré aurait continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité, ce revenu se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l’assuré avant l’atteinte à la santé, en prenant en compte également l’évolution des salaires jusqu’au moment de la naissance du droit à la rente ; les exceptions doivent être établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 103 consid. 5.3 avec référence). Ce n’est que lorsque les circonstances réelles ne permettent pas de chiffrer le revenu sans invalidité avec une précision suffisante que l’on peut recourir à des valeurs statistiques telles que les enquêtes sur la structure des salaires (ESS) publiées par l’Office fédéral de la statistique (OFS) (arrêts 8C_236/2022 du 4 octobre 2022 consid. 9.4 ; 8C_177/2022 du 13 juillet 2022 consid. 8.1).

Consid. 3.2.2
Le revenu sans invalidité des indépendants peut en principe être déterminé sur la base des inscriptions au compte individuel (CI) (SVR 2017 IV no 6 p. 15, 9C_644/2015 consid. 4.6.2 ; arrêt 8C_738/2021 du 8 février 2023 consid. 3.4.2.2 et les références). Si le dernier revenu réalisé présente des fluctuations importantes et relativement brèves, il faut se baser sur le gain moyen réalisé sur une période plus longue (SVR 2021 UV n° 26 p. 123, 8C_581/2020 E. 6.1 ; arrêt 9C_341/2022 du 8 novembre 2022 consid. 4.3). La jurisprudence du Tribunal fédéral n’exclut toutefois pas que, même pour les personnes exerçant une activité lucrative, on ne se base pas, dans certaines circonstances, sur le dernier revenu réalisé. C’est notamment le cas pour les indépendants lorsque les circonstances permettent de supposer au degré de la vraisemblance prépondérante que la personne assurée aurait, en cas d’atteinte à la santé, abandonné son activité indépendante et accepté une autre activité mieux rémunérée. Il en va de même lorsque l’activité indépendante exercée avant l’atteinte à la santé ne constitue pas, en raison de sa courte durée, une base suffisante pour la détermination du revenu sans invalidité, d’autant plus que les bénéfices d’exploitation sont habituellement faibles au cours des premières années suivant le début de l’activité indépendante, et ce pour diverses raisons (taux d’amortissement élevé sur les nouveaux investissements, etc. ; ATF 135 V 58 consid. 3.4.6; arrêt 8C_572/2021 du 19 janvier 2022 consid. 3.2 et les références; 9C_153/2020 du 9 octobre 2020 consid. 2 et les références; cf. CHRISTOPH FREY/NATHALIE LANG, in: Basler Kommentar, Allgemeiner Teil des Sozialversicherungsrechts, 2020, N. 44 f. zu Art. 16 ATSG). Si la personne assurée, même lorsque sa capacité de travail n’était pas encore réduite, s’est toutefois contentée pendant plusieurs années d’un revenu modeste provenant d’une activité indépendante, c’est ce revenu qui est déterminant pour la fixation du revenu de valide (ATF 135 V 58 consid. 3.4.6 et les références; arrêt 8C_738/2021 du 8 février 2023 consid. 3.4.2.3).

Consid. 3.2.3
La question de savoir quelle serait l’activité professionnelle de la personne assurée si elle n’était pas atteinte dans sa santé est une question de fait que le Tribunal fédéral ne peut examiner que sous un angle restreint (art. 105 al. 1 et 2 LTF), dans la mesure où elle repose sur l’appréciation des preuves, même si elle prend également en compte des conclusions tirées de l’expérience générale de la vie (arrêts 9C_52/2021 du 15 mars 2021 consid. 4.3 et les références; 8C_784/2020 du 18 février 2021 consid. 2.3 et les références). Les constatations du tribunal cantonal à ce sujet lient donc en principe le Tribunal fédéral, sauf si elles sont manifestement inexactes ou si elles reposent sur une violation du droit au sens de l’art. 95 LTF.

 

Consid. 4.1
Dans sa décision, l’office AI a constaté que l’assuré était limité dans sa capacité de travail depuis septembre 2016. A l’échéance du délai d’attente en septembre 2017, il n’était plus en mesure d’exercer son ancienne activité d’indépendant. Des activités adaptées à son état de santé auraient toutefois pu être exigées de lui à un taux d’occupation de 50%. A partir de janvier 2019, sa capacité de travail dans des activités adaptées est passée à 60%. Pour calculer les revenus sans invalidité, l’office AI s’est basé sur la moyenne des revenus des années 2012 (32’300 francs), 2013 (32’700 francs) et 2014 (46’200 francs) inscrit au CI de l’assuré, adaptée à l’évolution des salaires nominaux jusqu’en 2017 et 2019. Pour l’année 2017, il en résulte un revenu d’invalidité de 37’776 francs, pour l’année 2019 de 38’494 francs. L’office AI a déterminé le revenu d’invalide sur la base des salaires statistiques de l’ESS (valeur totale de la table TA1, niveau de compétence 1, hommes, ESS 2016 ou 2018), ce qui a donné pour l’année 2017 un revenu d’invalide de 33’551 francs pour un taux d’occupation raisonnable de 50% et pour l’année 2019 un revenu d’invalide de 41’026 francs en supposant un taux d’occupation de 60%. Les comparaisons de revenus ont abouti à des taux d’invalidité de 11 % (2017) et de 0 % (2019) ne donnant pas droit à une rente.

Consid. 5.1
La cour cantonale a d’abord retenu à ce sujet qu’il semblait en soi correct que l’office AI n’ait pas pris en compte les revenus des années 2010 (29’400 francs) et 2011 (9’094 francs) mentionnés dans l’extrait du CI de l’assuré, étant donné que l’entreprise était encore en phase de développement durant ces années. […] En raison de la chute massive du revenu en 2015 à 9’333 francs – que l’office AI n’a pas prise en compte dans le calcul de la valeur moyenne en faveur de l’assuré – la question se pose toutefois de savoir si, relativement peu d’années après la création de l’entreprise, il aurait continué à exercer cette activité même sans atteinte à la santé. Il est frappant de constater qu’au cours des cinq années qui se sont écoulées entre l’ouverture de son commerce et le début des symptômes de la sclérose en plaques en janvier 2016, il n’a réalisé qu’un revenu relativement faible. Il est concevable que l’assuré ait espéré une nette amélioration en raison de la tendance à la hausse à partir de l’année 2012 et du revenu réalisé en 2014. Toutefois, il n’apparaît pas comme étant vraisemblable qu’il aurait continué à exercer l’activité indépendante après la baisse massive de revenus en 2015, alors qu’il était en bonne santé, d’autant plus qu’en l’absence d’indices correspondants, on ne peut pas non plus supposer que les affaires se seraient rétablies. Il faut plutôt partir du principe que l’assuré aurait abandonné l’activité indépendante, car un revenu aussi bas n’aurait pas permis de vivre à long terme.

 

Consid. 5.2.2.1
Pour conclure que l’assuré aurait cessé d’exercer une activité indépendante même s’il était en bonne santé, l’instance cantonale s’est appuyée sur les revenus qu’il a perçus, en accordant notamment une importance décisive à la chute des revenus en 2015. On ne peut toutefois pas suivre son point de vue. Comme l’a objecté à juste titre l’office AI, les fluctuations de revenus sont inhérentes à une activité lucrative indépendante. L’arrêt attaqué ne fait d’ailleurs pas état d’éléments concrets qui plaideraient en faveur de l’hypothèse de l’instance cantonale selon laquelle la situation économique de l’assuré ne se serait probablement pas rétablie dans les années suivant 2015 ; il s’agit donc d’une simple spéculation sur ce point. En ce qui concerne la baisse de revenu subie en 2015 et la nature modeste des revenus obtenus auparavant, la cour cantonale ne tient pas compte du fait que l’assuré a malgré tout exercé son activité pendant plus de cinq ans et n’a finalement cessé son activité qu’en septembre 2017, c’est-à-dire un an après le début de son incapacité de travail pour raisons de santé. Dans cette situation initiale, un revenu modeste ne revêt pas en soi une importance telle qu’il faille déroger à la règle lors de la détermination du revenu sans invalidité et recourir exceptionnellement aux valeurs statistiques (cf. sur l’ensemble consid. 3.2.1 supra).

Consid. 5.2.2.2
Le tribunal cantonal n’a pas mentionné d’indices pertinents permettant de conclure que l’assuré ne se serait pas contenté d’un revenu modeste, mais qu’il aurait cherché un travail mieux rémunéré. Au contraire, la cour cantonale s’est contentée de supposer qu’il était « concevable qu’il ait espéré une nette amélioration de son revenu en raison de la tendance à la hausse à partir de l’année 2012 ». Dans la mesure où elle a néanmoins conclu, dans ce contexte, que l’assuré aurait abandonné son activité indépendante même s’il était en bonne santé, cette conclusion est manifestement insoutenable.

Consid. 5.2.2.3
On peut renoncer à un renvoi de l’affaire à la cour cantonale pour un examen plus approfondi de l’activité hypothétique de l’assuré (cf. art. 107 al. 2 LTF), les faits pouvant être complétés sans autre sur la base du dossier de procédure (art. 105 al. 2 LTF). Selon le rapport d’enquête du 21 novembre 2017, l’assuré a justifié l’abandon de l’affaire en septembre 2017 auprès de l’office AI en raison de son état de santé. Il en va de même de divers rapports médicaux. En revanche, aucun indice ne plaide en faveur de l’hypothèse des juges cantonaux. Contrairement à l’avis de ces derniers, l’office AI a donc à juste titre basé les revenus sans invalidité déterminants sur la base des revenus provenant d’une activité lucrative indépendante.

Consid. 5.2.3
En ce qui concerne le calcul concret des revenus sans invalidité la décision de l’office AI (consid. 4.1 supra-dessus) doit également être confirmée. La cour cantonale avait déjà constaté à cet égard qu’il semblait en soi correct que l’office AI n’ait pas tenu compte des revenus de la phase de développement commercial 2010 et 2011 mentionnés dans l’extrait CI de l’assuré et qu’il se soit également basé sur la valeur moyenne correspondante des revenus de ces trois années en raison des grandes différences de revenus entre 2012 et 2014. Cela peut être suivi sans autre (cf. consid. 3.2.2 supra). Les revenus sans invalidité de 37’776 francs (2017) et de 38’494 francs (2019) calculés par l’office AI s’avèrent globalement conformes au droit fédéral. […] Le recours de l’office AI est fondé.

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 8C_396/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_396/2022 (d) du 21.04.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/09/8c_396-2022)

 

4A_556/2022 (d) du 04.04.2023 – Respect de l’envoi du recours dans les délais – 143 al. 1 CPC / Dépôt d’un envoi A-Plus, affranchi par WebStamp, au guichet de la Poste suisse après l’heure limite de dépôt

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_556/2022 (d) du 04.04.2023

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Respect de l’envoi du recours dans les délais / 143 al. 1 CPC

Dépôt d’un envoi A-Plus, affranchi par WebStamp, au guichet de la Poste suisse après l’heure limite de dépôt – Droit d’être entendu – Preuve de l’envoi le dernier jour du délai

 

Procédure cantonale

Recourant, qui n’était pas représenté par un avocat, a fait appel d’une décision auprès du Obergericht du canton de Schaffhouse.

La cour cantonale n’est pas entrée en matière sur le recours. Elle a considéré que le délai de recours de 30 jours n’avait pas été respecté. Le délai a commencé à courir le 24 août 2022 et a expiré le 22 septembre 2022. L’enveloppe contenant l’acte de recours est affranchie avec un « WebStamp » et ne porte pas de cachet postal. Il ressort du suivi de l’envoi que celui-ci est arrivé le samedi 24 septembre 2022 dans la boîte postale du Tribunal cantonal. Étant donné qu’un envoi en courrier A Plus est généralement distribué le jour ouvrable suivant, il faut partir du principe que le recourant a remis le recours à la Poste suisse le vendredi 23 septembre 2022. Il n’a ni fait valoir ni prouvé une remise antérieure à la poste dans le délai de recours.

 

TF

Consid. 2.1
Selon l’art. 143 al. 1 CPC, les actes doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai soit au tribunal soit à l’attention de ce dernier, à la poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse. Le critère décisif pour qu’un acte écrit soit déposé dans les délais n’est donc pas l’arrivée de la requête au tribunal le dernier jour du délai (principe dit de réception), mais sa remise à la Poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (principe dit d’expédition ; arrêt 5A_536/2018 du 21 septembre 2018 consid. 3.2 ; message du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse [CPC], BBI 2006 7221, p. 7308 ch. 5.9.3 [ndt : pour la version française : FF 2006 6841, p. 6919] ; cf. ATF 145 V 90 consid. 6.1.1 sur la LPGA).

Le délai peut être utilisé jusqu’à la dernière minute du jour. Toutefois, il incombe à l’expéditeur de prouver qu’il a déposé sa demande dans les temps. Il lui incombe donc de prouver qu’il a remis sa requête à la poste avant 24 heures le dernier jour du délai en cours. La preuve est en général apportée par le cachet de la poste (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 ; 142 V 389 consid. 2.2 ; arrêts 4A_466/2022 du 10 février 2023 consid. 2 ; 5A_972/2018 du 5 février 2019 consid. 4.1). Dans la mesure où le dépôt à la poste a lieu après la fermeture des guichets et qu’il est donc évident que le cachet de réception sera à une date ultérieure, l’expéditeur doit, sur la base de la présomption selon laquelle la date du cachet correspond à celle de la remise, prendre des dispositions appropriées en matière de preuve pour affirmer qu’il a déposé l’envoi dans une boîte aux lettres la veille de l’apposition du cachet ou même avant, afin de renverser la présomption (arrêts 4A_466/2022 du 10 février 2023 consid. 2 ; 5A_503/2019 du 20 décembre 2019 consid. 4.1).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un avocat doit être conscient du risque que son courrier ne soit pas oblitéré le jour même s’il ne le dépose pas au guichet de la poste, mais le dépose dans une boîte aux lettres après la fermeture du guichet. Si un avocat crée une telle incertitude procédurale quant au respect du délai, il doit offrir spontanément (« unaufgefordert ») et avant l’expiration du délai de recours des moyens de preuve pour affirmer le respect du délai, par exemple en mentionnant sur l’enveloppe que l’envoi postal a été déposé dans une boîte aux lettres peu avant l’expiration du délai en présence de témoins (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 et les références ; arrêts 4A_466/2022 du 10 février 2023 consid. 2 et les références ; 5A_185/2022 du 21 décembre 2022 consid. 6 et les références ; 5A_965/2020 du 11 janvier 2021 consid. 4.2.3 et les références ; 5A_503/2019 du 20 décembre 2019 consid. 4.1 et les références).

Consid. 2.2
L’instance inférieure s’est référée à cette jurisprudence dans la décision attaquée.

Le recourant n’a toutefois pas déposé son acte de recours dans une boîte aux lettres après la fermeture des guichets, créant ainsi une incertitude procédurale. Au contraire, il a incontestablement déposé son acte de recours auprès de la Poste sous la forme d’un envoi A-Post-Plus. Avec cette méthode d’envoi, la lettre est munie d’un numéro comme pour une lettre recommandée et expédiée en courrier A. L’envoi est enregistré électroniquement par la Poste et il peut ensuite être suivi grâce au système de recherche «Track & Trace» mis à disposition par la Poste (ATF 144 IV 57 consid..3.1 ; 142 III 599 consid. 2.2). Comme pour une lettre recommandée, la preuve de la remise à temps de l’envoi postal peut donc être facilement apportée ultérieurement dans le cas d’une lettre A-Post Plus (arrêt 1C_581/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2.3 ; Tano Barth, Le Courrier A Plus, Anwaltsrevue 2019, p. 127 ss ch. 7). Dans ce sens, la Poste vante également le fait que le courrier A-Post-Plus représente la possibilité de suivre le déroulement du processus d’expédition « de l’envoi postal à la distribution » (Factsheet de la Poste Suisse sur A-Post-Plus, disponible sur https://www.post.ch/de/briefe-versenden/briefe-schweiz/a-post-plus).

La remise du recours par le recourant en tant qu’envoi A-Post-Plus se distingue donc fondamentalement de la constellation dans laquelle un avocat dépose son courrier dans une boîte aux lettres après la fermeture des guichets. Si la Poste accepte une requête d’une partie en tant qu’envoi en courrier A-Plus, la partie n’a aucune raison de douter de la ponctualité de la remise de l’envoi par la Poste Suisse et de faire des allégations spontanées sur la ponctualité de la requête et d’offrir des moyens de preuve à cet effet (cf. concernant la remise d’un envoi au guichet des clients commerciaux de la Poste pendant les heures d’ouverture, récemment arrêt 4A_466/2022 du 10 février 2023 consid. 4.2). Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de décider si une partie non représentée par un avocat – comme le recourant dans la procédure de première instance – pouvait exiger une telle chose (question laissée ouverte dans l’arrêt 5A_965/2020 du 11 janvier 2021 consid. 4.3).

Consid. 2.3.1
L’instance inférieure et l’intimée invoquent le fait que le plaignant a remis l’envoi à la Poste après « l’heure limite de dépôt publiée publiquement », créant ainsi une incertitude.

Il n’est pas nécessaire de clarifier la date exacte de l’«heure limite de dépôt publiée» de l’office de poste dans le cas concret, car cela n’a aucune importance. Avec ce que l’on appelle l’heure limite de réception, la Poste règle la date jusqu’à laquelle certains envois doivent lui être remis pour qu’elle puisse distribuer l’envoi au destinataire dans le cadre de son offre de prestations. Elle règle par exemple la date jusqu’à laquelle un envoi doit parvenir à la Poste pour qu’il soit distribué le jour ouvrable suivant (cf. arrêt 8C_237/2017 du 4 octobre 2017 consid. 5.2.1 sur la pratique irritante [«irritierenden Praxis»] de l’«antidatage» par la Poste). Cette heure limite de réception interne de la Poste n’est pas pertinente pour déterminer si une requête a été remise à temps à la Poste suisse au sens de l’art. 143 CPC. Le seul élément déterminant est que l’envoi a été remis à la poste suisse le dernier jour du délai (consid. 2.1 supra). La partie n’a pas à s’intéresser de la question de savoir si la Poste peut distribuer à temps l’envoi qui a été déposé après l’heure limite de dépôt, conformément à son offre de prestations, car c’est le principe de l’expédition qui s’applique (à ce sujet, consid. 2.1 supra).

L’heure limite de dépôt ne modifie pas non plus les exigences procédurales décrites ci-dessus à l’égard d’une partie : si la Poste accepte (après l’heure limite de dépôt) l’envoi au guichet postal en tant qu’envoi A-Post-Plus, la partie n’a pas à douter de la remise en temps voulu de la requête en mains de la Poste. Elle ne doit pas non plus, dans ce cas, formuler spontanément des affirmations sur la ponctualité de la remise et proposer des moyens de preuve à cet effet.

Consid. 2.3.2
L’instance inférieure mentionne dans la procédure de consultation que le recourant a utilisé la solution d’affranchissement en ligne «WebStamp» sans indication de date et qu’il a ainsi sciemment accepté une incertitude quant à la ponctualité.

Cet argument est également infondé, car le recourant n’a pas simplement affranchi sa requête avec un «WebStamp» sans date, mais il a déposé son courrier à la poste en tant qu’envoi A-Post-Plus. Dans cette situation, il n’a pas créé d’incertitude procédurale et n’a pas eu à douter de la ponctualité du dépôt postal.

Consid. 2.3.3
Ainsi, le requérant n’était pas tenu de présenter spontanément, avant l’expiration du délai de recours, des allégations et des moyens de preuve attestant que son recours avait été introduit en temps utile.

Consid. 2.4
Selon les faits sur lesquels l’instance précédente a fondé sa décision de non-entrée en matière, la requête du recourant était arrivée le samedi 24 septembre 2022 dans la case postale de la Cour cantonale. L’instance inférieure s’est appuyée pour cela sur les indications du suivi des envois de la Poste. Contrairement à la promesse de la Poste (consid. 2.2 supra), ce suivi n’indiquait que le moment de la distribution, et non celui du dépôt. L’enveloppe ne portait pas de timbre postal avec la date, l’envoi ayant été affranchi avec un «WebStamp» sans indication de la date. Aucune date ne figure non plus sur l’autocollant de suivi de l’envoi A-Post Plus. L’instance inférieure ne disposait donc d’aucun indice concret sur le moment où le recourant a déposé l’acte de recours.

Si le dossier ne contient aucune indication sur le moment du dépôt postal et que l’acte de recours parvient à l’instance cantonale seulement deux jours après l’expiration du délai, comme c’est le cas en l’espèce, celle-ci ne peut pas se contenter de faire des suppositions sur le moment du dépôt en se basant sur la date de réception et de ne pas entrer en matière sur le recours sur cette base. Le droit d’être entendu au sens de l’art. 29 al. 2 Cst. garantit au recourant que, dans une telle situation, l’autorité le consulte afin qu’il puisse s’exprimer sur la date de dépôt de la requête et présenter d’éventuels moyens de preuve (cf. ATF 139 III 364 consid. 3.2.3 ; 115 Ia 8 consid. 2c ; arrêts 5A_185/2022 du 21 décembre 2022 consid. 6 ; 5A_28/2015 du 22 mai 2015 consid. 3.1.1). Cela garantit que le recourant puisse s’acquitter de son obligation d’alléguer et de prouver qu’il a déposé sa requête dans les délais (considérant 2.1).

Le grief de la violation du droit d’être entendu s’avère fondé.

 

Le TF admet le recours.

 

 

Arrêt 4A_556/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 4A_556/2022 (d) du 04.04.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/09/4a_556-2022)

 

8C_359/2021 (d) du 07.07.2021 – Suicide par pendaison – Capacité de discernement au moment de l’acte chez un assuré atteint d’un trouble affectif bipolaire / 37 al. 1 LAA – 48 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_359/2021 (d) du 07.07.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Suicide par pendaison – Capacité de discernement au moment de l’acte chez un assuré atteint d’un trouble affectif bipolaire / 37 al. 1 LAA – 48 OLAA

 

Assuré, né en 1973, employé en dernier lieu en tant que directeur d’un centre de santé. Le 04.11.2017, il s’est pendu dans sa salle de bain.

Par courrier du 07.12.2017, l’assurance-accidents a informé l’ex-employeur qu’elle ne verserait aucune prestation d’assurance – à l’exception du remboursement des frais funéraires – étant donné que l’assuré avait volontairement mis fin à ses jours et qu’il fallait partir du principe qu’il n’était pas totalement incapable d’agir raisonnablement au moment de l’acte.

A la demande de la compagne de feu l’assuré, l’assurance-accidents a demandé un rapport à l’ancien médecin traitant, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Par décision du 06.09.2018, elle a nié son obligation de prestation, à l’exception des frais funéraires déjà pris en charge. La partenaire a fait opposition à cette décision au nom de leur fils commun, transmettant une expertise psychiatrique datée du 22.12.2018. Par décision sur opposition du 18.12.2019, l’assurance-accidents a maintenu sa décision.

 

Procédure cantonale (arrêt UV.2020.00024 – consultable ici)

Par jugement du 10.03.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.1
Il est établi que l’événement du 04.11.2017 était un suicide. En revanche, il est contesté et doit être examiné si l’assuré était, sans faute de sa part, totalement incapable de se comporter raisonnablement au moment où il a agi.

Consid. 2.2
Si l’assuré a provoqué intentionnellement l’atteinte à la santé ou le décès, aucune prestation d’assurance n’est allouée, sauf l’indemnité pour frais funéraires (art. 37 al. 1 LAA). Cette réglementation ne s’applique pas lorsque l’assuré, dont il est prouvé qu’il a voulu se suicider, était totalement incapable, sans faute de sa part, d’agir raisonnablement au moment de l’acte (art. 48 OLAA ; cf. sur la légalité de cette disposition : ATF 140 V 220 consid. 3.2 et consid. 3.3.1 ; 129 V 95).

Consid. 2.3
La capacité de discernement de la personne assurée doit être examinée par rapport à l’acte concret en question et en appréciant les conditions objectives et subjectives qui prévalaient au moment de son accomplissement (cf. sur l’ensemble : arrêt 8C_496/2008 du 17 avril 2009 consid. 2.3). Le fait que l’acte ait été commis sans conscience [cognition] ni volonté [volition] n’est pas déterminant ; en effet, il faut toujours constater une intention, ne serait-ce que sous la forme d’une impulsion de volonté totalement irréfléchie; sinon, il n’y a pas de suicide ou de tentative de suicide. Ce qui est déterminant, c’est uniquement de savoir si, au moment décisif, il existait un minimum de capacité de réflexion pour une gestion critique et consciente des processus endothymiques (c’est-à-dire avant tout des processus instinctifs internes). Pour que l’assureur-accidents soit tenu de verser des prestations, il faut qu’une maladie mentale ou un trouble grave de la conscience soit établi au degré de la vraisemblance prépondérante. Cela signifie qu’il faut prouver l’existence de symptômes psychopathologiques comme par exemple la folie, les hallucinations, la stupeur dépressive (état d’excitation soudaine avec tendance au suicide), le raptus (état d’excitation soudaine comme symptôme d’un trouble psychique), etc. Le suicide ou la tentative de suicide doit avoir pour origine une maladie mentale symptomatique ; en d’autres termes, l’acte doit être «insensé». Un simple geste «disproportionné», au cours duquel le suicidaire apprécie unilatéralement et précipitamment sa situation dans un moment de dépression et de désespoir ne suffit pas à admettre l’incapacité de discernement (arrêts 8C_916/2011 du 8 janvier 2013 consid. 2 ; 8C_936/2010 du 14 juin 2011 consid. 3.1 ; dans les deux cas avec référence à HANS KIND, Suizid oder « Unfall », Die psychiatrischen Voraussetzungen für die Anwendung von Art. 48 UVV, SZS 1993 p. 291). Le caractère accidentel d’un acte suicidaire doit par conséquent être nié s’il peut simplement être qualifié de disproportionné et qu’il existe qu’une incapacité totale de discernement à cet égard (RKUV 1996 n° U 267 p. 309, U 165/94 consid. 2b).

Consid. 2.4
Pour établir l’absence de capacité de discernement, il ne suffit pas de considérer l’acte suicidaire et, partant, d’examiner si cet acte est déraisonnable, inconcevable ou encore insensé. Il convient bien plutôt d’examiner, compte tenu de l’ensemble des circonstances, en particulier du comportement et des conditions d’existence de l’assuré avant le suicide, s’il était raisonnablement en mesure d’éviter ou non de mettre fin ou de tenter de mettre fin à ses jours. Le fait que le suicide en soi s’explique seulement par un état pathologique excluant la libre formation de la volonté ne constitue qu’un indice d’une incapacité de discernement (RAMA 1996 n° U 267 p. 309 E. 2b ; arrêt U 256/03 du 9 janvier 2004 consid.. 3.2). Il n’y a pas lieu de poser des exigences strictes quant à sa preuve ; elle est considérée comme apportée lorsqu’un acte suicidaire commandé par des pulsions irrésistibles et apparaît comme plus vraisemblable qu’une action encore largement rationnelle et volontaire (arrêts 9C_81/2014 du 20 mai 2014 ; 8C_496/2008 du 17 avril 2009 consid. 2.3 in fine et les références).

Consid. 2.5
En cas de suicide ou de tentative de suicide, le bénéficiaire des prestations doit prouver qu’il était incapable de discernement au sens de l’art. 16 CC au moment des faits (SVZ 68 2000 S. 202, U 54/99; RKUV 1996 Nr. U 247 S. 168, U 21/95 consid. 2a, Urteil 8C_256/2010 vom 22. Juni 2010 consid. 3.2.1). Dans le cadre du procès en matière d’assurances sociales, dominé par le principe inquisitoire, il n’incombe toutefois pas aux parties un fardeau subjectif de la preuve au sens de l’art. 8 CC. Le fardeau de la preuve n’existe que dans la mesure où, en cas d’absence de preuve, la décision est rendue au détriment de la partie qui voulait déduire des droits des faits non prouvés. Cette règle de preuve n’intervient toutefois que lorsqu’il s’avère impossible, dans le cadre du principe inquisitoire, d’établir sur la base d’une appréciation des preuves un état de fait qui a au moins la vraisemblance prépondérante de correspondre à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et la référence ; SVR 2016 UV no 31 p. 102, 8C_662/2015 consid. 3.2 et la référence).

Consid. 3
La cour cantonale a considéré que ni le rapport du psychiatre traitant ni l’expertise privée n’indiquaient que l’assuré a subi des épisodes psychotiques. De même, rien dans les descriptions de la compagne n’indiquait que l’assuré avait partiellement ou totalement perdu le contact avec la réalité en raison de sa maladie. Au contraire, la veille de l’événement, il a entrepris certaines activités, comme faire changer les pneus de la voiture, faire des pizzas et manger avec son fils. Le 4 novembre 2017, il s’est suicidé entre 13h20 et 19h20. Sa compagne et son fils s’étaient alors rendus à Bâle pour une rencontre prévue avec des amis. Après avoir pris congé de sa compagne, l’assuré lui avait encore envoyé l’adresse nécessaire par SMS et lui avait fait savoir qu’il se sentait très mal. Après avoir demandé des précisions, il n’a pas jugé nécessaire que sa compagne fasse appel à un médecin. Le tribunal cantonal a conclu de ces descriptions qu’il n’y avait pas non plus d’indices de l’existence de symptômes psychotiques le jour du décès. Enfin, compte tenu de la démarche délibérée et planifiée de l’assuré lors de son suicide par pendaison, la cour cantonale a considéré qu’un acte raisonné (même s’il était disproportionné) et volontaire était plus vraisemblable qu’un acte suicidaire entièrement guidé par des pulsions irrésistibles.

Consid. 4.1
Dans un rapport non daté, reçu par l’assurance-accidents le 29.06.2018, le dernier psychiatre traitant de l’assuré a pris position sur des questions de l’assureur. Il a indiqué avoir traité l’assuré de manière épisodique à partir de juin 2015 jusqu’à son décès le 04.11.2017 et n’avoir jamais eu l’intention de l’hospitaliser en psychiatrie. Il a mentionné comme diagnostics un trouble affectif bipolaire, épisode actuel de dépression sévère sans symptômes psychotiques (CIM-10 F31.4) et un trouble bipolaire II (CIM-10 F31.80). Durant son traitement, l’assuré n’a jamais souffert de symptômes psychotiques au sens psychopathologique strict. En particulier, il n’y a jamais eu d’hallucinations, de délire ou de stupeur dépressive ou catatonique. Début novembre 2017, l’assuré aurait souffert d’un épisode dépressif majeur. Au moment du dernier examen (c’est-à-dire la veille du suicide), il a clairement écarté une tendance suicidaire aiguë.

Consid. 4.2
Dans le rapport d’expertise du 22.12.2018, établi à l’initiative de la compagne de l’assuré, le médecin a constaté que, sur la base des informations détaillées fournies par la compagne, il fallait partir du principe que l’assuré présentait une instabilité psychique importante au moment de l’acte suicidaire, ce qui, dans le cadre du diagnostic posé, permettait uniquement de conclure qu’avant son décès, il se trouvait soit (I) au milieu d’un changement de phase entre un état dépressif (CIM-10 F31.4) à un trouble hypomaniaque (CIM-10 F31.0) et éventuellement à nouveau à un trouble dépressif le jour de son décès, soit (II) à un épisode mixte (CIM-10 F31.6). Les deux possibilités seraient liées à un risque de suicide important. Ce médecin a en outre répondu par l’affirmative à la question de savoir si l’assuré était, selon toute vraisemblance, totalement incapable d’agir raisonnablement au moment du suicide. Comme le montre clairement l’interrogatoire de la partenaire, l’assuré ne souffrait pas seulement d’une grave maladie maniaco-dépressive (CIM-10 F31), mais aussi d’un manque de conscience de la maladie et du traitement qui l’accompagnait. Ces deux caractéristiques doivent être considérées comme des expressions de la maladie et ne sont donc pas contrôlables. Par conséquent, au moment du suicide, l’assuré n’était pas en mesure de comprendre les faits médicaux de sa propre maladie et d’en tirer des conclusions appropriées, comme par exemple la nécessité d’un traitement (hospitalier) spécifique au trouble (absence de capacité à traiter les informations). De même, il n’aurait pas été en mesure d’évaluer l’importance de la suicidalité dans le cadre de sa propre maladie et d’en tirer des conclusions appropriées, comme par exemple le recours à des offres d’aide en cas de crise suicidaire en cours de développement (manque de capacité d’autodétermination et d’expression). L’expert privé a en outre souligné qu’en tant que médecin, l’assuré aurait dû avoir des connaissances approfondies tant sur la maladie maniaco-dépressive que sur le risque de suicidalité qui l’accompagne. Néanmoins, le 04.11.2017, il était totalement incapable d’établir un accès rationnel à ces connaissances, garantissant ainsi sa survie. Cela montre clairement l’étendue de la perte de capacité de discernement due à la maladie. En résumé, le suicide de l’assuré devait être considéré comme un événement impulsif lié à la maladie dans le cadre d’une maladie maniaco-dépressive grave (CIM-10 F31), l’assuré étant certes encore capable, le 04.11.2017, d’actes suicidaires ciblés, mais ne pouvant plus en comprendre la signification et les conséquences (perte de la capacité de discernement).

Consid. 5.1
La conclusion tirée par l’instance cantonale, selon laquelle il n’y avait pas, au degré de la vraisemblance prépondérante, de symptômes psychopathologiques graves qui auraient été de nature, au sens de la jurisprudence du Tribunal fédéral, à abolir totalement la capacité de discernement au moment de l’acte de suicide, n’est pas critiquable. Comme l’a constaté à juste titre le tribunal cantonal, il n’existe aucun indice concret permettant de conclure que l’assuré se trouvait immédiatement avant l’acte suicidaire en question dans un état psychique extrême et qu’il était de ce fait totalement incapable de discernement. De tels indices ne ressortent ni du rapport du médecin-traitant ni de l’expertise privée.

Consid. 5.2.1
Il est certes vrai que le psychiatre traitant n’a apparemment jamais remis le dossier médical demandé et que la fréquence des traitements ne ressort pas de sa prise de position. On ne voit cependant pas ce que la compagne de feu l’assuré veut en déduire en sa faveur. Ainsi, il ressort clairement de la prise de position de l’ancien psychiatre traitant que l’assuré n’a jamais souffert de symptômes psychotiques au sens psychopathologique strict durant toute la période de traitement, même pas la veille du suicide. En particulier, selon le psychiatre traitant, son patient n’a à aucun moment présenté des hallucinations, un délire ou une stupeur dépressive ou catatonique. Sur la base de ces indications claires, il n’y a rien à redire au fait que l’instance cantonale n’ait pas ordonné d’autres investigations.

Consid. 5.2.2
Il est possible que l’assuré se trouvait avant son décès – comme le postule l’expert privé – au milieu d’un changement de phase, passant d’un trouble dépressif à un trouble hypomaniaque, puis de nouveau à un trouble dépressif le jour de son décès, ou qu’il souffrait d’un épisode mixte. Mais cela ne suffit pas à établir avec le degré de preuve requis que l’assuré souffrait, au moment de l’acte suicidaire, de symptômes psychopathologiques tels que délire, hallucinations, stupeur dépressive (état d’excitation soudaine avec tendance au suicide), raptus (état d’excitation soudaine comme symptôme d’un trouble psychique) ou autres, qui auraient fait apparaître l’acte non seulement comme disproportionné, mais aussi comme «insensé» (cf. consid. 2.3 supra). Or, de tels symptômes psychopathologiques sont une condition préalable à l’admission d’une incapacité totale de discernement (cf. HANS KIND, op. cit., p. 291). Lorsque l’expert privé part du principe que l’assuré n’avait pas conscience de sa maladie et de son traitement au moment de l’acte suicidaire, cela est en contradiction avec les déclarations de la compagne à l’expert, selon lesquelles, pendant ses phases dépressives, l’assuré avait une capacité de compréhension, dans le sens d’une conscience de la maladie. Dans de telles phases, il y a eu des moments où l’assuré a adopté une attitude de recherche d’aide. A cet égard, on ne voit pas pourquoi l’assuré n’aurait pas été en mesure de comprendre les aspects médicaux de sa propre maladie alors que son humeur était manifestement de plus en plus sombre.

Consid. 5.2.3
Il n’est certes pas possible de conclure directement à la capacité de discernement de l’assuré en raison de l’exécution déterminée de l’acte suicidaire, d’autant plus qu’il n’est pas rare qu’une personne soit capable de discernement pour les actes précédant ou préparant le suicide ou la tentative de suicide, mais qu’elle apparaisse incapable de discernement pour l’acte de suicide lui-même, qui peut reposer sur des motifs et un contexte psychique tout à fait différents (cf. arrêt U 395/01 du 1er juillet 1993 consid. 5b). Or, l’instance cantonale – malgré toute la tragédie inhérente – n’a pas ignoré à juste titre le fait que, selon la présomption fondée sur des indices de la compagne de l’assuré, une première tentative de suicide avait échoué (juste) avant la tentative de suicide à l’issue fatale.

Consid. 5.2.4
Dans l’ensemble, l’évaluation de l’expert privé de l'(in)capacité de discernement de l’assuré au moment de l’acte suicidaire, qui s’appuie essentiellement sur l’anamnèse de la compagne de l’assuré et sur un risque de suicide généralement plus élevé chez les personnes souffrant de troubles affectifs bipolaires, semble plutôt spéculative. Comme l’a relevé le tribunal cantonal, le suicide de l’assuré peut certes être interprété, dans le sens des explications de l’expert privé, comme un événement impulsif lié à une maladie dans le cadre d’une grave maladie maniaco-dépressive. Mais une capacité de discernement complètement abolie n’est pas établie au degré de la vraisemblance prépondérante. Contrairement à ce que la compagne de feu l’assuré veut faire croire, l’instance cantonale n’est donc pas parvenue à cette conclusion sur la base du seul rapport succinct du psychiatre traitant de l’époque, mais en procédant à une appréciation convaincante du dossier disponible. Etant donné qu’il n’y avait pas lieu d’attendre de nouveaux éléments pertinents pour la décision de la part d’investigations supplémentaires, le tribunal cantonal a renoncé à d’autres mesures d’administration des preuves dans le cadre d’une appréciation anticipée des preuves (ATF 136 I 229 consid. 5.3).

Consid. 5.3
A l’aune de ce qui précède, les faits pertinents ont été correctement et complètement établis conformément au principe inquisitoire (art. 43 al. 1 LPGA ; art. 61 let. c LPGA) et le tribunal cantonal a apprécié les preuves conformément au droit fédéral. C’est pourquoi, en raison de l’absence de preuve (consid. 2.5 supra), la décision est défavorable au recourant en ce qui concerne la preuve de l’incapacité totale de discernement au moment du suicide (cf. art. 37 al. 1 LAA en relation avec l’art. 48 OLAA), qui doit être apportée avec le degré de vraisemblance prépondérante, et qui a tenté d’en déduire un droit plus étendu à des prestations d’assurance selon la LAA. L’arrêt attaqué est donc maintenu.

 

Le TF rejette le recours de la compagne de feu l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_359/2021 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_359/2021 (d) du 07.07.2021, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/09/8c_359-2021)

 

Pour plus de détails sur le suicide en assurances sociales, cf. l’article paru in Jusletter 30.03.2020

 

4A_327/2016 (d) du 27.09.2016, publié aux ATF 142 III 767 – Droit aux indemnités journalières maladie LCA – Convention de libre passage (CLP) – Pas de notion d’assurance rétroactive – 9 aLCA

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_327/2016 (d) du 27.09.2016, publié aux ATF 142 III 767

 

ATF 142 III 767 consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Droit aux indemnités journalières maladie LCA – Convention de libre passage (CLP) – Pas de notion d’assurance rétroactive / 9 aLCA

 

TF

Consid. 7.1
La Convention de libre passage (CLP) est un accord entre les assureurs ; ceux-ci ne sont pas (directement) liés entre eux par l’art. 9 LCA, étant donné que l’art. 9 LCA concerne la conclusion du contrat d’assurance, c’est-à-dire la relation entre l’assureur et l’assuré ou le preneur d’assurance. La doctrine présente différentes opinions sur la manière de classer juridiquement cette CLP. Selon l’avis de l’Association Suisse d’Assurances elle-même, il ne s’agit pas d’un vrai contrat au bénéfice de tiers qui accorde aux assurés un droit direct contre les assureurs concernés. Dans cette mesure, il n’y a pas de conflit avec l’art. 9 LCA (Thomas Mattig, Freizügigkeit in der Krankentaggeldversicherung nach VVG, in: Krankentaggeldversicherung: Arbeits- und versicherungsrechtliche Aspekte, 2007, p. 106 s. ; suivi par Häberli/Husmann, Krankentaggeld, versicherungs- und arbeitsrechtliche Aspekte, 2015, p. 208). Selon un autre avis, le contenu de l’accord fait partie « de manière évidente du contrat collectif individuel [respectif] », car la CLP engage tous les principaux assureurs d’indemnités journalières LCA à fournir ces prestations. Toutefois, dans la mesure où la CLP promet une couverture pour des événements qui remplissent les conditions de l’art. 9 LCA, la personne assurée ne peut pas faire valoir de droit contractuel à l’encontre de l’assureur, mais tout au plus un droit à des dommages-intérêts, si tant est qu’il faille lui reconnaître un droit de créance autonome (Gebhard Eugster, Vergleich der Krankentaggeldversicherung [KTGV] nach KVG und nach VVG, in: Krankentaggeldversicherung: Arbeits- und versicherungsrechtliche Aspekte, 2007, p. 72 f.)

L’assuré soutient qu’il s’agit d’un contrat au bénéfice de tiers. Il fonde son argumentation sur l’art. 5 al. 1 CLP, selon lequel le nouvel assureur doit accorder les conditions de passage prévue par la CLP sans demande particulière du preneur d’assurance. Cette disposition indique que le nouvel assureur a cette obligation, mais elle ne précise pas envers qui – cette question n’est justement pas résolue.

La question de savoir s’il s’agit d’un contrat au bénéfice de tiers peut finalement rester ouverte ici. En effet, en application de la CLP, l’art. 9 al. 1 lit. a des Conditions générales d’assurance (ci-après: CGA) de la compagnie d’assurance dispose qu’il n’y a pas de couverture d’assurance pour les maladies qui existent au moment de l’entrée en service ou du début de l’assurance, tant qu’elles entraînent une incapacité de travail, « sauf si [la compagnie d’assurance] ne doive garantir le maintien de la couverture d’assurance en vertu d’accords de libre passage entre assureurs ». Dans la mesure où la CLP oblige à prendre en charge un cas de sinistre en cours ou une rechute, le contrat d’assurance lui-même confère ainsi aux assurés un droit direct correspondant à l’encontre de la compagnie d’assurance intimée. Il est donc décisif de savoir si la CLP contient des dispositions dont le contenu contrevient à l’interdiction de l’assurance rétroactive selon l’art. 9 LCA et qui, en conséquence, ne peuvent pas être convenues entre l’assureur et l’assuré ou le preneur d’assurance (par exemple – comme c’est le cas ici – en incluant la CLP dans les CGA).

 

Consid. 7.2
En l’espèce,  il n’est plus contesté que l’incapacité de travail à partir du 14 mars 2014 constitue une rechute.

Cette situation est couverte par l’art. 4 al. 2 CLP, selon lequel le nouvel assureur doit prendre en charge le sinistre en cours (voir également l’exemple correspondant dans Mattig, op. cit., p. 105). L’art. 4 al. 4 CLP contient en outre une disposition spécifique concernant la rechute. Si l’on considère isolément la nouvelle relation d’assurance avec l’assureur du nouvel employeur, cela constituerait un cas d’assurance rétroactive interdite selon l’art. 9 LCA (comme le soutient également Mattig, op. cit., p. 106 ; Eugster, op. cit., p. 73 ; Häberli/Husmann, op. cit., p. 208), si cela était également applicable ici.

Or, limiter l’analyse au seul contrat d’assurance avec l’assureur du nouvel employeur ignore le fait qu’il s’agit ici d’une coordination entre deux assureurs collectifs. C’est pourquoi il convient d’examiner s’il est conforme au sens et au but de l’art. 9 LCA d’interdire également une telle réglementation de coordination. L’assuré invoque implicitement ce point de vue lorsqu’il affirme qu’il s’agit d’une reprise de contrat (de l’ancien contrat d’assurance) par le nouvel assureur et non d’une assurance rétroactive. Il ne s’agit manifestement pas d’une reprise de contrat à proprement parler, car l’ancien contrat d’assurance n’est pas repris dans son intégralité. Il s’agit plutôt d’un problème de «prolongation de la couverture», c’est-à-dire de la responsabilité pour les sinistres en cours au-delà de la fin du contrat d’assurance. Dans le cas d’une véritable prolongation de la couverture, l’incapacité de travail survient après la fin des rapports de travail (ou de la durée du contrat).

Dans la pratique, les CGA des différents assureurs régissent ces cas de manière très différente. Par exemple, selon le chiffre 6 des CGA d’un assureur, la couverture d’assurance s’éteint à la fin des rapports de travail (c’est-à-dire lorsque l’assuré quitte le cercle des personnes assurées) ; une telle disposition laisse finalement ouverte la question de savoir comment la prolongation de la couverture est réglée (Stephan Fuhrer, Kollektive Krankentaggeldversicherung – aktuelle Fragen, in : Jahrbuch SGHVR 2014 p. 88 et note de bas de page 73, en se référant expressément au chiffre 6 de ces CGA). Dans une affaire où l’incapacité de travail était déjà survenue pendant la période d’assurance précédente et persistait à la fin de la relation de travail (cas d’assurance dit étendu ; cf. Fuhrer, op. cit., p. 87), le Tribunal fédéral a reconnu qu’en l’absence de clauses contractuelles contraires, l’assuré conserve son droit aux prestations même après la fin de la relation d’assurance et ce jusqu’à l’épuisement de la durée des prestations (ATF 127 III 106 consid. 3b ; cf. aussi Eugster, op. cit., p. 63). Certains estiment en outre qu’une disposition des CGA selon laquelle, dans les «cas d’assurance étendus», l’assureur ne doit plus verser de prestations lorsque le travailleur quitte l’entreprise assurée, serait inhabituelle et donc inadmissible (Fuhrer, op. cit., p. 89 s.).

En tout état de cause, rien ne s’opposerait à ce que l’ancien assureur d’indemnités journalières collectives assume expressément la prolongation de la couverture pour les sinistres en cours ou les rechutes. La réglementation contenue dans la CLP n’est rien d’autre, sur le fond, que la garantie d’une telle prolongation de la couverture pour les maladies qui existaient dans l’ancien rapport de travail et ayant déjà entraîné une incapacité de travail. Comme l’assuré le mentionne à juste titre, le fait qu’il s’agisse d’une prolongation de la couverture selon le contrat d’assurance en vigueur jusqu’alors ressort également du fait que les prestations doivent être versées selon les conditions du contrat existant auprès de l’ancien assureur et non selon le nouveau contrat d’assurance ; et ce aussi bien en ce qui concerne le montant de l’indemnité journalière, le délai d’attente et la durée des prestations (art. 4 al. 2 CLP) qu’en ce qui concerne la prise en compte des indemnités journalières déjà versées par l’ancien assureur dans la durée des prestations (art. 4 al. 4 CLP). On ne voit pas pourquoi un accord entre les assureurs, selon lequel le nouvel assureur assume cette prolongation de la couverture à la place de l’ancien assureur, aux conditions de l’ancien contrat d’assurance et de manière limitée à la durée des prestations de ce dernier, ne serait pas admissible sur le fond.

Il ne s’agit pas d’une « opération de contournement » interdite (cf. toutefois Eugster, op. cit., p. 72 à la note 76). Dans un cas de passage de l’assurance collective d’indemnités journalières à l’assurance individuelle d’indemnités journalières (du même assureur), dans laquelle l’assureur avait repris en tant qu’assureur individuel une éventuelle prolongation de la couverture résultant de l’assurance collective, le Tribunal fédéral a jugé qu’il n’y avait pas dans ce cas d’assurance rétroactive interdite, car la rechute en question était déjà assurée dans l’assurance collective (arrêt 4A_39/2009 du 7 avril 2009 consid. 3.5.2).

Par conséquent, l’assuré a droit, sur la base de l’art. 9 al. 1 lit. a CGA en relation avec l’art. 4 al. 2 et 4 de la CLP, à ce que la compagnie d’assurance intimée fournisse à son égard les prestations relevant de la prolongation de couverture aux conditions de l’ancien contrat d’assurance et limitées à la durée des prestations de celui-ci ; cela ne constitue aucunement une infraction à l’art. 9 LCA.

 

ATF 142 III 767 consultable ici

 

Proposition de citation : ATF 142 III 767, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/09/142_III_767)

 

 

9C_223/2022 (i) du 15.05.2023, destiné à la publication – Calcul de la prestation complémentaire – Revenus déterminants (mère invalide et enfant apprentie) – Franchise sur le revenu lucratif de l’assuré vs du ménage / 11 al. 1 lit. a LPC (dans sa version dès le 01.01.2021)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_223/2022 (i) du 15.05.2023, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Calcul de la prestation complémentaire – Revenus déterminants (mère invalide et enfant apprentie) – Franchise sur le revenu lucratif de l’assuré vs du ménage / 11 al. 1 lit. a LPC (dans sa version dès le 01.01.2021)

 

Assurée au bénéfice d’une rente AI et de prestations complémentaires depuis 2015.

Le 18.12.2020, la caisse de compensation lui a communiqué le montant de la prestation complémentaire pour 2021, soit 1’526 fr. par mois – en plus du remboursement de la prime de l’assurance maladie – calculé selon la nouvelle loi en vigueur depuis le 01.01.2021, qui était plus favorable pour elle. En particulier, la caisse de compensation a déduit la franchise de 1’500 fr. du revenu d’activité – nul – de l’assurée, et non de celui de sa fille (apprentie), qui bénéficie également d’une rente pour enfants de l’AI et vit dans le même ménage. Les décisions ultérieures de la caisse de compensation ont confirmé le montant de la prestation. L’opposition de l’assurée a été rejetée par la caisse de compensation.

 

Procédure cantonale (arrêt 33.2021.14 – consultable ici)

Par jugement du 14.03.2022, admission du recours par le tribunal cantonal. La cour cantonale a renvoyé la cause à la caisse de compensation afin de procéder à un nouveau calcul de la prestation complémentaire au sens des considérants, notamment que le montant de la franchise de 1’500 fr. soit déduit du salaire net de la fille apprentie ou de celui du ménage familial, et non pas uniquement de celui de la mère ; la déduction du revenu de la mère n’apporterait aucun avantage à l’assurée car il est nul.

 

TF

Consid. 3.1
Le litige concerne le montant des prestations complémentaires versées à l’assurée à compter du 01.01.2021. L’assurée, qui bénéficie d’une rente d’invalidité de 62% et de prestations complémentaires, ne perçoit aucun revenu provenant d’une activité lucrative. En revanche, sa fille, qui reçoit une rente pour enfants de l’AI, vit avec elle et perçoit un revenu en tant qu’apprentie. Le litige porte essentiellement sur le calcul du revenu de l’activité lucrative réalisé par la fille de l’assurée, soit le seul revenu provenant de l’exercice d’une activité lucrative dans le ménage, en particulier sur la déduction ou non de la franchise de 1’500 fr. sur ce revenu.

Consid. 3.3.1
Le 1er janvier 2021, la modification de la loi fédérale sur les prestations complémentaires de vieillesse, de survivants et d’invalidité (LPC), soit la réforme des PC du 22 mars 2019 (RO 2020 585 ; FF 2016 7249 [pour les versions françaises]), est entrée en vigueur. En cas de modification de la législation, le droit applicable est en principe celui en vigueur au moment de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié sur le plan juridique ou qui produit des conséquences juridiques, sauf dispositions particulières de droit transitoire (ATF 148 V 21 consid. 5.3 et les références). Or, des dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019 (réforme des PC) et de la modification du 20 décembre 2019, il résulte en substance, pour autant que cela soit pertinent dans le cas d’espèce, que l’ancien droit reste applicable pendant trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle.

Consid. 3.3.2
La présente affaire concerne le droit aux prestations complémentaires pour l’année 2021. Selon les constatations du tribunal cantonal, il en ressort que la caisse de compensation a effectué le calcul selon les deux droits en question et que, pour le nouveau droit, le montant de la prestation complémentaire est en tout état de cause plus élevé (avec ou sans déduction de la franchise sur le revenu de la fille). La conclusion de la cour cantonale selon laquelle le nouveau droit est applicable en vertu des dispositions transitoires des 22 mars et 20 décembre 2019 mérite donc d’être confirmée.

Consid. 5.1
Il n’est pas contesté que la fille de l’assurée, apprentie en formation vivant en ménage commun avec sa mère, percevant une rente pour enfant de l’AI, n’a pas de droit propre à des prestations complémentaires mais doit être prise en compte dans le calcul des prestations complémentaires de sa mère, bénéficiaire d’une rente d’invalidité et sans revenu provenant d’une activité professionnelle. Pour être complet, il convient de préciser qu’il ressort du dossier que le taux d’invalidité de l’assurée était, en 2021, de 62% et que, compte tenu de son état de santé, elle n’exerçait aucune activité professionnelle ; un éventuel calcul de revenu au sens de l’art. 14a OPC-AVS/AI n’entre donc pas en ligne de compte. Il n’est également pas contesté qu’un calcul commun doit être effectué pour déterminer les prestations complémentaires de l’assurée. Les dépenses reconnues et les revenus déterminants de la fille de l’assurée doivent être additionnés à ceux de la mère (cf. art. 9 al. 2 LPC, qui n’est d’ailleurs pas concerné par la réforme de 2019). En effet, la prestation complémentaire vise à garantir le minimum vital de la famille d’un assuré seulement si chaque membre de la famille n’est pas en mesure de réaliser un revenu permettant de couvrir les dépenses nécessaires à leurs besoins vitaux.

Consid. 5.2
La question de la manière dont le seul revenu du ménage provenant d’une activité lucrative, c’est-à-dire celui de la fille apprentie, doit être pris en compte dans le calcul du droit à la prestation complémentaire de la mère, reste à examiner. L’art. 11 al. 1 LPC énumère les revenus qui peuvent être pris en compte. L’interprétation de l’art. 11 al. 1 LPC est litigieuse.

Consid. 5.3
La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique). La décision matériellement correcte doit être prise dans le contexte législatif, orientée vers un résultat satisfaisant au regard de la ratio legis. Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme (à ce sujet, cf. ATF 148 II 299 consid. 7.1 et les références). Lorsque plusieurs interprétations sont possibles, il opte pour celle qui correspond le mieux aux exigences constitutionnelles. En effet, à moins que le contraire ne résulte clairement du texte ou du sens de la disposition, le Tribunal fédéral, bien qu’il ne puisse pas examiner la constitutionnalité des lois fédérales (art. 190 Cst.), part du principe que le législateur fédéral ne propose pas de solutions contraires à la Constitution (ATF 136 II 149 consid. 3).

Consid. 5.4
L’art. 11 al. 1 lit. a LPC en vigueur depuis le 1er janvier 2021 prévoit que les revenus déterminants comprennent « deux tiers des ressources en espèces ou en nature provenant de l’exercice d’une activité lucrative, pour autant qu’elles excèdent annuellement 1000 francs pour les personnes seules et 1500 francs pour les couples et les personnes qui ont des enfants ayant droit à une rente d’orphelin ou donnant droit à une rente pour enfant de l’AVS ou de l’AI; pour les conjoints qui n’ont pas droit aux prestations complémentaires, le revenu de l’activité lucrative est pris en compte à hauteur de 80%; pour les personnes invalides ayant droit à une indemnité journalière de l’AI, le revenu de l’activité lucrative est intégralement pris en compte ». Si, selon le droit en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, tous les revenus provenant d’une activité professionnelle des personnes prises en compte dans le calcul des prestations complémentaires étaient additionnés et calculés comme revenu pris en compte à concurrence de deux tiers du montant dépassant 1’000 fr. pour les personnes seules et 1’500 fr. pour les couples et les personnes qui ont des enfants ayant droit à une rente d’orphelin ou donnant droit à une rente pour enfant de l’AVS ou de l’AI, avec la réforme, il a été précisé que la franchise ne doit plus être prise en compte dans le revenu de l’activité lucrative du conjoint qui n’a pas droit aux prestations complémentaires, dont le salaire sera pris en compte à hauteur de 80%. Avec la réforme des prestations complémentaires du 22 mars 2019 en vigueur à partir du 1er janvier 2021, seule la méthode de calcul du revenu provenant de l’activité lucrative des conjoints qui n’ont pas droit aux prestations complémentaires a été modifiée. Leur revenu doit désormais être calculé à 80% et sans déduction de franchise. Pour le reste, la disposition est demeurée identique à celle en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020. Pour la résolution du cas d’espèce, l’interprétation de l’art. 11 al. 1 lit. a, première phrase, LPC, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2021, est litigieuse.

Consid. 5.5
Il résulte du libellé de l’art. 11 al. 1 lit. a, première phrase, LPC que le revenu déterminant correspond en l’espèce aux deux tiers des ressources en espèces ou en nature provenant de l’exercice d’une activité lucrative, pour autant qu’elles excèdent annuellement 1’500 fr. pour les personnes qui ont des enfants donnant droit à une rente pour enfant de l’AI [éléments déterminants pour le cas d’espèce]. Le libellé de la disposition n’indique pas clairement si la franchise doit s’appliquer au revenu du requérant seul ou à celui du ménage. Il est donc nécessaire de recourir à d’autres méthodes d’interprétation.

L’interprétation historique de cette disposition, dans le cadre de la systématique du droit, permet de constater que la combinaison d’une déduction fixe – à savoir une franchise de 240 fr. pour les personnes seules et de 400 fr. pour les conjoints – et le calcul du solde du revenu – provenant d’une activité lucrative ou de rentes (à l’exception des rentes AVS et AI) – à hauteur des deux tiers « favorise particulièrement les personnes se trouvant dans une situation économique précaire, tout en les incitant à conserver une certaine activité lucrative ou à économiser en vue de l’octroi d’une rente ou d’une pension, étant donné que le revenu excédant le montant sujet à déduction ne conduit pas à une réduction proportionnelle de la prestation complémentaire » (Message du 21 septembre 1964 du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale relatif à un projet de loi sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité ; FF 1964 II 1786 ss, p. 1798 [ndt : pour la version française : FF 1964 II 705, p. 718]). Il existe donc à la fois un aspect social et un incitatif à conserver une activité lucrative, principalement pour les bénéficiaires de prestations complémentaires mais aussi pour les autres membres de la famille.

La disposition doit ensuite être mise en contexte, notamment pour le calcul du montant, puisque l’art. 9 al. 2 LPC prévoit que les revenus déterminants des membres de la famille sont en principe additionnés, et que l’al. 4 précise qu’il n’est pas tenu compte des enfants dont les revenus déterminants dépassent les dépenses reconnues. Du texte légal de la disposition il résulte un calcul global des revenus, une soustraction de la franchise et la prise en compte du résultat à concurrence des deux tiers. Un tel calcul est également prévu par la doctrine (voir CARIGIET/KOCH, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, 3e éd. 2021, pag. 208 ss). Le privilège est donc double et le but est de favoriser certains éléments du revenu. Le législateur avait déjà exprimé dans le message de 1964 la volonté d’éviter que l’exercice d’une activité lucrative modeste soit paralysé. En d’autres termes, l’intention du législateur, avec la prise en compte seulement partielle des revenus, était d’encourager les bénéficiaires des prestations complémentaires à exercer une activité lucrative sans être pénalisé par une diminution correspondante du montant de la prestation complémentaire (cf. MICHEL VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n. 5 ad art. 11, p. 124 ; FF 1964 II 1798 [ndt : pour la version française : FF 1964 II 718]).

Toujours d’après le texte légal, il ressort que la franchise doit être prise en compte une seule fois (à ce sujet, voir également JÖHL/USINGER-EGGER, in SBVR, 3e éd. 2015, I. Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, n. 121, p. 1802). La doctrine a également déjà spécifié que le but de la franchise est un avantage socialement justifiée (cf. JÖHL/USINGER-EGGER, op. cit., n. 121 p. 1803: « Es handelt sich um eine sozial begründete Erleichterung »).

Consid. 5.6

Il s’agit maintenant de déterminer si la franchise doit être déduite uniquement du revenu effectif de l’activité lucrative de l’assuré (respectivement de tout revenu au sens de l’art. 14a OPC-AVS/AI) ou du revenu du ménage. La cour cantonale a procédé à un calcul commun au sens de l’art. 9 al. 2 LPC, c’est-à-dire conformément à l’art. 11a OPC-AVS/AI, en déduisant d’abord du revenu de l’activité lucrative de la fille de l’assurée les dépenses dûment justifiées pour son obtention (art. 10 al. 3 lit. a LPC) et les cotisations aux assurances sociales obligatoires prélevées sur le revenu (art. 10 al. 3 lit. c LPC). Ensuite, la franchise de 1’500 fr. a été déduite, car la fille vit avec sa mère, soit le parent qui a droit à une rente ; par conséquent, la prestation complémentaire est déterminée globalement avec la rente du parent (art. 7 al. 1 lit. b OPC-AVS/AI). Le montant intermédiaire a été retenu à hauteur des deux tiers, en tant que revenu privilégié (art. 11 al. 1 lit. a, première phrase, LPC). La cour cantonale a considéré en substance que la franchise devait être appliquée à ce revenu, n’ayant pas déjà pu être déduite concrètement d’un autre revenu privilégié, étant inexistant, c’est-à-dire celui de la mère, personne ayant droit aux prestations complémentaires.

Compte tenu également de ce qui est mentionné dans le considérant précédent, la franchise ne doit pas être prévue pour chaque personne incluse dans le calcul des prestations complémentaires et percevant un revenu d’une activité lucrative, mais seulement une fois par ménage, et il est donc indifférent de savoir sur quel revenu elle est déduite, à moins de se trouver dans une autre configuration prévue par la loi, c’est-à-dire dans l’un des deux cas où la franchise n’est pas de deux tiers (cf. art. 11, al. 1, lit. a, 2e et 3e phrases, LPC). En d’autres termes, dans le cas d’un calcul des deux tiers, celui-ci est effectué sur le revenu de l’activité lucrative qui dépasse la franchise du cas concret, après déduction des frais d’obtention du revenu. L’arrêt du Tribunal cantonal reflète également le calcul du législateur tel qu’il ressort du Message mentionné dans les FF 1964 II page 1800 précité [ndt : pour la version française : FF 1964 II 720], où le bénéficiaire de la prestation complémentaire était totalement invalide (il ne disposait que de revenus sous forme de rente) et où son épouse percevait un salaire, duquel la franchise a d’abord été déduite puis le montant restant a été retenu à hauteur des deux tiers. Par conséquent, la franchise doit être déduite une seule fois, car elle est établie pour le ménage et appliquée au ménage, mais elle ne doit pas être déduite en principe uniquement du revenu de l’activité lucrative du bénéficiaire des prestations complémentaires. La franchise ne s’applique donc pas au seul bénéficiaire des prestations complémentaires.

A cet égard, dans le commentaire des articles individuels contenu dans le Message du 16 septembre 2016 relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires (réforme des PC), on peut lire concernant l’art. 11 al. 1 lit. a LPC, relatif à la prise en compte du revenu provenant d’une activité lucrative, que « [d]ans le droit actuel, le calcul de la PC prend en compte à hauteur de deux tiers, après déduction d’une franchise, le revenu d’une activité lucrative de toutes les personnes considérées dans ce calcul. A l’avenir, cette règle s’appliquera uniquement aux personnes ayant elles-mêmes droit aux PC et aux enfants pour lesquels une rente pour enfant est versée. Le revenu d’une activité lucrative des conjoints n’ayant pas droit aux PC sera au contraire intégralement pris en compte » (FF 2016, p. 6775 s. [ndt : pour la version française : FF 2016 7249, p. 7320]). En effet, non seulement les revenus des bénéficiaires, mais aussi ceux des personnes incluses dans le calcul doivent être pris en compte pour déterminer le droit, étant donné que la prestation complémentaire garantit le minimum vital de la famille de l’assuré, conformément aux dispositions mentionnées précédemment.

Consid. 5.7
En conclusion, le revenu de l’activité d’apprentie de la fille de la bénéficiaire des prestations complémentaires – qui ne perçoit aucun revenu et auquel aucun revenu ne peut être imputé au sens de l’art. 14a OPC-AVS/AI –, diminué des frais d’obtention du revenu (art. 11a OPC-AVS/AI) et des cotisations aux assurances sociales (art. 10 al. 3 lit. c LPC), doit être réduit de la franchise de 1’500 fr., puis pris en compte à hauteur des deux tiers dans le revenu déterminant de la mère, en tant que revenu privilégié au sens de l’art. 11 al. 1 lit. a, première phrase, LPC.

Consid. 5.8
Il est également relevé que le ch. 3421.11 des DPC, version 15, en vigueur depuis le 1er janvier 2021 (sur la notion et la portée des Directives de l’OFAS, voir ATF 148 V 144 consid. 3.2.3 et 145 V 84 consid. 6.1.1 et les références), dans la mesure où il prévoit que « [l]es revenus lucratifs d’orphelins et d’enfants participant à la rente qui vivent dans le même ménage sont pris en compte à hauteur des deux tiers, sans déduction d’une franchise » est contraire à l’art. 11 al. 1 lit. a LPC. L’exclusion a priori de la déduction d’une franchise du revenu provenant de l’activité lucrative de l’enfant n’est possible que si le parent avec lequel il vit dans le même ménage obtient déjà un revenu provenant d’une activité lucrative (y compris un revenu hypothétique au sens de l’art. 14a OPC-AVS/AI, hypothèse non réalisée dans le cas d’espèce) supérieur au montant de la franchise à déduire (cf. URS MÜLLER, op. cit., n. 297 p. 119). Il en va de même de l’annexe 6 des DPC (« Facteurs pour la prise en compte du revenu de l’activité lucrative ») en vigueur depuis le 1er janvier 2021, où les facteurs pour le calcul du revenu provenant de l’activité lucrative ont été spécifiés, compte tenu des différentes situations familiales, afin d’appliquer l’art. 11 al. 1 lit. a LPC de manière claire et uniforme, dans la mesure où aucune franchise n’est prévue pour le revenu des enfants.

 

Le TF rejette le recours de la caisse de compensation.

 

Arrêt 9C_223/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 9C_223/2022 (i) du 15.05.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/09/9c_223-2022)

 

8C_20/2023 (i) du 10.05.2023 – Troubles psychiques déclouant du traitement médical – 6 al. 3 LAA – 10 LAA / Revenu d’invalide selon ESS – Abattement – Travailleur frontalier

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_20/2023 (i) du 10.05.2023

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Lien de causalité adéquate entre troubles psychiques et accident qualifié de bénin / 6 LAA

Troubles psychiques déclouant du traitement médical / 6 al. 3 LAA – 10 LAA

Revenu d’invalide selon ESS – Abattement – Travailleur frontalier

Mesures de réadaptation ne font pas partie du catalogue de prestations de l’assurance-accidents – Rappel

Détermination du taux de l’IPAI / 24 LAA – 25 LAA – 36 OLAA

 

Le 12.08.2019, l’assuré, né en 1981, ouvrier, a été victime d’un accident en escaladant la rambarde d’un muret, à la suite duquel il a subi une lésion du ligament scapho-lunaire du poignet droit. Le 16.09.2019, les médecins ont diagnostiqué une lésion du ligament scapho-lunaire, une lésion du TFCC, une contusion osseuse du scaphoïde, du semi-lunaire et du radius, ainsi que des formations kystiques de nature dégénérative au niveau du trapèze et du capitatum, et une suspicion de kyste articulaire palmaire au niveau du radio-carpien. Le 23.01.2020, l’assuré a subi une intervention chirurgicale visant à reconstruire le ligament scapho-lunaire. Face aux complications infectieuses et à l’apparition d’une arthrite septique avec ostéomyélite des os du carpe, il a ensuite subi trois autres opérations entre le 13.03.2020 et le 20.03.2020. Une dernière opération a eu lieu en avril 2021.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a octroyé à l’assuré une rente d’invalidité de 13% dès le 01.05.2022 et une indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) de 10%.

 

Procédure cantonale (arrêt 35.2022.55 – consultable ici)

Par jugement du 28.11.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.2.2
S’agissant des circonstances de l’accident, il ressort des éléments du dossier que l’assuré a escaladé la balustrade d’un muret d’environ un mètre de haut, en s’y agrippant de la main droite, et qu’une fois projeté avec son corps, il a partiellement perdu sa prise et a plié sa main droite sous le bord de la balustrade sur lequel se concentrait le poids de son corps. La classification de l’accident devant être déterminée uniquement sur la base du fait accidentel en tant que tel ainsi que des forces générées par celui-ci (ATF 140 V 356 consid. 5.1 ; 117 V 359 consid. 6), la qualification retenue par les instances cantonales doit être confirmée comme étant conforme au droit fédéral. En effet, au vu de la pratique du Tribunal fédéral dans des cas similaires (cf. arrêts 8C_26/2020 du 4 mars 2020 consid. 8 ; 8C_37/2015 du 7 décembre 2015 consid. 6 ; 8C_232/2012 du 27 septembre 2012 consid. 6.2), c’est à juste titre que l’on qualifie l’événement en cause d’accident bénin, car il n’était pas du tout spectaculaire et ne s’accompagnait pas de circonstances particulièrement dramatiques. En outre, la blessure n’a pas affecté directement l’usage de la main, d’autant plus que l’assuré a déclaré avoir bien supporté les douleurs liées à l’événement et avoir déjà repris le travail sept jours plus tard, une fois les vacances terminées. C’est donc à juste titre que les troubles psychiques allégués n’ont pas été pris en compte dans le cadre des prestations d’assurance, puisqu’un événement de peu de gravité ou insignifiant permet a priori de nier le lien de causalité adéquat avec l’accident (ATF 140 V 356 consid. 5.3 ; 115 V 133 consid. 6a). Sur ce point, la critique du recourant n’est donc pas fondée.

 

Consid. 4.2.3.2
En vertu de l’art. 6 al. 3 LAA, l’assureur-accidents est responsable de toute lésion causée par un traitement médical effectué en rapport avec un accident assuré, sans que le fait dommageable doive être un accident ou être nécessairement imputable à une erreur médicale ou à une lésion corporelle punissable. Toutefois, l’assureur n’est tenu de fournir des prestations d’assurance que si les lésions sont en lien de causalité naturelle et adéquate avec le traitement médical effectué à la suite de l’accident (ATF 128 V 169 consid. 1c ; 118 V 286 consid. 3b). Dans ce contexte, le Tribunal fédérale des assurances a déjà jugé dans l’arrêt U 292/05 du 15 mai 2007 (SVR 2007 UV n° 37 p. 125, consid. 3.1) que l’évaluation de l’adéquation ne doit pas être effectuée sur la base de la jurisprudence relative aux conséquences psychologiques des accidents (ATF 115 V 133), mais plutôt selon la formule générale du lien de causalité adéquate. Ainsi, il faut examiner si le traitement médical ou psychothérapeutique, qui n’a pas été effectué selon les règles de l’art, est en soi susceptible, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, d’engendrer un effet tel que celui qui s’est produit ou d’en favoriser généralement la survenance (cf. ATF 129 V 177 consid. 3.2 ; arrêt 8C_123/2007 du 19 février 2008 consid. 4).

Consid. 4.2.3.3
Dans le cas présent, il ressort du dossier que l’évolution de l’intervention chirurgicale de janvier 2020 a été compliquée par l’apparition d’une arthrite septique avec ostéomyélite des os du carpe. Cette dernière a été diagnostiquée à la suite de l’infection résultant de la lacération des tissus causée par les broches de Kirschner au niveau du poignet et de l’infection qui s’en est suivie. Il a donc fallu procéder à trois opérations supplémentaires – non prévues à l’origine à l’issue de la première opération – consistant principalement en des débridements cutanés et osseux, des synovectomies étendues et un recouvrement final du poignet par un lambeau antérolatéral de la cuisse droite. En ce qui concerne l’ampleur des troubles psychiques, le spécialiste en psychiatrie a attesté le 25.08.2022 la présence d’un trouble de l’adaptation avec anxiété mixte persistante-chronique et humeur dépressive (CIM-10 : F43.23) survenant en réaction à l’événement traumatique représenté par les complications infectieuses. Pour sa part, un second spécialiste en psychiatrie a formulé dans un rapport du 24.10.2022 le diagnostic de réaction dépressive prolongée (CIM-10 ; F43.21) découlant notamment du traumatisme résultant des séquelles physiques de l’accident. Au vu de ce qui précède, l’existence d’un préjudice causé à la personne blessée lors du traitement médical ne peut donc être exclue. En effet, ces lésions pourraient avoir un lien de causalité naturelle avec l’opération de janvier 2020. Des mesures d’instruction complémentaires seraient donc indispensables pour clarifier définitivement la question ; on peut toutefois y renoncer (voir SVR 2007 UV n° 37 p. 125, U 292/05, consid. 3.2). En l’espèce, il n’y a en effet pas de lien de causalité adéquate puisque l’apparition d’une arthrite septique avec ostéomyélite des os du carpe suite à une opération de reconstruction du ligament scapho-lunaire, pour laquelle d’autres opérations sont nécessaires, n’est généralement pas susceptible, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, de provoquer des troubles psychiques tels que ceux dont souffre l’assuré. En effet, les complications médicales susmentionnées peuvent être contrecarrées à temps par un traitement approprié – comme ce fut le cas en l’espèce – de sorte que les troubles psychiques susmentionnés sont en quelque sorte atypiques et inadaptés (cf. ATF 115 V 133 consid. 7). La cour cantonale n’a pas violé le droit fédéral dans la mesure où elle s’est limitée à analyser le lien de causalité adéquate des atteintes psychiques en se référant exclusivement à l’accident d’août 2019.

 

Consid. 5.1
Dans le cadre du calcul de la rente d’invalidité, la cour cantonale a retenu que le revenu réalisé par l’assuré en tant que travailleur à temps partiel (degré d’occupation de 40%) au sein de l’entreprise qui l’employait avant l’accident ne pouvait pas constituer le revenu d’invalidité déterminant, car il n’utilisait pas pleinement sa capacité résiduelle de travail. Le tribunal cantonal a donc fait usage des salaires statistiques et retenu le revenu d’invalidité de CHF 69’061 déterminé par l’assurance-accidents sur la base de l’ESS 2018, tableau TA1, total de la branche économique, niveau de qualification 1, hommes, actualisé à 2022. La cour cantonale a ensuite exclu l’application d’un abattement revenu en raison de l’âge de l’assuré et de son statut de frontalier, non justifié au regard de la jurisprudence fédérale.

 

Consid. 5.3
S’agissant de la qualité de travailleur frontalier, il faut considérer qu’en principe, les personnes ayant la nationalité d’un État de l’UE ne peuvent pas être traitées différemment des travailleurs suisses en termes de salaire (cf. arrêt 8C_610/2017 du 3 avril 2018 consid. 4.4). En outre, l’influence de tous les facteurs sur le revenu (parmi lesquels figure le type d’autorisation de séjour) doit être appréciée globalement en considération de toutes les circonstances concrètes alléguées par l’intéressé et en faisant un usage adéquat du pouvoir d’appréciation (ATF 135 V 297 consid. 6.2 ; 134 V 322 consid. 5.2). En ce sens, il n’est en principe pas possible de revendiquer un abattement sur le revenu statistique sur la base de simples références à des données statistiques (ATF 146 V 16). En outre, le recourant n’indique même pas dans quelle mesure il a été pénalisé jusqu’à présent par rapport à ses collègues résidant en Suisse. En effet, le Tribunal cantonal a constaté que son revenu sans invalidité est supérieur de 8,55% au salaire statistique, de sorte qu’il n’y a aucune raison de supposer qu’il ne serait pas en mesure d’obtenir un salaire similaire au tableau TA1 de l’ESS dans le cadre d’une activité de substitution adaptée. En outre, il n’est pas compréhensible comment l’assuré, né en 1981, pourrait utiliser sa capacité de travail que d’une manière inférieure à la médiane ; rien que pour cette raison, un abattement sur le salaire statistique doit être exclue.

En outre, il ne démontre pas dans quelle mesure il ne pourrait pas, en raison de son âge (encore loin de l’âge de la retraite), utiliser pleinement sa capacité de gain restante. Tout aussi infondé est l’abattement en raison de l’état de santé, car les limitations fonctionnelles déjà prises en compte dans l’examen de la capacité de gain résiduelle ne sauraient avoir une influence supplémentaire sur l’examen de l’abattement (arrêts 8C_805/2016 du 22 mars 2017 consid. 3.1 ; 9C_846/2014 du 22 janvier 2015 consid. 4.1.1 et les références). L’assuré n’épuisant pas la capacité résiduelle de travail, les juges cantonaux n’ont donc pas violé le droit fédéral dans la mesure où, sans appliquer d’abattement, ils ont déterminé le revenu d’invalide sur la base des salaires statistiques.

 

Consid. 5.4
Enfin, il est constaté que l’exécution des mesures de réadaptation ne fait pas l’objet de la décision sur opposition. Dès lors, en l’absence d’un objet de litige valable, le recours doit être déclaré irrecevable sur ce point (cf. ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; arrêt 8C_380/2022 du 27 décembre 2022 consid. 3). En outre, l’assurance-accidents obligatoire ne prévoit pas de mesures de réadaptation parmi ses prestations. Le grief tiré de la violation du principe de l’égalité juridique (art. 8 al. 1 Cst.) est également irrecevable, car il ne remplit pas les exigences d’une motivation accrue, qui requiert une explication claire et détaillée, par rapport aux motifs de l’arrêt attaqué, de l’étendue et des raisons pour lesquelles le droit fondamental invoqué a été violé (art. 106 al. 2 de la loi fédérale sur la procédure administrative ; ATF 142 V 577 consid. 3.2).

 

Consid. 6.1
S’agissant de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI), les juges cantonaux ont fondé leur jugement sur la base des rapports du médecin-conseil, en l’absence d’autres avis spécialisés au dossier contredisant son appréciation, dont la fiabilité ne saurait être remise en cause par les rapports médicaux du médecin-traitant. La cour cantonale a retenu que, pour une atteinte concernant la même partie du corps, il n’est en principe pas admissible de prendre en compte les valeurs en pourcentage de l’atteinte à l’intégrité figurant dans deux tables Suva différents. En l’espèce, l’estimation de l’atteinte à l’intégrité ne pouvait être fondée que sur la table Suva n° 5.2, qui inclue l’arthrose modérée (avec un taux de 5 à 10%) et l’arthrose grave (avec un taux de 10 à 25%). Pour justifier le taux de 10%, le médecin-conseil a fondé son appréciation sur la présence d’une arthrose n’atteignant pas un degré avancé et a tenu compte d’une affection dégénérative préexistante du métacarpe non due aux conséquences de l’accident. L’atteinte à l’intégrité pour « arthrodèse radiocarpienne » selon la table Suva n° 1 n’a pas été prise en compte car l’assuré n’avait pas subi une telle opération.

Consid. 6.3
S’agissant de l’état dégénératif du métacarpien avant l’accident on relèvera que le médecin-traitant a également indiqué que « [l]e tableau clinique […] s’est compliqué d’une arthrite septique et d’une ostéomyélite qui ont vraisemblablement entraîné une aggravation du tableau arthrosique préexistant. » L’évaluation du médecin-traitant n’est donc pas en contradiction avec l’avis du médecin-conseil. Par ailleurs, considérant que l’atteinte à l’intégrité doit être établie exclusivement sur la base de constatations médicales et de manière abstraite et égale pour tous, indépendamment des facteurs subjectifs (cf. arrêt 8C_376/2021 du 10 août 2021 consid. 3.1 ; ATF 115 V 147 consid. 1 ; 113 V 218 consid. 4b), on ne peut reprocher à la cour cantonale de ne pas avoir pris en compte l’atteinte due à l’arthrodèse radiocarpienne prévue dans la table Suva n° 1. Cette dernière ne peut en effet pas être prise en compte puisque l’assuré n’a pas subi une telle intervention chirurgicale. Compte tenu de l’absence de troubles psychiques en relation avec l’accident, une atteinte à l’intégrité psychique doit également être exclue.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_20/2023 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_20/2023 (i) du 10.05.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/06/8c_20-2023)