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8C_505/2021 (d) du 30.05.2022 – Revenu sans invalidité d’une travailleuse du sexe – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_505/2021 (d) du 30.05.2022

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Revenu sans invalidité d’une travailleuse du sexe / 16 LPGA

Détermination du revenu sans invalidité sur la base de l’ESS, ligne Total, niv. de compétences 1

 

Assurée, née en 1987, travaille en Suisse comme travailleuse du sexe. Quelques semaines après son arrivée d’Espagne, un vol à main armée a eu lieu le 27.12.2013 sur son lieu de travail, auquel elle a échappé en sautant du premier étage de l’immeuble. Diagnostics : fracture-tassement L1 et fractures aux pieds. Fin février 2014, l’assurée a suivi un traitement psychothérapeutique en raison d’un état de stress post-traumatique. La caisse supplétive LAA a versé les prestations légales. Expertise pluridisciplinaire le 23.03.2017.

Par décision du 24.07.2018, confirmée sur opposition du 27.02.2020, la caisse supplétive LAA a suspendu les prestations à fin novembre 2017 et a accordé à l’assurée une IPAI de 50% et nié le droit à une rente.

 

Procédure cantonale (arrêt UV 2020/24 – consultable ici)

Par jugement du 14.06.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et accordant une rente d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 15% dès le 01.12.2017.

 

TF

Consid. 3.2
Lors de la détermination du revenu que l’assuré aurait pu gagner s’il n’était pas devenu invalide (art. 16 LPGA), il faut en règle générale se baser sur le dernier salaire obtenu, adapté si nécessaire au renchérissement et à l’évolution réelle du revenu, en posant la présomption qu’il aurait continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité ; des exceptions ne peuvent être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 134 V 322 consid. 4.1 et les référence). Si les circonstances réelles ne permettent pas de chiffrer avec suffisamment de précision le revenu réalisable sans atteinte à la santé, il est possible de recourir à des valeurs statistiques telles que les enquêtes sur la structure des salaires (ci-après : ESS) publiées par l’Office fédéral de la statistique (OFS). Les facteurs personnels et professionnels pertinents pour la rémunération dans le cas d’espèce doivent également être pris en compte (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 ; arrêt 8C_595/2019 du 5 novembre 2019 consid. 6.2). Ensuite, le choix de la position déterminante dans le tableau doit refléter, dans la mesure du possible, l’évolution vraisemblable du revenu en l’absence de l’atteinte à la santé. A cet égard, il ne s’agit pas de la valeur passée du revenu sans invalidité, mais une valeur hypothétique (cf. entre autres: arrêt 8C_572/2021 du 19 janvier 2022 consid. 3.1 avec d’autres références).

Consid. 4.1
L’instance cantonale a fixé le revenu sans invalidité à CHF 54’783 sur la base de la valeur totale (valeur centrale) des salaires ESS pour les femmes exerçant des tâches physiques ou manuelles simples (ESS 2016, table TA1, niveau de compétences 1, ligne Total), indexée à l’année 2017. A cet égard, la cour cantonale a considéré que l’assurée exercerait n’importe quelle activité en tant que personne non qualifiée, en particulier dans un secteur mieux rémunéré comme la production. En effet, son objectif était de gagner ou d’économiser le plus d’argent possible en Europe pour pouvoir éventuellement faire des études plus tard. L’assurée a également toujours essayé de soutenir financièrement sa famille au Paraguay.

Consid. 5.1
Le tribunal cantonal n’a, à juste titre, pas pris en compte la dernière activité exercée en tant que travailleuse du sexe pour déterminer le revenu sans invalidité. Il s’agissait en effet d’un essai de travail que l’assurée considérait, selon ses propres déclarations, comme intolérable et qu’elle n’effectuerait donc plus d’une manière ou d’une autre. En conséquence, lors de l’expertise pluridisciplinaire, elle a déclaré que les journées de travail étaient très longues. Elle n’avait pratiquement pas dormi et devait toujours être prête à recevoir les clients. En outre, elle a été gravement maltraitée et violée par un client pendant son travail. Dans la mesure où le recours soulève la question de savoir si l’assurée aurait continué à travailler en tant que prostituée pendant une période plus longue si l’accident n’était pas survenu, il est évident que la réponse est négative au vu de ce qui précède.

Consid. 5.2
Le seul fait que l’assurée ait été employée pendant environ cinq ans et demi en Espagne dans le domaine du ménage et de la famille, respectivement dans la garde d’enfants, ne constitue pas un indice suffisant pour pouvoir reprocher à l’instance cantonale une violation du droit fédéral. Au contraire, il est incontestable que la seule motivation de l’assurée depuis son départ de son pays d’origine était de gagner le plus d’argent possible. Comme elle l’a expliqué, c’est déjà pour cette raison qu’elle est partie en Espagne. A la suite de la perte de son dernier emploi dans ce pays en raison de la crise économique, l’assurée s’est à nouveau retrouvée dans une situation financière difficile en 2013. C’est alors qu’elle a décidé de travailler un certain temps en Suisse, d’économiser de l’argent, de soutenir financièrement sa famille et de commencer plus tard des études au Paraguay. Dans ce contexte, il aurait été logique, compte tenu de sa biographie professionnelle, que l’assurée essaie de trouver un emploi dans le domaine professionnel qu’elle connaissait déjà (garde d’enfants / aide ménagère / nettoyage). Or, de telles recherches d’emploi ne sont nullement attestées. Au lieu de cela, l’assurée était même prête à s’engager dans une activité de prostituée. Cela corrobore le point de vue défendu dans l’arrêt attaqué, selon lequel, en raison de la pression financière toujours aussi forte, elle aurait (hypothétiquement) été ouverte, même en décembre 2017, non pas à la dernière activité exercée (cf. consid. 5.1 ci-dessus), mais tout de même à toutes autres activités du niveau de compétence 1. Il faut d’autant plus en déduire que, comme l’a considéré à juste titre l’instance cantonale, elle aurait eu de meilleures possibilités de gagner sa vie dans la production que dans les activités exercées jusqu’alors dans le secteur des services. Contrairement à ce que pense la caisse supplétive LAA, le manque de connaissances linguistiques de l’assurée ne s’y oppose pas. En effet, de telles connaissances ne jouent par nature qu’un rôle secondaire dans les activités lucratives qui intéressent ici les personnes non qualifiées (cf. concernant l’abattement sur le salaire statistique : arrêt 8C_594/2011 du 10 octobre 2011 consid. 5 et les référence). Indépendamment de cela, l’assurée était déjà en mesure d’apprendre le catalan dans un délai raisonnable. Il ne semble donc pas absurde qu’elle puisse se faire comprendre en allemand après un certain temps.

Consid. 6
Au vu de ce qui précède, il convient de s’en tenir au revenu sans invalidité de CHF 54’783 déterminé par l’instance cantonale. La comparaison (art. 16 LPGA) avec le revenu d’invalide de CHF 46’565.55 (non contesté) conduit à un degré d’invalidité de 15%. C’est donc à juste titre que le tribunal cantonal a admis le droit à une rente correspondante.

 

Le TF rejette le recours de la caisse supplétive LAA.

 

 

Arrêt 8C_505/2021 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 8C_505/2021 (d) du 30.05.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/11/8c_505-2021)

 

4A_247/2022 (d) du 25.07.2022 – Avance des frais – Une décision judiciaire n’est pas un ouvrage / 372 CO – 62 LTF

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_247/2022 (d) du 25.07.2022

 

Consultable ici

NB: traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Avance des frais – Une décision judiciaire n’est pas un ouvrage / 372 CO – 62 LTF

 

Le recourant a déposé un recours auprès du Tribunal fédéral contre la décision du Obergerichts du canton de Zoug et a demandé que Madame la juge fédérale Kiss se récuse et que les « débats » aient lieu au moins en formation tripartite.

Le recourant motive sa demande de récusation par le fait que Madame la juge fédérale Kiss semble être partiale et qu’elle a déjà rendu à quatre reprises une décision de non-entrée en matière à son encontre et qu’elle ne semble en principe pas entrer en matière sur les recours de justiciables non assistés d’un avocat. Le recourant ne fait ainsi manifestement pas valoir de motifs de récusation valables à l’encontre de Madame la juge fédérale Kiss, raison pour laquelle il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur la demande de récusation.

Par ordonnance du 01.06.2022, le recourant a été invité à verser, au plus tard le 17.06.2022, une avance de frais de 500 francs pour la procédure au Tribunal fédéral. Le prénommé a formé un recours contre cette décision, selon lui nulle, par requête du 07.06.2022 adressée à la présidente du Tribunal fédéral, en méconnaissant le fait qu’aucun recours n’est ouvert contre les décisions du Tribunal fédéral. Il a simultanément demandé la récusation de la présidente de la première Cour de droit civil, Madame la juge fédérale Hohl, et exigé que le recours soit transmis à une autre Cour du Tribunal fédéral pour y être jugé. Cette demande de récusation, formulée contre la présidente et contre tous les membres de cette Cour en raison de la prétendue notification injustifiée de la décision d’avance de frais, est manifestement irrecevable et abusive et il n’y a pas lieu d’entrer en matière.

L’avance de frais n’ayant pas été reçue dans le délai imparti, le recourant s’est vu fixer un délai supplémentaire non prolongeable pour le versement de l’avance, soit jusqu’au 11.07.2022, en précisant qu’en cas de retard, le Tribunal fédéral n’entrerait pas en matière sur le recours.

Par une autre demande du 11.07.2022, le recourant a également formé un recours, a priori irrecevable, contre cette décision, adressé à la présidente du Tribunal fédéral. Selon le recourant, les décisions du Tribunal fédéral fixant un délai ou un délai supplémentaire pour le versement d’une avance de frais sont nulles, car contraires à la disposition de l’art. 372 CO, antérieure à l’art. 62 LTF, qui ne permet pas d’exiger une avance. Cette argumentation est manifestement erronée, puisque l’art. 372 CO ne s’applique pas à la question de savoir si une avance sur frais judiciaires peut être exigée dans les procédures et, le cas échéant, à quel montant ; il convient de répondre à cette question exclusivement selon les lois de procédure spécifiquement applicables aux procédures judiciaires concernées.

Le recourant n’ayant pas versé l’avance de frais dans le délai imparti, il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur le recours sur la base de l’art. 62 al. 3 LTF (art. 108 al. 1 let. a LTF).

 

 

Remarques

Il s’agit d’une argumentation originale du recourant : si la décision judiciaire est un ouvrage, il ne doit payer le prix de l’ouvrage, selon l’art. 372 CO, qu’au moment de la livraison et les avances de frais judiciaires sont interdites.

 

 

Arrêt 4A_247/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 4A_247/2022 (d) du 25.07.2022 – Une décision judiciaire n’est pas un ouvrage, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/11/4a_247-2022)

 

8C_24/2022 (d) du 20.09.2022 – Notion d’accident – Rappel des notions du facteur extérieur et du caractère extraordinaire – 6 LAA – 4 LPGA / Rupture partielle du tendon d’Achille en montant les escaliers

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2022 (d) du 20.09.2022

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Notion d’accident – Rappel des notions du facteur extérieur et du caractère extraordinaire / 6 LAA – 4 LPGA

Rupture partielle du tendon d’Achille en montant les escaliers

 

Assuré, né en 1956, travaille depuis 2016 comme directeur d’une société anonyme. Le 23.10.2019, il a subi une rupture partielle du tendon d’Achille, pour laquelle l’assurance-accidents a nié la notion d’accident en raison de l’absence d’un facteur extérieur extraordinaire et de modifications dégénératives (décision du 09.03.2020, confirmée sur opposition le 15.10.2020).

 

Procédure cantonale (arrêt UV.2020.00257 – consultable ici)

En ce qui concerne l’événement litigieux du 23.10.2019, l’instance cantonale a constaté que l’assuré a transporté à bout de bras de la nourriture, de la vaisselle et des harasses de la maison à la voiture et vice-versa en empruntant un escalier en béton comportant trois marches d’environ 20 cm de haut. La troisième fois, il s’est contenté de poser la pointe du pied gauche sur une marche, a voulu suivre ou monter avec le pied droit et s’est affaissé en raison de la charge, sans pour autant tomber. Le lendemain, les médecins ont diagnostiqué une rupture partielle importante du tendon d’Achille (90%), qui a été réparée par la suite par voie chirurgicale. Dans son appréciation, le tribunal cantonal a confirmé l’existence d’un facteur extérieur extraordinaire, étant donné que le déroulement normal des mouvements lors de la montée des escaliers a été perturbé par un « faux pas » dans les escaliers, au sens d’un mouvement non coordonné.

Par jugement du 11.11.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant l’existence d’un accident.

 

TF

Consid. 3.1
Conformément à l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle, sauf disposition contraire de la loi. Selon l’art. 4 LPGA, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physi­que, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort.

Consid. 3.2
Le facteur extérieur est la caractéristique centrale de tout événement accidentel ; il est le pendant de la cause interne – constitutive de la notion de maladie (ATF 134 V 72 consid. 4.1.1). Selon la jurisprudence, le facteur extérieur est extraordinaire lorsque – selon un critère objectif – il ne se situe plus dans le cadre de ce qui est quotidien et habituel pour le domaine de vie concerné (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1; 134 V 72 consid. 4.1; SVR 2022 UV Nr. 13 p. 55, 8C_430/2021 consid. 2.3; SVR 2021 UV Nr. 28 p. 132, 8C_534/2020 consid. 4.1; SVR 2017 UV Nr. 18 S. 61, 8C_53/2016 consid. 3.1). Le caractère extraordinaire du facteur extérieur peut notamment consister en un mouvement non coordonné. L’existence d’un facteur extérieur est en principe admise en cas de « mouvement non coordonné », à savoir lorsque le déroulement habituel et normal d’un mouvement corporel est interrompu par un empêchement « non programmé », lié à l’environnement extérieur. Dans le cas d’un tel mouvement non coordonné, le facteur extérieur extraordinaire doit être admis, car le facteur extérieur – modification entre le corps et l’environnement extérieur – constitue alors en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117 consid. 2.1; SVR 2021 UV Nr. 21 p. 101, 8C_586/2020 consid. 3.3; SVR 2020 UV Nr. 35 p. 141, 8C_671/2019 consid. 2.3). C’est le cas, par exemple, lorsque la personne assurée trébuche, glisse ou se cogne contre un objet, ou lorsque, pour éviter de glisser, elle adopte ou tente d’adopter une attitude de protection réflexe (arrêts 8C_783/2013 du 10 avril 2014 consid. 4.2 ; 8C_749/2008 du 15 janvier 2009 consid. 3.2).

En revanche, l’apparition de douleurs en tant que telle ne constitue pas un facteur extérieur (dommageable) au sens de la jurisprudence (ATF 129 V 466 consid. 4.2.1 ; arrêt 8C_456/2018 du 12 septembre 2018 consid. 6.3.2).

En règle générale, les effets qui résultent de processus quotidiens ne peuvent pas être considérés comme la cause d’une atteinte à la santé (ATF 134 V 72 consid. 4.1).

Il convient en outre de noter que la notion médicale de traumatisme ne se recoupe pas avec la notion d’accident au sens de l’art. 4 LPGA, qui relève du droit des assurances (arrêts U 199/03 vom 10 mai 2004 consid. 1, non publié in : ATF 130 V 380; SVR 2011 UV Nr. 11 p. 39, 8C_693/2010 consid. 7; 8C_589/2021 du 17 décembre 2021 consid. 5.5).

Ce qui est donc déterminant, c’est que le facteur extérieur se démarque de la norme des effets de l’environnement sur le corps humain (ATF 134 V 72 consid. 4.3.1; SVR 2015 UV Nr. 6 p. 21, 8C_231/2014 consid. 2.3).

Consid. 5.2
Selon la jurisprudence, monter des escaliers constitue un acte de la vie quotidienne et une sollicitation physiologique du corps sans danger potentiel accru (arrêts 8C_40/2017 du 11 avril 2017 consid. 6 ; 8C_766/2010 du 15 juin 2011 et la référence à l’ATF 129 V 466 consid. 4.2.2). Le fait de monter et de descendre de manière répétée d’une plateforme de 10 à 20 cm de haut lors d’une séance de step aérobic, sans sauter, ne constitue pas non plus une situation de danger accru. Le simple fait de monter ou de descendre d’un stepper dans le cadre d’une chorégraphie d’aérobic n’entraîne pas non plus un mouvement incontrôlable. Il en irait autrement si le stepper glissait lors du mouvement de descente (arrêt 8C_11/2015 du 30 mars 2015 consid. 3.2). Une chute dans les escaliers (arrêt 8C_40/2017 du 11 avril 2017 consid. 6) ainsi qu’un faux pas avéré lors de la montée des escaliers doivent être considérés comme un facteur extérieur extraordinaire (arrêt U 236/98 du 3 janvier 2000 consid. 3b). Le caractère extraordinaire, et donc l’existence d’un accident, doit toutefois être nié même en cas de blessure sportive sans événement particulier (cf. ATF 130 V 117 consid. 2.2; SVR 2014 UV Nr. 21 p. 67, 8C_835/2013 consid. 5.1; arrêt 8C_570/2019 du 8 novembre 2019 consid. 3.2).

Consid. 5.3
L’instance cantonale a considéré que le fait de « ne pas se tenir correctement » dans l’escalier constituait un mouvement non coordonné, dans le sens d’un facteur extérieur extraordinaire. Un faux pas ou même une chute ne sont pas établis. L’assuré n’allègue pas avoir manqué une marche, avoir perdu l’équilibre ou avoir marché dans le vide sans appui. Il ne fait pas non plus valoir que la conception de l’escalier était particulière ou qu’il se trouvait dans un état particulier (p. ex. humide ou verglacé) en raison d’influences de l’environnement. Au contraire, il a monté un petit escalier normal en tenant quelque chose à la main. Ce processus n’a rien d’inhabituel, même s’il n’a posé que la partie avant du pied et non toute la surface du pied sur la marche. L’affaissement du talon sur la marche inférieure ne dépasse pas le cadre de ce à quoi on peut s’attendre dans la situation initiale et ne constitue pas un incident particulier. Malgré l’atteinte à la santé qui s’est produite, le seul abaissement du talon lors de la montée quotidienne d’un escalier, sans que le déroulement ne soit en outre perturbé, ne remplit pas les exigences relatives au facteur extérieur indispensable à l’affirmation de la notion d’accident au sens de l’art. 4 LPGA.

Consid. 5.4
En résumé, le tribunal cantonal a violé le droit fédéral en concluant à l’existence d’un facteur extérieur extraordinaire au sens de l’art. 4 LPGA et donc à un accident.

Consid. 6.1
Le tribunal cantonal ne s’est prononcé que sur la question de savoir s’il s’agissait d’un accident au sens de l’art. 6 al. 1 LAA et a renoncé à donner des explications sur l’obligation de verser des prestations sous l’angle d’une des affections énumérées à l’art. 6 al. 2 LAA. Une décision réformatrice n’est donc pas possible (cf. ATF 140 III 24 consid. 3.3). En annulant le jugement attaqué, l’affaire doit être renvoyée à l’instance cantonale pour un examen matériel de ces conditions et un nouveau jugement (cf. ATF 146 V 51 consid. 9.1 ; arrêt 8C_445/2021 du 14 janvier 2022 consid. 3.1).

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_24/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_24/2022 (d) du 20.09.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/10/8c_24-2022)

 

8C_71/2022 (d) du 17.08.2022 – Maladie professionnelle – Gonarthrose pour un carreleur – 9 LAA / Evaluation de la durée d’exposition dans un Etat étranger (en l’occurrence le Canada) avec lequel il n’existe pas de convention avec la Suisse

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_71/2022 (d) du 17.08.2022

 

Consultable ici

 

Maladie professionnelle – Gonarthrose pour un carreleur / 9 LAA

Evaluation de la durée d’exposition dans un Etat étranger (en l’occurrence le Canada) avec lequel il n’existe pas de convention avec la Suisse

 

Assuré, né en 1963, était employé à plein temps depuis le 01.11.2019 par B.__ SA en tant que carreleur. Par déclaration du 22.01.2020, l’employeur a informé l’assurance-accidents que l’assuré avait des problèmes récurrents au genou depuis novembre 2019. L’assurance-accidents a procédé aux investigations d’usage.

Selon les informations qu’il a fournies, l’assuré a exercé une activité professionnelle de carreleur au Canada de 1990 à 2010. Il aurait également exercé cette profession après son arrivée en Suisse en 2010. Le spécialiste en médecine du travail de l’assurance-accidents a conclu dans son évaluation du 22.04.2020 que l’assuré exerçait, en tant que carreleur, une activité à genoux, dont on sait qu’elle constitue un facteur de risque pour le développement d’une gonarthrose. En raison de la prévalence élevée de cette pathologie dans la population générale, qui augmente avec l’âge, de la mise en évidence de différentes modifications dégénératives au niveau de l’articulation du genou pour une sollicitation en moyenne identique et de la sollicitation cumulée de l’articulation du genou de 11’000 heures (activité professionnelle assurée pendant 10 ans en Suisse), la gonarthrose droite n’a pas été causée de manière nettement prépondérante par l’activité professionnelle.

Par décision du 24.04.2020, confirmée sur opposition le 10.11.2020, l’assurance-accidents a notifié à l’assuré que les conditions de l’art. 9 al. 2 LAA (maladie causée exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l’exercice de l’activité professionnelle) n’étaient pas remplies.

 

Procédure cantonale (arrêt UV 2020/86 – consultable ici)

Le tribunal cantonal a considéré que, conformément au principe du rapport de causalité de l’assurance-accidents, c’est la couverture d’assurance au moment de la survenance de la cause du dommage ou de l’événement assuré qui est déterminante pour la question de l’obligation de verser des prestations, et non la survenance du dommage. Dans ce contexte, le Tribunal fédéral avait conclu que la couverture d’assurance requise pour l’obligation de prestation au sens de l’art. 9 al. 3 LAA dépendait du fait que la personne atteinte par la maladie avait été assurée pendant la période d’exposition déterminante et non pas au moment où la maladie s’était déclarée (référence à l’arrêt 8C_383/2019 du 5 septembre 2019 consid. 4.1.2). Selon une jurisprudence constante, la totalité de l’activité professionnelle exercée doit être prise en compte pour déterminer la durée d’exposition, y compris la partie qui n’a pas été accomplie dans le cadre d’une activité assurée par la LAA (référence à l’ATF 119 V 200). Il ressort du dossier que l’assuré a exercé une activité professionnelle ininterrompue de carreleur depuis 1990. Dans ce métier à risque pour le développement d’une gonarthrose, il a largement dépassé la durée minimale d’exposition de 17’000 heures indiquée par le spécialiste en médecine du travail (évaluation de la médecine du travail du 22.04.2020) pour l’hypothèse d’une maladie nettement prépondérante d’origine professionnelle. Par conséquent, il s’agit d’une maladie professionnelle au sens de l’art. 9 al. 2 LAA, raison pour laquelle l’assurance-accidents doit assumer l’atteinte à la santé qui en résulte.

Par jugement du 21.12.2021, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2

Selon l’art. 9 al. 1 LAA, sont réputées maladies professionnelles les maladies (art. 3 LPGA) dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l’exercice de l’activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux. Le Conseil fédéral établit la liste de ces substances ainsi que celle de ces travaux et des affections qu’ils provoquent. Selon l’alinéa 2, sont aussi réputées maladies professionnelles les autres maladies dont il est prouvé qu’elles ont été causées exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l’exercice de l’activité professionnelle. Selon l’alinéa 3, sauf disposition contraire, la maladie professionnelle est assimilée à un accident professionnel dès le jour où elle s’est déclarée. Une maladie professionnelle est réputée déclarée dès que la personne atteinte doit se soumettre pour la première fois à un traitement médical ou est incapable de travailler (art. 6 LPGA).

 

Consid. 4.2
L’assurance-accidents – recourante – fait valoir que, dans le cadre de la reconnaissance d’une maladie professionnelle au sens de l’art. 9 al. 2 LAA, les activités professionnelles et donc les durées d’exposition dans un Etat étranger (en l’occurrence le Canada) avec lequel il n’existe pas de convention avec la Suisse (comme par exemple avec les Etats de l’UE) ne devraient pas être pris en compte. Contrairement à l’avis du tribunal cantonal, il ne résulte pas de l’ATF 119 V 200 que des périodes d’exposition durant lesquelles la personne assurée n’était pas obligatoirement assurée contre les accidents doivent être prises en compte dans tous les cas. Au contraire, l’ancien Tribunal fédéral des assurances a jugé, uniquement au regard du droit intertemporel (entrée en vigueur de la LAA le 1er janvier 1984), qu’en l’absence de disposition limitant la durée dans le temps, il fallait entendre par activité professionnelle au sens de l’art. 9 al. 2 LAA l’ensemble de l’activité professionnelle, donc également celle exercée avant le 1er janvier 1984. Tel n’est pas le cas en l’espèce.

En outre, les arrêts du TFA et du Tribunal fédéral cités par l’instance cantonale ne permettent pas d’étayer son avis selon lequel il faut tenir compte des périodes d’exposition pendant lesquelles la personne concernée n’était pas obligatoirement assurée en LAA. Le Tribunal fédéral a notamment confirmé dans l’ATF 126 V 186 consid. 2b que l’évaluation de l’exposition (ou de la durée du travail) devait prendre en compte l’ensemble de l’activité professionnelle, y compris, le cas échéant, celle exercée avant le 1er janvier 1984. Ensuite, il ressort également de l’arrêt U 20/04 du 17 janvier 2005 consid. 3.3, que l’obligation de l’assurance-accidents de verser des prestations en cas de maladie professionnelle dépend du fait que la personne concernée était assurée pendant qu’elle était exposée à la substance dangereuse ou qu’elle effectuait le travail à l’origine de la maladie.

 

Selon le Tribunal fédéral :
Consid. 4.3
Les arguments de l’assurance-accidents méritent d’être pleinement approuvés. Contrairement à l’avis de la cour cantonale, il n’est pas du tout conforme à la jurisprudence de tenir compte, lors de l’évaluation de la durée d’exposition, des périodes pendant lesquelles la personne concernée n’a pas été assurée obligatoirement contre les accidents. Au contraire, dans l’arrêt 8C_383/2019 du 5 septembre 2019 consid. 4.1.2 cité par l’instance cantonale, le Tribunal fédéral a de nouveau précisé qu’en cas de maladie professionnelle, l’action de la substance dangereuse ou l’exécution du travail responsable de la maladie, en bref l’exposition (danger), n’est pas moins importante que l’apparition de la maladie. L’obligation de prester dépend donc du fait que la personne atteinte par la maladie ait été assurée ou non pendant l’exposition déterminante. La couverture d’assurance continue donc de déployer ses effets chez la personne malade au-delà de la fin de l’assurance, si la maladie ne se déclare que plus tard ; elle déploie dans cette mesure un effet ultérieur/subséquent, mais pas un effet antérieur. L’argumentation du tribunal cantonal, selon laquelle toutes les activités, même non assurées, doivent être prises en compte, reviendrait donc à dire que l’assuré, arrivé en Suisse en 2010, pourrait prétendre à des prestations même avant la couverture d’assurance. Cela ne ressort pas de la jurisprudence, ni de l’ATF 119 V 200. Le recours doit être admis.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement du tribunal cantonal et confirme la décision sur opposition du 10.11.2020.

 

 

Arrêt 8C_71/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_71/2022 (d) du 17.08.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/10/8c_71-2022)

 

8C_299/2022 (d) du 05.09.2022 – Stabilisation de l’état de santé – 19 LAA / Rechute lors de la procédure contestant la stabilisation de l’état de santé – 11 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_299/2022 (d) du 05.09.2022

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Stabilisation de l’état de santé / 19 LAA

Rechute lors de la procédure contestant la stabilisation de l’état de santé / 11 OLAA

 

Assuré, né en 1980, mécanicien, qui, le 21.11.2018, s’est tordu le poignet droit en utilisant une perceuse. Le 29.05.2019, il a été opéré du poignet droit dans un centre de chirurgie de la main, où l’on a diagnostiqué une instabilité du scaphoïde droit avec rupture complète du ligament scapholunaire.

L’assurance-accidents a informé l’assuré, par courrier du 31.07.2020, qu’elle ne prenait plus en charge les frais médicaux et qu’elle suspendait les indemnités journalières au 30.09.2020. Par décision du 05.11.2020, confirmée sur opposition le 12.02.2021, l’assurance-accidents à l’assuré le droit à une rente d’invalidité et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité.

Le 01.02.2021, l’assuré a été réopéré du poignet droit. L’assurance-accidents a pris en charge le traitement médical et les indemnités journalières au titre de la « rechute ».

 

Procédure cantonale

Selon l’instance cantonale, il ressortait des rapports médicaux que l’assuré souffrait de troubles résiduels à la suite de l’accident du 21.11.2018, raison pour laquelle son activité de constructeur métallique ne pouvait plus être exigée de lui. Toutefois, aucun rapport ne mentionnait que ces troubles auraient pu être réduits de manière significative par d’autres traitements à la clôture du cas fin septembre 2020 et que la capacité de travail aurait ainsi pu être considérablement augmentée. Dans un rapport médical du 01.07.2020, le directeur adjoint de la clinique G.__ avait déjà recommandé à l’assurance-accidents de procéder à une évaluation de l’ «exigibilité résiduelle» et de chercher une activité adaptée. Il a considéré qu’il n’y avait pas d’indication opératoire. Il a donc préconisé une réinsertion professionnelle et défini les limitations fonctionnelles (éviter les travaux lourds impliquant des chocs et des vibrations ainsi que les charges importantes et fréquentes de plus de 5 kg). Dans un rapport du 12.07.2020 adressé à l’office AI, il a été constaté que l’assuré était capable de travailler à 100% et qu’il était apte au placement pour des activités légères. Aucun traitement n’a été entrepris, hormis l’analgésie au besoin. Dans ces circonstances, il n’est pas contestable que l’assurance-accidents n’ait pas escompté d’amélioration thérapeutique notable au-delà du 30.09.2020 et ait clos le cas à cette date. Le rapport médical du 01.10.2020 ne change rien à cette situation. Le chirurgien s’est contenté d’affirmer qu’il n’y avait que des «interventions de sauvetage» susceptibles d’améliorer la situation ; aucun autre contrôle n’était prévu. Dans un courriel du 15.03.2021, le chirurgien a ensuite indiqué que l’opération avait pour but de réduire la douleur. Les chances de succès d’une telle opération étaient toutefois toujours incertaines. La probabilité d’une réduction des douleurs est toutefois « plus élevée ». Si le succès n’était pas au rendez-vous, la possibilité d’une arthrodèse totale du poignet serait toujours ouverte. Le chirurgien a a ainsi qualifié les chances de succès d’une opération d’ouvertes et donc incertaines. En résumé, la suspension des prestations temporaires (traitement médical au 31.07.2020 et indemnités journalières au 30.09.2020) est correcte. Le refus d’une rente d’invalidité et d’une IPAI n’est pas contestable non plus.

Par jugement du 29.03.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le litige porte sur la question de savoir si la suspension du traitement médical au 31.07.2020 et des indemnités journalières au 30.09.2020, confirmée par l’instance cantonale, est conforme au droit fédéral.

 

Consid. 2.3
La question de savoir si, dans le cadre de l’examen de la clôture du cas selon l’art. 19 al. 1 LAA, il faut admettre une amélioration notable de l’état de santé se détermine notamment – mais pas exclusivement – en fonction de l’augmentation ou du rétablissement de la capacité de travail à laquelle on peut s’attendre, dans la mesure où celle-ci est restreinte par l’accident. Le terme «notable» indique donc que l’amélioration espérée par un autre traitement (approprié) au sens de l’art. 10 al. 1 LAA doit être importante (ATF 143 V 148 consid. 3.1.1, 134 V 109 consid. 4.3 ; SVR 2020 UV n° 24 p. 95, 8C_614/2019 consid. 5.2 s.). Des améliorations insignifiantes ne suffisent pas, pas plus que la simple possibilité d’une amélioration (RKUV 2005 Nr. U 557 p. 388, U 244/04 consid. 3.1; arrêt 8C_219/2022 du 2 juin 2022 consid. 4.1). Dans ce contexte, l’état de santé de la personne assurée doit être évalué de manière prospective et non sur la base de constatations rétrospectives. Les renseignements médicaux relatifs aux possibilités thérapeutiques et à l’évolution de la pathologie, qui sont généralement saisis sous la notion de pronostic, constituent en premier lieu la base de l’appréciation de cette question juridique (SVR 2020 UV Nr. 24 p. 95, 8C_614/2019 consid. 5.2; arrêts 8C_219/2022 du 2 juin 2022 consid. 4.1 et 8C_682/2021 du 13 avril 2022 consid. 5.1).

Consid. 4.1
Dans l’ATF 144 V 245 consid. 6.2, le Tribunal fédéral a considéré que les rechutes et les séquelles tardives constituaient des faits particuliers relevant du droit de la révision. Il convient d’en tenir compte même si le droit aux prestations a été refusé à une date antérieure. Ces décisions ne peuvent donc pas faire l’objet d’un nouvel examen sans restriction. Il convient au contraire de partir de l’appréciation passée en force de chose jugée, et la reconnaissance d’une rechute ou de séquelles tardives présuppose une modification ultérieure des circonstances pertinentes pour le droit.

Consid. 4.2
On ne peut pas déduire de cet arrêt qu’une atteinte à la santé causée par l’accident et survenant – comme c’est le cas en l’espèce – alors que la procédure d’assurance-accidents est encore en cours ne peut pas constituer une rechute, raison pour laquelle elle doit être examinée dans le cadre du cas de base. Dans le cadre de l’approche prospective, telle qu’elle intervient dans la question de la clôture du cas (cf. consid. 2.3 ci-dessus), il est plutôt déterminant de savoir si l’opération du 01.02.2021 et l’amélioration notable de son état de santé qui l’a accompagnée étaient prévisibles au moment de la suspension des prestations au 30.09.2020. Tel n’est pas le cas (cf. consid. 5 ci-après), raison pour laquelle il n’y avait pas d’obstacle à une clôture du cas (cf. également l’arrêt 8C_344/2021 du 7 décembre 2021 consid. 8.2.2).

Consid. 4.3
La rechute et l’opération du 01.02.2021 qui y est liée n’ont pas fait l’objet de la décision sur opposition litigieuse du 12.02.2021, ni du jugement attaqué, raison pour laquelle il n’y a pas lieu de se prononcer à ce sujet. Il n’y a donc pas lieu d’entrer en matière sur le recours dans la mesure où le recourant demande l’évaluation de son droit aux prestations découlant de cette rechute (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; arrêt 8C_627/2015 du 14 décembre 2015 consid. 2.1).

Consid. 5.1
Lors de l’appréciation de la légalité de la clôture du cas, l’approche prospective s’applique (cf. consid. 2.3 ci-dessus). Dès lors, les dossiers médicaux établis après la clôture du cas au 31.07.2020 (traitement médical) resp. au 30.09.2020 (indemnités journalières), auxquels se réfèrent l’instance cantonale et l’assuré, resp. les circonstances survenues après la clôture du cas jusqu’à la décision sur opposition litigieuse du 12.02.2021 sont dénués de pertinence juridique (cf. arrêts 8C_682/2021 du 13 avril 2022 consid. 5.3.2 et 8C_604/2021 du 25 janvier 2022 consid. 7.1 et les références).

Consid. 5.2.1
Après avoir procédé à l’examen clinique de l’assuré ainsi que des résultats d’imagerie et des éléments médicaux au dossier, le médecin-conseil a indiqué dans son rapport du 29.07.2020 que l’état de santé était stabilisé et qu’il ne fallait pas s’attendre à une amélioration notable de l’état de santé.

Consid. 5.2.2
L’assuré ne formule aucune objection qui permettrait de douter, même légèrement, de la fiabilité et de la cohérence de ce rapport (ATF 142 V 58 consid. 5.1).

Consid. 5.2.2.1
L’assuré fait valoir que le chirurgien a indiqué dans son rapport du 01.07.2020 qu’un contrôle aurait lieu dans trois mois (c’est-à-dire le 01.10.2020). L’assuré allègue que l’hypothèse selon laquelle une clôture du cas pourrait être effectuée en l’absence d’un contrôle par le médecin traitant est arbitraire ou doit à tout le moins être considérée comme une clôture anticipée du cas. Cet argument n’est pas pertinent. En effet, le chirurgien ne rapportait aucune explication sur la question de savoir si des traitements médicaux au sens de l’art. 19 al. 1 LAA entraient encore en ligne de compte. Il recommandait plutôt une évaluation de l’ «exigibilité résiduelle» et la recherche d’une activité adaptée pour l’assuré, ce qui plaidait en faveur de la stabilisation et confirmait donc l’évaluation du médecin-conseil.

Consid. 5.2.2.2
L’argument de l’assuré selon lequel il avait déjà fait état de douleurs avant la clôture du cas (et avant même que l’assurance-accidents ne l’ait informé de manière informelle) est également dénué de pertinence. En effet, ce qui est déterminant, c’est qu’une poursuite du traitement médical aurait permis d’escompter une amélioration notable du point de vue du pronostic, ce qui n’a pas été établi en l’espèce.

Consid. 5.3
A l’aune de ce qui précède, il n’est pas contraire au droit fédéral que l’instance cantonale ait confirmé la clôture du cas par l’assurance-accidents.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_299/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_299/2022 (d) du 05.09.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/09/8c_299-2022)

 

9C_42/2022 (d) du 12.07.2022 – Revenu d’invalide selon ESS – Rappel de la jurisprudence relative aux absences non prévisibles et difficilement calculables en raison d’une maladie

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_42/2022 (d) du 12.07.2022

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Révision de la rente d’invalidité – Revenu d’invalide selon ESS / 16 LPGA – 17 LPGA

Rappel de la jurisprudence relative aux absences non prévisibles et difficilement calculables en raison d’une maladie – Abattement de 10% admis pour une maladie de Crohn

 

Assurée, née en 1983, au bénéfice d’un quart de rente AI (taux d’invalidité 47%) depuis le 01.06.2016 (arrêt du TF 9C_578/2017 du 31.10.2017).

Procédure de révision d’office initiée en juillet 2019. Expertise médicale pluridisciplinaire mise en œuvre (rapport du 31.12.2020). Sur la base de cette expertise, l’office a fixé le taux d’invalidité à 57% et a octroyé une demi-rente d’invalidité à compter du 01.07.2019.

 

Procédure cantonale (IV.2021.109 – consultable ici)

Le tribunal cantonal est arrivé à la conclusion qu’il fallait considérer que l’assurée ne pouvait plus exercer qu’à hauteur de 40% une activité adaptée à son état de santé (tâches physiquement légères ou tout au plus occasionnellement moyennement lourdes avec manipulation de charges de 5 à 7 kg, tout au plus occasionnellement jusqu’à 12 kg, sans activité impliquant de s’accroupir ou de s’agenouiller de manière répétée, sans travail nécessitant l’utilisation répétée d’échelles, d’escaliers ou d’échafaudages, sans travail impliquant des mouvements répétitifs pour les bras ainsi que sans activité nécessitant de marcher fréquemment sur un sol inégal) depuis fin 2018/début 2019. Le revenu d’invalide a été fixé à CHF 19’832, après prise en compte d’un abattement de 10% (contrairement à l’approche de l’office AI). Après comparaison avec le revenu sans invalidité de CHF 52’135, il en résultait un taux d’invalidité de 62%.

Par jugement du 20.10.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, octroyant un trois-quarts de rente AI dès le 01.07.2019.

 

TF

Consid. 4.2
[…] La jurisprudence accorde notamment un abattement sur le revenu d’invalide lorsqu’une personne assurée est limitée dans ses capacités, même dans le cadre d’une activité d’auxiliaire physiquement légère (ATF 126 V 75 consid. 5a/bb). Il convient toutefois de noter que d’éventuelles restrictions liées à la santé déjà incluses dans l’évaluation de la capacité de travail médicale ne doivent pas être prises en compte en plus dans l’appréciation de l’abattement et ainsi conduire à une double prise en compte du même point de vue (ATF 146 V 16 consid. 4.1 et la référence).

Consid. 4.4.1
La cour cantonale a motivé sa décision de procéder à un abattement par le fait que l’état de santé de l’assurée, en particulier en ce qui concerne la maladie de Crohn, s’était incontestablement détérioré depuis la dernière évaluation, ce qui, dans le sens d’interactions, influençait également le tableau psychique (trouble dépressif). Le droit à la rente – et donc la question de l’abattement – peut donc être réexaminé de manière globale (« allseitig »), sans être lié aux évaluations précédentes de l’invalidité. Le fait que, dans le cadre du jugement précédant, un abattement ait été considérée comme non indiqué ne s’oppose donc pas à une réévaluation à cet égard. Etant donné qu’en raison de la maladie de Crohn diagnostiquée chez l’assurée, il faut s’attendre à des arrêts de travail imprévisibles et donc non planifiables en raison de la nécessité d’aller de plus en plus souvent aux toilettes, une déduction de 10% semble appropriée, compte tenu de la jurisprudence en la matière.

Consid. 4.4.2
L’office AI rétorque en substance qu’il ne ressort pas du dossier disponible que les poussées de la maladie de Crohn auraient déjà entraîné ou pourraient continuer à entraîner des absences au travail imprévisibles et donc pertinentes pour l’abattement. La possibilité d’un abattement n’existe que dans les cas où des absences imprévisibles dues à des poussées d’une maladie se sont déjà produites concrètement et où il faut s’attendre à des absences répétées pour cause de maladie. Un simple risque d’absence ne justifie pas encore un abattement sur le salaire statistique. En outre, les restrictions de santé causées par la maladie de Crohn et les interactions entre celles-ci et le trouble dépressif ont déjà été prises en compte dans l’évaluation consensuelle de l’assurée par les experts, à savoir une incapacité de travail de 60%. Tous les facteurs limitatifs liés à la santé ont ainsi été pris en compte. Vouloir les prendre en compte dans le cadre de la discussion sur l’abattement reviendrait à les prendre en compte deux fois, ce qui n’est pas admissible selon la jurisprudence.

Consid. 4.5
Les absences régulières du poste de travail pour cause de maladie doivent en principe être prises en compte lors de la détermination de l’étendue de la capacité de travail raisonnablement exigible (arrêts 8C_179/2018 du 22 mai 2018 consid. 4.2, 8C_631/2017 du 23 janvier 2018 consid. 4.4.1, 9C_414/2017 du 21 septembre 2017 consid. 4.3 et 9C_462/2007 du 25 janvier 2008 consid. 3.2.2). En revanche, des absences non prévisibles et difficilement calculables, telles que celles causées par des poussées de maladie, peuvent justifier un abattement sur le salaire statistique (cf. notamment l’arrêt 9C_439/2020 du 18 août 2020 consid. 4.5.2 et les références).

Consid. 4.5.1
Une telle constellation a par exemple été admise en cas de crises psychotiques aiguës (arrêt 9C_439/2020 du 18 août 2020 consid. 4.5.2 s.), en cas de douleurs abdominales récurrentes (arrêt 8C_179/2018 du 22 mai 2018 consid. 4.2), en cas de troubles respiratoires survenant par poussées à la suite d’un asthme (arrêt 9C_728/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.3.1, in : SVR 2011 IV no 31 p. 90) ainsi qu’en cas d’attaques de panique (arrêt 9C_462/2007 du 25 janvier 2008 consid. 3.2.2). Le Tribunal fédéral a également considéré comme justifié un abattement le fait qu’un assuré devait utiliser plusieurs fois par jour un cathéter pour évacuer l’urine accumulée dans sa vessie en raison d’un dysfonctionnement de la vessie (auto-sondage [arrêt 9C_368/2009 du 17 juillet 2009 consid. 2.3.2 s.]).

En revanche, le Tribunal fédéral a nié l’application d’un abattement dans le cas d’une maladie du côlon sous traitement médicamenteux sous forme de colite ulcéreuse, qui était paucisymptomatiques (avec peu de symptômes) et ne présentait que de rares poussées (arrêt 9C_414/2017 du 21.09.2017 consid. 4.3), ni d’une cachexie pulmonaire, sur la base desquelles on ne pouvait pas considérer au degré de la vraisemblance prépondérante que la personne assurée devait actuellement s’attendre à des interruptions de travail (arrêt 9C_200/2017 du 14 novembre 2017 consid. 4.4).

Consid. 4.5.2
En résumé, pour qu’une déduction puisse être accordée sous ce titre – absences pour raisons de santé non prévisibles et difficilement calculables – il doit exister des circonstances qui augmentent très concrètement le risque d’absences au travail pour cause de maladie (maladie à poussées, auto-sondage plusieurs fois par jour, etc.)

Consid. 4.6
Les documents démontrent qu’il y a déjà eu par le passé des poussées de la maladie de Crohn au sens de crises de diarrhée survenant pendant la journée. On peut en déduire que l’assurée, en exerçant une activité à 40%, ce qui est en principe raisonnablement exigible, devra se rendre fréquemment et soudainement aux toilettes en raison de sa maladie. Une occupation professionnelle appropriée dans le cadre de l’exigibilité est donc conditionnée au fait qu’il y ait des toilettes à proximité immédiate du lieu de travail et que l’assurée puisse les utiliser à tout moment en cas de besoin. Cette circonstance représente un désavantage évident par rapport aux personnes qui peuvent régulièrement mettre en œuvre leur capacité de travail dans la même mesure temporelle, par exemple à mi-temps avec un rendement à 100% ou à plein temps à rendement réduit, et exige de la part d’un employeur une complaisance correspondante ou éventuellement une diminution du salaire.

Le fait qu’il n’y ait pas eu jusqu’à présent d’arrêts de travail de longue durée ne change rien à ce résultat. Il ne s’agit pas de simples absences hypothétiques au travail (« simple risque d’absence »), mais d’interruptions nécessaires et établies du travail quotidien, dont la durée et l’intensité ne sont pas prévisibles. Cet aspect n’a pas non plus été pris en compte dans l’expertise, puisque seule la limitation due à une fatigue prononcée et (par conséquent) à une capacité de travail réduite y est mentionnée en rapport avec la capacité de travail.

Dans ce contexte, un abattement de 10% se justifie et une telle déduction ne s’avère pas contraire au droit fédéral. Il convient donc de s’en tenir à l’arrêt attaqué.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_42/2022 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 9C_42/2022 (d) du 12.07.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/09/9c_42-2022)

 

8C_167/2022 (d) du 18.08.2022 – Maladie professionnelle – Revenu d’invalide selon ESS – 16 LPGA / Absences non prévisibles et difficilement calculables – Abattement de 10%

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_167/2022 (d) du 18.08.2022

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Maladie professionnelle – Revenu d’invalide selon ESS / 16 LPGA

Absences non prévisibles et difficilement calculables – Abattement de 10%

Arrondissement du taux d’invalide – Rappel de la jurisprudence

 

Assurée, née en 1967, travaillait depuis le 01.04.2004 comme cheffe du service de nettoyage pour un hôpital. En août 2012, des éruptions cutanées sont apparues pour la première fois sur le cou, le décolleté et le front. Le 17.03.2014, la dermatologue traitant a indiqué à l’employeur qu’un test épicutané avait révélé une sensibilisation à certains produits. L’assurance-accidents a reconnu la sensibilisation aux produits de nettoyage incriminés comme maladie professionnelle. L’assurance-accidents a rendu une décision d’inaptitude pour les activités dans le service de nettoyage. Elle a en outre versé les prestations légales (traitement médical, indemnités journalières, indemnités journalières de transition et indemnités pour changement d’occupation).

Se fondant sur une expertise dermatologique du 01.03.2018 demandée par l’assurance-invalidité, l’assurance-accidents a refusé le droit à une rente d’invalidité (taux d’invalidité de 7,52%) et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité.

 

Procédure cantonale (arrêt UV.2021.15)

Il ressort de l’expertise dermatologique que l’assurée est sensible, entre autres, à la colophane, au mélange de parabènes, à la tertiobutylhydroquinone, au gallate d’octyle, à la cocamidopropylbétaïne et aux produits de nettoyage (Sani Clonet W4f et Jontec 300). Se fondant sur les documents médicaux, le tribunal cantonal a estimé que seule la sensibilisation aux produits de nettoyage pouvait être reconnue comme maladie professionnelle, au degré de la vraisemblance prépondérante. Une capacité de travail de 100% a été retenue dans une activité adaptée, à savoir dans celle dans laquelle une éviction systématique des allergènes pouvait être prise en compte. Le tribunal cantonal a ensuite fixé le revenu d’invalide à CHF 49’212, sur la base de l’ESS 2018 (tableau TA1, niveau de compétence 1, femmes). Contrairement à l’assurance-accidents, l’instance cantonale a tenu compte d’un abattement de 10%. Comparé au revenu sans invalidité de CHF 59’558 – non contesté –, il subsistait un taux d’invalidité de 17.4%.

Par jugement du 20.10.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, octroyant à l’assurée une rente d’invalidité basée sur un taux d’invalidité de 17.4% à compter du 01.02.2018.

 

TF

Consid. 5.3.1
Selon la jurisprudence, des absences non prévisibles et difficilement calculables, telles que celles provoquées par des poussées de la maladie, peuvent justifier un abattement sur le salaire statistique. Il faut pour cela qu’il existe des circonstances qui augmentent très concrètement le risque d’absences au travail pour cause de maladie (arrêt 9C_42/2022 du 12 juillet 2022 consid. 4.5 et consid. 4.5.2 ; cf. également la casuistique du consid. 4.5.1 de l’arrêt précité). Les experts dermatologues sont certes partis du principe que l’on pouvait s’attendre à une bonne situation cutanée constante grâce à une éviction systématique des allergènes, au respect des mesures de protection énumérées et à une application régulière et constante de crème émolliente. Les experts ont en outre constaté que l’assurée devait en principe être considérée comme pleinement apte au travail dans des activités qui tiennent compte de l’exigence d’une éviction des allergènes. Toutefois, les experts considèrent – outre la sensibilisation aux produits de nettoyage – qu’une diminution de la capacité de travail, en termes de temps ou de performance [rendement], est également possible en raison de la sensibilisation aux autres substances, si le contact avec les allergènes provoque une recrudescence des troubles. L’expertise ne précise pas à quelle fréquence ni comment il faut s’attendre concrètement à ce que cela se produise. Il ressort du dossier médical que l’assurée a continué à présenter des troubles allergiques après avoir cessé son activité de nettoyage : Dans son rapport d’évolution du 09.03.2016, la dermatologue traitante a décrit que l’assurée, après avoir commencé en février 2016 un stage de vente initié par l’assurance-chômage, s’était présentée les 01.03.2016 et 04.03.2016 avec des lésions cutanées érythémateuses squameuses prononcées au niveau du visage et du cou au sens d’une dermatite exacerbée. Ces troubles ont entraîné une incapacité de travail de dix jours. Le 30.10.2018, la dermatologue traitante a ensuite indiqué que des exacerbations d’eczéma se produisaient régulièrement au contact de substances odorantes dans les lieux publics, lors d’achats ou dans les transports en commun, lors de travaux humides, au contact de la poussière et de la vapeur, parfois aussi dans l’environnement domestique. Selon la décision sur opposition, les substances allergènes sont également présentes – en partie « cachées » – dans de « nombreux matériaux utilisés quotidiennement », des médicaments, des cosmétiques et des denrées alimentaires. Dans ce contexte, la conclusion de l’instance cantonale, selon laquelle l’assurée – que ce soit en raison d’un contact avec des allergènes sur son lieu de travail ou dans sa vie privée – pourrait à nouveau, avec un certain risque, être absente dans le cadre d’un nouvel emploi (adapté), n’apparaît en tout cas pas contraire au droit fédéral. Il en va de même pour la prise en compte de cette circonstance dans la question de l’abattement sur le salaire statistique.

Consid. 5.3.2
On peut laisser ouverte la question de savoir si l’instance cantonale a tenu compte à tort des autres caractéristiques dans son estimation globale de l’abattement. Même si cela devait être le cas, il ne faudrait pas se baser sur l’abattement de la cour cantonale et la réduire. Le Tribunal fédéral devrait plutôt procéder à une nouvelle estimation globale de l’abattement sur la base des critères retenus à juste titre (arrêt 9C_14/2022 du 21 juillet 2022 consid. 5.3.1). Dans les cas où la jurisprudence a retenu un abattement en raison d’absences non prévisibles et difficilement calculables, celle-ci s’élevait à chaque fois à 10% (arrêts 9C_42/2022 du 12 juillet 2022 consid. 4.6 ; 9C_439/2020 du 18 août 2020 consid. 4.5.4 ; 8C_179/2018 du 22 mai 2018 consid. 4.2). Cela semble en fin de compte également approprié en l’espèce, de sorte que l’abattement retenu par le tribunal cantonal et le revenu d’invalide de CHF 49’212 qui en résulte s’avèrent en fin de compte conformes au droit fédéral. Le taux d’invalidité est de 17.4%.

Consid. 5.4
Le degré d’invalidité doit être arrondi au pourcentage supérieur ou inférieur selon les règles mathématiques reconnues. Pour un résultat jusqu’à x.49… %, il faut donc arrondir à x % (ATF 130 V 121 consid. 3.2). Cela vaut également dans l’assurance-accidents, même si l’arrondi à l’unité supérieure ou inférieure (hormis la valeur de référence de 10% [cf. art. 18 al. 1 LAA]) représente une perte ou un gain de quelques francs sur le montant mensuel de la rente en raison de l’arrondissement (ATF 130 V 121 consid. 3.3). En n’arrondissant pas le degré d’invalidité à 17%, mais en accordant à l’assurée une rente d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 17.4%, l’instance cantonale a violé le droit fédéral. Par conséquent, l’assurée a droit à une rente d’invalidité basée sur un taux d’invalidité de 17% à partir du 01.02.2018.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_167/2022 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 8C_167/2022 (d) du 18.08.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/09/8c_167-2022)

 

8C_545/2021 (d) du 04.05.2022 – Renseignements fournis par téléphone par la caisse de chômage – Fardeau de la preuve – Protection de la bonne foi – Devoir de conseil des assureurs sociaux – 9 Cst. – 27 al. 2 LPGA / Obligation de tenir un dossier – Gestion des documents – 46 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_545/2021 (d) du 04.05.2022

 

Consultable ici (arrêt à 5 juges, non publié)

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Droit à l’indemnité chômage et rente de vieillesse AVS anticipée / 8 al. 1 LACI – 40 al. 1 LAVS

Renseignements fournis par téléphone par la caisse de chômage – Fardeau de la preuve – Protection de la bonne foi – Devoir de conseil des assureurs sociaux / 9 Cst. – 27 al. 2 LPGA

Obligation de tenir un dossier – Gestion des documents / 46 LPGA

 

Assuré, né en 1957, s’est inscrit à l’ORP le 24.08.2018, en vue d’un placement après avoir perdu son ancien emploi. La caisse de chômage a ouvert un délai-cadre d’indemnisation du 08.10.2018 au 07.10.2020, prolongé jusqu’au 07.04.2021 à la suite de la pandémie de Covid-19. Par décision du 16.12.2020, la caisse de compensation AVS a octroyé une rente de vieillesse anticipée de deux ans avec effet au 01.01.2021. Se référant à l’anticipation de la rente, la caisse de chômage a nié, par décision du 10.02.2021, le droit à l’indemnité de chômage à partir du 01.01.2021.

L’assuré a fait opposition à cette décision en faisant valoir, pour l’essentiel, qu’il s’était renseigné par téléphone auprès de la caisse de chômage en novembre 2020, avant la demande d’anticipation de la rente, pour savoir si les paiements de l’assurance-chômage seraient maintenus même en cas d’anticipation de la rente AVS. Le collaborateur compétent, C.__, s’est renseigné à ce sujet et lui a indiqué que les indemnités journalières de l’assurance-chômage continueraient d’être versées, mais diminuées du montant de la rente AVS. Sur la base de ces informations, il a demandé en décembre le versement anticipé de sa rente. Lors d’un autre entretien téléphonique, le 25.01.2021, le responsable du dossier a confirmé ses dires. Après avoir demandé à ce responsable de prendre position par écrit le 24.02.2021, la caisse de chômage a rejeté l’opposition par décision du 02.03.2021.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 16.06.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
Le tribunal cantonal a considéré que les conditions de la protection de la bonne foi n’étaient pas remplies. Il a retenu en substance que l’assuré n’était pas en mesure de prouver qu’un renseignement inexact lui avait été fourni lors des entretiens téléphoniques du 30.11.2020 et du 25.01.2021 (qui avaient incontestablement eu lieu). Cela ne résulterait ni de la durée d’environ huit minutes de la première conversation téléphonique, ni du fait que la question de la coordination entre l’anticipation de la rente AVS et l’indemnité de chômage aurait été sa seule motivation pour cet appel. En effet, on ignore totalement quelles informations a été communiquées ainsi que si et, le cas échéant, comment il a posé et formulé sa question. Le déroulement de la conversation et, en particulier, les informations prétendument inexactes ne sont pas non plus prouvés. Selon le tribunal cantonal, il n’y a donc aucune raison de s’écarter de la pratique selon laquelle la référence à un entretien téléphonique pour lequel il n’existe aucune note au dossier ne constitue pas une base suffisante pour une protection de la confiance.

Comme le contenu de l’entretien téléphonique du 30.11.2020 et la demande qui y a été exprimée ne sont pas prouvés, il n’est pas possible de vérifier si l’assuré aurait eu besoin d’être informé de la menace de suspension des indemnités de chômage en raison de l’anticipation de la rente AVS. Une éventuelle violation du devoir de conseil selon l’art. 27 al. 2 LPGA ne peut donc pas être prouvée. D’autres mesures de clarification sur le contenu de la conversation sont exclues, car ni le collaborateur de la caisse de chômage ni l’assuré n’ont rédigé de note téléphonique, de sorte qu’une reconstitution de la conversation est impossible. Les conséquences de cette absence de preuve sont supportées par l’assuré, qui veut déduire des droits du contenu de la conversation. En outre, il n’existe pas d’obligation générale de consigner chaque conversation téléphonique. En raison de la pratique invoquée par la caisse de chômage, qui consiste à rester toujours vague au téléphone et à ne pas donner de renseignements contraignants, le contenu de la conversation n’a pas dû être considéré comme essentiel pour la décision et être versé au dossier au moyen d’une note. Il n’y aurait donc pas lieu de conclure à une violation de l’obligation de tenir un dossier selon l’art. 46 LPGA, qui entraînerait un renversement du fardeau de la preuve.

Consid. 5.1
Le principe de l’instruction en vigueur dans la procédure en matière d’assurances sociales exclut, par définition, le fardeau de la preuve au sens de son administration, étant donné qu’il incombe au tribunal des assurances sociales ou à l’administration qui a rendu la décision de réunir les éléments de preuve (art. 43 al. 1 et art. 61 let. c LPGA). Dans le procès en matière d’assurances sociales, les parties ne supportent donc en général le fardeau de la preuve que dans la mesure où, en l’absence de preuve, la décision est rendue au détriment de la partie qui voulait déduire des droits des faits non prouvés. Cette règle de la preuve n’intervient toutefois que lorsqu’il s’avère impossible d’établir, dans le cadre du principe de l’instruction et sur la base d’une appréciation des preuves, un état de fait qui a au moins la probabilité de correspondre à la réalité (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 138 V 218 consid. 6 et les références). Exceptionnellement, selon la jurisprudence, le fardeau de la preuve peut être renversé lorsqu’une partie n’est pas en mesure d’apporter une preuve pour des raisons qui ne lui sont pas imputables, mais qui sont le fait de l’autorité. La jurisprudence voit un tel cas de renversement du fardeau de la preuve dans l’absence de preuve de l’opportunité d’un recours, qui est due au fait que l’administration, en violation de son obligation de tenir le dossier (art. 46 LPGA), n’a pas versé le recours au dossier et a ainsi rendu impossible l’administration de la preuve du respect des délais (ATF 138 V 218 consid. 8.1 avec d’autres références ; cf. aussi ATF 140 V 85 consid. 4.4). En cas de simples insuffisances mineures dans la gestion du dossier, le Tribunal fédéral a explicitement rejeté une violation de l’obligation de tenir un dossier avec, comme conséquence, le renversement du fardeau de la preuve (ATF 138 V 218 consid. 8.3).

Consid. 5.2.1
L’obligation de tenir un dossier par l’administration et les autorités constitue la contrepartie du droit de consulter le dossier et de produire des preuves (découlant de l’art. 29 al. 2 Cst.), en ce sens que l’exercice du droit de consulter le dossier par la personne assurée présuppose une obligation de tenir un dossier (ATF 142 I 86 consid. 2.2 ; 130 II 473 consid. 4.1 ; 124 V 372 consid. 3b ; 124 V 389 consid. 3a). L’obligation de tenir un dossier sert aussi à ce que l’on appelle l’égalité des armes, car la personne concernée peut, dans le cadre de son droit de consultation, reconnaître les processus administratifs, s’exprimer en conséquence et déposer des demandes de preuves (ROGER PETER, Die Aktenführungspflicht im Sozialversicherungsrecht, in: Jusletter 14. Oktober 2019, Rz. 10).

Pour les assureurs soumis à la partie générale du droit des assurances sociales, l’obligation de tenir un dossier a été concrétisée au niveau de la loi à l’art. 46 LPGA (concernant les renseignements obtenus oralement, cf. également art. 43 al. 1 phrase 2 LPGA ; cf. ensuite art. 1 LACI pour sa validité dans le domaine de l’assurance-chômage). Selon cette disposition, lors de chaque procédure relevant des assurances sociales, l’assureur enregistre de manière systématique tous les documents qui peuvent être déterminants (sur le principe : ATF 138 V 218 consid. 8.1.2). Celui-ci est tenu de tenir un dossier complet sur la procédure afin de pouvoir, le cas échéant, permettre la consultation du dossier dans les règles et, en cas de recours, transmettre ces documents à l’instance de recours. Ce faisant, il doit consigner dans le dossier tout ce qui fait partie de l’affaire et qui peut être important pour la décision (ATF 138 V 218 consid. 8.1.2 ; 124 V 372 consid. 3b ; 124 V 389 consid. 3a). Selon son libellé, l’art. 46 LPGA s’applique à tous « les assureurs soumis à la partie générale du droit des assurances sociales », donc à toutes les procédures auxquelles la LPGA s’applique (cf. art. 2 LPGA), d’autant plus que les lois particulières ne prévoient pas de dérogations (UELI KIESER, Kommentar ATSG, 4. Aufl. 2020, N. 24 zu Art. 46 ATSG).

Consid. 5.2.2
La notion de documents pouvant être déterminants englobe notamment les résultats de l’instruction tels que les dossiers consultés, les rapports et expertises demandés, les notes téléphoniques (cf. ATF 117 V 285) ou les procès-verbaux, p. ex. d’inspection ou d’audition des parties (KIESER, op. cit., n. 15 ad art. 46 LPGA, qui énumère d’autres types de documents). L’obligation de tenir un dossier ne présuppose pas que le caractère déterminant de la pièce soit déjà établi au moment de son enregistrement dans le dossier. Elle s’étend au contraire à tous les documents qui – évalués de manière prospective – peuvent être déterminants. Etant donné qu’au moment où se pose la question de l’enregistrement au dossier, il n’est en règle générale pas encore possible de juger quelles seront les informations déterminantes pour la décision, tous les documents doivent en principe être versés au dossier (KIESER, op. cit., n. 17 ad art. 46 LPGA ; cf. également PETER, op. cit.). Font exception les pièces purement internes qui servent au processus de formation de l’opinion au sein de l’autorité ; celles-ci ne sont pas couvertes par le droit de consulter le dossier et – par symétrie – par l’obligation de tenir un dossier (arrêt I 988/06 du 28 mars 2007 consid. 3.4, in : SVR 2007 IV no 48 p. 156 ; KIESER, op. cit., n. 20 ad art. 46 LPGA ; PETER, op. cit., n. 41). La violation de l’obligation de tenir un dossier par le non-enregistrement ou la suppression de documents, sous réserve de simples manquements mineurs dans la gestion du dossier, conduire à un obstacle à la preuve et donc à un renversement du fardeau de la preuve (ATF 138 V 218 consid. 8.1 et 8.3).

Consid. 5.3
Selon la jurisprudence, dans la procédure administrative, il correspond à un principe général de procédure dérivé du droit d’être entendu que les faits et résultats pertinents pour la décision doivent être consignés par écrit en application de l’obligation de tenir un dossier. Lorsque l’administration mène un entretien avec une partie à la procédure, elle doit au moins en consigner le contenu essentiel dans un procès-verbal. Par ailleurs, le Tribunal fédéral a fait dépendre l’obligation de dresser un procès-verbal pour la procédure administrative de première instance à des circonstances concrètes du cas d’espèce (ATF 130 II 473 consid. 4.1 et 4.2 ; ATF 124 V 389 consid. 3 ; 119 V 208 consid. 4c ; arrêts 1C_4/2018 du 11 juillet 2019 consid. 3.5 ; 1C_388/2009 du 17 février 2010 consid. 5.2.2).

Consid. 6.1
Le renseignement téléphonique du 30.11.2020, en l’espèce litigieux, a été donné alors que des prestations de l’assurance-chômage étaient en cours de versement, c’est-à-dire après la reconnaissance par l’administration d’un droit légal. Etant donné que les prestations concernées ont un caractère durable et que l’administration était tenue de vérifier en permanence les conditions d’octroi (cf. en particulier l’art. 8 al. 1 LACI), le collaborateur de la caisse de chômage qui a fourni le renseignement a agi, du point de vue de l’art. 46 LPGA, dans le cadre d’une procédure d’assurance sociale, et donc dans le champ d’application de l’obligation de tenir un dossier qui y est ancrée (cf. pour la procédure d’instruction proprement dite : art. 43 al. 1 phrase 2 LPGA). En conséquence, il aurait été indiqué de mentionner dans le dossier la demande effectuée en l’espèce et la réponse donnée. En effet, l’art. 46 LPGA prévoit que tout ce qui fait partie de la procédure doit être consigné dans le dossier, car ce n’est qu’ultérieurement que l’on peut déterminer ce qui fait partie des informations pertinentes pour la décision. Il en va de même en l’espèce. Le collaborateur de la caisse de chômage ne conteste pas non plus qu’il a été question de la retraite anticipée, sans toutefois se souvenir des termes exacts de la discussion. Par conséquent, le contenu de la conversation, non étayé en détail, présentait un lien direct avec les autres prestations de l’assurance-chômage, notamment avec une éventuelle réduction ou suppression des indemnités de chômage (cf. art. 8 al. 1 let. d LACI et supra consid. 2). L’instance cantonale ne peut donc pas être suivie dans la mesure où elle n’a pas reconnu d’emblée d’éléments permettant de conclure que le contenu aurait probablement été déterminant pour la décision. Une telle conclusion ne peut pas non plus être tirée de la pratique invoquée par la caisse de chômage de rester toujours vague au téléphone et de ne pas donner de renseignements contraignants. En effet, même les réserves émises oralement par l’assurance dans le cadre d’une procédure en cours peuvent et, le cas échéant, doivent être mentionnées dans la note au dossier.

Consid. 6.2
La question de savoir ce qu’il en est dans le détail et quelles exigences concrètes devraient être posées à une note au dossier (cf. à ce sujet PETER, op. cit., ch. 49 ss.) peut rester ouverte. En effet, bien qu’il faille partir du principe qu’il n’y a pas de preuve en ce qui concerne le contenu de la conversation litigieuse et que celle-ci trouve sa raison d’être dans le fait que le procès-verbal n’a pas été établi, cela ne justifie pas en soi un renversement du fardeau de la preuve. Selon la jurisprudence, une telle situation n’entre en ligne de compte qu’à titre exceptionnel (cf. supra consid. 5.1). Le Tribunal fédéral a ainsi reconnu qu’il n’y avait pas de formalisme excessif dans le fait d’exiger que les demandes de prestations auprès de l’administration ne soient pas faites par téléphone, mais par écrit, et de se faire confirmer par écrit les renseignements fournis par téléphone. Le point de vue contraire conduirait à un renversement du fardeau de la preuve contraire à la loi (arrêt 9C_493/2012 du 25 septembre 2012 consid. 6). Il doit en être de même dans le cas présent. C’est précisément si les renseignements avaient été donnés de la manière invoquée – à savoir que d’autres prestations d’indemnités journalières de l’assurance-chômage seraient versées malgré l’anticipation de la rente AVS – que cela aurait dû être une raison suffisante pour l’assuré de se le faire confirmer par écrit, compte tenu de la portée considérable à divers égards d’une telle disposition. Il n’apparaît pas que cela aurait été fait ou qu’il aurait pris des dispositions en ce sens, et encore moins qu’il l’aurait fait valoir.

Consid. 6.3
L’assuré n’est donc pas en mesure de renverser le fardeau de la preuve et son argument de la protection de la bonne foi tombe à faux. En tout état de cause, le résultat de l’arrêt attaqué demeure valable et le recours doit être rejeté.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_545/2021 consultable ici (arrêt à 5 juges, non publié)

 

Proposition de citation : 8C_545/2021 (d) du 04.05.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/09/8c_545-2021)

 

 

 

Remarque :

Comme le souligne le Tribunal fédéral, lors d’entretien téléphonique où des informations importantes sont communiquées, il est nécessaire de demander une confirmation par écrit. Comme dit l’adage populaire : « Les paroles s’envolent, les écrits restent ».

 

8C_596/2021 (d) du 12.07.2022, destiné à la publication – Chute en arrière en fauteuil roulant d’un paraplégique – Causalité indirecte – 6 LAA / 2e accident non assuré et lien avec le 1er accident assuré – Examen (en détail) du lien de causalité adéquate

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_596/2021 (d) du 12.07.2022, destiné à la publication

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Chute en arrière en fauteuil roulant d’un paraplégique – Causalité indirecte / 6 LAA

2e accident non assuré et lien avec le 1er accident assuré – Examen (en détail) du lien de causalité adéquate

 

Assuré, né en 1966, a été victime le 04.10.1989 d’une chute sur un chantier entraînant une paraplégie complète à partir de D7 ; il est depuis lors tributaire d’un fauteuil roulant pour se déplacer. L’assurance-accidents lui a accordé une rente d’invalidité à partir du 01.10.1993 fondée sur un taux d’invalidité de 66,66%, une allocation pour impotent à partir du 01.08.1993 ainsi qu’une IPAI de 90%.

Après que l’assuré s’est plaint de douleurs à l’épaule droite, attribuées à une blessure survenue le 27.04.2015 alors qu’il conduisait, une importante rupture de la coiffe des rotateurs à droite a été diagnostiquée le 04.02.2019. Le 14.02.2019, une intervention chirurgicale a eu lieu à l’épaule droite. L’assurance-accidents a refusé toutes prestations à cet égard dès le 07.02.2019, au motif que l’assuré n’était pas assuré auprès d’elle pour l’accident du 27.04.2015.

Le 09.07.2019, l’assuré a annoncé à l’assurance-accidents qu’en reculant avec son fauteuil roulant, il est tombé l’épaule gauche sur le sol. L’examen radiologique de l’articulation de l’épaule gauche du 16.07.2019 a montré, entre autres, une rupture complète du tendon du sous-épineux et sus-épineux, à la suite de quoi une opération de l’épaule gauche a été effectuée le 31.07.2019. Par décision du 13.12.2019, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié son obligation de verser des prestations au motif que l’assuré n’était pas assuré auprès d’elle pour les suites de l’accident du 08.07.2019 et qu’il n’existait pas non plus de lien de causalité avec l’accident du 04.10.1989.

 

Procédure cantonale (arrêt UV 2020/44 – consultable ici)

La cour cantonale a retenu le lien de causalité naturelle entre l’accident du 04.10.1989 et la chute en fauteuil roulant du 08.07.2019. En effet, si l’assuré n’était pas tributaire d’un fauteuil roulant en raison de l’accident du 04.10.1989, respectivement de la paraplégie subie à cette occasion, il n’aurait pas pu tomber de ce fauteuil. En ce qui concerne le lien de causalité adéquate, l’instance cantonale a conclu que la chute du 08.07.2019 ne pouvait pas être suffisamment imputée à la paraplégie. Ce n’est pas la dépendance du fauteuil roulant et les déficits physiques qui en découlent qui auraient provoqué la chute, mais plutôt l’accrochage inattendu au bord du lit lors d’une marche arrière. La paraplégie existant depuis 30 ans et la dépendance du fauteuil roulant qui en découle ne semblaient donc pas, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, susceptibles de provoquer la nouvelle chute.

Par jugement du 30.06.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3
Selon l’art. 6 al. 1 LAA, l’assureur-accidents alloue ses prestations en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle, sauf disposition contraire de la loi. L’obligation de l’assureur-accidents de fournir des prestations présuppose – entre autres – qu’il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre l’événement accidentel et le dommage survenu (maladie, invalidité, décès). Cette condition est réalisée lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière ou au même moment (ATF 142 V 435 consid. 1 ; 129 V 177 consid. 3.1 et les références).

Un événement doit être considéré comme cause adéquate d’un résultat lorsque, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, il est en soi susceptible de provoquer un résultat du type de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat apparaissant donc généralement comme favorisée par l’événement (ATF 129 V 177 consid. 3.2 ; 125 V 461 consid. 5a et les références). L’objectif de politique juridique de la causalité adéquate est de limiter la responsabilité (ATF 145 III 72 consid. 2.3.1 ; 122 V 415 consid. 2c ; 117 V 369 consid. 4a). Elle sert de correctif à la notion de cause scientifique qui, dans certaines circonstances, a besoin d’être limitée pour être supportable pour la responsabilité juridique (ATF 145 III 72 consid. 2.3.1 ; 142 III 433 consid. 4.5 ; 122 V 415 consid. 2c). Dans le droit de l’assurance-accidents sociale, il s’agit, en relation avec des lésions, selon la jurisprudence, de parvenir dans le cadre d’une appréciation globale à une délimitation raisonnable et équitable, du point de vue de l’assurance, des accidents engageant ou excluant la responsabilité, en évaluant les indices qui parlent en faveur ou en défaveur de l’attribution – juridique – de certaines pertes de fonctions à l’accident (ATF 122 V 415 consid. 2c ; arrêt 8C_493/2021 du 4 mars 2022 consid. 3.3.6).

Selon la jurisprudence, l’assureur-accidents répond en principe de toutes les conséquences, y compris des dommages consécutifs indirects, qui ont un lien de causalité naturelle et adéquate avec un accident assuré (arrêts 8C_629/2013 du 29 janvier 2014 consid. 4 ; U 4/81 du 6 octobre 1981 consid. 2e).

Consid. 4.1
Il n’est pas contesté entre les parties que le recourant n’était plus assuré contre les accidents auprès de l’assureur-accidents au moment de la chute du 08.07.2019. Les parties s’accordent sur le fait que cette chute – nonobstant les troubles dégénératifs préexistants de l’épaule gauche – a été à l’origine de la rupture des tendons supra- et infra-épineux, et que ces lésions ont nécessité l’intervention chirurgicale du 31.07.2019. Parallèlement, il est également établi – sans contestation possible – que, selon la jurisprudence, une rechute ou des séquelles tardives n’entrent pas en ligne de compte (cf. sur l’ensemble SVR 2003 UV n° 14 p. 42, U 86/02 consid. 4.2 ; arrêts 8C_66/2016 du 9 mai 2016 consid. 4.3 ; 8C_934/2014 du 8 janvier 2016 consid. 3.3).

Consid. 4.2
En revanche, il est contesté et doit être examiné si la chute du fauteuil roulant du 08.07.2019 et les lésions à l’épaule gauche subies à cette occasion sont imputables, en tant que conséquence indirecte, au premier accident assuré du 04.10.1989 et justifient de ce fait une obligation de prester de l’assureur-accidents.

Consid. 6.1
En ce qui concerne tout d’abord le lien de causalité naturelle admis par l’instance cantonale, cette question de fait n’a été discutée ni dans la décision sur opposition ni dans les mémoires rédigés par la suite. Elle n’est pas non plus abordée devant le Tribunal fédéral, raison pour laquelle il n’est pas nécessaire d’approfondir ce point.

Comme dans la décision sur opposition, la causalité adéquate, c’est-à-dire la question d’appréciation (« normative ») de la pertinence juridique du premier accident du 04.10.1989 pour les conséquences de l’accident en question, est au centre du litige.

Consid. 6.2
La jurisprudence de la Haute Cour ne s’est plus penchée depuis longtemps sur la question de savoir si un deuxième accident non assuré est une conséquence causale adéquate d’un premier accident (assuré) et déclenche ainsi une obligation de prestation de l’assureur-accidents compétent pour le premier accident. Pour autant que l’on puisse voir, cette thématique n’a (plus) guère été abordée dans la doctrine (cf. p. ex. Alfred Maurer, Recht und Praxis der schweizerischen obligatorischen Unfallversicherung, 2. Aufl. 1963, p. 291 s.; Alfred Maurer, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 1985, p. 464 s. und note de bas de page 1220, avec la référence à l’ATFA 1960 p. 158 [Squaratti]; Raoul Morell, Der Kausalbegriff in der Unfallversicherung, SZS 1965 p. 37; André Nabold, in: Hürzeler/Kieser [Hrsg.], Kommentar zum Schweizerischen Sozialversicherungsrecht, UVG, 2018, N. 64 zu Art. 6 UVG).

Consid. 6.3
Déjà dans l’arrêt Biel du 15 janvier 1919 (reproduit en partie dans Werner Lauber, Praxis des sozialen Unfallversicherungsrechts der Schweiz, 1928, p. 24 ss), le Tribunal fédéral des assurances de l’époque (aujourd’hui : la première et la deuxième cour de droit social du Tribunal fédéral) considérait qu’un autre accident non assuré apparaissait en tout cas comme une conséquence indirecte d’un accident antérieur lorsque :

  1. le deuxième accident survient pendant la période de guérison du premier accident ;
  2. l’assuré avait été privé de sa sphère d’influence et de ses habitudes de vie antérieures par l’accident précédent et l’était encore au moment du second accident ; et enfin
  3. l’assuré était exposé de manière accrue au risque d’un second accident en raison de l’état physique ou mental provoqué par le premier.

Dans ces trois conditions, il existe en général une grande probabilité que le deuxième accident ne se serait pas produit sans le premier ; le deuxième accident apparaît juridiquement comme une simple complication du premier, comme une perturbation du processus de guérison dont l’assureur doit d’emblée prévoir l’éventualité et dont il doit donc assumer les conséquences de la même manière que les conséquences directes du premier accident (consid. 6 de l’arrêt précité ; allant dans le même sens, l’arrêt dans la cause Hubler du 3 mai 1923 consid. 1 s.). Avec l’ATFA 1960 p. 158 (« Squaratti »), le Tribunal fédéral des assurances a expressément conçu la problématique des prestations d’assurance indépendantes des survivants comme un cas d’application de la causalité adéquate. En ce qui concerne les conditions posées par l’ancienne jurisprudence, il a constaté qu’elles se résumaient pour l’essentiel à la notion de la causalité adéquate. Il a toutefois laissé ouverte la question de savoir dans quelle mesure elles étaient déterminantes pour les prétentions de l’assuré lui-même (décédé lors du deuxième accident non assuré). Pour les droits propres des survivants, le seul élément déterminant est de savoir si le décès a eu un lien de causalité juridiquement pertinent avec le premier accident assuré, un tel lien pouvant également être indirect, pour autant que seule la qualité du lien soit suffisante (consid. 2 s. du jugement). Dans l’arrêt U 4/81 du 6 octobre 1981 consid. 2e, le Tribunal fédéral des assurances a évalué le lien de causalité adéquate entre un premier accident et un deuxième qui n’était plus assuré, sans en discuter le principe, en se référant à nouveau explicitement aux trois critères cumulatifs selon l’arrêt Biel du 15 janvier 1919. Dans l’arrêt U 71/97 du 6 juillet 1998, il a considéré, en se référant à l’ATFA 1960 p. 158, mais également sans discuter des principes, la formule générale de la causalité adéquate est en revanche déterminante pour l’évaluation de l’adéquation dans un cas comparable (consid. 2a, 2b et 4b de l’arrêt précité).

Consid. 7.1
L’instance cantonale a considéré que, selon la description des faits faite par l’assuré le 09.07.2019, il avait reculé la veille avec son fauteuil roulant. Ce faisant, il serait resté accroché  » d’une certaine manière » avec le fauteuil roulant au bord du lit et serait tombé sur l’épaule gauche. Il aurait instinctivement essayé de ménager son épaule droite opérée, raison pour laquelle il serait tombé sur l’épaule gauche.

Le tribunal cantonal a en outre expliqué que l’assuré se déplaçait en fauteuil roulant depuis l’accident du 04.10.1989. Au cours des nombreuses années qui ont précédé la chute du 08.07.2019, il s’est sans aucun doute habitué au fauteuil roulant et s’y est exercé. Les critères de la causalité adéquate ne sont donc pas remplis. L’accident n’a pas eu lieu pendant la période de guérison du premier accident et on ne peut pas non plus dire que l’assuré a continué à être privé de ses habitudes de vie et de son champ d’action après cette longue période. En effet, après 30 ans en fauteuil roulant, on peut sans autre supposer de nouvelles habitudes de vie et un nouveau champ d’action en tant que personne en fauteuil roulant. De plus, la dépendance du fauteuil roulant pendant de nombreuses années et l’accoutumance aux déficits physiques (en particulier la non-utilisation des membres inférieurs, la diminution de la force du tronc et de la stabilité) n’ont pas augmenté le risque d’accident de manière significative. La diminution de la force et de la stabilité du tronc invoquée par l’assuré doit être relativisée en ce sens qu’il a réussi à se tourner instinctivement sur le côté gauche pendant la chute. Ainsi, la chute du 08.07.2019 n’est plus suffisamment imputable à la paraplégie et ce n’est pas principalement la dépendance du fauteuil roulant et les déficits physiques qui en découlent qui ont provoqué la chute, mais plutôt l’accrochage inattendu au bord du lit lors de la marche arrière. La paraplégie existant depuis 30 ans et la dépendance au fauteuil roulant qui en découle ne semblent pas, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, être de nature à provoquer la chute en 2019 ; faute de causalité adéquate, l’assurance-accidents n’est donc pas tenue de verser des prestations pour les conséquences de l’accident survenu le 08.07.2019.

Consid. 7.3.1
Même selon l’ATFA 1960 p. 158, avec lequel la théorie du lien de causalité adéquate a fait son entrée dans le droit suisse des assurances sociales (Meyer-Blaser, Kausalitätsfragen auf dem Gebiet des Sozialversicherungsrechts, in SZS 1994 p. 82), le Tribunal fédéral des assurances a maintenu, dans son arrêt U 4/81 du 6 octobre 1981, la formule établie en 1919 au sens des trois conditions cumulatives. Dans l’arrêt U 71/97 du 6 juillet 1998, il s’est en revanche basé sur la formule générale de la causalité adéquate (cf. consid. 6.3 ci-dessus). L’instance cantonale s’est elle aussi quelque peu détachée de la jurisprudence fondée en 1919, en ce sens qu’elle a considéré que la formule générale de la causalité adéquate était déterminante dans son principe, mais qu’elle a finalement tenu compte des trois conditions cumulatives dans son appréciation de la causalité adéquate et les a toutes niées.

On peut laisser ouverte la question de savoir si la formule établie dans l’arrêt Biel du 15 janvier 1919 est un examen spécial de la causalité adéquate – à conserver le cas échéant – semblable par exemple à celui effectué en cas de séquelles d’accident insuffisamment démontrables sur le plan organique (cf. sur l’ensemble ATF 115 V 133), ou si – comme l’a indiqué le Tribunal fédéral des assurances dans l’ATFA 1960 p. 158 et comme l’a admis l’instance précédente – elle se fond dans la formule générale de la causalité adéquate : Comme l’assuré le reconnaît à juste titre, dans la présente constellation, même en cas d’examen selon la formule générale de la causalité adéquate, il est déterminant de savoir si l’état antérieur dû à l’accident, au sens de la paraplégie et de la dépendance du fauteuil roulant, avait entraîné un risque d’accident accru, c’est-à-dire un risque de chute accru. La question de savoir ce qu’il en est des deux autres conditions, que l’assuré considère comme alternatives et donc superflues en raison d’une formulation ambiguë dans l’arrêt attaqué, ne nécessite pas de discussion supplémentaire. Certes, on peut se demander dans quelle mesure l’examen de la question de savoir si le deuxième accident s’est produit pendant la phase de guérison du premier accident est approprié pour évaluer la causalité adéquate en cas de séquelles définitives d’un accident telles qu’une paraplégie. Mais comme la causalité adéquate doit être niée d’une manière ou d’une autre en raison de l’absence d’un risque d’accident accru (cf. consid. 7.3.2 ss. ci-après), il n’est pas nécessaire de s’étendre sur ce point.

Consid. 7.3.2
Dans l’ATFA 1960 p. 158, la situation de départ était fondamentalement différente : comme séquelles permanentes du premier accident, l’assuré souffrait de vertiges et d’accès de faiblesse qui pouvaient survenir à tout moment par surprise et qui lui faisaient craindre de tomber « dès qu’il se retournait dans la rue, se penchait ou regardait en l’air ». C’est précisément un vertige aussi soudain qui a provoqué la chute mortelle lors d’une randonnée en montagne dans une région à forte déclivité (faits, let. A, consid. 1 et 3 de l’arrêt précité). Dans le cas à juger en l’espèce, l’assuré était certes tributaire d’un fauteuil roulant au moment de la chute du 08.07.2019, mais cela depuis près de 30 ans déjà. Comme l’a constaté le tribunal cantonal, on peut sans autre supposer, en raison de cette longue période, qu’il s’était habitué entre-temps aux limitations physiques dues à la paraplégie et qu’il était habitué à l’utilisation du fauteuil roulant. L’assuré ne le conteste d’ailleurs pas en dernière instance. Des facteurs supplémentaires qui pourraient éventuellement être liés à une situation de danger accru en rapport avec le déplacement en fauteuil roulant (p. ex. montées et descentes, franchissement d’obstacles) ne sont pas invoqués dans le recours de dernière instance et ne sont pas non plus évidents compte tenu du lieu de l’accident dans la zone d’habitation. Au vu des circonstances, la conclusion de l’instance cantonale, selon laquelle il n’y avait pas de risque accru de chute en raison de la paraplégie ou de la dépendance du fauteuil roulant dans la situation du 08.07.2019 à juger ici, n’est donc pas contestable.

Consid. 7.3.3
Il ne ressort pas non plus de la publication produite par l’assuré dans le cadre de la procédure cantonale (Kerr, Der Schulterschaden und operative Therapieoptionen, in: Paracontact 3/2016 p. 20 s.) qu’il en soit autrement. On peut y lire que le déplacement en fauteuil roulant constitue la charge la plus dommageable pour l’articulation de l’épaule et que les ruptures de tendons chez les personnes en fauteuil roulant constituent de loin la lésion la plus fréquente au niveau de l’articulation de l’épaule. En outre, la publication cite également la « chute en arrière » comme une sollicitation quotidienne pouvant entraîner à long terme une lésion de l’épaule. Il est ainsi démontré que le déplacement en fauteuil roulant peut entraîner une usure accrue au niveau des épaules, sachant que de telles lésions d’usure seraient tout au plus pertinentes en relation avec des séquelles tardives – qui ne sont justement pas en cause ici (cf. consid. 4.1 ci-dessus) – de l’accident du 04.10.1989. On ne peut toutefois pas en déduire que, dans la situation du 08.07.2019 à juger ici, il existait un risque accru d’accident en raison du fauteuil roulant.

Consid. 7.4
Dans l’ensemble, l’accident du 04.10.1989, la paraplégie et la dépendance du fauteuil roulant ne revêtent donc pas une importance déterminante au point d’être susceptibles, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, de provoquer la nouvelle chute. Comme l’a reconnu à juste titre le tribunal cantonal, ce ne sont pas les conséquences de l’accident précédent qui étaient au premier plan, mais le fait de rester accroché de manière inattendue au bord du lit. Dans la mesure où il a nié le lien de causalité adéquate et l’obligation de l’assurance-accidents de verser des prestations, il n’y a pas de violation du droit fédéral.

Le tribunal cantonal et l’assurance-accidents ont pu renoncer, sans violer le principe de l’instruction (art. 43 al. 1 ; art. 61 let. c LPGA), aux clarifications supplémentaires demandées par l’assuré concernant le potentiel risque concret lié à l’utilisation permanente d’un fauteuil roulant manuel (sur l’appréciation anticipée admissible des preuves, cf. ATF 144 V 361 consid. 6.5), les bases factuelles nécessaires à l’examen de la causalité adéquate paraissant, à la lumière de ce qui précède, suffisamment établies.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_596/2021 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_596/2021 (d) du 12.07.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/09/8c_596-2021)

 

8C_551/2021 (d) du 23.03.2022 – Traitement médical à charge de l’assurance-accidents après la stabilisation de l’état de santé, sans rente d’invalidité – 19 al. 1 LAA – 21 LAA / Pas de changement de la jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_551/2021 (d) du 23.03.2022

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Traitement médical à charge de l’assurance-accidents après la stabilisation de l’état de santé, sans rente d’invalidité / 19 al. 1 LAA – 21 LAA

Pas de changement de la jurisprudence

 

Assuré, né en 1981, employé depuis le 09.05.2005 comme agent d’exploitation à plein temps. Le 15.04.2011, son pied droit s’est retrouvé coincé entre deux palettes métalliques. Selon les premières constatations à l’hôpital, le diagnostic de contusion de l’articulation tibio-tarsienne supérieure droite a été posé. A partir de juin 2011, l’assuré a repris le travail à 100%.

Annonce de rechute en septembre 2012. Selon les médecins consultés, il existait des douleurs résiduelles, dépendantes de l’effort, après traumatisme par écrasement, avec suspicion de malformation artérioveineuse rétro-malléolaire avec irritation du nerf tibial. L’activité sportive provoquait des douleurs et le pied gonflait. La rechute a été prise en charge par l’assurance-accidents. Le cas fût clos par courrier du 24.06.2013.

Nouvelle annonce de rechute, le 05.02.2014, en raison d’importantes douleurs dans la région du pied droit qui duraient depuis un à deux mois. Le spécialiste en chirurgie et chirurgie vasculaire consulté a retenu qu’il s’agissait d’une fistule artério-veineuse traumatique symptomatique, conséquence vraisemblable du traumatisme par écrasement d’avril 2011. L’assurance-accidents a versé les prestations découlant de cette rechute.

Le 06.04.2018, l’assurance-accidents a informé l’assuré qu’elle participerait à hauteur de CHF 300 à l’abonnement de fitness, sans préjudice pour l’avenir. Dans un courrier du 15.01.2019, l’assurance-accidents a informé l’assuré de la stabilisation de l’état de santé. L’assurance-accidents était disposée, sans préjudice pour l’avenir, à prendre en charge du traitement antalgique. Par décision du 15.01.2019, une IPAI de 20% a été octroyée et a nié tout droit à une rente d’invalidité.

Le 05.06.2019, l’assuré a demandé à l’assurance-accidents de continuer à prendre en charge une partie des frais d’abonnement de fitness. Après plusieurs échanges d’écritures, l’assurance-accidents a rendu sa décision du 26.11.2019, confirmée sur opposition, selon laquelle aucune prestation ne serait versée pour la thérapie d’entraînement médical.

 

Procédure cantonale (arrêt UV.2020.00096 – consultable ici)

Par jugement du 17.06.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.2
Selon l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la conti­nuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme (première phrase). Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente (phrase 2).

Consid. 2.3
Outre l’art. 19 al. 1, 2e phrase, LAA, il convient de tenir compte de l’art. 21 LAA pour les questions qui nous intéressent ici, à savoir la suspension simultanée des prestations temporaires et la clôture du cas. Selon son al. 1, lorsque la rente a été fixée, les prestations pour soins et remboursement de frais (art. 10 à 13) sont accordées à son bénéficiaire dans certains cas, énumérés à l’al. 1 let. a-d de cette disposition. C’est ce qui est prévu lorsque – toujours en plus de la perception d’une rente d’invalidité mentionnée dans le préambule – il souffre d’une maladie professionnelle (let. a), qu’il souffre d’une rechute ou de séquelles tardives et que des mesures médicales amélioreraient notablement sa capacité de gain ou empêcheraient une notable diminution de celle-ci (let. b), qu’il a besoin de manière durable d’un traitement et de soins pour conserver sa capacité résiduelle de gain  (let. c) ou qu’il présente une incapacité de gain et que des mesures médicales amélioreraient notablement son état de santé ou empêcheraient que celui-ci ne subisse une notable détérioration (let. d).

Consid. 3.1.1
La cour cantonale a considéré que, par la décision du 15.01.2019 entrée en force, l’assurance-accidents avait octroyé IPAI de 20 % et qu’elle avait nié un droit à une rente d’invalidité. Selon les juges cantonaux, la prise en charge partielle des frais d’un abonnement de fitness ne constitue pas un moyen auxiliaire au sens de l’art. 11 LAA. Dans l’ATF 143 V 148 cité par l’assuré, il s’agissait uniquement de savoir si le moyen auxiliaire attribué dans le cadre du traitement médical (contrôles réguliers de la vue ; adaptation ou remplacement des lunettes de vue) devait continuer à être accordé même en l’absence d’octroi d’une rente, ce à quoi le Tribunal fédéral a répondu par l’affirmative dans le cadre d’une garantie des droits acquis. Il a constaté au consid. 6.2 que la suppression d’une prestation n’est prévue à l’art. 19 al. 1, 2e phrase, LAA que pour le traitement médical et les indemnités journalières. Il a précisé que le traitement médical s’éteint logiquement avec la clôture du cas, car à ce moment-là, on ne peut plus attendre d’amélioration notable de la poursuite du traitement médical (consid. 5.3.1). En ce qui concerne le traitement médical et les indemnités journalières, il n’y a pas – contrairement aux arguments de l’assuré – de changement de jurisprudence du Tribunal fédéral par lequel une garantie des droits acquis aurait été affirmée au-delà de la clôture du cas (avec référence aux ATF 144 V 418 consid. 2.2 ; 134 V 109 consid. 4.2). Une interprétation téléologique ou systématique plus poussée de l’art. 19 al. 1, 2e phrase, en relation avec l’art. 21 LAA, serait superflue au vu de la jurisprudence citée et du libellé clair de la loi.

Consid. 3.1.2
L’instance cantonale a en outre considéré que, dans la mesure où l’obligation de prise en charge du traitement par l’assurance-accidents selon l’art. 21 LAA n’existait pas après la clôture du cas, il n’était pas nécessaire de discuter la question de savoir si la participation aux frais d’un abonnement de fitness ou l’entraînement autonome dans un centre de fitness devait être qualifié de traitement efficace, approprié et économique au sens de la loi. Il n’est toutefois pas contestable que les douleurs dont souffrent l’assuré sont bien compréhensibles au vu des résultats médicaux objectifs, ce que l’assurance-accidents a parfaitement reconnu en prenant en charge, sans préjudice pour l’avenir, les coûts des analgésiques au-delà de la clôture du cas et en accordant une IPAI de 20%. Ensuite, l’assuré est d’accord avec le fait que la réglementation légale en vigueur, selon laquelle seules les personnes assurées qui perçoivent une rente d’invalidité peuvent éventuellement avoir droit à un traitement médical plus étendu au sens de l’art. 21 LAA, peut conduire à des résultats qui semblent discutables. Toutefois, le législateur l’a prévu ainsi et il serait largement hors de la compétence du pouvoir judiciaire d’accorder, contrairement à la base légale claire, un traitement curatif après la clôture du cas même sans l’octroi d’une rente.

Consid. 3.2
Le recourant fait valoir que le tribunal cantonal n’a pas examiné de manière approfondie le libellé de l’art. 21 LAA et son application dans le cas d’espèce. La thérapie d’entraînement cofinancée depuis des années par l’assurance-accidents lui permet de continuer à exercer pleinement son métier physiquement éprouvant. L’instance cantonale se raccroche à la formulation du début de l’article 21 LAA, qui a manifestement été choisie par erreur. En ces temps du principe « la réadaptation plutôt que de la rente », il ne saurait être question qu’il soit moins bien loti, lui qui fait tout son possible et se trouve entièrement dans la vie active, qu’une personne assurée qui peut continuer à avoir droit à un traitement médical après la fixation d’une rente sur la base de l’art. 21 LAA. Le tribunal cantonal néglige le fait que l’assurance-accidents a clôturé et rouvert son dossier à plusieurs reprises (rechutes), mais qu’elle a toujours accordé la thérapie maintenant refusée, respectivement qu’elle ne l’a pas refusée initialement. Parallèlement, elle a toujours pris en charge les chaussures orthopédiques comme moyen auxiliaire. A y regarder de plus près, le cas présent peut être comparé sans autre à celui que le Tribunal fédéral a jugé dans l’ATF 143 V 148. La remise de lunettes précédée d’un contrôle et d’un traitement de la vue peut être assimilée à la prise en charge des coûts de la thérapie d’entraînement et, en fonction de son succès, à la prise en charge des chaussures orthopédiques.

Consid. 3.3
Les arguments de l’assuré n’atteignent pas le but recherché. A aucun moment, l’assurance-accidents n’a fait dépendre la remise de chaussures orthopédiques du succès de l’entraînement musculaire dans un centre de fitness. La situation de fait à juger en l’espèce doit donc être clairement distinguée de celle de l’ATF 143 V 148 invoqué, selon lequel l’octroi de l’adaptation ou du remplacement des lunettes avait été subordonné à des contrôles réguliers de la vue. L’assuré fait certes valoir implicitement que plusieurs médecins ont constaté que l’entraînement musculaire restait médicalement indiqué même après la clôture du cas. Il ne cite toutefois pas de pièce pertinente du dossier, mais limite pour l’essentiel sa démonstration à une répétition mot pour mot des arguments invoqués dans la procédure cantonale. Cela ne satisfait pas aux exigences de l’art. 42 al. 2, 1e phrase, LTF, selon lequel il faut exposer de manière concise en quoi l’arrêt attaqué viole le droit, raison pour laquelle il n’y a pas lieu de s’y attarder (cf. ATF 139 I 306 consid. 1.2). Le Tribunal fédéral renvoie aux considérants de l’instance cantonale, qui ne sont pas contestés. Il convient simplement d’y ajouter, à titre de clarification, que le changement de jurisprudence doit pouvoir s’appuyer sur des motifs objectifs sérieux, qui doivent être d’autant plus importants – surtout au regard de l’exigence de sécurité du droit – que l’application du droit, reconnue comme erronée ou obsolète, doit être considérée comme correcte depuis longtemps. Un changement de pratique ne peut en principe être justifié que si la nouvelle solution correspond à une meilleure connaissance du but de la loi, à une modification des circonstances extérieures ou à une évolution des conceptions juridiques (ATF 146 I 105 consid. 5.2.2 ; 145 V 50 consid. 4.3.1 ; 141 II 297 consid. 5.5.1 ; 140 V 538 consid. 4.5 et les références). Le recours ne permet pas d’établir, de manière même partielle, dans quelle mesure de telles circonstances seraient survenues depuis la notification de l’ATF 143 V 148.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_551/2021 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 8C_551/2021 (d) du 23.03.2022, Traitement médical à charge de l’assurance-accidents après la stabilisation de l’état de santé, sans rente d’invalidité, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/09/8c_551-2021)