8C_167/2022 (d) du 18.08.2022 – Maladie professionnelle – Revenu d’invalide selon ESS – 16 LPGA / Absences non prévisibles et difficilement calculables – Abattement de 10%

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_167/2022 (d) du 18.08.2022

 

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NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Maladie professionnelle – Revenu d’invalide selon ESS / 16 LPGA

Absences non prévisibles et difficilement calculables – Abattement de 10%

Arrondissement du taux d’invalide – Rappel de la jurisprudence

 

Assurée, née en 1967, travaillait depuis le 01.04.2004 comme cheffe du service de nettoyage pour un hôpital. En août 2012, des éruptions cutanées sont apparues pour la première fois sur le cou, le décolleté et le front. Le 17.03.2014, la dermatologue traitant a indiqué à l’employeur qu’un test épicutané avait révélé une sensibilisation à certains produits. L’assurance-accidents a reconnu la sensibilisation aux produits de nettoyage incriminés comme maladie professionnelle. L’assurance-accidents a rendu une décision d’inaptitude pour les activités dans le service de nettoyage. Elle a en outre versé les prestations légales (traitement médical, indemnités journalières, indemnités journalières de transition et indemnités pour changement d’occupation).

Se fondant sur une expertise dermatologique du 01.03.2018 demandée par l’assurance-invalidité, l’assurance-accidents a refusé le droit à une rente d’invalidité (taux d’invalidité de 7,52%) et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité.

 

Procédure cantonale (arrêt UV.2021.15)

Il ressort de l’expertise dermatologique que l’assurée est sensible, entre autres, à la colophane, au mélange de parabènes, à la tertiobutylhydroquinone, au gallate d’octyle, à la cocamidopropylbétaïne et aux produits de nettoyage (Sani Clonet W4f et Jontec 300). Se fondant sur les documents médicaux, le tribunal cantonal a estimé que seule la sensibilisation aux produits de nettoyage pouvait être reconnue comme maladie professionnelle, au degré de la vraisemblance prépondérante. Une capacité de travail de 100% a été retenue dans une activité adaptée, à savoir dans celle dans laquelle une éviction systématique des allergènes pouvait être prise en compte. Le tribunal cantonal a ensuite fixé le revenu d’invalide à CHF 49’212, sur la base de l’ESS 2018 (tableau TA1, niveau de compétence 1, femmes). Contrairement à l’assurance-accidents, l’instance cantonale a tenu compte d’un abattement de 10%. Comparé au revenu sans invalidité de CHF 59’558 – non contesté –, il subsistait un taux d’invalidité de 17.4%.

Par jugement du 20.10.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, octroyant à l’assurée une rente d’invalidité basée sur un taux d’invalidité de 17.4% à compter du 01.02.2018.

 

TF

Consid. 5.3.1
Selon la jurisprudence, des absences non prévisibles et difficilement calculables, telles que celles provoquées par des poussées de la maladie, peuvent justifier un abattement sur le salaire statistique. Il faut pour cela qu’il existe des circonstances qui augmentent très concrètement le risque d’absences au travail pour cause de maladie (arrêt 9C_42/2022 du 12 juillet 2022 consid. 4.5 et consid. 4.5.2 ; cf. également la casuistique du consid. 4.5.1 de l’arrêt précité). Les experts dermatologues sont certes partis du principe que l’on pouvait s’attendre à une bonne situation cutanée constante grâce à une éviction systématique des allergènes, au respect des mesures de protection énumérées et à une application régulière et constante de crème émolliente. Les experts ont en outre constaté que l’assurée devait en principe être considérée comme pleinement apte au travail dans des activités qui tiennent compte de l’exigence d’une éviction des allergènes. Toutefois, les experts considèrent – outre la sensibilisation aux produits de nettoyage – qu’une diminution de la capacité de travail, en termes de temps ou de performance [rendement], est également possible en raison de la sensibilisation aux autres substances, si le contact avec les allergènes provoque une recrudescence des troubles. L’expertise ne précise pas à quelle fréquence ni comment il faut s’attendre concrètement à ce que cela se produise. Il ressort du dossier médical que l’assurée a continué à présenter des troubles allergiques après avoir cessé son activité de nettoyage : Dans son rapport d’évolution du 09.03.2016, la dermatologue traitante a décrit que l’assurée, après avoir commencé en février 2016 un stage de vente initié par l’assurance-chômage, s’était présentée les 01.03.2016 et 04.03.2016 avec des lésions cutanées érythémateuses squameuses prononcées au niveau du visage et du cou au sens d’une dermatite exacerbée. Ces troubles ont entraîné une incapacité de travail de dix jours. Le 30.10.2018, la dermatologue traitante a ensuite indiqué que des exacerbations d’eczéma se produisaient régulièrement au contact de substances odorantes dans les lieux publics, lors d’achats ou dans les transports en commun, lors de travaux humides, au contact de la poussière et de la vapeur, parfois aussi dans l’environnement domestique. Selon la décision sur opposition, les substances allergènes sont également présentes – en partie « cachées » – dans de « nombreux matériaux utilisés quotidiennement », des médicaments, des cosmétiques et des denrées alimentaires. Dans ce contexte, la conclusion de l’instance cantonale, selon laquelle l’assurée – que ce soit en raison d’un contact avec des allergènes sur son lieu de travail ou dans sa vie privée – pourrait à nouveau, avec un certain risque, être absente dans le cadre d’un nouvel emploi (adapté), n’apparaît en tout cas pas contraire au droit fédéral. Il en va de même pour la prise en compte de cette circonstance dans la question de l’abattement sur le salaire statistique.

Consid. 5.3.2
On peut laisser ouverte la question de savoir si l’instance cantonale a tenu compte à tort des autres caractéristiques dans son estimation globale de l’abattement. Même si cela devait être le cas, il ne faudrait pas se baser sur l’abattement de la cour cantonale et la réduire. Le Tribunal fédéral devrait plutôt procéder à une nouvelle estimation globale de l’abattement sur la base des critères retenus à juste titre (arrêt 9C_14/2022 du 21 juillet 2022 consid. 5.3.1). Dans les cas où la jurisprudence a retenu un abattement en raison d’absences non prévisibles et difficilement calculables, celle-ci s’élevait à chaque fois à 10% (arrêts 9C_42/2022 du 12 juillet 2022 consid. 4.6 ; 9C_439/2020 du 18 août 2020 consid. 4.5.4 ; 8C_179/2018 du 22 mai 2018 consid. 4.2). Cela semble en fin de compte également approprié en l’espèce, de sorte que l’abattement retenu par le tribunal cantonal et le revenu d’invalide de CHF 49’212 qui en résulte s’avèrent en fin de compte conformes au droit fédéral. Le taux d’invalidité est de 17.4%.

Consid. 5.4
Le degré d’invalidité doit être arrondi au pourcentage supérieur ou inférieur selon les règles mathématiques reconnues. Pour un résultat jusqu’à x.49… %, il faut donc arrondir à x % (ATF 130 V 121 consid. 3.2). Cela vaut également dans l’assurance-accidents, même si l’arrondi à l’unité supérieure ou inférieure (hormis la valeur de référence de 10% [cf. art. 18 al. 1 LAA]) représente une perte ou un gain de quelques francs sur le montant mensuel de la rente en raison de l’arrondissement (ATF 130 V 121 consid. 3.3). En n’arrondissant pas le degré d’invalidité à 17%, mais en accordant à l’assurée une rente d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 17.4%, l’instance cantonale a violé le droit fédéral. Par conséquent, l’assurée a droit à une rente d’invalidité basée sur un taux d’invalidité de 17% à partir du 01.02.2018.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_167/2022 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 8C_167/2022 (d) du 18.08.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/09/8c_167-2022)

 

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