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8C_43/2023 (d) du 29.11.2023 – Atteinte à la santé invalidante – 4 LAI – 7 LPGA – 16 LPGA / Concept biopsychosocial de la maladie pas applicable en droit des assurances sociales – Exclusion des facteurs psychosociaux et socioculturels

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_43/2023 (d) du 29.11.2023

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Atteinte à la santé invalidante / 4 LAI – 7 LPGA – 16 LPGA

Concept biopsychosocial de la maladie pas applicable en droit des assurances sociales – Exclusion des facteurs psychosociaux et socioculturels

Procédure probatoire structurée selon l’ATF 141 V 281

 

Assuré, né en 1986, a déposé en septembre 2019, invoquant des troubles psychiques («trouble bipolaire, actuellement dépressif, accentuation de la personnalité [paranoïaque, obsessionnelle], diagnostic différentiel de trouble de la personnalité»]). Après instruction et expertise médicale psychiatrique, l’office AI a nié tout droit à des prestations en l’absence d’atteinte à la santé psychique invalidante.

 

Procédure cantonale (arrêt VBE.2022.218 – consultable ici)

Selon l’expertise médicale psychiatrique, mise en œuvre selon l’art. 44 LPGA et ayant valeur probante, aucun trouble psychique n’était diagnostiqué chez l’assuré. Les troubles trouvaient une explication suffisante dans des facteurs psychosociaux, ne pouvant être pris en compte dans l’assurance-invalidité. Selon la cour cantonale, l’assuré disposait d’une capacité de travail totale dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée. Il a été renoncé à un examen séparé des indicateurs selon l’ATF 141 V 281.

Par jugement du 07.12.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.1
L’assuré ne peut être suivi lorsqu’il estime la situation juridique concernant la notion de maladie applicable et qu’il faudrait (également) partir, dans le droit des assurances sociales, du concept biopsychosocial de la maladie utilisée en médecine. Au contraire, pour l’évaluation de l’incapacité de travail en droit des assurances sociales, il est essentiel que, d’une part, l’incapacité de gain en raison d’une atteinte à la santé (art. 4 al. 1 LAI) et, d’autre part, le chômage non assuré ou d’autres situations de vie pénibles ne se confondent pas (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 avec référence à l’ATF 127 V 294 consid. 5a ; cf. aussi ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; arrêt 9C_311/2021 du 23 septembre 2021 consid. 4.2). L’invalidité présuppose donc toujours un substrat médical, qui doit être constaté de manière probante par un médecin (spécialisé) et dont il est prouvé qu’il affecte de manière importante la capacité de travail et de gain. Ce principe ancré dans l’art. 7 al. 2 LPGA a été concrétisé par le Tribunal fédéral dans le contexte des affections psychiques et psychosomatiques dans et depuis l’ATF 141 V 281 sur la base de la procédure probatoire structurée. L’application du concept global de maladie biopsychosociale demandée par l’assuré doit être rejeté, celui-ci n’étant pas juridiquement déterminante dans le cadre de l’incapacité de travail au sens de l’art. 6 LPGA (ATF 143 V 418 consid. 6 ; cf. aussi : ATF 141 V 574 consid. 5.2 ; arrêts 8C_407/2020 du 3 mars 2021 consid. 4.2 ; 8C_207/2020 du 5 août 2020 consid. 5.2.2). Ainsi, l’affirmation de l’assuré selon laquelle, avec l’ATF 141 V 281, un changement de jurisprudence a eu lieu en ce qui concerne l’application (ou la non-application) de la notion biopsychosociale de maladie, qui n’a simplement pas été mise en œuvre de manière cohérente depuis lors, est vaine.

Consid. 5.2
Par conséquent, le recours portant principalement sur des facteurs psychosociaux et socioculturels, ceux-ci doivent être exclus dans la mesure où il s’agit de décrire les aspects assurés déterminants pour l’évaluation de la capacité de travail. En d’autres termes, les facteurs sociaux ne sont pas pris en compte dès lors qu’ils entraînent des conséquences fonctionnelles négatives directes (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 et 3.4.2.1). Un trouble ayant valeur de maladie, respectivement une problématique de dépendance, doit par conséquent – et également selon la nouvelle jurisprudence – être d’autant plus prononcé que des facteurs psychosociaux et socioculturels influencent fortement le tableau clinique (cf. parmi d’autres : ATF 145 V 215 consid. 6.3 avec référence à l’ATF 127 V 294 consid. 5a ; arrêt 9C_140/2014 du 7 janvier 2015 consid. 3.3). Certes, les troubles psychiques ayant valeur de maladie et les aspects psychosociaux et socioculturels se recoupent fréquemment. Mais il convient d’examiner, dans le cadre de la procédure probatoire structurée introduite par l’ATF 141 V 281, si l’on est en présence d’une atteinte à la santé devenue indépendante, en évaluant les circonstances concernées et leur évolution en tant que ressources ou difficultés dans les ensembles « personnalité » et « contexte social » (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2 s.) (cf. parmi d’autres : ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; arrêts 9C_10/2021 du 15 juin 2021 consid. 3.3.1 ; 8C_559/2019 du 20 janvier 2020 consid. 3.2 ; 8C_407/2020 du 3 mars 2021 consid. 4.1). Contrairement à l’avis de l’assuré, il n’est pas possible de tirer une conclusion directe du diagnostic médical sur la capacité de travail, même si et dans la mesure où des facteurs psychosociaux et socioculturels ont été constatés par le médecin. Par conséquent, il n’y a pas non plus de place pour l’application de la notion biopsychosociale de maladie dans cette constellation spécifique. En outre, il ne faut pas oublier qu’il est possible de renoncer totalement à une procédure probatoire structurée lorsqu’elle n’est pas nécessaire ou appropriée. Tel est par exemple le cas lorsque, sur la base du dossier, il n’existe aucun indice d’une incapacité de travail de longue durée (art. 28 al. 1 let. b LAI) ou qu’une telle incapacité est niée de manière motivée dans les rapports médicaux spécialisés probants et que d’éventuelles évaluations contraires n’ont pas de valeur probante en raison d’un manque de qualification des médecins spécialistes ou pour d’autres raisons (ATF 143 V 409 consid. 4.5.3 et 418 consid. 7.1). Des raisons objectives sérieuses pour une modification de cette jurisprudence (concernant les conditions : ATF 145 V 304 consid. 4.4 ; 141 II 297 consid. 5.5.1 ; 137 V 417 consid. 2.2.2), comme le demande l’assuré, ne sont pas manifestes.

 

Consid. 6.1
Sur la base des principes qui viennent d’être évoqués, la cour cantonale a motivé de manière exempte d’erreur en droit pourquoi l’expertise psychiatrique était convaincante en tous points. L’instance cantonale s’est penchée sur le reproche selon lequel l’expert psychiatrique n’aurait à tort pas déterminé une atteinte à la santé psychique invalidante en raison des facteurs psychosociaux existants et de l’abus de substances antérieur de l’assuré. L’assuré oppose uniquement et à nouveau son propre point de vue concernant le concept de maladie biopsychosociale qu’il considère comme applicable, se limitant à tirer des conclusions contraires à la pratique établie (cf. consid. 5 supra). […]

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_43/2023 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_43/2023 (d) du 29.11.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2024/01/8c_43-2023)

 

8C_662/2022 (f) du 25.08.2023 – Troubles psychiques – Causalité adéquate – Agression / Admission du critère du caractère particulièrement impressionnant de l’accident manifesté avec une intensité particulière / Admission de l’assistance juridique gratuite dans le cadre de l’opposition / 37 al. 4 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2022 (f) du 25.08.2023

 

Consultable ici

 

Troubles psychiques – Causalité adéquate – Agression / 6 LAA

Admission du critère du caractère particulièrement impressionnant de l’accident manifesté avec une intensité particulière

Admission de l’assistance juridique gratuite dans le cadre de l’opposition / 37 al. 4 LPGA

 

Assurée, née en 1996, aide de cuisine. Dans la nuit du 08.08.2018 vers cinq heures du matin, l’assurée et trois de ses amies, dont C.__, ont subi une agression violente alors qu’elles quittaient un club et rejoignaient leur voiture. Elles y ont vu un homme pousser une femme puis la frapper violemment. Après s’être interposées pour porter secours à celle-ci, elles ont également été battues par cet individu, soudain rejoint par quatre autres agresseurs, dont l’un avait importuné l’assurée plus tôt dans le club. L’assurée et C.__ notamment ont été rouées de coups de poing et de pied. Leurs agresseurs ont continué à les frapper une fois qu’elles étaient tombées à terre. L’un d’eux avait des béquilles, dont il s’est servi pour frapper la première victime. Des témoins ont décrit que les agresseurs avaient donné des coups de pied comme des joueurs de football lors d’un tir au but, dans la tête de l’assurée notamment. Les assaillants n’ont pris la fuite qu’après l’arrivée de passants, dont trois se sont interposés pour les faire cesser leurs exactions. L’assurée a en particulier indiqué lors de ses dépositions devant la juge d’instruction qu’elle avait cru son amie C.__ morte, car elle était inerte au sol et n’avait pas réagi lorsqu’un faisceau lumineux avait été dirigé sur ses yeux et qu’elle lui avait passé de l’eau sur le visage.

A la suite de cette agression, l’assurée, ses amies et la première victime ont été conduites à l’hôpital. C.__, plongée dans le coma à la suite des coups, était alors dans un état critique et a dû subir une intervention en urgence. Chez l’assurée, les médecins ont relevé une fracture sous-condylienne droite mandibulaire et une fracture de la phalange d’un doigt à gauche. Elle se plaignait de douleurs au niveau de la face et de la mâchoire avec une ouverture de bouche limitée ainsi que de douleurs cervicales. Les médecins ont constaté en outre qu’elle était choquée. L’assurée a également été examinée par une psychiatre qui a rapporté des lésions au niveau du visage (ecchymoses griffures), une difficulté à ouvrir la bouche pour articuler, une anxiété liée à l’état de santé de son amie, alors prise en charge au bloc opératoire, ainsi qu’une thymie abaissée, un sentiment de colère et des pleurs. Les médecins de l’hôpital ont attesté une incapacité de travail totale de l’assurée jusqu’au 20.08.2018. L’assurée a repris son activité professionnelle le 20.08.2018.

Par courrier du 23.10.2019, la psychologue F.__ a indiqué à l’assurance qu’elle avait suivi l’assurée lors de huit séances du 20.08.2018 au 27.11.2018, date à laquelle l’assurée avait voulu faire une pause dans le traitement. En août 2018, l’assurée avait souhaité reprendre très rapidement le travail malgré l’avis très défavorable de la psychologue. Le 23.09.2019, elle avait recommencé la psychothérapie sur les conseils de l’experte judiciaire qui l’avait examinée dans le cadre de la procédure pénale. Le 14.01.2021, l’assurée a requis la prise en charge de la psychothérapie par l’assurance-accidents.

Par jugement du 19.05.2020, le Tribunal correctionnel de U.__ (F) a condamné quatre des agresseurs impliqués dans l’événement du 08.08.2018 à des peines de prison de respectivement cinq ans, huit ans, quatre ans et quatre ans, et a relaxé le cinquième. Il a alloué 10’000 euros à l’assurée en réparation de son préjudice moral.

Dans une décision du 27.05.2021, retenant que l’assurée s’était déplacée dans la direction de l’agresseur en lui demandant ce qu’il avait fait et en l’insultant alors qu’il s’éloignait, l’assurance-accidents a considéré que celle-ci s’était exposé à un énorme risque au vu des faits dont elle avait été témoin. Partant, l’assurance-accidents a décidé qu’elle réduirait ses prestations de 50% si l’assurée devait faire valoir une rechute ou des séquelles tardives de l’accident du 08.08.2018, mais qu’elle renonçait à appliquer cette mesure avec effet rétroactif. L’assurée ne s’est pas opposée à cette décision.

Dans un courrier du même jour, soit le 27.05.2021, l’assurance-accidents a indiqué à l’assurée qu’elle refusait la prise en charge du traitement psychologique. Par décision, confirmée sur opposition le 21.01.2022, l’assurance-accidents a refusé la prise en charge du traitement psychologique et psychiatrique prodigué depuis le 24.09.2019 en l’absence d’un lien de causalité adéquate avec l’évènement du 08.08.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/897/2022 – consultable ici)

Par jugement du 12.10.2022, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 6
En ce qui concerne le lien de causalité naturelle entre les troubles psychiques et l’évènement du 08.08.2018, la cour cantonale a retenu que celui-ci avait été établi de manière convaincante par le docteur G.__ de même que par les experts judiciaires français et qu’il n’était du reste pas contesté par l’assurance-accidents. En effet, le docteur G.__, spécialiste FMH en psychiatrie, a retenu qu’il paraissait incontestable qu’en lien direct avec l’évènement du 08.08.2018, l’assurée avait développé un état de stress post-traumatique avec un impact majeur sévère sur son quotidien et son fonctionnement. Le docteur H.__, médecin légiste, a constaté dans son expertise de l’assurée à la demande de la juge d’instruction que les séquelles physiques ne devaient pas donner lieu à un infirmité ou un préjudice, mais que les séquelles psychiques nécessitaient un traitement régulier (rapport du 12.10.2018). La psychologue I.__ a également réalisé une expertise de l’assurée à la demande de la juge d’instruction. Elle a diagnostiqué en substance un état de stress post-traumatique et a recommandé la prise en charge psychothérapeutique. Ni par sa simple allégation de ne jamais avoir admis un lien de causalité naturelle, ni par le fait que l’assurée avait repris le travail dix jours après l’évènement, l’assurance-accidents démontre en quoi la constatation de la cour cantonale serait manifestement erronée.

Consid. 7.1
Dans le cadre de l’examen de la causalité adéquate, la cour cantonale s’est interrogée sur la qualification de l’accident comme évènement de gravité moyenne retenue par l’assurance-accidents, à tout de moins si on analysait l’évènement dans son ensemble. Au vu du nombre d’agresseurs, de la violence des coups distribués – une des victimes s’étant retrouvée dans un état critique -, du déséquilibre des force en présence eu égard au fait que cinq hommes s’en sont pris à un groupe de femmes, cet accident semblait plutôt devoir être classé à la limite supérieure des accidents de gravité moyenne, voire dans les accidents graves. La cour cantonale a cependant considéré que cette question n’était pas déterminante pour l’issue du litige, puisque le lien de causalité adéquate devait être admis au motif que le critère du caractère particulièrement impressionnant revêtait en l’espèce une intensité telle qu’il suffisait à reconnaitre un lien de causalité adéquate entre l’évènement du 08.08.2018 et les troubles psychiques de l’assurance-accidents. En conclusion, l’assurance-accidents était tenue de prendre en charge les frais de traitement des troubles psychiques de l’assurée.

Consid. 7.2
L’assurance-accidents remet en cause d’abord la qualification de l’accident comme évènement de gravité moyenne à la limite des accidents graves voire de grave et non d’un accident de gravité moyenne stricto sensu, qui exige le cumul de trois critères jurisprudentiels sur sept pour admettre un lien de causalité adéquate. Elle soutient que cette qualification ne serait pas justifiée à la lumière de la jurisprudence fédérale concernant les agressions, dont certains arrêts figuraient dans l’arrêt attaqué à titre d’exemples d’évènements de gravité moyenne (les arrêts 8C_705/2020 du 28 avril 2021; 8C_357/2020 du 8 septembre 2020; 8C_595/2015 du 23 août 2016; 8C_1062/2009 du 31 août 2010; cf. également arrêt 8C_96/2017 du 24 janvier 2018). Selon l’assurance-accidents, ces cas seraient comparables à celui d’espèce. Avec la cour cantonale, on peut toutefois laisser indécise la question de la qualification de l’évènement pour les motifs qui suivent, étant rappelé qu’en présence d’un accident de gravité moyenne, un seul critère peut être suffisant pour admettre l’existence d’une relation de causalité adéquate, à condition que ce critère se soit manifesté de manière particulièrement marquante (arrêts 8C_361/2022 du 13 octobre 2022 consid. 3.3 et la référence).

 

Consid. 7.3
Il convient donc d’examiner ce qu’il en est du critère du caractère particulièrement impressionnant de l’accident qui, selon la cour cantonale, s’est manifesté ici avec une intensité particulière, alors que l’assurance-accidents en conteste entièrement la réalisation.

Consid. 7.3.1
La raison pour laquelle la jurisprudence a adopté le critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’accident repose sur l’idée que de telles circonstances sont propres à déclencher chez la personne qui les vit des processus psychiques pouvant conduire ultérieurement au développement d’une affection psychique. C’est le déroulement de l’accident dans son ensemble qu’il faut prendre en considération. L’examen se fait sur la base d’une appréciation objective des circonstances d’espèce et non pas en fonction du ressenti subjectif de l’assuré, en particulier de son sentiment d’angoisse. Il faut en effet observer qu’à tout accident de gravité moyenne est associé un certain caractère impressionnant, lequel ne suffit pas pour admettre l’existence du critère en question (arrêt 8C_96/2017 du 24 janvier 2018 consid. 5.1).

Consid. 7.3.2
La cour cantonale a considéré que l’agression avait eu lieu en pleine nuit, alors que l’assurée, ses amies et la première victime étaient seules face à un puis deux agresseurs, bientôt rejoints par trois autres assaillants semblant surgis de nulle part. Quand bien même l’assurée n’avait pas elle-même reçu de coup de béquille, un des agresseurs en portait et s’en était servi contre une des victimes, ce qui pouvait lui faire craindre le recours à cette arme contre elle. Toutes ses amies avaient également reçu des coups. L’assurée avait subi un déferlement de violences, qui l’avait fait tomber au sol, incapable de résister. Ses agresseurs avaient néanmoins continué à se déchaîner à coups de pied, dont la brutalité a été décrite de manière saisissante par plusieurs témoignages (coups de pied penalty). L’assurée avait même porté la marque d’une chaussure sur son visage. La fracture à la mâchoire, imputée par le médecin légiste à un impact direct, démontrait la force appliquée. Ses agresseurs n’avaient pas hésité à viser la tête, ce qui l’exposait à des lésions qui auraient pu s’avérer fatales, et qui pouvait la faire craindre pour sa vie. Simultanément, elle avait vu une de ses amies perdre connaissance à la suite d’un coup particulièrement violent. L’assurée l’avait crue morte. Les victimes n’avaient dû leur salut qu’à l’arrivée inopinée de passants, dont trois avaient dû intervenir pour faire fuir leurs attaquants. L’acharnement de cinq agresseurs, qui avaient passé à tabac plusieurs femmes dans un lieu désert, en pleine nuit, leur assénant notamment des coups de pied à la tête alors qu’elles étaient à terre, dont l’un s’était servi de sa béquille comme d’une arme sur une des victimes – circonstance aggravante retenue au plan pénal pour cet auteur -, avait indubitablement un caractère impressionnant très prégnant. De plus, quand bien même la couverture par la presse d’un événement n’était en soi pas juridiquement pertinente pour analyser ce critère, le très large écho médiatique que cette affaire a rencontré était également révélateur de son caractère dramatique. On ne saurait ici opposer à l’assurée, comme le faisait l’assurance-accidents, que son intervention démontrerait que l’événement n’était pas impressionnant. D’une part, elle avait tenté de s’interposer durant la première phase de l’agression, dont le caractère dramatique avait ensuite été décuplé par l’arrivée imprévisible d’autres agresseurs. D’autre part, le courage dont elle avait fait preuve pour porter secours à une inconnue ne signifiait nullement que cet évènement n’était pas effrayant. Force était ainsi de constater que le critère du caractère particulièrement impressionnant revêt dans la présente cause une intensité particulière.

Consid. 7.3.3
En relevant que l’assurée avait été en mesure de reprendre le travail après dix jours d’incapacité et que le traitement des lésions physiques avait été terminé à fin août 2018 l’assurance-accidents tente en vain de minimiser le caractère particulièrement impressionnant de l’évènement. D’une part, elle invoque, à vrai dire, des faits qui devraient être appréciés dans le cadre de l’examen des autres critères relevants pour l’admission d’un lien de causalité adéquate (cf. ATF 129 V 402; 115 V 133; 115 V 403). D’autre part, la circonstance que l’assurée n’a pas subi des blessures physiques plus sévères ne saurait écarter le fait que notamment les coups de pied contre sa tête comportaient un risque de lésions conséquentes voire mortelles.

Consid. 7.3.4
L’assurance-accidents cite en outre des cas dans lesquels le Tribunal fédéral a nié que le critère du caractère particulièrement impressionnant s’était manifesté de manière marqué. Elle mentionne notamment celui d’un homme victime d’une agression par un jeune homme non armé qui l’avait frappé des poings au visage et au dos durant plusieurs minutes (arrêt 8C_434/2013 du 7 mai 2014 consid. 7.2) et celui d’une femme projetée par terre avec une certaine force (arrêt U 138/04 du 16 février 2005). Contrairement à ce qu’elle soutient, ces cas ne sont pas pertinents et manifestement pas comparables à l’agression en cause, menée par cinq hommes, au cours de laquelle l’assurée s’est vue infliger des coups de pied à la tête et dont l’un des agresseurs était armé d’une béquille qu’il utilisait comme une matraque. En revanche, les cas d’agression cités par la cour cantonale, dans lesquels le critère a été admis, présentent davantage d’analogie avec le cas d’espèce en tant que les agressions étaient, comme ici, spécialement violentes et pouvaient faire craindre la victime pour sa vie ou du moins pour une perte importante et permanente de son intégrité corporelle (cf. notamment les arrêts 8C_480/2013 du 15 avril 2015, U 382/06 du 6 mai 2008 et U 36/07 du 8 mai 2007).

Consid. 7.4
Il s’ensuit que le critère du caractère particulièrement impressionnant est rempli d’une manière extraordinaire, suffisante à admettre à lui seul le lien de causalité adéquate, de sorte qu’il ne faut pas examiner les autres critères. Le jugement entrepris n’est ainsi pas critiquable en ce qui concerne la reconnaissance du lien de causalité adéquate.

 

Consid. 8.1
L’assurance-accidents soutient enfin que les premiers juges auraient violé l’art. 37 al. 4 LPGA en admettant que les circonstances du cas d’espèce justifieraient l’octroi de l’assistance juridique gratuite dans le cadre de l’opposition, tout en lui renvoyant la cause afin qu’elle instruise si la condition liée à l’indigence est réalisée. Cependant, l’assurance-accidents n’allègue pas que l’opposition aurait été dénuée de toutes chances de succès.

Consid. 8.2
La question de savoir s’il existe un lien de causalité adéquate, est une question de droit qui revête une certaine complexité pouvant justifier l’octroi de l’assistance juridique gratuite au sens de l’art. 37 al. 4 LPGA. En plus, l’administration dispose d’une certaine marge d’appréciation, notamment en ce qui concerne la qualification de la gravité de l’accident. Ceci peut requérir, comme le retient la cour cantonale, des connaissances spécialisées, excédant celles que l’on pouvait généralement attendre d’un assistant social, d’une association ou même d’un centre LAVI. Par ailleurs, les juges cantonaux ont également pris en considération l’attitude de l’assurance-accidents dans le cadre de la procédure administrative et ont estimé que sa manière de procéder était peu transparente. A ce propos, on observe en particulier que l’assurance-accidents a notifié la décision de réduction de prestation le même jour qu’elle a informé l’assurée (par simple courrier) de sa position sur la prise en charge des frais de traitement psychiatrique, contribuant ainsi à la complexité de la procédure. Ceci ressort notamment du fait que l’assurée, ne disposant pas de connaissances juridiques, ne s’est pas opposée à cette décision. Au surplus, la cour cantonale a tenu compte de la réticence de l’assurance-accidents à reconnaître la validité de la procuration signé le 05.07.2021 (sous prétexte que celle-ci ne mentionnait pas de litige précis), de son omission de communiquer le dossier à la mandataire et du fait qu’elle a notifié la décision du 31.08.2021 directement à l’assurée et non pas à son avocate. Ces faits ne concernent certes pas l’examen de la situation personnelle de l’assurée, toutefois, les premiers juges ont conclu à juste titre que ce procédé a dans les faits entravé ou à tout le moins compliqué l’exercice des droits de l’assurée. Au vu de l’ensemble de ces circonstances, la cour cantonale n’a pas violé l’art. 37 al. 4 LPGA en octroyant l’assistance juridique gratuite à l’assurée pour la procédure d’opposition.

 

Consid. 9
Finalement, la cour cantonale a retenu, dans les considérants de l’arrêt attaqué, que la décision de réduction du 27.05.2021 était douteuse sur le plan matériel et qu’on peinait à cerner l’intérêt digne de protection de l’assurance-accidents à rendre une telle décision de constatation (cf. art. 49 al. 2 LPGA; ATF 129 V 289 consid. 2.1 et 3.4; arrêt 2C_737/2010 du 18 juin 2011 consid. 4.6). Cette décision, qui n’a pas été attaquée par voie d’opposition dans les 30 jours, ne fait certes pas objet du présent litige. Toutefois, en se bornant à exprimer leur avis sur la nature et le bien-fondé de la décision, sans trancher sa validité, les premiers juges n’ont pas violé le droit fédéral, contrairement à ce que prétend l’assurance-accidents.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents

 

Arrêt 8C_662/2022 consultable ici

 

8C_20/2023 (i) du 10.05.2023 – Troubles psychiques déclouant du traitement médical – 6 al. 3 LAA – 10 LAA / Revenu d’invalide selon ESS – Abattement – Travailleur frontalier

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_20/2023 (i) du 10.05.2023

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Lien de causalité adéquate entre troubles psychiques et accident qualifié de bénin / 6 LAA

Troubles psychiques déclouant du traitement médical / 6 al. 3 LAA – 10 LAA

Revenu d’invalide selon ESS – Abattement – Travailleur frontalier

Mesures de réadaptation ne font pas partie du catalogue de prestations de l’assurance-accidents – Rappel

Détermination du taux de l’IPAI / 24 LAA – 25 LAA – 36 OLAA

 

Le 12.08.2019, l’assuré, né en 1981, ouvrier, a été victime d’un accident en escaladant la rambarde d’un muret, à la suite duquel il a subi une lésion du ligament scapho-lunaire du poignet droit. Le 16.09.2019, les médecins ont diagnostiqué une lésion du ligament scapho-lunaire, une lésion du TFCC, une contusion osseuse du scaphoïde, du semi-lunaire et du radius, ainsi que des formations kystiques de nature dégénérative au niveau du trapèze et du capitatum, et une suspicion de kyste articulaire palmaire au niveau du radio-carpien. Le 23.01.2020, l’assuré a subi une intervention chirurgicale visant à reconstruire le ligament scapho-lunaire. Face aux complications infectieuses et à l’apparition d’une arthrite septique avec ostéomyélite des os du carpe, il a ensuite subi trois autres opérations entre le 13.03.2020 et le 20.03.2020. Une dernière opération a eu lieu en avril 2021.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a octroyé à l’assuré une rente d’invalidité de 13% dès le 01.05.2022 et une indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) de 10%.

 

Procédure cantonale (arrêt 35.2022.55 – consultable ici)

Par jugement du 28.11.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.2.2
S’agissant des circonstances de l’accident, il ressort des éléments du dossier que l’assuré a escaladé la balustrade d’un muret d’environ un mètre de haut, en s’y agrippant de la main droite, et qu’une fois projeté avec son corps, il a partiellement perdu sa prise et a plié sa main droite sous le bord de la balustrade sur lequel se concentrait le poids de son corps. La classification de l’accident devant être déterminée uniquement sur la base du fait accidentel en tant que tel ainsi que des forces générées par celui-ci (ATF 140 V 356 consid. 5.1 ; 117 V 359 consid. 6), la qualification retenue par les instances cantonales doit être confirmée comme étant conforme au droit fédéral. En effet, au vu de la pratique du Tribunal fédéral dans des cas similaires (cf. arrêts 8C_26/2020 du 4 mars 2020 consid. 8 ; 8C_37/2015 du 7 décembre 2015 consid. 6 ; 8C_232/2012 du 27 septembre 2012 consid. 6.2), c’est à juste titre que l’on qualifie l’événement en cause d’accident bénin, car il n’était pas du tout spectaculaire et ne s’accompagnait pas de circonstances particulièrement dramatiques. En outre, la blessure n’a pas affecté directement l’usage de la main, d’autant plus que l’assuré a déclaré avoir bien supporté les douleurs liées à l’événement et avoir déjà repris le travail sept jours plus tard, une fois les vacances terminées. C’est donc à juste titre que les troubles psychiques allégués n’ont pas été pris en compte dans le cadre des prestations d’assurance, puisqu’un événement de peu de gravité ou insignifiant permet a priori de nier le lien de causalité adéquat avec l’accident (ATF 140 V 356 consid. 5.3 ; 115 V 133 consid. 6a). Sur ce point, la critique du recourant n’est donc pas fondée.

 

Consid. 4.2.3.2
En vertu de l’art. 6 al. 3 LAA, l’assureur-accidents est responsable de toute lésion causée par un traitement médical effectué en rapport avec un accident assuré, sans que le fait dommageable doive être un accident ou être nécessairement imputable à une erreur médicale ou à une lésion corporelle punissable. Toutefois, l’assureur n’est tenu de fournir des prestations d’assurance que si les lésions sont en lien de causalité naturelle et adéquate avec le traitement médical effectué à la suite de l’accident (ATF 128 V 169 consid. 1c ; 118 V 286 consid. 3b). Dans ce contexte, le Tribunal fédérale des assurances a déjà jugé dans l’arrêt U 292/05 du 15 mai 2007 (SVR 2007 UV n° 37 p. 125, consid. 3.1) que l’évaluation de l’adéquation ne doit pas être effectuée sur la base de la jurisprudence relative aux conséquences psychologiques des accidents (ATF 115 V 133), mais plutôt selon la formule générale du lien de causalité adéquate. Ainsi, il faut examiner si le traitement médical ou psychothérapeutique, qui n’a pas été effectué selon les règles de l’art, est en soi susceptible, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, d’engendrer un effet tel que celui qui s’est produit ou d’en favoriser généralement la survenance (cf. ATF 129 V 177 consid. 3.2 ; arrêt 8C_123/2007 du 19 février 2008 consid. 4).

Consid. 4.2.3.3
Dans le cas présent, il ressort du dossier que l’évolution de l’intervention chirurgicale de janvier 2020 a été compliquée par l’apparition d’une arthrite septique avec ostéomyélite des os du carpe. Cette dernière a été diagnostiquée à la suite de l’infection résultant de la lacération des tissus causée par les broches de Kirschner au niveau du poignet et de l’infection qui s’en est suivie. Il a donc fallu procéder à trois opérations supplémentaires – non prévues à l’origine à l’issue de la première opération – consistant principalement en des débridements cutanés et osseux, des synovectomies étendues et un recouvrement final du poignet par un lambeau antérolatéral de la cuisse droite. En ce qui concerne l’ampleur des troubles psychiques, le spécialiste en psychiatrie a attesté le 25.08.2022 la présence d’un trouble de l’adaptation avec anxiété mixte persistante-chronique et humeur dépressive (CIM-10 : F43.23) survenant en réaction à l’événement traumatique représenté par les complications infectieuses. Pour sa part, un second spécialiste en psychiatrie a formulé dans un rapport du 24.10.2022 le diagnostic de réaction dépressive prolongée (CIM-10 ; F43.21) découlant notamment du traumatisme résultant des séquelles physiques de l’accident. Au vu de ce qui précède, l’existence d’un préjudice causé à la personne blessée lors du traitement médical ne peut donc être exclue. En effet, ces lésions pourraient avoir un lien de causalité naturelle avec l’opération de janvier 2020. Des mesures d’instruction complémentaires seraient donc indispensables pour clarifier définitivement la question ; on peut toutefois y renoncer (voir SVR 2007 UV n° 37 p. 125, U 292/05, consid. 3.2). En l’espèce, il n’y a en effet pas de lien de causalité adéquate puisque l’apparition d’une arthrite septique avec ostéomyélite des os du carpe suite à une opération de reconstruction du ligament scapho-lunaire, pour laquelle d’autres opérations sont nécessaires, n’est généralement pas susceptible, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, de provoquer des troubles psychiques tels que ceux dont souffre l’assuré. En effet, les complications médicales susmentionnées peuvent être contrecarrées à temps par un traitement approprié – comme ce fut le cas en l’espèce – de sorte que les troubles psychiques susmentionnés sont en quelque sorte atypiques et inadaptés (cf. ATF 115 V 133 consid. 7). La cour cantonale n’a pas violé le droit fédéral dans la mesure où elle s’est limitée à analyser le lien de causalité adéquate des atteintes psychiques en se référant exclusivement à l’accident d’août 2019.

 

Consid. 5.1
Dans le cadre du calcul de la rente d’invalidité, la cour cantonale a retenu que le revenu réalisé par l’assuré en tant que travailleur à temps partiel (degré d’occupation de 40%) au sein de l’entreprise qui l’employait avant l’accident ne pouvait pas constituer le revenu d’invalidité déterminant, car il n’utilisait pas pleinement sa capacité résiduelle de travail. Le tribunal cantonal a donc fait usage des salaires statistiques et retenu le revenu d’invalidité de CHF 69’061 déterminé par l’assurance-accidents sur la base de l’ESS 2018, tableau TA1, total de la branche économique, niveau de qualification 1, hommes, actualisé à 2022. La cour cantonale a ensuite exclu l’application d’un abattement revenu en raison de l’âge de l’assuré et de son statut de frontalier, non justifié au regard de la jurisprudence fédérale.

 

Consid. 5.3
S’agissant de la qualité de travailleur frontalier, il faut considérer qu’en principe, les personnes ayant la nationalité d’un État de l’UE ne peuvent pas être traitées différemment des travailleurs suisses en termes de salaire (cf. arrêt 8C_610/2017 du 3 avril 2018 consid. 4.4). En outre, l’influence de tous les facteurs sur le revenu (parmi lesquels figure le type d’autorisation de séjour) doit être appréciée globalement en considération de toutes les circonstances concrètes alléguées par l’intéressé et en faisant un usage adéquat du pouvoir d’appréciation (ATF 135 V 297 consid. 6.2 ; 134 V 322 consid. 5.2). En ce sens, il n’est en principe pas possible de revendiquer un abattement sur le revenu statistique sur la base de simples références à des données statistiques (ATF 146 V 16). En outre, le recourant n’indique même pas dans quelle mesure il a été pénalisé jusqu’à présent par rapport à ses collègues résidant en Suisse. En effet, le Tribunal cantonal a constaté que son revenu sans invalidité est supérieur de 8,55% au salaire statistique, de sorte qu’il n’y a aucune raison de supposer qu’il ne serait pas en mesure d’obtenir un salaire similaire au tableau TA1 de l’ESS dans le cadre d’une activité de substitution adaptée. En outre, il n’est pas compréhensible comment l’assuré, né en 1981, pourrait utiliser sa capacité de travail que d’une manière inférieure à la médiane ; rien que pour cette raison, un abattement sur le salaire statistique doit être exclue.

En outre, il ne démontre pas dans quelle mesure il ne pourrait pas, en raison de son âge (encore loin de l’âge de la retraite), utiliser pleinement sa capacité de gain restante. Tout aussi infondé est l’abattement en raison de l’état de santé, car les limitations fonctionnelles déjà prises en compte dans l’examen de la capacité de gain résiduelle ne sauraient avoir une influence supplémentaire sur l’examen de l’abattement (arrêts 8C_805/2016 du 22 mars 2017 consid. 3.1 ; 9C_846/2014 du 22 janvier 2015 consid. 4.1.1 et les références). L’assuré n’épuisant pas la capacité résiduelle de travail, les juges cantonaux n’ont donc pas violé le droit fédéral dans la mesure où, sans appliquer d’abattement, ils ont déterminé le revenu d’invalide sur la base des salaires statistiques.

 

Consid. 5.4
Enfin, il est constaté que l’exécution des mesures de réadaptation ne fait pas l’objet de la décision sur opposition. Dès lors, en l’absence d’un objet de litige valable, le recours doit être déclaré irrecevable sur ce point (cf. ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; arrêt 8C_380/2022 du 27 décembre 2022 consid. 3). En outre, l’assurance-accidents obligatoire ne prévoit pas de mesures de réadaptation parmi ses prestations. Le grief tiré de la violation du principe de l’égalité juridique (art. 8 al. 1 Cst.) est également irrecevable, car il ne remplit pas les exigences d’une motivation accrue, qui requiert une explication claire et détaillée, par rapport aux motifs de l’arrêt attaqué, de l’étendue et des raisons pour lesquelles le droit fondamental invoqué a été violé (art. 106 al. 2 de la loi fédérale sur la procédure administrative ; ATF 142 V 577 consid. 3.2).

 

Consid. 6.1
S’agissant de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI), les juges cantonaux ont fondé leur jugement sur la base des rapports du médecin-conseil, en l’absence d’autres avis spécialisés au dossier contredisant son appréciation, dont la fiabilité ne saurait être remise en cause par les rapports médicaux du médecin-traitant. La cour cantonale a retenu que, pour une atteinte concernant la même partie du corps, il n’est en principe pas admissible de prendre en compte les valeurs en pourcentage de l’atteinte à l’intégrité figurant dans deux tables Suva différents. En l’espèce, l’estimation de l’atteinte à l’intégrité ne pouvait être fondée que sur la table Suva n° 5.2, qui inclue l’arthrose modérée (avec un taux de 5 à 10%) et l’arthrose grave (avec un taux de 10 à 25%). Pour justifier le taux de 10%, le médecin-conseil a fondé son appréciation sur la présence d’une arthrose n’atteignant pas un degré avancé et a tenu compte d’une affection dégénérative préexistante du métacarpe non due aux conséquences de l’accident. L’atteinte à l’intégrité pour « arthrodèse radiocarpienne » selon la table Suva n° 1 n’a pas été prise en compte car l’assuré n’avait pas subi une telle opération.

Consid. 6.3
S’agissant de l’état dégénératif du métacarpien avant l’accident on relèvera que le médecin-traitant a également indiqué que « [l]e tableau clinique […] s’est compliqué d’une arthrite septique et d’une ostéomyélite qui ont vraisemblablement entraîné une aggravation du tableau arthrosique préexistant. » L’évaluation du médecin-traitant n’est donc pas en contradiction avec l’avis du médecin-conseil. Par ailleurs, considérant que l’atteinte à l’intégrité doit être établie exclusivement sur la base de constatations médicales et de manière abstraite et égale pour tous, indépendamment des facteurs subjectifs (cf. arrêt 8C_376/2021 du 10 août 2021 consid. 3.1 ; ATF 115 V 147 consid. 1 ; 113 V 218 consid. 4b), on ne peut reprocher à la cour cantonale de ne pas avoir pris en compte l’atteinte due à l’arthrodèse radiocarpienne prévue dans la table Suva n° 1. Cette dernière ne peut en effet pas être prise en compte puisque l’assuré n’a pas subi une telle intervention chirurgicale. Compte tenu de l’absence de troubles psychiques en relation avec l’accident, une atteinte à l’intégrité psychique doit également être exclue.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_20/2023 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_20/2023 (i) du 10.05.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/06/8c_20-2023)

 

8C_565/2022 (f) du 23.05.2023 – Troubles psychiques – TCC – Absence de substrat organique – Examen de la causalité adéquate – 6 LAA / Choix de la jurisprudence applicable (115 V 133 [Psycho-Praxis ; jurisprudence Garcia], 134 V 109 et 117 V 359 [Schleudertrauma-Praxis , jurisprudence Salanitri])

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_565/2022 (f) du 23.05.2023

 

Consultable ici

 

Troubles psychiques – TCC – Absence de substrat organique – Examen de la causalité adéquate / 6 LAA

Choix de la jurisprudence applicable (115 V 133 [Psycho-Praxis ; jurisprudence Garcia], 134 V 109 et 117 V 359 [Schleudertrauma-Praxis , jurisprudence Salanitri])

Examen selon 115 V 133 excluant les aspects psychiques, les atteintes sans substrat organique, dont font notamment partie les troubles neuropsychologiques

Collision frontale auto-auto – Accident de gravité moyenne stricto sensu

Critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques – Assuré passager endormi lors de l’accident

Causalité naturelle peut être laissée indécise si le lien de causalité ne peut de toute façon pas être qualifié d’adéquat

 

Assuré, gérant de restaurant, a été victime, le 21.10.2016, d’un accident de la circulation routière, lorsque le véhicule dans lequel il avait pris place sur la banquette arrière a percuté dans un virage un autre véhicule venant en sens inverse. Au moment des faits, l’assuré était endormi. Après la collision, le conducteur du véhicule, en tentant de faire sortir son ami du véhicule, a constaté que celui-ci ne répondait pas, qu’il semblait avoir perdu connaissance, qu’il avait du sang au visage et qu’il saignait du nez. Il lui a frotté la figure en lui demandant de se réveiller. L’assuré s’est alors réveillé et, constatant qu’il ne se sentait pas bien, s’est allongé sur la banquette arrière de la voiture jusqu’à l’arrivée des secours. L’accident s’est soldé par un traumatisme crânien léger, une fracture de l’os propre du nez ainsi que par une fracture non déplacée de la paroi antérieure et latérale du sinus maxillaire. L’assuré a séjourné à l’hôpital jusqu’au 24.10.2016, date de son retour à domicile. Il a été en incapacité de travail à 100% jusqu’au 30.11.2016 et à 50% du 01.12.2016 au 12.01.2016. En raison de la persistance des céphalées, d’autres investigations médicales ont été effectuées.

Par décision du 16.01.2020, l’assurance-accidents a mis un terme au versement des prestations d’assurance à partir du 03.05.2019. Elle a retenu que, s’agissant des céphalées, il n’y avait pas de lien de causalité naturelle entre celles-ci et l’accident du 21.10.2016; par ailleurs, les troubles neuropsychologiques n’avaient pas de substrat organique et un lien de causalité adéquate entre ceux-ci et l’accident devait être nié.

L’assuré s’est opposé à cette décision, en produisant une attestation médicale indiquant qu’il était actuellement en incapacité de travail à 50% en raison d’un syndrome dépressif réactionnel d’intensité moyenne, consécutif à la persistance des séquelles de son accident. Par décision du 19.06.2020, l’assurance-accidents a écrit à l’assuré qu’elle n’allait pas allouer de prestations d’assurance en ce qui concernait l’état anxio-dépressif moyen, faute d’un lien de causalité adéquate entre celui-ci et l’accident. L’assuré s’est opposé à cette décision en produisant divers rapports médicaux.

Par décision sur opposition du 08.11.2021, l’assurance-accidents a confirmé ses deux décisions.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/732/2022 – consultable ici)

Par jugement du 24.08.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Concernant l’examen de la causalité adéquate, on rappellera que lorsque des symptômes consécutifs à un accident ne sont pas objectivables du point de vue organique, il y a lieu d’examiner le caractère adéquat du lien de causalité en se fondant sur le déroulement de l’événement accidentel, compte tenu, selon les circonstances, de certains critères en relation avec cet événement (ATF 117 V 359 consid. 6, 369 consid. 4; 115 V 133 consid. 6, 403 consid. 5).

Consid. 3.2.1
En présence de troubles psychiques apparus après un accident, on examine les critères de la causalité adéquate en excluant les aspects psychiques (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa, 403 consid. 5c/aa).

Consid. 3.2.2
En cas de traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, de traumatisme analogue ou de traumatisme crânio-cérébral (ci-après: TCC) sans preuve d’un déficit fonctionnel organique, l’examen se fait en revanche sur la base de critères particuliers n’opérant pas de distinction entre les éléments physiques et psychiques des atteintes, lorsque les symptômes attribuables de manière crédible au tableau clinique typique (maux de têtes diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, fatigabilité, troubles de la vue, irritabilité, dépression, modification du caractère, etc.) se trouvent au premier plan (ATF 134 V 109 consid. 10.3; 117 V 359 consid. 6a).

Consid. 3.2.3
Le Tribunal fédéral a toutefois précisé qu’en cas de TCC, un certain degré de sévérité de l’atteinte sous forme d’une contusio cerebri était nécessaire pour justifier l’application de la jurisprudence en cas de traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, de traumatisme analogue ou de TCC. En revanche, en présence d’un TCC léger, l’examen d’un lien de causalité adéquate s’effectue en application de la jurisprudence en matière de troubles psychiques consécutifs à un accident (cf. arrêts 8C_596/2022 du 11 janvier consid. 4.3.1 et 8C_632/2018 du 10 mai 2019 consid. 7.2.2, publié in SVR 2019 UV n° 41 p. 155; arrêt 8C_75/2016 du 18 avril 2016 consid. 4.2 et les arrêts cités; sur la distinction médicale entre TCC léger et contusio cerebri, cf. arrêt 8C_44/2017 du 19 avril 2017 consid. 4.1).

 

Consid. 4.1
En l’espèce, la cour cantonale a constaté que l’assuré ne présentait plus, au-delà du 03.05.2019, de lésion organique pouvant expliquer les troubles neurologiques, les troubles neuropsychologiques et les troubles psychiques. En ce qui concernait l’existence d’un lien de causalité naturelle entre ces atteintes et l’accident du 21.10.2016, il n’avait pas été établi à satisfaction de droit. Les rapports du spécialiste FMH en neurologie semblaient plutôt plaider contre un tel lien, dans la mesure où il s’agissait de céphalées de tension. Des investigations médicales pour élucider l’étiologie des céphalées étaient cependant inutiles, dès lors qu’un lien de causalité adéquate entre les atteintes non objectivées par un substrat organique et l’accident devait en toute hypothèse être nié.

Examinant l’existence d’un lien de causalité adéquate au regard des principes posés par la jurisprudence en cas de troubles psychiques additionnels à une atteinte à la santé physique (ATF 115 V 133 et 403), la cour cantonale a classé l’accident du 21.10.2016 dans les accidents de gravité moyenne (au sens strict). Concernant les critères déterminants, elle a considéré qu’aucun des critères n’était rempli. Même s’il fallait considérer que le critère des douleurs physiques persistantes et celui de la gravité ou de la nature particulière des lésions physiques étaient remplis, le seuil de trois critères exigés pour admettre l’existence d’un lien de causalité adéquate entre les troubles non objectivés et un accident de gravité moyenne ne serait pas pour autant atteint.

 

Consid. 4.2.1
A juste titre, l’assuré ne conteste pas que l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident du 21.10.2016 et les troubles persistant au-delà du 03.05.2019 doit être examiné à l’aune de la jurisprudence en matière de troubles psychiques consécutifs à un accident, malgré le fait qu’il a subi un TCC (cf. consid. 3.2.3 supra). Il est en effet établi que lors de son hospitalisation, l’assuré présentait un score de Glasgow de 15 points, soit le score maximal pour l’examen de vigilance. Le CT cérébral du 21.10.2016 n’a mis en évidence qu’une fracture non déplacée de l’os propre du nez et une fracture non déplacée du sinus maxillaire droit; l’examen du parenchyme cérébral était au surplus normal et ne révélait pas d’hémorragie intra-parenchymateuse, ni d’hémorragie juxta-méningée; il n’y avait en particulier pas d’oedème cérébral, ni d’engagement, raison pour laquelle le diagnostic de TCC simple a été retenu.

 

Consid. 4.2.2
Pour procéder à la classification de l’accident, il convient non pas de s’attacher à la manière dont l’assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d’un point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même. Sont déterminantes les forces générées par l’accident et non pas les conséquences qui en résultent (arrêt 8C_418/2022 du 1er mars 2023 consid. 4.4 et l’arrêt cité). Bien qu’il s’agisse d’une collision frontale entre deux voitures, il n’apparaît pas contraire au droit fédéral de classer l’accident, au vu de la casuistique citée par la cour cantonale, parmi les accidents de gravité moyenne au sens strict (pour un aperçu en matière de circulation routière, cf. arrêts 8C_996/2010 du 14 mars 2011 consid. 7.2; 8C_80/2009 du 5 juin 2009 consid. 6.1). Dans une telle éventualité, pour admettre un lien de causalité adéquate, il faut un cumul de trois critères sur les sept ou au moins que l’un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante (arrêt 8C_400/2022 du 21 décembre 2022 consid. 4.1 et la référence).

Consid. 4.2.3
S’agissant du critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’accident, c’est à tort que l’assuré soutient que le fait qu’il était endormi au moment de l’accident serait sans importance pour l’examen de ce critère. En effet, ce sont précisément dans les situations où la personne assurée ne se souvient pas de l’accident, comme c’est le cas chez l’assuré, que la jurisprudence prévoit d’accorder au critère précité une portée moindre. La réflexion derrière cette considération est qu’un événement accidentel dont l’assuré ne se souvient pas est moins susceptible de déclencher chez lui un processus psychique pouvant conduire ultérieurement au développement d’une affection psychique (arrêts 8C_235/2020 du 15 février 2021 consid. 4.3.1; 8C_818/2015 du 15 novembre 2016 consid. 6.1, publié in SVR 2017 UV n° 10 p. 35; 8C_929/2015 du 5 décembre 2016 consid. 5.3). A juste titre, la cour cantonale a retenu que ce critère n’était pas rempli.

Consid. 4.2.4
Pour être retenu, le critère de la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques, postule d’abord l’existence de lésions physiques graves ou, s’agissant de la nature particulière des lésions physiques, d’atteintes à des organes auxquels l’homme attache normalement une importance subjective particulière (par exemple la perte d’un oeil ou certains cas de mutilations à la main dominante; arrêt 8C_249/2018 du 12 mars 2019 consid. 5.2.2, publié in SVR 2019 UV n° 27 p. 99, par renvoi à l’arrêt 8C_566/2013 du 18 août 2014 consid. 6.2.2 et la référence).

Or, contrairement à ce qu’allègue l’assuré, les lésions organiques qu’il a subies (soit une fracture de l’os propre du nez ainsi qu’une fracture non déplacée de la paroi antérieure et latérale du sinus maxillaire) ne présentent pas une nature particulière au sens de la jurisprudence ni n’atteignent le seuil de gravité requis, si bien que ce critère doit également être nié.

Consid. 4.2.5
Quant à la durée du traitement médical, c’est à bon droit que la cour cantonale a considéré que celui-ci n’était pas particulièrement long ni invasif, étant souligné que l’assuré avait pu quitter l’hôpital trois jours après son accident et que les médecins n’avaient pas évoqué de suivi particulier après son retour à domicile. L’assuré se limite à faire valoir que « les affections médicales perdurent encore à ce jour », sans néanmoins alléguer qu’au-delà du 03.05.2019, il aurait suivi un traitement médical. Pour autant que l’argumentation de l’assuré suffise à l’exigence de motivation, elle est en tout cas mal fondée.

Consid. 4.2.6
En ce qui concerne le critère des difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes, l’assuré invoque ses troubles neuropsychologiques et psychiques.

Ce faisant, l’assuré méconnaît que lorsque l’examen de la causalité adéquate s’effectue – comme ici – en application de la jurisprudence des troubles psychiques apparus après un accident (cf. consid. 3.2.1/3.2.3 et 4.2.1 supra), les critères sont examinés en excluant les aspects psychiques, c’est-à-dire en faisant abstraction des atteintes accidentelles sans substrat organique, dont font notamment partie les troubles neuropsychologiques. Cela étant, compte tenu des seules séquelles organiques, aucune complication médicale n’a été déplorée.

Consid. 4.2.7
S’agissant des douleurs physiques persistantes, la cour cantonale a relevé qu’il était très douteux que les céphalées de tension, quelle que fût leur origine, pussent suffire à l’admission de ce critère, dès lors qu’elles ne duraient qu’une à deux minutes et une à deux fois par jour.

Pour que ce critère soit rempli, il faut que des douleurs importantes aient existé sans interruption notable durant tout le temps écoulé entre l’accident et la clôture du cas, soit entre le 21.10.2016 et le 03.05.2019 (art. 19 al. 1 LAA; arrêt 8C_13/2022 du 29 septembre 2022 consid. 4.4.1). L’intensité des douleurs est examinée au regard de leur crédibilité, ainsi que de l’empêchement qu’elles entraînent dans la vie quotidienne (ATF 134 V 109 consid. 10.2.4). Dans la mesure où l’assuré a repris en plein son activité habituelle peu de semaines après son accident, ce critère n’est à l’évidence pas rempli.

Consid. 4.2.8
En fin de compte, aucun des critères n’étant rempli, la condition du cumul de trois critères au moins pour qu’un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques et un accident de gravité moyenne (au sens strict) soit admis (arrêts 8C_766/2017 du 30 juillet 2018 consid. 6.4; 8C_96/2017 du 24 janvier 2018 consid. 4.3 in fine et les arrêts cités) fait défaut.

Consid. 5
Dans la mesure où le caractère naturel et le caractère adéquat du lien de causalité doivent être remplis cumulativement pour admettre le droit à des prestations d’assurance-accidents, la jurisprudence admet de laisser ouverte la question du rapport de causalité naturelle dans les cas où ce lien de causalité ne peut de toute façon pas être qualifié d’adéquat (ATF 148 V 138 consid. 5.1.2; 147 V 207 consid. 6.1; 135 V 465 consid. 5.1). C’est dès lors sans violer le droit fédéral que la cour cantonale a renoncé à mettre en oeuvre des investigations médicales complémentaires et a laissé ouverte la question d’un éventuel lien de causalité naturelle entre l’accident du 21.10.2016 et les céphalées respectivement les autres troubles neuropsychologiques.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_565/2022 consultable ici

 

8C_70/2022 (f) du 05.04.2023 – Troubles psychiques – Indemnité en capital – 23 LAA / Conditions de l’octroi de l’indemnité en capital – Pronostic favorable quant à une reprise du travail par le biais de l’art. 23 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_70/2022 (f) du 05.04.2023

 

Consultable ici

 

Troubles psychiques – Indemnité en capital / 23 LAA

Conditions de l’octroi de l’indemnité en capital – Pronostic favorable quant à une reprise du travail par le biais de l’art. 23 LAA

 

Le 16.09.2015, l’assuré, né en 1977, machiniste intérimaire, a été victime, le 21.10.2015, d’un accident de chantier dans les circonstances suivantes. Il s’agissait de travaux d’excavation dans le cadre de la construction d’un immeuble. Sur instruction du contremaître du chantier, l’assuré a fait descendre un dumper (véhicule équipé d’une benne basculante) en marche avant sur la rampe d’accès à l’excavation de manière à rapprocher la benne de la pelle mécanique qui était positionnée sur le replat de la rampe au niveau du premier sous-sol. A la suite du déversement de deux godets de terre dans la benne du dumper, l’arrière de celui-ci s’est soulevé et l’assuré a été éjecté du véhicule, chutant au fond de la fouille. Le dumper s’est couché sur le côté droit avant de basculer et de tomber à son tour, coinçant le prénommé au niveau du bassin.

L’assuré a subi un polytraumatisme (choc hémorragique sur fracture du bassin avec atteinte sacro-iliaque droite; insuffisance respiratoire aiguë sur contusions pulmonaires et syndrome du compartiment abdominal; déchirure traumatique du mésentère avec ischémie grêle; fracture des arcs costaux antérieurs 7, 8 et 9 à gauche; fractures des apophyses transverses gauches L1 et L2; rupture traumatique de la paroi postérieure de la vessie). L’assuré a été intubé jusqu’au 12.11.2015 et a subi dix interventions chirurgicales ; diverses complications sont apparues au cours de cette période. Avec l’accord de l’assurance-accidents, l’assuré a été transféré le 18.12.2015 dans un hôpital en France où il est resté hospitalisé jusqu’en février 2016 pour la suite de son traitement médical et sa rééducation. Globalement, une bonne récupération motrice a été constatée, avec toutefois un déficit moteur des releveurs des pieds et une neuropathie des deux nerfs sciatiques poplités externes (SPE). L’assuré a ensuite séjourné à la Clinique romande de réadaptation (CRR) du 18.10.2016 au 25.11.2016. Sur le plan somatique, les médecins de la CRR ont retenu des limitations fonctionnelles provisoires et ont émis un pronostic de réinsertion défavorable dans l’ancienne activité, mais favorable dans une activité adaptée; une stabilisation était attendue dans un délai de 6 mois et un nouveau séjour de l’assuré à la CRR était préconisé après cette stabilisation. Dans un consilium psychiatrique, le médecin a relevé peu d’éléments du registre post-traumatique et une humeur globalement préservée; elle n’a posé aucun diagnostic psychiatrique.

Examen le 04.12.2017 par le médecin-conseil de l’assurance-accidents : état stabilisé avec persistance d’une atteinte du SPE à gauche et des douleurs sacro-iliaques surtout à gauche. Capacité de travail 100% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (activité sédentaire ou semi-sédentaire avec possibilité d’alterner les positions debout/assise; éviter les travaux penché en avant, la marche en terrain irrégulier et le port de charges supérieures à 20 kg). IPAI évaluée à 19%.

Examen par le médecin-conseil psychiatre de l’assurance-accident le 23.05.2018 : présence de quelques symptômes psychiques regroupés sous le diagnostic d’épisode dépressif léger. Causalité naturelle avec l’accident admise. Test Mini-ICF-APP : seules deux capacités sur treize étaient affectées de façon plus ou moins modérée. Capacité de travail exigible : 80%. Le médecin-conseil a complété sa conclusion par la précision suivante: « cette réduction de la capacité de travail n’est pas définitive et pourrait disparaître si la situation administrative, juridique et financière de l’assuré s’améliore ou au moins permettrait des perspectives encourageantes ».

Le 02.10.2018, l’assuré s’est fait opérer pour une cure d’éventration abdominale dont les suites ont été simples.

Par décision du 09.04.2019, l’assurance-accidents a alloué à l’assuré une indemnité en capital de 38’626 fr. 20, calculée sur un gain assuré de 19’313 fr., pour ses troubles psychiques ainsi qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité d’un taux de 19%; elle lui a dénié le droit à une rente d’invalidité en l’absence d’une diminution de la capacité de gain atteignant au moins 10%. Par décision sur opposition du 03.03.2020, l’assurance-accidents a admis l’opposition en ce sens qu’elle a reconnu le droit de l’assuré à une rente d’invalidité de 10% dès le 01.04.2019 ainsi qu’à une indemnité en capital (calculée de façon dégressive et limitée à une durée de trois ans) pour un montant total de 88’457 fr. 55; elle l’a rejetée pour le surplus.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 38/20 – 136/2021 – consultable ici)

Par jugement du 13.12.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 6.1.1
Selon l’art. 23 LAA, lorsqu’on peut déduire de la nature de l’accident et du comportement de l’assuré que ce dernier recouvrera sa capacité de gain s’il reçoit une indemnité unique, les prestations cessent d’être allouées et l’assuré reçoit une indemnité en capital d’un montant maximum de trois fois le gain annuel assuré (al. 1); exceptionnellement, une indemnité en capital peut être allouée alors qu’une rente réduite continue à être versée (al. 2).

Consid. 6.1.2
L’art. 23 LAA correspond dans une large mesure à l’ancien art. 82 LAMA qui, selon la jurisprudence y relative (ATF 107 V 239; 104 V 27 consid. 3; 103 V 83), était spécialement – mais pas seulement – applicable aux assurés atteints de névrose consécutivement à un accident et qui ne reprenaient pas le travail sans raisons objectives. Cette disposition se fondait sur la règle d’expérience selon laquelle, en cas de névrose, le mode de règlement par le versement d’une indemnité en capital constituait le moyen thérapeutique approprié permettant à la personne assurée – dont l’état ne pouvait plus être sensiblement amélioré par la continuation du traitement médical – de recouvrer sa capacité de travail et de gain. Etaient reconnues comme assurées deux sortes de névroses dont la pratique, en considération de l’état de la science à l’époque, admettait qu’elles pussent se trouver dans un rapport de causalité adéquate avec l’accident même sans lésion objectivable correspondante, à savoir: les névroses accidentelles, qui supposaient un choc physique grave mal supporté mentalement (Unfallneurose) ou un choc psychique violent dû à un événement extraordinaire et inattendu (Schreckneurose), et les névroses de traitement provenant d’actes médicaux inadéquats ou inutilement nombreux dont répondait l’assurance (Behandlungsneurose). N’étaient en revanche pas assurées les névroses de revendication (Begehrungsneurose) ou sinistroses, qui procédaient d’une carence de la volonté ou d’une anomalie mentale de l’intéressé. Pour que l’art. 82 LAMA fût applicable, il suffisait qu’au moment de la prise de décision de l’assureur, il parût probable – au regard de la personnalité de l’assuré et de l’expérience – que la mesure serait efficace. L’assureur était alors libéré de ses obligations par le versement de l’indemnité en capital et, sauf dans des situations exceptionnelles, ne répondait pas du fait que le pronostic ne se vérifiait pas ultérieurement. Il n’y avait lieu de faire exception à la liquidation selon l’art. 82 LAMA que lorsqu’il ressortait des déclarations claires et catégoriques d’un psychiatre que la mesure resterait sans effets dans le cas particulier.

Il ressort du message du 18 août 1976 à l’appui du projet de loi fédérale sur l’assurance-accidents que la prescription de l’art. 82 LAMA avait donné de bons résultats (FF 1976 III p. 143 ss, spécialement p. 195). L’indemnité en capital a donc été maintenue dans la LAA avec l’innovation qu’une rente d’invalidité peut être allouée en sus pour compenser l’incapacité de gain due à des séquelles somatiques coexistantes. S’agissant d’appliquer l’art. 23 LAA, le Tribunal fédéral des assurances a repris par analogie la jurisprudence relative à l’art. 82 LAMA (voir RAMA 1995 n° U 221 p. 114; arrêt U 185/98 du 25 novembre 1999). Outre les conditions tenant à l’existence d’un lien de causalité – naturelle et adéquate – entre l’atteinte à la santé entraînant l’incapacité de travail et l’accident, le versement d’une indemnité en capital en vertu de l’art. 23 LAA suppose de poser un pronostic, fondé sur la nature de l’accident et le comportement de l’assuré, quant à l’efficacité de cette mesure sur le recouvrement de la capacité de travail dudit assuré (voir JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3e éd., Bâle 2016, n° 304 et 305 p. 996 sv; ALEXANDRA RUMO-JUNGO, Bundesgesetz über die Unfallversicherung, 3e éd. 2003, ad. art. 23 LAA, p. 157; GHÉLEW/RAMELET/ RITTER, Commentaire de la loi sur l’assurance-accidents [LAA], 1992, p. 177 ss; ALFRED MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, Berne 1985, p. 399 ss). Pour fonder ce pronostic, la doctrine de l’époque préconisait de prendre en considération plus largement l’ensemble des circonstances liées à la personnalité de l’assuré et de mettre en oeuvre une expertise psychiatrique (en particulier: ALFRED MAURER, op. cit., p. 404 et 406; PIERRE BRUTTIN, Névroses et assurances sociales, thèse de licence Lausanne 1985, p. 124 ss). On peut ajouter qu’à l’instar de l’ancien art. 82 LAMA, l’art. 23 LAA peut s’appliquer à d’autres affections psychiques que la névrose, pour autant que l’atteinte en cause soit susceptible d’être influencée favorablement par le versement de l’indemnité en capital, le recouvrement de la capacité de travail de l’assuré étant une condition spécifique à cette prestation (arrêt U 66/90 du 21 octobre 1991 consid. 5a; cf. également RUMO-JUNGO, Bundesgesetz über die Unfallversicherung, op. cit.).

Alors que le mode de liquidation du cas d’assurance par le biais de l’indemnité en capital a joué un rôle important sous l’empire de la LAMA, il s’est considérablement amoindri après l’entrée vigueur de la LAA (FRÉSARD/MOSER-SZELESS, op. cit., n° 306 p. 997). Cela s’explique principalement par l’évolution de la doctrine psychiatrique qui, au cours des années 80, s’est distancée du concept de névrose tel qu’admis par la pratique de l’ancien Tribunal fédéral des assurances (cf. ULRICH MEYER, Kausalitätsfragen aus dem Gebiet des Sozialversicherungsrechts, Zurich 2013, p. 180). Y a également contribué le développement, quelques années plus tard, par ce même tribunal, d’une jurisprudence particulière en matière de causalité adéquate lorsqu’un assuré présente une atteinte psychique consécutivement à un accident (ATF 115 V 133; 117 V 359). En effet, cette jurisprudence, qui a toujours cours actuellement, conduit dans de nombreux cas à nier l’ouverture d’un droit aux prestations en raison d’un défaut d’un lien de causalité adéquate entre l’affection psychique et l’accident. Aussi la disposition de l’art. 23 LAA est-elle tombée en désuétude, bien qu’elle soit toujours en vigueur et que certains auteurs proposent d’en raviver l’application en présence de tableaux cliniques non objectivables (voir THOMAS FLÜCKIGER, in Commentaire bâlois, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n° 5 ad art. 23 LAA avec les références).

Consid. 6.4
En l’espèce, le médecin-conseil psychiatre et un des médecins de l’assuré n’ont pas repris à leur compte le diagnostic de névrose post-traumatique attesté par le médecin traitant de l’assuré. Ils sont d’accord pour dire que l’assuré présente une diminution de la capacité de travail de 20% dans toute activité autre que celle de conducteur d’engin à raison de troubles psychiques, même si les deux psychiatres ne posent pas le même diagnostic (épisode dépressif léger pour le premier, stress post-traumatique pour le second). Ils retiennent également l’existence d’un lien de causalité naturelle entre ces troubles et l’accident assuré. Quant au lien de causalité adéquate, il a été implicitement admis par l’assurance-accidents, qui a octroyé l’indemnité en capital. Toutefois, ce mode de liquidation du cas d’assurance suppose d’examiner si la mesure est susceptible de favoriser le recouvrement de la capacité de travail de l’assuré compte tenu de l’ensemble des circonstances liées à sa personnalité et de la nature de l’accident. Au regard de l’évolution qu’a connue la pratique psychiatrique, il y a lieu de se montrer strict à cet égard. Or, à la lecture du rapport du médecin-conseil psychiatre, force est de constater qu’il a porté son examen sur la question de la causalité naturelle et de la capacité de travail de l’assuré, mais qu’il n’a pas dirigé son analyse du cas sur la question de l’efficacité du versement d’une indemnité en capital. A elle seule, la constatation du médecin-conseil psychiatre, selon laquelle la situation juridique compliquée de l’assuré et l’inquiétude de celui-ci au sujet de ses perspectives financières et de réinsertion professionnelle sont des facteurs de frein pour la résolution de ses symptômes dépressifs, est insuffisante pour en déduire un pronostic favorable quant à une reprise du travail par le biais de l’art. 23 LAA (pour un exemple contraire voir l’arrêt U 88/91 du 10 décembre 1991).

En l’absence d’un pronostic dûment fondé permettant de considérer que le versement d’une indemnité en capital constituerait en l’espèce une mesure efficace pour favoriser la résolution des troubles psychiques en cause, c’est à tort que la cour cantonale a admis que les conditions d’application de l’art. 23 LAA étaient réunies. Cela étant, au regard des éléments déjà admis par l’assurance-accidents, celle-ci n’est pas libérée de son obligation de prester pour ces troubles et il lui appartient d’examiner le droit à une rente d’invalidité qui en découle (art. 18 LAA) ainsi que le droit éventuel de l’assuré à une indemnité pour atteinte à l’intégrité sur le plan psychique (art. 24 LAA; art. 36 al. 1 et 3 OLAA; ATF 124 V 29).

 

Le TF admet le recours de l’assuré sur ce point.

 

 

Arrêt 8C_70/2022 consultable ici

 

9C_465/2022 (f) du 01.03.2023 – Trouble de l’adaptation en réaction à une pathologie organique – Pas considéré comme une maladie de longue durée / Pas d’influence d’une reconnaissance par les autorités espagnoles d’une « incapacité permanente absolue » – Degré d’invalidité déterminé exclusivement d’après le droit suisse

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_465/2022 (f) du 01.03.2023

 

Consultable ici

 

Nouvelle demande de prestations AI après précédents refus / 17 LPGA – 87 RAI

Trouble de l’adaptation en réaction à une pathologie organique (CIM-10 F43.2) – Pas considéré comme une maladie de longue durée et potentiellement invalidante

Pas d’influence d’une reconnaissance par les autorités espagnoles d’une « incapacité permanente absolue » – Degré d’invalidité déterminé exclusivement d’après le droit suisse

 

Assurée, ressortissante espagnole née en 1957, a travaillé (à temps partiel) comme couturière à Bâle jusqu’à la fin du mois de mai 1995. A la suite d’un premier refus de prestations de l’assurance-invalidité en 2002, l’assurée, entre-temps retournée dans son pays d’origine, a déposé une nouvelle demande en mars 2004. Celle-ci a été rejetée par l’office AI (décision du 01.07.2005, confirmée sur opposition le 03.03.2006 et par arrêt du TAF en 2008 et du TF en 2009 [arrêt 9C_486/2008]). En bref, il a considéré que l’assurée avait un statut mixte de personne active (à 91%) et de ménagère (à 9%), qu’il n’y avait pas d’incapacité de travail pour la part relative à l’exercice d’une activité professionnelle et que l’intéressée présentait un empêchement de 22% dans l’accomplissement des travaux ménagers; il en résultait un taux d’invalidité de 2%, insuffisant pour ouvrir le droit à une rente.

En novembre 2017, l’assurée a présenté une troisième demande de prestations. Après avoir notamment soumis les rapports des médecins traitants de l’assurée à son Service médical, l’office AI a rejeté la demande, par décision du 14.01.2019. Il a considéré que l’exercice d’une activité lucrative à temps partiel et l’accomplissement des travaux habituels étaient toujours exigibles dans une mesure suffisante pour exclure le droit à une rente.

 

Procédure cantonale (arrêt C-950/2019 – consultable ici)

Par jugement du 12.08.2022, rejet du recours par le Tribunal administratif fédéral.

 

TF

Consid. 5.2
Contrairement à ce qu’allègue en premier lieu l’assurée, il n’est pas contesté qu’elle est atteinte de fibromyalgie et d’importantes autres pathologies. La juridiction de première instance a en effet rappelé qu’elle avait déjà constaté que l’intéressée souffrait notamment de polyarthrose modérée, d’une scoliose dorso-lombaire et d’une fibromyalgie dans l’arrêt qu’elle avait rendu le 22 avril 2008 et que ses constatations avaient été confirmées par le Tribunal fédéral (arrêt 9C_486/2008 du 8 janvier 2009 consid. 3). Par ailleurs, en ce qu’elle croit pouvoir déduire du seul fait qu’elle serait atteinte d’une maladie psychique le droit à des prestations de l’assurance-invalidité, l’assurée méconnaît la notion d’invalidité. L’élément déterminant réside bien plutôt dans le point de savoir si sa capacité de travail est, d’une façon ou d’une autre, entravée par des troubles psychiques ou par d’autres troubles somatiques. Or toute son argumentation s’épuise dans la démonstration – vaine, en l’absence d’incapacité de travail attestée – qu’elle est atteinte d’une maladie psychique.

Consid. 5.3
C’est également à tort que l’assurée se prévaut d’une nouvelle atteinte à la santé sous la forme d’un trouble de l’adaptation en réaction à une pathologie organique (CIM-10 F43.2). Cette atteinte à la santé ne peut en effet pas être considérée comme une maladie de longue durée et donc potentiellement invalidante (cf. arrêts 9C_210/2017 du 2 mai 2017 consid. 3.2; 9C_87/2017 du 16 mars 2017 et la référence), comme l’ont dûment exposé les premiers juges.

Consid. 5.5
C’est finalement en vain que l’assurée se prévaut d’une « problématique d’engrenage des conceptions de la typologie de la fibromyalgie et [du] syndrome de fatigue chronique entre l’Espagne et la Suisse » et qu’elle se réfère à une décision rendue le 22.12.2006 par un magistrat « del Jutjat Social nùméro 25 de Barcelona » (par laquelle elle a été reconnue « en situation d’incapacité permanente absolue » et mise au bénéfice de la prestation correspondante), ainsi qu’à une décision du 07.07.2008 du « Tribunal superior de justìcia Catalunya sala social » (par laquelle il a admis le recours formé contre la décision du 22.12.2006 par l’Institut national de la Sécurité sociale espagnole). Indépendamment de la question de leur recevabilité selon l’art. 99 al. 1 LTF, ces pièces ne sont en effet pas pertinentes pour l’issue du présent litige, parce que la reconnaissance par les autorités espagnoles compétentes d’une « incapacité permanente absolue » n’aurait pas d’influence sur l’examen du droit à une rente de l’assurance-invalidité suisse. Au consid. 1.2 de l’arrêt 9C_486/2008, le Tribunal fédéral a en effet déjà rappelé à l’assurée que le degré d’invalidité d’un assuré qui prétend une telle prestation est déterminé exclusivement d’après le droit suisse, même lorsque, comme en l’espèce, les dispositions de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681) sont applicables à la contestation devant les autorités suisses (ATF 130 V 253 consid. 2.4).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_465/2022 consultable ici

 

9C_209/2022 (f) du 20.01.2023 – Survenance de l’incapacité de travail en lien avec un trouble affectif bipolaire – Rupture de la connexité temporelle – Troubles bipolaires similaires aux maladies évoluant par poussées – 23 let. a LPP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_209/2022 (f) du 20.01.2023

 

Consultable ici

 

Survenance de l’incapacité de travail en lien avec un trouble affectif bipolaire – Lien de connexité matérielle et temporelle / 23 let. a LPP

Rupture de la connexité temporelle – Troubles bipolaires similaires aux maladies évoluant par poussées

 

Assuré, né en 1984, ressortissant français domicilié en France, a travaillé du 01.05.2013 au 31.08. 2014 pour le compte de B.__ SA en qualité de technicien de maintenance. Il a subi un arrêt de travail du 12.05.2014 au 26.05.2014, puis du 02.06.2014 au 11.06.2014. Le 12.06.2014, l’employeur a résilié les rapports de travail avec effet au 31.08.2014.

L’assuré a ensuite notamment bénéficié d’indemnités journalières de la Caisse primaire d’assurance-maladie de Haute-Savoie (CPAM) et d’allocations chômage d’aide au retour à l’emploi (ARE) de l’assurance-chômage française de manière intermittente entre 2014 et 2018. A la suite d’une demande de prestations déposée en avril 2019, l’Office de l’assurance-invalidité pour les assurés résidant à l’étranger a, par décision du 31.01.2020, reconnu le droit de l’assuré à une rente entière dès le 01.10.2019.

De son côté, l’institution de prévoyance a informé l’assuré qu’elle refusait de lui allouer une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle, parce que les périodes de chômage avaient rompu la connexité temporelle « avec le cas d’incapacité de travail survenu le 01.01.2014 ».

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/221/2022 – consultable ici)

Le 11.11.2020, l’assuré a ouvert action contre l’institution de prévoyance.

La juridiction cantonale a admis l’existence d’un lien de connexité matérielle entre l’incapacité de travail liée à un trouble affectif bipolaire survenue dès mai 2014, soit pendant l’affiliation de l’assuré à l’institution de prévoyance, et l’invalidité ayant ouvert le droit de l’assuré à une rente AI dès octobre 2019. Les juges cantonaux ont ensuite constaté que l’assuré avait bénéficié de 513 jours d’allocations de chômage entre le 19.04.2016 et le 26.11.2017, soit pendant environ une période de 19 mois, laquelle avait été entrecoupée par de brefs arrêts de travail totalisant 19 jours à la fin de l’année 2016, puis par deux hospitalisations dans le courant de l’année 2017. Nonobstant ces brefs arrêts de travail, l’assuré avait été jugé apte au placement par les organes français de l’assurance-chômage et n’avait pas été hospitalisé entre novembre 2015 et juin 2017. En conséquence, pour la juridiction cantonale, la période pendant laquelle l’assuré avait reçu des allocations de chômage avait été suffisamment longue pour considérer que le lien de connexité temporelle entre l’incapacité de travail déterminante et l’invalidité subséquente avait était rompu.

Par jugement du 10.03.2022, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 6.1
Il convient de relever d’emblée que ce n’est pas seulement l’intervalle du 19.04.2016 au 26.11.2017 qui est déterminant pour examiner la condition de la connexité temporelle, mais bien la période courant d’avril 2014 à mai 2019. Celle-ci correspond en effet à la période entre l’incapacité de travail (de plus de 20% [cf. ATF 144 V 58 consid. 4.4]) survenue pendant l’affiliation de l’assuré à l’institution de prévoyance et celle ayant ouvert le droit à une rente de l’assurance-invalidité suisse.

Consid. 6.2
La connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l’invalidité ultérieure est interrompue lorsque la personne concernée dispose d’une capacité de travail de plus de 80% dans une activité adaptée pendant plus de trois mois et que celle-ci lui permet de réaliser un revenu excluant le droit à une rente (ATF 144 V 58 consid. 4.4 et les références). Toutefois, cette durée de trois mois doit être relativisée lorsque l’activité en question doit être considérée comme une tentative de réinsertion, en particulier lorsque l’invalidité résulte d’une maladie évoluant par poussées, telle que la sclérose en plaque ou la schizophrénie. Lorsque les tableaux cliniques sont caractérisés par des symptômes évoluant par vagues, avec une alternance des périodes d’exacerbation et de rémission, même une phase plus longue pendant laquelle la personne assurée avait pu reprendre le travail n’implique pas forcément une amélioration durable de l’état de santé et de la capacité de travail si chaque augmentation de la charge professionnelle entraîne après quelque temps, en règle générale, une recrudescence des symptômes conduisant à une nouvelle incapacité de travail notable. La jurisprudence essaie d’en tenir compte en accordant une signification particulière aux circonstances de chaque cas d’espèce (arrêt 9C_333/2020 du 23 février 2021 consid. 5.2 et les références). En cas de troubles bipolaires – comme en l’occurrence -, qui présentent une certaine similarité avec les maladies évoluant par poussées, on peut s’inspirer de ces principes (arrêts 9C_142/2016 du 9 novembre 2016 consid. 7.2 et 7.3.3 et les références; 9C_61/2014 du 23 juillet 2014 consid. 5.3.1).

Consid. 6.3
En premier lieu, on constate que la période pendant laquelle l’assuré a travaillé et a été mis au bénéfice d’indemnités de l’assurance-chômage française a été précédée et suivie d’incapacités totales de travail. Il a de ce fait perçu des indemnités journalières de l’assurance-maladie qui concernaient «un arrêt de travail en rapport à une affection de longue durée» du 16.11.2014 au 20.04.2016, puis du 30.11.2017 au 30.11.2018.

En deuxième lieu, il apparaît que même durant la période de perception de prestations de chômage d’avril 2016 à novembre 2017, l’assuré n’a pas récupéré durablement une capacité de travail d’au moins 80% (cf. ATF 144 V 58). En effet, lorsque celui-ci a travaillé du 28.09.2016 au 30.12.2016, il a présenté des incapacités totales de travail ayant donné lieu au versement d’indemnités journalières pour cause de maladie du 23.11.2016 au 27.11.2016, puis du 06.12.2016 au 19.12.2016. Pour cette période, le médecin-traitant et la psychiatre-traitante ont notamment indiqué qu’il présentait à nouveau des troubles du sommeil, ne dormait plus qu’une à deux heures par nuit en raison du travail, était angoissé, présentait des insomnies et « rechutait » dès qu’il travaillait. Si ces indications sont effectivement succinctes, comme le relève la juridiction cantonale, elles mettent cependant en évidence que l’assuré n’avait pas récupéré une capacité de travail déterminante pendant la période de chômage, puisque la reprise concrète d’une activité lucrative a mené à une nouvelle déstabilisation de son état de santé et à une recrudescence des symptômes psychiques avec des arrêts de travail. Les constatations en temps réel («echtzeitlich») du médecin traitant se recoupent avec ses conclusions du 24.03.2020, selon lesquelles malgré le fait que l’assuré a «basculé» du régime de l’assurance-maladie dans celui de l’assurance-chômage, la seule tentative de reprise de travail s’était soldée par un échec. Aussi, la reprise du travail pendant une brève période en 2016 doit être tout au plus qualifiée de tentative de réinsertion, sans que l’assuré n’ait réussi à réintégrer durablement la vie professionnelle.

Dans le même sens, le médecin examinateur auprès du service médical de l’Assurance-maladie française a conclu que la composante hypomaniaque du trouble bipolaire de l’assuré – bien qu’elle semblât émerger de temps en temps lors des séjours hospitaliers effectués – avait évolué depuis le début de ses difficultés médicales (en 2014) vers la «chronicisation» des troubles thymiques, formant un noyau symptomatique durable; pour ce praticien, un tableau clinique de dépression sévère persistait sur une période de cinq ans malgré les nombreuses tentatives thérapeutiques (rapport du 04.04.2019). Dans ces circonstances, il n’apparaît pas que la maladie psychique de l’assuré ait connu de rémission lui ayant permis de recouvrer une capacité de travail (de plus de 80% entre avril 2014 à mai 2019), et ce nonobstant l’absence d’hospitalisation durant la période mentionnée par les juges cantonaux.

Consid. 6.4
Il suit de ce qui précède que la cour cantonale a violé l’art. 23 LPP en retenant une rupture de la connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue à l’époque où l’intéressé était affilié auprès de l’institution de prévoyance et son invalidité ultérieure. L’assuré a droit à une rente de la prévoyance professionnelle de la part de l’institution de prévoyance.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à la juridiction cantonale pour qu’elle statue à nouveau dans le sens des considérants.

 

Arrêt 9C_209/2022 consultable ici

 

8C_93/2022 (f) du 19.10.2022 – Stabilisation de l’état de santé – 19 LAA / Troubles psychiques et causalité adéquate – 6 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_93/2022 (f) du 19.10.2022

 

Consultable ici

 

Stabilisation de l’état de santé / 19 LAA

Troubles psychiques et causalité adéquate / 6 LAA

Examen du critère de la durée anormalement longue du traitement médical et celui du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques

 

Assuré, maçon, victime d’un accident de chantier le 09.08.2016, entraînant une fracture du calcanéum gauche.

L’assuré a été opéré le 17.08.2016 (réduction ouverte et fixation interne). Du 19.04.2017 au 16.05.2017, il a séjourné à la Clinique romande de réadaptation (CRR). Selon les médecins de la CRR, la situation n’était pas encore stabilisée du point de vue médical, mais on pouvait s’attendre à ce qu’elle le soit trois à quatre mois après l’ablation du matériel d’ostéosynthèse. Le pronostic de réinsertion était certes défavorable en ce qui concernait la profession antérieure; il était en revanche favorable dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles ayant trait à la station debout et aux marches prolongées, notamment sur du terrain irrégulier, à la position accroupie, à l’utilisation répétée d’escaliers ou d’échelles, ainsi qu’au port de charges moyennes à lourdes.

Le 13.11.2017, l’assuré a subi une nouvelle opération (AMO et résection d’une marche d’escalier au niveau de l’articulation sous-talienne postérieure). Dans un rapport d’examen final du 09.04.2018, le médecin-conseil, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a constaté que les bilans radiologiques étaient plutôt rassurants et qu’il en ressortait une bonne reconstitution du calcanéum gauche. La mobilité restait toutefois limitée, tout comme l’activité « en force ». Le cas était suffisamment stabilisé et les limitations fonctionnelles énoncées de façon provisoire par la CRR étaient désormais définitives. Moyennant le respect de ces limitations fonctionnelles, l’assuré pouvait travailler à temps complet, sans diminution de rendement. Ce médecin a en outre fixé le taux de l’atteinte à l’intégrité à 5%, correspondant à la fourchette inférieure pour une arthrose moyenne selon les tables d’indemnisation de la CNA.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a accordé à l’assuré, dès le 01.10.2018, une IPAI de 5% et une rente d’invalidité de 21%, considérant qu’en dépit des séquelles accidentelles, l’intéressé demeurait capable d’exercer à plein temps une activité adaptée à son état de santé.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1342/2021 – consultable ici)

Le 11.03.2019, l’assuré a saisi le tribunal cantonal.

L’assuré a subi de nouvelles interventions (le 26.06.2020 : arthrodèse sous-talienne ; le 13.05.2021 : révision de cicatrice du pied gauche et décompression d’un névrome).

Par jugement du 22.12.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Stabilisation de l’état de santé

Consid. 4.2
Les juges cantonaux ont constaté qu’il ne ressortait pas des rapports médicaux versés au dossier que postérieurement au 01.10.2018, il y avait lieu d’attendre de la poursuite du traitement une sensible amélioration de l’état de santé et de la capacité de travail de l’assuré (cf. art. 19 al. 1 LAA). Le fait qu’une nouvelle intervention chirurgicale (arthrodèse sous-talienne) ait été pratiquée en juin 2020 ne permettait pas de conclure à un état de santé non stabilisé, dès lors qu’il n’était pas établi que cette intervention était propre à améliorer notablement l’état de santé et la capacité de travail de l’assuré. Il en allait de même avec la révision de cicatrice du pied gauche pratiquée en mai 2021. Au demeurant, ces deux dernières interventions avaient été pratiquées postérieurement au prononcé de la décision sur opposition; or le juge des assurances sociales appréciait la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision litigieuse était rendue (ATF 121 V 362 consid. 1b). En outre, le fait que l’assuré s’était vu prescrire de la physiothérapie et une infiltration postérieurement à la décision attaquée ne remettait pas en question la stabilisation de l’état de santé, dès lors que selon la jurisprudence, la prescription d’antalgiques et de séances de physiothérapie était compatible avec un état stabilisé (arrêt U 316/03 du 26 mars 2004 consid. 3.3).

Consid. 4.3
L’assuré ne discute pas cette motivation, laquelle n’est au demeurant pas critiquable. Il ressort en effet des pièces du dossier qu’avant le médecin-conseil de l’assurance-accidents, les médecins de la CRR avaient indiqué que l’on pouvait s’attendre à une stabilisation sous l’angle médical trois à quatre mois après l’ablation du matériel d’ostéosynthèse (soit en février-mars 2018). Quant au chirurgien qui avait réalisé l’opération précitée en novembre 2017, il avait exposé dans ses rapports de janvier 2019 qu’au moment où l’assurance-accidents avait rendu sa décision initiale en novembre 2018, l’état de santé était relativement stable. Lors d’une consultation en janvier 2019, il avait été constaté une amélioration d’un point de vue fonctionnel, en ce sens que le patient s’était présenté pour la première fois sans moyen auxiliaire, bien qu’il semblât toujours handicapé par les douleurs. A la question de savoir si une dégradation de l’état de santé – ensuite de l’accident du 09.08.2016 – avait été constatée, en particulier avant le prononcé de la décision du 27.11.2018, le chirurgien traitant avait répondu que les symptômes étaient restés stables depuis la première consultation et que l’état de santé ne s’était pas dégradé depuis le prononcé de l’assurance-accidents. Interrogé par le conseil de l’assuré au sujet de futures interventions chirurgicales, le chirurgien traitant avait encore indiqué qu’une arthrodèse sous-talienne et calcanéocuboïdienne pouvait éventuellement être envisagée et que la question devait être rediscutée, mais qu’il était fortement improbable qu’une nouvelle chirurgie améliore la situation. Une telle intervention paraissait impropre à se répercuter sur la capacité résiduelle de travail et dans ce genre de situation, chez des travailleurs de force, les résultats étaient systématiquement décevants.

Consid. 4.4
Vu ce qui précède, il n’est pas établi que la poursuite du traitement médical, en particulier les nouvelles interventions chirurgicales pratiquées en juin 2020 et mai 2021, aient été propres à améliorer sensiblement l’état de santé et la capacité de travail de l’assuré.

 

Troubles psychiques et causalité adéquate

Consid. 5.1
L’assuré soutient qu’en refusant de considérer que ses affections psychiques étaient en lien de causalité avec l’accident, la juridiction cantonale aurait violé le droit fédéral. Selon lui, le critère de la durée anormalement longue du traitement médical et celui de la durée de l’incapacité de travail dues aux lésions physiques seraient réalisés en l’espèce.

Consid. 5.2
Les juges cantonaux ont constaté à juste titre qu’ensuite de son accident, l’assuré avait subi une première intervention en deux temps chirurgicaux en août 2016 et en novembre 2017 (réduction de la fracture du calcanéum gauche, puis AMO). Il avait ensuite été opéré une nouvelle fois en juin 2020 (arthrodèse sous-talienne). Ces opérations s’étaient bien déroulées et avaient occasionné des hospitalisations de courte durée. Pour le reste, le traitement avait essentiellement consisté en des mesures conservatrices, de sorte que le critère de la durée anormalement longue du traitement médical n’était pas réalisé. Ces considérations échappent à la critique.

Consid. 5.3
Quant au critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques, il doit se rapporter aux seules lésions physiques et ne se mesure pas uniquement au regard de la profession antérieurement exercée par l’assuré. Ainsi, il n’est pas rempli lorsque l’assuré est apte, même après un certain laps de temps, à exercer à plein temps une activité adaptée aux séquelles accidentelles qu’il présente (p. ex. arrêt 8C_209/2020 du 18 janvier 2021 consid. 5.2.2). En l’occurrence, ce critère ne peut donc pas non plus être retenu dès lors que, comme l’ont déjà constaté les juges cantonaux, le médecin-conseil avait conclu à une pleine capacité de travail dans toute activité adaptée aux limitations fonctionnelles lors de son examen final du 09.04.2018.

 

Consid. 6.1
Enfin, l’assuré reproche aux juges cantonaux d’avoir violé le droit fédéral en refusant de procéder aux mesures d’instruction requises – à savoir l’audition de témoins, voire la mise en oeuvre d’une expertise judiciaire – et en se satisfaisant à tort des conclusions anciennes, partielles et partiales du médecin-conseil de l’assurance-accidents.

Consid. 6.2
Les juges cantonaux ont retenu que les mesures d’instruction requises par l’assuré étaient superflues dès lors que les avis exprimés par ses médecins traitants rejoignaient très largement celui du médecin-conseil. Par ailleurs, l’audition de ces médecins ne se justifiait pas non plus dans la mesure où ceux-ci avaient eu l’occasion de s’exprimer par écrit à maintes reprises comme en témoignaient les nombreux rapports versés à la procédure.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_93/2022 consultable ici

 

8C_421/2021 (f) du 27.01.2022 – proposé à la publication – Accident de vélo de gravité moyenne stricto sensu – Troubles psychiques / Critère de la durée anormalement longue du traitement médical admis / Gain assuré pour la rente – Travailleurs temporaires – Contrat de durée déterminée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_421/2021 (f) du 27.01.2022, proposé à la publication

 

Consultable ici

 

Accident de vélo de gravité moyenne stricto sensu – Troubles psychiques – Causalité naturelle et adéquate / 6 LAA

Critère de la durée anormalement longue du traitement médical admis

Pas d’examen approfondi du lien de causalité adéquate avant l’examen du lien de causalité naturelle (expertise psychiatrique) – Rappel de la jurisprudence, également à l’intention des autorités de recours de première instance

Gain assuré pour la rente – Travailleurs temporaires – Contrat de durée déterminée / 15 LAA – 22 al. 4 OLAA

Interprétation des «revenus perçus auprès des différents employeurs durant l’année précédant l’accident»

 

Assuré, né en 1980, a été engagé par B.__ SA en tant qu’employé d’entretien pour une durée déterminée du 04.08.2014 au 29.08.2014. Le 01.09.2014, alors qu’il circulait à vélo, il a chuté après que sa roue avant se fut bloquée dans les rails du tram. L’accident a causé une fracture des quatre branches ilio- et ischio-pubiennes et de l’aileron sacré gauche, une fracture de l’arc postérieur de plusieurs côtes droites associée à une très fine lame de pneumothorax, une occlusion thrombotique sur dissection avec hématome associé de l’artère iliaque interne gauche, ainsi qu’un hématome rétropéritonéal. Admis à l’hôpital, l’assuré a subi deux ostéosynthèses en raison des fractures au niveau du bassin. Le 14.10.2014, il a été transféré à la Clinique de réadaptation, où il a séjourné jusqu’au 01.04.2015. Ensuite de l’ablation du matériel postérieur le 15.09.2015, il a effectué un deuxième séjour à la Clinique de réadaptation du 16.09.2015 au 06.10.2015.

Alors qu’il avait repris une activité de coursier à vélo à temps partiel, l’assuré a été victime, le 14.12.2016, d’une nouvelle chute lors de laquelle il s’est blessé au poignet gauche (lésion du ligament scapho-lunaire).

Le 27.04.2017, le médecin-conseil a constaté, lors de l’examen, une détérioration importante de l’état de santé de l’assuré et a préconisé un nouveau séjour auprès de la Clinique de réadaptation avec prise en charge globale, somatique et psychologique, séjour qui a eu lieu du 24.05.2017 au 21.06.2017. Dans leur rapport établi à l’issue du séjour, les médecins de la Clinique de réadaptation ont constaté que la situation était stabilisée du point de vue des capacités fonctionnelles au niveau du bassin, même si une diminution des douleurs pouvait encore être attendue; s’agissant du poignet gauche, une stabilisation était attendue dans un délai d’environ deux mois. Relevant que le pronostic de réinsertion était favorable dans l’ancienne activité et dans une activité adaptée, les médecins ont retenu les limitations fonctionnelles suivantes : pas de position assise prolongée, pas de port de charges lourdes ou en porte-à-faux, pas de mouvements de rotation répétitifs avec le tronc, pas de marche prolongée sur terrain irrégulier, pas de mouvements nécessitant de la force du poignet gauche. Sur le plan psychique, ils ont relevé l’absence de trouble psychiatrique constitué, tout en préconisant un soutien psychologique.

Le 09.01.2018, le spécialiste en psychiatrie et psychothérapie auprès de la Clinique de réadaptation a fait état d’un trouble de l’adaptation avec réaction mixte, dépressive et anxieuse, prolongée, et a considéré que la capacité de travail de l’assuré était alors proche de zéro.

Le 10.01.2018, le médecin-conseil a procédé à l’examen final de l’intéressé. Il a relevé que la situation au niveau du bassin pouvait être considérée comme stabilisée depuis le mois d’avril ou au plus tard depuis le mois de juin 2017. Quant à la situation au niveau du poignet gauche, elle était stabilisée depuis le 18.10.2017 (date d’une consultation auprès d’un médecin spécialiste en chirurgie de la main). L’assuré disposait d’une capacité de travail entière dans une activité à faible charge physique, de type sédentaire avec possibilité d’alterner à volonté les positions assise et debout. En outre, le médecin-conseil a fixé le taux de l’atteinte à l’intégrité à 30% pour les troubles au niveau du bassin, considérant que l’atteinte au poignet ne justifiait aucune indemnisation à ce titre.

Par décision du 23.04.2018, l’assurance-accidents a reconnu le droit à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 14% à compter du 01.03.2018 – calculée sur la base d’un gain annuel assuré de 16’779 fr. – et lui a alloué une indemnité pour atteinte à l’intégrité fondée sur un taux de 30%.

L’assuré s’est opposé à cette décision, se prévalant notamment d’un rapport du docteur F.__ du 22 mai 2018, dans lequel le psychiatre indiquait que les accidents constituaient une cause naturelle à sa décompensation actuelle.

Parallèlement à la procédure devant l’assureur-accidents, l’office cantonal AI du Valais, saisi d’une demande de prestations de l’assurance-invalidité, a confié une expertise psychiatrique au docteur G.__, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, dont les conclusions du rapport, rendu le 30.08.2018, s’opposaient en partie à celles du docteur F.__, en tout cas en ce qui concernait la répercussion des troubles psychiques sur la capacité de travail de l’intéressé.

L’assuré a été adressé une ultime fois à la Clinique de réadaptation pour une évaluation multidisciplinaire avec précision des limitations résiduelles, laquelle s’est déroulée du 26.02.2019 au 12.03.2019.

Par décision du 15 avril 2019, la CNA a partiellement admis l’opposition, en ce sens qu’elle a fixé le gain assuré à 46’814 fr. et le taux d’atteinte à l’intégrité à 40%. Pour le reste, elle a considéré que les dysfonctions urologiques et sexologiques dont souffrait l’assuré n’entraînaient aucune incapacité de travail et que les troubles psychiques n’étaient pas en relation de causalité adéquate avec les deux accidents, de sorte qu’elle n’entendait pas mettre en œuvre d’autres mesures d’instruction afin de départager les avis des docteurs F.__ et G.__.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 30.04.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Troubles psychiques – Causalité naturelle et adéquate

Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou ne serait pas survenu de la même manière (ATF 142 V 435 consid. 1; 129 V 177 consid. 3.1). Le droit à des prestations de l’assurance-accidents suppose en outre l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et l’atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de manière générale favorisée par une telle circonstance (ATF 144 IV 285 consid. 2.8.2; 139 V 176 consid. 8.4.2; 129 V 177 précité consid. 3.2).

En présence de troubles psychiques consécutifs à un accident, la jurisprudence a dégagé des critères objectifs qui permettent de juger du caractère adéquat du lien de causalité. Il y a lieu, d’une part, d’opérer une classification des accidents en fonction de leur degré de gravité et, d’autre part, de prendre en considération un certain nombre d’autres critères déterminants (cf. ATF 129 V 402 consid. 4.4.1; 115 V 133 consid. 6c/aa, 403 consid. 5c/aa).

Dans un arrêt du 17 février 2021, publié aux ATF 147 V 207, le Tribunal fédéral a rappelé que dans la mesure où le caractère naturel et le caractère adéquat du lien de causalité doivent être remplis cumulativement pour octroyer des prestations d’assurance-accidents, la jurisprudence admet de laisser ouverte la question du rapport de causalité naturelle dans les cas où ce lien de causalité ne peut de toute façon pas être qualifié d’adéquat. Il n’est en revanche pas admissible reconnaître le caractère adéquat d’éventuels troubles psychiques d’un assuré avant que les questions de fait relatives à la nature de ces troubles (diagnostic, caractère invalidant) et à leur causalité naturelle avec l’accident en cause soient élucidées au moyen d’une expertise psychiatrique concluante. D’une part, un tel procédé est contraire à la logique du système. En effet, le droit à des prestations découlant d’un accident suppose tout d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Ainsi, on ne peut pas retenir qu’un accident est propre, sous l’angle juridique, à provoquer des troubles psychiques éventuellement incapacitants sans disposer de renseignements médicaux fiables sur l’existence de tels troubles, leurs répercussions sur la capacité de travail et leur lien de causalité avec cet accident. D’autre part, la reconnaissance préalable d’un lien de causalité adéquate est un élément de nature à influencer, consciemment ou non, le médecin psychiatre dans son appréciation du cas, et donc le résultat d’une expertise psychiatrique réalisée après coup s’en trouverait biaisé (ATF 147 V 207 consid. 6.1 et les références).

En l’espèce, la cour cantonale, tout comme l’assurance-accidents, a procédé à l’examen du caractère adéquat du lien de causalité entre les troubles psychiques et les accidents subis, laissant ouverte la question du lien de causalité naturelle. Elle a écarté l’existence du lien de causalité adéquate, classant l’accident du 14.12.2016 dans la catégorie des accidents insignifiants et celui du 01.09.2014 dans la catégorie des accidents de gravité moyenne. A ce dernier propos, elle a considéré que seuls deux des critères posés par la jurisprudence en la matière pouvaient être retenus, soit les critères relatifs aux complications médicales et à la persistance des douleurs. Cela ne suffisait pas, dès lors qu’en présence d’un accident de gravité moyenne, il fallait un cumul de trois critères sur les sept ou au moins que l’un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante, hypothèses en l’occurrence non réalisées.

De son côté, l’assuré soutient, au regard de l’accident du 01.09.2014, que cinq critères seraient réunis, à savoir, en sus des critères retenus par la cour cantonale, la durée anormalement longue du traitement médical, la nature particulière des lésions physiques, ainsi que le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques.

S’agissant du critère de la durée anormalement longue du traitement médical, l’aspect temporel n’est pas seul décisif; sont également à prendre en considération la nature et l’intensité du traitement, et si l’on peut en attendre une amélioration de l’état de santé de l’assuré (arrêt 8C_249/2018 du 12 mars 2019 consid. 5.2.3). La prise de médicaments antalgiques et la prescription de traitements par manipulations, même pendant une certaine durée, ne suffisent pas à fonder ce critère (arrêt 8C_804/2014 du 16 novembre 2015 consid. 5.2.2 et la référence). La jurisprudence a notamment nié que ce critère fût rempli dans le cas d’un assuré ayant subi quatre interventions chirurgicales entre juillet 2010 et juillet 2015, au motif notamment que les hospitalisations avaient été de courte durée et que mises à part lesdites interventions, l’essentiel du traitement médical avait consisté en des mesures conservatrices (arrêt 8C_249/2018 du 12 mars 2019 consid. 5.2.3). En revanche, elle l’a admis dans le cas d’un assuré qui, hospitalisé du 15 décembre 2011 au 5 janvier 2012, avait subi trois interventions chirurgicales du coude gauche, puis une ablation du fixateur externe le 7 février 2012, une ablation du matériel d’ostéosynthèse et arthrolyse du coude le 19 novembre 2013 nécessitant une hospitalisation jusqu’au 19 décembre suivant et enfin une opération de neurolyses des nerfs ulnaire et médian au coude et poignet gauches le 10 février 2015; l’assuré avait en outre séjourné à la Clinique de réadaptation pendant un peu plus d’un mois pour une évaluation multidisciplinaire et professionnelle (arrêt 8C_766/2017 du 30 juillet 2018 consid. 6.3.2). Le critère a également été admis dans le cas d’une longue et pénible convalescence sur une période de 21 mois impliquant trois interventions chirurgicales ayant tenu l’assuré loin de chez lui pendant près de cinq mois à compter de l’accident, puis deux autres opérations pratiquées par la suite pour enlever le matériel d’ostéosynthèse et nécessitant encore deux semaines de rééducation intensive (arrêt 8C_818/2015 du 15 novembre 2016 consid. 6.2).

En l’espèce, hormis les traitements médicamenteux ou non invasifs, tels que les séances de physiothérapie, l’assuré a été hospitalisé pendant sept mois ensuite de l’accident du 01.09.2014 (du 01.09.2014 au 01.04.2015), dont deux mois de transferts « lit-fauteuil » pour garantir l’absence de charge sur les deux membres inférieurs. Il s’est soumis à deux opérations chirurgicales d’ostéosynthèse au niveau du bassin le 08.09.2014, à une opération d’ablation du matériel d’ostéosynthèse le 15.09.2015, suivie de trois semaines d’hospitalisation, puis à une nouvelle hospitalisation de près d’un mois (du 24.05.2017 au 21.06.2017) en raison de l’exacerbation des douleurs au niveau du bassin et enfin à une évaluation multidisciplinaire du 26.02.2019 au 12.03.2019. Au titre d’interventions figurent également une urétrographie-cystoscopie sous narcose le 30.04.2018 et des perfusions de xylocaïne et de kétamine fin 2018-début 2019. Contrairement à ce qu’ont retenu les juges cantonaux, le critère afférent à la durée et à l’intensité du traitement médical doit ainsi être considéré comme rempli.

Avec les deux autres critères admis par la juridiction précédente, cela suffirait en principe à reconnaître le caractère adéquat des troubles psychiques de l’assuré, étant rappelé que l’accident du 01.09.2014 a été classé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne. A ce stade, il est toutefois prématuré d’examiner si la cour cantonale était fondée à retenir les critères relatifs aux complications médicales et aux douleurs persistantes ou si les autres critères encore invoqués par l’assuré sont bel et bien réalisés. En effet, en tout état de cause, il n’est pas admissible de reconnaître le caractère adéquat d’éventuels troubles psychiques avant que les questions de fait relatives à la nature de ces troubles (diagnostic, caractère invalidant) et à leur causalité naturelle avec l’accident en cause soient élucidées.

Il convient par conséquent de renvoyer la cause à l’assurance-accidents pour qu’elle instruise ces questions – d’ailleurs en partie controversées dans le cas d’espèce – au moyen d’une expertise psychiatrique concluante (cf. ATF 141 V 574 s’agissant de l’évaluation du caractère invalidant des troubles psychiques). Puis elle se prononcera définitivement sur le droit de l’assuré à des prestations pour ses troubles psychiques, en procédant, au besoin, à un nouvel examen circonstancié du lien de causalité adéquate.

Ce qui précède vaut également pour les autorités de recours de première instance qui se retrouveraient dans la même constellation, à savoir saisies d’un examen du lien de causalité adéquate à l’égard de troubles psychiques alors que la question de la causalité naturelle a été laissée ouverte. Dans ce cas, si le juge parvient à la conclusion que l’appréciation de l’assureur-accidents est erronée sur un ou plusieurs critères et que l’admission du lien du causalité adéquate pourrait entrer en considération, il doit, avant de statuer définitivement sur ce dernier point, instruire ou faire instruire par l’assureur-accidents les questions de fait relatives à la nature de ces troubles (diagnostic, caractère invalidant) et à leur causalité naturelle.

 

Gain assuré

Les rentes sont calculées d’après le gain assuré (art. 15 al. 1 LAA). Est déterminant pour le calcul des rentes le salaire que l’assuré a gagné durant l’année qui a précédé l’accident (art. 15 al. 2, 2e phrase, LAA). Le législateur a chargé le Conseil fédéral d’édicter des prescriptions sur le gain assuré pris en considération dans des cas spéciaux, soit notamment lorsque l’assuré est occupé de manière irrégulière (art. 15 al. 3 let. d LAA). Faisant usage de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a prévu à l’art. 22 al. 4 OLAA que les rentes sont calculées sur la base du salaire que l’assuré a reçu d’un ou plusieurs employeurs durant l’année qui a précédé l’accident, y compris les éléments de salaire non encore perçus et auxquels il a droit (1re phrase); si les rapports de travail ont duré moins d’une année, le salaire reçu au cours de cette période est converti en gain annuel (2e phrase); en cas d’activité de durée déterminée, la conversion se limite à la durée prévue (3e phrase).

A l’ATF 138 V 106, le Tribunal fédéral a jugé que chez les travailleurs temporaires, la durée prévue de l’activité de durée déterminée en fonction de laquelle doit se faire la conversion du gain réalisé (cf. art. 22 al. 4, 2e et 3e phrases, OLAA) ne doit pas forcément correspondre à la durée du contrat de durée déterminée auprès de l’employeur. En effet, il apparaissait difficilement conciliable avec le but de la réglementation spéciale – soit de faire bénéficier les travailleurs occupés de manière irrégulière d’une protection d’assurance appropriée – que le montant de la rente d’invalidité d’un assuré qui, par exemple, avait été placé auprès d’une entreprise par une agence de travail temporaire pour une mission limitée dans le temps se détermine uniquement en fonction du salaire reçu au cours de cette période; il subsistait alors un risque que ces assurés soient exclus d’une protection appropriée de l’assurance. Le Tribunal fédéral a dès lors retenu qu’il fallait en toute hypothèse considérer comme salaire déterminant pour le calcul de la rente d’invalidité celui reçu au moment de l’accident converti en un gain correspondant à la durée normale d’activité de l’assuré eu égard à la carrière professionnelle accomplie jusque-là, y compris les périodes effectuées à l’étranger: Si l’on pouvait déduire de la biographie professionnelle que le contrat de durée limitée auprès d’un employeur correspondait à la durée normale d’activité, la conversion se limitait à la durée prévue selon l’art. 22 al. 4, 3e phrase, OLAA; s’il en résultait que l’intéressé aurait exercé une activité au-delà de la durée de la mission prévue, il fallait se baser sur cette plus longue période d’activité; enfin, s’il s’avérait que celui-ci aurait travaillé toute l’année, alors la règle de l’art. 22 al. 4, 3e phrase, OLAA ne trouvait pas application et la conversion du gain obtenu n’était pas limité, conformément à l’art. 22 al. 4, 2e phrase, OLAA (ATF 138 V 106 consid. 7.2; arrêts 8C_210/2020 du 8 juillet 2020 consid. 6.2; 8C_705/2010 du 15 février 2012 consid. 5.2).

Ainsi, dans le cas d’un assuré de nationalité allemande qui avait subi un accident sur un chantier de construction en Suisse, où il avait été placé par une agence de travail temporaire, le Tribunal fédéral a jugé que le gain assuré devait être calculé de façon à convertir le salaire perçu durant le rapport de travail sur une année entière, parce que la biographie professionnelle de l’intéressé avait mis en évidence qu’il avait toujours travaillé depuis la fin de sa formation (arrêt 8C_480/2010 du 20 mars 2012). Il a toutefois relevé que pour les ressortissants étrangers, la durée de la période de conversion du salaire obtenu était limitée à la durée d’autorisation de travailler du point de vue du droit des étrangers (ATF 138 V 106 consid. 7.3 in fine).

En l’espèce, les premiers juges ont confirmé le montant du gain assuré de 46’814 fr. tel que retenu par l’assurance-accidents, après annualisation, sur la base du salaire perçu par l’assuré pour son activité de durée déterminée auprès de B.__ SA (3591 fr. 15 / 28 jours x 365).

L’assuré conteste le montant retenu. Il soutient que le gain annuel assuré aurait dû être fixé en additionnant le total des revenus perçus auprès des différents employeurs durant l’année précédant l’accident, soit 16’779 fr. conformément au calcul de la CNA dans sa décision initiale du 23 avril 2018, puis en annualisant ce montant. Il obtient ainsi un gain assuré de 65’152 fr. 50 (16’779 fr. / 94 jours x 365).

Ce point de vue ne peut pas être suivi. Si l’art. 22 al. 4, 1re phrase, OLAA dispose que les rentes sont calculées sur la base du salaire que l’assuré a reçu d’un ou plusieurs employeurs durant l’année qui a précédé l’accident, cela ne signifie pas qu’il faille tenir compte des salaires afférents à des contrats de travail qui n’ont plus cours lors de la survenance de l’accident. Sont en effet déterminants le rapport de travail et les circonstances salariales qui existaient au moment de l’événement accidentel (FRÉSARD/MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3e éd. 2016, p. 956 n. 182). Quant à l’annualisation du salaire, elle intervient, conformément à l’art. 22 al. 4, 2e phrase, OLAA, lorsqu’au moment déterminant, la relation de travail – généralement de durée indéterminée – a duré moins d’une année. Cette règle a pour but principal de combler les lacunes de salaire, du point de vue temporel, résultant du fait que la personne assurée n’a pas perçu de salaire pendant toute l’année précédant l’accident; elle vaut également en cas de changement d’activité (FRÉSARD/MOSER-SZELESS, op. cit., p. 957 n. 182). En outre, en ce qui concerne les travailleurs occupés de manière irrégulière, il convient également d’annualiser le gain obtenu pour la mission précédant l’accident lorsque l’on peut retenir, au vu de la biographie professionnelle, qu’un employé au bénéfice d’un contrat de durée limitée aurait travaillé toute l’année. En l’espèce, tant l’assurance-accidents que l’instance cantonale ont considéré que l’assuré devait bénéficier de cette règle destinée à protéger les travailleurs occupés de manière irrégulière. Cela étant, c’est à juste titre que les juges cantonaux ont annualisé le salaire perçu au moment déterminant, soit celui afférent à la relation de travail précédant immédiatement l’événement accidentel. Ils n’avaient pas à tenir compte des salaires touchés pour les missions antérieures.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré, renvoyant la cause à l’assureur-accidents pour mise en œuvre de l’expertise et nouvelle décision.

 

 

Arrêt 8C_421/2021 consultable ici

 

 

9C_488/2021 (d) du 10.01.2022 – Revenu d’invalide – Abattement – Baisse de rendement – Troubles psychiques

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_488/2021 (d) du 10.01.2022

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Revenu d’invalide – Abattement / 16 LPGA

Baisse de rendement – Troubles psychiques

 

Assuré, né en 1977, ébéniste de formation, titulaire d’une maturité professionnelle et travaillant en dernier lieu comme dessinateur dans un bureau d’architecture, a déposé une demande AI en juin 2013 en raison d’un trouble bipolaire et d’un syndrome d’apnée du sommeil sévère. L’office AI a procédé aux investigations usuelle et a mis en œuvre deux expertises pluridisciplinaires.

Selon la dernière expertise, l’assuré est apte à travailler à partir d’avril 2013 dans son activité habituelle habituel ou dans un emploi adapté, à raison de 7,5 heures en moyenne (par jour) avec une limitation de la capacité de travail de 20% en raison d’un besoin accru de pauses, soit 70% au total.

L’office AI a nié le droit à une rente.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 04.08.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2.2
L’instance inférieure a calculé le revenu d’invalide à partir du salaire statistique (ESS 2016, TA1, niveau de compétence 1, hommes, Total), en n’accordant aucun abattement sur celui-ci.

L’assuré demande une déduction de 10%, ne pouvant désormais œuvrer qu’à temps partiel (70%) dans des activités adaptées aux limitations fonctionnelles retenues.

Selon le Tribunal fédéral, il convient d’opposer au grief de l’assuré qu’il peut encore travailler 7,5 heures par jour. Cela correspond, pour un temps de travail hebdomadaire moyen de 41,7 heures, à un taux d’occupation de près de 90%, ce qui, statistiquement parlant, n’entraîne pas une perte de salaire disproportionnée (cf. ESS 2016, T18, hommes, sans fonction de cadre). La diminution de la capacité de travail de 20% attestée par les experts en raison d’un besoin accru de pauses a déjà été prise en compte dans l’évaluation médicale de la capacité de travail et ne doit pas être prise en compte une nouvelle fois dans le calcul de la déduction (ATF 146 V 16 consid. 4.1).

Selon le jugement cantonal, qui s’appuie sur la dernière expertise médicale, l’assuré peut effectuer des travaux pratiques et variés. Selon l’évaluation de l’expert, les activités à charge émotionnelle, celles soumises à une forte pression temporelle, avec des horaires de travail très irréguliers et les travaux nécessitant une surveillance ou une commande prolongée de machines ne conviennent pas. Ces restrictions ne justifient pas un abattement sur le salaire statistique, car une prévenance de la part du supérieur et des collègues de travail due des troubles psychiques ne constitue pas une circonstance déductible en soi. De plus, l’assuré a encore accès à une multitude d’activités dans lesquelles les restrictions qualitatives n’ont pas d’effet.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_488/2021 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 9C_488/2021 (d) du 10.01.2022 – Revenu d’invalide – Abattement – Baisse de rendement – Troubles psychiques, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/03/9c_488-2021)