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8C_43/2023 (d) du 29.11.2023 – Atteinte à la santé invalidante – 4 LAI – 7 LPGA – 16 LPGA / Concept biopsychosocial de la maladie pas applicable en droit des assurances sociales – Exclusion des facteurs psychosociaux et socioculturels

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_43/2023 (d) du 29.11.2023

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Atteinte à la santé invalidante / 4 LAI – 7 LPGA – 16 LPGA

Concept biopsychosocial de la maladie pas applicable en droit des assurances sociales – Exclusion des facteurs psychosociaux et socioculturels

Procédure probatoire structurée selon l’ATF 141 V 281

 

Assuré, né en 1986, a déposé en septembre 2019, invoquant des troubles psychiques («trouble bipolaire, actuellement dépressif, accentuation de la personnalité [paranoïaque, obsessionnelle], diagnostic différentiel de trouble de la personnalité»]). Après instruction et expertise médicale psychiatrique, l’office AI a nié tout droit à des prestations en l’absence d’atteinte à la santé psychique invalidante.

 

Procédure cantonale (arrêt VBE.2022.218 – consultable ici)

Selon l’expertise médicale psychiatrique, mise en œuvre selon l’art. 44 LPGA et ayant valeur probante, aucun trouble psychique n’était diagnostiqué chez l’assuré. Les troubles trouvaient une explication suffisante dans des facteurs psychosociaux, ne pouvant être pris en compte dans l’assurance-invalidité. Selon la cour cantonale, l’assuré disposait d’une capacité de travail totale dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée. Il a été renoncé à un examen séparé des indicateurs selon l’ATF 141 V 281.

Par jugement du 07.12.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.1
L’assuré ne peut être suivi lorsqu’il estime la situation juridique concernant la notion de maladie applicable et qu’il faudrait (également) partir, dans le droit des assurances sociales, du concept biopsychosocial de la maladie utilisée en médecine. Au contraire, pour l’évaluation de l’incapacité de travail en droit des assurances sociales, il est essentiel que, d’une part, l’incapacité de gain en raison d’une atteinte à la santé (art. 4 al. 1 LAI) et, d’autre part, le chômage non assuré ou d’autres situations de vie pénibles ne se confondent pas (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 avec référence à l’ATF 127 V 294 consid. 5a ; cf. aussi ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; arrêt 9C_311/2021 du 23 septembre 2021 consid. 4.2). L’invalidité présuppose donc toujours un substrat médical, qui doit être constaté de manière probante par un médecin (spécialisé) et dont il est prouvé qu’il affecte de manière importante la capacité de travail et de gain. Ce principe ancré dans l’art. 7 al. 2 LPGA a été concrétisé par le Tribunal fédéral dans le contexte des affections psychiques et psychosomatiques dans et depuis l’ATF 141 V 281 sur la base de la procédure probatoire structurée. L’application du concept global de maladie biopsychosociale demandée par l’assuré doit être rejeté, celui-ci n’étant pas juridiquement déterminante dans le cadre de l’incapacité de travail au sens de l’art. 6 LPGA (ATF 143 V 418 consid. 6 ; cf. aussi : ATF 141 V 574 consid. 5.2 ; arrêts 8C_407/2020 du 3 mars 2021 consid. 4.2 ; 8C_207/2020 du 5 août 2020 consid. 5.2.2). Ainsi, l’affirmation de l’assuré selon laquelle, avec l’ATF 141 V 281, un changement de jurisprudence a eu lieu en ce qui concerne l’application (ou la non-application) de la notion biopsychosociale de maladie, qui n’a simplement pas été mise en œuvre de manière cohérente depuis lors, est vaine.

Consid. 5.2
Par conséquent, le recours portant principalement sur des facteurs psychosociaux et socioculturels, ceux-ci doivent être exclus dans la mesure où il s’agit de décrire les aspects assurés déterminants pour l’évaluation de la capacité de travail. En d’autres termes, les facteurs sociaux ne sont pas pris en compte dès lors qu’ils entraînent des conséquences fonctionnelles négatives directes (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 et 3.4.2.1). Un trouble ayant valeur de maladie, respectivement une problématique de dépendance, doit par conséquent – et également selon la nouvelle jurisprudence – être d’autant plus prononcé que des facteurs psychosociaux et socioculturels influencent fortement le tableau clinique (cf. parmi d’autres : ATF 145 V 215 consid. 6.3 avec référence à l’ATF 127 V 294 consid. 5a ; arrêt 9C_140/2014 du 7 janvier 2015 consid. 3.3). Certes, les troubles psychiques ayant valeur de maladie et les aspects psychosociaux et socioculturels se recoupent fréquemment. Mais il convient d’examiner, dans le cadre de la procédure probatoire structurée introduite par l’ATF 141 V 281, si l’on est en présence d’une atteinte à la santé devenue indépendante, en évaluant les circonstances concernées et leur évolution en tant que ressources ou difficultés dans les ensembles « personnalité » et « contexte social » (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2 s.) (cf. parmi d’autres : ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; arrêts 9C_10/2021 du 15 juin 2021 consid. 3.3.1 ; 8C_559/2019 du 20 janvier 2020 consid. 3.2 ; 8C_407/2020 du 3 mars 2021 consid. 4.1). Contrairement à l’avis de l’assuré, il n’est pas possible de tirer une conclusion directe du diagnostic médical sur la capacité de travail, même si et dans la mesure où des facteurs psychosociaux et socioculturels ont été constatés par le médecin. Par conséquent, il n’y a pas non plus de place pour l’application de la notion biopsychosociale de maladie dans cette constellation spécifique. En outre, il ne faut pas oublier qu’il est possible de renoncer totalement à une procédure probatoire structurée lorsqu’elle n’est pas nécessaire ou appropriée. Tel est par exemple le cas lorsque, sur la base du dossier, il n’existe aucun indice d’une incapacité de travail de longue durée (art. 28 al. 1 let. b LAI) ou qu’une telle incapacité est niée de manière motivée dans les rapports médicaux spécialisés probants et que d’éventuelles évaluations contraires n’ont pas de valeur probante en raison d’un manque de qualification des médecins spécialistes ou pour d’autres raisons (ATF 143 V 409 consid. 4.5.3 et 418 consid. 7.1). Des raisons objectives sérieuses pour une modification de cette jurisprudence (concernant les conditions : ATF 145 V 304 consid. 4.4 ; 141 II 297 consid. 5.5.1 ; 137 V 417 consid. 2.2.2), comme le demande l’assuré, ne sont pas manifestes.

 

Consid. 6.1
Sur la base des principes qui viennent d’être évoqués, la cour cantonale a motivé de manière exempte d’erreur en droit pourquoi l’expertise psychiatrique était convaincante en tous points. L’instance cantonale s’est penchée sur le reproche selon lequel l’expert psychiatrique n’aurait à tort pas déterminé une atteinte à la santé psychique invalidante en raison des facteurs psychosociaux existants et de l’abus de substances antérieur de l’assuré. L’assuré oppose uniquement et à nouveau son propre point de vue concernant le concept de maladie biopsychosociale qu’il considère comme applicable, se limitant à tirer des conclusions contraires à la pratique établie (cf. consid. 5 supra). […]

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_43/2023 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_43/2023 (d) du 29.11.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2024/01/8c_43-2023)

 

9C_44/2018 (f) du 03.04.2018 – Capacité de travail exigible – Conception bio-médicale de la maladie – 16 LPGA / Revenu d’invalide – Abattement pour un assuré âgé de 61 ans

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_44/2018 (f) du 03.04.2018

 

Consultable ici

 

Capacité de travail exigible – Conception bio-médicale de la maladie / 16 LPGA

Revenu d’invalide – Abattement pour un assuré âgé de 61 ans

 

Assuré, restaurateur indépendant de janvier 2004 à mai 2010, dépose une demande AI le 24.04.2014.

Après les démarches usuelles, l’office AI a soumis l’assuré à une expertise pluridisciplinaire. Dans un rapport établi le 12.07.2016, les médecins (spécialiste en médecine interne générale et en rhumatologie, spécialiste en rhumatologie, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie) ont diagnostiqué – avec répercussion sur la capacité de travail – une polyartériopathie avec artériopathie oblitérante des membres inférieurs prédominant à gauche, une coronaropathie avec status après infarctus antérieur en juillet 2014 et une gonarthrose prédominant à droite. Les médecins ont indiqué que l’assuré ne pouvait plus exercer son activité habituelle de restaurateur indépendant, mais qu’il disposait d’une capacité de travail complète dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (pas de longs déplacements, pas d’utilisation répétée d’escaliers et pas de travail à genoux ou accroupi). L’office AI a rejeté la demande de prestations, au motif que l’assuré présentait un degré d’invalidité de 15%.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 295/16 – 329/2017 – consultable ici)

Par jugement du 27.11.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Conception bio-médicale de la maladie

En tant qu’il a pour objet la question de l’invalidité, le droit des assurances sociales s’en tient à une conception bio-médicale de la maladie (voir ATF 127 V 294 consid. 5a p. 299). Les experts étaient tenus de se distancer de facteurs psychosociaux ou socioculturels, qui sont étrangers à la définition juridique de l’invalidité. De même, s’il est vrai que des facteurs tels que l’âge et le manque de formation jouent un rôle non négligeable pour déterminer dans un cas concret les activités que l’on peut encore raisonnablement exiger d’un assuré, le Tribunal fédéral a déjà rappelé à maintes reprises qu’ils ne constituent pas des circonstances supplémentaires qui, à part le caractère raisonnablement exigible d’une activité, sont susceptibles d’influencer l’étendue de l’invalidité, même s’ils rendent parfois difficile, voire impossible la recherche d’une place et, partant, l’utilisation de la capacité de travail résiduelle (arrêt I 381/06 du 30 avril 2007 consid. 5.2 et les références).

 

Revenu d’invalide – Abattement

L’instance cantonale a tenu compte des arguments de l’assuré, notamment de son âge (61 ans en 2016), mais n’a pas jugé qu’ils constituaient des obstacles irrémédiables à la reprise d’une activité lucrative. En particulier, elle a considéré que l’assuré disposait d’une grande capacité d’adaptation et d’une expérience professionnelle susceptibles de compenser les désavantages liés à son âge et à la nature de ses limitations fonctionnelles. Partant, faute pour l’assuré de s’en prendre concrètement et précisément aux motifs détaillés qui ont conduit la juridiction précédente à admettre le caractère exploitable de sa capacité de travail sur un marché équilibré de l’emploi (à ce sujet, voir arrêt 9C_659/2014 du 13 mars 2015 consid. 5.3 et les références) ou d’expliquer en quoi ceux-là seraient, à son avis, contraires au droit, on ne discerne pas dans le recours de motif commandant de s’écarter de l’appréciation des premiers juges. Le seul fait d’asséner qu’il est « manifeste qu’aucune activité ne peut dès lors être raisonnablement exigée (…)  » ne contredit en rien cette appréciation. La juridiction cantonale n’a par ailleurs pas excédé son pouvoir d’appréciation en retenant que l’assuré disposait d’une capacité de travail supérieure à celle alléguée, ainsi qu’une faculté d’adaptation certaine, et partant, de confirmer le taux d’abattement de 15% admis par l’administration.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_44/2018 consultable ici