Archives par mot-clé : Institution de prévoyance – Caisse de pension

9C_24/2023 (f) du 17.04.2023 – Restitution de prestations indûment perçues – Refus d’une remise de l’obligation de restituer en l’absence de bonne foi – 35a LPP / Omission d’annoncer la reprise d’une activité – Demande de restitution alors que l’assuré est désormais retraité

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_24/2023 (f) du 17.04.2023

 

Consultable ici

 

Restitution de prestations indûment perçues – Refus d’une remise de l’obligation de restituer en l’absence de bonne foi / 35a LPP

Omission d’annoncer la reprise d’une activité – Demande de restitution alors que l’assuré est désormais retraité

 

Par décision du 08.12.2015, l’office AI a supprimé la rente d’invalidité dont bénéficiait l’assuré avec effet rétroactif au 01.06.2006. Le principe de la suppression a été confirmé par les instances cantonale et fédérale de recours (cf. arrêt 9C_107/2017 du 8 septembre 2017).

Par décision du 22.12.2015, l’office AI a réclamé à l’assuré le remboursement de la somme de 179’524 fr. représentant les prestations versées à tort du 01.12.2010 au 31.10.2015. L’assuré a déféré cette décision au tribunal cantonal, en concluant à son annulation. Parallèlement, il a conclu à la remise de l’obligation de restituer la somme de 179’524 fr., subsidiairement à hauteur de 167’315 fr. Par arrêt du 06.11.2018, confirmé par le Tribunal fédéral (cf. arrêt 9C_16/2019 du 25 avril 2019), la juridiction cantonale a rejeté le recours dirigé contre la restitution et contre la remise de l’obligation de restituer.

Dans le cadre de la prévoyance professionnelle obligatoire des chômeurs, la Fondation institution supplétive a accordé à l’assuré des rentes d’invalidité dès le 01.02.2002. Par lettre du 17.12.2015, l’institution supplétive a supprimé avec effet immédiat le droit à la rente d’invalidité, ajoutant qu’elle lui demanderait le remboursement des rentes perçues à tort depuis le 01.06.2006. Le 13.01.2016, elle a requis de l’assuré le remboursement de 82’940 fr. et 12’163 fr. 07, correspondant à des prestations indument versées à partir du 01.01.2011.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1009/2022 – consultable ici)

Le 26.04.2021, l’institution supplétive a saisi la Cour cantonale d’une action en justice, en concluant à ce que l’assuré fût condamné à lui verser le montant de 93’107 fr. 07 avec intérêts à 5% l’an dès le 13.02.2016, et à ce que l’opposition qu’il avait formée au commander de payer du 18.12.2020 fût écartée.

Par jugement du 21.11.2022, admission partielle de la demande par le tribunal cantonal, condamnant l’assuré à payer à l’institution supplétive le montant de 93’103 fr. 07 et prononçant la mainlevée définitive de l’opposition au commandement de payer à concurrence de ce montant.

 

TF

Consid. 2.2
Se référant au litige qui avait opposé l’assuré à l’office AI, l’autorité cantonale a rappelé que ledit office avait supprimé la rente d’invalidité avec effet rétroactif au 01.06.2006, car l’assuré disposait d’une capacité de travail entière dès cette date dans toute activité et avait exercé une activité professionnelle depuis décembre 2000 sans l’avoir annoncée, violant ainsi son obligation de renseigner. Comme une rente de la prévoyance professionnelle obligatoire dépend et suit l’allocation d’une rente AI, l’institution supplétive était fondée à supprimer la rente de la prévoyance professionnelle, dès lors que l’évaluation de l’office AI, confirmée par les instances de recours cantonale et fédérale, n’était à l’évidence pas insoutenable. L’assuré était par conséquent tenu de restituer les sommes perçues sans cause juridique valable.

En ce qui concerne la remise de l’obligation de restituer, l’instance cantonale a retenu, en renvoyant à l’arrêt du Tribunal fédéral du 25 avril 2019 (9C_16/2019), que l’assuré avait non seulement omis d’annoncer qu’il avait repris une activité, mais qu’il avait de plus nié exercer une activité accessoire dans les questionnaires de révision de 2006, 2011 et 2014. L’intéressé ne devait pas ignorer que l’exercice d’une activité, quelle qu’elle fût, était susceptible d’entraîner une nouvelle appréciation de ses capacités de travail et de gain, pouvant le cas échéant aboutir à une modification de la rente. L’obligation d’annoncer valait tout particulièrement en raison de ses attributions légales d’associé gérant présidant d’une société. En taisant l’exercice de telles activités, sa négligence avait revêtu un caractère de gravité suffisante pour exclure la bonne foi. Pareille conclusion s’imposait aussi dans la présente procédure concernant les rentes d’invalidité de la prévoyance professionnelle.

Consid. 3.1
L’assuré se prévaut d’une violation du principe de non-rétroactivité de lois. Il fait observer qu’il avait atteint l’âge légal de la retraite le 10.02.2021 et son épouse le 09.02.2022, si bien que leurs revenus de retraités ont diminué sensiblement. Il en déduit qu’en le condamnant à restituer des rentes d’invalidité versées durant plusieurs années avant son départ à la retraite, il serait confronté à une rétroactivité d’autant plus excessive qu’il se trouverait dans l’impossibilité de mettre à disposition les sommes réclamées, compte tenu de ses faibles revenus et de son absence de fortune. A son avis, il aurait fallu qu’il sache, au moment où les rentes d’invalidité lui avaient été versées, que leur remboursement pourrait lui être réclamé bien des années après; ceci l’aurait conduit à chercher une autre source de revenu, ce qu’il n’a pas eu l’opportunité de faire.

Consid. 3.2
Contrairement à ce que soutient l’assuré, on ne se trouve pas dans un litige concernant l’application d’une règle de droit à des faits survenus avant son entrée en vigueur. La présente affaire porte uniquement sur la restitution de prestations indûment perçues, ainsi que sur le refus d’une remise de l’obligation de restituer en l’absence de bonne foi, soit sur un cas d’application de l’art. 35a LPP dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2020, à l’époque des faits.

S’agissant de l’obligation de restituer et quoi qu’en dise l’assuré, il devait savoir, à l’époque où il avait violé son obligation d’annoncer, qu’il pourrait être appelé à restituer les rentes en cause, puisqu’elles avaient été obtenues de façon indue. Dès lors qu’il rétablit l’ordre légal en condamnant l’assuré à rembourser le montant de 93’103 fr. 07, l’arrêt attaqué est conforme au droit.

Quant à la remise de cette obligation de restituer, les juges cantonaux ont également refusé à juste titre de l’accorder, puisque la condition de la bonne foi de l’assuré faisait à l’évidence défaut.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_24/2023 consultable ici

 

Retrait EPL (encouragement à la propriété du logement) et installation solaire: précision de l’OFAS

Retrait EPL (encouragement à la propriété du logement) et installation solaire: précision de l’OFAS

 

Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 161 du 11.05.2023 consultable ici

 

Est-il admissible de financer par un retrait EPL une installation solaire dont la production de courant est supérieure à la consommation propre de la personne assurée ?

Dans le Bulletin de la prévoyance professionnelle N° 110 du 15 janvier 2009, il est indiqué au ch. 679 que l’installation de panneaux solaires produisant de l’électricité ou de l’eau chaude ou pour chauffer l’habitation peut être financée par un retrait anticipé.

Selon l’OFAS, une personne assurée est autorisée à utiliser une partie de son capital de prévoyance pour financer l’installation de panneaux solaires pour la production d’électricité destinée à couvrir ses propres besoins au sens de l’art. 4 al. 1 OEPL, c’est-à-dire en vue d’une utilisation par la personne assurée. Cela signifie qu’une installation de production d’électricité non destinée à la consommation ou à l’utilisation propre de la personne assurée ne peut être financée par des fonds provenant de la prévoyance professionnelle.

Cette appréciation confirme l’avis du législateur de limiter l’utilisation des capitaux de la prévoyance professionnelle au financement des besoins propres de la personne assurée et d’exclure tout financement d’investissements destinés à dégager un profit. En effet, de tels investissements ne s’inscriraient pas dans un but de prévoyance et seraient contraires au principe de l’encouragement à la propriété du logement.

Pour pouvoir financer l’installation de panneaux solaires par un retrait EPL, la personne assurée doit donc être en mesure de prouver à l’institution de prévoyance quelle part de l’électricité produite par cette installation servira à sa propre consommation.

 

Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 161 du 11.05.2023 consultable ici

 

Mitteilungen über die berufliche Vorsorge Nr. 161 (11.05.2023), WEF (Wohneigentumsförderung) und Solaranlagen: Präzisierung des BSV

 

Questions-réponses sur les modifications de la prévoyance professionnelle introduites par la réforme AVS 21 – Prise de position de l’OFAS

Questions-réponses sur les modifications de la prévoyance professionnelle introduites par la réforme AVS 21 – Prise de position de l’OFAS

 

Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 161 du 11.05.2023 consultable ici

LPP,  dans sa version au 01.01.2024, consultable ici et LFLP, dans sa version au 01.01.2024, consultable ici

 

 

La réforme AVS 21 entre en vigueur le 1er janvier 2024. Les effets de cette réforme sur la prévoyance professionnelle sont présentés ci-après sous forme de questions-réponses.

1. Le nouvel âge de référence de l’AVS s’applique-t-il aussi à la prévoyance professionnelle ?

Oui, le nouvel âge de référence de 65 ans pour les hommes et les femmes s’applique également dans la prévoyance professionnelle. L’âge de référence s’appliquant aux femmes de la génération transitoire sera relevé par étapes de trois mois par an dans les deux piliers. Ce relèvement commence un an après l’entrée en vigueur de la réforme, c’est-à-dire en 2025. À partir de 2028, l’âge de référence sera de 65 ans pour toutes et tous.

Les femmes nées en 1960 partiront à la retraite à 64 ans, alors que celles nées en 1964 seront les premières à travailler jusqu’à 65 ans.

Femmes nées en 1960 64 ans
Femmes nées en 1961 64 ans et 3 mois
Femmes nées en 1962 64 ans et 6 mois
Femmes nées en 1963 64 ans et 9 mois
Femmes nées en 1964 65 ans

 

2. Qu’est-ce qui change concrètement pour une personne âgée de 59 ans ?

Rien. La réforme flexibilise les conditions de départ à la retraite pour les personnes entre 63 et 70 ans uniquement. Une personne de 59 ans ne peut donc prendre une retraite anticipée que si le règlement de sa caisse de pension le prévoit, comme dans le droit actuel. Le droit à la perception anticipée des prestations ne prend naissance qu’à partir de 63 ans (voir question suivante).

Si elle souhaite baisser son taux d’occupation et que le règlement de son institution de prévoyance ne lui permet pas de percevoir sa prestation de vieillesse de manière anticipée, c’est le droit en vigueur qui s’applique : il n’est possible d’éviter un décompte équivalent à un cas de libre passage que lorsque le règlement de l’institution de prévoyance prévoit une réglementation au moins aussi favorable pour l’assuré ou tient compte de l’activité moyenne (art. 20 al. 2 LFLP).

De même, maintenir sa prévoyance au niveau du dernier gain assuré en versant des cotisations d’épargne jusqu’à l’âge de référence réglementaire n’est possible que si le règlement de l’institution de prévoyance le prévoit (art. 33a LPP).

3. Qu’est-ce qui change pour une personne de 63 ans ?

Grâce à la réforme, cette personne a désormais le droit de percevoir sa prestation de vieillesse de manière anticipée si elle ne veut plus travailler. Si la personne était auprès d’une institution de prévoyance qui ne prévoyait pas la retraite anticipée dans son règlement, elle a désormais le droit à une prestation de vieillesse.

Si cette personne baisse son taux d’occupation, elle n’est en outre pas obligée de retirer l’avoir correspondant. Celui-ci est conservé par l’institution de prévoyance et peut être perçu ultérieurement. Elle n’est donc plus tributaire des dispositions explicites du règlement de son institution de prévoyance.

 

4. Qu’est-ce qui change pour une personne qui aura 65 ans en 2024 ?

Cette personne atteindra l’âge de référence et aura donc le droit de percevoir sa prestation de vieillesse. Rien ne change donc par rapport au droit actuel.

Si la personne souhaite continuer à travailler après son 65e anniversaire, l’institution de prévoyance doit lui proposer d’ajourner sa prestation de vieillesse jusqu’à la cessation de son activité professionnelle, mais au plus tard jusqu’à son 70e anniversaire. Ajourner la perception de la totalité de la prestation de vieillesse est possible même en cas de réduction du taux d’occupation. Cependant, elle ne peut maintenir sa prévoyance en continuant à payer les cotisations correspondantes que si le règlement de son institution de prévoyance le prévoit (art. 33b LPP). Selon le droit en vigueur, la personne devrait percevoir sa prestation de vieillesse à 65 ans, si les dispositions règlementaires de son institution de prévoyance ne prévoient pas que la prestation de vieillesse ne prend naissance qu’à la fin de l’activité professionnelle.

 

5. Combien d’étapes pour le retrait partiel de la prestation le règlement de l’institution de prévoyance doit-il au moins proposer ?

Les institutions de prévoyance doivent offrir la possibilité de percevoir les prestations de vieillesse de manière anticipée à partir de 63 ans et en ajourner la perception jusqu’à 70 ans. Dans cet intervalle, elles doivent proposer l’option d’un passage progressif à la retraite en au moins trois étapes. Concrètement, les assurés doivent avoir la possibilité de percevoir leur prestation de vieillesse sous forme de rente en trois étapes.

Si le règlement autorise l’assuré à percevoir une prestation en capital en lieu et place d’une rente de vieillesse (art. 37 al. 4 LPP) et que l’assuré fait usage de cette possibilité, l’institution de prévoyance ne doit proposer que deux étapes supplémentaires.

 

6. Une institution de prévoyance peut-elle régler de façon plus précise la perception partielle de la prestation de vieillesse dans son règlement de prévoyance ?

Les institutions de prévoyance doivent proposer trois étapes de perception partielle de la rente de vieillesse entre 63 et 70 ans.

Les institutions de prévoyance ne peuvent pas subordonner les possibilités de retrait prévues légalement à d’autres conditions. Pour protéger les institutions de prévoyance, la loi prévoit que le premier retrait partiel doit représenter au moins 20% de la prestation de vieillesse. La forme sous laquelle l’avoir est perçu (rente ou capital) ne joue aucun rôle. L’institution de prévoyance peut autoriser un pourcentage minimal moins élevé.

L’assuré peut également demander que le quart de son avoir de vieillesse déterminant pour le calcul de la prestation de vieillesse effectivement touchée lui soit versé sous la forme d’une prestation en capital (art. 37 al. 2 LPP ; cf. question 7). L’institution peut fixer un délai déterminé que l’assuré doit respecter pour faire valoir son droit à une prestation en capital (art. 37 al. 4 LPP). Des règles supplémentaires sont seulement autorisées pour garantir une exécution raisonnable. En effet, il s’agit de ne pas restreindre davantage les droits des assurés.

Cependant, l’institution qui offre la possibilité de percevoir la prestation en plus de trois étapes peut prévoir des conditions s’appliquant aux étapes supplémentaires. La loi prévoit seulement que le capital peut être perçu en trois étapes au plus. De même, quand des retraits partiels sont déjà possibles à partir de 58 ans, l’institution de prévoyance peut fixer des règles particulières.

 

7. L’assuré a-t-il le droit de retirer son avoir sous forme de capital ?

Les institutions de prévoyance n’ont pas l’obligation de prévoir dans leur règlement un retrait en capital indépendant d’une rente de vieillesse, mais elles sont ensuite tenues de verser, à la demande de l’assuré, le quart de son avoir de vieillesse déterminant pour le calcul de la prestation de vieillesse effectivement touchée sous la forme d’une prestation en capital (art. 37 al. 2 LPP). L’OFAS estime toutefois que les institutions de prévoyance ne sont pas obligées, en cas de retrait de la rente de vieillesse en trois étapes, de verser à chaque étape un quart de l’avoir de vieillesse disponible en capital. Elles sont toutefois libres de le prévoir, tout comme elles peuvent autoriser trois retraits partiels en capital indépendamment d’une rente de vieillesse.

 

8. Comment procéder lorsqu’un assuré a plusieurs rapports de prévoyance liés au même employeur et souhaite percevoir une partie de sa rente de manière anticipée ?

Si une personne a plusieurs rapports de prévoyance dans le cadre d’un seul emploi, deux situations sont à différencier :

Si la personne continue après la retraite partielle à être assurée auprès de plusieurs institutions de prévoyance avec dans chacune une baisse du salaire assuré, le retrait partiel dans chaque institution de prévoyance doit au maximum être égal à la diminution de salaire.

Si la personne n’est plus assurée que dans un plan après la retraite partielle car elle ne remplit plus les conditions d’entrée dans l’autre/les autres institutions de prévoyance, elle devrait en principe percevoir intégralement les prestations de vieillesse de cette/ces institutions de prévoyance si elle a atteint l’âge de préretraite du règlement si elle le souhaite. Sinon, elle percevra la part de prestation de vieillesse correspondant à la baisse du salaire et la partie restante peut être versée auprès d’une fondation de libre passage ou auprès d’une autre institution de prévoyance à laquelle elle est assurée, si les dispositions réglementaires de celle-ci le permettent.

En ce qui concerne la caisse de base, du fait d’une baisse du taux d’activité, une perception des prestations de vieillesse à hauteur de la retraite partielle devrait avoir lieu en cas de baisse du salaire assuré à la demande de l’assuré.

En revanche, si le salaire assuré ne baisse pas dans la caisse de base (ou auprès d’une institution de prévoyance), car la baisse de salaire ne concerne qu’une caisse-cadre, nous sommes d’avis qu’aucune prestation de vieillesse ne doit être versée de la caisse de base. Il faut donc distinguer ce cas de celui où une personne n’est assurée qu’auprès d’une institution de prévoyance minimum LPP alors que son salaire AVS est bien plus élevé. Dans ce cas-là, les prestations de vieillesse correspondant à la baisse du salaire peuvent être versées.

 

9. Les institutions de prévoyance doivent-elles vérifier si l’assuré a plusieurs rapports de prévoyance et perçoit également des prestations à ce titre ?

A notre avis, si une personne a plusieurs employeurs, chacun des employeurs doit être considéré individuellement. Le salarié annonce son intention de prendre une retraite partielle à chaque employeur ou à un seul s’il le souhaite. Pour chaque employeur, l’institution de prévoyance sait si tout le salaire de cet employeur est assuré auprès d’elle ou si une partie de salaire est assurée auprès d’une autre institution de prévoyance. Elle peut donc facilement se coordonner avec l’autre/les autres institutions de prévoyance de l’employeur.

 

10. En cas de retraite anticipée partielle, l’institution de prévoyance peut-elle disposer dans son règlement que l’assuré quitte la caisse si le salaire restant est inférieur au seuil d’entrée ?

L’art. 13a al. 4 LPP permet à une institution de prévoyance de prévoir réglementairement que, si dans le cadre de la retraite partielle, le salaire restant est inférieur au seuil d’entrée de l’institution de prévoyance, la prestation de vieillesse est obligatoirement perçue.

Si rien n’est prévu réglementairement, que se passe-t-il ? Si l’on considère que, du moment où il n’atteint plus le seuil d’entrée, l’assuré quitte l’institution de prévoyance, on devrait alors appliquer l’art. 2 al. 1bis LFLP. L’assuré pourrait alors demander le versement de sa prestation de sortie sur un compte de libre passage. Si, dans le cas où le règlement ne prévoit rien, c’est cette possibilité qui est retenue, il va de soi qu’un règlement pourrait prévoir une telle solution.

En cas de libre passage, la personne pourrait théoriquement demander le transfert auprès de deux fondations de libre passage.

 

11. L’institution de prévoyance doit-elle proposer un ajournement de la prestation de vieillesse sans cotisations d’épargne ?

Oui, l’institution de prévoyance doit offrir aux assurés l’ajournement de la perception de leur prestation de vieillesse sans verser des cotisations d’épargne. Les art. 13 al. 2 et 13b al. 2 LPP régissent le droit des assurés à ajourner la perception de leur prestation de vieillesse au-delà de l’âge de référence et jusqu’à la cessation de leur activité professionnelle (mais au plus tard jusqu’à 70 ans) en cas de poursuite de celle-ci. L’institution de prévoyance ne peut en revanche subordonner cet ajournement au versement de cotisations supplémentaires par le salarié et l’employeur.

Outre la garantie du droit légal des assurés à l’ajournement, l’institution de prévoyance peut prévoir dans son règlement la possibilité pour ses assurés de verser des cotisations supplémentaires en cas de poursuite de leur activité professionnelle (art. 33b LPP). Il faut toutefois expressément préciser que le maintien de la prévoyance dans ce cas est possible uniquement «sur demande de l’assuré».

 

12. À partir de quel âge une assurée appartenant à la génération transitoire peut-elle retirer son avoir du 3e pilier ?

Jusqu’à l’entrée en vigueur d’AVS 21 le 1er janvier 2024, les femmes peuvent retirer leur prestation du pilier 3a dès leur 59e anniversaire. Avant cette date, toutes les femmes nées entre 1960 et 1964 auront atteint l’âge de 59 ans.

Les femmes nées en 1964 peuvent donc également retirer leurs prestations du 3e pilier en 2023 à l’âge de 59 ans. Or, dès l’entrée en vigueur d’AVS 21 le 1er janvier 2024, le nouveau droit s’applique et un retrait pour les femmes nées en 1964 n’est possible qu’à partir de 60 ans. Les femmes nées en 1964 n’auraient donc pas la possibilité de retirer leur avoir en 2024 pendant quelques mois jusqu’à leur 60e anniversaire. L’OFAS estime toutefois que le droit que les femmes de cette génération ont acquis en 2023 de pouvoir retirer leur pilier 3a ne doit pas tomber avec l’entrée en vigueur d’AVS 21. Cette solution pragmatique permet d’éviter une interruption temporaire de la possibilité de retirer son avoir.

Exemple : une assurée née le 30 juin 1964 peut retirer son 3e pilier à partir du 1er juillet 2023 (l’ancien droit s’applique : retrait dès 59 ans). Bien que l’assurée n’ait pas encore 60 ans le 1er janvier 2024, elle garde la possibilité de retirer son 3e pilier puisque son droit a pris naissance le 1er juillet 2023.

Les femmes nées en 1965 auront 59 ans en 2024. Elles sont donc soumises au nouveau droit, et ne pourront retirer leur avoir qu’à leurs 60 ans, en 2025.

 

13. Jusqu’à quel âge au plus tard les assurées sans activité professionnelle appartenant à la génération transitoire doivent-elles retirer leur avoir du pilier 3a ?

Dès l’entrée en vigueur d’AVS 21 le 1er janvier 2024, tous les avoirs du 3e pilier doivent être retirés au plus tard à 65 ans (contre 64 ans actuellement pour les femmes cessant leur activité) si l’assuré n’exerce plus d’activité professionnelle. Pour les générations nées en 1961/1962/1963, les dispositions transitoires de l’AVS s’appliquent :

 

Année Année de naissance Retrait au plus tard à
2024 Femmes nées en 1960 64 ans
2025/2026 Femmes nées en 1961 64 ans et 3 mois
2026/2027 Femmes nées en 1962 64 ans et 6 mois
2027/2028 Femmes nées en 1963 64 ans et 9 mois
2029 Femmes nées en 1964 65 ans

Exemple : une assurée née le 30 novembre 1961 doit retirer son avoir du 3e pilier jusqu’au 28 février 2026 (à 64 ans et 3 mois).

 

14. Bien que la réforme AVS 21 n’entre en vigueur qu’en 2024, les institutions de prévoyance peuvent-elles déjà adapter le financement des rentes AVS transitoires cette année ?

Les rentes transitoires sont des rentes AVS de substitution allouées par les institutions de prévoyance conformément au règlement LPP durant la période précédant la retraite et jusqu’au versement d’une rente AVS ordinaire. Quelques institutions de prévoyance proposent de telles rentes transitoires. Ces dernières sont en général (co)financées par l’employeur ou par une réduction du montant de la rente versée à vie par l’institution de prévoyance à l’assuré.

Dès 2025, l’âge de référence pour les femmes sera relevé par étapes de trois mois, avec pour corollaire un allongement de la durée de versement des rentes AVS transitoires. Par exemple, la rente transitoire d’une femme née en 1962 et prenant sa retraite à 62 ans devra être versée six mois de plus, puisque celle-ci pourra percevoir une rente AVS pleine à 64 ans et six mois seulement. Il est donc nécessaire d’adapter le financement des rentes transitoires. Les institutions de prévoyance devraient donc d’ores et déjà pouvoir prendre des mesures visant à garantir le versement des prestations transitoires jusqu’à l’âge de référence réel, et non jusqu’à 64 ans seulement.

 

Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 161 du 11.05.2023 consultable ici

Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP), dans sa version au 01.01.2024, consultable ici

Loi fédérale du 17 décembre 1993 sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (Loi sur le libre passage, LFLP), dans sa version au 01.01.2024, consultable ici

 

Mitteilungen über die berufliche Vorsorge Nr. 161 (11.05.2023), Fragen und Antworten zu den Änderungen in der beruflichen Vorsorge im Rahmen der Reform AHV 21 – Stellungnahmen des BSV

 

 

 

 

 

9C_209/2022 (f) du 20.01.2023 – Survenance de l’incapacité de travail en lien avec un trouble affectif bipolaire – Rupture de la connexité temporelle – Troubles bipolaires similaires aux maladies évoluant par poussées – 23 let. a LPP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_209/2022 (f) du 20.01.2023

 

Consultable ici

 

Survenance de l’incapacité de travail en lien avec un trouble affectif bipolaire – Lien de connexité matérielle et temporelle / 23 let. a LPP

Rupture de la connexité temporelle – Troubles bipolaires similaires aux maladies évoluant par poussées

 

Assuré, né en 1984, ressortissant français domicilié en France, a travaillé du 01.05.2013 au 31.08. 2014 pour le compte de B.__ SA en qualité de technicien de maintenance. Il a subi un arrêt de travail du 12.05.2014 au 26.05.2014, puis du 02.06.2014 au 11.06.2014. Le 12.06.2014, l’employeur a résilié les rapports de travail avec effet au 31.08.2014.

L’assuré a ensuite notamment bénéficié d’indemnités journalières de la Caisse primaire d’assurance-maladie de Haute-Savoie (CPAM) et d’allocations chômage d’aide au retour à l’emploi (ARE) de l’assurance-chômage française de manière intermittente entre 2014 et 2018. A la suite d’une demande de prestations déposée en avril 2019, l’Office de l’assurance-invalidité pour les assurés résidant à l’étranger a, par décision du 31.01.2020, reconnu le droit de l’assuré à une rente entière dès le 01.10.2019.

De son côté, l’institution de prévoyance a informé l’assuré qu’elle refusait de lui allouer une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle, parce que les périodes de chômage avaient rompu la connexité temporelle « avec le cas d’incapacité de travail survenu le 01.01.2014 ».

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/221/2022 – consultable ici)

Le 11.11.2020, l’assuré a ouvert action contre l’institution de prévoyance.

La juridiction cantonale a admis l’existence d’un lien de connexité matérielle entre l’incapacité de travail liée à un trouble affectif bipolaire survenue dès mai 2014, soit pendant l’affiliation de l’assuré à l’institution de prévoyance, et l’invalidité ayant ouvert le droit de l’assuré à une rente AI dès octobre 2019. Les juges cantonaux ont ensuite constaté que l’assuré avait bénéficié de 513 jours d’allocations de chômage entre le 19.04.2016 et le 26.11.2017, soit pendant environ une période de 19 mois, laquelle avait été entrecoupée par de brefs arrêts de travail totalisant 19 jours à la fin de l’année 2016, puis par deux hospitalisations dans le courant de l’année 2017. Nonobstant ces brefs arrêts de travail, l’assuré avait été jugé apte au placement par les organes français de l’assurance-chômage et n’avait pas été hospitalisé entre novembre 2015 et juin 2017. En conséquence, pour la juridiction cantonale, la période pendant laquelle l’assuré avait reçu des allocations de chômage avait été suffisamment longue pour considérer que le lien de connexité temporelle entre l’incapacité de travail déterminante et l’invalidité subséquente avait était rompu.

Par jugement du 10.03.2022, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 6.1
Il convient de relever d’emblée que ce n’est pas seulement l’intervalle du 19.04.2016 au 26.11.2017 qui est déterminant pour examiner la condition de la connexité temporelle, mais bien la période courant d’avril 2014 à mai 2019. Celle-ci correspond en effet à la période entre l’incapacité de travail (de plus de 20% [cf. ATF 144 V 58 consid. 4.4]) survenue pendant l’affiliation de l’assuré à l’institution de prévoyance et celle ayant ouvert le droit à une rente de l’assurance-invalidité suisse.

Consid. 6.2
La connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l’invalidité ultérieure est interrompue lorsque la personne concernée dispose d’une capacité de travail de plus de 80% dans une activité adaptée pendant plus de trois mois et que celle-ci lui permet de réaliser un revenu excluant le droit à une rente (ATF 144 V 58 consid. 4.4 et les références). Toutefois, cette durée de trois mois doit être relativisée lorsque l’activité en question doit être considérée comme une tentative de réinsertion, en particulier lorsque l’invalidité résulte d’une maladie évoluant par poussées, telle que la sclérose en plaque ou la schizophrénie. Lorsque les tableaux cliniques sont caractérisés par des symptômes évoluant par vagues, avec une alternance des périodes d’exacerbation et de rémission, même une phase plus longue pendant laquelle la personne assurée avait pu reprendre le travail n’implique pas forcément une amélioration durable de l’état de santé et de la capacité de travail si chaque augmentation de la charge professionnelle entraîne après quelque temps, en règle générale, une recrudescence des symptômes conduisant à une nouvelle incapacité de travail notable. La jurisprudence essaie d’en tenir compte en accordant une signification particulière aux circonstances de chaque cas d’espèce (arrêt 9C_333/2020 du 23 février 2021 consid. 5.2 et les références). En cas de troubles bipolaires – comme en l’occurrence -, qui présentent une certaine similarité avec les maladies évoluant par poussées, on peut s’inspirer de ces principes (arrêts 9C_142/2016 du 9 novembre 2016 consid. 7.2 et 7.3.3 et les références; 9C_61/2014 du 23 juillet 2014 consid. 5.3.1).

Consid. 6.3
En premier lieu, on constate que la période pendant laquelle l’assuré a travaillé et a été mis au bénéfice d’indemnités de l’assurance-chômage française a été précédée et suivie d’incapacités totales de travail. Il a de ce fait perçu des indemnités journalières de l’assurance-maladie qui concernaient «un arrêt de travail en rapport à une affection de longue durée» du 16.11.2014 au 20.04.2016, puis du 30.11.2017 au 30.11.2018.

En deuxième lieu, il apparaît que même durant la période de perception de prestations de chômage d’avril 2016 à novembre 2017, l’assuré n’a pas récupéré durablement une capacité de travail d’au moins 80% (cf. ATF 144 V 58). En effet, lorsque celui-ci a travaillé du 28.09.2016 au 30.12.2016, il a présenté des incapacités totales de travail ayant donné lieu au versement d’indemnités journalières pour cause de maladie du 23.11.2016 au 27.11.2016, puis du 06.12.2016 au 19.12.2016. Pour cette période, le médecin-traitant et la psychiatre-traitante ont notamment indiqué qu’il présentait à nouveau des troubles du sommeil, ne dormait plus qu’une à deux heures par nuit en raison du travail, était angoissé, présentait des insomnies et « rechutait » dès qu’il travaillait. Si ces indications sont effectivement succinctes, comme le relève la juridiction cantonale, elles mettent cependant en évidence que l’assuré n’avait pas récupéré une capacité de travail déterminante pendant la période de chômage, puisque la reprise concrète d’une activité lucrative a mené à une nouvelle déstabilisation de son état de santé et à une recrudescence des symptômes psychiques avec des arrêts de travail. Les constatations en temps réel («echtzeitlich») du médecin traitant se recoupent avec ses conclusions du 24.03.2020, selon lesquelles malgré le fait que l’assuré a «basculé» du régime de l’assurance-maladie dans celui de l’assurance-chômage, la seule tentative de reprise de travail s’était soldée par un échec. Aussi, la reprise du travail pendant une brève période en 2016 doit être tout au plus qualifiée de tentative de réinsertion, sans que l’assuré n’ait réussi à réintégrer durablement la vie professionnelle.

Dans le même sens, le médecin examinateur auprès du service médical de l’Assurance-maladie française a conclu que la composante hypomaniaque du trouble bipolaire de l’assuré – bien qu’elle semblât émerger de temps en temps lors des séjours hospitaliers effectués – avait évolué depuis le début de ses difficultés médicales (en 2014) vers la «chronicisation» des troubles thymiques, formant un noyau symptomatique durable; pour ce praticien, un tableau clinique de dépression sévère persistait sur une période de cinq ans malgré les nombreuses tentatives thérapeutiques (rapport du 04.04.2019). Dans ces circonstances, il n’apparaît pas que la maladie psychique de l’assuré ait connu de rémission lui ayant permis de recouvrer une capacité de travail (de plus de 80% entre avril 2014 à mai 2019), et ce nonobstant l’absence d’hospitalisation durant la période mentionnée par les juges cantonaux.

Consid. 6.4
Il suit de ce qui précède que la cour cantonale a violé l’art. 23 LPP en retenant une rupture de la connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue à l’époque où l’intéressé était affilié auprès de l’institution de prévoyance et son invalidité ultérieure. L’assuré a droit à une rente de la prévoyance professionnelle de la part de l’institution de prévoyance.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à la juridiction cantonale pour qu’elle statue à nouveau dans le sens des considérants.

 

Arrêt 9C_209/2022 consultable ici

 

9C_435/2021 (f) du 07.09.2022 – Notion de survenance de l’incapacité de travail – 23 LPP / Connexité matérielle et temporelle – Principes généraux en matière de droit transitoire

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_435/2021 (f) du 07.09.2022

 

Consultable ici

 

Notion de survenance de l’incapacité de travail / 23 LPP

Connexité matérielle et temporelle

Principes généraux en matière de droit transitoire

 

Assurée, née en 1963, a travaillé notamment comme secrétaire comptable auprès d’un grand magasin de 1985 à 1990, puis comme commise administrative à 50% auprès de l’Hôpital C.__ dès le 01.08.1996. A ce titre, elle était affiliée pour la prévoyance professionnelle auprès de la caisse de prévoyance CIA du 01.08.1996 au 31.01.2002, puis de la caisse de prévoyance CEH dès le 01.02.2002. Le 01.01.2014, la CEH a fusionné avec la CIA afin de constituer la Caisse de prévoyance de l’Etat de Genève (ci-après: la CPEG).

En mars 2017, l’assurée a déposé une demande AI. Dans un avis du 07.03.2018, le médecin auprès du SMR a diagnostiqué une anorexie mentale; l’assurée était en incapacité de travail à 50% depuis le 17.05.1989 et à 100% depuis le 25.04.2017. L’office AI a, en se fondant sur l’avis du médecin de son SMR, octroyé à l’assurée une rente entière de l’assurance-invalidité dès le 01.09.2017 (décision du 21.11.2018).

Donnant suite à la décision de l’office AI, la CPEG a nié le droit de l’assurée à des prestations de la prévoyance professionnelle au motif que l’incapacité de travail de celle-ci était survenue le 17.05.1989, soit avant l’affiliation du 01.08.1996.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/677/2021 – consultable ici)

Par jugement du 24.06.2021, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
La CPEG est une institution de prévoyance de droit public dite enveloppante, en ce sens qu’elle alloue à ses affiliés des prestations obligatoires et plus étendues (sur la notion d’institution de prévoyance enveloppante, voir ATF 140 V 169 consid. 6.1). Une telle institution est libre de définir, dans les limites des dispositions expressément réservées à l’art. 49 al. 2 LPP en matière d’organisation, de sécurité financière, de surveillance et de transparence, le régime de prestations, le mode de financement et l’organisation qui lui convient, pour autant qu’elle respecte les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que l’interdiction de l’arbitraire (ATF 140 V 145 consid. 3.1 et les références).

La faculté réservée aux institutions de prévoyance en vertu de l’art. 49 al. 2 LPP n’implique cependant pas pour elles un pouvoir discrétionnaire. Lorsqu’elles adoptent dans leurs statuts ou règlements un certain système d’évaluation, elles doivent se conformer, dans l’application des critères retenus, aux conceptions de l’assurance sociale ou aux principes généraux (voir par exemple, en ce qui concerne la notion de l’invalidité, ATF 120 V 106 consid. 3c, ou en ce qui concerne la notion de l’événement assuré, arrêts B 31/03 du 23 janvier 2004 consid. 3; B 57/02 du 19 août 2003 consid. 3.3; B 40/93 du 22 juin 1995 consid. 4, in SVR 1995 LPP n° 43 p. 127). Autrement dit, si elles ont une pleine liberté dans le choix d’une notion, elles sont néanmoins tenues de donner à celle-ci sa signification usuelle et reconnue en matière d’assurance (arrêt 9C_52/2020 du 1 er février 2021 consid. 5.2.1, non publié in ATF 147 V 146).

Consid. 3.2
Le règlement d’une institution de prévoyance de droit public peut être modifié même en l’absence de toute disposition réservant un changement de réglementation, à condition toutefois de respecter les principes d’égalité de traitement et d’interdiction de l’arbitraire (ATF 135 V 382 consid. 6.1; 134 I 23 consid. 7.2 et les références citées). La nouvelle réglementation ne doit également pas porter atteinte aux droits acquis. Ces derniers ne naissent en faveur des personnes concernées que si la loi a fixé une fois pour toutes les relations en cause pour les soustraire aux effets des modifications légales, ou lorsque des assurances précises ont été données à l’occasion d’un engagement individuel (sur la notion de droits acquis, voir ATF 143 I 65 consid. 6.2; 134 I 23 consid. 7.2). En matière de prévoyance plus étendue, seul le droit à la rente comme tel constitue un droit acquis, lequel n’est pas touché par un changement des paramètres de calcul de la surindemnisation, même si ce changement peut avoir une incidence sur le montant des prestations d’assurance en cours (ATF 144 V 236 consid. 3.4.1; arrêt 9C_111/2018 du 14 septembre 2018 consid. 4.2 et les références).

 

Consid. 5.1
La juridiction cantonale a retenu que l’incapacité de travail de l’assurée était survenue le 17.05.1989, soit à une époque où l’intéressée n’était pas encore assurée auprès de la caisse de prévoyance. En raison d’une anorexie mentale, l’assurée avait été incapable de travailler à 50% du 17.05.1989 au 24.04.2017, puis à 100% dès le 25.04.2017. Dans la mesure où elle n’avait pas présenté une capacité de travail de plus de 80% dans une activité adaptée pendant plus de trois mois depuis le 17.05.1989, le lien de connexité matérielle et temporelle entre l’incapacité de travail survenue à cette date et l’invalidité reconnue « officiellement en septembre 2017 » n’avait par ailleurs pas été interrompu. Il n’incombait par conséquent pas à l’institution de prévoyance de prendre en charge le cas d’invalidité, l’incapacité de travail déterminante existant déjà à une époque où l’assurée n’était pas encore assurée auprès de la caisse de prévoyance.

Consid. 6.1
D’après les principes généraux en matière de droit transitoire, on applique, en cas de changement de règles de droit et sauf réglementation transitoire contraire, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement et qui a des conséquences juridiques. Ces principes valent également en cas de changement de dispositions réglementaires ou statutaires des institutions de prévoyance (ATF 138 V 176 consid. 7.1 et les références). Leur application ne soulève pas de difficultés en présence d’un événement unique, qui peut être facilement isolé dans le temps. S’agissant par exemple des prestations de survivants, on applique les règles en vigueur au moment du décès de l’assuré, c’est-à-dire la date à laquelle naît le droit aux prestations du bénéficiaire (ATF 137 V 105 consid. 5.3.1 et la référence).

En cas d’incapacité de travail donnant lieu à une rente d’invalidité, l’état de fait dont découle le droit aux prestations de la prévoyance professionnelle n’est pas la survenance de l’incapacité de travail, événement déterminé dans le temps, mais l’incapacité de travail comme telle, qui est un état durable. La situation juridique qui donne lieu à une rente d’invalidité n’est donc pas ponctuelle, mais perdure jusqu’à la naissance du droit aux prestations de la prévoyance professionnelle. En cas de modification réglementaire après la survenance de l’incapacité de travail, mais avant le début du droit aux prestations, ce sont donc les nouvelles règles qui sont applicables, sauf disposition contraire (ATF 121 V 97 consid. 1c).

Consid. 6.2
Ces principes conduisent à retenir que le droit de l’assurée à une rente de la prévoyance professionnelle (surobligatoire) doit être examiné conformément aux dispositions du RCPEG et non pas des statuts de la CEH, comme l’ont retenu à juste titre les juges cantonaux. En effet, l’état de fait dont découle le droit aux prestations – que ce soit en vertu de l’art. 27 des statuts ou de l’art. 33 RCPEG – est l’incapacité de remplir sa fonction ou l’incapacité de remplir au sens de l’assurance-invalidité comme telle, qui est un état de fait durable. La situation juridique qui donne lieu à une rente d’invalidité perdure donc jusqu’à la naissance du droit aux prestations, coïncidant ici avec celui du droit à une rente de l’assurance-invalidité (art. 33 al. 3 RCPEG; art. 27 al. 4 des statuts), soit le 01.09.2017. Le RCPEG ne contient en outre aucune disposition transitoire qui déclarerait applicables les anciennes dispositions en cas d’incapacité de travail survenue avant cette date.

Par ailleurs, l’art. 27 al. 1 des statuts de la CEH n’attache aucune conséquence juridique particulière à la date de la survenance de l’incapacité de travail, tant et aussi longtemps que cette incapacité ne fonde pas un droit à des prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle. Dans la mesure où aucun droit à la rente en faveur de l’assurée n’a pris naissance sous l’empire des statuts de la CEH, l’assurée ne saurait par conséquent être suivie lorsqu’elle prétend être au bénéfice d’un droit acquis, qui conduirait, selon elle, à l’application des statuts de la CEH.

 

Consid. 7.1
Dans le domaine de la prévoyance professionnelle obligatoire, le versement des prestations d’invalidité incombe à l’institution de prévoyance auprès de laquelle la personne assurée était affiliée au moment de la survenance de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité, même si celle-ci est survenue après la fin des rapports de prévoyance (art. 23 let. a LPP; ATF 138 V 227 consid. 5.1 et les références citées). Ce principe sert à délimiter les responsabilités entre institutions de prévoyance, notamment lorsque le travailleur, déjà atteint dans sa santé dans une mesure propre à influer sur sa capacité de travail, entre au service d’un nouvel employeur en changeant en même temps d’institution de prévoyance, et bénéficie, ultérieurement, d’une rente de l’assurance-invalidité (ATF 123 V 262 consid. 1c; 121 V 97 consid. 2a; arrêt 9C_797/2013 du 30 avril 2014 consid. 3.4).

Les mêmes principes sont applicables en matière de prévoyance professionnelle surobligatoire, à tout le moins en l’absence de dispositions réglementaires ou statutaires contraires (ATF 138 V 409 consid. 6.1; 136 V 65 consid. 3.2; 123 V 262 consid. 1b).

Consid. 7.2
En l’espèce, le RCPEG, applicable au présent litige, prévoit que le membre salarié reconnu invalide par l’AI l’est également par la caisse pour autant qu’il ait été assuré auprès de la caisse lorsqu’est survenue l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité (art. 33 al. 1 RCPEG). Cette disposition réglementaire a donc la même teneur que l’art. 23 let. a LPP, sur les points litigieux. Les principes posés par l’art. 23 let. a LPP s’imposent par conséquent dans le domaine de la prévoyance professionnelle surobligatoire, dans la mesure où le RCPEG n’y déroge aucunement.

Consid. 7.3
La référence de l’assurée à l’arrêt B 101/02 n’y change rien. Dans le cadre de la prévoyance professionnelle surobligatoire, les institutions de prévoyance sont libres de définir, dans les limites des dispositions expressément réservées à l’art. 49 al. 2 LPP, le régime de prestations qui leur convient (arrêt B 101/02 précité consid. 4.1). A cet égard, elles peuvent notamment faire dépendre le droit à une rente d’invalidité étendue (respectivement le droit à la part étendue de la rente d’invalidité en cas de solutions de prévoyance enveloppantes) de l’existence du rapport de prévoyance au moment de la survenance, respectivement de l’aggravation de l’invalidité définie réglementairement (ATF 118 V 158 consid. 5a; arrêt 9C_658/2016 du 3 mars 2017 consid. 6.4.2; HÜRZELER, Commentaire LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n° 5 et 58 ad art. 23 LPP et les références). Le cas échéant, elles ont alors la possibilité d’instituer une réserve pour l’affection qui est à l’origine de l’invalidité (arrêt B 101/02 précité consid. 4.4; ATF 118 V 158 consid. 5a). Dans l’arrêt B 101/02, le Tribunal fédéral a jugé qu’une obligation de prester à la charge des institutions de prévoyance peut découler de l’interprétation de leur règlement de prévoyance selon le principe de la confiance lorsqu’elles renoncent à instituer une réserve, alors qu’elles ont dûment connaissance d’une atteinte à la santé préexistante. Tel est le cas de l’institution de prévoyance qui confirme expressément à la personne concernée, sur la base d’investigations médicales qui ont révélé une atteinte à la santé préexistante, qu’elle l’assure sans réserve pour sa capacité de gain résiduelle (arrêt B 101/02 consid. 4.4).

A l’inverse de la situation qui a donné lieu à l’arrêt B 101/02 précité, l’assurée n’a pas établi en l’espèce que la caisse de prévoyance avait eu connaissance du certificat d’examen médical du 18.01.2002. Il s’agit en effet d’un certificat d’aptitude demandé par l’employeur, singulièrement par la Direction des ressources humaines de l’Hôpital C.__. On ne voit dès lors pas ce que ce certificat médical, qui n’a pas été porté à la connaissance de la caisse de prévoyance, apporterait de plus à l’interprétation littérale de l’art. 33 al. 1 RCPEG. Qui plus est, le médecin qui a rédigé ce certificat a uniquement confirmé l’aptitude de l’assurée à exercer sa fonction à un taux d’activité de 50% et n’a pas mentionné une atteinte à la santé préexistante (voire une incapacité de travail pour les 50% restants). Dans ces circonstances, les motifs invoqués par l’assurée, en particulier le fait qu’elle a été assurée sans réserve par la caisse de prévoyance (à ce sujet, voir arrêt 9C_536/2012 du 28 décembre 2012 consid. 2.4), ne justifient aucunement de s’écarter des conditions d’assurance résultant du RCPEG.

Consid. 7.4
Finalement, l’assurée ne prétend pas que le lien de connexité temporelle et matérielle entre l’incapacité de travail survenue dès 1989 et l’invalidité ultérieure a été interrompue. Il s’ensuit que la juridiction cantonale a retenu à juste titre que l’institution de prévoyance intimée, auprès de laquelle l’assurée n’était pas affiliée lors de la survenance de l’incapacité de travail déterminante en 1989, n’est pas tenue de prendre en charge le cas d’invalidité ainsi que son aggravation.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_435/2021 consultable ici

 

La réforme AVS 21 entrera en vigueur le 1er janvier 2024 : les dispositions d’exécution mises en consultation

La réforme AVS 21 entrera en vigueur le 1er janvier 2024 : les dispositions d’exécution mises en consultation

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 09.12.2022 consultable ici

 

Lors de sa séance du 9 décembre 2022, le Conseil fédéral a fixé au 1er janvier 2024 la date d’entrée en vigueur de la réforme AVS 21. Il a également mis en consultation, jusqu’au 24 mars 2023, les dispositions d’exécution correspondantes.

Le 25 septembre 2022, le peuple suisse a accepté la réforme Stabilisation de l’AVS (AVS 21), qui comprend une modification de la loi sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS) ainsi qu’un arrêté fédéral sur le financement additionnel de l’AVS par le biais d’un relèvement de la TVA.

Les taux de TVA ne peuvent être adaptés qu’au début d’une année civile afin de limiter la charge administrative des entreprises assujetties, et les caisses de compensation et les employeurs doivent disposer de suffisamment de temps pour mettre en œuvre la réforme. Le Conseil fédéral a tenu compte de ces circonstances et décidé que la réforme AVS 21 entrera en vigueur le 1er janvier 2024.

Il a retenu la même date pour l’entrée en vigueur de l’ordonnance concernant le relèvement des taux de la taxe sur la valeur ajoutée pour le financement additionnel de l’AVS. Les taux de TVA suivants s’appliqueront à partir du 1er janvier 2024 : le taux normal passera de 7,7 à 8,1%, le taux spécial pour l’hébergement, de 3,7 à 3,8%, et le taux réduit, de 2,5 à 2,6%.

 

Consultation sur les dispositions d’exécution

La mise en œuvre de la réforme AVS 21 suppose également d’apporter certaines modifications aux dispositions d’exécution qui figurent dans le règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants (RAVS) et dans son annexe pour les autres actes. Les principales dispositions concernées sont les suivantes :

  • Par analogie avec la loi, le terme « âge de la retraite » doit être remplacé par « âge de référence » aussi bien dans le RAVS que dans les autres ordonnances.
  • Les mesures de compensation prévues dans la loi en faveur des femmes nées entre 1961 et 1969 sont précisées dans le RAVS, notamment les taux de réduction en cas d’anticipation et les montants du supplément de rente en cas de rente partielle.
  • L’assouplissement des conditions de départ à la retraite implique également d’apporter des précisions tant dans le RAVS que dans de nombreux autres textes, en particulier en ce qui concerne les modalités en cas de modification du pourcentage de la rente perçue.
  • Enfin, le RAVS doit contenir des dispositions concrètes pour que les personnes qui continuent d’exercer une activité lucrative après l’âge de référence puissent choisir de cotiser sur la totalité de leur salaire ou seulement sur la partie qui dépasse la franchise de 16 800 francs par an. La manière dont les cotisations sont prises en compte dans le calcul ultérieur de la rente est également précisée.

 

Relèvement de l’âge de référence pour les femmes

L’âge de référence des femmes sera relevé de 64 à 65 ans en quatre étapes. Avec une entrée en vigueur de la réforme le 1er janvier 2024, l’âge de référence des femmes augmentera pour la première fois de trois mois le 1er janvier 2025. Cette première étape concernera les femmes nées en 1961. Les étapes suivantes relèveront l’âge de référence à 64 ans et six mois pour les femmes nées en 1962, puis à 64 ans et neuf mois pour celles nées en 1963 et enfin à 65 ans pour celles nées en 1964. À partir du début de l’année 2028, l’âge de référence sera donc de 65 ans pour tous les assurés. Le relèvement par étapes de l’âge de référence s’applique par analogie à la prévoyance professionnelle.

 

Le Conseil fédéral a mis les adaptations prévues du RAVS en consultation jusqu’au 24 mars 2023.

 

 

Rapport explicatif relatif à l’ouverture de la procédure de consultation (consultable ici)

Condensé

Le projet de stabilisation de l’AVS (réforme AVS 21) vise à garantir à moyen terme le financement des rentes AVS. Les modifications d’ordonnances apportent les précisions nécessaires aux modifications apportées dans la loi.

Contexte

Le Parlement a adopté en vote final la réforme AVS 21 qui contient les projets de modification de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS) et d’arrêté fédéral sur le financement additionnel de l’AVS par le biais de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Le référendum contre la modification de la LAVS a abouti, si bien que l’objet a été soumis en votation populaire le 25 septembre 2022, conjointement à l’arrêté fédéral. La modification de la LAVS a été acceptée par 50,55% des votants. L’arrêté fédéral a quant à lui été soutenu par 55,07% des votants et 18 cantons.

Contenu du projet

Les modifications d’ordonnances concernant la mise en œuvre de la réforme de l’AVS sont de nature technique ou procédurale. Le Conseil fédéral apporte les précisions nécessaires sur la base des délégations qui lui ont été confiées. Les principales modifications concernent les points suivants :

  • Adaptations nécessaires afin que les personnes continuant d’exercer une activité lucrative après l’âge de référence puissent décider d’appliquer ou non la franchise (droit d’option) et que les cotisations versées après l’âge de référence puissent être prises en compte dans le calcul de la rente ;
  • Taux d’anticipation fixés au mois exact dans le cadre de la retraite anticipée et modifications de détail en lien avec la flexibilisation de la retraite ;
  • Précisions relatives aux mesures de compensation, en particulier les taux d’anticipation et les montants du supplément pour les rentes partielles ;
  • Modifications d’ordre rédactionnel concernant l’âge de référence.

Compte tenu de l’ampleur des travaux de mise en œuvre, l’entrée en vigueur de l’arrêté fédéral sur le financement additionnel de l’AVS par le biais d’un relèvement de la TVA et de la modification de la LAVS du 17 décembre 2021 a été fixée au 1er janvier 2024.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 09.12.2022 consultable ici

Rapport explicatif relatif à l’ouverture de la procédure de consultation consultable ici

Projet de RAVS (AVS 21) mis en consultation disponible ici

Projet de l’Ordonnance concernant le relèvement des taux de la taxe sur la valeur ajoutée pour le financement additionnel de l’AVS disponible ici

 

9C_300/2021 (d) du 03.05.2022 – Obligation de cotiser : assujettissement réglementaire des revenus d’activités accessoires – 2 LPP – 49 LPP – 1j al. 1 let. c OPP 2

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_300/2021 (d) du 03.05.2022

 

Arrêt 9C_300/2021 consultable ici, résumé du Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 160 du 10.11.2022 disponible ici

 

Obligation de cotiser : assujettissement réglementaire des revenus d’activités accessoires / 2 LPP – 49 LPP – 1j al. 1 let. c OPP 2

 

Le règlement d’une institution de prévoyance peut prévoir que les revenus tirés d’une activité accessoire inférieurs au seuil d’accès LPP soient également soumis à l’obligation de cotiser à la prévoyance professionnelle s’ils sont réalisés auprès d’un employeur qui est affilié à la même institution de prévoyance que l’employeur de l’activité exercée à titre principal.

Une personne assurée est active auprès de deux employeurs qui sont affiliés à la même institution de prévoyance. Dans son activité principale, la personne assurée est obligatoirement assurée à la prévoyance professionnelle. L’institution de prévoyance soumet désormais également à l’obligation de cotiser le revenu de l’activité exercée à titre accessoire, qui correspond à un salaire annuel de seulement 10 000 francs. Elle le fait sur la base de son règlement, lequel prévoit que tous les revenus soumis à l’AVS réalisés par une personne assurée auprès des employeurs qui lui sont affiliés sont soumis à l’obligation de cotiser. La personne assurée s’y oppose, arguant que selon l’art. 1j, al. 1, let. c, OPP 2, les salariés exerçant une activité accessoire ne sont pas soumis à l’assurance obligatoire s’ils y sont déjà assujettis pour une activité lucrative exercée à titre principal.

Le TF considère que, dans le cas présent, le revenu de l’activité accessoire est inférieur au seuil d’entrée et qu’il n’est donc pas soumis à la prévoyance obligatoire. Cependant, il relève qu’en matière de prévoyance étendue au-delà des prestations minimales, il n’existe aucune disposition impérative concernant un salaire minimum ou l’assurance des salariés au service de plusieurs employeurs (art. 49, al. 2, LPP). Contrairement à la thèse défendue par la personne assurée, l’art. 1j, al. 1, let. c, OPP 2, fondé sur l’art. 2, al. 4, LPP, n’est donc pas obligatoirement applicable. Au contraire, la LPP autorise une couverture d’assurance plus étendue que celle prévue par la loi. Dans le cadre de la prévoyance étendue au-delà des prestations minimales, une institution de prévoyance peut également assurer des revenus qui sont inférieurs au salaire minimum de la prévoyance obligatoire (prévoyance sous-obligatoire).

Le TF arrive donc à la conclusion que le règlement d’une institution de prévoyance peut soumettre à l’obligation de cotiser les revenus d’une activité accessoire qui se situent en dessous du seuil d’entrée.

 

Arrêt 9C_300/2021 consultable ici

Résumé in Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 160 du 10.11.2022 disponible ici

 

9C_31/2021 (d) du 14.04.2022, publié 148 V 234 – Obligation de cotiser : activité accessoire auprès du même employeur assujettie à l’assurance obligatoire – 2 LPP – 1j al. 1 OPP 2

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_31/2021 (d) du 14.04.2022, publié 148 V 234

 

Arrêt 9C_31/2021 consultable ici, résumé du Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 160 du 10.11.2022 disponible ici

ATF 148 V 234 consultable ici

 

Obligation de cotiser : activité accessoire auprès du même employeur assujettie à l’assurance obligatoire / 2 LPP – 1j al. 1 OPP 2

 

Si la personne exerce une activité accessoire pour l’employeur auprès duquel son activité principale est déjà assujettie à la prévoyance professionnelle, l’activité accessoire l’est également. Dans ce cas l’art. 1j, al. 1, let. c, OPP 2 ne s’applique pas : il y a donc lieu d’additionner les salaires obtenus pour les deux activités.

Dans le cas présent, la personne était assurée à la prévoyance professionnelle pour un taux d’activité de 100%. En outre, elle exerçait des activités accessoires mineures pour le même employeur. Le Tribunal fédéral (TF) devait examiner si les rémunérations reçues pour les activités accessoires devaient être additionnées au salaire obtenu pour l’activité principale, ou s’il s’agissait d’une activité accessoire au sens de l’art. 1j, al. 1, let. c, OPP 2, qui n’est pas assujettie à l’assurance obligatoire.

Selon le TF, l’énoncé de l’art. 2, al. 1, LPP (« d’un même employeur »), indique que pour l’addition des salaires, le seul élément déterminant est de savoir si les revenus ont été réalisés auprès du même employeur. De même, selon le message sur la LPP, le seul élément déterminant est de savoir si le salaire annuel à prendre en compte a été réalisé auprès d’un seul et même employeur. La prévoyance professionnelle vise à maintenir le niveau de vie des assurés. Pour y parvenir, il importe de prendre en compte, dans la mesure du possible, tous les salaires versés. Seuls les salaires dont la saisie entraînerait une charge disproportionnée ne doivent pas être pris en compte. Dans ce cas, les frais administratifs supplémentaires seraient disproportionnés par rapport à la faible augmentation de la couverture de prévoyance.

Lorsqu’une personne salariée exerce plusieurs activités pour le même employeur, c’est en général la même institution de prévoyance qui est compétente pour toutes les activités. Selon le TF, la charge administrative supplémentaire est alors insignifiante. Il arrive donc à la conclusion que lorsque la personne assurée exerce une activité principale et une activité accessoire auprès du même employeur, l’art. 1j, al. 1, let. c, OPP 2, n’est pas applicable. En vertu de l’art. 2, al. 1, LPP, il y a donc lieu d’additionner les salaires réalisés pour les deux activités et de payer les cotisations LPP sur la somme totale.

 

Arrêt 9C_31/2021 consultable ici

ATF 148 V 234 consultable ici

Résumé in Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 160 du 10.11.2022 disponible ici

 

5A_907/2021 (f) du 20.04.2022, publié 148 III 232 – Séquestre des avoirs de prévoyance – 92 al. 1 LP – 275 LP – 4 LFLP – 5 LFLP – 16 OLP

Arrêt du Tribunal fédéral 5A_907/2021 (f) du 20.04.2022, publié 148 III 232

 

Arrêt 5A_907/2021 consultable ici, résumé du Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 160 du 10.11.2022 disponible ici

ATF 148 III 232 consultable ici

 

Séquestre des avoirs de prévoyance – Condition de l’exigibilité du droit aux prestations / 92 al. 1 LP – 275 LP – 4 LFLP – 5 LFLP – 16 OLP

 

L’avoir de prévoyance ne peut faire l’objet d’un séquestre que si la personne assurée a fait une demande de versement. Ce principe vaut pour les avoirs de prévoyance du 2e pilier, y compris les comptes et polices de libre passage, ainsi que pour les avoir de prévoyance individuelle liée (pilier 3a). Une demande de transfert dans une institution de libre passage ne suffit pas pour rendre séquestrable l’avoir de prévoyance.

Dans cet arrêt, le TF a examiné la question de savoir s’il pouvait y avoir séquestre de la prestation de sortie de l’intimé qui était détenue par son ancienne institution de prévoyance à laquelle il avait cessé d’être affilié facultativement comme indépendant et à qui il avait donné l’ordre de transférer sa prestation de sortie à une institution de libre passage. Selon l’art. 275 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP), les art. 91 à 109 LP relatifs à la saisie s’appliquent par analogie à l’exécution du séquestre. L’art. 92 LP, al. 1, ch. 10 LP, déclare insaisissables « les droits aux prestations de prévoyance et de libre passage non encore exigibles à l’égard d’une institution de prévoyance professionnelle ».

Le TF a déjà jugé, au sujet du paiement en espèces de la prestation de sortie en cas de libre passage (art. 5 LFLP), que la simple possibilité de demander le paiement ne provoque pas l’exigibilité de la prestation. La demande de paiement en espèces de la prestation de sortie en cas de libre passage est une condition dont dépend l’exigibilité du droit au paiement. Aussi longtemps qu’une telle demande n’est pas déposée, la prestation de libre passage doit rester affectée au maintien de la prévoyance et ne peut donc être ni saisie, ni séquestrée. Le TF a déjà également considéré qu’il n’y a rien d’abusif de se conformer aux règles qui permettent de maintenir l’affectation de la prestation de sortie au but de prévoyance, même lorsque les conditions pour obtenir un versement sont remplies.

En l’espèce, le TF a jugé que la prestation de libre passage n’était pas exigible et donc pas séquestrable, car l’intimé avait demandé à son ancienne institution de prévoyance le transfert de celle-ci sur un compte auprès d’une institution de libre passage afin de maintenir sa prévoyance sur la base de l’art. 4 LFLP.

 

Arrêt 5A_907/2021 consultable ici

ATF 148 III 232 consultable ici

Résumé in Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 160 du 10.11.2022 disponible ici

 

9C_374/2021 (f) du 03.05.2022 – Fin des rapports de travail – Convention de résiliation – Indemnité de départ versée postérieurement – Cotisation et fin de l’affiliation à l’institution de prévoyance / 10 al. 2 LPP – 331a CO

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_374/2021 (f) du 03.05.2022

 

Consultable ici

 

Fin des rapports de travail – Convention de résiliation – Indemnité de départ versée postérieurement – Cotisation et fin de l’affiliation à l’institution de prévoyance / 10 al. 2 LPP – 331a CO

 

L’assurée a travaillé pour la B.__ (l’employeur) dès le 01.03.2019. Le 06.02.2020, l’assurée et l’employeur ont signé un acte dans lequel elles convenaient de mettre fin aux rapports de travail de la prénommée avec effet au 29.02.2020, d’entente entre elles et d’un commun accord. L’employée était libérée de son obligation de travailler jusqu’à la fin des rapports de travail, le 29.02.2020. L’employeur s’engageait à payer à l’assurée le 01.04.2020 un montant total de 182’272 fr. brut, dont à déduire les charges sociales et légales usuelles. Ce montant brut correspondait au préavis de congé de six mois (102’528 fr. brut), au 13ème salaire pro rata temporis calculé sur huit mois (11’392 fr. brut) et à une indemnité équivalente à quatre mois du salaire mensuel brut, à bien plaire, par gain de paix, et sans aucune reconnaissance de responsabilité (68’352 fr. brut).

A la demande de l’assurée, l’employeur lui a indiqué le 17.03.2020 que l’indemnité de départ ne sera pas soumise aux cotisations de prévoyance professionnelle, dont le paiement avait pris fin au 29.02.2020.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/477/2021 – consultable ici)

Par demande du 14.08.2020, l’assurée a ouvert action devant la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre B.__. Elle a conclu à ce que celle-ci soit condamnée à verser à l’institution de prévoyance (CPEG) la somme de 30’758 fr. 40, plus intérêts à 5% l’an dès le 01.04.2020. Ce montant correspondait selon elle aux cotisations de prévoyance professionnelle (parts employé et employeur) sur la somme de 113’920 fr. (102’528 fr. + 11’392 fr.).

La juridiction cantonale a retenu qu’il résultait sans aucun doute possible de la convention du 06.02.2020 que le contrat de travail de l’assurée avait pris fin le 29.02.2020. Au vu de la doctrine et de la jurisprudence, notamment de l’arrêt B 55/99 du 8 novembre 2001, l’affiliation de l’intéressée à l’institution de prévoyance avait donc pris fin ce jour-là. Les sommes qui lui ont été versées le 01.04.2020 et qui concernaient une période postérieure à la validité du contrat n’étaient dès lors pas soumises aux cotisations LPP. Les juges cantonaux ont rappelé que l’indemnité de départ ne fait pour le surplus pas partie des éléments de salaire soumis à cotisations.

Par jugement du 19.05.2021, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3
L’assurance obligatoire LPP commence en même temps que les rapports de travail et cesse, entre autres éventualités, à leur dissolution (art. 10 al. 2 let. b LPP et 331a CO; ATF 120 V 20 consid. 2a). En matière de prévoyance plus étendue, la dissolution des rapports de travail est également un motif qui met fin à l’assurance (ATF 121 V 277 consid. 2b et la référence). En l’occurrence, l’art. 14 al. 3 de la loi genevoise du 14 septembre 2012 instituant la Caisse de prévoyance de l’État de Genève (LCPEG/GE; rs/GE B 5 22) reprend ce principe. Le moment de la dissolution des rapports de travail est celui où, juridiquement, les rapports de travail ont pris fin, conformément aux règles des art. 334 ss CO, c’est-à-dire en principe à l’expiration du délai légal ou contractuel de congé. Peu importe la date à laquelle le travailleur, effectivement, a quitté l’entreprise (ATF 121 V 277 consid. 2b et les références).

Consid. 5.1
Selon l’art. 341 al. 1 CO, le travailleur ne peut pas renoncer, pendant la durée du contrat et durant le mois qui suit la fin de celui-ci, aux créances résultant de dispositions impératives de la loi ou d’une convention collective. Cette règle prend en considération que le travailleur se trouve dans une situation de dépendance aiguë et que celle-ci peut l’entraîner à accepter une réduction de ses prétentions, en particulier s’il redoute de perdre son emploi. Elle n’introduit pas un simple délai de réflexion; elle s’applique pendant toute la durée du contrat et encore pendant un mois au-delà. Les remises de dette et les renonciations unilatérales sont seules privées de validité, à l’exclusion de celles que l’employeur obtient moyennant une contrepartie adéquate lors d’une transaction. La validité d’une transaction entre les parties est subordonnée à une équivalence appropriée de leurs concessions réciproques (ATF 136 III 467 consid. 4.5 et les références; cf. aussi 144 III 235 consid. 2.2.1). L’art. 341 al. 1 CO est de droit relativement impératif, en ce sens qu’il est impossible d’y déroger au détriment de l’employé (art. 362 al. 1 CO).

Consid. 5.2
L’art. 341 al. 1 CO n’interdit pas aux parties de mettre fin en tout temps le contrat de travail d’un commun accord pour une date précise, pour autant qu’elles ne cherchent pas à détourner par ce biais une disposition impérative de la loi (ATF 119 II 449 consid. 2a; arrêt 4A_364/2016 du 31 octobre 2016 consid. 3.1). Une convention de résiliation vise à empêcher la naissance de nouvelles prétentions; elle exclut la protection des art. 336 ss CO (arrêt 4A_13/2018 et 4A_17/2018 du 23 octobre 2018 consid. 4.1.3 et 4.2.1).

 

Consid. 5.3
En l’espèce, la convention du 06.02.2020 exprime sans équivoque la volonté des parties de mettre fin au contrat de travail de l’assurée avec effet au 29.02.2020. Le rapport de prévoyance a donc pris fin en même temps que la dissolution des rapports de travail, conformément à l’art. 10 al. 2 let. b LPP (respectivement l’art. 14 al. 3 LCPEG/GE en ce qui concerne la prévoyance plus étendue). Il est par ailleurs exclu de prolonger la durée du rapport de prévoyance pour le simple fait que l’assurée a perçu, après la fin de son contrat de travail, des indemnités conventionnelles. A cet égard, le Tribunal fédéral a jugé notamment que le paiement d’indemnités de vacances non prises après la fin du contrat de travail ne prolonge pas le rapport de prévoyance (ATF 120 V 15 consid. 2). De même, le devoir de l’employeur de verser le salaire en cas de maladie ou la poursuite du versement du salaire par le biais d’une assurance ne prolongent pas les rapports de prévoyance (arrêt 9C_663/2008 du 19 décembre 2008 consid. 3).

C’est en vain ensuite que l’assurée fait référence aux critiques de la doctrine concernant l’arrêt B 55/99 du 8 novembre 2001, rés. in PJA 2002 583, selon lequel l’indemnité en cas de congé immédiat injustifié au sens de l’art. 337c CO n’est pas soumise aux cotisations LPP. A ce sujet, une partie de la doctrine préconise d’admettre une prolongation du rapport de prévoyance jusqu’à l’échéance ordinaire du contrat de travail en cas de congé immédiat injustifié (pour un aperçu de ces critiques, voir arrêt 4A_458/2018 du 29 janvier 2020 consid. 6.2.1; BRECHBÜHL/GECKELER HUNZIKER, Commentaire LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n° 19 ad art. 10 LPP). En l’occurrence, à l’inverse de la situation d’une personne faisant l’objet d’un congé immédiat injustifié, l’assurée a librement convenu avec son employeur de la date de la dissolution de ses rapports de travail et de l’équivalence appropriée des concessions réciproques. La convention du 06.02.2020 exclut par conséquent l’application des art. 336 ss CO. Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner les critiques de la doctrine concernant une situation différente de celle ici en cause.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_374/2021 consultable ici