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Assurances sociales : ce qui va changer en 2025

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025

 

Article de Mélanie Sauvain, paru in Sécurité sociale CHSS du 26.11.2024, consultable ici

 

À l’instar des rentes AVS et AI, plusieurs prestations sociales vont augmenter au 1er janvier 2025. C’est également à partir de cette date que l’âge de référence des femmes passera progressivement de 64 à 65 ans.

Plusieurs nouvelles mesures entrent en vigueur début 2025. Afin que les assurés, les employeurs et les personnes actives dans le domaine des assurances sociales aient une vue d’ensemble, le présent article résume les principaux changements, sur la base des informations disponibles à la fin novembre 2024. Au moment de la rédaction de cet article, le recours contre le relèvement de l’âge de la retraite des femmes est toujours pendant au Tribunal fédéral.

 

1er pilier : hausse des rentes et des allocations pour impotent

Les rentes du 1er pilier augmentent de 2,9% dès le 1er janvier 2025. La rente minimale dans l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) et dans l’assurance-invalidité (AI) passe ainsi de 1’225 à 1’260 francs par mois ; la rente maximale pour une durée de cotisation complète de 2’450 à 2’520 francs. La rente AVS pour couples mariés s’élève désormais à 3’780 francs. La dernière adaptation de ces rentes à l’évolution des prix et des salaires datait de 2023.

En parallèle, le montant de la cotisation minimale AVS/AI/APG pour les indépendants et les personnes sans activité lucrative passe à 530 francs par an ; celui de la cotisation minimale dans l’AVS/AI facultative à 1’010 francs.

Destinées aux bénéficiaires de rentes tributaires de l’aide d’autrui, les allocations pour impotent dans l’AVS et l’AI sont également relevées. Leurs montants dépendent du degré de l’impotence. Enfin, dans l’AI, la contribution d’assistance se monte désormais à 35.30 francs par heure (+ 1 franc) et à 169.10 francs par nuit (+ 4.65 francs).

 

Besoins vitaux : hausse des PC et des Ptra

Les prestations complémentaires (PC) et les prestations transitoires (Ptra) augmentent également. Le forfait annuel pour couvrir les besoins vitaux passe à 20’670 francs pour les personnes seules (+ 570 francs) ; à 31’005 francs pour les couples (+ 855 francs) ; à 10’815 francs pour les enfants âgés de plus de 11 ans (+ 300 francs) et à 7’590 francs pour les enfants de moins de 11 ans (+ 210 francs).

Les montants maximaux des loyers pris en compte dans le cadre des PC et des Ptra sont aussi adaptés au renchérissement. Ils s’élèvent désormais à 18’900 francs dans les grands centres urbains (région 1), à 18’300 francs dans les villes (région 2) et à 16’680 francs à la campagne (région 3). Enfin, les franchises sur le revenu de l’activité lucrative sont relevées de 1’000 à 1’300 francs par an pour les personnes seules ; de 1’500 à 1’950 francs par an pour les couples ou les personnes avec enfant.

 

Allocations familiales : hausse des montants minimaux

Dans le domaine des allocations familiales, les montants minimaux fixés par la Confédération sont revus à la hausse en 2025. L’allocation pour enfant s’élève désormais à 215 francs par mois au lieu de 200 francs ; l’allocation de formation à 268 francs par mois au lieu de 250 francs.

Cette augmentation concerne en premier lieu les parents travaillant dans les cantons qui versent les montants minimaux, à savoir Argovie, Bâle-Campagne, Glaris, Soleure, Tessin, Thurgovie et Zurich. Les autres cantons, qui prévoient déjà des allocations plus élevées, ne sont pas obligés de procéder à une hausse.

 

2e et 3e piliers : nouveaux montants

Liés aux rentes du 1er pilier, plusieurs montant de la prévoyance professionnelle subissent aussi des changements début 2025. La déduction de coordination dans le régime obligatoire (LPP) passe à 26’460 francs ; le seuil d’entrée à 22’680 francs. Pour le 3e pilier (3a), la déduction fiscale autorisée par année s’élève désormais à 7’258 francs pour les personnes avec un 2e pilier et à 36’288 francs pour celles qui n’en ont pas.

Les rentes de survivants et d’invalidité de la LPP sont également adaptées. Elles augmentent de 0,8% si elles ont été adaptées pour la première fois en 2024 ; de 2,5% si leur dernière adaptation a eu lieu en 2023. Dans le régime surobligatoire, c’est l’organe suprême de l’institution de prévoyance qui décide chaque année si et dans quelle mesure les rentes doivent être adaptées.

Le taux d’intérêt minimal dans la LPP reste inchangé à 1,25% en 2025. Le Conseil fédéral a suivi les recommandations de la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle pour fixer l’intérêt minimal auquel doivent être rémunérés les avoirs de vieillesse de la LPP.

Enfin, dans la prévoyance individuelle liée (pilier 3a), il sera désormais possible d’effectuer des rachats à certaines conditions. Concrètement, une personne exerçant une activité lucrative en Suisse et qui n’aura pas versé chaque année la cotisation maximale autorisée dans son 3e pilier pourra la verser rétroactivement dans les dix années qui suivent. Seules les lacunes de cotisation survenant après l’entrée en vigueur du projet pourront être rachetées. Les lacunes étant apparues avant 2025 ne peuvent donc pas être comblées. Ce rachat sera autorisé en plus de la cotisation ordinaire et pourra également être déduit du revenu imposable.

 

AVS 21 : 2e étape

La deuxième étape de la réforme Stabilisation de l’AVS (AVS 21) entre en vigueur début 2025. Seules les femmes nées après 1960 sont concernées. Leur âge de référence (auparavant «âge de la retraite») va augmenter progressivement jusqu’en 2028 pour s’établir finalement à 65 ans comme pour les hommes.

 

L’âge de référence indique l’âge auquel une personne peut percevoir sa rente de vieillesse sans réduction ni supplément. Il n’est pas contraignant. Depuis 2024, il est en effet possible de prendre sa retraite entre 63 et 70 ans ; et cela également de manière partielle. En cas de départ à la retraite avant 65 ans, la rente est réduite ; si la retraite est repoussée après 65 ans, la rente est augmentée (Sauvain, 2023). Les taux de réduction et d’ajournement seront prochainement revus à la baisse, probablement en 2027, afin de mieux tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie.

L’augmentation de l’âge de référence s’accompagne de mesures de compensation (OFAS, 2022). Ainsi, les femmes nées entre 1961 et 1969 ont droit dès 2025 à un supplément de rente pour autant qu’elles perçoivent leur rente de vieillesse à l’âge de référence ou ultérieurement. Les femmes qui choisissent d’anticiper leur rente n’ont pas droit à ce supplément, mais elles bénéficient de taux de réduction plus favorables.

Le supplément de rente est échelonné en fonction du revenu et de l’année de naissance. Il s’élève entre 13 et 160 francs par mois. Il n’est pas soumis au plafonnement des rentes pour les couples mariés et est versé même si le montant de la rente maximale est dépassé. Versé à vie, il n’entraîne pas de réduction du montant des prestations complémentaires.

AMal : hausse des primes et règles pour les courtiers

Les primes de l’assurance-maladie obligatoire (AMal) augmentent pour toutes les catégories d’âge en 2025. La prime mensuelle moyenne s’élèvera à 378.70 francs, ce qui correspond à une augmentation de 6% par rapport à 2024. La prime moyenne est calculée en additionnant toutes les primes payées en Suisse et en les divisant par le nombre total d’assurés. La hausse moyenne pour les jeunes adultes et pour les enfants sera un peu moins élevée, respectivement de 5.4% et 5.8%.

L’annonce de cette augmentation de primes a pour la première fois été accompagnée de règles contraignantes pour les intermédiaires d’assurances. Ainsi, le démarchage téléphonique à froid, c’est-à-dire la prise de contact avec une personne qui n’a jamais été assurée auprès de l’assureur en question ou qui ne l’est plus depuis trois ans, est interdit. De plus, l’intermédiaire a l’obligation d’établir un procès-verbal lors de ses entretiens-conseils et de le faire signer par le client. Quant à sa rémunération, elle est dorénavant limitée. Les assureurs qui contreviennent à ces règles, entrées en vigueur en septembre 2024, encourent une amende pouvant aller jusqu’à 100’000 francs.

 

Social et santé : numérisation en marche

La numérisation des assurances sociales franchit une nouvelle étape avec la possibilité pour les personnes effectuant un service (militaire, civil, Protection civile) de demander en ligne leurs allocations pour perte de gain (APG). Les modifications légales en ce sens entrent en vigueur début 2025. Les formulaires papier seront dès 2026 progressivement remplacés par une procédure numérisée, plus simple et plus efficace. Le changement de loi vise à alléger les démarches administratives, tant pour les assurés que pour leurs employeurs.

Dans le domaine de la santé, un jalon important pour le dossier électronique du patient (DEP) est posé. La Confédération soutient désormais financièrement les fournisseurs de DEP. Cette mesure visant à diffuser et promouvoir le dossier électronique est transitoire jusqu’à ce que la révision de la loi correspondante soit adoptée et mise en œuvre. Le message sur cette révision complète doit être transmis au Parlement au printemps 2025.

 

Protection de la jeunesse renforcée

La première étape de la nouvelle loi sur la protection des mineurs dans les secteurs du film et du jeu vidéo entre en vigueur en 2025. Les enfants et les adolescents seront ainsi mieux protégés face aux contenus de films et de jeux vidéo susceptibles de les heurter, notamment les contenus violents ou sexuellement explicites. La loi harmonise à l’échelle du pays, le système de classification et de contrôle de l’âge en matière d’accès aux films et jeux vidéo.

 

Champ d’action élargi pour les fonds patronaux

Les fonds patronaux de bienfaisance pourront élargir leur champ d’action dès 2025. Jusqu’ici limités aux situations de détresse, ils peuvent désormais accorder des prestations visant à prévenir les risques financiers liés à la maladie, aux accidents et au chômage. De nouvelles mesures pour soutenir la formation continue, la conciliation entre vie familiale et professionnelle, ainsi que la promotion de la santé, seront également possibles. La modification du Code civil en ce sens vise à encourager ces fondations d’entreprise à caractère social.

 

 

Bibliographie :

OFAS (2024). Montants valables dès le 1er janvier 2025.

Sauvain, Mélanie (2023). Entre le travail et la retraite : plus grande flexibilité dès 2024, Sécurité sociale CHSS. 21 novembre.

OFAS (2022). Fiche d’information AVS 21 : Conséquences pour les femmes

 

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025, article de Mélanie Sauvain, paru in Sécurité sociale CHSS du 26.11.2024, consultable ici

Sozialversicherungen: Was ändert sich 2025?, Artikel von Mélanie Sauvain, in Soziale Sicherheit CHSS vom 26.11.2024 erschienen, hier abrufbar

 

8C_748/2023 (f) du 06.06.2024 – Accident avant la retraite légale et incapacité de travail se poursuivant au-delà – Fin du droit aux indemnités journalières LAA lors de la stabilisation de l’état de santé, postérieur à l’âge de la retraite – 16 LAA – 19 al. 1 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_748/2023 (f) du 06.06.2024

 

Consultable ici

 

Accident avant la retraite légale et incapacité de travail se poursuivant au-delà – Fin du droit aux indemnités journalières LAA lors de la stabilisation de l’état de santé, postérieur à l’âge de la retraite / 16 LAA – 19 al. 1 LAA

Rappel et confirmation de la jurisprudence

Pas de violation du principe de l’égalité de traitement

Absence d’enrichissement légitime et absence de surindemnisation (concordance événementielle) / 62 CO – 69 LPGA

 

 

L’assurée, née en septembre 1958, travaillait depuis 1996 comme responsable des ventes. Le 01.12.2020, elle a signé un contrat de travail avec son nouvel employeur, prévoyant son emploi jusqu’à ses 64 ans (31.10.2022). Le 08.07.2021, elle a subi un accident domestique entraînant une incapacité de travail. Une expertise médicale du 05.07.2022 a estimé qu’elle pourrait reprendre son activité habituelle environ un an et demi après l’accident.

Le 19.08.2022, l’employeur a informé l’assurance-accidents que l’assurée n’avait pas exprimé le souhait de continuer à travailler après l’âge de la retraite. L’assurée a confirmé le 26.08.2022 son intention de cesser son activité au 31.10.2022. L’employeur a officialisé la fin du contrat pour cette date le 05.09.2022.

Par décision du 21.12.2022, confirmée sur opposition le 21.03.2023, l’assurance-accidents a mis un terme au versement des indemnités journalières au 31.10.2022.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/816/2023 – consultable ici)

Par jugement du 18.10.2023, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et condamnant l’assurance-accidents à verser des du 01.11.2022 au 27.03.2023.

 

TF

Consid. 3.1.1
Aux termes de l’art. 16 LAA, l’assuré totalement ou partiellement incapable de travailler à la suite d’un accident a droit à une indemnité journalière (al. 1); le droit à l’indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l’accident (al. 2, première phrase); il s’éteint dès que l’assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu’une rente est versée ou dès que l’assuré décède (al. 2, seconde phrase). Une personne est considérée comme incapable de travailler lorsque, pour cause d’atteinte à la santé physique, mentale ou psychique, elle ne peut plus exercer son activité habituelle ou ne peut l’exercer que d’une manière limitée ou encore seulement avec le risque d’aggraver son état (art. 6, première phrase, LPGA; ATF 134 V 392 consid. 5.1; arrêt 8C_733/2020 du 28 octobre 2021 consid. 3.1 et la référence). En cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être exigée de l’assuré peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité (art. 6, seconde phrase, LPGA). L’art. 19 al. 1 LAA dispose que le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme (première phrase); le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente (seconde phrase).

Consid. 3.1.2
Selon l’art. 22 al. 3 OLAA, l’indemnité journalière est calculée sur la base du salaire que l’assuré a reçu en dernier lieu avant l’accident, y compris les éléments de salaire non encore perçus et auxquels il a droit. En principe, on ne tient pas compte de ce que l’assuré aurait gagné après l’accident. L’indemnité journalière ne se fonde donc pas sur un salaire hypothétique, mais sur le revenu dont l’assuré victime d’un accident est effectivement privé en raison de la réalisation du risque assuré (ATF 134 V 392 consid. 5.3.1; 117 V 170 consid. 5b; arrêt 8C_766/2018 du 23 mars 2020 consid. 5.3 et les références).

Consid. 3.1.3
L’indemnité journalière compense la perte de gain résultant de l’incapacité de travail, raison pour laquelle une personne assurée dont la capacité (médico-théorique) de travail est certes réduite en raison des suites de l’accident, mais qui ne subit pas de perte de gain, n’a en principe pas droit à l’indemnité journalière (ATF 134 V 392 consid. 5.3 et les références; arrêt 8C_608/2019 du 14 janvier 2020 consid. 5.2.1). Faute de perte de gain, le Tribunal fédéral a ainsi nié le droit à l’indemnité journalière d’un assuré qui avait subi un accident durant la période d’assurance prolongée de l’art. 3 al. 2 LAA, alors qu’il était en retraite anticipée (ATF 130 V 35 consid. 3). Le Tribunal fédéral s’est ensuite penché sur le cas d’une assurée qui travaillait encore au moment de son accident et qui avait atteint l’âge ordinaire de la retraite alors qu’elle était encore en incapacité de travail en raison de l’accident. Il a jugé que le droit de l’assurée à l’indemnité journalière devait être maintenu au-delà de l’âge ouvrant le droit à une rente de l’AVS, tant qu’elle n’avait pas recouvré une pleine capacité de travail ou que le traitement médical n’était pas terminé (ATF 134 V 392 consid. 5).

Consid. 3.2
Les juges cantonaux ont retenu que la stabilisation de l’état de santé de l’assurée était survenue le 27.03.2023, et que l’incapacité de travail s’était poursuivie jusqu’à cette date. Dès lors que le droit à l’indemnité journalière était né alors que l’assurée exerçait encore une activité lucrative, ce droit perdurait jusqu’au 27.03.2023 en application de la jurisprudence, malgré le fait que l’intéressée ait pris sa retraite. L’assurance-accidents, après avoir refusé le versement de l’indemnité journalière au-delà du 31.10.2022, motif pris que l’assurée n’aurait pas poursuivi d’activité lucrative après cette date, semblait d’ailleurs admettre désormais que le droit à l’indemnité journalière ne s’était pas éteint au seul motif que l’assurée était retraitée; elle se prévalait maintenant d’une interdiction de surindemnisation (cf. consid. 4 infra) pour justifier son refus de continuer à verser ses prestations.

 

Consid. 3.3
Devant le Tribunal fédéral, l’assurance-accidents conteste le droit de l’assurée à l’indemnité journalière au-delà de l’âge ordinaire de la retraite. Elle expose qu’avant même l’accident, l’assurée aurait prévu de ne plus travailler une fois l’âge de la retraite atteint, de sorte que celle-ci n’aurait subi aucune perte de gain à compter de la retraite. Elle soutient que la reconnaissance d’un droit de l’assurée à l’indemnité journalière, au-delà de l’âge ouvrant le droit à une rente de l’AVS, constituerait une inégalité de traitement entre les assurés, d’une part entre ceux subissant un accident avant l’âge de la retraite et ceux victimes d’un accident après l’âge de la retraite, et d’autre part entre ceux qui auraient continué de travailler après l’âge ordinaire de la retraite et ceux qui n’avaient pas eu cette intention. L’assurance-accidents aborde par ailleurs la question du calcul et du paiement des primes d’assurance, en exposant qu’aucune prime n’aurait été versée pour la période du 01.11.2022 au 27.03.2023 et que sans l’accident, aucun salaire n’aurait été versé à l’assurée après sa retraite.

 

Consid. 3.4
Une décision viole le principe de l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 al. 1 Cst. lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente (ATF 148 I 271 consid. 2.2; 144 I 113 consid. 5.1.1; 142 V 316 consid. 6.1.1). L’inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement (ATF 146 II 56 consid. 9.1; 142 V 316 consid. 6.1.1; 137 I 167 consid. 3.5).

Consid. 3.5
Le grief tiré d’une violation du principe de l’égalité de traitement est mal fondé. La situation d’un assuré actif victime d’un accident avant la retraite est différente de celle d’un individu accidenté après qu’il a pris sa retraite; le premier exerce une activité lucrative au moment de l’accident et se trouve privé de son salaire ou d’une partie de celui-ci en cas d’incapacité de travail, alors que le second ne perçoit aucun salaire – et ne connaît donc aucune perte de gain – au moment de l’accident. L’un peut ainsi prétendre à l’octroi d’indemnités journalières en vertu de l’art. 16 LAA, l’autre non. Le moment auquel s’éteint le droit à l’indemnité journalière doit être fixé sans égard à la situation de personnes qui ne pouvaient pas prétendre à un tel droit.

Pour le surplus, la poursuite du versement des indemnités journalières à un assuré au-delà de l’âge ordinaire de la retraite, indépendamment du point de savoir s’il aurait ou non continué à exercer une activité lucrative après cette échéance, résulte du fait que l’indemnité journalière est calculée de manière abstraite et rétrospective, sur la base du revenu perçu avant l’accident. Pour éviter des lacunes d’assurance et pour des raisons de simplification administrative, le législateur a renoncé à mettre fin au versement des indemnités pour les assurés qui auraient cessé leur activité après l’âge de la retraite, pour autant que le droit aux indemnités ait pris naissance auparavant. Il a également renoncé à appliquer à cette situation une réglementation analogue à celle prévue par la jurisprudence en cas d’accident subi pendant une période d’assurance prolongée par un assuré en retraite anticipée (ATF 130 V 35 [cf. consid. 3.1 supra]; cf. Message du 30 mai 2008 relatif à la modification de la LAA [FF 2008 4877], p. 4895). Il s’agit d’un choix du législateur fédéral, guidé par des motifs de praticabilité, dont il n’y a pas lieu de s’écarter (cf. art. 190 Cst.; ATF 149 I 41 consid. 6.3; 143 V 9 consid. 6.2).

Pour le reste, l’arrêt 8C_811/2008, cité par l’assurance-accidents, ne lui est d’aucun secours. Cet arrêt confirme la jurisprudence publiée aux ATF 134 V 392, qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause. Par ailleurs, le moment auquel les primes d’assurance ont été versées et le calcul de celles-ci ne constituent pas des éléments pertinents. C’est à bon droit que les premiers juges ont reconnu le droit de l’assurée à l’indemnité journalière jusqu’au 27.03.2023. Les griefs de l’assurance-accidents s’avèrent mal fondés.

 

Consid. 4
L’assurance-accidents soutient qu’elle devrait être dispensée du versement de l’indemnité journalière à compter du 01.11.2022 pour cause de surindemnisation de l’assurée. À défaut, l’assurée s’enrichirait de manière illégitime au sens de l’art. 62 CO.

Consid. 4.1.1
Selon l’art. 68 LPGA, sous réserve de surindemnisation, les indemnités journalières et les rentes de différentes assurances sociales sont cumulées. L’art. 69 al. 1 LPGA prévoit que le concours de prestations des différentes assurances sociales ne doit pas conduire à une surindemnisation de l’ayant droit (première phrase); ne sont prises en compte dans le calcul de la surindemnisation que des prestations de nature et de but identiques qui sont accordées à l’assuré en raison de l’événement dommageable (seconde phrase). L’art. 69 al. 2 LPGA précise qu’il y a surindemnisation dans la mesure où les prestations sociales légalement dues dépassent, du fait de la réalisation du risque, à la fois le gain dont l’assuré est présumé avoir été privé, les frais supplémentaires et les éventuelles diminutions de revenu subies par les proches. Aux termes de l’art. 69 al. 3 LPGA, les prestations en espèces sont réduites du montant de la surindemnisation (première phrase); sont exceptées de toute réduction les rentes de l’AVS et de l’AI, de même que les allocations pour impotents et les indemnités pour atteinte à l’intégrité (deuxième phrase); pour les prestations en capital, la valeur de la rente correspondante est prise en compte (troisième phrase).

Consid. 4.1.2
L’art. 69 al. 1 LPGA pose le principe de la concordance des droits (« Kongruenzprinzip »). Cela signifie que pour être coordonnées au sens de l’art. 68 LPGA, les indemnités journalières et les rentes doivent impérativement remplir ces critères (GHISLAINE FRÉSARD-FELLAY/JEAN-MAURICE FRÉSARD, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n° 12 ad art. 68 LPGA et les références). Selon ce principe, qui a une porte générale dans l’assurance sociale (ATF 142 V 75 consid. 6.3.1), les prestations sociales concomitantes concordent lorsque les assureurs sociaux sont tenus à verser des prestations de même nature et but, pour la même période, pour la même personne et pour le même événement dommageable. Aussi, une concordance au niveau de l’événement dommageable ainsi qu’une concordance fonctionnelle (ou matérielle) doivent notamment exister (ATF 135 V 29 consid. 4.1; arrêts 9C_21/2021 du 14 janvier 2022 consid. 3.2; 9C_43/2018 du 19 octobre 2018 consid. 5.2; FRÉSARD-FELLAY/FRÉSARD, op. cit., n° 16 ad art. 69 LPGA). La concordance matérielle suppose que d’un point de vue économique, les prestations aient la même fonction et la même nature, alors que la concordance événementielle postule que les prestations sont consécutives au même événement dommageable (ATF 131 III 160 consid. 7.2; 126 III 41 consid. 2; FRÉSARD-FELLAY/FRÉSARD, op. cit., n° 19 et 22 ad art. 69 LPGA).

Pour déterminer, en cas de surindemnisation, laquelle des prestations en concours doit être réduite, il convient de se fonder sur l’ordre de priorité figurant aux art. 64 à 66 LPGA ou sur les dispositions légales spéciales applicables (arrêt U 200/05 du 16 février 2006 consid. 2.2; FRÉSARD-FELLAY/FRÉSARD, op. cit., n° 55 ad art. 69 LPGA; MARC HÜRZELER, in Frésard-Fellay/Klett/Leuzinger [éd.], Basler Kommentar, Allgemeiner Teil des Sozialversicherungsrechts, 2020, n° 41 ad art. 69 LPGA).

Consid. 4.2
Comme l’ont exposé les juges cantonaux, la concordance événementielle doit être niée. Le versement de l’indemnité journalière par l’assurance-accidents trouve son fondement dans la survenance de l’accident du 08.07.2021, tandis que l’allocation de la rente de l’AVS a pour origine l’arrivée de l’assurée à l’âge de la retraite. En outre, à supposer que l’art. 62 CO s’applique au cas d’espèce, au moins une des conditions de l’enrichissement illégitime (cf. arrêt 5A_819/2021 du 9 février 2022 consid. 3.2.1 et les références) fait défaut. Le versement de l’indemnité journalière à l’assurée ayant un fondement légal, il n’y a pas d’absence de cause légitime à son enrichissement ni paiement d’un indu à son avantage. En tout état de cause, il n’y a pas de principe général prohibant la surindemnisation dans le domaine des assurances sociales (ATF 134 III 489 consid. 4.1; 135 V 29 consid. 4.3), comme semble le penser l’assurance-accidents. L’arrêt entrepris échappe ainsi à la critique également en tant qu’il écarte toute réduction des prestations dues à l’assurée pour cause de surindemnisation.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_748/2023 consultable ici

 

Remarques personnelles :

Il est fréquent d’observer dans la pratique que le versement de l’indemnité journalière LAA cesse au moment où la personne assurée atteint l’âge de la retraite. Cette situation est rarement contestée par ces dernières, car elles commencent alors à percevoir leurs rentes de vieillesse (AVS et LPP). Je pense que cette pratique ne résulte pas d’une intention malveillante des assureurs-accidents, mais plutôt d’une compréhension incomplète du système par les gestionnaires de dossiers.

Il est également important de sensibiliser les médecins traitants à cette problématique. En effet, ils ont tendance à déclarer la fin de l’incapacité de travail lorsque leur patient-e atteint l’âge de la retraite, sans nécessairement tenir compte des spécificités du droit des assurances sociales en la matière.

Bien que la jurisprudence ne prêtât pas à interprétation, le présent arrêt du Tribunal fédéral dissipe tout doute éventuel. Il énonce de manière explicite et sans ambiguïté la position de notre Haute Cour sur ce point.

 

 

La commission de la sécurité sociale et de la santé publique préconise l’introduction d’une 13e rente AI

La commission de la sécurité sociale et de la santé publique préconise l’introduction d’une 13e rente AI

 

Communiqué de presse du Parlement du 03.05.2024 consultable ici

 

Avec la volonté d’éviter toute forme de discrimination au sein du premier pilier suite à l’adoption de la 13e rente AVS, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national veut introduire le versement d’une rente supplémentaire aussi aux bénéficiaires de l’assurance-invalidité. La commission s’est d’ailleurs informée quant aux solutions envisagées par le Conseil fédéral pour financer la 13e rente AVS et lui a fait part de ses recommandations.

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a décidé, par 13 voix contre 12, d’élaborer une initiative de commission visant, par analogie avec la 13e rente AVS, le versement d’une 13e rente également aux bénéficiaires de l’assurance-invalidité (AI ; 24.424). Ce supplément ne doit toutefois pas conduire à une réduction des prestations complémentaires ni à la perte du droit à ces prestations.

Le premier pilier est la base du système de prévoyance suisse. Jusqu’à présent, il a toujours été traité comme une unité et tant le Parlement que le Conseil fédéral se sont efforcés de faire évoluer en parallèle l’AVS et l’AI. De plus, la commission rappelle que la Constitution prévoit que les rentes des deux assurances doivent couvrir les besoins vitaux de manière appropriée (art. 112, al. 2, let. b, Cst.). Cela est d’autant plus important dans le cadre de l’assurance-invalidité, étant donné qu’il y a nettement plus de personnes en situation de précarité parmi les bénéficiaires de l’AI que de l’AVS. Lors de la dernière votation populaire, le peuple et les cantons ont décidé, à large majorité, d’introduire une 13e rente AVS. La commission considère, dans l’optique d’assurer l’égalité de traitement ainsi qu’une évolution cohérente et uniforme du premier pilier, qu’il serait opportun et juste de prévoir aussi le versement d’une 13e rente pour les bénéficiaires de l’AI.

 

13e rente AVS : non au projet de financement unilatéral séparé et à la réduction de la contribution de la confédération

La commission s’est aussi informée sur les points clés définis par le Conseil fédéral pour le financement de la 13e rente AVS. Le Conseil fédéral prévoit de mettre en consultation deux options visant à garantir un financement supplémentaire dès 2026 : l’une prévoit une augmentation des cotisations salariales de 0,8 point; l’autre une augmentation parallèle de ces cotisations de 0,5 point et une hausse de la TVA de 0,4 point. En même temps, compte tenu de la situation financière tendue de la Confédération, le Conseil fédéral prévoit également de baisser la contribution de la Confédération aux coûts de l’AVS du niveau actuel de 20,2% à 18,7% et ce, à partir du 1er janvier 2026 et jusqu’à l’entrée en vigueur de la prochaine réforme de l’AVS.

La commission ne partage pas la stratégie de financement choisie par le Conseil fédéral et lui soumet deux recommandations. Par 13 voix contre 12, elle considère qu’il faudrait renoncer au projet de financement unilatéral séparé et, au contraire, déterminer le mécanisme de financement de la 13e rente AVS uniquement dans le cadre de la prochaine vaste réforme de l’AVS. Cela garantira une approche globale et mûrement réfléchie, permettant ainsi de sécuriser l’AVS et son financement pour la décennie suivante. Par 17 voix contre 8, la commission invite d’ailleurs le Conseil fédéral à ne pas réduire la contribution de la Confédération à l’AVS. Si la part de la Confédération devait toutefois être réduite et qu’un financement par une augmentation combinée des cotisations salariales et de la TVA devait être appliqué, elle recommande, par 13 voix contre 12, que ces deux éléments de financement soient présentés de manière liée dans le cadre d’un seul objet.

La commission a en outre chargé l’administration de présenter des mesures visant à faciliter l’exercice d’une activité lucrative au-delà de l’âge de référence AVS et d’indiquer comment la 13e rente AVS pourrait être versée à l’étranger en tenant compte de la parité du pouvoir d’achat.

 

Communiqué de presse du Parlement du 03.05.2024 consultable ici

 

La commissione raccomanda l’introduzione di una 13esima mensilità AI, Comunicato stampa del Parlamento del 03.05.2024 disponibile qui

Kommission befürwortet Einführung einer 13. IV-Rente, Medienmitteilung des Parlaments vom 03.05.2024 hier abrufbar

 

Pro Senectute gérera des fonds légués à l’AVS

Pro Senectute gérera des fonds légués à l’AVS

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 21.02.2024 consultable ici

 

Constitué de legs en faveur de l’AVS, le Fonds destiné à secourir des personnes âgées et des survivants se trouvant dans un état de gêne particulier sera transféré à Pro Senectute Suisse. Le Conseil fédéral l’a décidé lors de sa séance du 21 février 2024.

Le Fonds destiné à secourir des personnes âgées et des survivants se trouvant dans un état de gêne particulier se monte à quelque 2 millions de francs. Les demandes de soutien sont traitées par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) depuis la constitution du Fonds par arrêtés du Conseil fédéral des 7 janvier 1955 et 8 août 1962. L’OFAS n’ayant que très peu de contacts avec les ayants-droits potentiels, il est depuis plusieurs années confronté à la difficulté d’élargir son champ d’intervention et n’arrive pas à trouver de nouveaux bénéficiaires. Au cours des dernières années, le soutien octroyé par le Fonds a diminué et, depuis le mois de juin 2019, le Fonds ne compte plus aucun bénéficiaire. Il ne remplit donc plus l’objectif pour lequel il a été créé.

Afin d’utiliser ce Fonds et de garantir un emploi de ces legs conforme à la volonté des légataires, il est important que les éventuels bénéficiaires soient identifiés. Le Conseil fédéral a ainsi décidé de transférer le Fonds à Pro Senectute Suisse, qui est l’organe le mieux placé pour remplir cet objectif. Pro Senectute s’engage en effet en faveur des thèmes liés à la vieillesse et s’emploie à favoriser le bien-être des personnes âgées. Son action est globale et ne se limite pas à une thématique particulière. Cela lui permet d’avoir une vue d’ensemble des différentes mesures d’aide aux personnes âgées. Pro Senectute fournit en outre un service de conseil et d’information qui s’occupe de répondre à toutes questions : finances, dispositions personnelles, santé, gestion du quotidien, logement et accompagnement. Cela lui permet non seulement d’identifier les éventuels bénéficiaires du Fonds, mais aussi de pouvoir les aider rapidement et de manière ciblée.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 21.02.2024 consultable ici

Site internet de Pro Senectute : https://www.prosenectute.ch/

 

Pro Senectute gestirà i fondi donati all’AVS, Comunicato stampa dell’OFAS del 21.02.2024 disponibile qui

Pro Senectute verwaltet künftig der AHV vermachte Fondsgelder, Medienmitteilung des BSV vom 21.02.2024 hier abrufbar

 

9C_430/2022 (f) du 16.11.2023, destiné à la publication – Interruption de l’assurance obligatoire – Interprétation par le TF de l’art. 47 LPP / Retraite anticipée – Notion de la survenance du cas de prévoyance « vieillesse »

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_430/2022 (f) du 16.11.2023, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Interruption de l’assurance obligatoire – Interprétation par le TF de l’art. 47 LPP

Retraite anticipée – Notion de la survenance du cas de prévoyance « vieillesse »

 

La Société Suisse des Entrepreneurs (SSE), d’une part, et les syndicats SIB (Syndicat Industrie & Bâtiment; aujourd’hui: UNIA) et SYNA, d’autre part, ont conclu le 12.11.2002 la Convention collective de travail pour la retraite anticipée dans le secteur principal de la construction (ci-après: la CCT RA). Cette convention, dont l’entrée en vigueur a été fixée au 01.07.2003 et qui est applicable à l’ensemble du territoire suisse (à l’exception du Valais), a pour but de permettre aux travailleurs du secteur principal de la construction de prendre une retraite anticipée dès l’âge de 60 ans révolus et d’en atténuer les conséquences financières.

Afin d’assurer l’application de la convention, les parties contractantes ont constitué le 19.03.2003 la Fondation pour la retraite anticipée dans le secteur principal de la construction (ci-après: la Fondation FAR). Celle-ci a conclu un accord avec la Fondation institution supplétive LPP (ci-après: l’institution supplétive) afin, notamment, que cette institution reçoive la prestation de sortie acquise à la date de départ à la retraite anticipée des travailleurs affiliés et les bonifications de vieillesse jusqu’à l’âge ordinaire de la retraite AVS, dans les cas où l’institution de prévoyance de l’employeur ne le proposait pas; en outre, une fois l’âge de la retraite AVS atteint, l’institution supplétive était tenue de verser une rente de vieillesse (ou un capital; accord du 16.06.2003, puis du 15.03.2005). Le 02.05.2018, l’institution supplétive a résilié l’accord conclu avec la Fondation FAR, avec effet au 31.12.2018.

A.__, né en janvier 1959, et B.__, né en février 1959, ont perçu des prestations de la Fondation FAR dès le 01.02.2019 (s’agissant du premier), respectivement le 01.03.2019 (concernant le second), soit au moment où ils ont atteint l’âge de 60 ans et mis un terme à l’activité professionnelle qu’ils déployaient pour des entreprises assujetties à la CCT RA. Ayant tous deux été affiliés, dans le cadre de leur activité professionnelle respective, auprès d’une institution de prévoyance pour la couverture des risques de vieillesse, d’invalidité et de décès qui ne proposait pas la continuation du rapport d’assurance après la résiliation du contrat de travail, ils ont présenté une demande de maintien de la prévoyance professionnelle sans assurance de risque auprès de l’institution supplétive (plan de prévoyance maintien facultatif de la prévoyance vieillesse dans le cadre de la LPP [WO]). Après que celle-ci a rejeté les demandes, les 26.03.2019 et 19.06.2019, l’avoir de vieillesse acquis par chacun des prénommés a été transféré sur un compte de libre passage.

 

Procédure cantonale (arrêt 200.2019.82.LPP  – consultable ici)

Statuant le 06.07.2022, la juridiction cantonale a rejeté les actions.

 

TF

Consid. 2.2.1 à 2.2.4
Selon l’art. 47 LPP, avec le titre marginal « Interruption de l’assurance obligatoire », l’assuré qui cesse d’être assujetti à l’assurance obligatoire peut maintenir sa prévoyance professionnelle ou sa seule prévoyance vieillesse, dans la même mesure que précédemment, soit auprès de la même institution de prévoyance, si les dispositions réglementaires le permettent, soit auprès de l’institution supplétive (al. 1).

Conformément à l’art. 33a LPP, relatif au « Maintien de la prévoyance au niveau du dernier gain assuré », l’institution de prévoyance peut prévoir dans son règlement la possibilité, pour les assurés ayant atteint l’âge de 58 ans et dont le salaire diminue de la moitié au plus, de demander le maintien de leur prévoyance au niveau du dernier gain assuré (al. 1). La prévoyance peut être maintenue au niveau du dernier gain assuré au plus tard jusqu’à l’âge réglementaire ordinaire de la retraite (al. 2).

L’art. 47a LPP, avec le titre marginal « Interruption de l’assurance obligatoire à partir de 58 ans », est entré en vigueur le 1er janvier 2021. Il prévoit que l’assuré qui, après avoir atteint l’âge de 58 ans, cesse d’être assujetti à l’assurance obligatoire en raison de la dissolution des rapports de travail par l’employeur peut maintenir son assurance en vertu de l’art. 47, ou exiger que son assurance soit maintenue dans la même mesure que précédemment auprès de la même institution de prévoyance en vertu des al. 2 à 7 du présent article (al. 1).

L’art. 1 al. 2 LPP, qui porte le titre marginal « But », prévoit que le salaire assuré dans la prévoyance professionnelle ou le revenu assuré des travailleurs indépendants ne doit pas dépasser le revenu soumis à la cotisation AVS.

 

Consid. 4.1
A la suite des premiers juges, on rappellera que la loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 148 II 299 consid. 7.1 et les arrêts citées).

Consid. 4.3
Certes, à la suite des premiers juges, on constate que l’interprétation systématique révèle l’existence d’une contradiction entre l’art. 47 LPP et l’art. 1 al. 2 LPP, dès lors que cette dernière norme prévoit que seul un salaire (art. 7 LPP) ne dépassant pas le revenu soumis à la cotisation AVS est assuré, alors que dans les hypothèses visées par l’art. 47 al. 1 LPP, un tel salaire est en principe inexistant. Cela étant, à l’inverse de l’instance précédente, on ne saurait en déduire que l’application de l’art. 47 al. 1 LPP, en cas de cessation d’une activité lucrative, s’avère possible uniquement pendant deux ans et seulement à des assurés n’ayant pas atteint l’âge de 58 ans. En particulier, l’interprétation tant littérale qu’historique de la disposition en cause ne permet pas de parvenir à ce résultat.

Consid. 4.3.1
Sur le plan de l’interprétation littérale de l’art. 47 LPP, il ressort du texte légal que l’application de la disposition suppose un assujettissement antérieur à l’assurance obligatoire, ainsi que la cessation de cet assujettissement. Le texte de la norme ne fait en revanche pas mention d’une durée maximale du maintien de la prévoyance professionnelle, ni d’un âge maximal de l’assuré.

Consid. 4.3.2
Il ressort de l’interprétation historique de l’art. 47 al. 1 LPP – à laquelle l’instance précédente a pourtant également dûment procédé -, que la continuation de l’assurance ne devait pas être réservée aux cas d’interruption passagère de l’assujettissement à l’assurance obligatoire. Dans le cadre des débats parlementaires relatifs à la LPP, la discussion a porté sur le maintien de l’assurance et il a été mis en évidence que la continuation de l’assurance ne doit pas être limitée dans le temps (cf. BO 1977 N 1349 ss, en particulier l’intervention du rapporteur de la commission du Conseil national Anton Muheim [BO 1977 N 1350]). En effet, le maintien de l’assurance est financé par l’assuré et non par son ancien employeur (cf. intervention Muheim, précitée). En outre, la question de la volonté de l’assuré de retrouver à terme une activité lucrative conduisant à nouveau à un assujettissement à l’assurance obligatoire n’a pas été abordée. D’ailleurs, le Tribunal fédéral avait déjà relevé que l’ancien art. 47 LPP s’appliquait indépendamment des motifs de la sortie de l’assurance obligatoire et sans exiger que cette sortie fût passagère (arrêt B 1/91 du 4 septembre 1992 consid. 4a, in RSAS 1995, p. 295).

Consid. 4.3.3
L’interprétation systématique fait certes apparaître une contradiction entre l’art. 47 LPP et l’art. 1 al. 2 LPP. Cette dernière disposition a cependant été introduite dans le cadre de la première révision de la LPP, le 1er janvier 2006 (RO 2004 1677), soit postérieurement à l’adoption de l’art. 47 al. 1 LPP (entré en vigueur le 1er janvier 1985, puis modifié avec effet au 1er janvier 1997 [RO 1996 273]). Lors de l’adoption de l’art. 1 al. 2 LPP, il a été mentionné qu’il fallait lutter contre les abus liés à l’utilisation du deuxième pilier à des fins fiscales (en admettant par exemple des déductions fiscales qui ne correspondent pas au salaire proprement dit; cf. BO 2002 E 1036, intervention de la Conseillère fédérale Ruth Dreifuss). Toutefois, la question de la relation entre cette disposition et l’art. 47 LPP n’a pas été examinée dans le cadre des débats parlementaires (BO 2002 N 504 s.; BO 2002 E 1035 s.; BO 2003 N 618 ss; BO 2003 E 444), comme l’a également constaté la juridiction cantonale. La contradiction entre les art. 1 al. 2 et 47 al. 1 LPP n’a pas non plus été abordée lors des débats parlementaires dans le cadre de l’adoption de l’art. 33a LPP, entré en vigueur le 1er janvier 2011 (RO 2010 4427), puis de celle de l’art. 47a LPP, entré en vigueur le 1er janvier 2021 (RO 2020 585), ni du reste la question des rapports entre ces nouvelles dispositions et l’art. 47 al. 1 LPP (cf. BO 2008 E 583; BO 2009 N 1593 ss; BO 2009 E 1237; BO 2018 N 451 ss et 465; BO 2018 E 323), comme l’ont également retenu les premiers juges.

Partant si le législateur entendait restreindre la portée temporelle de l’art. 47 LPP lors de l’adoption de l’art. 1 al. 2 LPP (ou celle postérieure des art. 33a et 47a LPP), il lui eût appartenu de mentionner clairement sa volonté, par exemple en incluant expressément une condition d’âge à l’art. 47 al. 1 LPP et/ou en prévoyant que seule une cessation temporaire de l’activité lucrative en permet l’application. Cette considération s’impose au regard de l’interprétation tant littérale qu’historique de l’art. 47 al. 1 LPP (consid. 4.3.1 et 4.3.2). On ajoutera que comme le font valoir les recourants, les art. 33a et 47 LPP règlent des situations différentes: alors que l’art. 33a LPP figure dans le titre 1 de la partie 2 de la LPP, relatif à l' »Assurance obligatoire des salariés », l’art. 47 LPP prend place dans le titre 3 de la partie 2 de la LPP, qui porte sur l' »Assurance facultative ». Quant à l’art. 47a LPP, il est entré en vigueur le 1er janvier 2021 (RO 2020 585), soit postérieurement aux faits juridiquement déterminants pour le présent litige (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références). A cet égard, on constate du reste, à la lecture du texte clair de l’art. 47a al. 1 LPP, que cette norme autorise expressément l’application de l’art. 47 LPP à des assurés âgés de plus de 58 ans, dans la situation qu’elle régit.

Consid. 4.3.4
L’intimée ne saurait rien non plus déduire en sa faveur des avis de la Conférence suisse des impôts et de l’OFAS, dont il ressort que les déductions fiscales des cotisations versées par des assurés en application de l’art. 47 LPP (cf. également art. 81 al. 2 LPP) ne sont possibles que pendant une durée de deux ans au maximum (Conférence suisse des impôts, Prévoyance et impôts: cas d’application de prévoyance professionnelle et de prévoyance individuelle, 2022, A.2.4.1), respectivement que s’il est possible que le salaire assuré au sens de l’art. 47 LPP dépasse le salaire assuré auprès de l’AVS, un tel dépassement doit être provisoire ou transitoire et ne peut durer plus de deux ans, à moins qu’une base légale expresse ne précise le contraire, à l’exemple de l’art. 33a LPP (prise de position de l’OFAS « Assurance externe et maintien de l’assurance en cas de réduction du taux d’occupation », Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 110 du 15 janvier 2009, ch. 677). Ces avis ne permettent en effet pas de restreindre l’application temporelle de l’art. 47 LPP dans le sens retenu par les premiers juges, dès lors déjà qu’il s’agit de directives et circulaires administratives qui, même si elles ne sont pas dépourvues d’importance sous l’angle de l’égalité de traitement des assurés, ne créent pas de nouvelles règles de droit et ne lient pas le juge (cf. ATF 148 V 102 consid. 4.2 et les arrêts cités).

Consid. 4.3.5
Sur le plan finalement de l’interprétation téléologique, l’intention du législateur de restreindre les droits des travailleurs proches de l’âge de la retraite, en supprimant la possibilité jusqu’alors conférée par l’art. 47 al. 1 LPP pour ceux qui cesseraient leur activité lucrative sans être licenciés, ne ressort pas des travaux préparatoires des différentes réformes de la LPP. L’introduction des art. 33a et 47a LPP visait en effet à réduire la rigidité du système de retraite pour les personnes souhaitant diminuer progressivement leur taux d’occupation professionnelle ou perdant leur emploi (cf., notamment, Message concernant la révision de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité [Réforme structurelle] du 15 juin 2007, FF 2007 5381 [5433 s.]), comme l’ont constaté les premiers juges. A cet égard, si le législateur entendait introduire une différence de traitement entre les travailleurs proches de l’âge de la retraite, en fonction de la nature de la dissolution des rapports de travail (licenciement par l’employeur, d’une part, démission du travailleur ou accord de résiliation entre le travailleur et son employeur, d’autre part) lorsqu’il a introduit l’art. 47a LPP, en réservant dorénavant l’application de l’art. 47 LPP, après l’âge de 58 ans, aux seuls travailleurs dont la dissolution des rapports de travail est le fait de l’employeur, il lui eût appartenu de le préciser clairement à l’art. 47 LPP. On ajoutera du reste que l’art. 47a LPP confère des droits plus étendus que l’art. 47 LPP, puisqu’il permet à l’assuré licencié après avoir atteint l’âge de 58 ans, non seulement de maintenir son assurance en vertu de l’art. 47, mais également d’exiger que son assurance soit maintenue dans la même mesure que précédemment auprès de la même institution de prévoyance (conformément aux al. 2 à 7 de l’art. 47a LPP).

Consid. 4.4
En définitive les considérations de la juridiction cantonale selon lesquelles l’art. 47 al. 1 LPP ne peut pas s’appliquer à un assuré qui a déjà atteint l’âge de 58 ans et l’application de cette norme est dans tous les cas limitée à une période de deux ans, ne peuvent pas être suivies. L’assuré qui, après avoir atteint l’âge de 58 ans, cesse d’être assujetti à l’assurance obligatoire en raison de la dissolution des rapports de travail par lui-même peut maintenir son assurance aux conditions fixées par l’art. 47 LPP, même s’il s’agit d’une cessation d’activité définitive.

 

Consid. 5.1
Il convient ensuite d’examiner si malgré le fait que l’art. 47 LPP peut s’appliquer en cas de cessation définitive de l’activité professionnelle et aux assurés âgés de plus de 58 ans, c’est à bon droit que l’instance précédente a considéré que les recourants ne pouvaient pas se prévaloir de l’application de cette disposition à leur situation respective afin de requérir le maintien de leur prévoyance vieillesse auprès de l’intimée.

Consid. 5.2
On rappellera, à la suite de la juridiction de première instance, que l’application de l’art. 47 LPP exige un assujettissement antérieur à l’assurance obligatoire, ainsi que la cessation de cet assujettissement (consid. 4.3.1 supra). Pour que l’institution supplétive puisse maintenir la prévoyance professionnelle ou la prévoyance vieillesse d’un assuré, il est par ailleurs nécessaire qu’une prestation de sortie lui soit versée. La prestation de sortie versée à l’institution de prévoyance tenue de fournir la couverture d’assurance permet en effet le financement des prestations futures. Or à cet égard, conformément à l’art. 2 al. 1 LFLP, la prestation de sortie ne peut être versée par l’ancienne institution de prévoyance de l’assuré que s’il la quitte avant la survenance d’un cas de prévoyance (cas de libre passage; consid. 5.3.1.2 infra).

Lorsqu’une institution de prévoyance accorde la possibilité d’une retraite anticipée (cf. art. 13 al. 2 LPP, en relation avec l’art. 1i OPP 2) – comme c’est le cas des institutions de prévoyance auprès desquelles les recourants étaient affiliés par leur ancien employeur respectif, selon les constatations cantonales non contestées par les parties -, la survenance du cas de prévoyance « vieillesse » a lieu non seulement lorsque l’assuré atteint l’âge légal de la retraite selon l’art. 13 al. 1 LPP, mais aussi lorsqu’il atteint l’âge auquel le règlement lui donne droit à une retraite anticipée. Si la résiliation du rapport de travail intervient à un âge auquel l’assuré peut, en vertu des dispositions du règlement de l’institution de prévoyance, prétendre des prestations de vieillesse au titre de la retraite anticipée, le droit à des prestations de vieillesse prévues par le règlement naît indépendamment de l’intention de l’assuré d’exercer une activité lucrative ailleurs. Il en va autrement lorsque le règlement subordonne l’octroi de prestations à titre de retraite anticipée à une déclaration de volonté de l’assuré: dans ce cas, l’événement vieillesse excluant le droit à une prestation de sortie n’intervient que si l’assuré a fait valoir ses prétentions (ATF 138 V 227 consid. 5.2.1 et les arrêts cités). Le point de savoir si un cas de libre passage ou un cas de prévoyance vieillesse survient avec l’abandon de l’activité lucrative avant l’accession à l’âge ordinaire de la retraite doit ainsi être examiné – sous réserve de l’art. 2 al. 1bis LFLP – à la lumière du règlement de la dernière institution de prévoyance à laquelle l’assuré a été affilié, étant précisé que la perception d’une rente transitoire de la part de la Fondation FAR n’est pas déterminante (ATF 141 V 162 consid. 4.3), comme l’ont dûment rappelé les premiers juges. La perception d’une telle rente ne constitue en effet pas un cas d’assurance. A cet égard, l’art. 18 al. 3 du règlement de la Fondation FAR, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 mars 2019, prévoit que les rentes transitoires peuvent être cumulées avec des rentes de l’AVS et de la prévoyance professionnelle lorsque celles-ci sont réduites en raison de la retraite anticipée (cf. ATF 141 V 162 consid. 4.3.2 et 4.3.3).

 

Consid. 5.3.1.1
Selon les constatations cantonales, non contestées par les recourants, B.__ avait été affilié par son ancien employeur à la Fondation C.__. Il avait atteint l’âge de 60 ans en février 2019 et avait commencé à percevoir des prestations de la Fondation FAR dès mars 2019. A la demande du prénommé, la Fondation C.__ lui avait versé une prestation de sortie, en contradiction avec son propre règlement de prévoyance, qui prévoit qu’une personne assurée qui quitte l’institution de prévoyance entre l’âge minimal de retraite anticipée (en l’occurrence, 58 ans) et l’âge réglementaire ordinaire de la retraite peut seulement prétendre une prestation de sortie si elle continue à exercer une activité lucrative ou est déclarée au chômage. Dans la mesure où B.__ n’avait plus exercé d’activité lucrative et ne s’était pas retrouvé au chômage postérieurement à la fin de son dernier emploi (art. 2 al. 1bis LFLP a contrario), l’instance précédente a considéré qu’il n’avait d’autre choix que de prendre une retraite anticipée et que c’était donc à tort que la Fondation C.__ lui avait versé une prestation de sortie.

Consid. 5.3.1.2
Dans ces circonstances, c’est à bon droit que les premiers juges ont admis que l’institution supplétive était fondée à refuser le maintien de la prévoyance vieillesse au sens de l’art. 47 al. 1 LPP, compte tenu qu’un cas de prévoyance était déjà survenu, conformément au règlement de prévoyance. En effet, l’ancienne institution de prévoyance de l’assuré ne peut verser une prestation de sortie à l’institution de prévoyance tenue de maintenir la prévoyance professionnelle ou la prévoyance vieillesse que si l’assuré la quitte avant la survenance d’un cas de prévoyance (art. 2 al. 1 LFLP), ce qui s’explique par le fait que la prestation de sortie est destinée à financer les prestations qui seront allouées ultérieurement à l’assuré par la nouvelle institution de prévoyance (consid. 5.2 supra). Lorsque le cas de prévoyance est survenu, un transfert de la prestation de sortie n’est à l’inverse plus possible, dès lors que le capital acquis par l’assuré est utilisé pour financer les prestations qui lui sont allouées par l’institution de prévoyance à laquelle il était alors affilié. Dans une jurisprudence publiée récemment, le Tribunal fédéral avait déjà relevé la problématique liée au fait que l’art. 47 LPP permet le maintien de la prévoyance dans la même mesure que précédemment, bien que ni un salaire minimum selon l’art. 7 LPP ne soit atteint ni les conditions de l’art. 2 al. 1bis LFLP ne soient remplies (ATF 141 V 162 consid. 4.3.4). Compte tenu du caractère d’exception de l’art. 47 LPP, qui permet de déroger au principe général selon lequel seul est possible un assujettissement si un salaire minimum est versé (art. 7 LPP), il se justifie de réserver l’application de la possibilité offerte par l’art. 47 LPP aux situations dans lesquelles le cas de prévoyance vieillesse n’est pas encore survenu selon le règlement de prévoyance. Cette possibilité est en effet offerte indépendamment du fait que les assurés remplissent les conditions générales de l’accès à la prévoyance professionnelle (voir aussi GEISER/SENTI, in Commentaire LPP et LFLP, 2e éd. 2020, no 5 ad art. 47 LPP), mais cela ne signifie pas que l’on puisse faire abstraction de la survenance d’un cas d’assurance. Le recours est mal fondé sur ce point.

 

Consid. 5.3.2
Concernant ensuite A.__, il ressort du jugement entrepris qu’il avait été affilié par son ancien employeur auprès de la Fondation D.__, qu’il avait atteint l’âge de 60 ans en janvier 2019 et commencé à percevoir des prestations de la Fondation FAR en février 2019, ce que les parties ne contestent pas. Sa prestation de sortie lui avait été versée, à sa demande, par la Fondation D.__, conformément au règlement de prévoyance de celle-ci, selon lequel si les rapports de travail cessent entre l’âge permettant de prendre une retraite anticipée (en l’espèce, 58 ans) et l’âge ordinaire de la retraite, une prestation de sortie est versée à la personne assurée qui ne souhaite pas une retraite anticipée. A cet égard, A.__ n’avait pas perçu de prestations à titre de retraite anticipée ni demandé à en percevoir. Quoi qu’en dise l’intimée, le cas de prévoyance n’était dès lors pas survenu pour le prénommé. Dans la mesure où l’application de l’art. 47 al. 1 LPP n’est pas réservée aux assurés qui n’ont pas déjà atteint l’âge de 58 ans ni limitée à une période de deux ans (consid. 4 supra), et dès lors que A.__ remplit les conditions de l’art. 47 al. 1 LPP (supra consid. 5.2), l’intimée doit recevoir sa prestation de sortie et maintenir sa couverture d’assurance. Le recours est bien fondé sur ce point.

 

Consid. 6.1
Dans une argumentation subsidiaire, les recourants invoquent une violation des dispositions étendues et déclarées de force obligatoire de la CCT RA concernant le maintien de la prévoyance au sens de l’art. 47 LPP. Ils font valoir à cet égard que dans l’hypothèse où le Tribunal fédéral devrait admettre qu’il se justifie de réserver l’art. 47 LPP aux assurés n’ayant pas encore atteint l’âge de 58 ans et d’en limiter l’application pour une durée de deux ans au plus, les clauses normatives – étendues et déclarées de force obligatoire – de la CCT RA mettant en oeuvre le régime de retraite anticipée « créent un régime quasi-légal de maintien de la prévoyance, analogue et parallèle à celui de l’art. 47 LPP », qui leur permet de maintenir leur prévoyance auprès de l’institution supplétive en vertu de l’art. 47 LPP entre l’âge de 60 et 65 ans, afin de percevoir une « rente de retraite » non réduite à l’âge ordinaire de la retraite.

Consid. 6.2
Il n’y a pas lieu d’examiner plus avant cette argumentation s’agissant de A.__, dès lors qu’il a droit au maintien de la prévoyance en application de l’art. 47 LPP (consid. 5.3.2 supra). Quant à B.__, il ne saurait rien en déduire en sa faveur, dès lors déjà que la CCT RA ne prévoit pas un droit au maintien de la prévoyance auprès de l’institution supplétive en vertu de l’art. 47 LPP. On rappellera à cet égard que la CCT RA règle exclusivement les relations entre l’employeur, le travailleur et la Fondation FAR, si bien que l’institution supplétive n’entre pas dans son champ d’application (cf. ATF 141 V 162 consid. 4.3.1).

 

Le TF admet la demande de A.__ et rejette celle de B.__.

 

 

Arrêt 9C_430/2022 consultable ici

 

9C_283/2023 (i) du 18.10.2023 – Montant d’une rente de vieillesse AVS succédant à une rente AI – 33bis al. 1 LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_283/2023 (i) du 18.10.2023

 

Consultable ici

 

Montant d’une rente de vieillesse AVS succédant à une rente AI / 33bis al. 1 LAVS

 

Assuré, né en juillet 1957, a perçu une rente d’invalidité mensuelle complète à partir du 01.01.2007 de CHF 1’165 (calculée sur la base d’un revenu annuel moyen déterminant de CHF 67’626 et de l’échelle 25) et à partir du 01.12.2012 de CHF 1’077 (calculée sur la base d’un revenu annuel moyen déterminant de CHF 64’032 et de l’échelle 25), compte tenu du recalcul en raison du fait que son épouse a également perçu une rente d’invalidité. Le 25.03.2022, l’assuré a demandé une rente de vieillesse, considérant que l’âge de la retraite sera atteint en juillet 2022. Par décision, confirmée sur opposition, la caisse de compensation a octroyé à l’assuré, dès le 01.08.2022, une rente mensuelle AVS de CHF 1’260, calculée sur la base des éléments de la prestation AI, actualisés à 2022.

 

Procédure cantonale (arrêt 30.2023.2 – consultable ici)

Par jugement du 13.03.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Lorsqu’une rente de vieillesse succède à une rente d’invalidité, l’art. 33bis al. 1 LAVS prévoit que les rentes de vieillesse ou de survivants sont calculées sur la base des mêmes éléments que la rente d’invalidité à laquelle elles succèdent, s’il en résulte un avantage pour l’ayant droit. Concrètement, on procède à un calcul comparatif, c’est-à-dire un calcul selon les éléments de l’AI et un calcul selon les éléments de l’AVS, c’est-à-dire comme si le bénéficiaire n’avait jamais perçu de prestation de l’AI. L’assuré a droit au montant qui lui est le plus favorable. Le même système est utilisé pour calculer le montant des rentes d’invalidité et de vieillesse, c’est-à-dire que les rentes de vieillesse et d’invalidité sont calculées sur la base de la durée de cotisation et du revenu annuel. Toutefois, les paramètres ne sont pas les mêmes.

Pour la rente de vieillesse : le calcul de la rente est déterminé par les années de cotisations – au moins une année complète est requise (art. 29 al. 1 LAVS) – entre le 1er janvier qui suit la date où l’ayant droit a eu 20 ans révolus et le 31 décembre qui précède l’âge de la retraite, et le revenu annuel moyen se compose des revenus de l’activité lucrative et des bonifications pour tâches éducatives ou d’assistance (art. 29bis al. 1 LAVS et art. 29quater LAVS), divisée par le nombre d’années de cotisation [art. 30 al. 2 LAVS non cité par le TF].

Pour la rente d’invalidité, la période de cotisation – trois années de cotisation au moins sont requises (art. 36 al. 1 LAI) – est celle qui s’étend jusqu’à l’année précédant la survenance de l’invalidité (art. 29bis al. 1 LAVS applicable conformément au report de l’art. 36 al. 2 LAI) et le revenu déterminant est celui perçu par la personne invalide. Pour le surplus, dans les considérants de l’arrêt attaqué, la cour cantonale a déjà exposé en détail les règles de droit et la pratique régissant la matière. Il y a lieu de s’y référer et de s’y tenir.

Consid. 4.1
Il ressort des constatations et des calculs de la cour cantonale que, s’agissant des éléments de l’AVS, la rente de vieillesse de l’assuré doit être déterminée sur la base du total des années de cotisation, soit 31 ans et 10 mois, correspondant à l’échelle de rente 31, et sur un revenu annuel moyen pour 2022 de CHF 37’284, respectivement CHF 38’718, bonifications pour tâches éducatives incluses. La rente mensuelle AVS qui en résulterait s’élèverait à CHF 1’192, respectivement CHF 1’214.

En ce qui concerne les éléments de l’AI, la rente doit être calculée en tenant compte d’une échelle de rentes 25 (la période de cotisation déterminante étant celle allant jusqu’à l’année précédant la survenance du cas d’assurance, soit concrètement jusqu’au 31.12.2006) et d’un revenu annuel moyen pour 2022 de CHF 73’134. La rente mensuelle AI qui en résulterait s’élèverait à CHF 1’260 francs, soit un montant plus élevé que si l’on utilisait les critères de l’AVS.

Consid. 4.2
L’assuré critique la constatation de la cour cantonale au motif qu’elle repose sur une base de calcul erronée. Il ne conteste pas en soi les montants retenus par l’instance cantonale, soit les bases de calcul utilisées pour déterminer les rentes de vieillesse et d’invalidité, mais prétend que le barème de revenu 31 reconnu dans la rente AVS devrait être comparé au revenu annuel moyen de CHF 73’134 pris en compte dans le calcul de la rente d’invalidité, ce qui permettrait d’obtenir une rente mensuelle de CHF 1’562. Il fausse ainsi les exigences de l’art. 33bis al. 1 LAVS, à savoir le calcul comparatif entre la rente AI calculée selon les critères de l’AI et la rente AVS calculée selon les règles de l’AVS. Son raisonnement est contraire au droit fédéral, à savoir l’art. 33bis LAVS. Les conclusions de la cour cantonale selon lesquelles le montant calculé selon les critères de l’AVS est inférieur à celui déterminé selon les critères de l’AI et qu’il était donc justifié de continuer à verser la rente de vieillesse sur la base des éléments de calcul de la rente AI méritent d’être confirmées.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_283/2023 consultable ici

 

Proposition de citation : 9C_283/2023 (i) du 18.10.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/12/9c_283-2023)

 

 

Entrée en vigueur de la réforme AVS 21 et prévoyance professionnelle

Entrée en vigueur de la réforme AVS 21 et prévoyance professionnelle

 

Article tiré du Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 162 (ch. 1117 et 1124) consultable ici

 

La réforme AVS 21, avec ses dispositions d’exécution, entrera en vigueur le 1er janvier 2024.

Cette réforme introduit un système de retraite flexible dans les 1er et 2e piliers. Il remplace l’actuel âge ordinaire de la retraite différent pour les hommes (65 ans) et les femmes (64 ans) par un âge de référence identique de 65 ans pour toutes les personnes assurées. Il sera notamment possible de prendre une retraite anticipée, différée ou partielle.

Les assurés ne pourront à l’avenir ajourner leur prestation de vieillesse au-delà de l’âge de référence dans le 2e pilier que s’ils continuent d’exercer une activité lucrative. Il en va de même pour l’ajournement du versement de la prestation de libre passage, un point qui a été controversé lors de la consultation.

Le Conseil fédéral a décidé de prévoir une période de transition de cinq ans pendant laquelle les assurés pourront ajourner la perception de leurs prestations de vieillesse, même sans poursuivre une activité lucrative.

L’âge de référence des femmes sera relevé progressivement de la manière suivante :

Âge de référence des femmes AVS/LPP
relèvement progressif selon la réforme AVS 21 qui entrera en vigueur le 1er janvier 2024
(art. 21 al. 1 LAVS et let. a des dispositions transitoires de la modification du 17 décembre 2021)
Femmes nées en 1960 ou avant 64 ans
Femmes nées en 1961 64 ans et 3 mois
Femmes nées en 1962 64 ans et 6 mois
Femmes nées en 1963 64 ans et 9 mois
Femmes nées en 1964 ou après 65 ans

Voir aussi le lien internet suivant (OFAS) : âge de référence : calculs personnalisés :
Stabilisation de l’AVS (AVS 21) (admin.ch)

Lien internet du communiqué de presse du 30 août 2023 :
Les dispositions d’exécution de la réforme AVS 21 entrent en vigueur le 1er janvier 2024 (admin.ch)

Modifications d’ordonnances du 30 août 2023 (RO 2023 506)

 

Commentaire des modifications d’ordonnances

Modifications de l’ordonnance sur le libre passage (OLP)

Art. 6 al. 4 OLP
Le terme d’»âge ordinaire de la retraite» est remplacé par celui d’»âge de référence». Matériellement, la disposition reste inchangée.

Art. 16 al. 1 OLP
L’ordonnance sur le libre passage doit être modifiée afin d’instaurer une disposition analogue à celle déjà en vigueur aujourd’hui pour le pilier 3a et qui s’appliquera également en cas d’ajournement de la prestation de vieillesse dans le 2ème pilier selon les art. 13, al. 2, et art. 13b, al. 2, LPP. Le but de cette modification est d’encourager la poursuite du travail au-delà de l’âge de référence, mais l’ajournement de la rente est aussi lié à la poursuite de l’activité lucrative pour des raisons fiscales, car seules des personnes qui continuent effectivement de travailler doivent pouvoir profiter des privilèges fiscaux liés à la prévoyance professionnelle. Les hommes et les femmes qui souhaitent ajourner la perception de la rente au-delà de l’âge de référence devront prouver à leur institution de libre passage qu’ils continuent à exercer une activité lucrative qu’elle soit dépendante ou indépendante. La condition de la poursuite effective d’une activité lucrative est remplie, lorsque la personne assurée le prouve en présentant par exemple un décompte de salaire, un contrat de travail ou une attestation de l’employeur pour les salariés. Si la personne exerce une activité indépendante, elle pourra le démontrer en produisant par exemple un relevé du compte commercial. La loi ne prévoit aucun taux d’occupation minimal. La disposition doit également être modifiée afin d’utiliser la terminologie «âge de référence» en lieu et place d’»âge ordinaire de la retraite».

Art. 19c al. 1 OLP
Le terme d’»âge de la retraite» est remplacé par celui d’»âge de référence». Cet article est adapté à la nouvelle teneur de l’art. 16, al. 1. Les avoirs des personnes qui apportent la preuve à leur institution de libre passage qu’elles continuent d’exercer une activité lucrative après l’âge de référence ne doivent évidemment pas être déclarés comme des «avoirs oubliés».

Art. 19g al. 2 OLP
Le terme d’»âge réglementaire de la retraite» est remplacé par celui d’»âge de référence réglementaire». Matériellement, la disposition reste inchangée.

Art. 19i OLP – Partage de la prévoyance en cas d’ajournement de la rente de vieillesse
Le terme d’»âge réglementaire de la retraite» est remplacé par celui d’»âge de référence réglementaire». Matériellement, la disposition reste inchangée.

Disposition transitoire de la modification du 30 août 2023
En raison de la modification de l’art. 16 OLP, l’assuré qui n’exerce plus d’activité lucrative doit retirer ses avoirs de libre passage lorsqu’il atteint l’âge de référence. Cette nouvelle réglementation concernerait également les personnes ayant atteint ou sur le point d’atteindre l’âge de référence au moment de l’entrée en vigueur. Ces personnes n’auraient plus le temps de modifier leur plan de retraite. Elles doivent donc avoir encore du temps jusqu’à fin 2029, mais au plus tard cinq ans après avoir atteint l’âge de référence, pour le retrait de leur avoir de libre passage. Cette disposition transitoire garantit également aux institutions de libre passage de disposer de suffisamment de temps pour adapter leurs règlements et leurs processus.

 

Modifications de l’ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (OPP 2)

Art. 14 al. 1 OPP 2
Le terme d’»âge-terme de la vieillesse» est remplacé par celui d’»âge de référence». Matériellement, la disposition reste inchangée.

Art. 24, titre, et al. 1, phrase introductive, OPP 2 – Réduction des prestations d’invalidité perçues avant l’âge de référence et des prestations de survivants
Le terme d’»âge ordinaire de la retraite» est remplacé par celui d’»âge de référence». Matériellement, la disposition reste inchangée.

Art. 24a, titre, al. 1, phrase introductive, al. 2 et 6 OPP 2 – Réduction des prestations d’invalidité à l’âge de référence
Les termes d’»âge ordinaire de la retraite» et d’»âge réglementaire de la retraite» sont remplacés par ceux d’»âge de référence» et d’»âge de référence réglementaire». Matériellement, la disposition reste inchangée.

Art. 26a, titre et al. 1 OPP 2 – Partage de la prévoyance en cas de réduction de la rente d’invalidité avant l’âge de référence réglementaire
Le terme d’»âge de la retraite» est remplacé par celui d’»âge de référence». Matériellement, la disposition reste inchangée.

Art. 26b, titre et al. 1 OPP 2 – Partage de la prévoyance en cas de réduction de la rente d’invalidité après l’âge de référence réglementaire
Le terme d’»âge réglementaire de la retraite» est remplacé par celui d’»âge de référence réglementaire». Matériellement, la disposition reste inchangée.

Art. 60a al. 3 et 4 OPP 2
Al. 3 : Dans la prévoyance professionnelle, une personne assurée a la possibilité, dans certaines situations, par exemple à la suite d’une diminution du taux d’activité ou en cas de maintien de l’assurance selon l’art. 47a LPP, de laisser des parts de l’avoir de prévoyance dans l’institution de prévoyance précédente et de ne pas devoir les percevoir. Si cette personne prend une nouvelle activité lucrative et ne transfère pas l’avoir de prévoyance, celui-ci ou comme jusqu’à présent son avoir de libre passage doit être pris en considération en cas d’éventuel rachat.

Al. 4 : Selon l’art. 79b al. 2, let. b, LPP, le Conseil fédéral règle désormais le rachat pour les assurés qui perçoivent déjà (rente) ou ont déjà perçu (capital) une prestation de vieillesse de la prévoyance professionnelle. Celui qui reprend une activité lucrative après une retraite anticipée et qui remplit les conditions légales est à nouveau assuré de façon active dans la prévoyance professionnelle et peut à nouveau effectuer des rachats. Selon le nouvel al. 4 de l’art. 60a, en cas de rachat, le montant maximal possible de rachat doit être réduit du montant qui correspond à la prestation de vieillesse déjà perçue. Afin de pouvoir calculer les possibilités de rachat, l’institution de prévoyance a besoin des informations sur le retrait de cette prestation et doit exiger les renseignements nécessaires de la personne assurée. Afin d’éviter une surassurance, les personnes ne peuvent effectuer des rachats que jusqu’à hauteur des prestations réglementaires selon l’art. 79b, al. 1, LPP qui ne dépassent pas le niveau de prévoyance antérieur (comme cela existait avant la survenance du cas de prévoyance vieillesse).

Cette règle correspond à une pratique déjà en vigueur (cf. Bulletin de la prévoyance professionnelle no 91, ch. 527). Elle empêche que des personnes qui perçoivent déjà une prestation de vieillesse puissent constituer une deuxième prévoyance par le biais de rachats en bénéficiant à nouveau d’allégements fiscaux.

Avec la nouvelle possibilité légale des retraites partielles, il faut éviter des situations de surassurance par des rachats ultérieurs également pour ces cas. L’ajout de «ou augmentent à nouveau leur taux d’activité» dans le nouvel alinéa 4 garantit de façon analogue d’éviter de telles situations.

Art. 62d OPP 2
La disposition transitoire prévoit expressément que l’âge de référence selon la disposition transitoire de la LAVS s’applique également à l’âge de référence des femmes dans la prévoyance professionnelle.

 

Modifications de l’ordonnance sur les déductions admises fiscalement pour les cotisations versées à des formes reconnues de prévoyance (OPP 3)

 

Art. 3 al. 1 OPP 3
Le terme d’»âge ordinaire de la retraite» est remplacé par celui d’»âge de référence». Matériellement, la disposition reste inchangée.

Art. 3a al. 3 et 4 OPP 3
Le terme d’»âge ordinaire de la retraite» est remplacé par celui d’»âge de référence». Matériellement, la disposition reste inchangée.

Art. 7 al. 3 OPP 3
Le terme d’»âge ordinaire de la retraite» est remplacé par celui d’»âge de référence». Matériellement, la disposition reste inchangée.

 

Pour plus de détails, voir le message du 28 août 2019 relatif à la stabilisation de l’AVS (AVS 21), FF 2019 5979 (pp. 6047 ss et 6074 ss)

 

Questions-réponses sur les modifications de la prévoyance professionnelle introduites par la réforme AVS 21 (prise de position de l’OFAS)

  • Une personne assurée qui a pris une retraite anticipée peut-elle racheter l’intégralité des prestations réglementaires dans une nouvelle institution de prévoyance ?

Reposant sur une pratique déjà en vigueur (cf. Bulletin de la prévoyance professionnelle no 91, ch. 527), l’art. 60a al. 4 OPP 2, précise désormais les possibilités de rachat des personnes assurées qui, avant l’âge de référence, perçoivent une rente de vieillesse ou ont déjà perçu une prestation de vieillesse en capital de la prévoyance professionnelle.

Une personne assurée qui reprend une activité professionnelle après une retraite anticipée a, dans certains cas, la possibilité de racheter des prestations réglementaires. Afin d’éviter une surassurance, la personne assurée ne peut racheter que les prestations réglementaires visées à l’art. 79b al. 1 LPP, qui excèdent la prévoyance antérieure à la survenance du cas de prévoyance dans l’institution de prévoyance précédente. Pour le calcul de la somme de rachat, la nouvelle institution de prévoyance doit donc imputer l’avoir de vieillesse qui était disponible à l’échéance des prestations de vieillesse.

Exemple 1 : une personne assurée quitte l’employeur A à l’âge de 60 ans. Ayant épargné, à un taux d’occupation de 100%, un avoir de vieillesse de 400’000 francs, elle perçoit l’intégralité de sa prestation de vieillesse. À l’âge de 63 ans, elle décide de reprendre une activité à 50% auprès du nouvel employeur B. Selon le plan de prévoyance et le règlement de la nouvelle institution de prévoyance B, la personne assurée dispose d’un potentiel de rachat de 100’000 francs. Afin d’éviter une surassurance, l’institution de prévoyance B doit imputer l’avoir de vieillesse déjà perçu de 400’000 francs sur le nouveau potentiel de rachat de 100’000 francs. Par conséquent, dans ce cas, il n’est plus possible d’effectuer des rachats.

Après une retraite partielle, le potentiel de rachat est déjà calculé sur la base du salaire restant, plus faible. L’avoir de vieillesse utilisé pour la retraite partielle ne peut dès lors pas faire l’objet d’une déduction supplémentaire.

Exemple 2 : à l’âge de 60 ans, la personne assurée prend une retraite partielle auprès de l’employeur A ; elle perçoit une prestation de vieillesse correspondant à 50% de son avoir de vieillesse (200’000 francs). Avant la retraite partielle, le potentiel de rachat s’élevait à 150’000 francs. Après la retraite partielle, le nouveau potentiel de rachat est calculé sur la base du salaire restant (taux d’occupation de 50%), d’après le plan de prévoyance et le règlement de l’institution de prévoyance A. La personne dispose donc encore d’un potentiel de rachat de 75’000 francs. Comme le taux d’occupation n’augmente pas après la retraite partielle, l’institution de prévoyance A ne peut pas déduire en plus l’avoir de vieillesse de 200’000 francs perçu par la personne assurée.

En conclusion, en ce qui concerne les personnes qui font usage des nouvelles possibilités de retraite partielle, la réglementation vise donc, d’une part, à ne pas les placer dans une situation moins favorable pour ce qui est des possibilités de rachat et, d’autre part, à éviter une surassurance.

 

  • Une institution de prévoyance peut-elle continuer à prélever des contributions pour frais d’administration auprès d’assurés qui ajournent le versement des prestations de vieillesse sans payer de cotisations (art. 13 al. 2 LPP) ?

En cas d’ajournement des prestations de vieillesse au sens de l’art. 13 al. 2 LPP, la personne assurée reste en principe dans le même plan de prévoyance qu’avant qu’elle n’ait atteint l’âge de référence et avant l’ajournement des prestations, à ceci près qu’elle ne paie plus de cotisations de vieillesse et de risque. Si le règlement de l’institution de prévoyance prévoit expressément que les salariés paient une partie des contributions pour frais d’administration, celles-ci peuvent toujours être prélevées. Cependant, l’OFAS estime qu’il ne serait pas admissible que ces contributions soient prélevées uniquement auprès des assurés qui ajournent leur prestation de vieillesse, alors que pour les assurés actifs, par exemple, l’employeur doit payer la totalité des contributions pour frais d’administration. Il est primordial que tous les assurés soient traités sur un pied d’égalité.

 

  • En cas d’ajournement de la prestation de vieillesse au sens de l’art. 13 al. 2 LPP, l’avoir de vieillesse doit-il toujours être rémunéré ?

Oui. Comme la possibilité d’ajourner la perception de la rente est partie intégrante des prescriptions minimales LPP, l’avoir de vieillesse visé à l’art. 15 al. 1 LPP doit être rémunéré, en vertu de l’art. 15 al. 2 LPP, durant toute la période d’ajournement (cf. Message relatif à la stabilisation de l’AVS [AVS 21], commentaire de l’art. 13, al. 2, LPP).

 

  • Selon le nouvel art. 16 OLP, jusqu’à quand au plus tard les assurés doivent-ils retirer leur avoir de prévoyance de l’institution de libre passage ?

En vertu de la disposition transitoire relative à l’art. 16 OLP, une personne peut différer le versement de son avoir de libre passage jusqu’à cinq ans après avoir atteint l’âge de référence, mais au plus tard en 2029, et ce, même si elle n’exerce plus d’activité lucrative. Ce n’est qu’ensuite que le nouvel art. 16 OLP est applicable : il prévoit que l’avoir de libre passage d’une personne ne peut être ajourné après qu’elle a atteint l’âge de référence que si elle continue d’exercer une activité lucrative.

Exemple pour les personnes qui n’appartiennent pas à la génération transitoire :

Une femme, née en avril 1959, atteint l’âge de référence en avril 2023, à 64 ans. Même si elle n’exerce pas d’activité lucrative après ses 64 ans, elle peut maintenir son compte de libre passage en vertu de la disposition transitoire. Dans la mesure où elle a atteint l’âge de référence en avril 2023, elle doit donc retirer son compte de libre passage au plus tard à fin avril 2028.

Un homme, né en avril 1959, atteint l’âge de référence en avril 2024, à 65 ans. Même s’il n’exerce pas d’activité lucrative après ses 65 ans, il peut maintenir son compte de libre passage en vertu de la disposition transitoire. Dans la mesure où il a atteint l’âge de référence en avril 2024, il doit donc retirer son compte de libre passage au plus tard à fin avril 2029.

 

  • Effet de la disposition transitoire relative à l’art. 16 OLP pour les années 2024-2034, avec ou sans activité lucrative

Tous les assurés qui n’exercent plus d’activité lucrative après avoir atteint l’âge de référence doivent retirer leur avoir de libre passage jusqu’à 5 ans après l’avoir atteint, mais au plus tard en 2029 (et ce, même s’il ne s’est pas encore écoulé 5 ans depuis qu’ils l’ont atteint). Comme l’âge de référence des femmes sera relevé de manière échelonnée, le moment de la perception de la prestation de vieillesse est différent pour les femmes et les hommes.

Femmes:

Année de naissance sans activité lucrative, perception au plus tard en 2029 à l’âge de

avec activité lucrative, perception au plus tard à l’âge de
1960 69 ans 69 ans (2029)
1961 68 ans 69 ans et 3 mois (2030/31)
1962 67 ans 69 ans et 6 mois (2031/32)
1963 66 ans 69 ans et 9 mois (2032/33)
1964 65 ans 70 ans (2034)

 

Hommes:

Année de naissance sans activité lucrative, perception au plus tard en 2029 à l’âge de

avec activité lucrative, perception au plus tard à l’âge de
1960 69 ans 70 ans
1961 68 ans 70 ans
1962 67 ans 70 ans
1963 66 ans 70 ans
1964 65 ans 70 ans

Exemples :

La prestation de libre passage d’une femme née le 30 novembre 1961 doit lui être versée le 31 décembre 2029, dans le cas où elle n’exerce plus d’activité lucrative. Si elle en exerce encore une, elle devra percevoir sa prestation de vieillesse au plus tard le 28 février 2031 (à l’âge de 69 ans et 3 mois).

La prestation de libre passage d’un homme né le 30 novembre 1961 devra lui être versée le 31 décembre 2029, dans le cas où il n’exerce plus d’activité lucrative. S’il en exerce encore une, il devra percevoir sa prestation de vieillesse au plus tard le 30 novembre 2031 (à l’âge de 70 ans).

 

  • Est-ce que la nouvelle règle pour le retrait des avoirs de libre passage concerne tous les comptes de libre passage ?

La nouvelle règle s’applique pour le retrait de tous les comptes de libre passage, indépendamment de leur date d’ouverture. Si un compte de libre passage a été ouvert avant l’entrée en vigueur de la modification de l’art. 16 OLP, cette modification est également applicable. Sauf poursuite d’une activité lucrative, tous les avoirs de libre passage doivent donc être versés à 65 ans au plus tard.

 

  • Le terme «prestations de vieillesse» mentionné à l’art. 60a al. 4 OPP 2, englobe-t-il également les institutions de libre passage ?

Le but de l’art. 60a al. 4 OPP 2, est d’éviter qu’une personne qui a déjà perçu des prestations de vieillesse puisse effectuer des rachats importants sans qu’il ne soit tenu compte des prestations déjà perçues. La rédaction de cette disposition, qui ne parle que de «prestations de vieillesse» sans désignation des institutions de prévoyance, doit être comprise pour l’ensemble des prestations de vieillesse du 2e pilier versées, à savoir celles des institutions de prévoyance et des fondations de libre passage. Si l’on ne tenait compte que des prestations de vieillesse perçues auprès d’une institution de prévoyance, on créerait alors une différence de traitement entre les prestations de vieillesse perçues d’une institution de prévoyance et celles perçues d’une fondation de libre passage.

 

 

Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 162 (30.11.2023), Entrée en vigueur de la réforme AVS 21 et prévoyance professionnelle (ch. 1117), Questions-réponses sur les modifications de la prévoyance professionnelle introduites par la réforme AVS 21 (ch. 1124), consultable ici

Mitteilungen über die berufliche Vorsorge Nr. 162 (30.11.2023), Inkrafttreten der Reform AHV 21 und berufliche Vorsorge (Rz 1117), Fragen und Antworten zu den Änderungen in der beruflichen Vorsorge im Rahmen der Reform AHV 21 (Rz 1124), hier abrufbar

 

Assurances sociales : ce qui va changer en 2024

Assurances sociales : ce qui va changer en 2024

 

Article de Mélanie Sauvain paru in Sécurité Sociale CHSS, 27.11.2023, consultable ici

 

Partir progressivement à la retraite devient possible. C’est l’un des changements concrets que les assurés suisses verront en 2024. D’autres modifications de loi, comme la modernisation de la surveillance du 1er pilier, seront moins tangibles mais tout aussi importantes pour la solidité des assurances sociales.

En un coup d’œil

  • La réforme AVS21 introduit diverses options pour passer de la vie active à la retraite de manière progressive.
  • Les réelles possibilités de revenu des personnes atteintes dans leur santé sont mieux prises en compte dans le calcul du taux d’invalidité.
  • En cas de décès d’un parent peu après la naissance d’un enfant, les congés de maternité, respectivement de paternité, sont prolongés pour le parent survivant.
  • Un monitorage pour surveiller l’évolution des coûts de la santé est introduit dans les conventions tarifaires entre prestataires de soins et assureurs.

 

Plusieurs nouvelles dispositions entrent en vigueur en 2024. Afin que les assurés, les employeurs et les personnes actives dans le domaine des assurances sociales aient une vue d’ensemble, le présent article résume les principaux changements, sur la base des informations disponibles à la mi-novembre 2023.

 

Stabilisation de l’AVS (AVS21)

Les différentes mesures de la réforme Stabilisation de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS 21) entrent en vigueur de manière échelonnée (voir graphique). A partir du 1er janvier 2024, les assurés peuvent aménager leur passage de la vie active à la retraite de manière plus flexible et progressive. Ils peuvent notamment anticiper une partie de leur rente de vieillesse et ajourner une autre partie, dans l’AVS et la prévoyance professionnelle (pour plus de détails, voir Sauvain 2023).

À partir de la même date, il sera possible de choisir de continuer à payer des cotisations sur l’entier de son salaire en cas de poursuite de l’activité lucrative après l’âge de 65 ans, fixé comme âge de référence. La franchise sur la part du salaire inférieure à 1400 francs par mois devient en effet facultative. Cette possibilité permet de combler d’éventuelles lacunes de cotisations et d’augmenter sa rente future. Par ailleurs, le délai de carence pour obtenir une allocation pour impotent de l’AVS est abaissé à 6 mois au lieu d’une année jusqu’ici.

La réforme AVS21 entraîne aussi une hausse du taux ordinaire de la TVA de 0,4 point à 8,1% ; le taux réduit (biens de première nécessité) et le taux spécial (hébergement) augmentent de 0,1 point, passant respectivement à 2,6% et 3,8%. Les recettes ainsi engrangées sont entièrement versées à l’AVS, en plus de celles provenant du «point de pourcentage démographique» que l’assurance reçoit déjà.

Échelons de l’entrée en vigueur de la réforme AVS21

Échelons de l’entrée en vigueur de la réforme AVS21
Échelons de l’entrée en vigueur de la réforme AVS21

 

AI : revenu hypothétique plus réaliste 

Le taux d’invalidité est décisif pour déterminer s’il existe un droit à une rente invalidité et, le cas échéant, pour calculer le montant de cette rente. Pour évaluer ce taux, les offices AI comparent les revenus de l’assuré avant et après la survenance de l’invalidité. Lorsque l’assuré ne travaille plus, les montants utilisés sont hypothétiques et se basent sur des barèmes statistiques de salaires (OFAS 2023a).

A partir du 1er janvier 2024, ces revenus hypothétiques en cas d’invalidité seront réduits de 10% afin de mieux tenir compte des réelles possibilités de revenu des personnes atteintes dans leur santé qui sont souvent moins élevées que les montants de référence des barèmes de salaires. Cette adaptation devrait conduire à une augmentation du taux d’invalidité des personnes concernées et donc à une hausse de leur rente, ainsi qu’à un plus grand nombre de reclassements.

La nouvelle déduction forfaitaire de 10% est appliquée uniquement aux nouveaux cas (dès 2024) dans lesquels un revenu hypothétique doit être pris en compte, faute de revenu effectif après l’invalidité. Les rentes en cours, elles, devront être révisées par les offices AI réviser dans un délai de trois ans. Les autres méthodes de calcul du taux d’invalidité ne sont pas concernées.

 

APG : congé pour le parent survivant prolongé

Le régime des allocations pour perte de gain (APG) est adapté au 1er janvier 2024 pour faire face au décès d’un parent peu après la naissance d’un enfant. Le parent survivant bénéficie d’une prolongation à 16 semaines de son congé de maternité, respectivement de paternité. Si une mère décède dans les 14 semaines après son accouchement, le père de l’enfant – respectivement l’épouse de la mère – se voit octroyer un congé de 14 semaines qui s’ajoute aux 2 semaines auxquelles il (ou elle) avait déjà droit. En cas de décès du père ou de l’épouse de la mère au cours des six mois suivant la naissance de l’enfant, la mère survivante a droit à un congé supplémentaire de 2 semaines.

Cette adaptation des APG s’accompagne de modifications rédactionnelles. Les termes de «congé paternité» et «allocation de paternité» laissent place dans la loi aux «congé de l’autre parent» et «allocation à l’autre parent» afin de tenir compte de l’introduction du mariage civil pour tous en 2022. L’épouse de la mère est reconnue comme parent légal si l’enfant a été conçu au moyen de don de sperme. Et en français, on parle désormais d’ordonnance sur les allocations pour perte de gain (OAPG) et non plus de règlement (RAPG).

 

PC : fin de la période transitoire

Dans les prestations complémentaires (PC), 2024 marque la fin des dispositions transitoires de la réforme entrée en vigueur en 2021. Ces dispositions ont été prévues pour les personnes qui étaient déjà au bénéfice de PC et qui auraient vu leur situation se détériorer à la suite de la réforme. Les anciennes règles en vigueur avant 2021 leur ont été appliquées durant trois ans afin de leur permettre d’adapter leur situation personnelle, notamment en ce qui concerne le loyer.

D’autres nouveautés en lien avec la fortune, respectivement les renonciations de fortune, sont désormais aussi appliquées à ces personnes. Le seuil de fortune introduit en 2021 (100’000 francs pour une personne seule ; 200’000 pour un couple) peut par exemple conduire à la fin du droit aux PC pour les personnes qui possèdent un patrimoine supérieur à ces montants (la valeur du logement qui sert d’habitation et dont l’assuré est propriétaire n’est pas prise en compte).

 

Modernisation de la surveillance

Des instruments modernes de gestion des risques, de gestion de la qualité et de contrôle interne sont mis en place par les organes d’exécution dans l’AVS, les PC, le régime des APG et les allocations familiales dans l’agriculture. C’est l’une des mesures du projet «Modernisation de la surveillance» qui vise un renforcement de la gouvernance ainsi qu’une amélioration du pilotage et de la surveillance des systèmes d’information du 1er pilier. Dans ce but, les rôles et obligations des organes d’exécution et de l’autorité de surveillance sont précisés. Toutes ces mesures entrent en vigueur le 1er janvier 2024.

Dans le 2e pilier, des améliorations ponctuelles de la surveillance ont aussi lieu. Les adaptations visent en premier lieu à régler la reprise des effectifs de bénéficiaires de rentes. Les tâches des experts en matière de prévoyance professionnelle sont également précisées (Baumann, 2020).

 

AMal : mesures de maîtrise des coûts et hausse des primes

Quatre dispositions visant à limiter la hausse des coûts de la santé à ce qui est justifié médicalement entrent en vigueur le 1er janvier 2024. Elles composent le volet 1b d’un paquet plus global de mesures, dont le 2e volet (incluant la question des réseaux de soins coordonnés) est en cours de traitement au Parlement.

Un monitorage est désormais introduit dans les conventions tarifaires entre fournisseurs de prestations et assureurs. Les deux parties sont tenues de prendre des mesures pour surveiller l’évolution des quantités, des volumes et des coûts. Ils devront prendre des mesures correctives en cas de hausses excessives.

La modification de la Loi sur l’assurance-maladie (LAMal) prévoit aussi que les pharmaciens peuvent remettre un médicament meilleur marché lorsque plusieurs produits pharmaceutiques contenant la même substance active figurent dans la liste des spécialités. Dans ce cas de figure, la quote-part assumée par la personne assurée s’élève à 10% seulement.

Les associations d’assureurs obtiennent le droit de recourir auprès du Tribunal administratif fédéral contre les décisions des cantons en lien avec les listes des hôpitaux. Seules les organisations d’importance nationale ou régionale qui se consacrent à la défense des intérêts de leurs membres disposent de ce droit de recours. Enfin, la quatrième mesure concerne les médicaments ayant fait l’objet d’une importation parallèle : leur étiquetage et les textes d’information qui les accompagnent pourront être simplifiés.

En parallèle, le Conseil fédéral a mis en œuvre différentes mesures visant à promouvoir l’utilisation de génériques et de biosimilaires moins coûteux. Diverses ordonnances ont été révisées en ce sens.

Ce paquet de mesures intervient alors que les primes de l’assurance-maladie obligatoire prennent l’ascenseur. En 2024, la prime moyenne mensuelle s’élève à 359,50 francs, ce qui correspond à une hausse de 28,70 francs ou 8,7% par rapport à 2023. La prime moyenne des adultes atteint 426,70 francs (+ 8,6%) et celle des jeunes adultes 300,60 francs (+ 8,6%). La prime moyenne des enfants se monte à 111,80 francs (+ 7,7%). Toutes les données relatives aux primes peuvent être téléchargées à partir du portail Open Data.

Une autre modification de la LAMal au 1er janvier 2024 vise à aider le désendettement des plus jeunes. Les mineurs ne seront désormais plus poursuivis pour les primes et les participations aux coûts impayées par leurs parents. Ce changement mettra fin au régime actuel selon lequel chaque assuré, mineur ou majeur, est personnellement débiteur des primes d’assurance-maladie le concernant.

 

LPP : hausse du taux d’intérêt minimal

Dans la prévoyance professionnelle obligatoire (LPP), le taux d’intérêt minimal est relevé de 0,25 point à 1,25% en 2024 (OFAS 2023b). Le Conseil fédéral a suivi les recommandations de la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle pour fixer l’intérêt minimal auquel doivent être rémunérés les avoirs de vieillesse de la LPP. L’élément déterminant pour fixer ce taux à 1,25% est l’évolution du rendement des obligations de la Confédération qui a considérablement augmenté, ainsi que l’évolution des actions, des obligations et de l’immobilier.

 

Mélanie Sauvain, Assurances sociales : ce qui va changer en 2024, in Sécurité Sociale CHSS, 27.11.2023, consultable ici

Mélanie Sauvain, Sozialversicherungen: Was ändert sich 2024?, in Soziale Sicherheit CHSS, 27.11.2023, hier abrufbar

 

8C_620/2022 (d) du 21.09.2023, destiné à la publication – Prestations en faveur des bénéficiaires non limitées dans le temps en fonction de l’âge en vertu de l’art. 21 al. 1 let. c LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_620/2022 (d) du 21.09.2023

 

Arrêt consultable ici

Communiqué de presse du TF du 26.10.2023 consultable ici

 

Prestations en faveur des bénéficiaires de rentes partiellement invalides ne sont pas limitées dans le temps en fonction de l’âge en vertu de l’art. 21 al. 1 let. c LAA

 

Le Tribunal fédéral admet le recours d’une bénéficiaire de rente partiellement invalide dont l’assurance-accidents a supprimé les prestations à sa charge une fois atteint l’âge ordinaire de la retraite. La lettre, la genèse, le contexte et l’interprétation téléologique de l’art. 21 al. 1 let. c LAA s’opposent dans l’ensemble à une limitation dans le temps, en fonction de l’âge, des prestations en faveur des bénéficiaires de rentes partiellement invalides.

L’assurance-accidents verse depuis plusieurs années une rente d’invalidité à la recourante partiellement invalide et a jusqu’ici également pris en charge les frais d’une physiothérapie à long terme visant à maintenir sa capacité résiduelle de gain. Par décision, puis décision sur opposition, l’assurance-accidents a supprimé ces prestations de soins ainsi que le remboursement des frais au 31 mai 2020, au motif que la recourante allait atteindre l’âge de 64 ans à mi-mai 2020 et, par conséquent, l’âge ordinaire de la retraite. Le Tribunal des assurances sociales du canton de Zurich a rejeté le recours formé contre cette décision. Le Tribunal fédéral admet le recours et annule la décision attaquée ainsi que la décision sur opposition.

Le Tribunal fédéral s’est penché de manière approfondie sur la teneur de l’art. 21 al. 1 let. c LAA. Il ressort de la lettre claire de ladite disposition qu’il n’est, premièrement, pas exigé de la personne assurée qu’elle fasse effectivement usage de sa capacité résiduelle de gain. De même, rien n’indique que les prestations en nature en faveur des bénéficiaires de rentes partielles ne soient plus dues une fois l’âge de la retraite AVS atteint. Deuxièmement, le processus législatif n’apporte pas d’indications utiles à cet égard. Troisièmement, et contrairement à ce qui est le cas pour la rente de l’assurance-accidents, il n’existe pas de disposition légale relative aux conséquences de l’âge de la retraite AVS sur le droit aux prestations prévues à l’art. 21 al. 1 LAA. Du point de vue systématique, rien ne permet non plus de conclure à une restriction, voire une limitation temporelle liées à l’âge. Quatrièmement, au regard du sens et du but de la disposition, il apparaît peu probable que le législateur ait voulu, en opérant la distinction entre les let. c et d, limiter le droit au traitement médical des personnes âgées partiellement invalides. En effet, en cas d’invalidité totale, la prise en charge par l’assurance-accidents des frais de traitement des bénéficiaires de rente est accordée aux conditions clairement énoncées à la let. d, indépendamment de l’âge. Il n’y a ainsi pas de raison de répercuter sur l’assurance-maladie le remboursement des frais causés par un accident dans le cas de bénéficiaires de rente partiellement invalides, à partir de l’âge de la retraite AVS.

En résumé, tant la lettre de la disposition que sa genèse, son contexte et son interprétation téléologique s’opposent dans l’ensemble à une limitation dans le temps en fonction de l’âge, fondée sur l’art. 21 al. 1 let. c LAA, des prestations en faveur des bénéficiaires de rentes partiellement invalides. Par conséquent, l’assurance-accidents reste, jusqu’à nouvel ordre, tenue de prendre en charge les coûts d’une physiothérapie à long terme visant à maintenir la capacité résiduelle de gain.

 

Arrêt 8C_620/2022 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 26.10.2023 consultable ici

 

Davantage de moyens auxiliaires pour les retraités handicapés

Davantage de moyens auxiliaires pour les retraités handicapés

 

Communiqué de presse du Parlement du 26.09.2023 consultable ici

 

Les retraités souffrant d’un handicap devraient bénéficier de davantage de moyens auxiliaires. Le Conseil des Etats a transmis mardi au Conseil fédéral, par 25 voix contre 13, une motion du National visant à promouvoir une vie autonome et à retarder un séjour dans un hôpital ou dans un home.

La différence entre les prestations de l’AVS et de l’Assurance invalidité (AI) est très marquée pour ce qui est des moyens auxiliaires. Les personnes retraitées sont moins bien loties, ce qui se répercute sur leur mobilité et leur autonomie.

Actuellement, la canne blanche ne figure par exemple pas au catalogue de prestations de l’AVS. Une sélection ciblée et « intelligente » des moyens auxiliaires permettrait d’améliorer la qualité de vie des personnes concernées et de retarder ou d’éviter les coûts élevés d’une prise en charge dans une institution, a indiqué Maya Graf (Vert-e-s/BL) au nom de la commission.

Le Conseil fédéral devra réviser l’ordonnance concernant la remise de moyens auxiliaires par l’AVS en conséquence.

 

Coûts potentiellement importants

La question du maintien à domicile est de la responsabilité des cantons. Dans le cadre des prestations complémentaires, ils prennent en charge les frais qui permettent le maintien à domicile des personnes concernées, a opposé Peter Hegglin (C/ZG).

Et d’ajouter que la motion sera difficile à mettre en œuvre car pratiquement toutes les prestations de l’AI pourraient servir les objectifs d’autonomie et de report de placement en institution. Au vu du vieillissement de la population, étendre les prestations de l’AVS auraient d’importantes conséquences financières, a-t-il encore fait valoir, en vain.

C’est vrai que la notion de sélection « intelligente » doit encore être définie, mais l’on parle ici de moyens auxiliaires et pas de modifications de logement, a rétorqué Maya Graf.

Le Conseil fédéral était aussi opposé au texte. L’AVS et l’AI ne poursuivent pas le même objectif, a relevé le ministre des affaires sociales Alain Berset. Les coûts sont difficiles à chiffrer, mais il part du principe qu’ils seront importants.

Une révision de la loi sur les prestations complémentaires est en cours qui prévoit la prise en charge des logements protégés pour les personnes âgées au bénéfice de prestations complémentaires que ce soit à domicile ou dans un logement institutionnalisé. De plus, le Parlement a chargé le Conseil fédéral d’examiner l’introduction d’une contribution d’assistance dans l’AVS afin de retarder l’entrée en EMS. Il serait préférable d’attendre la fin de ses travaux, a encore plaidé, en vain, M. Berset.

 

Communiqué de presse du Parlement du 26.09.2023 consultable ici

Motion CSSS-N 22.4261 « Soins ambulatoires plutôt que stationnaires pour les personnes retraitées atteintes d’un handicap. Sélection intelligente des moyens auxiliaires » consultable ici

Rapport de la CSSS-E du 15.08.2023 disponible ici