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Assurances sociales : ce qui va changer en 2025

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025

 

Article de Mélanie Sauvain, paru in Sécurité sociale CHSS du 26.11.2024, consultable ici

 

À l’instar des rentes AVS et AI, plusieurs prestations sociales vont augmenter au 1er janvier 2025. C’est également à partir de cette date que l’âge de référence des femmes passera progressivement de 64 à 65 ans.

Plusieurs nouvelles mesures entrent en vigueur début 2025. Afin que les assurés, les employeurs et les personnes actives dans le domaine des assurances sociales aient une vue d’ensemble, le présent article résume les principaux changements, sur la base des informations disponibles à la fin novembre 2024. Au moment de la rédaction de cet article, le recours contre le relèvement de l’âge de la retraite des femmes est toujours pendant au Tribunal fédéral.

 

1er pilier : hausse des rentes et des allocations pour impotent

Les rentes du 1er pilier augmentent de 2,9% dès le 1er janvier 2025. La rente minimale dans l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) et dans l’assurance-invalidité (AI) passe ainsi de 1’225 à 1’260 francs par mois ; la rente maximale pour une durée de cotisation complète de 2’450 à 2’520 francs. La rente AVS pour couples mariés s’élève désormais à 3’780 francs. La dernière adaptation de ces rentes à l’évolution des prix et des salaires datait de 2023.

En parallèle, le montant de la cotisation minimale AVS/AI/APG pour les indépendants et les personnes sans activité lucrative passe à 530 francs par an ; celui de la cotisation minimale dans l’AVS/AI facultative à 1’010 francs.

Destinées aux bénéficiaires de rentes tributaires de l’aide d’autrui, les allocations pour impotent dans l’AVS et l’AI sont également relevées. Leurs montants dépendent du degré de l’impotence. Enfin, dans l’AI, la contribution d’assistance se monte désormais à 35.30 francs par heure (+ 1 franc) et à 169.10 francs par nuit (+ 4.65 francs).

 

Besoins vitaux : hausse des PC et des Ptra

Les prestations complémentaires (PC) et les prestations transitoires (Ptra) augmentent également. Le forfait annuel pour couvrir les besoins vitaux passe à 20’670 francs pour les personnes seules (+ 570 francs) ; à 31’005 francs pour les couples (+ 855 francs) ; à 10’815 francs pour les enfants âgés de plus de 11 ans (+ 300 francs) et à 7’590 francs pour les enfants de moins de 11 ans (+ 210 francs).

Les montants maximaux des loyers pris en compte dans le cadre des PC et des Ptra sont aussi adaptés au renchérissement. Ils s’élèvent désormais à 18’900 francs dans les grands centres urbains (région 1), à 18’300 francs dans les villes (région 2) et à 16’680 francs à la campagne (région 3). Enfin, les franchises sur le revenu de l’activité lucrative sont relevées de 1’000 à 1’300 francs par an pour les personnes seules ; de 1’500 à 1’950 francs par an pour les couples ou les personnes avec enfant.

 

Allocations familiales : hausse des montants minimaux

Dans le domaine des allocations familiales, les montants minimaux fixés par la Confédération sont revus à la hausse en 2025. L’allocation pour enfant s’élève désormais à 215 francs par mois au lieu de 200 francs ; l’allocation de formation à 268 francs par mois au lieu de 250 francs.

Cette augmentation concerne en premier lieu les parents travaillant dans les cantons qui versent les montants minimaux, à savoir Argovie, Bâle-Campagne, Glaris, Soleure, Tessin, Thurgovie et Zurich. Les autres cantons, qui prévoient déjà des allocations plus élevées, ne sont pas obligés de procéder à une hausse.

 

2e et 3e piliers : nouveaux montants

Liés aux rentes du 1er pilier, plusieurs montant de la prévoyance professionnelle subissent aussi des changements début 2025. La déduction de coordination dans le régime obligatoire (LPP) passe à 26’460 francs ; le seuil d’entrée à 22’680 francs. Pour le 3e pilier (3a), la déduction fiscale autorisée par année s’élève désormais à 7’258 francs pour les personnes avec un 2e pilier et à 36’288 francs pour celles qui n’en ont pas.

Les rentes de survivants et d’invalidité de la LPP sont également adaptées. Elles augmentent de 0,8% si elles ont été adaptées pour la première fois en 2024 ; de 2,5% si leur dernière adaptation a eu lieu en 2023. Dans le régime surobligatoire, c’est l’organe suprême de l’institution de prévoyance qui décide chaque année si et dans quelle mesure les rentes doivent être adaptées.

Le taux d’intérêt minimal dans la LPP reste inchangé à 1,25% en 2025. Le Conseil fédéral a suivi les recommandations de la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle pour fixer l’intérêt minimal auquel doivent être rémunérés les avoirs de vieillesse de la LPP.

Enfin, dans la prévoyance individuelle liée (pilier 3a), il sera désormais possible d’effectuer des rachats à certaines conditions. Concrètement, une personne exerçant une activité lucrative en Suisse et qui n’aura pas versé chaque année la cotisation maximale autorisée dans son 3e pilier pourra la verser rétroactivement dans les dix années qui suivent. Seules les lacunes de cotisation survenant après l’entrée en vigueur du projet pourront être rachetées. Les lacunes étant apparues avant 2025 ne peuvent donc pas être comblées. Ce rachat sera autorisé en plus de la cotisation ordinaire et pourra également être déduit du revenu imposable.

 

AVS 21 : 2e étape

La deuxième étape de la réforme Stabilisation de l’AVS (AVS 21) entre en vigueur début 2025. Seules les femmes nées après 1960 sont concernées. Leur âge de référence (auparavant «âge de la retraite») va augmenter progressivement jusqu’en 2028 pour s’établir finalement à 65 ans comme pour les hommes.

 

L’âge de référence indique l’âge auquel une personne peut percevoir sa rente de vieillesse sans réduction ni supplément. Il n’est pas contraignant. Depuis 2024, il est en effet possible de prendre sa retraite entre 63 et 70 ans ; et cela également de manière partielle. En cas de départ à la retraite avant 65 ans, la rente est réduite ; si la retraite est repoussée après 65 ans, la rente est augmentée (Sauvain, 2023). Les taux de réduction et d’ajournement seront prochainement revus à la baisse, probablement en 2027, afin de mieux tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie.

L’augmentation de l’âge de référence s’accompagne de mesures de compensation (OFAS, 2022). Ainsi, les femmes nées entre 1961 et 1969 ont droit dès 2025 à un supplément de rente pour autant qu’elles perçoivent leur rente de vieillesse à l’âge de référence ou ultérieurement. Les femmes qui choisissent d’anticiper leur rente n’ont pas droit à ce supplément, mais elles bénéficient de taux de réduction plus favorables.

Le supplément de rente est échelonné en fonction du revenu et de l’année de naissance. Il s’élève entre 13 et 160 francs par mois. Il n’est pas soumis au plafonnement des rentes pour les couples mariés et est versé même si le montant de la rente maximale est dépassé. Versé à vie, il n’entraîne pas de réduction du montant des prestations complémentaires.

AMal : hausse des primes et règles pour les courtiers

Les primes de l’assurance-maladie obligatoire (AMal) augmentent pour toutes les catégories d’âge en 2025. La prime mensuelle moyenne s’élèvera à 378.70 francs, ce qui correspond à une augmentation de 6% par rapport à 2024. La prime moyenne est calculée en additionnant toutes les primes payées en Suisse et en les divisant par le nombre total d’assurés. La hausse moyenne pour les jeunes adultes et pour les enfants sera un peu moins élevée, respectivement de 5.4% et 5.8%.

L’annonce de cette augmentation de primes a pour la première fois été accompagnée de règles contraignantes pour les intermédiaires d’assurances. Ainsi, le démarchage téléphonique à froid, c’est-à-dire la prise de contact avec une personne qui n’a jamais été assurée auprès de l’assureur en question ou qui ne l’est plus depuis trois ans, est interdit. De plus, l’intermédiaire a l’obligation d’établir un procès-verbal lors de ses entretiens-conseils et de le faire signer par le client. Quant à sa rémunération, elle est dorénavant limitée. Les assureurs qui contreviennent à ces règles, entrées en vigueur en septembre 2024, encourent une amende pouvant aller jusqu’à 100’000 francs.

 

Social et santé : numérisation en marche

La numérisation des assurances sociales franchit une nouvelle étape avec la possibilité pour les personnes effectuant un service (militaire, civil, Protection civile) de demander en ligne leurs allocations pour perte de gain (APG). Les modifications légales en ce sens entrent en vigueur début 2025. Les formulaires papier seront dès 2026 progressivement remplacés par une procédure numérisée, plus simple et plus efficace. Le changement de loi vise à alléger les démarches administratives, tant pour les assurés que pour leurs employeurs.

Dans le domaine de la santé, un jalon important pour le dossier électronique du patient (DEP) est posé. La Confédération soutient désormais financièrement les fournisseurs de DEP. Cette mesure visant à diffuser et promouvoir le dossier électronique est transitoire jusqu’à ce que la révision de la loi correspondante soit adoptée et mise en œuvre. Le message sur cette révision complète doit être transmis au Parlement au printemps 2025.

 

Protection de la jeunesse renforcée

La première étape de la nouvelle loi sur la protection des mineurs dans les secteurs du film et du jeu vidéo entre en vigueur en 2025. Les enfants et les adolescents seront ainsi mieux protégés face aux contenus de films et de jeux vidéo susceptibles de les heurter, notamment les contenus violents ou sexuellement explicites. La loi harmonise à l’échelle du pays, le système de classification et de contrôle de l’âge en matière d’accès aux films et jeux vidéo.

 

Champ d’action élargi pour les fonds patronaux

Les fonds patronaux de bienfaisance pourront élargir leur champ d’action dès 2025. Jusqu’ici limités aux situations de détresse, ils peuvent désormais accorder des prestations visant à prévenir les risques financiers liés à la maladie, aux accidents et au chômage. De nouvelles mesures pour soutenir la formation continue, la conciliation entre vie familiale et professionnelle, ainsi que la promotion de la santé, seront également possibles. La modification du Code civil en ce sens vise à encourager ces fondations d’entreprise à caractère social.

 

 

Bibliographie :

OFAS (2024). Montants valables dès le 1er janvier 2025.

Sauvain, Mélanie (2023). Entre le travail et la retraite : plus grande flexibilité dès 2024, Sécurité sociale CHSS. 21 novembre.

OFAS (2022). Fiche d’information AVS 21 : Conséquences pour les femmes

 

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025, article de Mélanie Sauvain, paru in Sécurité sociale CHSS du 26.11.2024, consultable ici

Sozialversicherungen: Was ändert sich 2025?, Artikel von Mélanie Sauvain, in Soziale Sicherheit CHSS vom 26.11.2024 erschienen, hier abrufbar

 

TAF C-4850/2019 (publié ATAF 2023 V/2) (f) du 17.05.2023 – Rente de vieillesse succédant à une rente d’invalidité / Totalisation des périodes d’assurance suisses et portugaises – Exercice du droit à la libre circulation des personnes / Régime conventionnel plus favorable

Arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4850/2019 (f) du 17.05.2023, publié aux ATAF 2023 V/2

 

Arrêt, publié aux ATAF 2023 V/2, consultable ici

 

Rente de vieillesse succédant à une rente d’invalidité / 33bis al. 1 LAVS

Totalisation des périodes d’assurance suisses et portugaises – Exercice du droit à la libre circulation des personnes avant l’entrée en vigueur de l’ALCP / 20 ALCP – 8 par. 1 règlement (CE) no 883/2004 – 12 par. 2 Convention de sécurité sociale entre le Portugal et la Suisse

Régime conventionnel plus favorable

 

Résumé 

  • Le régime de l’ALCP ne protège pas la situation acquise lors de la conversion d’une rente d’invalidité suisse en une rente de vieillesse suisse. Lorsque les périodes d’assurance dans les Etats membres doivent être prises en compte dans le calcul de la première, la Suisse n’est pas tenue de le faire dans celui de la seconde (consid. 8).
  •  Droit à la libre circulation exercé avant l’entrée en vigueur de l’ALCP. Interprétation de la Convention bilatérale à l’aune de la Convention de Vienne (application rétroactive de la Convention; consid. 8.3 et 9).
  •  En vertu du principe de l’application de la convention sociale plus favorable, l’assurée qui ne peut prétendre à une rente de vieillesse portugaise en raison de l’âge de retraite plus élevé a droit à la totalisation des périodes de cotisations accomplies en Suisse et au Portugal pour le calcul de la rente de vieillesse suisse succédant à une rente d’invalidité (consid. 10).
  •  La naissance ultérieure du droit à la rente de vieillesse portugaise impliquera de calculer à nouveau la rente suisse, sur la seule base des périodes de cotisations suisses (consid. 10.5)

 

Assurée, ressortissante de nationalité suisse et portugaise, née en 1955, mariée depuis janvier 1978 à un ressortissant portugais, né en 1951, au bénéfice d’une rente de vieillesse suisse d’un montant en 2019 de CHF 1’100.- par mois, avant plafonnement, ayant succédé à une rente entière d’invalidité.

Après avoir cotisé au régime portugais de sécurité sociale d’avril 1968 à novembre 1982, soit durant 176 mois respectivement 14 années et 8 mois, la prénommée a travaillé comme saisonnière et s’est acquittée de cotisations à l’AVS/AI suisse de décembre 1982 à avril 1983, de juin 1983 à octobre 1983 et de décembre 1983 à avril 1984. Puis, elle s’est établie en Suisse et a cotisé de manière continue d’avril 1986 à février 2003, totalisant une période d’assurance suisse de 218 mois, soit 18 ans et 2 mois. Le 12.02.2003, l’assurée est repartie vivre au Portugal avec son mari.

A la suite d’une incapacité totale de travail survenue le 01.06.1997, l’assurée a été mise au bénéfice d’une rente entière d’invalidité servie par l’assurance-invalidité suisse d’un montant de CHF 1’767.- au 01.06.1998 respectivement CHF 1’946.- au 31.05.2019 calculée sur la base d’une durée d’assurance de la classe d’âge de 22 années pour des assurés nés en 1955 ayant droit à une rente AI en 1998, de 22 années entières d’assurance, d’une période totale de cotisations de 22 années ou 264 mois cumulant 161 mois d’assurance suisse 13 années et 5 mois et 103 mois d’assurance portugaise 8 années et 7 mois, d’un revenu annuel moyen déterminant (ci-après : RAM) de CHF 54’924.- (état 1998) après partage des revenus du couple et inclusion de 6 années et demie de bonifications pour tâches éducatives, et de l’échelle de rente 44.

Le 26.02.2019, l’assurée a déposé une demande de rente de vieillesse suisse.

Par décision du 08.05.2019, la caisse de compensation a octroyé à l’assurée, à partir du 01.06.2019, une rente ordinaire de vieillesse d’un montant de CHF 1’072.-, après plafonnement, qui se substituait à la rente d’invalidité de CHF 1’946.- allouée jusqu’alors.

La caisse de compensation a rejeté l’opposition et confirmé sa décision du 08.05.2019.

 

Tribunal administratif fédéral (TAF)

Consid. 8.1
Selon le système de coordination des prestations de vieillesse mis en place par l’ALCP et son règlement (CE) n° 883/2004, lorsqu’une personne a été assurée dans plusieurs Etats membres, la réglementation communautaire implique un régime de rentes partielles de la Suisse, d’une part, et de l’Etat de l’Union européenne concerné, d’autre part ; la rente de vieillesse suisse est alors déterminée uniquement en fonction des périodes d’assurance en Suisse. Un tel système n’est pas contraire à l’objectif de cet accord, parce que le calcul autonome des rentes suisses (sans égard aux périodes d’assurance accomplies à l’étranger) n’entraîne aucun désavantage pour la personne assurée, par rapport à un calcul selon le système de « totalisation/proratisation » (cf. ATF 133 V 329 consid. 4.4 p. 334; Jean Métral, L’accord sur la libre circulation des personnes: coordination des systèmes de sécurité sociale et jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances, in : HAVE 3/2004, p. 188 ; voir également arrêt du TF 9C_229/2013 du 24 juillet 2013 consid. 3.2). Lorsqu’un ressortissant d’un Etat parti à l’ALCP a cotisé successivement aux assurances sociales de plusieurs Etats membres, l’institution suisse est ainsi autorisée à calculer la pension de vieillesse de l’AVS de manière autonome compte tenu des seules périodes d’assurance accomplies sous la législation nationale (art. 52 par. 4 du règlement (CE) n°883/2004 en lien avec l’annexe VIII partie 1 du règlement (CE) no 883/2004 ; cf. ATF 133 V 329 consid. 4.4, 131 V 371 consid. 6 et 7.1 et réf. cit., 130 V 51 consid. 5.4 et réf. cit. ; arrêts du TF 9C_ 9/2018 consid. 3.2.2 et 9C_368/2020 consid. 5.1).

Consid. 8.2
Dans le cas particulier des rentes de vieillesse succédant aux rentes AI, le système mis en place par l’ALCP et son règlement (CE) n°883/2004 prévoit qu’à partir du moment où une rente AVS suisse, calculée de manière autonome en fonction des seules périodes suisses, se substitue à une rente d’invalidité qui a été déterminée en fonction des périodes d’assurance suisse et étrangère, l’Etat qui a été jusqu’alors libéré du versement d’une prestation verse à son tour une rente de vieillesse partielle. Dans le cas où l’assuré ne satisfait pas encore aux conditions définies par la législation de l’autre Etat membre pour avoir droit à des prestations de vieillesse, l’assuré bénéficie de la part de cet Etat membre, à partir du jour de la conversion, de prestations d’invalidité (art. 48 par. 3, 1ère partie, du règlement (CE) n°883/2004 ; Annett Wunder, in : Schreiber/Wunder/Dern, VO (EG) Nr. 883/2004, Verordnung zur Koordinierung der Système der sozialen Sicherheit, Kommentar, ad. art. 48 n°16). En d’autres termes, le régime européen de coordination des systèmes de sécurité sociale n’ouvre pas droit à un complément de prestations à charge de l’Etat qui, jusqu’à présent, versait une pension d’invalidité, pour le cas où un autre État dans lequel la personne concernée a accompli des périodes d’assurance n’accorde pas encore de pension de vieillesse en raison d’un âge de retraite plus élevé. Si le montant de la rente de vieillesse se révèle inférieur au montant de la rente d’invalidité à laquelle elle se substitue, le règlement (CE) n°883/2004 ne prévoit pas le versement d’un complément différentiel à charge de l’Etat qui versait jusqu’alors la pension d’invalidité – en l’espèce la Suisse. En résumé, lorsqu’une rente de vieillesse succède directement à une rente d’invalidité, ni l’ALCP ni son règlement (CE) n°883/2004 ne garantissent une protection de la situation acquise par le versement d’un complément différentiel destiné à compenser un éventuel découvert (ATF 131 V 371 consid. 7.3 et 8.2, 133 V 329 consid. 4.5 ; arrêt du Tribunal fédéral H 281/03 du 27 février 2004 consid. 5.2 ; ATAF 2018 V/4 consid. 7.2 ; arrêt du TAF C-3690/2011 du 25 mars 2013 consid. 6.2.2).

Consid. 8.3
A l’aune de ce qui précède, ni l’ALCP ni la réglementation de coordination ne garantissent à l’assurée le versement par la Suisse d’un complément différentiel destiné à compenser le découvert résultant de la conversion de sa rente d’invalidité en une rente de vieillesse depuis le 01.06.2019, pas plus que la prise en compte des périodes d’assurance accomplies au Portugal dans le calcul de la rente de vieillesse suisse. Par contre, il incomberait aux autorités portugaises de verser à l’assurée, à partir du jour de la conversion, des prestations d’invalidité en vertu de l’art. 48 par. 3, 1ère partie, du règlement (CE) n° 883/2004, cela contrairement à la décision du 28 juin 2019 par laquelle l’Instituto da Segurança Social I. P., Centro Nacional de Pensões lui a précisément refusé l’octroi de telles prestations, décision dont il n’appartient pas au Tribunal administratif fédéral d’examiner le bien-fondé. Quoi qu’il en soit, ces considérations ne sont en l’espèce pas décisives. En effet, dans la mesure où l’assurée a exercé son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de l’ALCP et de ses règlements de coordination, il convient d’examiner si celle-ci peut se prévaloir d’éventuelles dispositions plus favorables que celles susmentionnées déduites de la Convention bilatérale et de l’arrangement administratif fixant les modalités d’application de celle-ci.

 

Consid. 9
S’agissant de dégager le sens de dispositions de droit conventionnel, il y a lieu de d’appliquer les règles d’interprétation déduites de la Convention de Vienne sur le Droit des Traités conclue le 23 mai 1969 (ci-après : CVDT, RS 0.111 ; cf. ATF 139 II 393 consid. 4.1.1).

Consid. 9.1
D’emblée, le Tribunal souligne que nonobstant le principe de non-rétroactivité selon lequel la CVDT s’applique uniquement aux traités conclus par des États après son entrée en vigueur à l’égard de ces États (cf. art. 4 CVDT), il y a lieu d’appliquer à la Convention bilatérale entrée en vigueur le 1er mars 1977 les règles d’interprétation de la CVDT entrées en vigueur pour la Suisse le 6 juin 1990 et pour le Portugal le 7 mars 2004, dès lors que d’une part, celle-ci a codifié les différentes pratiques d’interprétation qui existaient en droit international avant qu’elle n’existe et ne fait que refléter, sur ce point, le droit international coutumier et que d’autre part, le Tribunal fédéral a également fait application de la CVDT afin d’interpréter des traités – notamment en matière de sécurité sociale conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de celle-ci (ATF 119 V 98, 117 V 268 ; arrêt du TAF C-6631/2010 du 15 juin 2012 consid. 5.1 et les références citées).

Consid. 9.2
Aux termes de la Section III intitulée «Interprétation des traités», un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but (art. 31 par. 1 CVDT). Aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus : (let. a) tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l’occasion de la conclusion du traité ; (let. b) tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité (art. 31 par. 2 CVDT). Il sera tenu compte, en même temps que du contexte ; (let. a) de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions ; (let. b) de toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité ; (let. c) de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties (art. 31 par. 3 CVDT). Un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi que telle était l’intention des parties (art. 31 par. 4 CVDT). Il peut être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l’application de l’art. 31, soit de déterminer le sens lorsque l’interprétation donnée conformément à l’art. 31 : (let. a) laisse le sens ambigu ou obscur ; ou (let. b) conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable (art. 32 CVDT).

L’art. 31 par. 1 CVDT fixe ainsi un ordre de prise en compte des éléments de l’interprétation, sans toutefois établir une hiérarchie juridique obligatoire entre eux (ATF 143 II 202 consid. 6.3.1 p. 208 ; arrêt du TF 4A_736/2011 du 11 avril 2012 consid. 3.3.2). Le sens ordinaire du texte du traité constitue le point de départ de l’interprétation. Ce sens ordinaire des termes doit être dégagé de bonne foi, en tenant compte de leur contexte et à la lumière de l’objet et du but du traité. L’objet et le but du traité correspondent à ce que les parties voulaient atteindre par le traité. L’interprétation téléologique garantit, en lien avec l’interprétation selon la bonne foi, l' »effet utile » du traité. Lorsque plusieurs significations sont possibles, il faut choisir celle qui permet l’application effective de la clause dont on recherche le sens, en évitant d’aboutir à une interprétation en contradiction avec la lettre ou l’esprit des engagements pris (ATF 143 II 136 consid. 5.2.2 et les références citées, 142 II 161 consid. 2.1.3,141 III 495 consid. 3.5.1 ; ATAF 2010/7 consid. 3.5.2). Un Etat contractant doit partant proscrire tout comportement ou toute interprétation qui aboutirait à éluder ses engagements internationaux ou à détourner le traité de son sens et de son but (ATF 147 II 1 consid. 2.3, 144 II 130, 143 II 202 consid. 6.3.1 in fine, 142 II 35 consid. 3.2 p. 39 s., 142 II 161 consid. 2.1.3 p. 167). Dans ce contexte, le message du Conseil fédéral relatif à l’approbation d’un traité ne saurait à lui seul exprimer la volonté des parties puisqu’il ne reflète que l’interprétation du gouvernement d’une seule partie (ATF 112 V 145 consid. 2c ; arrêt du TAF C-6631/2010 du 15 juin 2012 consid. 5.3). La CVDT relègue ainsi l’interprétation d’une convention au moyen des travaux préparatoires et des circonstances dans lesquelles elle a été conclue à un rôle subsidiaire (ATAF 2010/7 consid. 3.5.2).

Consid. 9.3
Cela étant, il y a lieu d’interpréter l’art. 12 par. 2, 2ème phrase, de la Convention bilatérale selon le sens ordinaire de son texte, dégagé de bonne foi en tenant compte de son contexte et à la lumière de l’objet et du but de la Convention bilatérale, l’objet et le but du traité devant correspondre à ce que les parties voulaient atteindre par le traité et l’interprétation téléologique devant garantir, en lien avec l’interprétation selon la bonne foi, l' »effet utile » du traité. Dans ce contexte, les travaux préparatoires et les circonstances dans lesquelles la Convention bilatérale a été conclue tiennent un rôle subsidiaire par rapport au texte.

 

Consid. 10.1
Il est prévu par la Convention bilatérale que, sous réserve des dispositions de la présente Convention et de son Protocole final, les ressortissants de l’une des Parties contractantes, ainsi que les membres de leur famille et les survivants dont les droits dérivent desdits ressortissants, sont soumis aux obligations et admis au bénéfice de la législation de l’autre Partie dans les mêmes conditions que les ressortissants de cette Partie ou les membres de leur famille et les survivants dont les droits dérivent desdits ressortissants (art. 2 par. 1 [égalité de traitement]). Sous réserve des dispositions de la présente Convention et, de son Protocole final, les personnes mentionnées à l’art. 2, par. 1, qui peuvent prétendre des prestations en espèces au titre des législations énumérées à l’art. 1 reçoivent ces prestations intégralement et sans restriction aucune, aussi longtemps qu’elles habitent sur le territoire de l’une des Parties contractantes. Sous les mêmes réserves, lesdites prestations sont accordées par l’une des Parties aux ressortissants de l’autre, ainsi que, en tant que leurs droits dérivent desdits ressortissants, aux membres de leur famille et à leurs survivants qui résident dans un pays tiers, aux mêmes conditions et dans la même mesure qu’à ses propres ressortissants ou aux membres de leur famille et à leurs survivants résidant dans ce pays tiers (art. 3).

Pour déterminer les périodes de cotisations qui doivent servir de base au calcul de la rente ordinaire de l’assurance-invalidité suisse due à un ressortissant suisse ou portugais, les périodes de cotisations et les périodes assimilées accomplies selon les dispositions légales portugaises sont prises en compte comme des périodes de cotisations suisses en tant qu’elles ne se superposent pas à ces dernières. Seules les périodes de cotisations suisses sont prises en compte pour déterminer le revenu annuel moyen (art. 12 par. 1). Les rentes ordinaires de vieillesse ou de survivants de l’assurance suisse venant se substituer à une rente d’invalidité, fixée selon le paragraphe précédent, sont calculées sur la base des dispositions légales suisses compte tenu exclusivement des périodes de cotisations suisses. Si toutefois les périodes d’assurance portugaise, compte tenu de l’art. 20 de la Convention et des dispositions d’autres Conventions internationales, n’ouvrent exceptionnellement pas droit à une prestation portugaise analogue, elles sont également prises en compte pour déterminer les périodes de cotisations qui doivent servir de base au calcul des rentes suisses susmentionnées (art. 12 par. 2). Lorsqu’un ressortissant de l’une ou l’autre des Parties contractantes a été soumis successivement ou alternativement aux législations des deux Parties contractantes, les périodes de cotisations et les périodes assimilées accomplies selon chacune de ces législations, sont totalisées, du côté portugais, dans la mesure où c’est nécessaire, pour l’ouverture du droit aux prestations qui font l’objet de la présente section, en tant que lesdites périodes ne se superposent pas. Cette disposition ne s’applique que si la durée de cotisations dans les assurances portugaises est au moins égale à douze mois (art. 20).

Consid. 10.2
Il ressort ainsi du texte de la Convention bilatérale que la rente de vieillesse suisse succédant à une rente d’invalidité est en principe calculée sur la base des seules cotisations suisses, la rente d’invalidité l’étant en revanche sur la base des cotisations suisses et portugaises. En effet, l’assurance-invalidité est gouvernée par le régime spécial de l’assurance-risque pure en application duquel l’assuré perçoit une seule rente d’invalidité servie par l’assureur auprès duquel il était affilié au moment de la survenance de l’invalidité – l’assureur de l’autre Etat étant libéré de l’obligation de prester, prestation unique calculée sur la base des cotisations suisses et portugaises, cela afin de pallier notamment à la lourdeur de l’instruction médicale du risque de l’invalidité. Dans le domaine de l’assurance-vieillesse et survivants en revanche, le principe de l’assurance-risque pure n’est plus applicable, dès lors que la survenance du risque vieillesse, respectivement de l’âge de la retraite, ne soulève en principe pas de difficultés particulières d’instruction. Partant, l’assureur de chacun des Etats accorde une prestation de vieillesse et la calcule selon ses propres règles et sur la base de ses cotisations nationales. Cependant, les cotisations portugaises seront néanmoins prises en compte dans le calcul de la rente de vieillesse suisse si elles n’ouvrent exceptionnellement pas droit à une prestation portugaise analogue (voir art. 12 par. 2, 2ème phrase, en rel. avec l’art. 20 de la Convention bilatérale [cf. supra consid. 10.1]), la totalisation des cotisations suisses et portugaises opérée dans l’assurance suisse pour l’octroi d’une rente d’invalidité s’appliquant alors également à l’octroi des rentes de vieillesse ou de survivants qui s’y substituent. L’art. 12 par. 2, 2ème phrase, de la Convention bilatérale permet, en cas de conversion d’une rente AI suisse en une rente de vieillesse suisse, de contrebalancer la diminution des prestations suisses versées à un ressortissant portugais invalide ayant atteint l’âge de la retraite en Suisse, dans le cas où ladite diminution n’est pas compensée par le droit à une rente analogue portugaise. Ce palliatif permet d’atténuer certaines inégalités, notamment une forte baisse du revenu sous forme de rentes, lors du passage de la rente d’invalidité à la rente de vieillesse, surtout lorsque l’âge ouvrant droit à la rente de vieillesse est différent dans les deux pays signataires (RCC 1982 p. 342 in fine). La prise en compte des cotisations portugaises dans le calcul de la rente de vieillesse suisse s’impose ainsi non seulement lorsque l’assuré n’a exceptionnellement droit à aucune rente de vieillesse portugaise à défaut d’en remplir les conditions d’octroi par exemple en raison d’un nombre d’années de cotisations insuffisant (voir art. 12 par. 2, 2ème phrase, en rel. avec l’art. 20 de la Convention bilatérale [cf. supra consid. 10.1]), mais également lorsque l’âge légal ouvrant le droit à la rente de vieillesse diffère entre les deux pays signataires de la Convention bilatérale. Dans ce dernier cas, les cotisations au régime de sécurité sociale portugais ne sont pas génératrices de rentes avant que l’âge légal de la retraite au Portugal ne soit atteint, de sorte que la valorisation des cotisations au régime de sécurité sociale portugais ne survient qu’au moment de l’ouverture du droit à la rente de vieillesse portugaise. Cela étant, le cumul exceptionnel des cotisations portugaises et suisses dans le calcul de la rente de vieillesse suisse succédant à une rente AI garantit à l’assuré portugais invalide que ses années de cotisations au régime social portugais ne soient pas perdues si le nombre de celles-ci devait se révéler insuffisant pour fonder le droit à une rente de vieillesse portugaise. Il permet d’éviter que l’assuré portugais invalide qui a émigré en Suisse s’expose au risque de perdre sa carrière d’assurance portugaise, si au final celle-ci ne devait pas se révéler génératrice de rente, risque auquel ne s’expose jamais un assuré ayant cotisé durant toute sa carrière au seul système de sécurité sociale suisse. Ce faisant, l’art. 12 par. 2, 2ème phrase, de la Convention bilatérale, favorise l’égalité de traitement entre ressortissants portugais et suisses, fondement des dispositions de la Convention bilatérale (cf. art. 2 cité supra consid. 10.1 ; FF 1976 II 1273, pp. 1273 et 1280).

Consid. 10.3
Ces considérations, dégagées tant du texte et du contexte de l’art. 12 par. 2, 2ème phrase, que de l’objet et du but de la Convention bilatérale, ressortent également du Message du 19 mai 1976 du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant la Convention de sécurité sociale conclue entre la Suisse et le Portugal (cf. FF 1976 II 1273), ainsi que du Message du 12 novembre 1969 du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant l’approbation des conventions de sécurité sociale conclues par la Suisse avec l’Espagne et la Turquie auquel renvoie le Message du 19 mai 1976 relatif à la Convention bilatérale (FF 1969 II 1425).

Consid. 10.3.1
Le Message du 19 mai 1976 du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant la Convention de sécurité sociale conclue entre la Suisse et le Portugal explique en effet que « [d]ans [l]e domaine [de l’assurance-invalidité], il convient tout spécialement de se référer aux messages (…) concernant les conventions conclues avec l’Espagne, la Turquie et la Grèce (…). Etant donné que le Portugal est lui aussi un pays assez éloigné de la Suisse, que son système d’assurance diffère notablement du nôtre et qu’au surplus la langue joue un rôle important dans les rapports entre organismes assureurs, c’est encore le principe de l’assurance-risque qui a prévalu ; ainsi, l’assurance à laquelle un assuré est affilié lors de la survenance de l’invalidité alloue la totalité des prestations correspondantes, compte tenu des périodes accomplies dans l’assurance de l’autre Etat, celle-ci étant par ailleurs libérée à l’égard de l’intéressé de toute obligation pour lesdites périodes. Dans ce cadre général de l’assurance-risque, la réglementation prévue par la convention présente les aspects particuliers suivants. (…) [Les] rentes de l’AI suisse (…) sont allouées aux ressortissants suisses et portugais qui, après avoir été assurés au Portugal, sont affiliés à l’AVS/AI suisse au moment où survient l’invalidité, et ont versé des cotisations à cette assurance pendant une année au moins ; on tient compte, pour la détermination de l’échelle de rente, des périodes accomplies dans les assurances portugaises. Pour établir le revenu annuel moyen, on ne prend en considération que les revenus réalisés en Suisse. En pareille occurrence, les assurances portugaises n’ont aucune prestation à fournir. (…) Dans [l]e domaine [de l’AVS], le principe de l’assurance-risque n’est plus applicable ; l’assurance de chacun des Etats accorde une prestation et la calcule selon ses propres règles. Cela étant, la réglementation adoptée est la suivante. En application du principe de l’égalité de traitement, les droits des ressortissants portugais aux rentes ordinaires de l’assurance suisse sont généralement les mêmes que ceux des ressortissants suisses. (…) [M]entionnons encore les dispositions s’appliquant aux cas où une rente ou pension de vieillesse se substitue, à l’âge de la retraite, à une prestation d’invalidité. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, le principe de l’assurance-risque n’est plus applicable ; chaque assurance calcule sa prestation de vieillesse selon ses propres règles. Or il peut arriver que la somme des deux prestations de vieillesse accordées par l’AVS suisse et l’assurance portugaise soit inférieure à la prestation d’invalidité que l’intéressé touchait auparavant d’une seule de ces deux assurances. Il a dès lors été convenu (art. 22) que si la somme des prestations suisse et portugaise de vieillesse qui se substituent à une pension d’invalidité portugaise est inférieure au montant minimum garanti par la législation portugaise, l’assuré ou ses survivants, résidant au Portugal, ont droit, à la charge de l’assurance portugaise, à un complément égal à la différence. Si, exceptionnellement, l’intéressé n’a droit à aucune pension de vieillesse portugaise – compte tenu également des conventions conclues par le Portugal avec d’autres pays – l’assurance suisse prend en considération les périodes portugaises pour déterminer la rente de vieillesse (art. 12, 4e al. [art. 12 par. 2, 2ème phrase, dans la teneur de la Convention bilatérale au 1er novembre 1995]) » (FF 1976 II 1273, pp. 1282-1285).

Consid. 10.3.2
Le Message du 12 novembre 1969 du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant l’approbation des conventions de sécurité sociale conclues par la Suisse avec l’Espagne et la Turquie – appliqué par renvoi de la Convention bilatérale (cf. supra consid. 10.3) ajoute que « (…) la notion d’invalidité est définie différemment par les législations, ce qui se traduit par des disparités dans le domaine des prestations. Par ailleurs, la perte de la capacité de gagner sa vie s’apprécie dans chaque pays selon des procédures, des critères et des modalités d’évaluation différents. Il en résulte que les constatations faites par une institution étrangère ne sont souvent utilisables que de façon limitée par l’assurance suisse et qu’elles doivent être complétées par des informations ou des enquêtes supplémentaires. Lorsqu’il s’agit de pays éloignés, dotés de systèmes d’assurance très différents, l’obtention des documents nécessaires risquerait dès lors de soulever des difficultés considérables. A ce propos, le nombre des personnes qui rentrent dans leur pays d’origine et qui pourraient y devenir invalides après avoir accompli une période plus ou moins longue dans l’assurance suisse n’est pas sans jouer un rôle. Au vu de ces circonstances, il a été convenu avec l’Espagne et la Turquie que les prestations seraient réglées en cas d’invalidité selon le principe de l’assurance-risque pure. (…) Il faut préciser que cette totalisation des périodes d’assurance étrangère opérée par la Suisse ne s’applique que dans l’assurance-invalidité. Lorsque des rentes de vieillesse ou de survivants se substituent à des rentes d’invalidité, l’assurance suisse revient à la méthode de calcul de ces prestations fondée uniquement sur la législation nationale. La conséquence en sera, dans la plupart des cas, une diminution des prestations suisses, avant tout pour les ressortissants espagnols et turcs. Mais, en règle générale, cette perte sera compensée par un droit à une prestation qu’ils auront acquis dans les assurances de l’autre Etat en vertu des périodes de cotisations qu’ils y auront accomplies, les périodes suisses (ou même les périodes accomplies dans des Etats tiers) pouvant être alors prises en considération (…) Si, dans des cas exceptionnels, un droit à prestation ne devait pas exister malgré tout dans l’autre Etat, la totalisation opérée dans l’assurance suisse pour l’octroi d’une rente d’invalidité s’appliquerait alors également à l’octroi des rentes de vieillesse ou de survivants qui s’y substituent (conv. E, art, 9, par. 4 ; conv. TR, art. 10, par. 4) » (FF 1969 II 1425, pp. 1440-1442).

Consid. 10.4
Le cumul à titre exceptionnel des cotisations portugaises et suisses dans le calcul de la rente de vieillesse suisse – succédant à une rente d’invalidité – jusqu’à l’ouverture du droit à la rente de vieillesse portugaise est également corroboré par la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Consid. 10.4.1
Interprétant l’art. 9 par. 4 de la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et l’Espagne du 13 octobre 1969 et en particulier les termes « (…) n’ouvrent exceptionnellement pas droit à une prestation espagnole analogue (…) » y figurant, le Tribunal fédéral expose que lorsqu’une rente de vieillesse ou de survivants de l’assurance suisse succède à une rente de l’assurance-invalidité calculée selon l’art. 9 par. 3 de ladite convention (principe de l’assurance-risque pure), ce même mode de calcul (totalisation des périodes d’assurance espagnoles et des périodes de cotisations suisses) doit être appliqué, s’il est plus avantageux pour l’assuré, quand il est établi que ce dernier ne peut prétendre à une prestation espagnole analogue au moment où s’ouvre le droit à la rente suisse. C’est, en effet, de cette manière seulement que l’on respecte le principe de l’égalité de traitement consacré par l’art. 7 par. 1 de la convention de sécurité sociale entre la Suisse et l’Espagne. Si, par la suite, un droit de l’assuré à la prestation espagnole naît, la rente suisse sera à nouveau calculée en fonction des seules périodes de cotisations suisses, conformément à l’art. 9 par. 4 première phrase de la convention (ATF 112 V 145 consid. 2 ss).

Consid. 10.4.2
Cette interprétation de l’art. 9 par. 4 de la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et l’Espagne (RS 0.831.109.332.2) est applicable par analogie à l’art. 12 par. 2, 2ème phrase, de la Convention bilatérale compte tenu de la teneur identique de ce dernier avec l’art. 9 par. 4 de la Convention de sécurité sociale conclue entre la Suisse et l’Espagne. En outre, comme exposé ci-dessus (cf. supra consid. 10.3), le Message du 19 mai 1976 du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant la Convention de sécurité sociale conclue entre la Suisse et le Portugal renvoie expressément, pour des motifs de similitude, au Message du Conseil fédéral sur l’approbation des conventions de sécurité sociale conclues par la Suisse avec l’Espagne et la Turquie (FF 1976 II 1273, p. 1282).

Consid. 10.5
Au vu des développements qui précèdent, il convient d’interpréter l’art. 12 par. 2, 2ème phrase, de la Convention bilatérale en ce sens que les périodes d’assurance portugaise doivent être prises en compte dans le calcul de la rente de vieillesse suisse succédant à une rente d’invalidité suisse non seulement lorsqu’elles n’ouvrent définitivement pas droit à une rente de vieillesse portugaise, mais également aussi longtemps qu’elles ne sont pas génératrices de rente en raison d’un âge légal de retraite plus élevé au Portugal. Si, par la suite, un droit de l’assurée à la prestation portugaise naît au moment où celle-ci atteint l’âge de la retraite au Portugal, la rente suisse sera à nouveau calculée en fonction des seules périodes de cotisations suisses. En conclusion, par application du régime plus favorable issu de la Convention bilatérale, la recourante doit se voir reconnaitre le droit à la totalisation des périodes de cotisations suisses et portugaises dans l’éventualité où elle ne dispose pas, au moment de la conversion de sa rente d’invalidité suisse en une rente de vieillesse suisse, du droit à une rente de vieillesse portugaise – éventuellement anticipée – en raison d’un âge de retraite plus élevé au Portugal.

Consid. 10.5.1
Or, dans la décision sur opposition litigieuse, la caisse de compensation a refusé de prendre en compte les cotisations portugaises, inférant des 176 mois d’assurance de l’assurée au Portugal que celle-ci disposait d’un droit à une prestation de vieillesse portugaise analogue à la rente de vieillesse suisse. Ce faisant, la caisse de compensation n’a pas indiqué si le droit – éventuellement anticipé – à la rente de vieillesse portugais qu’elle retient existait déjà au moment de l’ouverture du droit à une rente de vieillesse suisse ou si celui-là était différé en raison d’un âge de la retraite plus élevé au Portugal. En outre, elle a considéré que l’assurée avait droit à une rente de vieillesse portugaise, sans dûment établir l’existence de ce droit, aucune décision correspondante prononcée par l’autorité compétente de l’assureur portugais ne figurant au dossier.

Partant, elle n’a pas instruit à satisfaction de droit la question de savoir si l’assurée pouvait prétendre, au moment de la conversion de la rente d’invalidité suisse en une rente de vieillesse suisse, à une rente de vieillesse analogue – éventuellement anticipée – au Portugal. Par conséquent, la décision attaquée se révèle erronée, de sorte qu’elle doit être annulée et la cause renvoyée à la caisse de compensation pour instruction complémentaire. Dans ce cadre, l’administration sollicitera l’organisme de liaison compétent selon la législation portugaise pour obtenir tout renseignement utile à établir, le cas échéant, le droit de l’assurée à une rente – éventuellement anticipée de vieillesse portugaise, soit notamment l’âge de la retraite au Portugal, ainsi qu’une attestation de la carrière d’assurance portugaise de la recourante au 1er juin 2019 (formulaires E205 et E210), conformément aux arts. 76 ss du règlement n°883/04 et 2 ss. du règlement n°987/09 (voir ATF 142 V 112 consid. 4.5 ; cf. également arrêt du TAF C-4782/2009 du 2 mars 2010 consid. 4.4).

A l’issue de cette instruction complémentaire, l’autorité rendra une nouvelle décision en veillant à y mentionner si l’assurée a droit ou non à une rente de vieillesse portugaise et, le cas échéant, la date d’ouverture de ce droit. Si elle parvient à la conclusion qu’au 1er juin 2019, l’assurée n’a pas droit à une rente de vieillesse portugaise analogue à la rente de vieillesse suisse, elle opérera un nouveau calcul de la rente de vieillesse suisse sur la base de l’art. 33bis LAVS. Dans ce cadre, le calcul en fonction des bases AI tiendra compte d’une durée de cotisations portugaises de 8 années et 7 mois telle que prise en compte lors de l’octroi de la rente d’invalidité en 1998. Le Tribunal rend ici attentif la caisse de compensation qu’une période de 8 années et 7 mois à l’assurance portugaise – et non une période de 8 années et 8 mois comme elle l’a indiqué dans la décision entreprise – avait été comptabilisée pour le calcul de la rente d’invalidité suisse. Quant au calcul à opérer en fonction des bases AVS, il conviendra d’y comptabiliser l’ensemble des périodes de cotisations suisses et portugaises qui peuvent être prises en compte à la date d’ouverture du droit à la rente de vieillesse suisse, telles qu’elles ressortiront du formulaire E205 établi par les autorités portugaises. Le nouveau montant de la rente de vieillesse ainsi recalculé sera dû jusqu’à l’ouverture, le cas échéant, du droit de l’assurée à une rente de vieillesse portugaise, moment à partir duquel il sera procédé à un nouveau calcul de la rente de vieillesse suisse sur la base des seules cotisations suisses de l’assurée.

Consid. 10.5.2
Selon l’art. 61 al. 1 PA, l’autorité de recours statue elle-même sur l’affaire ou exceptionnellement la renvoie avec des instructions impératives à la caisse de compensation. Bien que le renvoi à la caisse de compensation doive rester exceptionnel compte tenu de l’exigence de la célérité de la procédure (art. 29 Cst. ; arrêt du TF 8C_633/2014 du 11 décembre 2014 consid. 2.2), le Tribunal fédéral considère que le renvoi de l’affaire à la caisse de compensation se justifie si celle-ci a constaté les faits de façon sommaire, dans l’idée que le tribunal les éclaircirait comme il convient en cas de recours (arrêt du TF 9C_162/2007 du 3 avril 2008 consid. 2.3 et les réf. cit.), respectivement lorsque celle-ci n’a nullement instruit une question déterminante pour l’examen du droit aux prestations ou lorsqu’un éclaircissement, une précision ou un complément d’expertise s’avère nécessaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.4 ; arrêt du TF 8C_633/2014 du 11 décembre 2014 consid 3.2 et 3.3). Dès lors qu’en l’espèce, l’autorité n’a pas dûment instruit la question du droit éventuellement anticipé de la recourante à une rente de vieillesse portugaise au moment de l’ouverture du droit à la rente de vieillesse suisse respectivement au moment de l’âge de la retraite au Portugal, il convient de lui renvoyer l’affaire afin qu’elle procède aux compléments d’instruction nécessaires au sens des considérants qui précèdent, avant de rendre une nouvelle décision.

 

Le TAF admet le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt Tribunal administratif fédéral C-4850/2019 (f) du 17.05.2023, publié aux ATAF 2023 V/2  consultable ici

 

Majoration de 35 francs de la rente minimale AVS/AI et adaptations dans le domaine des cotisations, dans la prévoyance professionnelle obligatoire et des prestations complémentaires

Majoration de 35 francs de la rente minimale AVS/AI et adaptations dans le domaine des cotisations, dans la prévoyance professionnelle obligatoire et des prestations complémentaires

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 28.08.2024 consultable ici

 

Les rentes AVS/AI seront adaptées à l’évolution des prix et des salaires : elles seront relevées de 2,9% au 1er janvier 2025. Le Conseil fédéral a pris cette décision sur la base de l’indice mixte prévu par la loi lors de sa séance du 28 août 2024. La rente minimale AVS/AI passera ainsi de 1225 à 1260 francs par mois. Parallèlement, des adaptations seront apportées dans le domaine des cotisations, pour les prestations complémentaires, pour les prestations transitoires et dans la prévoyance professionnelle obligatoire.

Le montant de la rente minimale AVS/AI passera de 1’225 à 1’260 francs par mois et celui de la rente maximale de 2’450 à 2’520 francs (pour une durée de cotisation complète). Le montant de la cotisation minimale AVS/AI/APG pour les indépendants et les personnes sans activité lucrative passera de 514 à 530 francs par an et celui de la cotisation minimale dans l’AVS/AI facultative de 980 à 1’010 francs.

 

Adaptation selon l’indice mixte

Comme le prescrit la loi sur l’AVS, le Conseil fédéral examine, en règle générale tous les deux ans, la nécessité d’adapter les rentes de l’AVS et de l’AI à l’évolution des salaires et des prix. Pour prendre sa décision, le Conseil fédéral s’appuie sur la moyenne arithmétique de l’indice des salaires et de l’indice des prix (indice mixte) et prend en compte la recommandation de la Commission fédérale AVS/AI. La dernière adaptation des rentes par le Conseil fédéral date de 2023. Il avait alors fixé le montant de la rente minimale AVS/AI à 1225 francs.

 

Coûts de l’adaptation des rentes

Le relèvement des rentes engendrera des dépenses supplémentaires d’environ 1672 millions de francs. L’AVS les supportera à hauteur de 1487 millions de francs, dont 300 millions à la charge de la Confédération (qui finance 20,2 % des dépenses de l’assurance). L’AI assumera des dépenses supplémentaires de 185 millions de francs. La Confédération ne devra supporter ici aucune charge supplémentaire, sa contribution à l’AI n’étant plus calculée en pourcentage des dépenses.

 

Adaptation des montants limites dans la prévoyance professionnelle

Cette adaptation a également un impact sur la prévoyance professionnelle obligatoire. Le montant de la déduction de coordination dans le régime obligatoire de la prévoyance professionnelle passera de 25’725 à 26’460 francs, et le seuil d’entrée de 22’050 à 22’680 francs. La déduction fiscale maximale autorisée dans le cadre de la prévoyance individuelle liée (pilier 3a) passera de 7’056 à 7’258 francs pour les personnes possédant un 2e pilier et de 35’280 à 36’288 francs pour celles qui n’en ont pas. Ces adaptations entreront elles aussi en vigueur le 1er janvier 2025.

 

Adaptations concernant les prestations complémentaires et les prestations transitoires

Les montants annuels des prestations complémentaires et des prestations transitoires, destinées à couvrir les besoins vitaux, passeront de 20’100 francs à 20’670 francs pour les personnes seules et de 30’150 francs à 31’005 francs pour les couples. Ils passeront également à 10’815 francs pour les enfants âgés de plus de 11 ans et à 7’590 francs pour les enfants de moins de 11 ans. L’adaptation des prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI et des prestations transitoires induit des dépenses supplémentaires d’environ 11 millions de francs pour la Confédération et de 6 millions pour les cantons.

Les montants maximaux des loyers pris en compte dans le cadre des PC et des prestations transitoires sont adaptés au renchérissement sur la base de certaines positions de l’indice national des prix à la consommation pour le logement et l’énergie. Depuis juin 2022, dernier mois pris en compte lors de l’adaptation de 2023, l’augmentation est de 7,3%. Les montants annuels maximaux s’élèveront désormais à 18’900 francs dans les grands centres urbains (région 1), à 18’300 francs dans les villes (région 2) et à 16’680 francs à la campagne (région 3). Le forfait pour les charges accessoires et les frais de chauffage sera également adapté et passera de 3’060 à 3’480 francs par année. Les coûts de ces augmentations seront de 35 millions de francs, dont 22 millions à la charge de la Confédération et 13 millions à la charge des cantons.

Les franchises sur le revenu de l’activité lucrative sont adaptées à l’évolution des salaires depuis la dernière adaptation sur la base de l’indice des salaires. La franchise pour les personnes seules est relevée de 1’000 à 1’300 francs par an et pour les couples et les personnes avec enfants de 1’500 à 1’950 francs par an. Cette adaptation entraîne des coûts de 11 millions de francs, dont 7 millions pour la Confédération et 4 millions pour les cantons.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 28.08.2024 consultable ici

Tableau récapitulatif des montants dès le 1er janvier 2025 disponible ici

Commentaire relatif à l’ordonnance sur les adaptations à l’évolution des salaires et des prix dans le régime de l’AVS, de l’AI et des APG à partir de 2025 consultable ici

Textes des ordonnances consultables ici

 

Le Conseil fédéral rejette l’initiative visant à supprimer le plafond des rentes AVS pour les couples mariés

Le Conseil fédéral rejette l’initiative visant à supprimer le plafond des rentes AVS pour les couples mariés

 

Communiqué de l’OFAS du 26.06.2024 consultable ici

 

Lors de sa séance du 26 juin 2024, le Conseil fédéral a décidé de recommander au Parlement de rejeter l’initiative populaire fédérale « Oui à des rentes AVS équitables pour les couples mariés – Pour enfin en finir avec la discrimination du mariage ! ». Les couples mariés bénéficient d’une bonne protection dans l’AVS et les coûts de l’initiative sont trop élevés. Profitant avant tout aux revenus les plus hauts, la suppression nécessite un financement supplémentaire de plus de 3,7 milliards de francs.

Aujourd’hui, les couples mariés reçoivent au maximum 150 pourcent de la rente maximale. L’initiative populaire « Oui à des rentes AVS équitables pour les couples mariés – Pour enfin en finir avec la discrimination du mariage !» déposée par le parti du Centre demande la suppression du plafonnement des rentes AVS/AI des couples mariés. Les assurés mariés n’exerçant aucune activité lucrative pourraient également être amenés à payer des cotisations (principe de coassurance). L’initiative ne remet par contre pas en cause les autres mesures qui prévoient une protection sociale liée au mariage:

  • Supplément de veuvage: lors du calcul de la rente de vieillesse d’une veuve ou d’un veuf, un supplément de 20 pourcent est ajouté.
  • Splitting: les revenus réalisés durant les années de mariage sont répartis à parts égales entre les deux époux.
  • Droit à une rente de veuve ou de veuf

Par ailleurs, cette initiative a été déposée avant la votation du 3 mars 2024, par laquelle le peuple et les cantons ont accepté l’initiative pour une 13e rente AVS.

 

Coûts très élevés

Le Conseil fédéral rejette l’initiative. Il estime que les couples mariés bénéficient d’une bonne protection sociale dans l’AVS, avec diverses prestations qui sont accordées uniquement aux personnes mariées.

L’initiative entraînerait des dépenses de plus de 3,7 milliards de francs pour l’AVS, dont 761 millions de francs pour la Confédération. De plus la question du financement de ces coûts est laissée en suspens et il reviendrait au Parlement d’en décider. En s’appuyant sur les sources actuelles de financement de l’AVS (cotisations salariales et TVA), l’ensemble de la population devrait supporter ces coûts supplémentaires, y compris les bas revenus ou les personnes non mariées qui ne bénéficieraient d’aucune amélioration de leur rente.

La Confédération est confrontée à des déficits structurels et il est déjà nécessaire de trouver un financement additionnel pour la 13e rente AVS. De plus, l’évolution démographique reste un défi majeur pour l’équilibre de l’AVS. Une prochaine réforme est déjà prévue afin de stabiliser ses finances après 2030. Dans le cadre de ces réflexions, la question de rendre les rentes AVS indépendantes de l’état civil sera examinée.

Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral charge le Département fédéral de l’intérieur de lui remettre, d’ici au plus tard le 27 mars 2025, un projet de message recommandant le rejet de l’initiative sans contre-projet direct ou indirect.

 

Autres révisions en cours dans l’AVS
L’AVS fait actuellement l’objet de plusieurs révisions.

Rentes de veuves et veufs: en automne, le Conseil fédéral présentera un message au Parlement pour une réforme partielle des rentes de veuves et veufs. Ce projet vise à établir l’égalité de traitement entre les veuves et les veufs et à axer le droit aux rentes sur la période éducative des enfants, indépendamment de l’état civil des parents.

13e rente AVS : la consultation sur les propositions du Conseil fédéral relatives à la mise en œuvre et au financement de la 13e rente AVS décidée par le peuple se déroule jusqu’au début du mois de juillet 2024.

Réforme de l’AVS : le Conseil fédéral a été chargé de soumettre au Parlement, d’ici fin 2026, la prochaine réforme de l’AVS visant à stabiliser ses finances pour les années 2030 à 2040.

 

Communiqué de l’OFAS du 26.06.2024 consultable ici

 

9C_597/2023 (d) du 20.12.2023, destiné à la publication – Ajournement de la rente de vieillesse – Calcul du supplément / 39 LAVS – 55bis à 55quater RAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_597/2023 (d) du 20.12.2023, destiné à la publication

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Ajournement de la rente de vieillesse – Calcul du supplément / 39 LAVS – 55bis à 55quater RAVS

 

Assuré, né en janvier 1953, s’est adressé début décembre 2017 à la Caisse de compensation et a demandé l’ajournement de la rente de vieillesse AVS qui lui était normalement due à partir du 01.02.2018. Par courrier du 02.03.2018, l’autorité a confirmé l’ajournement souhaité de la rente de vieillesse, qui s’élevait – à ce moment – à CHF 2’350 par mois.

Le 07.02.2023, l’assuré a informé l’administration qu’il souhaitait demander la rente immédiatement, c’est-à-dire à la fin de la période d’ajournement la plus longue possible (cinq ans). La caisse de compensation lui a alors accordé une rente de vieillesse avec effet rétroactif au 01.02.2023.

Pour calculer le montant de la rente à verser, la caisse de compensation a pris en compte, d’une part, le montant mensuel de base de la rente, qui s’élevait alors à CHF 2’450; d’autre part, elle a calculé un supplément de CHF 748 par mois, qu’elle a fixé selon un pourcentage de 31,5%, valable pour une durée d’ajournement de cinq ans, sur la somme des montants de rente effectivement ajournés, divisée par le nombre de mois d’ajournement, ce qui a abouti à une rente mensuelle d’un montant total de CHF 3’198 (décision du 10.02.2023).

L’assuré a fait opposition à cette décision au motif que le supplément qui lui avait été attribué ne s’élevait pas aux 31,5% de la rente complète actuelle qui lui avaient été garantis, mais s’élevait plutôt à 772 francs. Par décision sur opposition du 27.02.2023, la caisse de compensation est arrivée à la conclusion que la rente, notamment le supplément d’ajournement, avait été calculée correctement conformément aux dispositions légales pertinentes, raison pour laquelle le montant de la rente décidée était maintenu.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 31.08.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
Selon l’art. 39 LAVS [ndt : dans sa teneur jusqu’au 31.12.2023], les personnes qui ont droit à une rente ordinaire de vieillesse peuvent ajourner d’une année au moins et de cinq ans au plus le début du versement de la rente ; elles ont la faculté de révoquer l’ajournement à compter d’un mois déterminé durant ce délai (al. 1). La rente de vieillesse ajournée et, le cas échéant, la rente de survivant qui lui succède sont augmentées de la contre-valeur actuarielle de la prestation non touchée (al. 2). Selon l’al. 3, le Conseil fédéral fixe, d’une manière uniforme, les taux d’augmentation pour hommes et femmes et règle la procédure. Il peut exclure l’ajournement de certains genres de rentes. La réglementation détaillée de l’ajournement de la rente sur la base de ces dispositions légales se trouve aux art. 55bis à 55quater RAVS. Alors que l’art. 55bis RAVS régit l’ajournement des rentes exclu et l’art. 55quater RAVS la déclaration d’ajournement et sa révocation, l’art. 55ter RAVS définit le calcul du supplément en cas d’ajournement de la rente. Ce supplément est calculé selon un pourcentage variable du montant de base, qui augmente avec la durée de l’ajournement. Il se situe entre 5,2 et 31,5%, selon que la durée de l’ajournement est comprise entre un an et cinq ans. L’al. 2 prévoit que le montant de l’augmentation est déterminé en divisant la somme des montants des rentes ajournées par le nombre de mois correspondants et en multipliant cette somme par le taux d’augmentation applicable selon l’al. 1. Le montant de l’augmentation doit être adapté – conformément à l’al. 5 de la disposition – à l’évolution des salaires et des prix.

Consid. 4.2
L’Office fédéral des assurances sociales précise ce qui suit dans ses Directives concernant les rentes (DR) de l’assurance vieillesse, survivants et invalidité fédérale, dans la version en vigueur du 01.01.2023 au 31.12.2023 : selon le ch. 6301, en cas d’ajournement de la rente, la personne ayant droit à la rente ordinaire de vieillesse renonce à son versement pendant la durée de l’ajournement. La durée de l’ajournement s’élève à une année au moins et à cinq ans au plus. Durant ce délai, il est possible de révoquer l’ajournement à compter d’un mois déterminé (art. 39 al. 1 LAVS). L’ajournement a pour effet – comme le précise le ch. 6304 DR – d’augmenter la rente ordinaire de vieillesse de la personne ayant droit à la rente de la contrevaleur actuarielle des prestations non touchées pendant la période d’ajournement (RCC 1973, p. 404). Le supplément en francs est un montant fixe qui correspond à un pourcentage de la moyenne des rentes ajournées (art. 55ter al. 1 RAVS). La prolongation de la durée d’ajournement a pour effet d’augmenter le pourcentage. Le supplément d’ajournement, exprimé en pour cent, est déterminé à l’aide de la table de l’art. 55ter al. 1 RAVS, entre 5,2 et 31,5% (no 6305 DR). Selon le ch. 6332 DR, le montant mensuel de la rente ajournée se compose du montant mensuel de la rente correspondante, non ajournée (montant de base de la rente), auquel s’ajoute le supplément d’ajournement. Le montant de base de la rente correspond au montant mensuel de la rente ordinaire de vieillesse au début de la période d’ajournement adapté aux augmentations découlant de révisions intermédiaires (ch. 6333, première phrase, DR). Le supplément d’ajournement est déterminé en divisant la somme des montants effectifs des rentes ajournées par le nombre de mois correspondants. Ce montant est ensuite multiplié par le taux d’augmentation correspondant conformément au ch. 6305 (art. 55ter al. 2 RAVS ; ch. 6335 DR). La formule suivante est ainsi applicable : [somme des rentes ajournées x taux d’ajournement] / [durée de l’ajournement (= nombre de mois)] (ch.  6336 DR ; cf. aussi le mémento AVS/AI no 3.04 Prestations de l’AVS – Perception flexible de la rente, ch. 9 ss).

Consid. 5.1
Dans son jugement, l’instance cantonale a conclu – en confirmant le point de vue de la caisse de compensation – que l’assuré, né en janvier 1953, a fait ajourner la rente de vieillesse AVS qui lui était due à partir du 01.02.2018, en déposant une demande début décembre 2017. Le 07.02.2023 – après un ajournement maximal possible de cinq ans – la rente a été réclamée. Sur cette base, le supplément d’ajournement s’élève à 31,5%. Si l’on divise la somme des prestations de rente de vieillesse ajournées s’élève à CHF 142’540 (février à décembre 2018 : CHF 25’850 [11 x CHF 2’350] ; janvier 2019 à décembre 2020 : CHF 56’880 [24 x CHF 2’370] ; janvier 2021 à décembre 2022 : CHF 57’360 [24 x CHF 2’390] ; janvier 2023 : CHF 2’450) par le nombre de mois ajournés (60) puis qu’on multiplie ce résultat par 31,5%, il en résulte un montant de rente mensuel supplémentaire de CHF 748, respectivement une rente de vieillesse actuelle de CHF 3’198 [CHF 2’450 + CHF 748] par mois au total.

Consid. 5.2
En revanche, l’assuré fait valoir en substance que le supplément d’ajournement ainsi calculé ne s’élève qu’à 30,53% par rapport à la rente AVS maximale de CHF 2’450 en vigueur dès le 01.01.2023. Cela viole le principe énoncé à l’art. 39 al. 2 LAVS, selon lequel la rente de vieillesse ajournée doit être augmentée « de la contre-valeur actuarielle de la prestation non perçue ». La méthode de calcul prévue à cet effet par le Conseil fédéral à l’art. 55ter al. 2 RAVS, sur la base de la « somme des montants mensuels ajournés », en vertu de la norme de délégation de l’art. 39 al. 3 LAVS, n’est pas mise en œuvre correctement par le tribunal cantonal et la caisse de compensation, ce qui est contraire au droit fédéral, de sorte qu’il n’en résulte pas la « contre-valeur actuarielle des prestations non touchées » exigée. Cette dernière doit au contraire être déterminée à tout moment sur la base de la rente maximale AVS correspondante et s’élève donc en l’espèce à CHF 772 (31,5% de CHF 2’450).

Consid. 7.1
Conformément à l’al. 2 de l’art. 39 LAVS, la rente de vieillesse ajournée est augmentée de la contre-valeur actuarielle de la prestation non perçue. Selon le libellé clair de l’art. 39 al. 3, première phrase, LAVS, le législateur a délégué de manière complète et sans restriction au Conseil fédéral la réglementation de la procédure en rapport avec l’ajournement de la rente («Le Conseil fédéral fixe, d’une manière uniforme, les taux d’augmentation pour hommes et femmes et règle la procédure» ;  » Der Bundesrat setzt die Erhöhungsfaktoren einheitlich fest und ordnet das Verfahren. Er kann einzelne Rentenarten vom Aufschub ausschliessen » ; « Il Consiglio federale stabilisce in modo uniforme le aliquote d’aumento e definisce la procedura. Può escludere il differimento per certi generi di rendite » ; cf. dans ce sens déjà ATF 147 V 70 consid. 3.2.3).

Dans son message du 4 mars 1968 relatif au projet de loi fédérale modifiant la loi sur l’assurance-vieillesse et survivants et au sujet de l’initiative populaire en faveur d’une nouvelle amélioration de l’assurance-vieillesse et survivants et de l’assurance-invalidité, le Conseil fédéral a précisé que les détails concernant la forme et les effets de l’ajournement devaient être réglés dans l’ordonnance d’exécution ; c’est surtout dans cette ordonnance que devaient être fixés les facteurs exacts d’augmentation (cf. BBI 1968 I 602, p. 660 [pour la version française : FF 1968 I 627 p. 686 s.).

Consid. 7.2
La fixation des facteurs d’augmentation mentionnés à l’art. 39 al. 3 LAVS fait donc manifestement partie de l’aménagement du calcul du supplément d’ajournement qui incombe au Conseil fédéral.

Le Conseil fédéral a mis en œuvre le mandat législatif ainsi défini dans le cadre de l’ordonnance d’exécution, en ce sens que l’art. 55ter RAVS règle le calcul du supplément en question lors de l’ajournement de la rente. Selon l’al. 1 de cette disposition, ce supplément est calculé sur la base d’un pourcentage variable du montant de base, qui augmente avec la durée de l’ajournement.

Consid. 7.2.1
Selon la version de cette norme en vigueur du 1er janvier 1973 au 31 décembre 1996, il se situait entre 8,4 et 50,0%, selon une durée d’un an à cinq ans. La deuxième phrase de l’al. 2 de l’art. 55 ter aRAVS désignait comme valeur de référence pour le calcul du supplément en francs la rente à laquelle on pourrait prétendre au moment de la demande. Selon l’al. 3, le montant du supplément n’était pas adapté à l’évolution des prix et des revenus. Le montant déterminant à l’époque n’était donc pas le montant (en général plus bas) au moment où le droit à la rente de vieillesse aurait pris naissance (cf. aussi ATF 117 V 125 consid. 1).

Consid. 7.2.2
Dans le cadre de la 10e révision de l’AVS (cf. BBI 1990 II 1 ss [pour la version française : FF 1990 II 1 ss), l’introduction de l’anticipation de la rente (BBI 1990 II 27 [pour la version française : FF 1990 II 26 s.) au 1er janvier 1997 s’est accompagnée d’une adaptation du supplément pour ajournement de la rente. Avec l’ajournement de la rente, les personnes devaient être placées, pendant la durée de la perception de la rente, dans la même situation que si elles avaient perçu la rente AVS à l’âge ordinaire de la retraite. Selon les explications du 29 novembre 1995 relatives à la mise en œuvre de la 10e révision de l’AVS (reproduites dans AHI 1996 p. 1 ss [pour la version française : VSI 1996 p. 1), cela présuppose que l’augmentation en cas d’ajournement prévue s’ajoutant au montant mensuel de la rente de vieillesse doit être calculé sur la base du moment «effectif» du droit à la rente de vieillesse en vertu des principes actuariels. L’augmentation est un montant fixe qui correspond à un pourcentage de la moyenne des rentes ajournées. Avec l’introduction de la 10e révision de l’AVS, l’augmentation en cas d’ajournement est adaptée à l’évolution des prix et des salaires tout comme le montant mensuel de la rente. Puisque l’augmentation devrait toujours correspondre à la contre-valeur de la rente qui n’a pas été touchée, cela signifie que la première augmentation sera déterminée en vertu d’un taux inférieur à celui qui est appliqué actuellement (cf. AHI 1996 p. 39 s. [pour la version française : VSI 1996 p. 41).

Conformément à ces principes, l’art. 55ter RAVS, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 1997, prévoit des pourcentages croissants allant de 5,2 à 31,5% (al. 1). De même, l’al. 2 précise désormais que le montant de l’augmentation est déterminé en divisant la somme des montants des rentes ajournées par le nombre de mois correspondants et en multipliant ce montant par le pourcentage applicable selon l’al. 1. Enfin, le montant du supplément est adapté à l’évolution des salaires et des prix (al. 5).

Consid. 7.3
Il en résulte – et il n’est pas contesté – qu’il relève de la compétence du Conseil fédéral de prévoir, dans le cadre de la fixation des facteurs d’augmentation, une réglementation concernant le calcul du supplément d’ajournement, comme cela a été fait avec l’art. 55ter RAVS. Le Conseil fédéral doit s’en tenir aux dispositions légales. En vertu de la norme de délégation de l’art. 39 al. 3 LAVS, il dispose toutefois d’une large marge de manœuvre pour décider librement des facteurs d’augmentation et de leur mise en œuvre.

Consid. 7.3.1
Dans un premier temps, le Conseil fédéral a opté pour une forme de calcul dans laquelle le supplément en pour cent était déterminé sur la base de pourcentages plus élevés et, comme l’assuré l’a également fait valoir pour le calcul de sa rente, sur la base du montant de la rente déterminant au moment de la demande d’octroi de la rente, sans toutefois qu’une adaptation à l’évolution des salaires et des prix n’ait lieu par la suite. Cette pratique a été expressément jugée conforme à la loi et à la Constitution par la plus haute instance judiciaire (ATF 117 V 125 [pas d’adaptation à l’évolution des prix et des revenus] ; arrêt H 67/93 du 24 novembre 1993, in : AHI 1994 p. 146 [pour la détermination du supplément en francs, la rente déterminante est celle à laquelle on pourrait prétendre au moment de l’appel ; pour la version française : VSI 1994 p. 150]). Il ressort notamment de l’ATF 117 V 125 ce qui suit :

(consid. 2b) « En se référant à l’ATF 98 V 257 consid. 1, l’instance précédente a considéré que la contre-valeur actuarielle d’une prestation de rente non perçue pendant la période d’ajournement pouvait être calculée en termes de montant au plus tard à l’expiration de la période d’ajournement. Ce montant reste inchangé par la suite et n’est notamment pas influencé par une évolution des prix et des revenus survenue après la période d’ajournement. En revanche, les augmentations de la rente dues au renchérissement survenues entre l’ajournement et sa révocation sont prises en compte dans la mesure où, selon l’art. 55ter al. 2, deuxième phrase, RAVS, la rente déterminante pour le calcul du supplément en francs est celle à laquelle on peut prétendre au moment de la révocation. [….] Mais si le risque d’un renchérissement futur était pris en compte, le supplément devrait être inférieur au départ, car la contre-valeur actuarielle des rentes non perçues ne devrait pas être dépassée. Si le législateur a décidé, à l’art. 55ter RAVS, d’indemniser la contre-valeur actuarielle des prestations non perçues sous la forme d’un supplément à la rente de vieillesse ordinaire dont le montant n’est pas modifié et qui n’est plus adapté à l’évolution future des salaires et des prix, cela reste sans aucun doute dans les limites des compétences accordées au Conseil fédéral par la loi. Mais il n’est en aucun cas acceptable, comme le demande le recourant, de percevoir une compensation du renchérissement sur le supplément fixe calculé à l’origine, car de cette manière, la valeur capitalisée du supplément de rente dépasserait toujours plus, avec le temps, la contre-valeur actuarielle des rentes non perçues pendant la période d’ajournement, ce qui n’est pas compatible avec la loi ».

(consid. 2e) « Il convient d’admettre avec le recourant que, du moins dans les cas où, d’une part, il n’y a pas de renchérissement pendant la période d’ajournement et où la règle de calcul de l’art. 55ter al. 2, deuxième phrase, RAVS ne s’applique donc pas [… ], et que, d’autre part, une évolution croissante des salaires et des prix intervient après l’ajournement, la contre-valeur actuarielle des rentes non perçues, calculée selon l’art. 55ter al. 1 RAVS, rapporte économiquement moins (en termes de pouvoir d’achat) que si l’assuré avait pu disposer de la rente pendant la période d’ajournement. Le tribunal administratif l’a d’ailleurs reconnu à juste titre. Même l’OFAS ne fait pas valoir que les pourcentages (représentant la contre-valeur actuarielle) de l’art. 55ter al. 1 RAVS se basent également sur des facteurs qui tiennent compte d’un renchérissement probable survenu après la fin de la période d’ajournement. Bien que, selon la conception choisie à l’art. 55ter RAVS, la contre-valeur actuarielle des rentes ajournées perde ainsi son pouvoir d’achat en cas de renchérissement survenant ou se poursuivant après le versement de la rente, il n’y a pas de violation de l’art. 39 al. 2 et al. 3 LAVS ; ces dispositions de principe et de délégation n’obligent manifestement pas le Conseil fédéral à introduire la compensation du renchérissement exigée sur l’allocation de rente. Mais les autres normes constitutionnelles et légales invoquées et pertinentes concernant l’adaptation des rentes ne conduisent pas non plus à un autre résultat. Certes, l’art. 34quater al. 2 Cst. prescrit que les rentes AVS à créer dans le cadre du premier pilier doivent couvrir les besoins vitaux de manière appropriée et être adaptées au moins à l’évolution des prix, et le législateur fédéral a concrétisé ce mandat constitutionnel à l’art. 33ter LAVS. A la lumière de cette exigence constitutionnelle et légale, selon laquelle les rentes AVS doivent couvrir les besoins vitaux de manière appropriée et être adaptées en règle générale tous les deux ans à l’évolution des salaires et des prix, une rente ajournée doit cependant être jugée différemment d’une rente en cours. Le supplément de rente n’offre une compensation que dans le cadre des conditions prévalant pendant la période d’ajournement, ce qui, en ce qui concerne les rentes non perçues, est suffisamment garanti en termes de pouvoir d’achat par l’art. 55ter al. 2, deuxième phrase, RAVS (calcul du supplément sur la base du montant de base de la rente au moment du versement). Si l’assuré ajourne sa rente, il n’y a pas d’obligation constitutionnelle ou légale d’adapter la contre-valeur actuarielle de la rente ajournée à l’évolution ultérieure des salaires et des prix pendant une période pour laquelle l’assuré ne perçoit pas le supplément de rente en vue de couvrir de manière appropriée ses besoins vitaux ; il dispose à cet effet de la rente de base en cours pour cette période, laquelle est adaptée périodiquement à l’évolution des salaires et des prix selon les règles de l’art. 33ter LAVS et les dispositions d’exécution ».

Consid. 7.3.2
Le Conseil fédéral a procédé à une modification de la thématique de l’ajournement lors de la 10e réforme de l’AVS au 1er janvier 1997, dans la mesure où ce n’est plus la rente à laquelle on aurait pu prétendre au moment de son versement qui est déterminante pour le calcul du supplément en francs. C’est désormais la somme des montants mensuels ajournés qui sert de base au calcul de la moyenne mentionnée à l’art. 55ter al. 2, en relation avec l’al. 1, RAVS (pourcentages inférieurs), mais, comme l’indique expressément l’al. 5 de la disposition de l’ordonnance, avec adaptation à l’évolution des salaires et des prix. On ne voit pas en quoi le Conseil fédéral ne devrait pas rester dans les limites des (larges) compétences qui lui sont conférées par la loi. Au contraire, le mode de calcul en vigueur depuis le 1er janvier 1997 s’appuie sur des motifs sérieux, comme le montrent les considérants précédents. Si l’on décidait dans le sens de ce que le recourant avance – supplément sur la base de la rente déterminante au moment de son versement, adaptation du supplément ainsi déterminé à l’évolution des salaires et des prix -, la valeur capitalisée du supplément de rente dépasserait de plus en plus avec le temps la contre-valeur actuarielle des rentes non perçues pendant la période d’ajournement, ce qui ne serait pas conforme à la loi.

On ne peut donc pas trouver avec l’instance précédente de raisons qui plaideraient en faveur d’une violation de la loi dans le sens où il n’aurait pas été tenu compte de la demande d’augmentation de la contre-valeur actuarielle. Le calcul reproduit à l’art. 55ter RAVS s’avère au contraire approprié à tous égards pour refléter la volonté du législateur.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_597/2023 consultable ici

 

Proposition de citation : 9C_597/2023 (d) du 20.12.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2024/03/9c_597-2023)

 

 

9C_283/2023 (i) du 18.10.2023 – Montant d’une rente de vieillesse AVS succédant à une rente AI – 33bis al. 1 LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_283/2023 (i) du 18.10.2023

 

Consultable ici

 

Montant d’une rente de vieillesse AVS succédant à une rente AI / 33bis al. 1 LAVS

 

Assuré, né en juillet 1957, a perçu une rente d’invalidité mensuelle complète à partir du 01.01.2007 de CHF 1’165 (calculée sur la base d’un revenu annuel moyen déterminant de CHF 67’626 et de l’échelle 25) et à partir du 01.12.2012 de CHF 1’077 (calculée sur la base d’un revenu annuel moyen déterminant de CHF 64’032 et de l’échelle 25), compte tenu du recalcul en raison du fait que son épouse a également perçu une rente d’invalidité. Le 25.03.2022, l’assuré a demandé une rente de vieillesse, considérant que l’âge de la retraite sera atteint en juillet 2022. Par décision, confirmée sur opposition, la caisse de compensation a octroyé à l’assuré, dès le 01.08.2022, une rente mensuelle AVS de CHF 1’260, calculée sur la base des éléments de la prestation AI, actualisés à 2022.

 

Procédure cantonale (arrêt 30.2023.2 – consultable ici)

Par jugement du 13.03.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Lorsqu’une rente de vieillesse succède à une rente d’invalidité, l’art. 33bis al. 1 LAVS prévoit que les rentes de vieillesse ou de survivants sont calculées sur la base des mêmes éléments que la rente d’invalidité à laquelle elles succèdent, s’il en résulte un avantage pour l’ayant droit. Concrètement, on procède à un calcul comparatif, c’est-à-dire un calcul selon les éléments de l’AI et un calcul selon les éléments de l’AVS, c’est-à-dire comme si le bénéficiaire n’avait jamais perçu de prestation de l’AI. L’assuré a droit au montant qui lui est le plus favorable. Le même système est utilisé pour calculer le montant des rentes d’invalidité et de vieillesse, c’est-à-dire que les rentes de vieillesse et d’invalidité sont calculées sur la base de la durée de cotisation et du revenu annuel. Toutefois, les paramètres ne sont pas les mêmes.

Pour la rente de vieillesse : le calcul de la rente est déterminé par les années de cotisations – au moins une année complète est requise (art. 29 al. 1 LAVS) – entre le 1er janvier qui suit la date où l’ayant droit a eu 20 ans révolus et le 31 décembre qui précède l’âge de la retraite, et le revenu annuel moyen se compose des revenus de l’activité lucrative et des bonifications pour tâches éducatives ou d’assistance (art. 29bis al. 1 LAVS et art. 29quater LAVS), divisée par le nombre d’années de cotisation [art. 30 al. 2 LAVS non cité par le TF].

Pour la rente d’invalidité, la période de cotisation – trois années de cotisation au moins sont requises (art. 36 al. 1 LAI) – est celle qui s’étend jusqu’à l’année précédant la survenance de l’invalidité (art. 29bis al. 1 LAVS applicable conformément au report de l’art. 36 al. 2 LAI) et le revenu déterminant est celui perçu par la personne invalide. Pour le surplus, dans les considérants de l’arrêt attaqué, la cour cantonale a déjà exposé en détail les règles de droit et la pratique régissant la matière. Il y a lieu de s’y référer et de s’y tenir.

Consid. 4.1
Il ressort des constatations et des calculs de la cour cantonale que, s’agissant des éléments de l’AVS, la rente de vieillesse de l’assuré doit être déterminée sur la base du total des années de cotisation, soit 31 ans et 10 mois, correspondant à l’échelle de rente 31, et sur un revenu annuel moyen pour 2022 de CHF 37’284, respectivement CHF 38’718, bonifications pour tâches éducatives incluses. La rente mensuelle AVS qui en résulterait s’élèverait à CHF 1’192, respectivement CHF 1’214.

En ce qui concerne les éléments de l’AI, la rente doit être calculée en tenant compte d’une échelle de rentes 25 (la période de cotisation déterminante étant celle allant jusqu’à l’année précédant la survenance du cas d’assurance, soit concrètement jusqu’au 31.12.2006) et d’un revenu annuel moyen pour 2022 de CHF 73’134. La rente mensuelle AI qui en résulterait s’élèverait à CHF 1’260 francs, soit un montant plus élevé que si l’on utilisait les critères de l’AVS.

Consid. 4.2
L’assuré critique la constatation de la cour cantonale au motif qu’elle repose sur une base de calcul erronée. Il ne conteste pas en soi les montants retenus par l’instance cantonale, soit les bases de calcul utilisées pour déterminer les rentes de vieillesse et d’invalidité, mais prétend que le barème de revenu 31 reconnu dans la rente AVS devrait être comparé au revenu annuel moyen de CHF 73’134 pris en compte dans le calcul de la rente d’invalidité, ce qui permettrait d’obtenir une rente mensuelle de CHF 1’562. Il fausse ainsi les exigences de l’art. 33bis al. 1 LAVS, à savoir le calcul comparatif entre la rente AI calculée selon les critères de l’AI et la rente AVS calculée selon les règles de l’AVS. Son raisonnement est contraire au droit fédéral, à savoir l’art. 33bis LAVS. Les conclusions de la cour cantonale selon lesquelles le montant calculé selon les critères de l’AVS est inférieur à celui déterminé selon les critères de l’AI et qu’il était donc justifié de continuer à verser la rente de vieillesse sur la base des éléments de calcul de la rente AI méritent d’être confirmées.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_283/2023 consultable ici

 

Proposition de citation : 9C_283/2023 (i) du 18.10.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/12/9c_283-2023)

 

 

9C_198/2022 (f) du 30.05.2023, destiné à la publication – Montant de la rente d’invalidité AI – Coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale / ALCP – Règl. (CE) n° 883/2004 – Convention de sécurité sociale entre la Suisse et le Portugal

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_198/2022 (f) du 30.05.2023, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Montant de la rente d’invalidité AI – Coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale / ALCP – Règl. (CE) n° 883/2004 – Convention de sécurité sociale entre la Suisse et le Portugal

Prise en compte des périodes de cotisations accomplies au Portugal / art. 12 de la Convention entre la Suisse et le Portugal.

 

Assuré, ressortissant portugais, a travaillé dans son pays d’origine de 1973 à 1983 et en Suisse depuis 1985, où il s’est installé en mars 1989. L’office AI lui a octroyé une rente entière d’invalidité dès le 01.01.2018. Sa rente s’élevait à 1’592 fr. par mois (à partir du 01.09.2021). Elle était calculée en fonction d’un revenu annuel moyen déterminant de 48’756 fr., d’une durée de cotisations de 30 années et 8 mois, ainsi que de l’échelle de rente 37.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2021 173 – consultable ici)

Par jugement du 27.08.2015, rejet du recours de l’assuré – reprochait à l’office AI de ne pas avoir pris en compte ses périodes de cotisations accomplies au Portugal – par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
L’assuré est un ressortissant d’un Etat partie à l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP). Il a exercé des activités salariées en Suisse et est au bénéfice d’une rente de l’assurance-invalidité suisse. Le litige relève ainsi de la coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale.

Consid. 3.2
Jusqu’au 31 mars 2012, les Parties à l’ALCP appliquaient entre elles le Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (RO 2004 121; ci-après: le règlement n° 1408/71). Une décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31 mars 2012 (RO 2012 2345) a actualisé le contenu de l’Annexe II à l’ALCP avec effet au 1er avril 2012. Il a été prévu, en particulier, que les Parties appliqueraient désormais entre elles le Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le Règlement (CE) n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (ci-après: le règlement n° 883/2004; RS 0.831.109.268.1).

Consid. 3.3
Le droit de l’assuré à une rente d’invalidité est en l’espèce né le 01.01.2018, après l’entrée en vigueur du règlement n° 883/2004. Ratione temporis, le présent cas doit ainsi être tranché à la lumière de ce règlement.

Consid. 4.1
Au préalable, il convient de rappeler qu’avec l’entrée en vigueur simultanée de l’ALCP et du règlement n° 1408/71 le 1er juin 2002, la coordination des régimes de sécurité sociale entre la Suisse et le Portugal était passée d’un système de convention dite de type A à un système de convention dite de type B. Le premier système était celui dans lequel l’invalide qui en remplit les conditions reçoit une seule rente d’invalidité versée par l’assurance à laquelle il était affilié lors de la survenance de l’invalidité en fonction de la totalité des périodes de cotisations, y compris celles accomplies dans l’autre pays. Tel était le cas de la Convention de sécurité sociale du 11 septembre 1975 entre la Suisse et le Portugal (ci-après: la Convention entre la Suisse et le Portugal; RS 0.831.109.654.1). Le second système était celui dans lequel l’invalide qui a cotisé successivement dans les deux Etats perçoit une rente partielle de chacun des pays concernés calculée au pro rata des périodes d’assurance accomplies.

Consid. 4.2
Sous le titre « Relation entre le présent règlement et d’autres instruments de coordination », l’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 prévoit: « Dans son champ d’application, le présent règlement se substitue à toute convention de sécurité sociale applicable entre les Etats membres. Toutefois, certaines dispositions de conventions de sécurité sociale que les Etats membres ont conclues avant la date d’application du présent règlement restent applicables, pour autant qu’elles soient plus favorables pour les bénéficiaires ou si elles découlent de circonstances historiques spécifiques et ont un effet limité dans le temps. Pour être maintenues en vigueur, ces dispositions doivent figurer dans l’annexe II. Il sera précisé également si, pour des raisons objectives, il n’est pas possible d’étendre certaines de ces dispositions à toutes les personnes auxquelles s’applique le présent règlement. »

Consid. 4.3
Sous le régime du règlement n° 1408/71, le Tribunal fédéral a rappelé que l’art. 20 ALCP prévoyait la suspension des conventions bilatérales entre la Suisse et les Etats parties. Selon cet article, sauf disposition contraire découlant de l’annexe II, les accords de sécurité sociale bilatéraux entre la Suisse et les Etats membres de la Communauté européenne étaient suspendus dès l’entrée en vigueur du présent accord, dans la mesure où la même matière était réglée par le présent accord. Le Tribunal fédéral a par ailleurs retenu que sa jurisprudence rendue sous le régime du règlement n° 1408/71 (ATF 133 V 329) n’excluait pas qu’un assuré fût mis au bénéfice d’une disposition plus favorable d’une convention bilatérale de sécurité sociale, pour autant qu’il eût exercé son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de l’ALCP (ATF 142 V 112).

Dans ce dernier cas, le Tribunal fédéral a examiné la situation d’un ressortissant portugais qui résidait en Suisse depuis 1989, avait bénéficié d’une rente entière de l’assurance-invalidité suisse pour la période du 01.10.1997 au 30.04.1999 et percevait une demi-rente de l’assurance-invalidité suisse depuis le 01.01.2009. Il a jugé que les périodes de cotisations accomplies par l’assuré au Portugal avant son arrivée en Suisse devaient être prises en compte dans le calcul de sa demi-rente pour autant que cette solution fût plus favorable à l’assuré. Il s’est fondé sur l’ATF 133 V 329 selon lequel il y avait lieu de reprendre le principe de l’application des dispositions plus favorables d’une convention bilatérale de sécurité sociale, tel que dégagé par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE; devenue entre-temps la Cour de justice de l’Union européenne [CJUE]; arrêt du 7 février 1991, Rönfeldt, C-227/89, Rec. 1989, p. I-323, précisé par l’arrêt du 9 novembre 1995, Thévenon, C-475/93, Rec. 1995, p. I-3813). Selon la CJCE, l’application du règlement n° 1408/71 ne devait pas conduire à la perte des avantages de sécurité sociale résultant de conventions de sécurité sociale en vigueur entre deux ou plusieurs Etats membres et intégrées à leur droit national. Autrement dit, le travailleur qui avait exercé son droit à la libre circulation des personnes ne devait pas être pénalisé du fait des règlements communautaires par rapport à la situation qui aurait été la sienne si elle avait été régie par la seule législation nationale. La jurisprudence européenne reposait aussi sur l’idée que l’intéressé était en droit, au moment où il avait exercé son droit à la libre circulation, d’avoir une confiance légitime dans le fait qu’il pourrait bénéficier des dispositions de la convention bilatérale (arrêt du 5 février 2002, Kaske, C-277/99, Rec. 2002 p. I-1261, point 27). Le principe selon lequel l’application de la réglementation européenne de coordination ne devait pas entraîner la diminution (ou la perte) des avantages de sécurité sociale prévus par des conventions de sécurité sociale a été développé à partir de l’arrêt Petroni (arrêt de la CJCE du 24 octobre 1975, Petroni, 24/75 Rec. p. 1149; cf. arrêt Röntfeldt précité, point 26). Dans cet arrêt, la CJCE a reconnu que les dispositions du règlement n° 1408/71 ne pouvaient pas être appliquées de manière à priver un travailleur migrant du bénéfice d’une prestation résultant de la seule législation nationale ou à réduire son montant. La doctrine parle à cet égard du « principe Petroni » (ARNO BOKELOH, Das Petroni-Prinzip des Europäischen Gerichtshofes, ZESAR 03/12 p. 121 ss; cf. aussi SEAN VAN RAEPENBUSCH, Les rapports entre le Règlement [CEE] n° 1408/71 et les conventions internationales dans le domaine de la sécurité sociale des travailleurs circulant à l’intérieur de la communauté, Cahiers de droit européen 1991, p. 449 ss).

Consid. 5.1
Dans l’ATF 142 V 112, le Tribunal fédéral a relevé que l’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 reprenait le principe de l’application des conventions de sécurité sociale plus favorables (cf. art. 7 par. 2 let. c du règlement n° 1408/71), que les dispositions plus favorables de ces conventions devaient figurer à l’annexe II du règlement pour être maintenues en vigueur et que l’annexe II ne contenait aucune disposition concernant les relations entre la Suisse et le Portugal. Il a laissé ouverte la question de savoir si la jurisprudence de l’ATF 133 V 329 (cf. consid. 4.3 supra) et la jurisprudence européenne sur laquelle elle se fondait demeuraient applicables sous le régime du règlement n° 883/2004 dans la mesure où l’assuré avait droit quoi qu’il en soit au maintien de sa situation acquise au 31 mars 2012.

Consid. 5.2
L’assuré se prévaut de l’application des dispositions de la Convention entre la Suisse et le Portugal en vertu de la jurisprudence publiée aux ATF 142 V 112. Comme il est en l’occurrence un ressortissant portugais qui a exercé son droit à la libre circulation en travaillant en Suisse dès 1985 (avant l’entrée en vigueur de l’ALCP) et dont le droit à une rente entière de l’assurance-invalidité suisse est né le 01.01.2018 (après l’entrée en vigueur du règlement n° 883/2004), il convient de répondre à la question laissée ouverte dans l’ATF 142 V 112.

Il s’agit donc de déterminer s’il y a lieu de tenir compte, ou non, des périodes de cotisations accomplies au Portugal conformément à l’art. 12 de la Convention entre la Suisse et le Portugal.

 

Consid. 5.3.1
Comme mentionné (cf. consid. 4.2 et 5.1 supra), l’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 reprend le principe de l’applicabilité des dispositions plus favorables des conventions bilatérales de sécurité sociale sous réserve que ces dispositions figurent à l’annexe II. Cette annexe ne contient aucune disposition maintenue en vigueur dans les relations entre la Suisse et le Portugal. Le fait que le règlement n° 883/2004 est une convention de type B (cf. consid. 4.1 supra) et que l’annexe II ne maintient pas en vigueur des dispositions entre la Suisse et le Portugal a conduit les premiers juges à exclure l’application de la Convention entre la Suisse et le Portugal et la prise en considération des périodes de cotisations accomplies au Portugal dans le calcul de la rente de l’assurance-invalidité suisse.

Consid. 5.3.2
L’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 remplace l’art. 6 du règlement n° 1408/71 qui, en relation avec l’art. 7 par. 2 let. c dudit règlement, prévoyait que nonobstant la substitution du règlement n° 1408/71 à toute convention de sécurité liant exclusivement deux ou plusieurs Etats membres (let. a), les dispositions de conventions de sécurité sociale mentionnées à l’annexe III restaient applicables. L’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 prend en considération la jurisprudence de la CJCE rendue sous l’empire du règlement précédent, puisqu’il prévoit expressément la condition (alternative) selon laquelle, pour rester applicables, les dispositions de conventions de sécurité sociale doivent être « plus favorables pour les bénéficiaires » (Heinz-Dietrich Steinmeyer, in Europäisches Sozialrecht, 8e éd. 2022, n° 5 ad art. 8 du règlement n° 883/2004, p. 188).

Les principes dégagés dans l’arrêt Rönfeldt ont été résumés par la CJUE de la manière suivante (arrêt du 22 janvier 2015, Balazs, C-401/13 et C-432/13, points 34 s. et 38) : nonobstant les termes des art. 6 et 7 par. 2 sous c) du règlement n° 1408/71 – dont l’exigence selon laquelle les dispositions conventionnelles restant en vigueur doivent figurer à l’annexe III de ce règlement -, les conventions bilatérales de sécurité sociale continuent à s’appliquer à certaines conditions, même en l’absence de mention à ladite annexe. Ainsi, les dispositions des conventions bilatérales continuent à s’appliquer dans le cas de travailleurs migrants après l’entrée en vigueur du règlement n° 1408/71, indépendamment du point de savoir si elles figurent ou non à l’annexe III de ce règlement, lorsque cette application est plus favorable au travailleur, pour autant que celui-ci ait fait usage de son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de ce règlement (arrêt du 9 novembre 1995, Thévenon, C-475/93, Rec. 1995, p. I-3813). A l’inverse, la CJUE a nié l’application de ces principes lorsque le ressortissant d’un Etat membre a quitté le territoire de celui-ci pour un autre Etat membre plusieurs années avant que l’accord bilatéral de sécurité sociale ait été conclu, la personne concernée ne pouvant avoir de confiance légitime dans le fait qu’elle pourrait bénéficier des dispositions de l’accord bilatéral, celui-ci n’ayant pas encore été conclu à la date de leur retour dans son pays d’origine (arrêt Balazs cité, point 42).

L’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 comprend la même exigence relative aux dispositions conventionnelles devant figurer à l’annexe II du règlement que l’art. 7 par. 2 let. c du règlement n° 1408/71, à laquelle la CJUE – et à sa suite le Tribunal fédéral – a jugé qu’il y avait lieu de déroger dans les circonstances particulières précisées dans l’arrêt Rönfeldt. L’entrée en vigueur de l’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 n’a donc rien changé au principe de l’applicabilité des conventions de sécurité sociale plus favorables dans un cas concret, pour autant que les conditions précitées soient réalisées. Les principes dégagés dans l’arrêt Rönfeldt restent applicables sous l’empire du règlement n° 883/2004 (Bernhard Spiegel, in Europäisches Sozialrecht, 8e éd. 2022, n° 4 ad art. 87 et 87a du règlement n° 883/2004, p. 657; dans ce sens, Heinz-Dietrich Steinmeyer, op. cit., n° 11 ad art. 8 du règlement n° 883/2004, p. 189; BOKELOH, op. cit., p. 127; TIMO ZEISKE, Das Statut sozialer Sicherheit bei grenzüberschreitender Arbeitnehmerentsendung, Münster 2016, éd. MV Wissenschaft, p. 117 s.).

Consid. 5.3.3
Cette solution s’appuie également, de manière plus générale, sur l’objectif de l’adoption du règlement n° 883/2004. Celui-ci a remplacé le règlement n° 1408/71 à partir du 1er avril 2012 (cf. consid. 3.2 supra). Les motifs qui ont conduit à son adoption montrent qu’il trouve également sa source dans l’art. 42 du Traité instituant la Communauté européenne et vise donc toujours à éliminer les obstacles à la libre circulation des personnes pouvant résulter de l’absence de coordination des régimes nationaux de sécurité sociale (cf. ATF 133 V 329 consid. 8.6). Cet objectif a en outre été confirmé, voire renforcé. Il ressort effectivement du considérant 3 du préambule du règlement n° 883/2004 que ce dernier a été édicté et adopté en vue de remplacer le règlement n° 1408/71 (dont les nombreuses modifications et mises à jour, qui visaient à tenir compte non seulement des développements intervenus au niveau communautaire, y compris des arrêts de la CJCE, mais également des modifications apportées aux législations nationales, avaient contribué à rendre les règles communautaires de coordination complexes et lourdes) en le modernisant et en le simplifiant. Cela était essentiel à la réalisation de l’objectif de la libre circulation des personnes.

Dans ces circonstances, la jurisprudence développée sous le régime du règlement n° 1408/71 concernant l’applicabilité des dispositions des conventions bilatérales plus favorables reste applicable sous le régime du règlement n° 883/2004. Le remplacement des art. 6 et 7 du premier règlement par l’art. 8 du second n’a en effet entraîné aucune modification substantielle. L’objectif poursuivi par la réglementation, à savoir l’élimination la plus complète possible des obstacles à la libre circulation des personnes pouvant résulter de l’absence de coordination des régimes nationaux de sécurité sociale, n’a pas été modifié avec l’entrée en vigueur du nouveau règlement. Par conséquent, un assuré, qui a exercé son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de l’ALCP et dont le droit à une rente de l’assurance-invalidité suisse est né après l’entrée en vigueur du règlement n° 883/2004, peut bénéficier d’une disposition plus favorable d’une convention bilatérale de sécurité sociale aussi sous le régime du règlement n° 883/2004.

Consid. 5.4
Ni l’office AI ni la juridiction cantonale n’ont examiné le point de savoir si le système de la Convention entre la Suisse et le Portugal est plus favorable à l’assuré que le système du règlement n° 883/2004. A cet égard, le Tribunal fédéral a considéré que le point de savoir quel système était plus favorable à l’assuré nécessitait un calcul comparatif fondé sur des informations dont l’obtention ne soulevait guère de difficultés pratiques pour les autorités compétentes suisses qui pouvaient s’appuyer sur l’entraide administrative prévue dans les relations transfrontalières dans le domaine de la sécurité sociale (art. 7 de l’Arrangement administratif du 24 septembre 1976 fixant les modalités d’application de la Convention de sécurité sociale du 11 septembre 1975 entre la Suisse et le Portugal [RS 0.831.109.654.12]; art. 84 du règlement n° 1408/71; art. 76 ss du règlement n° 883/2004; art. 2 ss du Règlement [CE] n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale [RS 0.831.109.268.11]; ATF 142 V 112 consid. 4.5). En conséquence, il convient d’annuler l’arrêt attaqué ainsi que la décision administrative litigieuse et de renvoyer la cause à l’administration pour qu’elle complète l’instruction sur ce point et rende une nouvelle décision.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et la décision, renvoyant la cause à l’office AI pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

 

Arrêt 9C_198/2022 consultable ici

 

Majoration de 30 francs de la rente minimale AVS/AI dès le 01.01.2023

Majoration de 30 francs de la rente minimale AVS/AI

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 12.10.2022 consultable ici

Fiche d’information « Montants valables dès le 01.01.2023 » disponible ici

 

Les rentes AVS/AI seront adaptées à l’évolution des prix et des salaires : elles seront relevées de 2,5 % au 1er janvier 2023. Le Conseil fédéral a pris cette décision sur la base de l’indice mixte prévu par la loi lors de sa séance du 12 octobre 2022. La rente minimale AVS/AI se montera désormais à 1225 francs par mois. Les montants des allocations pour perte de gain (APG) seront également adaptés. Parallèlement, des adaptations seront apportées dans le domaine des cotisations, pour les prestations complémentaires, pour les prestations transitoires et dans la prévoyance professionnelle obligatoire.

Le montant de la rente minimale AVS/AI passera de 1195 à 1225 francs par mois et celui de la rente maximale, de 2390 à 2450 francs (pour une durée de cotisation complète). Le montant de la cotisation minimale AVS/AI/APG pour les indépendants et les personnes sans activité lucrative passera de 503 à 514 francs par an, et celui de la cotisation minimale dans l’AVS/AI facultative de 958 à 980 francs.

 

Adaptation selon l’indice mixte

Comme le prescrit la loi sur l’AVS, le Conseil fédéral examine, en règle générale tous les deux ans, la nécessité d’adapter les rentes de l’AVS et de l’AI à l’évolution des salaires et des prix. L’adaptation a lieu plus tôt si le renchérissement dépasse 4 % au cours d’une année. Pour prendre sa décision, le Conseil fédéral s’appuie sur la moyenne arithmétique de l’indice des salaires et de l’indice des prix (indice mixte) et prend en compte la recommandation de la Commission fédérale AVS/AI. Cette année, on s’attend à un renchérissement de 3% et à une augmentation des salaires de 2%. Il en résulte un indice mixte de 2,5%, qui justifie des augmentations de rentes de l’ordre du renchérissement. La dernière adaptation des rentes par le Conseil fédéral date de 2021. Il avait alors fixé le montant de la rente minimale AVS/AI à 1195 francs.

 

Coûts de l’adaptation des rentes

Le relèvement des rentes engendrera des dépenses supplémentaires d’environ 1370 millions de francs. L’AVS supportera des coûts supplémentaires à hauteur de 1215 millions de francs, dont 245 millions à la charge de la Confédération (qui finance 20,2% des dépenses de l’assurance). L’AI assumera des dépenses supplémentaires de 155 millions de francs ; la Confédération ne devra supporter ici aucune charge supplémentaire, sa contribution à l’AI n’étant plus calculée en pourcentage des dépenses.

 

Adaptation des montants limites dans la prévoyance professionnelle

Cette adaptation a également un impact sur la prévoyance professionnelle obligatoire. Le montant de la déduction de coordination dans le régime obligatoire de la prévoyance professionnelle passera de 25 095 à 25 725 francs, et le seuil d’entrée de 21 510 à 22 050 francs. La déduction fiscale maximale autorisée dans le cadre de la prévoyance individuelle liée (pilier 3a) passera de 6883 à 7056 francs pour les personnes possédant un 2e pilier et de 34 416 à 35 280 francs pour celles qui n’en ont pas. Ces adaptations entreront elles aussi en vigueur le 1er janvier 2023.

 

Adaptation des prestations APG

Dans le régime des allocations pour perte de gain (APG), le montant maximal de l’allocation passe de 245 francs actuellement à 275 francs. Le coût de cette mesure s’élève à 100 millions de francs pour les APG.

 

Adaptations concernant les prestations complémentaires et les prestations transitoires

Les montants annuels des prestations complémentaires et des prestations transitoires, destinées à couvrir les besoins vitaux, passeront de 19 610 à 20 100 francs pour les personnes seules et de 29 415 à 30 150 francs pour les couples. Ils passeront également à 10 515 francs pour les enfants âgés de plus de 11 ans et à 7380 francs pour les enfants de moins de 11 ans. L’adaptation des prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI induit, quant à elle, des dépenses supplémentaires d’environ 5,2 millions de francs pour la Confédération et de 3,5 millions pour les cantons.

Les montants maximaux des loyers sont adaptés au renchérissement depuis la dernière adaptation en 2021, sur la base de certaines positions de l’indice national des prix à la consommation pour le logement et l’énergie. L’augmentation est de 7,1 %. Les montants annuels maximaux s’élèveront désormais à 17 580 francs dans la région 1, à 17 040 francs dans la région 2 et à 15 540 francs dans la région 3. Les coûts de cette augmentation seront de 37,8 millions de francs. Comme les positions « énergie » et « services d’approvisionnement et d’entretien du logement » ont augmenté de 21 % dans l’indice des prix, le forfait pour les charges accessoires et les frais de chauffage sera également adapté et passera de 2520 à 3060 francs par année, pour un coût total de 4,5 millions de francs. Les coûts de l’augmentation des montants maximaux des loyers et des forfaits pour les charges accessoires et les frais de chauffage seront pris en charge par la Confédération et les cantons.

 

Trois motions sont en suspens aux Chambres fédérales : elles demandent l’adaptation complète au renchérissement des rentes de l’AVS et de l’AI, ainsi que des prestations complémentaires et des prestations transitoires. Ces motions prévoient en outre de réduire le seuil d’inflation permettant une nouvelle adaptation des rentes après un an. Les commissions compétentes des Chambres doivent encore traiter ces motions. Si les motions sont adoptées à l’issue de la session d’hiver, les adaptations législatives nécessaires au relèvement supplémentaire des prestations mentionnées seraient traitées dans le cadre d’une procédure d’urgence, en principe durant la session de printemps 2023, et les prestations versées à titre rétroactif au 1er janvier 2023.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 12.10.2022 consultable ici

Fiche d’information « Montants valables dès le 01.01.2023 » disponible ici

Ordonnances et commentaires consultables ici

Scheda informativa “Importi validi dal 1° gennaio 2023” disponibile qui

Hintergrunddokument «Beträge gültig ab dem 1. Januar 2023» hier verfügbar

Le Conseil fédéral rejette l’initiative populaire pour une 13e rente AVS

Le Conseil fédéral rejette l’initiative populaire pour une 13e rente AVS

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 25.05.2022 consultable ici

 

Le Conseil fédéral se prononce contre l’initiative populaire fédérale « Mieux vivre à la retraite (initiative pour une 13e rente AVS) ». Lors de sa séance du 25 mai 2022, il a adopté le message en ce sens à l’intention du Parlement. Le Conseil fédéral ne voit pas de marge de manœuvre financière pour une 13e rente de vieillesse AVS. De plus, les bénéficiaires d’une rente d’invalidité ou de survivants seraient désavantagés par rapport aux retraités. Le Conseil fédéral mise sur les réformes en cours de la prévoyance vieillesse, qui visent à maintenir le niveau des prestations de l’AVS et de la prévoyance professionnelle obligatoire et à assurer l’équilibre financier du 1er et du 2e pilier.

L’initiative populaire « Mieux vivre à la retraite (initiative pour une 13e rente AVS) » demande, pour tous les bénéficiaires d’une rente de vieillesse, un droit à un supplément annuel équivalent à un douzième de leur rente annuelle, soit une 13e rente de vieillesse AVS. Ce supplément ne doit entraîner ni la réduction des prestations complémentaires (PC) ni la perte du droit à ces prestations.

Le mécanisme actuel d’adaptation des rentes AVS à l’évolution des salaires et des prix a pour conséquence que, pour chaque génération de bénéficiaires de rente, la rente AVS remplace une part plus faible du revenu antérieur que pour la génération précédente. À ce titre, le Conseil fédéral considère que les demandes d’amélioration des prestations de l’AVS sont compréhensibles. L’acceptation de cette initiative permettrait certes d’améliorer les prestations de vieillesse de l’AVS. Cependant, les prestations supplémentaires aggraveraient encore la situation financière de l’assurance, car elles entraîneraient des dépenses supplémentaires d’environ 5 milliards de francs en 2032. Cela correspond à environ 0,8 % de cotisations salariales ou à 1,1 point de TVA. Selon les perspectives financières actuelles, l’AVS présentera un déficit de répartition de près de 4,7 milliards de francs dans le régime actuel en 2032.

La 13e rente de vieillesse AVS proposée entraînerait en outre des injustices. D’une part, un tel supplément ne se justifierait pas pour tous les retraités du point de vue de la politique sociale. D’autre part, les bénéficiaires d’une rente de vieillesse en profiteraient non seulement pour ce qui est du montant annuel de leur rente, mais aussi dans le cadre des PC, alors que les prestations des bénéficiaires d’une rente d’invalidité ou de survivants seraient calculées à un niveau inférieur. Le Conseil fédéral considère qu’une telle différence de traitement des rentes au sein du 1er pilier est problématique. Il estime en outre que les PC permettent au système social suisse de remplir sa mission de couverture des besoins vitaux dans son ensemble.

 

Réformes en cours dans la prévoyance vieillesse

La réforme concernant la stabilisation de l’AVS (AVS 21), adoptée par le Parlement le 17 décembre 2021 et sur laquelle le peuple se prononcera le 25 septembre 2022, permettra de garantir le financement de l’AVS et de ses prestations pour les dix prochaines années environ. L’âge de la retraite sera uniformisé à 65 ans pour les hommes et les femmes. Des mesures de compensation atténueront les conséquences de ce changement pour les femmes proches de la retraite. L’augmentation de la TVA apportera des recettes supplémentaires. En outre, le passage de la vie active à la retraite sera assoupli, et la possibilité de toucher une rente partielle permettra un départ progressif à la retraite. Les personnes qui travaillent au-delà de 65 ans pourront combler leurs lacunes de cotisation et améliorer leur rente.

Plutôt que de procéder à une coûteuse extension des prestations pour tous, le Conseil fédéral entend améliorer de manière ciblée la prévoyance vieillesse des assurés aux revenus modestes. Pour ce faire, il est prévu d’étendre la prévoyance professionnelle obligatoire aux salariés dont le taux d’occupation et le revenu sont faibles. La réforme LPP 21 est actuellement débattue au Parlement.

Le Conseil fédéral propose par conséquent au Parlement de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l’initiative.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 25.05.2022 consultable ici

Message du Conseil fédéral concernant l’initiative populaire «Mieux vivre à la retraite (initiative pour une 13e rente AVS)» [version provisoire] disponible ici

Il Consiglio federale respinge l’iniziativa popolare per una tredicesima mensilità AVS, Comunicato stampa disponibile qui

Der Bundesrat lehnt die Volksinitiative für eine 13. AHV-Rente ab, Medienmitteilung hier verfügbar

 

 

 

9C_49/2021 (f) du 27.10.2021 – Montant de la rente de vieillesse AVS / Inscription au compte individuel de salaires versés sur lesquels des cotisations ne peuvent plus être exigées ni versées – 30ter LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_49/2021 (f) du 27.10.2021

 

Consultable ici

 

Montant de la rente de vieillesse AVS

Inscription au compte individuel de salaires versés sur lesquels des cotisations ne peuvent plus être exigées ni versées / 30ter LAVS

 

Saisie d’une demande de rente de l’assurance-vieillesse et survivants présentée le 29.05.2018, la caisse de compensation AVS (ci-après: la Caisse) a octroyé à l’assurée, née en 1940, une rente de vieillesse d’un montant de 123 fr. par mois à compter du 01.05.2013, puis de 113 fr. par mois à compter du 01.08.2014.

L’assurée s’est opposée à ces décisions en indiquant qu’elle avait travaillé en 1976, 1977 et 1978 comme chanteuse dans un restaurant-cabaret tessinois, ce qui n’aurait à tort pas été pris en considération lors du calcul de sa rente. La Caisse a pris connaissance d’une attestation (non datée) de l’ancienne gestionnaire de l’établissement. Selon celle-ci, l’assurée avait travaillé dans son établissement comme chanteuse entre 1976 et 1978 à raison de huit mois par année, six jours par semaine, pour un cachet journalier de 140 fr. Les renseignements pris par la Caisse, notamment auprès de la Caisse de compensation GastroSocial, ont mis en évidence que le restaurant-cabaret en question avait été affilié à cette dernière à partir du 01.07.1976, mais qu’aucune inscription de salaire n’avait été enregistrée au nom de l’assurée pour les années 1976 à 1978. Sur le vu de ces informations, la Caisse a rejeté l’opposition.

 

Procédure cantonale

Le Tribunal cantonal a laissé ouverte la question de l’existence de l’activité lucrative alléguée par l’assurée au moyen de l’attestation de l’ancienne gestionnaire du restaurant-cabaret, dès lors qu’il considérait comme non-établi que les anciens associés de son employeur de l’époque avaient payé des cotisations sur son salaire, que l’assurée n’avait pas produit des pièces démontrant que des cotisations lui avaient été déduites du salaire et que ses allégations concernant une éventuelle convention de salaire net étaient contradictoires et restées sans preuve à l’appui.

Par jugement du 02.12.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Des cotisations qui ne peuvent plus être exigées ni versées ne peuvent être inscrites au compte individuel de l’assurée que s’il est établi – sans équivoque – soit que l’employeur les a retenues sur le salaire, soit qu’il existait une convention sur le salaire net (art. 30ter al. 2 LAVS; arrêt 9C_743/2017 du 16 mars 2018 consid. 5.2 et l’arrêt cité). En espèce, le Tribunal cantonal a constaté qu’il n’était pas établi que l’employeur avait déduit les cotisations litigieuses, ni que celui-ci avait conclu avec l’assurée une convention sur le salaire net. En conséquence, il n’était plus décisif de savoir si l’assurée avait effectivement exercé l’activité prétendue dans les années 1976 à 1978. A lui seul, ce fait n’aurait en tout cas pas permis l’inscription de cotisations non versées dans son compte individuel, dès lors que le prélèvement de celles-ci constitue l’élément déterminant.

L’assurée ne démontre pas en quoi le Tribunal cantonal aurait versé dans l’arbitraire, manqué à son devoir d’élucider les faits pertinents ou violé les règles de preuve en considérant que ni la retenue des cotisations sur le salaire, ni une convention sur le salaire net n’étaient établies. En particulier, elle n’expose pas quels renseignements supplémentaires l’instance cantonale aurait dû demander à la Caisse GastroSocial qui auraient été aptes à changer l’appréciation des preuves (cf. concernant l’appréciation anticipée des preuves et l’examen limité qu’en fait le Tribunal fédéral p.ex. ATF 136 I 229 consid. 5.3; 144 V 111 consid. 3), voire à justifier l’appel en cause de cette caisse de compensation. Elle n’explique singulièrement pas quelle influence sur le sort de la cause pourrait avoir le fait de connaître « les raisons de l’absence du nom de Mme A.__ dans ses registres ». Le Tribunal fédéral reste donc lié par les constatations de la première instance exposées ci-dessus, et il peut être renvoyé aux motifs de l’arrêt attaqué, auxquels il n’y a rien à ajouter.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_49/2021 consultable ici