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9C_597/2023 (d) du 20.12.2023, destiné à la publication – Ajournement de la rente de vieillesse – Calcul du supplément / 39 LAVS – 55bis à 55quater RAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_597/2023 (d) du 20.12.2023, destiné à la publication

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Ajournement de la rente de vieillesse – Calcul du supplément / 39 LAVS – 55bis à 55quater RAVS

 

Assuré, né en janvier 1953, s’est adressé début décembre 2017 à la Caisse de compensation et a demandé l’ajournement de la rente de vieillesse AVS qui lui était normalement due à partir du 01.02.2018. Par courrier du 02.03.2018, l’autorité a confirmé l’ajournement souhaité de la rente de vieillesse, qui s’élevait – à ce moment – à CHF 2’350 par mois.

Le 07.02.2023, l’assuré a informé l’administration qu’il souhaitait demander la rente immédiatement, c’est-à-dire à la fin de la période d’ajournement la plus longue possible (cinq ans). La caisse de compensation lui a alors accordé une rente de vieillesse avec effet rétroactif au 01.02.2023.

Pour calculer le montant de la rente à verser, la caisse de compensation a pris en compte, d’une part, le montant mensuel de base de la rente, qui s’élevait alors à CHF 2’450; d’autre part, elle a calculé un supplément de CHF 748 par mois, qu’elle a fixé selon un pourcentage de 31,5%, valable pour une durée d’ajournement de cinq ans, sur la somme des montants de rente effectivement ajournés, divisée par le nombre de mois d’ajournement, ce qui a abouti à une rente mensuelle d’un montant total de CHF 3’198 (décision du 10.02.2023).

L’assuré a fait opposition à cette décision au motif que le supplément qui lui avait été attribué ne s’élevait pas aux 31,5% de la rente complète actuelle qui lui avaient été garantis, mais s’élevait plutôt à 772 francs. Par décision sur opposition du 27.02.2023, la caisse de compensation est arrivée à la conclusion que la rente, notamment le supplément d’ajournement, avait été calculée correctement conformément aux dispositions légales pertinentes, raison pour laquelle le montant de la rente décidée était maintenu.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 31.08.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
Selon l’art. 39 LAVS [ndt : dans sa teneur jusqu’au 31.12.2023], les personnes qui ont droit à une rente ordinaire de vieillesse peuvent ajourner d’une année au moins et de cinq ans au plus le début du versement de la rente ; elles ont la faculté de révoquer l’ajournement à compter d’un mois déterminé durant ce délai (al. 1). La rente de vieillesse ajournée et, le cas échéant, la rente de survivant qui lui succède sont augmentées de la contre-valeur actuarielle de la prestation non touchée (al. 2). Selon l’al. 3, le Conseil fédéral fixe, d’une manière uniforme, les taux d’augmentation pour hommes et femmes et règle la procédure. Il peut exclure l’ajournement de certains genres de rentes. La réglementation détaillée de l’ajournement de la rente sur la base de ces dispositions légales se trouve aux art. 55bis à 55quater RAVS. Alors que l’art. 55bis RAVS régit l’ajournement des rentes exclu et l’art. 55quater RAVS la déclaration d’ajournement et sa révocation, l’art. 55ter RAVS définit le calcul du supplément en cas d’ajournement de la rente. Ce supplément est calculé selon un pourcentage variable du montant de base, qui augmente avec la durée de l’ajournement. Il se situe entre 5,2 et 31,5%, selon que la durée de l’ajournement est comprise entre un an et cinq ans. L’al. 2 prévoit que le montant de l’augmentation est déterminé en divisant la somme des montants des rentes ajournées par le nombre de mois correspondants et en multipliant cette somme par le taux d’augmentation applicable selon l’al. 1. Le montant de l’augmentation doit être adapté – conformément à l’al. 5 de la disposition – à l’évolution des salaires et des prix.

Consid. 4.2
L’Office fédéral des assurances sociales précise ce qui suit dans ses Directives concernant les rentes (DR) de l’assurance vieillesse, survivants et invalidité fédérale, dans la version en vigueur du 01.01.2023 au 31.12.2023 : selon le ch. 6301, en cas d’ajournement de la rente, la personne ayant droit à la rente ordinaire de vieillesse renonce à son versement pendant la durée de l’ajournement. La durée de l’ajournement s’élève à une année au moins et à cinq ans au plus. Durant ce délai, il est possible de révoquer l’ajournement à compter d’un mois déterminé (art. 39 al. 1 LAVS). L’ajournement a pour effet – comme le précise le ch. 6304 DR – d’augmenter la rente ordinaire de vieillesse de la personne ayant droit à la rente de la contrevaleur actuarielle des prestations non touchées pendant la période d’ajournement (RCC 1973, p. 404). Le supplément en francs est un montant fixe qui correspond à un pourcentage de la moyenne des rentes ajournées (art. 55ter al. 1 RAVS). La prolongation de la durée d’ajournement a pour effet d’augmenter le pourcentage. Le supplément d’ajournement, exprimé en pour cent, est déterminé à l’aide de la table de l’art. 55ter al. 1 RAVS, entre 5,2 et 31,5% (no 6305 DR). Selon le ch. 6332 DR, le montant mensuel de la rente ajournée se compose du montant mensuel de la rente correspondante, non ajournée (montant de base de la rente), auquel s’ajoute le supplément d’ajournement. Le montant de base de la rente correspond au montant mensuel de la rente ordinaire de vieillesse au début de la période d’ajournement adapté aux augmentations découlant de révisions intermédiaires (ch. 6333, première phrase, DR). Le supplément d’ajournement est déterminé en divisant la somme des montants effectifs des rentes ajournées par le nombre de mois correspondants. Ce montant est ensuite multiplié par le taux d’augmentation correspondant conformément au ch. 6305 (art. 55ter al. 2 RAVS ; ch. 6335 DR). La formule suivante est ainsi applicable : [somme des rentes ajournées x taux d’ajournement] / [durée de l’ajournement (= nombre de mois)] (ch.  6336 DR ; cf. aussi le mémento AVS/AI no 3.04 Prestations de l’AVS – Perception flexible de la rente, ch. 9 ss).

Consid. 5.1
Dans son jugement, l’instance cantonale a conclu – en confirmant le point de vue de la caisse de compensation – que l’assuré, né en janvier 1953, a fait ajourner la rente de vieillesse AVS qui lui était due à partir du 01.02.2018, en déposant une demande début décembre 2017. Le 07.02.2023 – après un ajournement maximal possible de cinq ans – la rente a été réclamée. Sur cette base, le supplément d’ajournement s’élève à 31,5%. Si l’on divise la somme des prestations de rente de vieillesse ajournées s’élève à CHF 142’540 (février à décembre 2018 : CHF 25’850 [11 x CHF 2’350] ; janvier 2019 à décembre 2020 : CHF 56’880 [24 x CHF 2’370] ; janvier 2021 à décembre 2022 : CHF 57’360 [24 x CHF 2’390] ; janvier 2023 : CHF 2’450) par le nombre de mois ajournés (60) puis qu’on multiplie ce résultat par 31,5%, il en résulte un montant de rente mensuel supplémentaire de CHF 748, respectivement une rente de vieillesse actuelle de CHF 3’198 [CHF 2’450 + CHF 748] par mois au total.

Consid. 5.2
En revanche, l’assuré fait valoir en substance que le supplément d’ajournement ainsi calculé ne s’élève qu’à 30,53% par rapport à la rente AVS maximale de CHF 2’450 en vigueur dès le 01.01.2023. Cela viole le principe énoncé à l’art. 39 al. 2 LAVS, selon lequel la rente de vieillesse ajournée doit être augmentée « de la contre-valeur actuarielle de la prestation non perçue ». La méthode de calcul prévue à cet effet par le Conseil fédéral à l’art. 55ter al. 2 RAVS, sur la base de la « somme des montants mensuels ajournés », en vertu de la norme de délégation de l’art. 39 al. 3 LAVS, n’est pas mise en œuvre correctement par le tribunal cantonal et la caisse de compensation, ce qui est contraire au droit fédéral, de sorte qu’il n’en résulte pas la « contre-valeur actuarielle des prestations non touchées » exigée. Cette dernière doit au contraire être déterminée à tout moment sur la base de la rente maximale AVS correspondante et s’élève donc en l’espèce à CHF 772 (31,5% de CHF 2’450).

Consid. 7.1
Conformément à l’al. 2 de l’art. 39 LAVS, la rente de vieillesse ajournée est augmentée de la contre-valeur actuarielle de la prestation non perçue. Selon le libellé clair de l’art. 39 al. 3, première phrase, LAVS, le législateur a délégué de manière complète et sans restriction au Conseil fédéral la réglementation de la procédure en rapport avec l’ajournement de la rente («Le Conseil fédéral fixe, d’une manière uniforme, les taux d’augmentation pour hommes et femmes et règle la procédure» ;  » Der Bundesrat setzt die Erhöhungsfaktoren einheitlich fest und ordnet das Verfahren. Er kann einzelne Rentenarten vom Aufschub ausschliessen » ; « Il Consiglio federale stabilisce in modo uniforme le aliquote d’aumento e definisce la procedura. Può escludere il differimento per certi generi di rendite » ; cf. dans ce sens déjà ATF 147 V 70 consid. 3.2.3).

Dans son message du 4 mars 1968 relatif au projet de loi fédérale modifiant la loi sur l’assurance-vieillesse et survivants et au sujet de l’initiative populaire en faveur d’une nouvelle amélioration de l’assurance-vieillesse et survivants et de l’assurance-invalidité, le Conseil fédéral a précisé que les détails concernant la forme et les effets de l’ajournement devaient être réglés dans l’ordonnance d’exécution ; c’est surtout dans cette ordonnance que devaient être fixés les facteurs exacts d’augmentation (cf. BBI 1968 I 602, p. 660 [pour la version française : FF 1968 I 627 p. 686 s.).

Consid. 7.2
La fixation des facteurs d’augmentation mentionnés à l’art. 39 al. 3 LAVS fait donc manifestement partie de l’aménagement du calcul du supplément d’ajournement qui incombe au Conseil fédéral.

Le Conseil fédéral a mis en œuvre le mandat législatif ainsi défini dans le cadre de l’ordonnance d’exécution, en ce sens que l’art. 55ter RAVS règle le calcul du supplément en question lors de l’ajournement de la rente. Selon l’al. 1 de cette disposition, ce supplément est calculé sur la base d’un pourcentage variable du montant de base, qui augmente avec la durée de l’ajournement.

Consid. 7.2.1
Selon la version de cette norme en vigueur du 1er janvier 1973 au 31 décembre 1996, il se situait entre 8,4 et 50,0%, selon une durée d’un an à cinq ans. La deuxième phrase de l’al. 2 de l’art. 55 ter aRAVS désignait comme valeur de référence pour le calcul du supplément en francs la rente à laquelle on pourrait prétendre au moment de la demande. Selon l’al. 3, le montant du supplément n’était pas adapté à l’évolution des prix et des revenus. Le montant déterminant à l’époque n’était donc pas le montant (en général plus bas) au moment où le droit à la rente de vieillesse aurait pris naissance (cf. aussi ATF 117 V 125 consid. 1).

Consid. 7.2.2
Dans le cadre de la 10e révision de l’AVS (cf. BBI 1990 II 1 ss [pour la version française : FF 1990 II 1 ss), l’introduction de l’anticipation de la rente (BBI 1990 II 27 [pour la version française : FF 1990 II 26 s.) au 1er janvier 1997 s’est accompagnée d’une adaptation du supplément pour ajournement de la rente. Avec l’ajournement de la rente, les personnes devaient être placées, pendant la durée de la perception de la rente, dans la même situation que si elles avaient perçu la rente AVS à l’âge ordinaire de la retraite. Selon les explications du 29 novembre 1995 relatives à la mise en œuvre de la 10e révision de l’AVS (reproduites dans AHI 1996 p. 1 ss [pour la version française : VSI 1996 p. 1), cela présuppose que l’augmentation en cas d’ajournement prévue s’ajoutant au montant mensuel de la rente de vieillesse doit être calculé sur la base du moment «effectif» du droit à la rente de vieillesse en vertu des principes actuariels. L’augmentation est un montant fixe qui correspond à un pourcentage de la moyenne des rentes ajournées. Avec l’introduction de la 10e révision de l’AVS, l’augmentation en cas d’ajournement est adaptée à l’évolution des prix et des salaires tout comme le montant mensuel de la rente. Puisque l’augmentation devrait toujours correspondre à la contre-valeur de la rente qui n’a pas été touchée, cela signifie que la première augmentation sera déterminée en vertu d’un taux inférieur à celui qui est appliqué actuellement (cf. AHI 1996 p. 39 s. [pour la version française : VSI 1996 p. 41).

Conformément à ces principes, l’art. 55ter RAVS, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 1997, prévoit des pourcentages croissants allant de 5,2 à 31,5% (al. 1). De même, l’al. 2 précise désormais que le montant de l’augmentation est déterminé en divisant la somme des montants des rentes ajournées par le nombre de mois correspondants et en multipliant ce montant par le pourcentage applicable selon l’al. 1. Enfin, le montant du supplément est adapté à l’évolution des salaires et des prix (al. 5).

Consid. 7.3
Il en résulte – et il n’est pas contesté – qu’il relève de la compétence du Conseil fédéral de prévoir, dans le cadre de la fixation des facteurs d’augmentation, une réglementation concernant le calcul du supplément d’ajournement, comme cela a été fait avec l’art. 55ter RAVS. Le Conseil fédéral doit s’en tenir aux dispositions légales. En vertu de la norme de délégation de l’art. 39 al. 3 LAVS, il dispose toutefois d’une large marge de manœuvre pour décider librement des facteurs d’augmentation et de leur mise en œuvre.

Consid. 7.3.1
Dans un premier temps, le Conseil fédéral a opté pour une forme de calcul dans laquelle le supplément en pour cent était déterminé sur la base de pourcentages plus élevés et, comme l’assuré l’a également fait valoir pour le calcul de sa rente, sur la base du montant de la rente déterminant au moment de la demande d’octroi de la rente, sans toutefois qu’une adaptation à l’évolution des salaires et des prix n’ait lieu par la suite. Cette pratique a été expressément jugée conforme à la loi et à la Constitution par la plus haute instance judiciaire (ATF 117 V 125 [pas d’adaptation à l’évolution des prix et des revenus] ; arrêt H 67/93 du 24 novembre 1993, in : AHI 1994 p. 146 [pour la détermination du supplément en francs, la rente déterminante est celle à laquelle on pourrait prétendre au moment de l’appel ; pour la version française : VSI 1994 p. 150]). Il ressort notamment de l’ATF 117 V 125 ce qui suit :

(consid. 2b) « En se référant à l’ATF 98 V 257 consid. 1, l’instance précédente a considéré que la contre-valeur actuarielle d’une prestation de rente non perçue pendant la période d’ajournement pouvait être calculée en termes de montant au plus tard à l’expiration de la période d’ajournement. Ce montant reste inchangé par la suite et n’est notamment pas influencé par une évolution des prix et des revenus survenue après la période d’ajournement. En revanche, les augmentations de la rente dues au renchérissement survenues entre l’ajournement et sa révocation sont prises en compte dans la mesure où, selon l’art. 55ter al. 2, deuxième phrase, RAVS, la rente déterminante pour le calcul du supplément en francs est celle à laquelle on peut prétendre au moment de la révocation. [….] Mais si le risque d’un renchérissement futur était pris en compte, le supplément devrait être inférieur au départ, car la contre-valeur actuarielle des rentes non perçues ne devrait pas être dépassée. Si le législateur a décidé, à l’art. 55ter RAVS, d’indemniser la contre-valeur actuarielle des prestations non perçues sous la forme d’un supplément à la rente de vieillesse ordinaire dont le montant n’est pas modifié et qui n’est plus adapté à l’évolution future des salaires et des prix, cela reste sans aucun doute dans les limites des compétences accordées au Conseil fédéral par la loi. Mais il n’est en aucun cas acceptable, comme le demande le recourant, de percevoir une compensation du renchérissement sur le supplément fixe calculé à l’origine, car de cette manière, la valeur capitalisée du supplément de rente dépasserait toujours plus, avec le temps, la contre-valeur actuarielle des rentes non perçues pendant la période d’ajournement, ce qui n’est pas compatible avec la loi ».

(consid. 2e) « Il convient d’admettre avec le recourant que, du moins dans les cas où, d’une part, il n’y a pas de renchérissement pendant la période d’ajournement et où la règle de calcul de l’art. 55ter al. 2, deuxième phrase, RAVS ne s’applique donc pas [… ], et que, d’autre part, une évolution croissante des salaires et des prix intervient après l’ajournement, la contre-valeur actuarielle des rentes non perçues, calculée selon l’art. 55ter al. 1 RAVS, rapporte économiquement moins (en termes de pouvoir d’achat) que si l’assuré avait pu disposer de la rente pendant la période d’ajournement. Le tribunal administratif l’a d’ailleurs reconnu à juste titre. Même l’OFAS ne fait pas valoir que les pourcentages (représentant la contre-valeur actuarielle) de l’art. 55ter al. 1 RAVS se basent également sur des facteurs qui tiennent compte d’un renchérissement probable survenu après la fin de la période d’ajournement. Bien que, selon la conception choisie à l’art. 55ter RAVS, la contre-valeur actuarielle des rentes ajournées perde ainsi son pouvoir d’achat en cas de renchérissement survenant ou se poursuivant après le versement de la rente, il n’y a pas de violation de l’art. 39 al. 2 et al. 3 LAVS ; ces dispositions de principe et de délégation n’obligent manifestement pas le Conseil fédéral à introduire la compensation du renchérissement exigée sur l’allocation de rente. Mais les autres normes constitutionnelles et légales invoquées et pertinentes concernant l’adaptation des rentes ne conduisent pas non plus à un autre résultat. Certes, l’art. 34quater al. 2 Cst. prescrit que les rentes AVS à créer dans le cadre du premier pilier doivent couvrir les besoins vitaux de manière appropriée et être adaptées au moins à l’évolution des prix, et le législateur fédéral a concrétisé ce mandat constitutionnel à l’art. 33ter LAVS. A la lumière de cette exigence constitutionnelle et légale, selon laquelle les rentes AVS doivent couvrir les besoins vitaux de manière appropriée et être adaptées en règle générale tous les deux ans à l’évolution des salaires et des prix, une rente ajournée doit cependant être jugée différemment d’une rente en cours. Le supplément de rente n’offre une compensation que dans le cadre des conditions prévalant pendant la période d’ajournement, ce qui, en ce qui concerne les rentes non perçues, est suffisamment garanti en termes de pouvoir d’achat par l’art. 55ter al. 2, deuxième phrase, RAVS (calcul du supplément sur la base du montant de base de la rente au moment du versement). Si l’assuré ajourne sa rente, il n’y a pas d’obligation constitutionnelle ou légale d’adapter la contre-valeur actuarielle de la rente ajournée à l’évolution ultérieure des salaires et des prix pendant une période pour laquelle l’assuré ne perçoit pas le supplément de rente en vue de couvrir de manière appropriée ses besoins vitaux ; il dispose à cet effet de la rente de base en cours pour cette période, laquelle est adaptée périodiquement à l’évolution des salaires et des prix selon les règles de l’art. 33ter LAVS et les dispositions d’exécution ».

Consid. 7.3.2
Le Conseil fédéral a procédé à une modification de la thématique de l’ajournement lors de la 10e réforme de l’AVS au 1er janvier 1997, dans la mesure où ce n’est plus la rente à laquelle on aurait pu prétendre au moment de son versement qui est déterminante pour le calcul du supplément en francs. C’est désormais la somme des montants mensuels ajournés qui sert de base au calcul de la moyenne mentionnée à l’art. 55ter al. 2, en relation avec l’al. 1, RAVS (pourcentages inférieurs), mais, comme l’indique expressément l’al. 5 de la disposition de l’ordonnance, avec adaptation à l’évolution des salaires et des prix. On ne voit pas en quoi le Conseil fédéral ne devrait pas rester dans les limites des (larges) compétences qui lui sont conférées par la loi. Au contraire, le mode de calcul en vigueur depuis le 1er janvier 1997 s’appuie sur des motifs sérieux, comme le montrent les considérants précédents. Si l’on décidait dans le sens de ce que le recourant avance – supplément sur la base de la rente déterminante au moment de son versement, adaptation du supplément ainsi déterminé à l’évolution des salaires et des prix -, la valeur capitalisée du supplément de rente dépasserait de plus en plus avec le temps la contre-valeur actuarielle des rentes non perçues pendant la période d’ajournement, ce qui ne serait pas conforme à la loi.

On ne peut donc pas trouver avec l’instance précédente de raisons qui plaideraient en faveur d’une violation de la loi dans le sens où il n’aurait pas été tenu compte de la demande d’augmentation de la contre-valeur actuarielle. Le calcul reproduit à l’art. 55ter RAVS s’avère au contraire approprié à tous égards pour refléter la volonté du législateur.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_597/2023 consultable ici

 

Proposition de citation : 9C_597/2023 (d) du 20.12.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2024/03/9c_597-2023)

 

 

9C_283/2023 (i) du 18.10.2023 – Montant d’une rente de vieillesse AVS succédant à une rente AI – 33bis al. 1 LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_283/2023 (i) du 18.10.2023

 

Consultable ici

 

Montant d’une rente de vieillesse AVS succédant à une rente AI / 33bis al. 1 LAVS

 

Assuré, né en juillet 1957, a perçu une rente d’invalidité mensuelle complète à partir du 01.01.2007 de CHF 1’165 (calculée sur la base d’un revenu annuel moyen déterminant de CHF 67’626 et de l’échelle 25) et à partir du 01.12.2012 de CHF 1’077 (calculée sur la base d’un revenu annuel moyen déterminant de CHF 64’032 et de l’échelle 25), compte tenu du recalcul en raison du fait que son épouse a également perçu une rente d’invalidité. Le 25.03.2022, l’assuré a demandé une rente de vieillesse, considérant que l’âge de la retraite sera atteint en juillet 2022. Par décision, confirmée sur opposition, la caisse de compensation a octroyé à l’assuré, dès le 01.08.2022, une rente mensuelle AVS de CHF 1’260, calculée sur la base des éléments de la prestation AI, actualisés à 2022.

 

Procédure cantonale (arrêt 30.2023.2 – consultable ici)

Par jugement du 13.03.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Lorsqu’une rente de vieillesse succède à une rente d’invalidité, l’art. 33bis al. 1 LAVS prévoit que les rentes de vieillesse ou de survivants sont calculées sur la base des mêmes éléments que la rente d’invalidité à laquelle elles succèdent, s’il en résulte un avantage pour l’ayant droit. Concrètement, on procède à un calcul comparatif, c’est-à-dire un calcul selon les éléments de l’AI et un calcul selon les éléments de l’AVS, c’est-à-dire comme si le bénéficiaire n’avait jamais perçu de prestation de l’AI. L’assuré a droit au montant qui lui est le plus favorable. Le même système est utilisé pour calculer le montant des rentes d’invalidité et de vieillesse, c’est-à-dire que les rentes de vieillesse et d’invalidité sont calculées sur la base de la durée de cotisation et du revenu annuel. Toutefois, les paramètres ne sont pas les mêmes.

Pour la rente de vieillesse : le calcul de la rente est déterminé par les années de cotisations – au moins une année complète est requise (art. 29 al. 1 LAVS) – entre le 1er janvier qui suit la date où l’ayant droit a eu 20 ans révolus et le 31 décembre qui précède l’âge de la retraite, et le revenu annuel moyen se compose des revenus de l’activité lucrative et des bonifications pour tâches éducatives ou d’assistance (art. 29bis al. 1 LAVS et art. 29quater LAVS), divisée par le nombre d’années de cotisation [art. 30 al. 2 LAVS non cité par le TF].

Pour la rente d’invalidité, la période de cotisation – trois années de cotisation au moins sont requises (art. 36 al. 1 LAI) – est celle qui s’étend jusqu’à l’année précédant la survenance de l’invalidité (art. 29bis al. 1 LAVS applicable conformément au report de l’art. 36 al. 2 LAI) et le revenu déterminant est celui perçu par la personne invalide. Pour le surplus, dans les considérants de l’arrêt attaqué, la cour cantonale a déjà exposé en détail les règles de droit et la pratique régissant la matière. Il y a lieu de s’y référer et de s’y tenir.

Consid. 4.1
Il ressort des constatations et des calculs de la cour cantonale que, s’agissant des éléments de l’AVS, la rente de vieillesse de l’assuré doit être déterminée sur la base du total des années de cotisation, soit 31 ans et 10 mois, correspondant à l’échelle de rente 31, et sur un revenu annuel moyen pour 2022 de CHF 37’284, respectivement CHF 38’718, bonifications pour tâches éducatives incluses. La rente mensuelle AVS qui en résulterait s’élèverait à CHF 1’192, respectivement CHF 1’214.

En ce qui concerne les éléments de l’AI, la rente doit être calculée en tenant compte d’une échelle de rentes 25 (la période de cotisation déterminante étant celle allant jusqu’à l’année précédant la survenance du cas d’assurance, soit concrètement jusqu’au 31.12.2006) et d’un revenu annuel moyen pour 2022 de CHF 73’134. La rente mensuelle AI qui en résulterait s’élèverait à CHF 1’260 francs, soit un montant plus élevé que si l’on utilisait les critères de l’AVS.

Consid. 4.2
L’assuré critique la constatation de la cour cantonale au motif qu’elle repose sur une base de calcul erronée. Il ne conteste pas en soi les montants retenus par l’instance cantonale, soit les bases de calcul utilisées pour déterminer les rentes de vieillesse et d’invalidité, mais prétend que le barème de revenu 31 reconnu dans la rente AVS devrait être comparé au revenu annuel moyen de CHF 73’134 pris en compte dans le calcul de la rente d’invalidité, ce qui permettrait d’obtenir une rente mensuelle de CHF 1’562. Il fausse ainsi les exigences de l’art. 33bis al. 1 LAVS, à savoir le calcul comparatif entre la rente AI calculée selon les critères de l’AI et la rente AVS calculée selon les règles de l’AVS. Son raisonnement est contraire au droit fédéral, à savoir l’art. 33bis LAVS. Les conclusions de la cour cantonale selon lesquelles le montant calculé selon les critères de l’AVS est inférieur à celui déterminé selon les critères de l’AI et qu’il était donc justifié de continuer à verser la rente de vieillesse sur la base des éléments de calcul de la rente AI méritent d’être confirmées.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_283/2023 consultable ici

 

Proposition de citation : 9C_283/2023 (i) du 18.10.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/12/9c_283-2023)

 

 

9C_198/2022 (f) du 30.05.2023, destiné à la publication – Montant de la rente d’invalidité AI – Coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale / ALCP – Règl. (CE) n° 883/2004 – Convention de sécurité sociale entre la Suisse et le Portugal

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_198/2022 (f) du 30.05.2023, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Montant de la rente d’invalidité AI – Coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale / ALCP – Règl. (CE) n° 883/2004 – Convention de sécurité sociale entre la Suisse et le Portugal

Prise en compte des périodes de cotisations accomplies au Portugal / art. 12 de la Convention entre la Suisse et le Portugal.

 

Assuré, ressortissant portugais, a travaillé dans son pays d’origine de 1973 à 1983 et en Suisse depuis 1985, où il s’est installé en mars 1989. L’office AI lui a octroyé une rente entière d’invalidité dès le 01.01.2018. Sa rente s’élevait à 1’592 fr. par mois (à partir du 01.09.2021). Elle était calculée en fonction d’un revenu annuel moyen déterminant de 48’756 fr., d’une durée de cotisations de 30 années et 8 mois, ainsi que de l’échelle de rente 37.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2021 173 – consultable ici)

Par jugement du 27.08.2015, rejet du recours de l’assuré – reprochait à l’office AI de ne pas avoir pris en compte ses périodes de cotisations accomplies au Portugal – par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
L’assuré est un ressortissant d’un Etat partie à l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP). Il a exercé des activités salariées en Suisse et est au bénéfice d’une rente de l’assurance-invalidité suisse. Le litige relève ainsi de la coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale.

Consid. 3.2
Jusqu’au 31 mars 2012, les Parties à l’ALCP appliquaient entre elles le Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (RO 2004 121; ci-après: le règlement n° 1408/71). Une décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31 mars 2012 (RO 2012 2345) a actualisé le contenu de l’Annexe II à l’ALCP avec effet au 1er avril 2012. Il a été prévu, en particulier, que les Parties appliqueraient désormais entre elles le Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le Règlement (CE) n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (ci-après: le règlement n° 883/2004; RS 0.831.109.268.1).

Consid. 3.3
Le droit de l’assuré à une rente d’invalidité est en l’espèce né le 01.01.2018, après l’entrée en vigueur du règlement n° 883/2004. Ratione temporis, le présent cas doit ainsi être tranché à la lumière de ce règlement.

Consid. 4.1
Au préalable, il convient de rappeler qu’avec l’entrée en vigueur simultanée de l’ALCP et du règlement n° 1408/71 le 1er juin 2002, la coordination des régimes de sécurité sociale entre la Suisse et le Portugal était passée d’un système de convention dite de type A à un système de convention dite de type B. Le premier système était celui dans lequel l’invalide qui en remplit les conditions reçoit une seule rente d’invalidité versée par l’assurance à laquelle il était affilié lors de la survenance de l’invalidité en fonction de la totalité des périodes de cotisations, y compris celles accomplies dans l’autre pays. Tel était le cas de la Convention de sécurité sociale du 11 septembre 1975 entre la Suisse et le Portugal (ci-après: la Convention entre la Suisse et le Portugal; RS 0.831.109.654.1). Le second système était celui dans lequel l’invalide qui a cotisé successivement dans les deux Etats perçoit une rente partielle de chacun des pays concernés calculée au pro rata des périodes d’assurance accomplies.

Consid. 4.2
Sous le titre « Relation entre le présent règlement et d’autres instruments de coordination », l’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 prévoit: « Dans son champ d’application, le présent règlement se substitue à toute convention de sécurité sociale applicable entre les Etats membres. Toutefois, certaines dispositions de conventions de sécurité sociale que les Etats membres ont conclues avant la date d’application du présent règlement restent applicables, pour autant qu’elles soient plus favorables pour les bénéficiaires ou si elles découlent de circonstances historiques spécifiques et ont un effet limité dans le temps. Pour être maintenues en vigueur, ces dispositions doivent figurer dans l’annexe II. Il sera précisé également si, pour des raisons objectives, il n’est pas possible d’étendre certaines de ces dispositions à toutes les personnes auxquelles s’applique le présent règlement. »

Consid. 4.3
Sous le régime du règlement n° 1408/71, le Tribunal fédéral a rappelé que l’art. 20 ALCP prévoyait la suspension des conventions bilatérales entre la Suisse et les Etats parties. Selon cet article, sauf disposition contraire découlant de l’annexe II, les accords de sécurité sociale bilatéraux entre la Suisse et les Etats membres de la Communauté européenne étaient suspendus dès l’entrée en vigueur du présent accord, dans la mesure où la même matière était réglée par le présent accord. Le Tribunal fédéral a par ailleurs retenu que sa jurisprudence rendue sous le régime du règlement n° 1408/71 (ATF 133 V 329) n’excluait pas qu’un assuré fût mis au bénéfice d’une disposition plus favorable d’une convention bilatérale de sécurité sociale, pour autant qu’il eût exercé son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de l’ALCP (ATF 142 V 112).

Dans ce dernier cas, le Tribunal fédéral a examiné la situation d’un ressortissant portugais qui résidait en Suisse depuis 1989, avait bénéficié d’une rente entière de l’assurance-invalidité suisse pour la période du 01.10.1997 au 30.04.1999 et percevait une demi-rente de l’assurance-invalidité suisse depuis le 01.01.2009. Il a jugé que les périodes de cotisations accomplies par l’assuré au Portugal avant son arrivée en Suisse devaient être prises en compte dans le calcul de sa demi-rente pour autant que cette solution fût plus favorable à l’assuré. Il s’est fondé sur l’ATF 133 V 329 selon lequel il y avait lieu de reprendre le principe de l’application des dispositions plus favorables d’une convention bilatérale de sécurité sociale, tel que dégagé par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE; devenue entre-temps la Cour de justice de l’Union européenne [CJUE]; arrêt du 7 février 1991, Rönfeldt, C-227/89, Rec. 1989, p. I-323, précisé par l’arrêt du 9 novembre 1995, Thévenon, C-475/93, Rec. 1995, p. I-3813). Selon la CJCE, l’application du règlement n° 1408/71 ne devait pas conduire à la perte des avantages de sécurité sociale résultant de conventions de sécurité sociale en vigueur entre deux ou plusieurs Etats membres et intégrées à leur droit national. Autrement dit, le travailleur qui avait exercé son droit à la libre circulation des personnes ne devait pas être pénalisé du fait des règlements communautaires par rapport à la situation qui aurait été la sienne si elle avait été régie par la seule législation nationale. La jurisprudence européenne reposait aussi sur l’idée que l’intéressé était en droit, au moment où il avait exercé son droit à la libre circulation, d’avoir une confiance légitime dans le fait qu’il pourrait bénéficier des dispositions de la convention bilatérale (arrêt du 5 février 2002, Kaske, C-277/99, Rec. 2002 p. I-1261, point 27). Le principe selon lequel l’application de la réglementation européenne de coordination ne devait pas entraîner la diminution (ou la perte) des avantages de sécurité sociale prévus par des conventions de sécurité sociale a été développé à partir de l’arrêt Petroni (arrêt de la CJCE du 24 octobre 1975, Petroni, 24/75 Rec. p. 1149; cf. arrêt Röntfeldt précité, point 26). Dans cet arrêt, la CJCE a reconnu que les dispositions du règlement n° 1408/71 ne pouvaient pas être appliquées de manière à priver un travailleur migrant du bénéfice d’une prestation résultant de la seule législation nationale ou à réduire son montant. La doctrine parle à cet égard du « principe Petroni » (ARNO BOKELOH, Das Petroni-Prinzip des Europäischen Gerichtshofes, ZESAR 03/12 p. 121 ss; cf. aussi SEAN VAN RAEPENBUSCH, Les rapports entre le Règlement [CEE] n° 1408/71 et les conventions internationales dans le domaine de la sécurité sociale des travailleurs circulant à l’intérieur de la communauté, Cahiers de droit européen 1991, p. 449 ss).

Consid. 5.1
Dans l’ATF 142 V 112, le Tribunal fédéral a relevé que l’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 reprenait le principe de l’application des conventions de sécurité sociale plus favorables (cf. art. 7 par. 2 let. c du règlement n° 1408/71), que les dispositions plus favorables de ces conventions devaient figurer à l’annexe II du règlement pour être maintenues en vigueur et que l’annexe II ne contenait aucune disposition concernant les relations entre la Suisse et le Portugal. Il a laissé ouverte la question de savoir si la jurisprudence de l’ATF 133 V 329 (cf. consid. 4.3 supra) et la jurisprudence européenne sur laquelle elle se fondait demeuraient applicables sous le régime du règlement n° 883/2004 dans la mesure où l’assuré avait droit quoi qu’il en soit au maintien de sa situation acquise au 31 mars 2012.

Consid. 5.2
L’assuré se prévaut de l’application des dispositions de la Convention entre la Suisse et le Portugal en vertu de la jurisprudence publiée aux ATF 142 V 112. Comme il est en l’occurrence un ressortissant portugais qui a exercé son droit à la libre circulation en travaillant en Suisse dès 1985 (avant l’entrée en vigueur de l’ALCP) et dont le droit à une rente entière de l’assurance-invalidité suisse est né le 01.01.2018 (après l’entrée en vigueur du règlement n° 883/2004), il convient de répondre à la question laissée ouverte dans l’ATF 142 V 112.

Il s’agit donc de déterminer s’il y a lieu de tenir compte, ou non, des périodes de cotisations accomplies au Portugal conformément à l’art. 12 de la Convention entre la Suisse et le Portugal.

 

Consid. 5.3.1
Comme mentionné (cf. consid. 4.2 et 5.1 supra), l’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 reprend le principe de l’applicabilité des dispositions plus favorables des conventions bilatérales de sécurité sociale sous réserve que ces dispositions figurent à l’annexe II. Cette annexe ne contient aucune disposition maintenue en vigueur dans les relations entre la Suisse et le Portugal. Le fait que le règlement n° 883/2004 est une convention de type B (cf. consid. 4.1 supra) et que l’annexe II ne maintient pas en vigueur des dispositions entre la Suisse et le Portugal a conduit les premiers juges à exclure l’application de la Convention entre la Suisse et le Portugal et la prise en considération des périodes de cotisations accomplies au Portugal dans le calcul de la rente de l’assurance-invalidité suisse.

Consid. 5.3.2
L’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 remplace l’art. 6 du règlement n° 1408/71 qui, en relation avec l’art. 7 par. 2 let. c dudit règlement, prévoyait que nonobstant la substitution du règlement n° 1408/71 à toute convention de sécurité liant exclusivement deux ou plusieurs Etats membres (let. a), les dispositions de conventions de sécurité sociale mentionnées à l’annexe III restaient applicables. L’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 prend en considération la jurisprudence de la CJCE rendue sous l’empire du règlement précédent, puisqu’il prévoit expressément la condition (alternative) selon laquelle, pour rester applicables, les dispositions de conventions de sécurité sociale doivent être « plus favorables pour les bénéficiaires » (Heinz-Dietrich Steinmeyer, in Europäisches Sozialrecht, 8e éd. 2022, n° 5 ad art. 8 du règlement n° 883/2004, p. 188).

Les principes dégagés dans l’arrêt Rönfeldt ont été résumés par la CJUE de la manière suivante (arrêt du 22 janvier 2015, Balazs, C-401/13 et C-432/13, points 34 s. et 38) : nonobstant les termes des art. 6 et 7 par. 2 sous c) du règlement n° 1408/71 – dont l’exigence selon laquelle les dispositions conventionnelles restant en vigueur doivent figurer à l’annexe III de ce règlement -, les conventions bilatérales de sécurité sociale continuent à s’appliquer à certaines conditions, même en l’absence de mention à ladite annexe. Ainsi, les dispositions des conventions bilatérales continuent à s’appliquer dans le cas de travailleurs migrants après l’entrée en vigueur du règlement n° 1408/71, indépendamment du point de savoir si elles figurent ou non à l’annexe III de ce règlement, lorsque cette application est plus favorable au travailleur, pour autant que celui-ci ait fait usage de son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de ce règlement (arrêt du 9 novembre 1995, Thévenon, C-475/93, Rec. 1995, p. I-3813). A l’inverse, la CJUE a nié l’application de ces principes lorsque le ressortissant d’un Etat membre a quitté le territoire de celui-ci pour un autre Etat membre plusieurs années avant que l’accord bilatéral de sécurité sociale ait été conclu, la personne concernée ne pouvant avoir de confiance légitime dans le fait qu’elle pourrait bénéficier des dispositions de l’accord bilatéral, celui-ci n’ayant pas encore été conclu à la date de leur retour dans son pays d’origine (arrêt Balazs cité, point 42).

L’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 comprend la même exigence relative aux dispositions conventionnelles devant figurer à l’annexe II du règlement que l’art. 7 par. 2 let. c du règlement n° 1408/71, à laquelle la CJUE – et à sa suite le Tribunal fédéral – a jugé qu’il y avait lieu de déroger dans les circonstances particulières précisées dans l’arrêt Rönfeldt. L’entrée en vigueur de l’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 n’a donc rien changé au principe de l’applicabilité des conventions de sécurité sociale plus favorables dans un cas concret, pour autant que les conditions précitées soient réalisées. Les principes dégagés dans l’arrêt Rönfeldt restent applicables sous l’empire du règlement n° 883/2004 (Bernhard Spiegel, in Europäisches Sozialrecht, 8e éd. 2022, n° 4 ad art. 87 et 87a du règlement n° 883/2004, p. 657; dans ce sens, Heinz-Dietrich Steinmeyer, op. cit., n° 11 ad art. 8 du règlement n° 883/2004, p. 189; BOKELOH, op. cit., p. 127; TIMO ZEISKE, Das Statut sozialer Sicherheit bei grenzüberschreitender Arbeitnehmerentsendung, Münster 2016, éd. MV Wissenschaft, p. 117 s.).

Consid. 5.3.3
Cette solution s’appuie également, de manière plus générale, sur l’objectif de l’adoption du règlement n° 883/2004. Celui-ci a remplacé le règlement n° 1408/71 à partir du 1er avril 2012 (cf. consid. 3.2 supra). Les motifs qui ont conduit à son adoption montrent qu’il trouve également sa source dans l’art. 42 du Traité instituant la Communauté européenne et vise donc toujours à éliminer les obstacles à la libre circulation des personnes pouvant résulter de l’absence de coordination des régimes nationaux de sécurité sociale (cf. ATF 133 V 329 consid. 8.6). Cet objectif a en outre été confirmé, voire renforcé. Il ressort effectivement du considérant 3 du préambule du règlement n° 883/2004 que ce dernier a été édicté et adopté en vue de remplacer le règlement n° 1408/71 (dont les nombreuses modifications et mises à jour, qui visaient à tenir compte non seulement des développements intervenus au niveau communautaire, y compris des arrêts de la CJCE, mais également des modifications apportées aux législations nationales, avaient contribué à rendre les règles communautaires de coordination complexes et lourdes) en le modernisant et en le simplifiant. Cela était essentiel à la réalisation de l’objectif de la libre circulation des personnes.

Dans ces circonstances, la jurisprudence développée sous le régime du règlement n° 1408/71 concernant l’applicabilité des dispositions des conventions bilatérales plus favorables reste applicable sous le régime du règlement n° 883/2004. Le remplacement des art. 6 et 7 du premier règlement par l’art. 8 du second n’a en effet entraîné aucune modification substantielle. L’objectif poursuivi par la réglementation, à savoir l’élimination la plus complète possible des obstacles à la libre circulation des personnes pouvant résulter de l’absence de coordination des régimes nationaux de sécurité sociale, n’a pas été modifié avec l’entrée en vigueur du nouveau règlement. Par conséquent, un assuré, qui a exercé son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de l’ALCP et dont le droit à une rente de l’assurance-invalidité suisse est né après l’entrée en vigueur du règlement n° 883/2004, peut bénéficier d’une disposition plus favorable d’une convention bilatérale de sécurité sociale aussi sous le régime du règlement n° 883/2004.

Consid. 5.4
Ni l’office AI ni la juridiction cantonale n’ont examiné le point de savoir si le système de la Convention entre la Suisse et le Portugal est plus favorable à l’assuré que le système du règlement n° 883/2004. A cet égard, le Tribunal fédéral a considéré que le point de savoir quel système était plus favorable à l’assuré nécessitait un calcul comparatif fondé sur des informations dont l’obtention ne soulevait guère de difficultés pratiques pour les autorités compétentes suisses qui pouvaient s’appuyer sur l’entraide administrative prévue dans les relations transfrontalières dans le domaine de la sécurité sociale (art. 7 de l’Arrangement administratif du 24 septembre 1976 fixant les modalités d’application de la Convention de sécurité sociale du 11 septembre 1975 entre la Suisse et le Portugal [RS 0.831.109.654.12]; art. 84 du règlement n° 1408/71; art. 76 ss du règlement n° 883/2004; art. 2 ss du Règlement [CE] n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale [RS 0.831.109.268.11]; ATF 142 V 112 consid. 4.5). En conséquence, il convient d’annuler l’arrêt attaqué ainsi que la décision administrative litigieuse et de renvoyer la cause à l’administration pour qu’elle complète l’instruction sur ce point et rende une nouvelle décision.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et la décision, renvoyant la cause à l’office AI pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

 

Arrêt 9C_198/2022 consultable ici

 

Majoration de 30 francs de la rente minimale AVS/AI dès le 01.01.2023

Majoration de 30 francs de la rente minimale AVS/AI

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 12.10.2022 consultable ici

Fiche d’information « Montants valables dès le 01.01.2023 » disponible ici

 

Les rentes AVS/AI seront adaptées à l’évolution des prix et des salaires : elles seront relevées de 2,5 % au 1er janvier 2023. Le Conseil fédéral a pris cette décision sur la base de l’indice mixte prévu par la loi lors de sa séance du 12 octobre 2022. La rente minimale AVS/AI se montera désormais à 1225 francs par mois. Les montants des allocations pour perte de gain (APG) seront également adaptés. Parallèlement, des adaptations seront apportées dans le domaine des cotisations, pour les prestations complémentaires, pour les prestations transitoires et dans la prévoyance professionnelle obligatoire.

Le montant de la rente minimale AVS/AI passera de 1195 à 1225 francs par mois et celui de la rente maximale, de 2390 à 2450 francs (pour une durée de cotisation complète). Le montant de la cotisation minimale AVS/AI/APG pour les indépendants et les personnes sans activité lucrative passera de 503 à 514 francs par an, et celui de la cotisation minimale dans l’AVS/AI facultative de 958 à 980 francs.

 

Adaptation selon l’indice mixte

Comme le prescrit la loi sur l’AVS, le Conseil fédéral examine, en règle générale tous les deux ans, la nécessité d’adapter les rentes de l’AVS et de l’AI à l’évolution des salaires et des prix. L’adaptation a lieu plus tôt si le renchérissement dépasse 4 % au cours d’une année. Pour prendre sa décision, le Conseil fédéral s’appuie sur la moyenne arithmétique de l’indice des salaires et de l’indice des prix (indice mixte) et prend en compte la recommandation de la Commission fédérale AVS/AI. Cette année, on s’attend à un renchérissement de 3% et à une augmentation des salaires de 2%. Il en résulte un indice mixte de 2,5%, qui justifie des augmentations de rentes de l’ordre du renchérissement. La dernière adaptation des rentes par le Conseil fédéral date de 2021. Il avait alors fixé le montant de la rente minimale AVS/AI à 1195 francs.

 

Coûts de l’adaptation des rentes

Le relèvement des rentes engendrera des dépenses supplémentaires d’environ 1370 millions de francs. L’AVS supportera des coûts supplémentaires à hauteur de 1215 millions de francs, dont 245 millions à la charge de la Confédération (qui finance 20,2% des dépenses de l’assurance). L’AI assumera des dépenses supplémentaires de 155 millions de francs ; la Confédération ne devra supporter ici aucune charge supplémentaire, sa contribution à l’AI n’étant plus calculée en pourcentage des dépenses.

 

Adaptation des montants limites dans la prévoyance professionnelle

Cette adaptation a également un impact sur la prévoyance professionnelle obligatoire. Le montant de la déduction de coordination dans le régime obligatoire de la prévoyance professionnelle passera de 25 095 à 25 725 francs, et le seuil d’entrée de 21 510 à 22 050 francs. La déduction fiscale maximale autorisée dans le cadre de la prévoyance individuelle liée (pilier 3a) passera de 6883 à 7056 francs pour les personnes possédant un 2e pilier et de 34 416 à 35 280 francs pour celles qui n’en ont pas. Ces adaptations entreront elles aussi en vigueur le 1er janvier 2023.

 

Adaptation des prestations APG

Dans le régime des allocations pour perte de gain (APG), le montant maximal de l’allocation passe de 245 francs actuellement à 275 francs. Le coût de cette mesure s’élève à 100 millions de francs pour les APG.

 

Adaptations concernant les prestations complémentaires et les prestations transitoires

Les montants annuels des prestations complémentaires et des prestations transitoires, destinées à couvrir les besoins vitaux, passeront de 19 610 à 20 100 francs pour les personnes seules et de 29 415 à 30 150 francs pour les couples. Ils passeront également à 10 515 francs pour les enfants âgés de plus de 11 ans et à 7380 francs pour les enfants de moins de 11 ans. L’adaptation des prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI induit, quant à elle, des dépenses supplémentaires d’environ 5,2 millions de francs pour la Confédération et de 3,5 millions pour les cantons.

Les montants maximaux des loyers sont adaptés au renchérissement depuis la dernière adaptation en 2021, sur la base de certaines positions de l’indice national des prix à la consommation pour le logement et l’énergie. L’augmentation est de 7,1 %. Les montants annuels maximaux s’élèveront désormais à 17 580 francs dans la région 1, à 17 040 francs dans la région 2 et à 15 540 francs dans la région 3. Les coûts de cette augmentation seront de 37,8 millions de francs. Comme les positions « énergie » et « services d’approvisionnement et d’entretien du logement » ont augmenté de 21 % dans l’indice des prix, le forfait pour les charges accessoires et les frais de chauffage sera également adapté et passera de 2520 à 3060 francs par année, pour un coût total de 4,5 millions de francs. Les coûts de l’augmentation des montants maximaux des loyers et des forfaits pour les charges accessoires et les frais de chauffage seront pris en charge par la Confédération et les cantons.

 

Trois motions sont en suspens aux Chambres fédérales : elles demandent l’adaptation complète au renchérissement des rentes de l’AVS et de l’AI, ainsi que des prestations complémentaires et des prestations transitoires. Ces motions prévoient en outre de réduire le seuil d’inflation permettant une nouvelle adaptation des rentes après un an. Les commissions compétentes des Chambres doivent encore traiter ces motions. Si les motions sont adoptées à l’issue de la session d’hiver, les adaptations législatives nécessaires au relèvement supplémentaire des prestations mentionnées seraient traitées dans le cadre d’une procédure d’urgence, en principe durant la session de printemps 2023, et les prestations versées à titre rétroactif au 1er janvier 2023.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 12.10.2022 consultable ici

Fiche d’information « Montants valables dès le 01.01.2023 » disponible ici

Ordonnances et commentaires consultables ici

Scheda informativa “Importi validi dal 1° gennaio 2023” disponibile qui

Hintergrunddokument «Beträge gültig ab dem 1. Januar 2023» hier verfügbar

Le Conseil fédéral rejette l’initiative populaire pour une 13e rente AVS

Le Conseil fédéral rejette l’initiative populaire pour une 13e rente AVS

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 25.05.2022 consultable ici

 

Le Conseil fédéral se prononce contre l’initiative populaire fédérale « Mieux vivre à la retraite (initiative pour une 13e rente AVS) ». Lors de sa séance du 25 mai 2022, il a adopté le message en ce sens à l’intention du Parlement. Le Conseil fédéral ne voit pas de marge de manœuvre financière pour une 13e rente de vieillesse AVS. De plus, les bénéficiaires d’une rente d’invalidité ou de survivants seraient désavantagés par rapport aux retraités. Le Conseil fédéral mise sur les réformes en cours de la prévoyance vieillesse, qui visent à maintenir le niveau des prestations de l’AVS et de la prévoyance professionnelle obligatoire et à assurer l’équilibre financier du 1er et du 2e pilier.

L’initiative populaire « Mieux vivre à la retraite (initiative pour une 13e rente AVS) » demande, pour tous les bénéficiaires d’une rente de vieillesse, un droit à un supplément annuel équivalent à un douzième de leur rente annuelle, soit une 13e rente de vieillesse AVS. Ce supplément ne doit entraîner ni la réduction des prestations complémentaires (PC) ni la perte du droit à ces prestations.

Le mécanisme actuel d’adaptation des rentes AVS à l’évolution des salaires et des prix a pour conséquence que, pour chaque génération de bénéficiaires de rente, la rente AVS remplace une part plus faible du revenu antérieur que pour la génération précédente. À ce titre, le Conseil fédéral considère que les demandes d’amélioration des prestations de l’AVS sont compréhensibles. L’acceptation de cette initiative permettrait certes d’améliorer les prestations de vieillesse de l’AVS. Cependant, les prestations supplémentaires aggraveraient encore la situation financière de l’assurance, car elles entraîneraient des dépenses supplémentaires d’environ 5 milliards de francs en 2032. Cela correspond à environ 0,8 % de cotisations salariales ou à 1,1 point de TVA. Selon les perspectives financières actuelles, l’AVS présentera un déficit de répartition de près de 4,7 milliards de francs dans le régime actuel en 2032.

La 13e rente de vieillesse AVS proposée entraînerait en outre des injustices. D’une part, un tel supplément ne se justifierait pas pour tous les retraités du point de vue de la politique sociale. D’autre part, les bénéficiaires d’une rente de vieillesse en profiteraient non seulement pour ce qui est du montant annuel de leur rente, mais aussi dans le cadre des PC, alors que les prestations des bénéficiaires d’une rente d’invalidité ou de survivants seraient calculées à un niveau inférieur. Le Conseil fédéral considère qu’une telle différence de traitement des rentes au sein du 1er pilier est problématique. Il estime en outre que les PC permettent au système social suisse de remplir sa mission de couverture des besoins vitaux dans son ensemble.

 

Réformes en cours dans la prévoyance vieillesse

La réforme concernant la stabilisation de l’AVS (AVS 21), adoptée par le Parlement le 17 décembre 2021 et sur laquelle le peuple se prononcera le 25 septembre 2022, permettra de garantir le financement de l’AVS et de ses prestations pour les dix prochaines années environ. L’âge de la retraite sera uniformisé à 65 ans pour les hommes et les femmes. Des mesures de compensation atténueront les conséquences de ce changement pour les femmes proches de la retraite. L’augmentation de la TVA apportera des recettes supplémentaires. En outre, le passage de la vie active à la retraite sera assoupli, et la possibilité de toucher une rente partielle permettra un départ progressif à la retraite. Les personnes qui travaillent au-delà de 65 ans pourront combler leurs lacunes de cotisation et améliorer leur rente.

Plutôt que de procéder à une coûteuse extension des prestations pour tous, le Conseil fédéral entend améliorer de manière ciblée la prévoyance vieillesse des assurés aux revenus modestes. Pour ce faire, il est prévu d’étendre la prévoyance professionnelle obligatoire aux salariés dont le taux d’occupation et le revenu sont faibles. La réforme LPP 21 est actuellement débattue au Parlement.

Le Conseil fédéral propose par conséquent au Parlement de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l’initiative.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 25.05.2022 consultable ici

Message du Conseil fédéral concernant l’initiative populaire «Mieux vivre à la retraite (initiative pour une 13e rente AVS)» [version provisoire] disponible ici

Il Consiglio federale respinge l’iniziativa popolare per una tredicesima mensilità AVS, Comunicato stampa disponibile qui

Der Bundesrat lehnt die Volksinitiative für eine 13. AHV-Rente ab, Medienmitteilung hier verfügbar

 

 

 

9C_49/2021 (f) du 27.10.2021 – Montant de la rente de vieillesse AVS / Inscription au compte individuel de salaires versés sur lesquels des cotisations ne peuvent plus être exigées ni versées – 30ter LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_49/2021 (f) du 27.10.2021

 

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Montant de la rente de vieillesse AVS

Inscription au compte individuel de salaires versés sur lesquels des cotisations ne peuvent plus être exigées ni versées / 30ter LAVS

 

Saisie d’une demande de rente de l’assurance-vieillesse et survivants présentée le 29.05.2018, la caisse de compensation AVS (ci-après: la Caisse) a octroyé à l’assurée, née en 1940, une rente de vieillesse d’un montant de 123 fr. par mois à compter du 01.05.2013, puis de 113 fr. par mois à compter du 01.08.2014.

L’assurée s’est opposée à ces décisions en indiquant qu’elle avait travaillé en 1976, 1977 et 1978 comme chanteuse dans un restaurant-cabaret tessinois, ce qui n’aurait à tort pas été pris en considération lors du calcul de sa rente. La Caisse a pris connaissance d’une attestation (non datée) de l’ancienne gestionnaire de l’établissement. Selon celle-ci, l’assurée avait travaillé dans son établissement comme chanteuse entre 1976 et 1978 à raison de huit mois par année, six jours par semaine, pour un cachet journalier de 140 fr. Les renseignements pris par la Caisse, notamment auprès de la Caisse de compensation GastroSocial, ont mis en évidence que le restaurant-cabaret en question avait été affilié à cette dernière à partir du 01.07.1976, mais qu’aucune inscription de salaire n’avait été enregistrée au nom de l’assurée pour les années 1976 à 1978. Sur le vu de ces informations, la Caisse a rejeté l’opposition.

 

Procédure cantonale

Le Tribunal cantonal a laissé ouverte la question de l’existence de l’activité lucrative alléguée par l’assurée au moyen de l’attestation de l’ancienne gestionnaire du restaurant-cabaret, dès lors qu’il considérait comme non-établi que les anciens associés de son employeur de l’époque avaient payé des cotisations sur son salaire, que l’assurée n’avait pas produit des pièces démontrant que des cotisations lui avaient été déduites du salaire et que ses allégations concernant une éventuelle convention de salaire net étaient contradictoires et restées sans preuve à l’appui.

Par jugement du 02.12.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Des cotisations qui ne peuvent plus être exigées ni versées ne peuvent être inscrites au compte individuel de l’assurée que s’il est établi – sans équivoque – soit que l’employeur les a retenues sur le salaire, soit qu’il existait une convention sur le salaire net (art. 30ter al. 2 LAVS; arrêt 9C_743/2017 du 16 mars 2018 consid. 5.2 et l’arrêt cité). En espèce, le Tribunal cantonal a constaté qu’il n’était pas établi que l’employeur avait déduit les cotisations litigieuses, ni que celui-ci avait conclu avec l’assurée une convention sur le salaire net. En conséquence, il n’était plus décisif de savoir si l’assurée avait effectivement exercé l’activité prétendue dans les années 1976 à 1978. A lui seul, ce fait n’aurait en tout cas pas permis l’inscription de cotisations non versées dans son compte individuel, dès lors que le prélèvement de celles-ci constitue l’élément déterminant.

L’assurée ne démontre pas en quoi le Tribunal cantonal aurait versé dans l’arbitraire, manqué à son devoir d’élucider les faits pertinents ou violé les règles de preuve en considérant que ni la retenue des cotisations sur le salaire, ni une convention sur le salaire net n’étaient établies. En particulier, elle n’expose pas quels renseignements supplémentaires l’instance cantonale aurait dû demander à la Caisse GastroSocial qui auraient été aptes à changer l’appréciation des preuves (cf. concernant l’appréciation anticipée des preuves et l’examen limité qu’en fait le Tribunal fédéral p.ex. ATF 136 I 229 consid. 5.3; 144 V 111 consid. 3), voire à justifier l’appel en cause de cette caisse de compensation. Elle n’explique singulièrement pas quelle influence sur le sort de la cause pourrait avoir le fait de connaître « les raisons de l’absence du nom de Mme A.__ dans ses registres ». Le Tribunal fédéral reste donc lié par les constatations de la première instance exposées ci-dessus, et il peut être renvoyé aux motifs de l’arrêt attaqué, auxquels il n’y a rien à ajouter.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_49/2021 consultable ici

 

 

Statistique de l’AVS 2020

Statistique de l’AVS 2020

 

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En décembre 2020, 2’438’800 personnes ont perçu, en Suisse ou à l’étranger, des rentes de vieillesse et 201’100, des rentes de survivants. Par rapport à l’exercice précédent, le nombre de bénéficiaires de rentes de vieillesse a augmenté de 1,5%, soit 35’000 personnes. Dans 6’800 cas, ces rentes ont été versées à des assurés résidant à l’étranger. Les cotisations des assurés représentaient 34,1 milliards de francs en 2020. La Confédération, deuxième source de financement en importance, a versé 9,3 milliards de francs. Le point de TVA prélevé en faveur de l’AVS a rapporté quant à lui 2,9 milliards de francs.

La statistique de l’AVS offre chaque année une vue d’ensemble des prestations et des bénéficiaires de rentes de vieillesse et de survivants. Elle renseigne sur la situation, la structure et l’évolution de l’assurance. Elle présente chaque composante de l’assurance sous l’angle des personnes et des finances (état financier). La statistique de l’AVS constitue une base essentielle de l’information sur le système de protection sociale en Suisse.

 

Statistique de l’AVS 2020 consultable ici

Statistique de l‘AVS 2020 (détails) disponible ici

Analyse « Rente minimale, rente maximale et rentes plafonnées dans l’AVS » consultable ici

Analyse « Flexibilité dans l’AVS : anticipation et ajournement » consultable ici

Analyse « Les principaux effets de la 10ème révision de l’AVS » consultable ici

 

 

 

9C_179/2020 (f) du 16.11.2020, destiné à la publication – Montant d’une rente entière AI remplaçant une demi-rente initialement octroyée – 36 al. 2 LAI – 29bis al. 1 LAVS / Application de l’art. 29bis al. 1 LAVS pas subordonnée à une condition relative à la proportion ou à la disproportion entre le revenu moyen déterminant servant au calcul du montant de la prestation (initiale) et « la perte de gain subie »

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_179/2020 (f) du 16.11.2020, destiné à la publication

 

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Montant d’une rente entière AI remplaçant une demi-rente initialement octroyée / 36 al. 2 LAI – 29bis al. 1 LAVS

Application de l’art. 29bis al. 1 LAVS pas subordonnée à une condition relative à la proportion ou à la disproportion entre le revenu moyen déterminant servant au calcul du montant de la prestation (initiale) et « la perte de gain subie »

Augmentation du degré d’invalidité à la suite d’une aggravation de l’état de santé justifiant une rente plus élevée constitue un cas de révision (17 LPGA) et non pas un nouveau cas d’invalidité

 

Assurée née en 1979, atteinte d’une infirmité congénitale ayant entraîné une paralysie des membres inférieurs, avec une tétraparésie sévère. Ayant terminé ses études de droit en mars 2005, elle a travaillé à un taux de 30% comme assistante diplômée à la Faculté de droit de l’Université de V.__, où elle a obtenu un diplôme d’études approfondie (LL.M) en 2006. Par la suite et après des stages, elle a été engagée comme greffière auprès de la Justice de Paix du canton de U.__ à un taux d’activité de 50% dès le 01.01.2009.

Depuis sa naissance, l’assurée a bénéficié de différentes mesures de l’assurance-invalidité. Par décision du 18.09.2008, l’office AI lui a alloué une demi-rente d’invalidité à partir du 01.11.2006. Pour le calcul du montant de la rente, il s’est fondé sur un revenu annuel moyen déterminant de 11’934 fr., une durée de cotisations de 6 ans et l’échelle de rente 44 (rente complète).

En décembre 2017, l’assurée a demandé une révision de son droit à la rente, indiquant une aggravation de son état de santé. Le 15.11.2018, l’office AI a rendu une décision par laquelle il a révisé la prestation et reconnu le droit de l’assurée à une rente entière d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 75% dès le 01.12.2017. Le montant de la rente a été fixé à 1175 fr. par mois, en fonction d’un revenu annuel moyen déterminant de 12’690 fr., d’une durée de cotisations de 6 ans et de l’échelle de rente 44 (rente complète).

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2018 319 – consultable ici)

Par jugement du 30.01.2020, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision et renvoyant la cause à l’office AI « pour nouveau calcul du montant de la rente entière, dans le cadre duquel seront également prises en compte les années de cotisations accomplies jusqu’en 2017, et notamment les gains réalisés dans le cadre de l’activité exercée plusieurs années à 50% ».

 

TF

En vertu de l’art. 36 al. 2 LAI, les dispositions de la LAVS sont applicables par analogie au calcul des rentes ordinaires. Le Conseil fédéral peut édicter des dispositions complémentaires.

Les « principes à la base du calcul des rentes ordinaires » font l’objet des art. 29bis à 33ter LAVS. Conformément à l’art. 29bis al. 1 LAVS, le calcul de la rente est déterminé par les années de cotisations, les revenus provenant d’une activité lucrative ainsi que les bonifications pour tâches éducatives ou pour tâches d’assistance entre le 1er janvier qui suit la date où l’ayant droit a eu 20 ans révolus et le 31 décembre qui précède la réalisation du risque assuré (âge de la retraite ou du décès).

La durée de cotisation est réputée complète lorsqu’une personne présente le même nombre d’années de cotisations que les assurés de sa classe d’âge (art. 29ter al. 1 LAVS). Sont considérées comme années de cotisations, notamment les périodes pendant lesquelles une personne a payé des cotisations (art. 29ter al. 2 let. a LAVS).

Selon l’art. 29quater LAVS, la rente est calculée sur la base du revenu annuel moyen. Celui-ci se compose des revenus de l’activité lucrative (let. a), des bonifications pour tâches éducatives (let. b) et des bonifications pour tâches d’assistance (let. c). Les revenus d’une activité lucrative sur lesquels des cotisations ont été versées sont pris en considération (art. 29quinquies al. 1 LAVS). La somme des revenus de l’activité lucrative est revalorisée en fonction de l’indice des rentes prévu à l’art. 33ter. Le Conseil fédéral détermine annuellement les facteurs de revalorisation (art. 30 al. 1 LAVS). La somme des revenus revalorisés provenant d’une activité lucrative et les bonifications pour tâches éducatives ou pour tâches d’assistance sont divisées par le nombre d’années de cotisations (art. 30 al. 2 LAVS).

Par ailleurs, selon l’art. 32 al. 1 RAI, les art. 50 à 53bis RAVS sont applicables par analogie aux rentes ordinaires de l’assurance-invalidité. En vertu de l’art. 32bis première phase RAI, lorsqu’un assuré dont la rente a été supprimée pour cause d’abaissement du degré de l’invalidité a, dans les trois ans qui suivent, de nouveau droit à une rente (art. 28 LAI) en raison de la même atteinte à la santé, les bases de calcul de l’ancienne rente restent déterminantes si cela est plus avantageux pour l’ayant droit.

 

La modification du degré d’invalidité de l’assurée et l’augmentation du droit à la rente (d’une demi-rente à une rente entière) qui en découle relèvent d’un cas de révision au sens de l’art. 17 LPGA. Dans une telle situation, selon la jurisprudence ainsi que la pratique administrative constantes, les bases de calcul pour le nouveau montant de la rente (échelle de rente et revenu annuel moyen déterminant) restent les mêmes que celles appliquées pour la rente allouée jusque-là (ATF 126 V 157; arrêts 8C_775/2015 du 21 mars 2016 consid. 2.1.1, 9C_240/2015 du 2 décembre 2015 consid. 4, 9C_123/2013 du 29 août 2013 consid. 2.2 et I 23/99 du 20 mai 1999 consid. 2a; ch. 5629 des Directives de l’OFAS concernant les rentes [DR] de l’assurance vieillesse, survivants et invalidité fédérale [état au 1er janvier 2019]).

En particulier, le Tribunal fédéral a retenu dans ce contexte la conformité à la loi (art. 29bis al. 1 LAVS en corrélation avec l’art. 36 al. 2 LAI) du ch. 5629 première phrase (alors 5627) DR, selon lequel si une modification du degré de l’invalidité influe également le droit à la rente (rente entière, trois quarts de rente, demi-rente ou quart de rente), les mêmes bases de calcul que celles applicables à la rente versée jusque-là continuent de s’appliquer à la nouvelle rente (échelle de rentes et revenu annuel moyen déterminant). Cette solution a été reprise sans commentaire dans la doctrine (MICHEL VALTERIO, Droit de l’assurance-vieillesse et survivants [AVS] et de l’assurance-invalidité [AI], 2011, n° 2233 p. 602; MEYER/REICHMUTH, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], 3e éd. 2014, n° 9 ad art. 36; cf. aussi, THOMAS FLÜCKIGER qui qualifie les facteurs de calcul du montant de la rente d’éléments statiques [« statische Faktoren »], Rentenrevision nach Art. 17 Abs. 1 ATSG: In welche Richtung weist die [neuere] Rechtsprechung?, in Sozialversicherungsrechtstagung, 2019, p. 157 ss, p. 185).

 

Dans la mesure où la juridiction cantonale considère tout d’abord que l’« importante disproportion entre le revenu annuel déterminant et la perte de gain subie » (à la suite de l’aggravation de l’état de santé) par l’assurée s’apparente à une inégalité de traitement et constituerait donc un fait pertinent justifiant un traitement différent de celui des situations déjà jugées par le Tribunal fédéral, elle ne peut être suivie.

Dans les deux cas cités par la juridiction cantonale (ATF 126 V 157 et arrêt 9C_240/2015 du 2 décembre 2015), le litige portait comme en l’espèce sur les bases de calcul de la rente d’invalidité qui devait être adaptée à la suite d’une modification (augmentation) du degré d’invalidité en raison de la péjoration de l’état de santé de la personne assurée. Il s’agissait singulièrement de savoir si l’évolution ou la variation des éléments de calcul de la rente prévus par l’art. 29bis al. 1 LAVS (années de cotisations, revenus provenant d’une activité lucrative et bonifications pour tâches éducatives) survenus postérieurement à la survenance du risque invalidité devait être prise en considération pour calculer le montant de la prestation. Or cette norme, telle qu’interprétée par le Tribunal fédéral, ne prévoit pas la prise en compte des éléments de calcul qui auraient subi une modification postérieurement à l’octroi initial de la rente.

Il en va ainsi indépendamment du point de savoir si l’évolution en cause conduirait à une situation plus ou moins favorable pour l’assuré du point de vue du montant de la rente. Ainsi, le fait que le titulaire de la rente a été en mesure de réaliser subséquemment des revenus – inférieurs ou supérieurs au revenu moyen déterminant retenu comme base de calcul – soumis à cotisations n’est pas pris en compte lors d’un nouveau calcul du montant de la rente d’invalidité. En particulier, l’application de l’art. 29bis al. 1 LAVS n’est pas subordonnée à une condition relative à la proportion ou à la disproportion entre le revenu moyen déterminant servant au calcul du montant de la prestation (initiale) et « la perte de gain subie », voire entre la « perte de gain finale et le montant de la nouvelle rente à verser », telle qu’évoquée par la juridiction cantonale. Cet aspect n’a ainsi joué aucun rôle dans la situation où une assurée, dont le quart de rente alloué depuis le 01.11.1988 (sur la base d’une durée de cotisations de deux ans et trois mois) avait été augmenté à une rente entière dès le 01.07.1997, requérait que cette nouvelle prestation fût déterminée en fonction des revenus obtenus durant les dix années précédentes (arrêt I 23/99 cité). Il n’y a pas lieu de traiter différemment l’assurée en l’espèce, sa situation étant en tout point semblable à celle de l’assurée dont la cause a été jugée le 20 mai 1999 (sur le principe d’égalité de l’art. 8 al. 1 Cst., ATF 144 I 113 consid. 5.1.1 p. 115; 143 I 361 consid. 5.1 p. 367 s.; 142 V 316 consid. 6.1.1 p. 323). En tant que le Tribunal cantonal rattache l’inégalité de traitement à la disproportion mentionnée – sans en définir plus précisément les contours -, il retient une circonstance qui n’est pas pertinente aux termes de la loi pour le calcul de la rente. On ne saurait dès lors considérer que l’absence d’un « rapport d’équivalence » entre la perte de gain finale et le montant de la nouvelle rente à verser justifie un traitement différent de l’assurée, à savoir de ne pas soumettre le calcul de sa rente aux modalités découlant de l’art. 29bis al. 1 LAVS.

Dans ce contexte, l’argumentation de l’assurée fondée sur l’interdiction de la discrimination indirecte au sens de l’art. 8 al. 2 Cst. méconnaît que l’art. 29bis LAVS s’applique en principe par analogie au calcul de la rente d’invalidité de chaque titulaire d’une rente, quelle que soit la cause de son invalidité et indépendamment du moment où survient l’invalidité dans son parcours de vie. En règle générale, tombe ainsi sous le coup de cette disposition le calcul de la rente d’invalidité d’une personne devenue invalide peu après la fin de ses études, d’une personne atteinte dans sa santé depuis la naissance ou d’une personne subissant une invalidité alors qu’elle a exercé une activité lucrative pendant de nombreuses années. Le désavantage dont se prévaut l’assurée résulterait de la même manière, en fonction du moment où survient l’invalidité, pour une personne qui deviendrait invalide au tout début de sa carrière professionnelle. Il ne relève donc pas d’une discrimination indirecte des personnes souffrant d’une infirmité congénitale grave, telle qu’invoquée à tort.

 

En ce qui concerne ensuite les considérations de la juridiction cantonale tirées des différences fondamentales entre le domaine de l’AI et celui de l’AVS, selon lesquelles l’aggravation d’une perte de gain liée à l’invalidité serait, dans certaines circonstances – telles qu’en l’espèce – assimilable à un nouveau risque justifiant l’octroi d’une rente entière, elles reposent sur une interprétation erronée de la survenance du risque invalidité au sens de la LAI. Elles méconnaissent que l’augmentation du degré d’invalidité à la suite d’une aggravation de l’état de santé justifiant une rente plus élevée constitue un cas de révision et non pas un nouveau cas d’invalidité.

Selon le droit en vigueur, l’invalidité est réputée survenue dès qu’elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération (art. 4 al. 2 LAI). Une fois que l’invalidité est survenue (au sens de l’art. 4 al. 2 en relation avec les art. 36 al. 1 LAI [droit à une rente ordinaire] et 28 al. 1 LAI), le fait qu’une aggravation de l’état de santé de l’assuré (ou des changements de sa situation économique et personnelle) conduise ultérieurement à revoir le taux d’invalidité et à modifier le droit initial à une rente d’invalidité ne permet pas de retenir l’existence d’un nouveau cas d’assurance susceptible de conduire à la reconnaissance d’une prestation fondée sur de nouvelles bases de calcul. La loi ne le prévoit pas, pas plus qu’elle n’envisage la survenance du risque « invalidité partielle » ou « invalidité augmentée » (« Teil- oder Mehrinvalidität » [arrêt I 76/05 du 30 mai 2006 consid. 3 et 4]). Une nouvelle invalidité ne peut survenir en relation avec le droit à une rente d’invalidité à la suite de l’allocation antérieure d’une telle prestation que si le droit initial a été entre-temps supprimé, entraînant une période sans prétention à une rente (cf. ATF 108 V 70 consid. 1 p. 70 s.), l’éventualité de la « renaissance de l’invalidité » dans les trois ans après la suppression de la rente prévue par l’art. 32bis première phrase RAI étant réservée.

A l’occasion des arrêts I 23/99 (consid. 2b) et I 76/05 (consid. 3 et 4) cités, le Tribunal fédéral a mis en évidence les effets difficilement prévisibles, associés à des difficultés de nature matérielle et formelle, qu’impliquerait l’admission d’un nouveau cas d’assurance entraînant le calcul de la rente d’invalidité modifiée sur de nouvelles bases lorsqu’une aggravation de l’état de santé conduit à une modification du degré d’invalidité avec répercussion sur la prétention à la rente. Il suffit de citer à cet égard la question de savoir s’il y aurait lieu de procéder à deux (voire plusieurs) calculs partiels de la rente ou à un calcul global en fonction des nouvelles bases de calcul, la question du sort des situations dans lesquelles la modification du revenu annuel moyen déterminant survenue postérieurement à l’octroi initial de la rente conduirait à un résultat plus défavorable pour l’assuré ou encore le risque d’inégalité de traitement, par exemple, pour l’assuré qui a été en mesure d’augmenter son revenu annuel moyen après l’allocation de la rente mais dont le degré d’invalidité n’a pas subi de modification déterminante.

En définitive, la solution retenue par les premiers juges correspond à une modification de la jurisprudence sur l’art. 29bis al. 1 LAVS en relation avec l’art. 36 al. 2 LAI, sans que les conditions n’en soient toutefois réalisées. Un changement de la pratique en cours doit reposer sur des motifs sérieux et objectifs qui, dans l’intérêt de la sécurité du droit, doivent être d’autant plus importants que la pratique considérée comme erronée, ou désormais inadaptée aux circonstances, est ancienne (ATF 146 I 105 consid. 5.2.2 p. 111 s.; 142 V 112 consid. 4.4 p. 117 et les arrêts cités).

A l’origine de la LAI, la Commission fédérale d’experts pour l’introduction de l’assurance-invalidité, consciente de l’importance de la notion de la réalisation du risque assuré, avait examiné les différentes définitions qui pouvaient être données à ce sujet. Au regard de l’AVS où « l’évènement assuré est ou la mort ou la limite d’âge », elle a retenu que la réalisation du risque invalidité se situe au moment où sont remplies pour la première fois les conditions légales d’invalidité, sans qu’il faille rechercher si les autres conditions du droit aux prestations le sont également (Rapport du 30 novembre 1956, tiré à part p. 44 s.; cf. aussi RCC 1967 p. 12 s.). Ce moment de la survenance du risque est ensuite déterminant pour le calcul de la rente, puisqu’il délimite le cadre temporel dans lequel sont pris en considération les années de cotisations, les revenus provenant d’une activité lucrative et les bonifications pour tâches éducatives ou pour tâches d’assistance, en fonction desquels est calculée la rente d’invalidité, en vertu de l’art. 29bis al. 1 LAVS en relation avec l’art. 36 al. 2 LAI.

A l’entrée en vigueur de la LAI, le 1er janvier 1960, le législateur a introduit l’art. 36 al. 3 aLAI (RO 1959 857), selon lequel si l’assuré n’a pas encore atteint sa cinquantième année lors de la survenance de l’invalidité, la cotisation annuelle moyenne sera majorée d’un supplément (selon un barème établi par le Conseil fédéral). La norme, qui se fondait uniquement sur l’âge – baissé par la suite à quarante-cinq ans – sans tenir compte du niveau effectif du revenu de l’assuré, ne réalisait pas nécessairement dans chaque cas particulier son objectif, qui était d’améliorer la situation des assurés « frappés d’invalidité avant d’avoir atteint un plein revenu » (ATFA 1962 150 consid. 2 p. 156). Il s’agissait de tenir compte de la situation particulière des jeunes assurés, qui, au début de leur carrière professionnelle, réalisaient fréquemment des gains modestes ; sans le supplément prévu, leur rente aurait été peu élevée (Message du 5 mars 1990 concernant la dixième révision de l’assurance-vieillesse et survivants, FF 1990 II 1 ss, ch. 314.2 p. 39). Cette disposition – et le « supplément de carrière » qu’elle prévoyait – a été abrogée avec effet au 31 décembre 2007, au motif d’éviter de verser à un bénéficiaire une rente supérieure au dernier gain qu’il a tiré de l’exercice d’une activité lucrative (Message du 22 juin 2005 concernant la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité [5e révision de l’AI], FF 2005 4215 ch. 2.1 p. 4323).

Lors des travaux de la huitième révision de l’AVS, la situation des assurés devenus invalides « au cours de leurs jeunes années, soit après l’achèvement de leur formation professionnelle » a été discutée et le législateur a prévu une nouvelle disposition conduisant à une augmentation du montant de la rente pour les personnes atteintes d’invalidité avant leur vingt-cinquième anniversaire. Il s’agissait notamment de placer ces assurés sur pied d’égalité avec celles qui sont invalides depuis leur naissance ou leur enfance et d’assurer que ces jeunes invalides, qui n’ont payé que des cotisations relativement basses, ne soient pas désavantagés et reçoivent dès lors une « garantie minimum » (cf. art. 37 al. 2 LAI; Message du 11 octobre 1971 concernant la huitième révision de l’assurance-vieillesse et survivants, FF 1971 II 1057, ch. 332 p. 1100 et ch. 62 p. 1141 s.).

Ces interventions du législateur montrent que la situation des jeunes personnes qui ont subi une invalidité au début du parcours professionnel a été prise en considération et fait l’objet d’une réglementation particulière, même si on peut douter de la pertinence de la suppression de l’art. 36 al. 3 aLAI. Que cette réglementation ne soit pas entièrement satisfaisante et ne prévoie pas la prise en compte de l’évolution favorable de la carrière professionnelle du titulaire d’une rente de l’assurance-invalidité et des revenus réalisés après l’octroi initial de la prestation ne met pas en évidence une meilleure compréhension de la ratio legis qui justifierait une modification de la jurisprudence relative à l’art. 29bis al. 1 LAVS. Les effets de l’application de cette disposition ne conduit par ailleurs pas à un résultat à ce point choquant que l’intervention du juge apparaisse légitime, quoi qu’en dise l’assurée.

Le cas échéant, il appartiendrait au législateur de prévoir une disposition qui dérogerait à l’art. 29bis al. 1 LAVS pour permettre la prise en considération de l’évolution des revenus postérieurs à la survenance de l’invalidité, dans le cas d’une révision au sens de l’art. 17 LPGA. A cet égard, une telle dérogation ne ressort pas de l’art. 32bis RAI, dont est inspirée la solution retenue par la juridiction cantonale. Cette norme concerne la « renaissance de l’invalidité » et non pas la situation dans laquelle « à la suite d’une modification du degré d’invalidité, une demi-rente cède le pas à une rente entière, le texte clair des art. 4 al. 2 et 29 al. 1 aLAI (aujourd’hui art. 28 al. 1 let. b LAI) ne permettant aucune autre conclusion à cet égard » (arrêt I 81/90 du 23 avril 1991 consid. 4d).

Il résulte de ce qui précède que la solution à laquelle est parvenue la juridiction cantonale est contraire au droit.

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_179/2020 consultable ici

 

 

Remarques : arrêt sur un sujet rarement abordé par le Tribunal fédéral. Peu de personnes assurées vérifient le montant de la rente et son calcul.