Archives par mot-clé : ALCP

8C_291/2024 (f) du 02.09.2024 – Notion d’invalidité – Décision rendue par les autorités françaises relative au degré d’invalidité ne lie pas les autorités suisses / 7 LPGA – 8 LPGA – ALCP

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_291/2024 (f) du 02.09.2024

 

Consultable ici

 

Capacité de travail exigible – Valeur probante de l’expertise pluridisciplinaire / 16 LPGA – 44 LPGA

Notion d’invalidité – Décision rendue par les autorités françaises relative au degré d’invalidité ne lie pas les autorités suisses / 7 LPGA – 8 LPGA – ALCP

 

Assuré, né en 1979, de nationalité française et domicilié en France, a été victime d’un accident de la circulation le 17.02.2016. Le 29.12.2016, dépôt d’une demande AI. Après avoir recueilli le dossier médical de l’assuré auprès de l’assurance-accidents et de l’assureur perte de gain, a mis en œuvre une expertise pluridisciplinaire (rhumatologie, médecine générale, psychiatrie, neurologie et neuropsychologie ; rapport du 06.09.2019). Les experts ont conclu à l’absence de limitations fonctionnelles et à une capacité de travail de 100 % dans l’activité habituelle dès le 17.05.2016.

Par projet de décision du 13.09.2019, l’office AI a informé l’assuré qu’il entendait rejeter sa demande de prestations AI. L’assuré ayant contesté ce projet de décision, l’Office de l’assurance-invalidité pour les assurés résidant à l’étranger (ci-après: OAIE) a confirmé, par décision du 07.11.2019, le projet de décision du 13.09.2019.

 

Procédure cantonale (arrêt C-6396/2019 – consultable ici)

Par jugement du 08.04.2024, rejet du recours par le Tribunal administratif fédéral.

 

TF

Consid. 5.1
L’expertise pluridisciplinaire du 06.09.2019 a conclu à l’absence de diagnostics et de limitations fonctionnelles ayant un impact sur la capacité de travail de l’assuré. Plusieurs diagnostics sans incidence sur la capacité de travail ont été retenus, notamment des troubles de personnalité, des céphalées, et divers problèmes physiques. L’expertise a établi que la capacité de travail de l’assuré était de 100% dans son activité habituelle et adaptée, sur les plans psychiatrique, neurologique et de médecine interne. En rhumatologie, la capacité de travail était de 100% dès le 17.05.2016, soit trois mois après l’accident. La cour cantonale a jugé que l’expertise pluridisciplinaire avait pleine valeur probante, les experts ayant examiné toutes les atteintes alléguées par l’assuré, motivé leurs conclusions de manière claire et circonstanciée, et pris en compte les rapports médicaux antérieurs pertinents. Les conclusions de l’expertise ont été confirmées par le médecin du SMR.

Consid. 5.3
Compte tenu de son pouvoir d’examen restreint, il n’appartient pas au Tribunal fédéral de procéder une nouvelle fois à l’appréciation des preuves administrées, mais à la partie recourante d’établir en quoi celle opérée par l’autorité cantonale serait manifestement inexacte ou incomplète, ou en quoi les faits constatés auraient été établis au mépris des règles essentielles de procédure. En l’occurrence, la juridiction cantonale a rappelé que le rapport d’expertise pluridisciplinaire du 06.09.2019 avait pleine valeur probante et que les experts s’étaient prononcés sur l’ensemble de la documentation médicale pertinente ainsi que sur les atteintes alléguées par l’assuré. En se limitant à arguer qu’il y aurait lieu de réévaluer objectivement son taux invalidité en tenant compte des nombreux diagnostics retenus par ses médecins français, à savoir un syndrome cervico-céphalique avec raideur cervicale, un syndrome de stress post-traumatique sévère et une névrose post-traumatique sévère sans perspective évolutive, l’assuré ne tente nullement d’établir, au moyen d’une argumentation précise et étayée, le caractère insoutenable de la constatation des faits opérée par les premiers juges et de l’appréciation juridique qu’ils ont faite de la situation.

Consid. 5.4
C’est par ailleurs en vain que l’assuré se réfère à des décisions rendues par la caisse d’assurance maladie (CPAM) et la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) lui reconnaissant un état d’invalidité « réduisant des deux-tiers au moins ses capacités de travail et de gain » ainsi qu’une invalidité « Catégorie 2 » reconnaissant son incapacité d’exercer une quelconque profession à compter du 8 octobre 2019. Ces pièces ne sont en effet pas pertinentes pour l’issue du présent litige, parce que la reconnaissance par les autorités françaises compétentes d’une incapacité totale de travail n’aurait pas d’influence sur l’examen du droit à une rente de l’assurance-invalidité suisse. En effet, le degré d’invalidité d’un assuré qui prétend une telle prestation est déterminé exclusivement d’après le droit suisse, même lorsque, comme en l’espèce, les dispositions de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681) sont applicables à la contestation devant les autorités suisses (ATF 130 V 253 consid. 2.4; arrêts 9C_315/2018 du 5 mars 2019 consid. 2.2, 9C_486/2022 du 17 août 2023 consid. 2.2). Contrairement à ce que soutient l’assuré, la décision rendue par les autorités françaises relative à son degré d’invalidité ne lie pas les autorités suisses en application de l’art. 46 par. 3 du Règlement CE n° 883/2004, dès lors que la concordance des conditions relatives au degré d’invalidité entre les législations suisse et française n’est pas reconnue à l’annexe VII.

Enfin les premiers juges ont dûment pris en considération les documents médicaux établis en France, dont ils ont apprécié la valeur probante comme ils l’ont fait pour les documents médicaux établis en Suisse.

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_291/2024 consultable ici

 

TAF C-4850/2019 (publié ATAF 2023 V/2) (f) du 17.05.2023 – Rente de vieillesse succédant à une rente d’invalidité / Totalisation des périodes d’assurance suisses et portugaises – Exercice du droit à la libre circulation des personnes / Régime conventionnel plus favorable

Arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4850/2019 (f) du 17.05.2023, publié aux ATAF 2023 V/2

 

Arrêt, publié aux ATAF 2023 V/2, consultable ici

 

Rente de vieillesse succédant à une rente d’invalidité / 33bis al. 1 LAVS

Totalisation des périodes d’assurance suisses et portugaises – Exercice du droit à la libre circulation des personnes avant l’entrée en vigueur de l’ALCP / 20 ALCP – 8 par. 1 règlement (CE) no 883/2004 – 12 par. 2 Convention de sécurité sociale entre le Portugal et la Suisse

Régime conventionnel plus favorable

 

Résumé 

  • Le régime de l’ALCP ne protège pas la situation acquise lors de la conversion d’une rente d’invalidité suisse en une rente de vieillesse suisse. Lorsque les périodes d’assurance dans les Etats membres doivent être prises en compte dans le calcul de la première, la Suisse n’est pas tenue de le faire dans celui de la seconde (consid. 8).
  •  Droit à la libre circulation exercé avant l’entrée en vigueur de l’ALCP. Interprétation de la Convention bilatérale à l’aune de la Convention de Vienne (application rétroactive de la Convention; consid. 8.3 et 9).
  •  En vertu du principe de l’application de la convention sociale plus favorable, l’assurée qui ne peut prétendre à une rente de vieillesse portugaise en raison de l’âge de retraite plus élevé a droit à la totalisation des périodes de cotisations accomplies en Suisse et au Portugal pour le calcul de la rente de vieillesse suisse succédant à une rente d’invalidité (consid. 10).
  •  La naissance ultérieure du droit à la rente de vieillesse portugaise impliquera de calculer à nouveau la rente suisse, sur la seule base des périodes de cotisations suisses (consid. 10.5)

 

Assurée, ressortissante de nationalité suisse et portugaise, née en 1955, mariée depuis janvier 1978 à un ressortissant portugais, né en 1951, au bénéfice d’une rente de vieillesse suisse d’un montant en 2019 de CHF 1’100.- par mois, avant plafonnement, ayant succédé à une rente entière d’invalidité.

Après avoir cotisé au régime portugais de sécurité sociale d’avril 1968 à novembre 1982, soit durant 176 mois respectivement 14 années et 8 mois, la prénommée a travaillé comme saisonnière et s’est acquittée de cotisations à l’AVS/AI suisse de décembre 1982 à avril 1983, de juin 1983 à octobre 1983 et de décembre 1983 à avril 1984. Puis, elle s’est établie en Suisse et a cotisé de manière continue d’avril 1986 à février 2003, totalisant une période d’assurance suisse de 218 mois, soit 18 ans et 2 mois. Le 12.02.2003, l’assurée est repartie vivre au Portugal avec son mari.

A la suite d’une incapacité totale de travail survenue le 01.06.1997, l’assurée a été mise au bénéfice d’une rente entière d’invalidité servie par l’assurance-invalidité suisse d’un montant de CHF 1’767.- au 01.06.1998 respectivement CHF 1’946.- au 31.05.2019 calculée sur la base d’une durée d’assurance de la classe d’âge de 22 années pour des assurés nés en 1955 ayant droit à une rente AI en 1998, de 22 années entières d’assurance, d’une période totale de cotisations de 22 années ou 264 mois cumulant 161 mois d’assurance suisse 13 années et 5 mois et 103 mois d’assurance portugaise 8 années et 7 mois, d’un revenu annuel moyen déterminant (ci-après : RAM) de CHF 54’924.- (état 1998) après partage des revenus du couple et inclusion de 6 années et demie de bonifications pour tâches éducatives, et de l’échelle de rente 44.

Le 26.02.2019, l’assurée a déposé une demande de rente de vieillesse suisse.

Par décision du 08.05.2019, la caisse de compensation a octroyé à l’assurée, à partir du 01.06.2019, une rente ordinaire de vieillesse d’un montant de CHF 1’072.-, après plafonnement, qui se substituait à la rente d’invalidité de CHF 1’946.- allouée jusqu’alors.

La caisse de compensation a rejeté l’opposition et confirmé sa décision du 08.05.2019.

 

Tribunal administratif fédéral (TAF)

Consid. 8.1
Selon le système de coordination des prestations de vieillesse mis en place par l’ALCP et son règlement (CE) n° 883/2004, lorsqu’une personne a été assurée dans plusieurs Etats membres, la réglementation communautaire implique un régime de rentes partielles de la Suisse, d’une part, et de l’Etat de l’Union européenne concerné, d’autre part ; la rente de vieillesse suisse est alors déterminée uniquement en fonction des périodes d’assurance en Suisse. Un tel système n’est pas contraire à l’objectif de cet accord, parce que le calcul autonome des rentes suisses (sans égard aux périodes d’assurance accomplies à l’étranger) n’entraîne aucun désavantage pour la personne assurée, par rapport à un calcul selon le système de « totalisation/proratisation » (cf. ATF 133 V 329 consid. 4.4 p. 334; Jean Métral, L’accord sur la libre circulation des personnes: coordination des systèmes de sécurité sociale et jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances, in : HAVE 3/2004, p. 188 ; voir également arrêt du TF 9C_229/2013 du 24 juillet 2013 consid. 3.2). Lorsqu’un ressortissant d’un Etat parti à l’ALCP a cotisé successivement aux assurances sociales de plusieurs Etats membres, l’institution suisse est ainsi autorisée à calculer la pension de vieillesse de l’AVS de manière autonome compte tenu des seules périodes d’assurance accomplies sous la législation nationale (art. 52 par. 4 du règlement (CE) n°883/2004 en lien avec l’annexe VIII partie 1 du règlement (CE) no 883/2004 ; cf. ATF 133 V 329 consid. 4.4, 131 V 371 consid. 6 et 7.1 et réf. cit., 130 V 51 consid. 5.4 et réf. cit. ; arrêts du TF 9C_ 9/2018 consid. 3.2.2 et 9C_368/2020 consid. 5.1).

Consid. 8.2
Dans le cas particulier des rentes de vieillesse succédant aux rentes AI, le système mis en place par l’ALCP et son règlement (CE) n°883/2004 prévoit qu’à partir du moment où une rente AVS suisse, calculée de manière autonome en fonction des seules périodes suisses, se substitue à une rente d’invalidité qui a été déterminée en fonction des périodes d’assurance suisse et étrangère, l’Etat qui a été jusqu’alors libéré du versement d’une prestation verse à son tour une rente de vieillesse partielle. Dans le cas où l’assuré ne satisfait pas encore aux conditions définies par la législation de l’autre Etat membre pour avoir droit à des prestations de vieillesse, l’assuré bénéficie de la part de cet Etat membre, à partir du jour de la conversion, de prestations d’invalidité (art. 48 par. 3, 1ère partie, du règlement (CE) n°883/2004 ; Annett Wunder, in : Schreiber/Wunder/Dern, VO (EG) Nr. 883/2004, Verordnung zur Koordinierung der Système der sozialen Sicherheit, Kommentar, ad. art. 48 n°16). En d’autres termes, le régime européen de coordination des systèmes de sécurité sociale n’ouvre pas droit à un complément de prestations à charge de l’Etat qui, jusqu’à présent, versait une pension d’invalidité, pour le cas où un autre État dans lequel la personne concernée a accompli des périodes d’assurance n’accorde pas encore de pension de vieillesse en raison d’un âge de retraite plus élevé. Si le montant de la rente de vieillesse se révèle inférieur au montant de la rente d’invalidité à laquelle elle se substitue, le règlement (CE) n°883/2004 ne prévoit pas le versement d’un complément différentiel à charge de l’Etat qui versait jusqu’alors la pension d’invalidité – en l’espèce la Suisse. En résumé, lorsqu’une rente de vieillesse succède directement à une rente d’invalidité, ni l’ALCP ni son règlement (CE) n°883/2004 ne garantissent une protection de la situation acquise par le versement d’un complément différentiel destiné à compenser un éventuel découvert (ATF 131 V 371 consid. 7.3 et 8.2, 133 V 329 consid. 4.5 ; arrêt du Tribunal fédéral H 281/03 du 27 février 2004 consid. 5.2 ; ATAF 2018 V/4 consid. 7.2 ; arrêt du TAF C-3690/2011 du 25 mars 2013 consid. 6.2.2).

Consid. 8.3
A l’aune de ce qui précède, ni l’ALCP ni la réglementation de coordination ne garantissent à l’assurée le versement par la Suisse d’un complément différentiel destiné à compenser le découvert résultant de la conversion de sa rente d’invalidité en une rente de vieillesse depuis le 01.06.2019, pas plus que la prise en compte des périodes d’assurance accomplies au Portugal dans le calcul de la rente de vieillesse suisse. Par contre, il incomberait aux autorités portugaises de verser à l’assurée, à partir du jour de la conversion, des prestations d’invalidité en vertu de l’art. 48 par. 3, 1ère partie, du règlement (CE) n° 883/2004, cela contrairement à la décision du 28 juin 2019 par laquelle l’Instituto da Segurança Social I. P., Centro Nacional de Pensões lui a précisément refusé l’octroi de telles prestations, décision dont il n’appartient pas au Tribunal administratif fédéral d’examiner le bien-fondé. Quoi qu’il en soit, ces considérations ne sont en l’espèce pas décisives. En effet, dans la mesure où l’assurée a exercé son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de l’ALCP et de ses règlements de coordination, il convient d’examiner si celle-ci peut se prévaloir d’éventuelles dispositions plus favorables que celles susmentionnées déduites de la Convention bilatérale et de l’arrangement administratif fixant les modalités d’application de celle-ci.

 

Consid. 9
S’agissant de dégager le sens de dispositions de droit conventionnel, il y a lieu de d’appliquer les règles d’interprétation déduites de la Convention de Vienne sur le Droit des Traités conclue le 23 mai 1969 (ci-après : CVDT, RS 0.111 ; cf. ATF 139 II 393 consid. 4.1.1).

Consid. 9.1
D’emblée, le Tribunal souligne que nonobstant le principe de non-rétroactivité selon lequel la CVDT s’applique uniquement aux traités conclus par des États après son entrée en vigueur à l’égard de ces États (cf. art. 4 CVDT), il y a lieu d’appliquer à la Convention bilatérale entrée en vigueur le 1er mars 1977 les règles d’interprétation de la CVDT entrées en vigueur pour la Suisse le 6 juin 1990 et pour le Portugal le 7 mars 2004, dès lors que d’une part, celle-ci a codifié les différentes pratiques d’interprétation qui existaient en droit international avant qu’elle n’existe et ne fait que refléter, sur ce point, le droit international coutumier et que d’autre part, le Tribunal fédéral a également fait application de la CVDT afin d’interpréter des traités – notamment en matière de sécurité sociale conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de celle-ci (ATF 119 V 98, 117 V 268 ; arrêt du TAF C-6631/2010 du 15 juin 2012 consid. 5.1 et les références citées).

Consid. 9.2
Aux termes de la Section III intitulée «Interprétation des traités», un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but (art. 31 par. 1 CVDT). Aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus : (let. a) tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l’occasion de la conclusion du traité ; (let. b) tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité (art. 31 par. 2 CVDT). Il sera tenu compte, en même temps que du contexte ; (let. a) de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions ; (let. b) de toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité ; (let. c) de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties (art. 31 par. 3 CVDT). Un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi que telle était l’intention des parties (art. 31 par. 4 CVDT). Il peut être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l’application de l’art. 31, soit de déterminer le sens lorsque l’interprétation donnée conformément à l’art. 31 : (let. a) laisse le sens ambigu ou obscur ; ou (let. b) conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable (art. 32 CVDT).

L’art. 31 par. 1 CVDT fixe ainsi un ordre de prise en compte des éléments de l’interprétation, sans toutefois établir une hiérarchie juridique obligatoire entre eux (ATF 143 II 202 consid. 6.3.1 p. 208 ; arrêt du TF 4A_736/2011 du 11 avril 2012 consid. 3.3.2). Le sens ordinaire du texte du traité constitue le point de départ de l’interprétation. Ce sens ordinaire des termes doit être dégagé de bonne foi, en tenant compte de leur contexte et à la lumière de l’objet et du but du traité. L’objet et le but du traité correspondent à ce que les parties voulaient atteindre par le traité. L’interprétation téléologique garantit, en lien avec l’interprétation selon la bonne foi, l' »effet utile » du traité. Lorsque plusieurs significations sont possibles, il faut choisir celle qui permet l’application effective de la clause dont on recherche le sens, en évitant d’aboutir à une interprétation en contradiction avec la lettre ou l’esprit des engagements pris (ATF 143 II 136 consid. 5.2.2 et les références citées, 142 II 161 consid. 2.1.3,141 III 495 consid. 3.5.1 ; ATAF 2010/7 consid. 3.5.2). Un Etat contractant doit partant proscrire tout comportement ou toute interprétation qui aboutirait à éluder ses engagements internationaux ou à détourner le traité de son sens et de son but (ATF 147 II 1 consid. 2.3, 144 II 130, 143 II 202 consid. 6.3.1 in fine, 142 II 35 consid. 3.2 p. 39 s., 142 II 161 consid. 2.1.3 p. 167). Dans ce contexte, le message du Conseil fédéral relatif à l’approbation d’un traité ne saurait à lui seul exprimer la volonté des parties puisqu’il ne reflète que l’interprétation du gouvernement d’une seule partie (ATF 112 V 145 consid. 2c ; arrêt du TAF C-6631/2010 du 15 juin 2012 consid. 5.3). La CVDT relègue ainsi l’interprétation d’une convention au moyen des travaux préparatoires et des circonstances dans lesquelles elle a été conclue à un rôle subsidiaire (ATAF 2010/7 consid. 3.5.2).

Consid. 9.3
Cela étant, il y a lieu d’interpréter l’art. 12 par. 2, 2ème phrase, de la Convention bilatérale selon le sens ordinaire de son texte, dégagé de bonne foi en tenant compte de son contexte et à la lumière de l’objet et du but de la Convention bilatérale, l’objet et le but du traité devant correspondre à ce que les parties voulaient atteindre par le traité et l’interprétation téléologique devant garantir, en lien avec l’interprétation selon la bonne foi, l' »effet utile » du traité. Dans ce contexte, les travaux préparatoires et les circonstances dans lesquelles la Convention bilatérale a été conclue tiennent un rôle subsidiaire par rapport au texte.

 

Consid. 10.1
Il est prévu par la Convention bilatérale que, sous réserve des dispositions de la présente Convention et de son Protocole final, les ressortissants de l’une des Parties contractantes, ainsi que les membres de leur famille et les survivants dont les droits dérivent desdits ressortissants, sont soumis aux obligations et admis au bénéfice de la législation de l’autre Partie dans les mêmes conditions que les ressortissants de cette Partie ou les membres de leur famille et les survivants dont les droits dérivent desdits ressortissants (art. 2 par. 1 [égalité de traitement]). Sous réserve des dispositions de la présente Convention et, de son Protocole final, les personnes mentionnées à l’art. 2, par. 1, qui peuvent prétendre des prestations en espèces au titre des législations énumérées à l’art. 1 reçoivent ces prestations intégralement et sans restriction aucune, aussi longtemps qu’elles habitent sur le territoire de l’une des Parties contractantes. Sous les mêmes réserves, lesdites prestations sont accordées par l’une des Parties aux ressortissants de l’autre, ainsi que, en tant que leurs droits dérivent desdits ressortissants, aux membres de leur famille et à leurs survivants qui résident dans un pays tiers, aux mêmes conditions et dans la même mesure qu’à ses propres ressortissants ou aux membres de leur famille et à leurs survivants résidant dans ce pays tiers (art. 3).

Pour déterminer les périodes de cotisations qui doivent servir de base au calcul de la rente ordinaire de l’assurance-invalidité suisse due à un ressortissant suisse ou portugais, les périodes de cotisations et les périodes assimilées accomplies selon les dispositions légales portugaises sont prises en compte comme des périodes de cotisations suisses en tant qu’elles ne se superposent pas à ces dernières. Seules les périodes de cotisations suisses sont prises en compte pour déterminer le revenu annuel moyen (art. 12 par. 1). Les rentes ordinaires de vieillesse ou de survivants de l’assurance suisse venant se substituer à une rente d’invalidité, fixée selon le paragraphe précédent, sont calculées sur la base des dispositions légales suisses compte tenu exclusivement des périodes de cotisations suisses. Si toutefois les périodes d’assurance portugaise, compte tenu de l’art. 20 de la Convention et des dispositions d’autres Conventions internationales, n’ouvrent exceptionnellement pas droit à une prestation portugaise analogue, elles sont également prises en compte pour déterminer les périodes de cotisations qui doivent servir de base au calcul des rentes suisses susmentionnées (art. 12 par. 2). Lorsqu’un ressortissant de l’une ou l’autre des Parties contractantes a été soumis successivement ou alternativement aux législations des deux Parties contractantes, les périodes de cotisations et les périodes assimilées accomplies selon chacune de ces législations, sont totalisées, du côté portugais, dans la mesure où c’est nécessaire, pour l’ouverture du droit aux prestations qui font l’objet de la présente section, en tant que lesdites périodes ne se superposent pas. Cette disposition ne s’applique que si la durée de cotisations dans les assurances portugaises est au moins égale à douze mois (art. 20).

Consid. 10.2
Il ressort ainsi du texte de la Convention bilatérale que la rente de vieillesse suisse succédant à une rente d’invalidité est en principe calculée sur la base des seules cotisations suisses, la rente d’invalidité l’étant en revanche sur la base des cotisations suisses et portugaises. En effet, l’assurance-invalidité est gouvernée par le régime spécial de l’assurance-risque pure en application duquel l’assuré perçoit une seule rente d’invalidité servie par l’assureur auprès duquel il était affilié au moment de la survenance de l’invalidité – l’assureur de l’autre Etat étant libéré de l’obligation de prester, prestation unique calculée sur la base des cotisations suisses et portugaises, cela afin de pallier notamment à la lourdeur de l’instruction médicale du risque de l’invalidité. Dans le domaine de l’assurance-vieillesse et survivants en revanche, le principe de l’assurance-risque pure n’est plus applicable, dès lors que la survenance du risque vieillesse, respectivement de l’âge de la retraite, ne soulève en principe pas de difficultés particulières d’instruction. Partant, l’assureur de chacun des Etats accorde une prestation de vieillesse et la calcule selon ses propres règles et sur la base de ses cotisations nationales. Cependant, les cotisations portugaises seront néanmoins prises en compte dans le calcul de la rente de vieillesse suisse si elles n’ouvrent exceptionnellement pas droit à une prestation portugaise analogue (voir art. 12 par. 2, 2ème phrase, en rel. avec l’art. 20 de la Convention bilatérale [cf. supra consid. 10.1]), la totalisation des cotisations suisses et portugaises opérée dans l’assurance suisse pour l’octroi d’une rente d’invalidité s’appliquant alors également à l’octroi des rentes de vieillesse ou de survivants qui s’y substituent. L’art. 12 par. 2, 2ème phrase, de la Convention bilatérale permet, en cas de conversion d’une rente AI suisse en une rente de vieillesse suisse, de contrebalancer la diminution des prestations suisses versées à un ressortissant portugais invalide ayant atteint l’âge de la retraite en Suisse, dans le cas où ladite diminution n’est pas compensée par le droit à une rente analogue portugaise. Ce palliatif permet d’atténuer certaines inégalités, notamment une forte baisse du revenu sous forme de rentes, lors du passage de la rente d’invalidité à la rente de vieillesse, surtout lorsque l’âge ouvrant droit à la rente de vieillesse est différent dans les deux pays signataires (RCC 1982 p. 342 in fine). La prise en compte des cotisations portugaises dans le calcul de la rente de vieillesse suisse s’impose ainsi non seulement lorsque l’assuré n’a exceptionnellement droit à aucune rente de vieillesse portugaise à défaut d’en remplir les conditions d’octroi par exemple en raison d’un nombre d’années de cotisations insuffisant (voir art. 12 par. 2, 2ème phrase, en rel. avec l’art. 20 de la Convention bilatérale [cf. supra consid. 10.1]), mais également lorsque l’âge légal ouvrant le droit à la rente de vieillesse diffère entre les deux pays signataires de la Convention bilatérale. Dans ce dernier cas, les cotisations au régime de sécurité sociale portugais ne sont pas génératrices de rentes avant que l’âge légal de la retraite au Portugal ne soit atteint, de sorte que la valorisation des cotisations au régime de sécurité sociale portugais ne survient qu’au moment de l’ouverture du droit à la rente de vieillesse portugaise. Cela étant, le cumul exceptionnel des cotisations portugaises et suisses dans le calcul de la rente de vieillesse suisse succédant à une rente AI garantit à l’assuré portugais invalide que ses années de cotisations au régime social portugais ne soient pas perdues si le nombre de celles-ci devait se révéler insuffisant pour fonder le droit à une rente de vieillesse portugaise. Il permet d’éviter que l’assuré portugais invalide qui a émigré en Suisse s’expose au risque de perdre sa carrière d’assurance portugaise, si au final celle-ci ne devait pas se révéler génératrice de rente, risque auquel ne s’expose jamais un assuré ayant cotisé durant toute sa carrière au seul système de sécurité sociale suisse. Ce faisant, l’art. 12 par. 2, 2ème phrase, de la Convention bilatérale, favorise l’égalité de traitement entre ressortissants portugais et suisses, fondement des dispositions de la Convention bilatérale (cf. art. 2 cité supra consid. 10.1 ; FF 1976 II 1273, pp. 1273 et 1280).

Consid. 10.3
Ces considérations, dégagées tant du texte et du contexte de l’art. 12 par. 2, 2ème phrase, que de l’objet et du but de la Convention bilatérale, ressortent également du Message du 19 mai 1976 du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant la Convention de sécurité sociale conclue entre la Suisse et le Portugal (cf. FF 1976 II 1273), ainsi que du Message du 12 novembre 1969 du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant l’approbation des conventions de sécurité sociale conclues par la Suisse avec l’Espagne et la Turquie auquel renvoie le Message du 19 mai 1976 relatif à la Convention bilatérale (FF 1969 II 1425).

Consid. 10.3.1
Le Message du 19 mai 1976 du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant la Convention de sécurité sociale conclue entre la Suisse et le Portugal explique en effet que « [d]ans [l]e domaine [de l’assurance-invalidité], il convient tout spécialement de se référer aux messages (…) concernant les conventions conclues avec l’Espagne, la Turquie et la Grèce (…). Etant donné que le Portugal est lui aussi un pays assez éloigné de la Suisse, que son système d’assurance diffère notablement du nôtre et qu’au surplus la langue joue un rôle important dans les rapports entre organismes assureurs, c’est encore le principe de l’assurance-risque qui a prévalu ; ainsi, l’assurance à laquelle un assuré est affilié lors de la survenance de l’invalidité alloue la totalité des prestations correspondantes, compte tenu des périodes accomplies dans l’assurance de l’autre Etat, celle-ci étant par ailleurs libérée à l’égard de l’intéressé de toute obligation pour lesdites périodes. Dans ce cadre général de l’assurance-risque, la réglementation prévue par la convention présente les aspects particuliers suivants. (…) [Les] rentes de l’AI suisse (…) sont allouées aux ressortissants suisses et portugais qui, après avoir été assurés au Portugal, sont affiliés à l’AVS/AI suisse au moment où survient l’invalidité, et ont versé des cotisations à cette assurance pendant une année au moins ; on tient compte, pour la détermination de l’échelle de rente, des périodes accomplies dans les assurances portugaises. Pour établir le revenu annuel moyen, on ne prend en considération que les revenus réalisés en Suisse. En pareille occurrence, les assurances portugaises n’ont aucune prestation à fournir. (…) Dans [l]e domaine [de l’AVS], le principe de l’assurance-risque n’est plus applicable ; l’assurance de chacun des Etats accorde une prestation et la calcule selon ses propres règles. Cela étant, la réglementation adoptée est la suivante. En application du principe de l’égalité de traitement, les droits des ressortissants portugais aux rentes ordinaires de l’assurance suisse sont généralement les mêmes que ceux des ressortissants suisses. (…) [M]entionnons encore les dispositions s’appliquant aux cas où une rente ou pension de vieillesse se substitue, à l’âge de la retraite, à une prestation d’invalidité. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, le principe de l’assurance-risque n’est plus applicable ; chaque assurance calcule sa prestation de vieillesse selon ses propres règles. Or il peut arriver que la somme des deux prestations de vieillesse accordées par l’AVS suisse et l’assurance portugaise soit inférieure à la prestation d’invalidité que l’intéressé touchait auparavant d’une seule de ces deux assurances. Il a dès lors été convenu (art. 22) que si la somme des prestations suisse et portugaise de vieillesse qui se substituent à une pension d’invalidité portugaise est inférieure au montant minimum garanti par la législation portugaise, l’assuré ou ses survivants, résidant au Portugal, ont droit, à la charge de l’assurance portugaise, à un complément égal à la différence. Si, exceptionnellement, l’intéressé n’a droit à aucune pension de vieillesse portugaise – compte tenu également des conventions conclues par le Portugal avec d’autres pays – l’assurance suisse prend en considération les périodes portugaises pour déterminer la rente de vieillesse (art. 12, 4e al. [art. 12 par. 2, 2ème phrase, dans la teneur de la Convention bilatérale au 1er novembre 1995]) » (FF 1976 II 1273, pp. 1282-1285).

Consid. 10.3.2
Le Message du 12 novembre 1969 du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant l’approbation des conventions de sécurité sociale conclues par la Suisse avec l’Espagne et la Turquie – appliqué par renvoi de la Convention bilatérale (cf. supra consid. 10.3) ajoute que « (…) la notion d’invalidité est définie différemment par les législations, ce qui se traduit par des disparités dans le domaine des prestations. Par ailleurs, la perte de la capacité de gagner sa vie s’apprécie dans chaque pays selon des procédures, des critères et des modalités d’évaluation différents. Il en résulte que les constatations faites par une institution étrangère ne sont souvent utilisables que de façon limitée par l’assurance suisse et qu’elles doivent être complétées par des informations ou des enquêtes supplémentaires. Lorsqu’il s’agit de pays éloignés, dotés de systèmes d’assurance très différents, l’obtention des documents nécessaires risquerait dès lors de soulever des difficultés considérables. A ce propos, le nombre des personnes qui rentrent dans leur pays d’origine et qui pourraient y devenir invalides après avoir accompli une période plus ou moins longue dans l’assurance suisse n’est pas sans jouer un rôle. Au vu de ces circonstances, il a été convenu avec l’Espagne et la Turquie que les prestations seraient réglées en cas d’invalidité selon le principe de l’assurance-risque pure. (…) Il faut préciser que cette totalisation des périodes d’assurance étrangère opérée par la Suisse ne s’applique que dans l’assurance-invalidité. Lorsque des rentes de vieillesse ou de survivants se substituent à des rentes d’invalidité, l’assurance suisse revient à la méthode de calcul de ces prestations fondée uniquement sur la législation nationale. La conséquence en sera, dans la plupart des cas, une diminution des prestations suisses, avant tout pour les ressortissants espagnols et turcs. Mais, en règle générale, cette perte sera compensée par un droit à une prestation qu’ils auront acquis dans les assurances de l’autre Etat en vertu des périodes de cotisations qu’ils y auront accomplies, les périodes suisses (ou même les périodes accomplies dans des Etats tiers) pouvant être alors prises en considération (…) Si, dans des cas exceptionnels, un droit à prestation ne devait pas exister malgré tout dans l’autre Etat, la totalisation opérée dans l’assurance suisse pour l’octroi d’une rente d’invalidité s’appliquerait alors également à l’octroi des rentes de vieillesse ou de survivants qui s’y substituent (conv. E, art, 9, par. 4 ; conv. TR, art. 10, par. 4) » (FF 1969 II 1425, pp. 1440-1442).

Consid. 10.4
Le cumul à titre exceptionnel des cotisations portugaises et suisses dans le calcul de la rente de vieillesse suisse – succédant à une rente d’invalidité – jusqu’à l’ouverture du droit à la rente de vieillesse portugaise est également corroboré par la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Consid. 10.4.1
Interprétant l’art. 9 par. 4 de la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et l’Espagne du 13 octobre 1969 et en particulier les termes « (…) n’ouvrent exceptionnellement pas droit à une prestation espagnole analogue (…) » y figurant, le Tribunal fédéral expose que lorsqu’une rente de vieillesse ou de survivants de l’assurance suisse succède à une rente de l’assurance-invalidité calculée selon l’art. 9 par. 3 de ladite convention (principe de l’assurance-risque pure), ce même mode de calcul (totalisation des périodes d’assurance espagnoles et des périodes de cotisations suisses) doit être appliqué, s’il est plus avantageux pour l’assuré, quand il est établi que ce dernier ne peut prétendre à une prestation espagnole analogue au moment où s’ouvre le droit à la rente suisse. C’est, en effet, de cette manière seulement que l’on respecte le principe de l’égalité de traitement consacré par l’art. 7 par. 1 de la convention de sécurité sociale entre la Suisse et l’Espagne. Si, par la suite, un droit de l’assuré à la prestation espagnole naît, la rente suisse sera à nouveau calculée en fonction des seules périodes de cotisations suisses, conformément à l’art. 9 par. 4 première phrase de la convention (ATF 112 V 145 consid. 2 ss).

Consid. 10.4.2
Cette interprétation de l’art. 9 par. 4 de la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et l’Espagne (RS 0.831.109.332.2) est applicable par analogie à l’art. 12 par. 2, 2ème phrase, de la Convention bilatérale compte tenu de la teneur identique de ce dernier avec l’art. 9 par. 4 de la Convention de sécurité sociale conclue entre la Suisse et l’Espagne. En outre, comme exposé ci-dessus (cf. supra consid. 10.3), le Message du 19 mai 1976 du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant la Convention de sécurité sociale conclue entre la Suisse et le Portugal renvoie expressément, pour des motifs de similitude, au Message du Conseil fédéral sur l’approbation des conventions de sécurité sociale conclues par la Suisse avec l’Espagne et la Turquie (FF 1976 II 1273, p. 1282).

Consid. 10.5
Au vu des développements qui précèdent, il convient d’interpréter l’art. 12 par. 2, 2ème phrase, de la Convention bilatérale en ce sens que les périodes d’assurance portugaise doivent être prises en compte dans le calcul de la rente de vieillesse suisse succédant à une rente d’invalidité suisse non seulement lorsqu’elles n’ouvrent définitivement pas droit à une rente de vieillesse portugaise, mais également aussi longtemps qu’elles ne sont pas génératrices de rente en raison d’un âge légal de retraite plus élevé au Portugal. Si, par la suite, un droit de l’assurée à la prestation portugaise naît au moment où celle-ci atteint l’âge de la retraite au Portugal, la rente suisse sera à nouveau calculée en fonction des seules périodes de cotisations suisses. En conclusion, par application du régime plus favorable issu de la Convention bilatérale, la recourante doit se voir reconnaitre le droit à la totalisation des périodes de cotisations suisses et portugaises dans l’éventualité où elle ne dispose pas, au moment de la conversion de sa rente d’invalidité suisse en une rente de vieillesse suisse, du droit à une rente de vieillesse portugaise – éventuellement anticipée – en raison d’un âge de retraite plus élevé au Portugal.

Consid. 10.5.1
Or, dans la décision sur opposition litigieuse, la caisse de compensation a refusé de prendre en compte les cotisations portugaises, inférant des 176 mois d’assurance de l’assurée au Portugal que celle-ci disposait d’un droit à une prestation de vieillesse portugaise analogue à la rente de vieillesse suisse. Ce faisant, la caisse de compensation n’a pas indiqué si le droit – éventuellement anticipé – à la rente de vieillesse portugais qu’elle retient existait déjà au moment de l’ouverture du droit à une rente de vieillesse suisse ou si celui-là était différé en raison d’un âge de la retraite plus élevé au Portugal. En outre, elle a considéré que l’assurée avait droit à une rente de vieillesse portugaise, sans dûment établir l’existence de ce droit, aucune décision correspondante prononcée par l’autorité compétente de l’assureur portugais ne figurant au dossier.

Partant, elle n’a pas instruit à satisfaction de droit la question de savoir si l’assurée pouvait prétendre, au moment de la conversion de la rente d’invalidité suisse en une rente de vieillesse suisse, à une rente de vieillesse analogue – éventuellement anticipée – au Portugal. Par conséquent, la décision attaquée se révèle erronée, de sorte qu’elle doit être annulée et la cause renvoyée à la caisse de compensation pour instruction complémentaire. Dans ce cadre, l’administration sollicitera l’organisme de liaison compétent selon la législation portugaise pour obtenir tout renseignement utile à établir, le cas échéant, le droit de l’assurée à une rente – éventuellement anticipée de vieillesse portugaise, soit notamment l’âge de la retraite au Portugal, ainsi qu’une attestation de la carrière d’assurance portugaise de la recourante au 1er juin 2019 (formulaires E205 et E210), conformément aux arts. 76 ss du règlement n°883/04 et 2 ss. du règlement n°987/09 (voir ATF 142 V 112 consid. 4.5 ; cf. également arrêt du TAF C-4782/2009 du 2 mars 2010 consid. 4.4).

A l’issue de cette instruction complémentaire, l’autorité rendra une nouvelle décision en veillant à y mentionner si l’assurée a droit ou non à une rente de vieillesse portugaise et, le cas échéant, la date d’ouverture de ce droit. Si elle parvient à la conclusion qu’au 1er juin 2019, l’assurée n’a pas droit à une rente de vieillesse portugaise analogue à la rente de vieillesse suisse, elle opérera un nouveau calcul de la rente de vieillesse suisse sur la base de l’art. 33bis LAVS. Dans ce cadre, le calcul en fonction des bases AI tiendra compte d’une durée de cotisations portugaises de 8 années et 7 mois telle que prise en compte lors de l’octroi de la rente d’invalidité en 1998. Le Tribunal rend ici attentif la caisse de compensation qu’une période de 8 années et 7 mois à l’assurance portugaise – et non une période de 8 années et 8 mois comme elle l’a indiqué dans la décision entreprise – avait été comptabilisée pour le calcul de la rente d’invalidité suisse. Quant au calcul à opérer en fonction des bases AVS, il conviendra d’y comptabiliser l’ensemble des périodes de cotisations suisses et portugaises qui peuvent être prises en compte à la date d’ouverture du droit à la rente de vieillesse suisse, telles qu’elles ressortiront du formulaire E205 établi par les autorités portugaises. Le nouveau montant de la rente de vieillesse ainsi recalculé sera dû jusqu’à l’ouverture, le cas échéant, du droit de l’assurée à une rente de vieillesse portugaise, moment à partir duquel il sera procédé à un nouveau calcul de la rente de vieillesse suisse sur la base des seules cotisations suisses de l’assurée.

Consid. 10.5.2
Selon l’art. 61 al. 1 PA, l’autorité de recours statue elle-même sur l’affaire ou exceptionnellement la renvoie avec des instructions impératives à la caisse de compensation. Bien que le renvoi à la caisse de compensation doive rester exceptionnel compte tenu de l’exigence de la célérité de la procédure (art. 29 Cst. ; arrêt du TF 8C_633/2014 du 11 décembre 2014 consid. 2.2), le Tribunal fédéral considère que le renvoi de l’affaire à la caisse de compensation se justifie si celle-ci a constaté les faits de façon sommaire, dans l’idée que le tribunal les éclaircirait comme il convient en cas de recours (arrêt du TF 9C_162/2007 du 3 avril 2008 consid. 2.3 et les réf. cit.), respectivement lorsque celle-ci n’a nullement instruit une question déterminante pour l’examen du droit aux prestations ou lorsqu’un éclaircissement, une précision ou un complément d’expertise s’avère nécessaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.4 ; arrêt du TF 8C_633/2014 du 11 décembre 2014 consid 3.2 et 3.3). Dès lors qu’en l’espèce, l’autorité n’a pas dûment instruit la question du droit éventuellement anticipé de la recourante à une rente de vieillesse portugaise au moment de l’ouverture du droit à la rente de vieillesse suisse respectivement au moment de l’âge de la retraite au Portugal, il convient de lui renvoyer l’affaire afin qu’elle procède aux compléments d’instruction nécessaires au sens des considérants qui précèdent, avant de rendre une nouvelle décision.

 

Le TAF admet le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt Tribunal administratif fédéral C-4850/2019 (f) du 17.05.2023, publié aux ATAF 2023 V/2  consultable ici

 

9C_540/2023 (f) du 03.06.2024 – Montant de la rente AVS succédant à une rente AI – 33bis LAVS / Convention de sécurité sociale Suisse-Portugal – ALCP et Règlement (CE) n° 883/2004

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_540/2023 (f) du 03.06.2024

 

Consultable ici

 

Montant de la rente AVS succédant à une rente AI / 33bis LAVS

Convention de sécurité sociale Suisse-Portugal – ALCP et Règlement (CE) n° 883/2004

 

Assuré, né en octobre 1956 au Portugal. Il y a travaillé et accompli des périodes de cotisations jusqu’à son entrée en Suisse le 02.04.1987, cotisant depuis lors au système suisse d’assurances sociales. Souffrant des séquelles d’un accident survenu le 09.10.1991, il a été mis au bénéfice d’une rente entière d’invalidité à compter du 01.10.1992. Sa rente s’élevait à CHF 2’390 par mois depuis le 01.01.2021 et était calculée en fonction d’une durée de cotisations de quinze ans, de l’échelle de rente 44, de bonifications pour tâches éducatives (2.5), d’un revenu annuel moyen déterminant de 67’398 fr. et d’une durée de cotisations pour ce dernier de quatre ans et cinq mois. Elle tenait compte des périodes de cotisations au Portugal et d’un supplément pour veuvage (décision du 24.02.2021). Ayant atteint l’âge de la retraite, la caisse de compensation (ci-après: la caisse) lui a accordé une rente de vieillesse de CHF 1’310 par mois depuis le 01.11.2021. La rente était calculée en fonction d’une durée de cotisations de trente-quatre ans et cinq mois, de l’échelle de rente 34, de bonifications pour tâches éducatives (3.0), d’un revenu annuel moyen déterminant de 24’378 fr. et d’une durée de cotisations pour ce dernier de trente-trois ans et sept mois. Elle ne tenait plus compte des périodes de cotisations au Portugal mais toujours d’un supplément pour veuvage.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2023 32 – consultable ici)

Par jugement du 06.07.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
La rente d’invalidité accordée à l’assuré tenait compte des périodes de cotisations au Portugal, conformément à l’art. 12 par. 1 de la Convention de sécurité sociale du 11 septembre 1975 entre la Suisse et le Portugal (RS 0831.109.654.1; ci-après: la convention Suisse-Portugal). Le système de cette convention, dite de « type A », se caractérise par le principe du risque, selon lequel l’invalide qui en remplit les conditions reçoit une seule rente d’invalidité (au lieu de deux rentes partielles versées par les assurances des deux pays concernés [rentes partielles calculées au prorata des périodes d’assurance accomplies; convention dite de « type B »]). Cette rente unique est versée par l’assurance à laquelle l’assuré est affilié lors de la survenance de l’invalidité (en l’espèce la Suisse). L’assurance prend en considération la totalité des périodes de cotisations, y compris celles qui ont été accomplies dans l’autre pays (cf. ATF 130 V 247 consid. 4). La rente de vieillesse de l’assuré, qui a en l’occurrence succédé à sa rente d’invalidité, a en revanche été calculée sur la base des seules cotisations à l’assurance suisse. La caisse intimée a procédé au calcul comparatif prévu par l’art. 33bis al. 1 LAVS. Selon cette disposition, les rentes de vieillesse ou de survivants sont calculées sur la base des mêmes éléments que la rente d’invalidité à laquelle elles succèdent s’il en résulte un avantage pour l’ayant droit. L’administration n’a cependant pas appliqué cette disposition dans la mesure où elle n’avait relevé aucun avantage pour l’assuré.

Consid. 5.1
Les premiers juges sont partis du principe que, dans la mesure où l’assuré avait exercé son droit à la libre circulation en 1987 et où il avait bénéficié d’une rente d’invalidité depuis le mois d’octobre 1992, il fallait se référer à la convention Suisse-Portugal pour trancher le litige. Ils n’ont pas examiné si la coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale mise en place à la suite de l’entrée en vigueur le 01.06.2002 de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681) pouvait s’appliquer en l’espèce.

Consid. 5.2
On relèvera au préalable que, jusqu’au 31.03.2012, les parties à l’ALCP appliquaient entre elles le Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (RO 2004 121; ci-après: le règlement n° 1408/71). Une décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31 mars 2012 (RO 2012 2345) a actualisé le contenu de l’Annexe II à l’ALCP avec effet au 01.04.2012. Il a été prévu, en particulier, que les Parties appliqueraient désormais entre elles le Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le Règlement (CE) n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (ci-après: le règlement n° 883/2004; RS 0.831.109.268.1). L’art. 153a al. 1 LAVS, dans sa teneur en vigueur depuis le 01.01.2017, renvoie à ces règlements de coordination.

Consid. 5.3
Il ressort des constatations cantonales que l’assuré a atteint l’âge de la retraite en Suisse en octobre 2021 (au Portugal en avril 2023), que son droit à la rente suisse de vieillesse est né le 01.11.2021 et que la décision administrative le constatant a été rendue le 05.10.2021. Ces événements, survenus postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ALCP, tombent dans le champ d’application temporel de cet accord et des règlements de coordination qui en découlent (cf. art. 1 par. 1 de l’annexe II à l’ALCP – intitulée « Coordination des systèmes de sécurité sociale », fondée sur l’art. 8 de l’accord et faisant partie intégrante de celui-ci [art. 15 ALCP] – en relation avec la section A de cette annexe), en particulier du règlement n° 883/2004. La rente de vieillesse, dont le calcul est en l’espèce litigieux, est en outre comprise dans le champ d’application matériel du règlement n° 883/2004 selon son art. 3 par. 1 let. d. Enfin, le champ d’application personnel du règlement n° 883/2004 est manifestement rempli dans la mesure où, selon l’art. 2 par. 1 dudit règlement, celui-ci s’applique notamment aux ressortissants de l’un des États membres qui – comme l’assuré qui a accompli des périodes de cotisations tant au Portugal qu’en Suisse – sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres.

Le litige relève ainsi de la coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale mise en place à la suite de l’entrée en vigueur de l’ALCP, ce que les premiers juges auraient dû examiner d’office.

Consid. 5.4
Cela étant, dans l’ATF 149 V 97, confirmant l’ATF 142 V 112 auquel s’est référé le tribunal cantonal, le Tribunal fédéral a relevé que l’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 reprenait le principe de l’application des conventions de sécurité sociale plus favorables de l’art. 7 par. 2 let. c du règlement n° 1408/71 lorsqu’en particulier l’assuré avait, comme en l’espèce, exercé son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de l’ALCP. Il a en outre considéré que la jurisprudence relative à l’applicabilité de ce principe, développée sous le régime du règlement n° 1408/71, restait applicable sous le régime du règlement n° 883/2004 (consid. 5.3).

Consid. 5.5
Il convient dès lors de déterminer, d’une part, quelles sont les conditions auxquelles une rente de vieillesse succède à une rente d’invalidité ou, selon les termes conventionnels, les conditions d’une conversion des prestations d’invalidité en prestations de vieillesse sous le régime du règlement n° 883/2004 et sous le régime de la convention Suisse-Portugal puis, d’autre part, lequel de ces deux régimes est le plus favorable à l’assuré.

Consid. 6.1
L’art. 48 du règlement n° 883/2004 prévoit la conversion de prestations d’invalidité en prestations de vieillesse selon les conditions prévues par la législation au titre de laquelle elles sont servies. Par ailleurs, l’institution, qui sert des prestations d’invalidité à un bénéficiaire admis à faire valoir son droit à des prestations de vieillesse en vertu de la législation d’un autre État membre, continue à verser les prestations d’invalidité tant que le bénéficiaire y a droit en vertu de la législation qu’elle applique. Ensuite, lorsque les prestations d’invalidité sont converties en prestations de vieillesse et que l’intéressé ne satisfait pas encore aux conditions de l’autre État pour avoir droit à ces mêmes prestations, l’intéressé bénéficie de la part de l’autre État membre de prestations d’invalidité à partir du jour de la conversion. Cette nouvelle disposition a succédé à l’art. 43 du règlement n° 1408/71. Elle y a seulement apporté des modifications d’ordre rédactionnel (Constanze Janda, in: Europäisches Sozialrecht, 8e éd. 2022, n° 1 ad art. 48 du règlement n° 883/2004, p. 428) et s’inscrit pleinement dans l’objectif de modernisation et de simplification du règlement n° 1408/71 essentiel à la mise en œuvre de la libre circulation des personnes (cf. ATF 149 V 97 consid. 5.3.3). Il n’y a dès lors pas de motif de remettre en cause la jurisprudence développée sous le régime du règlement n° 1408/71, exposée ci-après.

Consid. 6.2
Se référant notamment à l’art. 43 du règlement n° 1408/71, dans l’ATF 131 V 371, le Tribunal fédéral a été amené à examiner le cas de la conversion de la rente d’invalidité en rente de vieillesse d’une ressortissante néerlandaise, devenue suisse, qui avait accompli des périodes de cotisations aux Pays-Bas et en Suisse avant et après l’entrée en vigueur de l’ALCP. Il y a notamment retenu que les règlements de coordination n’obligeaient pas l’État, qui avait versé une rente d’invalidité intégrant les périodes d’assurance accomplies à l’étranger, à tenir compte desdites périodes pour le calcul de la rente de vieillesse qui la remplaçait. Aucune garantie de droits acquis n’était prévue pour le passage de la rente d’invalidité à la rente de vieillesse. La prise en compte des périodes de cotisations à l’étranger se faisait par le biais du versement par l’État, qui avait jusqu’alors été libéré du versement d’une prestation, d’une rente de vieillesse ou, si l’âge de la retraite prévu par cet État n’était pas atteint, d’une rente d’invalidité, sous réserve d’une solution bilatérale plus avantageuse (consid. 7-9).

Consid. 6.3
Il apparaît dès lors que, selon la coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale applicable par l’entrée en vigueur de l’ALCP, l’assuré a droit à la conversion de sa rente suisse d’invalidité en une rente suisse de vieillesse calculée en fonction exclusivement des périodes suisses de cotisations dès qu’il a atteint l’âge de la retraite en Suisse de soixante-cinq ans (cf. art. 52 du règlement n° 883/2004 et la jurisprudence y relative, arrêt 9C_440/2019 du 2 mars 2020 consid. 3 avec la référence à l’ATF 130 V 51; cf. aussi ATF 131 V 371 consid. 6.4). Il ne peut en revanche pas prétendre une rente portugaise de vieillesse tant qu’il n’a pas atteint l’âge de la retraite au Portugal de soixante-six ans et six mois. Toutefois, dans l’intervalle de ces deux dates, il peut prétendre une rente portugaise transitoire d’invalidité, calculée en fonction des périodes portugaises de cotisations. Le cumul provisoire de la rente suisse de vieillesse et de la rente portugaise d’invalidité s’applique en l’occurrence, à moins que la convention Suisse-Portugal propose une solution plus favorable à l’assuré (voir consid. 7 infra). Il doit être procédé à un nouveau calcul de la rente suisse de vieillesse une fois atteint l’âge de la retraite au Portugal.

Consid. 6.4
Le Tribunal fédéral a en outre rappelé que la garantie des droits acquis prévue à l’art. 33bis al. 1 LAVS ne se rapportait pas au montant de la rente d’invalidité calculée en tenant compte des périodes d’assurance à l’étranger. La rente de vieillesse pouvait être inférieure à la rente d’invalidité perçue jusqu’alors sans que cela ne constitue une violation de l’art. 33bis al. 1 LAVS et le calcul comparatif se faisait en fonction des périodes suisses uniquement (ATF 133 V 329 consid. 4.3; 131 V 371 consid. 3).

 

Consid. 7.1
Comme l’assuré a exercé son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de l’ALCP, il peut se prévaloir de l’application d’une convention de sécurité sociale plus favorable (cf. consid. 5.4 supra). Il faut donc déterminer si le système mis en place par la convention Suisse-Portugal est plus favorable que celui mis en place par l’ALCP.

Consid. 7.2
Selon l’art. 12 par. 2 de la convention Suisse-Portugal, les rentes ordinaires de vieillesse ou de survivants de l’assurance suisse venant se substituer à un rente d’invalidité, fixée selon le paragraphe précédent, sont calculées sur la base des dispositions légales suisses compte tenu exclusivement des périodes de cotisations suisses. Si toutefois les périodes d’assurance portugaise, compte tenu de l’art. 20 de la Convention et des dispositions d’autres Conventions internationales, n’ouvrent exceptionnellement pas droit à une prestation portugaise analogue, elles sont également prises en compte pour déterminer les périodes de cotisations qui doivent servir de base de calcul des rentes suisses susmentionnées. Selon l’art. 20 de la convention Suisse-Portugal, lorsqu’un ressortissant de l’une ou l’autre des Parties contractantes a été soumis successivement ou alternativement aux législations des deux Parties contractantes, les périodes de cotisations et les périodes assimilées accomplies selon chacune de ces législations sont totalisées, du côté portugais, dans la mesure où c’est nécessaire, pour l’ouverture du droit aux prestations qui font l’objet de la présente section, en tant que lesdites périodes ne se superposent pas. Cette disposition ne s’applique que si la durée de cotisations dans les assurances portugaises est au moins égale à douze mois.

Consid. 7.3
La juridiction cantonale a conclu que les périodes portugaises de cotisations ne devaient en l’occurrence pas être prises en compte dans le calcul de la rente de vieillesse de l’assuré. Elle a considéré que l’exception de l’art. 12 par. 2 de la convention Suisse-Portugal n’était pas réalisée dans la mesure où l’assuré n’était pas définitivement privé de la possibilité d’obtenir une rente portugaise de vieillesse mais aurait droit à une telle rente, calculée sur la base des périodes portugaises de cotisations, lorsqu’il aurait atteint l’âge de soixante-six ans et six mois.

Consid. 7.4
Cette interprétation de l’art. 12 par. 2 de la convention Suisse-Portugal ne peut pas être suivie. Dans l’ATF 112 V 145 consid. 2 ss – invoqué par l’assuré -, le Tribunal fédéral a recherché le sens qu’il fallait donner au membre de phrase « n’ouvre exceptionnellement pas droit à une prestation espagnole analogue » figurant à l’art. 9 par. 4 de la Convention de sécurité sociale du 13 octobre 1969 entre la Confédération suisse et l’Espagne (ci-après: la convention Suisse-Espagne), identique à l’art. 12 par. 2 de la convention Suisse-Portugal. Il est parvenu à la conclusion que, lorsqu’une rente de vieillesse ou de survivants de l’assurance suisse succède à une rente de l’assurance-invalidité calculée selon l’art. 9 par. 3 de la convention Suisse-Espagne, la totalisation des périodes espagnoles d’assurance et des périodes suisses de cotisations doit être appliquée, si elle est plus avantageuse pour l’assuré, quand il est établi que ce dernier ne peut prétendre une prestation espagnole analogue au moment où s’ouvre le droit à une rente suisse. Si, par la suite, le droit de l’assuré à la prestation espagnole naît, la rente suisse sera à nouveau calculée en fonction des seules périodes suisses de cotisations, conformément à l’art. 9 par. 4 première phrase de la convention Suisse-Espagne.

Consid. 7.5
Dès lors que les textes des conventions Suisse-Portugal et Suisse-Espagne sont identiques, il n’y a pas lieu de faire une interprétation différente de l’art. 12 par. 2 de la convention Suisse-Portugal que celle qui a été faite de l’art. 9 par. 4 de la convention Suisse-Espagne dans l’ATF 112 V 145. La totalisation des périodes portugaises d’assurance et des périodes suisses de cotisations doit être appliquée, si elle est plus avantageuse pour l’assuré, quand il est établi que ce dernier ne peut prétendre une prestation portugaise analogue au moment où s’ouvre le droit à une rente suisse. Si, par la suite, le droit de l’assuré à la prestation portugaise naît, la rente suisse sera à nouveau calculée en fonction des seules périodes suisses de cotisations, conformément à l’art. 12 par. 2 première phrase de la convention Suisse-Portugal. Cela signifie concrètement que l’assuré peut prétendre la prise en compte des périodes de cotisations au Portugal dans le calcul de sa rente de vieillesse jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de la retraite au Portugal, pour autant que cette solution soit plus favorable au système mis en place par le règlement n° 883/2004.

 

Consid. 8
Ni la caisse intimée ni la juridiction cantonale n’ont examiné si le système de la convention Suisse-Portugal (consid. 7) est plus favorable à l’assuré que le système du règlement n° 883/2004 (consid. 6), étant précisé que la totalisation des périodes de cotisations selon le premier système ou le cumul de la rente suisse de vieillesse et de la rente portugaise d’invalidité selon le second système ne saurait s’appliquer après que l’assuré aura atteint l’âge de soixante-six ans et six mois. Un nouveau calcul devrait alors être effectué. À cet égard, le Tribunal fédéral a déjà considéré que le point de savoir quel système était plus favorable à l’assuré nécessitait un calcul comparatif fondé sur des informations dont l’obtention ne soulevait guère de difficultés pratiques pour les autorités compétentes suisses qui pouvaient s’appuyer sur l’entraide administrative prévue dans les relations transfrontalières dans le domaine de la sécurité sociale (art. 7 de l’Arrangement administratif du 24 septembre 1976 fixant les modalités d’application de la Convention de sécurité sociale du 11 septembre 1975 entre la Suisse et le Portugal [RS 0.831.109.654.12]; art. 84 du règlement n° 1408/71; art. 76 ss du règlement n° 883/2004; art. 2 ss du Règlement [CE] n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale [RS 0.831.109.268.11]; ATF 149 V 97 consid. 5.4 et la référence). Il n’appartient au demeurant pas au Tribunal fédéral d’examiner ce point pour la première fois. En conséquence, il convient de rejeter la conclusion principale, en tant qu’elle postule le versement de la rente la plus favorable pour une durée indéterminée, et d’admettre la conclusion subsidiaire de renvoi. Il convient ainsi d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer la cause à l’administration pour qu’elle complète l’instruction dans le sens de ce qui précède et rende une nouvelle décision. Il n’y a pas lieu d’annuler la décision de rente litigieuse dont il n’est pas encore établi qu’elle soit contraire au droit.

Il n’est pas nécessaire de se prononcer sur les autres griefs de l’assuré dans la mesure où la caisse intimée devra justifier ses nouveaux calculs.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_540/2023 consultable ici

 

9C_633/2023 (f) du 24.04.2024 – Cotisations AVS sur les honoraires versés par une société anonyme à un membre du conseil d’administration résidant à Monaco – Pas d’application des conventions ALCP/AELE – 5 al. 2 LAVS – 7 let. h RAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_633/2023 (f) du 24.04.2024

 

Consultable ici

 

Cotisations AVS – Salaire déterminant / 5 al. 2 LAVS – 7 let. h RAVS

Cotisations AVS sur les honoraires versés par une société anonyme à un membre du conseil d’administration résidant à Monaco – Pas d’application des conventions ALCP/AELE

Absence de radiation au registre du commerce de la qualité d’administrateur de l’assuré

 

A.__ SA (ci-après: la société) est active notamment dans la création, la fabrication et la commercialisation de produits d’horlogerie, de bijouterie, d’orfèvrerie et de composants horlogers et industriels. B.__, ressortissant suisse domicilié à Monaco depuis 2010, a été inscrit au registre du commerce en tant qu’administrateur de la société, avec signature collective à deux, du 31.01.2007 au 04.10.2017.

À la suite d’un contrôle d’employeur portant sur les années 2012 à 2015, la caisse de compensation a réclamé à A.__ SA le paiement de la somme de 977’993 fr. 50, plus intérêts moratoires de 181’315 fr. 10, par décisions du 27.11.2017, confirmées sur opposition le 28.02.2022. Ce montant correspondait à la reprise des cotisations paritaires, frais d’administration compris, sur des rémunérations versées en 2012 (2’500’000 fr.), 2013 (2’500’000 fr.), 2014 (1’191’934 fr.) et 2015 (1’191’934 fr.) à B.__. En bref, la caisse de compensation a considéré que les rémunérations versées par la société au prénommé, conformément à la convention de consultant qu’ils avaient signée le 05.11.2012, constituaient un salaire déterminant d’une activité lucrative dépendante soumis aux cotisations sociales.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/664/2023 – consultable ici)

L’instance cantonale a considéré que durant la période litigieuse (de 2012 à 2015), en sa qualité d’organe (formel) de la société recourante, une société anonyme ayant son siège en Suisse, B.__ avait exercé une activité lucrative en Suisse et était obligatoirement assuré au sens de la LAVS (cf. art. 1a al. 1 let. b LAVS). Elle a ensuite admis que l’activité de consultant déployée par le prénommé selon la convention conclue le 05.11.2012 avait été exercée en sa qualité d’organe de la société, si bien que les rémunérations versées en contrepartie correspondaient à un salaire déterminant d’une activité dépendante.

Par jugement du 05.09.2023, rejet des recours de A.__ SA et B.__ par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
On rappellera que le salaire déterminant pour la perception des cotisations comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé (art. 5 al. 2 LAVS). Selon l’art. 7 let. h RAVS, le salaire déterminant pour le calcul des cotisations comprend notamment les tantièmes, les indemnités fixes et les jetons de présence des membres de l’administration et des organes dirigeants des personnes morales.

Lorsque des honoraires sont versés par une société anonyme à un membre du conseil d’administration, il est présumé qu’ils lui sont versés en sa qualité d’organe d’une personne morale et qu’ils doivent être, par conséquent, considérés comme salaire déterminant réputé provenir d’une activité salariée (ATF 105 V 113 consid. 3; arrêt 9C_727/2014 du 23 mars 2015 consid. 4.1 et les références). Cette présomption peut être renversée en établissant que les honoraires versés ne font pas partie du salaire déterminant. Tel est le cas lorsque les indemnités n’ont aucune relation directe avec le mandat de membre du conseil d’administration mais qu’elles sont payées pour l’exécution d’une tâche que l’administrateur aurait assumée même sans appartenir au conseil d’administration; en pareille hypothèse, l’intéressé agit en qualité de tiers vis-à-vis de la société et le gain découlant d’une telle activité se caractérise comme un revenu d’une activité indépendante (ATF 105 V 113 consid. 3; arrêts 9C_727/2014 précité consid. 4.1; 9C_365/2007 du 1er juillet 2008 consid. 5.1).

Consid. 3.3
La qualification, au regard des dispositions légales sur les cotisations à l’assurance-vieillesse et survivants, relève d’une question de droit, que le Tribunal fédéral examine librement. Les éléments de fait sur lesquels se fondent les conclusions en droit constituent en revanche des questions de fait soumises au pouvoir d’examen limité du Tribunal fédéral (ATF 144 V 111 consid. 3; arrêt 9C_64/2019 du 25 avril 2019 consid. 2.1).

 

Consid. 5.2.1
Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, dûment rappelée et appliquée par les juges cantonaux, est considéré comme exerçant une activité lucrative en Suisse (au sens de l’art. 1a al. 1 let. b LAVS) et doit payer des cotisations sur les revenus en découlant celui qui est inscrit au registre du commerce comme administrateur, comme directeur ou au titre d’une autre fonction dirigeante d’une personne morale ayant son siège en Suisse et se trouve en mesure d’exercer une influence déterminante sur l’activité de la société suisse, même s’il a son domicile à l’étranger; peu importe qu’il n’use pas effectivement de ses compétences et que la gestion effective de la société soit déléguée à d’autres personnes (ATF 119 V 65 consid. 3b; cf. aussi arrêt 9C_105/2011 du 12 octobre 2011 consid. 4.2).

Consid. 5.2.2
L’argumentation de la société recourante relative à « la date de remise à A.__ SA de la lettre de démission [de B.__] du 05.11.2012 » et quant au « caractère effectif de la démission » est mal fondée. En effet, la juridiction cantonale a considéré que même à admettre que la démission donnée par le prénommé le 05.11.2012 ait été effective, il avait conservé la qualité d’organe de la société durant toute la période litigieuse (de 2012 à 2015), dès lors que la radiation, au registre du commerce, de sa qualité d’administrateur de A.__ SA, n’était intervenue qu’au mois d’octobre 2017.

A ce propos, on rappellera, à la suite de l’instance cantonale et comme le reconnaît la société recourante, que l’inscription au registre du commerce n’a pas un effet constitutif pour la fin des fonctions, la manifestation de volonté qui met un terme à celles-ci produisant ses effets dès qu’elle est parvenue dans la sphère de puissance de son destinataire, indépendamment de l’inscription (cf. GUILLAUME VIANIN, in: Commentaire romand, CO II, 2e éd. 2017, n. 2 ad art. 938b CO et les références). Or en l’occurrence, la société recourante se contente d’affirmer qu’à partir du 05.11.2012, B.__ n’était plus « ni organe formel, ni organe de fait » de A.__ SA, en se référant aussi aux procès-verbaux de l’assemblée générale ordinaire des actionnaires de la société des années 2013 et suivantes, qui ne faisaient plus mention du prénommé. Ce faisant la société ne démontre pas que et en quoi la considération de la juridiction cantonale, selon laquelle elle avait un intérêt – évident – à ce que B.__ figure toujours comme un administrateur au registre du commerce, serait arbitraire ou autrement contraire au droit. Les juges cantonaux ont exposé à ce propos que l’inscription du prénommé au registre du commerce en tant qu’administrateur montrait aux tiers, afin de maintenir leur confiance envers la marque et la société elle-même, que B.__ n’était pas seulement un consultant pour elle mais également un organe (formel) partie prenante aux décisions la concernant. La juridiction cantonale n’a ainsi pas opéré un « amalgame » entre, d’une part, la représentation d’un point de vue marketing à des fins de communication et de publicité découlant de la convention conclue entre B.__ et la société et, d’autre part, la représentation juridique découlant de la fonction d’administrateur du prénommé, contrairement à ce qu’allègue la société recourante. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de s’écarter de la conclusion des juges cantonaux, quant au maintien – volontaire – de la qualité d’administrateur de la société de B.__ durant toute la période litigieuse.

Consid. 5.2.3
En conséquence, compte tenu de la qualité de B.__ d’administrateur de A.__ SA, inscrit au registre du commerce de 2007 à 2017, les revenus en découlant sont soumis à la perception des cotisations sociales. Le fait que le prénommé n’aurait pas exercé une influence déterminante sur la marche des affaires de la société, comme le prétend la société recourante, n’est pas déterminant puisqu’il suffit que l’intéressé en eût eu la possibilité conformément à sa position d’organe formel de la société anonyme (consid. 5.2.1 supra). Dans la mesure où la Principauté de Monaco – où est domicilié B.__ depuis 2010 – n’est pas partie à l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681), ni à l’Association européenne de libre-échange (AELE) ni à une autre convention bilatérale avec la Suisse, la législation suisse – notamment l’art. 1a al. 1 let. b LAVS – est applicable, comme l’a dûment exposé la juridiction cantonale. Le recours est mal fondé sur ce point.

Consid. 5.2.4
Le fait qu’une partie des activités de B.__ se soit déroulée à l’étranger ne joue pas de rôle non plus. Comme l’a indiqué le Tribunal cantonal, un membre du conseil d’administration d’une société qui a son siège en Suisse est réputé exercer son activité en Suisse (consid. 5.2.1 supra).

 

Consid. 5.3.1
En ce que la société se contente d’affirmer que B.__ « ne disposait d’aucun pouvoir de représentation au sens des art. 716 ss CO », elle n’expose pas en quoi la qualification de salaire opérée par les juges cantonaux serait contraire au droit. Ceux-ci ont en particulier constaté que selon la convention conclue le 05.11.2012, l’activité de consultant consistait à assister la société pour la représentation et la promotion de la marque – dont le nom est celui de B.__ de même que de la société recourante avec les initiales -, en particulier lors d’événements internationaux. La juridiction cantonale a admis que cette activité entrait dans le cadre de la fonction de B.__ d’administrateur de A.__ SA et qu’il importait peu que cette activité de représentation eût le cas échéant été limitée à la promotion de la marque, au marketing et au prestige, domaines qui ne sont du reste pas exclus de la fonction d’administrateur d’une société anonyme (cf. art. 716 à 721 CO a contrario). Dans ce contexte, c’est en vain que la société recourante se prévaut de l’art. 2.4 de la convention de consultant, selon lequel l’activité de représentation de B.__ n’inclut pas le pouvoir de conclure des contrats ou de prendre d’une autre façon un engagement à son nom et pour son compte. En effet, conformément à l’art. 718a al. 2 CO, une limitation des pouvoirs de représentation d’un membre du conseil d’administration d’une société anonyme n’a aucun effet envers les tiers de bonne foi, à l’exception des clauses inscrites au registre du commerce qui concernent la représentation exclusive de l’établissement principal ou d’une succursale ou la représentation commune de la société. Or en l’occurrence, la restriction des pouvoirs de représentation de B.__ découlant de l’art. 2.4 de la convention du 05.11.2012 n’a pas été inscrite au registre du commerce, ce que la société recourante ne conteste pas. Par ailleurs, en ce qu’elle affirme que les honoraires qu’elle a versés à B.__ conformément à la convention de consultant du 05.11.2012 l’ont été pour « une activité sans lien avec une hypothétique et contestée activité d’organe », la société recourante n’établit nullement que le prénommé aurait exercé les activités en cause indépendamment de sa fonction d’organe. Elle ne parvient dès lors pas à renverser la présomption découlant des art. 5 al. 2 LAVS et 7 RAVS selon laquelle les honoraires versés à un organe d’une personne morale constituent un salaire déterminant (consid. 3.2 supra).

Consid. 5.3.2
C’est également en vain que la société se prévaut encore de certaines autres clauses de la convention de consultant la liant à B.__ pour affirmer que celui-ci aurait exercé une activité indépendante. Elle allègue en particulier à ce propos que l’intéressé disposait d’une très grande liberté quant aux événements auxquels il pouvait prendre part. L’argumentation de la société est mal fondée, dès lors déjà qu’en ce qui concerne le critère de la dépendance à un employeur quant à l’organisation du travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise, le fait invoqué par la société n’apparaît pas à lui seul déterminant (concernant les critères permettant de savoir si l’on a affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou salariée, cf. ATF 149 V 57 consid. 6; 123 V 161 consid. 1 et les références).

Quant à la clause de la convention selon laquelle B.__ exécutait « ses services en tant que mandataire indépendant », en assumant « tous risques de maladie, accident, etc. » et en supportant seul « toute perte, frais ou dommage en résultant », la société recourante ne saurait rien en tirer non plus en sa faveur. Elle n’explique en effet pas en quoi la considération de la juridiction cantonale, selon laquelle cette clause ne constitue qu’une déclaration générale des parties à la convention, à vérifier avec les autres clauses, serait arbitraire ou d’une autre manière contraire au droit. Au demeurant, sous l’angle du risque économique, la société ne conteste pas la considération des juges cantonaux selon laquelle de par l’exécution de ses missions de consultant, B.__ n’avait pas été obligé de consentir à des investissements importants ou de supporter un risque de pertes financières, ce d’autant moins que ses frais principaux de voyages (frais d’hôtel et billets d’avions) étaient payés à l’avance par A.__ SA. Partant, la considération de la juridiction cantonale, selon laquelle les éléments en faveur d’une activité dépendante prédominaient dans le cas présent, doit être confirmée. Le recours est mal fondé sur ce point également.

 

Consid. 6
Eu égard à ce qui précède, il n’y a pas lieu de s’écarter des considérations de la juridiction de première instance, selon lesquelles les rémunérations perçues par B.__ durant la période litigieuse (de 2012 à 2015) constituaient un salaire déterminant provenant d’une activité dépendante et étaient soumises à cotisations sociales. Pour le surplus, la société recourante n’a pas contesté que les salaires tels que rapportés par la caisse de compensation étaient établis par pièces, si bien que les juges cantonaux étaient fondés à confirmer la quotité du montant réclamé à titre de cotisations sociales.

 

Le TF rejette le recours de A.__ SA.

 

 

Arrêt 9C_633/2023 consultable ici

 

8C_631/2022 (i) du 24.03.2023 – Délai de recours pour un assuré résidant en Italie – Dépôt du recours à la poste italienne / Notion de résidence selon Règl. n° 883/2004 et 13 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_631/2022 (i) du 24.03.2023

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Délai de recours pour un assuré résidant en Italie – Dépôt du recours à la poste italienne / 39 LPGA – 60 LPGA

Pas d’application de l’ALCP ni du Règl. (CE) no 883/2004

Notion de résidence selon Règl. n° 883/2004 et 13 LPGA

 

Assuré, ressortissant italien né en 1983, a travaillé pendant plusieurs années en Suisse en tant qu’ouvrier du bâtiment. Accident le 09.08.2016.

Par décision du 30.12.2020, envoyée directement à l’avocat de l’assuré résidant en Italie, l’assurance-accidents a octroyé une rente d’invalidité de 12% dès le 01.01.2021. Par décision sur opposition du 09.02.2021, notifiée directement à l’avocat de l’assuré le 16.02.2021, l’assurance-accidents a confirmé la décision du 30.12.2020.

 

Procédure cantonale

L’assuré a recouru contre la décision sur opposition auprès du tribunal cantonal. L’acte de recours daté du 16.03.2021 a été remis à la poste italienne le 18.03.2021 et est parvenu au tribunal le 24.03.2021. Dans un arrêt du même jour, le tribunal cantonal n’est pas entré en matière sur le fond du recours en raison de la tardiveté de celui-ci.

Dans son arrêt 8C_307/2021 du 25.08.2021, le Tribunal fédéral a admis le recours formé par l’assuré, annulant le jugement du 24.03.2021 et renvoyant la cause à l’instance cantonale. Le Tribunal fédéral a notamment relevé que le tribunal cantonal avait constaté le domicile de l’assuré – fait déterminant pour la détermination du droit applicable (interne ou international) en matière de computation du délai de recours et de mode de notification des actes – sans procéder aux actes d’instruction nécessaires et sans garantir à l’assuré le droit d’être entendu.

Dans un arrêt du 09.03.2022, le tribunal cantonal n’est pas entré en matière sur le recours du 16.03.2021, le considérant comme tardif.

 

TF

Consid. 4.1
L’assuré reproche à la cour cantonale d’avoir mal interprété l’Accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ci-après : ALCP [RS 0.142.112.681]) et le Règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (ci-après : Règlement n° 883/2004 [RS 0.831.109.268.1]), dans la mesure où, pour déterminer l’applicabilité (ou non) du droit international précité, elle a procédé à l’établissement de l’existence d’un élément transfrontalier du litige, à savoir son lieu de résidence. Selon l’assuré, , se fondant sur l’art. 2 par. 1 du Règlement n° 883/2004, le simple fait qu’il soit ressortissant italien entraînerait automatiquement l’application de ce règlement, selon lequel, en vertu de l’art. 81 (demandes, déclarations ou recours), la remise d’une demande ou d’un recours à la poste d’un État membre – autre que celui qui détermine la loi applicable à l’affaire – sauvegarde le délai de recours à la poste, de sorte que le recours doit être considéré comme opportun.

Consid. 4.2
Dans les considérants de l’arrêt attaqué, la cour cantonale a exposé de manière complète et détaillée les règles de droit et les principes jurisprudentiels nécessaires à la résolution de la cause, en rappelant notamment les délais de recours et les règles de computation et de respect des délais en droit national (en particulier les art. 39 et 60 LPGA), ainsi qu’en droit européen (art. 81 Règlement n° 883/2004). Il est possible de s’y référer et de s’y conformer.

Appelé à se prononcer concrètement sur la législation applicable, le tribunal cantonal a ensuite relevé que, pour que l’assuré puisse invoquer l’ALCP et les règlements européens, il est indispensable que la cause présente un élément transfrontalier. Comme en l’espèce le litige relatif aux prestations sociales contestées était prima facie circonscrit à la Suisse, où il travaillait et vivait depuis de nombreuses années, la cour cantonale a donc procédé à la vérification de son lieu de résidence au moment où il a déposé son recours par l’intermédiaire de ses avocats, ainsi que le Tribunal fédéral l’a expressément indiqué dans son arrêt de renvoi (8C_307/2021 consid. 5.2-5.3).

Consid. 4.3
En ce qui concerne le champ d’application personnel (ratione personae) de l’ALCP et du Règlement n° 883/2004, le Tribunal fédéral a jugé que les éléments déterminants pour cette appréciation sont, d’une part, les conditions de nationalité ou de statut familial de la personne et, d’autre part, l’élément transfrontalier, à savoir l’exercice du droit à la libre circulation, c’est-à-dire le fait de résider ou de travailler dans un État membre de l’UE (ATF 143 V 81 consid. 8.1 et 8.3.2). Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), à laquelle le Tribunal fédéral se réfère généralement pour l’application de l’ALCP (voir ATF 143 II 57 consid. 3.6 ; 139 II 393 consid. 4. 1), les dispositions européennes relatives à la coordination des systèmes de sécurité sociale ne sauraient en effet s’appliquer à des activités qui n’ont de lien avec aucune des situations couvertes par le droit communautaire et dont les éléments pertinents restent dans l’ensemble confinés à l’intérieur d’un seul État membre (arrêt pro multis du 5 mai 2011 C-434/09 McCarthy, consid. 45). Il y a caractère transfrontalier lorsqu’une personne, une affaire ou une demande a une relation juridique avec plusieurs États de l’UE. Dans ce cas, le lieu de résidence ou de travail entre notamment en ligne de compte (ATF 143 V 81 consid. 8.3.1 ; voir BETTINA HUMMER, in Europäisches Sozialrecht, Maximilian Fuch/Constanze Janda [éd.], 8e éd. 2022, no. 16 ad art. 2 du Règlement [CE] no 883/2004). Le seul fait de posséder la nationalité d’un État de l’UE ne suffit donc pas pour appliquer les règlements européens de sécurité sociale si la personne concernée n’a pas exercé son droit à la libre circulation (lien transfrontalier). Par conséquent, l’interprétation faite par le tribunal cantonal est conforme au droit international. L’assuré ne saurait donc être suivie lorsque, ignorant la jurisprudence fédérale constante, elle procède à une réanalyse générale de l’art. 2 par. 1 du Règlement no 883/2004 pour aboutir au résultat que le seul fait de posséder la nationalité d’un État communautaire, indépendamment de l’exercice ou non du droit à la libre circulation, entraînerait l’application personnelle du règlement précité.

 

Consid. 5.1
Le tribunal cantonal a tout d’abord constaté la présence de deux attestations de domicile contradictoires : l’extrait du service de l’état civil du canton des Grisons du 25.03.2021 indiquait que l’assuré était domicilié dans la commune de V.__ depuis 2018, alors que les certificats des 14.04.2021 et 26.11.2021 délivrés par la commune de W.__ (Italie) attestaient qu’il était domicilié dans la commune depuis le 27.10.2020. Les juridictions grisonnes ont également constaté que le contrat de location de l’appartement à V.__ – loué depuis le 01.04.2018 – n’avait pas encore été résilié et que l’assuré avait payé le loyer sans interruption, au moins jusqu’en juin 2021. Le tribunal cantonal a ensuite relevé que l’assuré était un citoyen italien titulaire d’un permis L UE/AELE de séjour temporaire, qu’il avait travaillé en Suisse pendant au moins sept ans en percevant un salaire stable jusqu’à son accident et qu’il était assujetti à l’impôt à la source depuis 2010. L’enquête a ensuite permis d’établir que l’assuré percevait des indemnités de chômage à partir du 01.01.2021, indemnités qui requièrent légalement une résidence effective en Suisse, et que dans le cadre de l’inscription au chômage, tant l’assuré que les autorités communales ont confirmé résider dans la commune de V.__. Pendant la période en question, soit entre février et mars 2021, il avait en outre témoigné de ses efforts personnels pour trouver un emploi en Suisse. La cour cantonale a finalement constaté que l’assuré était titulaire d’un abonnement de téléphonie mobile suisse – en Italie, il ne disposait que d’une carte prépayée – et que ses principales dépenses, constatées sur la base de la documentation bancaire, étaient principalement concentrées en Suisse. Sur la base des éléments du dossier, le tribunal cantonal a donc conclu que le requérant, bien que citoyen italien, non inscrit à l’Anagrafe dei Residenti all’Estero (AIRE) et propriétaire d’un bien immobilier à W.__, n’avait pas établi un lien avec l’Italie de nature à y reconnaître une résidence habituelle, à savoir avec l’intention de la maintenir pendant un certain temps et d’en faire le centre de ses relations personnelles durant cette période.

Consid. 5.2
L’assuré reproche à l’instance cantonale d’avoir déterminé son domicile de manière arbitraire et d’avoir appliqué à cet effet une base légale et des critères erronés. Il reproche en particulier au tribunal cantonal d’avoir retenu à tort la notion de résidence habituelle au sens de l’art. 13 al. 2 LPGA et de l’art. 8 al. 1 lit. c LACI, au lieu de celle de domicile au sens de l’art. 23 CC, pour en déduire les critères de résidence au sens de l’article 1er lit. j Règlement n° 883/2004. En raison de la détention d’un permis L UE/AELE, qui ne peut en aucun cas être assimilé à un séjour en Suisse, il ne devrait également être considéré que comme un résident temporaire. En ce qui concerne les constatations de fait manifestement inexactes, l’assuré soutient que le tribunal cantonal a totalement ignoré le fait qu’au moment du dépôt du recours, il avait la nationalité italienne, n’était pas inscrit auprès de l’AIRE, ne travaillait pas, voyageait fréquemment d’Italie en Suisse et vice versa, qu’il était propriétaire d’un bien immobilier en Italie et titulaire d’un permis L UE/AELE valable pour trois mois seulement. Il ressort de ces éléments qu’il entretenait des relations juridiques avec l’Italie et qu’il ne se rendait en Suisse que pour des raisons professionnelles et administratives, sans avoir l’intention de s’y installer durablement. En conclusion, le requérant reproche à l’instance cantonale d’avoir appliqué à tort le droit fédéral – art. 39 al. 1 et 60 LPGA – au lieu du droit international, déclarant ainsi le recours irrecevable pour tardiveté.

Consid. 5.3
Selon l’art. 1er lit. j du Règl. n° 883/2004 – qui correspond à l’ancien art. 1er lit. h du Règlement [CE] n° 1408/71, abrogé avec effet au 1er avril 2012 -, la résidence est le lieu où une personne réside habituellement. Le terme de résidence constitue, en principe, une notion autonome et propre du droit communautaire européen (arrêt [de la CJUE] du 11 septembre 2014 C-394/13 Ministerstvo práce a sociálních vecí, point 26 ; arrêt 8C_186/2017 du 1er septembre 2017 consid. 7.5). L’art. 11 du Règlement d’exécution [CE] n° 987/2009 (RS 0.831.109.268.11) assimile la résidence au centre des intérêts de la personne concernée, qui est déterminé par une appréciation globale des circonstances. Cet article codifie également les éléments développés par la jurisprudence de la CJUE qui peuvent être pris en compte pour déterminer le centre d’intérêts susmentionné, tels que, par exemple, la durée et la continuité de la présence sur le territoire des États membres concernés, l’exercice d’une activité ou la situation et les liens de la famille (arrêt C-394/13, point 34 ; cf. point 5). Enfin, la définition de la résidence diffère de celle du séjour à l’art. 1er lit. k du Règl. n° 883/2004, qui est défini comme un séjour purement temporaire. Dans le cadre des accords sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne, notamment dans l’application des règlements européens sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, le Tribunal fédéral a déjà constaté, sur la base de la jurisprudence de la CJUE, que le droit communautaire laisse largement ouverte la question de la détermination de la résidence et confie généralement cette notion au droit national respectif (ATF 138 V 533 consid. 4.2, 186 consid. 3.3.1).

Du point de vue du Règl. n° 883/2004, la jurisprudence fédérale a ainsi établi que la résidence est le lieu où se trouve le centre de vie de la personne ; elle peut dépendre à la fois de circonstances subjectives, fondées principalement sur la volonté de la personne concernée, et de circonstances objectives, qui sont déterminées par les conditions de vie extérieures et qui peuvent également diverger de la volonté déclarée (ATF 138 V 186 consid. 3.3.1). Toutefois, ce sont les aspects objectifs et non les aspects subjectifs qui sont déterminants pour le jugement (ATF 148 V 209 consid. 4.3 ; 138 V 533 consid. 4.2). En outre, la simple durée de résidence dans un État membre de l’UE n’est pas décisive pour déterminer le lieu de résidence (HUMMER, op. cit., n° 20 à l’art. 1 du Règl. n° 883/2004 avec les références à la jurisprudence de la CJUE). Ce qui est déterminant, en revanche, c’est de savoir si la personne concernée a localisé (ou non) le centre de ses intérêts dans l’État en question. Pour ce faire, il faut tenir compte de la nature de la profession exercée, du but de l’absence du pays d’origine, de la situation familiale et de l’intention de l’intéressé de retourner au lieu où il était précédemment employé, démontrée par l’ensemble des circonstances (ATF 138 V 186 consid. 3.3.1 ; 133 V 137 consid. 7.2 ; 131 V 222 consid. 7.4). Sur la base de l’art. 11 par. 1 lit. b du Règl. n° 987/2009, la situation de vie de la personne concernée peut également être prise en compte.

Comme l’a relevé à juste titre le tribunal cantonal, la définition de la résidence en droit communautaire correspond, pour l’essentiel, à celle du droit interne (ATF 148 V 209 consid. 4.3). En effet, selon l’art. 13 al. 2 LPGA, une personne a sa résidence habituelle (« propria dimora abituale » ; « gewöhnlicher Aufenthalt ») au lieu où elle vit pendant une période prolongée, même si la durée du séjour est d’emblée limitée. Il s’agit d’une notion créée par la jurisprudence fédérale (cf. ATF 119 V 98 consid. 6c) et propre au droit des assurances sociales. Selon une jurisprudence constante, la résidence habituelle au sens de la disposition précitée suppose donc un séjour effectif en Suisse et l’intention de le maintenir pendant un certain temps, même si la durée du séjour est d’emblée limitée ; en outre, le centre des relations de la personne doit se trouver en Suisse (ATF 141 V 530 consid. 5.3 ; 119 V 98 consid. 6c ; 112 V 164 consid. 1a). Ainsi, du point de vue du droit interne également, le domicile au sens de la résidence habituelle se situe là où se trouve le centre de vie de la personne concernée.

Consid. 5.4
L’assuré, sauf de manière générale, ne démontre pas le caractère insoutenable des constatations de l’instance cantonale. Dans la mesure où il se concentre notamment sur l’appréciation de la cour cantonale au regard des faits de la cause et du but allégué de son séjour en Suisse, il ne démontre pas leur caractère manifestement infondé, mais se contente d’opposer abusivement son opinion à celle des juges cantonaux. En tout état de cause, le raisonnement du tribunal cantonal est convaincant. Les circonstances factuelles évoquées par l’assuré ne suffisent pas à remettre en cause le raisonnement de la cour cantonale.

En effet, les considérants détaillés de la décision attaquée montrent que la cour cantonale a apprécié tous les éléments pertinents pour l’établissement des faits et a examiné de manière approfondie les griefs de l’assuré. Plus précisément, la cour cantonale a relevé que l’absence d’enregistrement AIRE ne prouve pas en soi l’absence de résidence à l’étranger et que la possibilité pour l’assuré d’un renouvellement illimité des permis UE/AELE de type L ne saurait raisonnablement prouver, au vu de tous les autres éléments du dossier, qu’il n’avait pas l’intention de résider durablement en Suisse. D’ailleurs, il est resté en Suisse malgré les blessures qu’il a subies. Même le fait qu’il ait acheté un bien immobilier en Italie ne semble pas déterminant pour admettre le retour de l’assuré dans son pays d’origine, puisque le bail de l’appartement en Suisse est toujours en cours. L’instance cantonale a ensuite pris acte du refus de l’assuré de déclarer le moment du prétendu déménagement en Italie et de produire les documents fiscaux italiens pour les années 2019-2020 et l’éventuelle résiliation du bail de l’appartement en Suisse. Par conséquent, pour la cour cantonale, des éléments plus concrets étaient nécessaires pour conclure à un déménagement en Italie. On ne saurait donc admettre que la cour cantonale ait déterminé le domicile de l’assuré par une interprétation insoutenable et en contradiction flagrante avec les documents de la cause.

Consid. 5.5
A cet égard, l’assuré semble oublier qu’en matière d’assurances sociales, la vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 III 264 consid. 5.2). Le juge fonde sa décision sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références).

En l’espèce, il est plus vraisemblable que le centre des relations personnelles de l’assuré se trouvait dans le canton des Grisons, où il a travaillé et vécu pendant des années et bénéficié de prestations sociales qui, selon la loi, exigent une résidence effective en Suisse, et non en Italie, où il semble n’avoir fait qu’acquérir un bien immobilier. En outre, le refus de l’assuré de déclarer au tribunal cantonal la date de son prétendu déménagement en Italie est également révélateur. A cet égard, après avoir dûment analysé les éléments de preuve, en particulier le dossier relatif aux prestations de l’assurance-chômage en Suisse, les documents bancaires et les documents relatifs à la location en Suisse, la cour cantonale a estimé, conformément au droit fédéral, que les circonstances invoquées par l’assuré n’étaient pas suffisantes pour établir une résidence habituelle en Italie. Il s’ensuit que les critiques de l’assuré ne sont pas fondées à cet égard. La cour cantonale n’ayant pas constaté arbitrairement la résidence de l’assuré en Suisse, c’est donc à juste titre qu’elle a considéré que le recours déposé était tardif (art. 39 al. 1 et 60 LPGA ; cf. arrêt de renvoi 8C_307/2021 du 25 août 2021 consid. 4).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_631/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_631/2022 (i) du 24.03.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/09/8c_631/2022)

 

9C_198/2022 (f) du 30.05.2023, destiné à la publication – Montant de la rente d’invalidité AI – Coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale / ALCP – Règl. (CE) n° 883/2004 – Convention de sécurité sociale entre la Suisse et le Portugal

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_198/2022 (f) du 30.05.2023, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Montant de la rente d’invalidité AI – Coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale / ALCP – Règl. (CE) n° 883/2004 – Convention de sécurité sociale entre la Suisse et le Portugal

Prise en compte des périodes de cotisations accomplies au Portugal / art. 12 de la Convention entre la Suisse et le Portugal.

 

Assuré, ressortissant portugais, a travaillé dans son pays d’origine de 1973 à 1983 et en Suisse depuis 1985, où il s’est installé en mars 1989. L’office AI lui a octroyé une rente entière d’invalidité dès le 01.01.2018. Sa rente s’élevait à 1’592 fr. par mois (à partir du 01.09.2021). Elle était calculée en fonction d’un revenu annuel moyen déterminant de 48’756 fr., d’une durée de cotisations de 30 années et 8 mois, ainsi que de l’échelle de rente 37.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2021 173 – consultable ici)

Par jugement du 27.08.2015, rejet du recours de l’assuré – reprochait à l’office AI de ne pas avoir pris en compte ses périodes de cotisations accomplies au Portugal – par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
L’assuré est un ressortissant d’un Etat partie à l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP). Il a exercé des activités salariées en Suisse et est au bénéfice d’une rente de l’assurance-invalidité suisse. Le litige relève ainsi de la coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale.

Consid. 3.2
Jusqu’au 31 mars 2012, les Parties à l’ALCP appliquaient entre elles le Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (RO 2004 121; ci-après: le règlement n° 1408/71). Une décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31 mars 2012 (RO 2012 2345) a actualisé le contenu de l’Annexe II à l’ALCP avec effet au 1er avril 2012. Il a été prévu, en particulier, que les Parties appliqueraient désormais entre elles le Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le Règlement (CE) n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (ci-après: le règlement n° 883/2004; RS 0.831.109.268.1).

Consid. 3.3
Le droit de l’assuré à une rente d’invalidité est en l’espèce né le 01.01.2018, après l’entrée en vigueur du règlement n° 883/2004. Ratione temporis, le présent cas doit ainsi être tranché à la lumière de ce règlement.

Consid. 4.1
Au préalable, il convient de rappeler qu’avec l’entrée en vigueur simultanée de l’ALCP et du règlement n° 1408/71 le 1er juin 2002, la coordination des régimes de sécurité sociale entre la Suisse et le Portugal était passée d’un système de convention dite de type A à un système de convention dite de type B. Le premier système était celui dans lequel l’invalide qui en remplit les conditions reçoit une seule rente d’invalidité versée par l’assurance à laquelle il était affilié lors de la survenance de l’invalidité en fonction de la totalité des périodes de cotisations, y compris celles accomplies dans l’autre pays. Tel était le cas de la Convention de sécurité sociale du 11 septembre 1975 entre la Suisse et le Portugal (ci-après: la Convention entre la Suisse et le Portugal; RS 0.831.109.654.1). Le second système était celui dans lequel l’invalide qui a cotisé successivement dans les deux Etats perçoit une rente partielle de chacun des pays concernés calculée au pro rata des périodes d’assurance accomplies.

Consid. 4.2
Sous le titre « Relation entre le présent règlement et d’autres instruments de coordination », l’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 prévoit: « Dans son champ d’application, le présent règlement se substitue à toute convention de sécurité sociale applicable entre les Etats membres. Toutefois, certaines dispositions de conventions de sécurité sociale que les Etats membres ont conclues avant la date d’application du présent règlement restent applicables, pour autant qu’elles soient plus favorables pour les bénéficiaires ou si elles découlent de circonstances historiques spécifiques et ont un effet limité dans le temps. Pour être maintenues en vigueur, ces dispositions doivent figurer dans l’annexe II. Il sera précisé également si, pour des raisons objectives, il n’est pas possible d’étendre certaines de ces dispositions à toutes les personnes auxquelles s’applique le présent règlement. »

Consid. 4.3
Sous le régime du règlement n° 1408/71, le Tribunal fédéral a rappelé que l’art. 20 ALCP prévoyait la suspension des conventions bilatérales entre la Suisse et les Etats parties. Selon cet article, sauf disposition contraire découlant de l’annexe II, les accords de sécurité sociale bilatéraux entre la Suisse et les Etats membres de la Communauté européenne étaient suspendus dès l’entrée en vigueur du présent accord, dans la mesure où la même matière était réglée par le présent accord. Le Tribunal fédéral a par ailleurs retenu que sa jurisprudence rendue sous le régime du règlement n° 1408/71 (ATF 133 V 329) n’excluait pas qu’un assuré fût mis au bénéfice d’une disposition plus favorable d’une convention bilatérale de sécurité sociale, pour autant qu’il eût exercé son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de l’ALCP (ATF 142 V 112).

Dans ce dernier cas, le Tribunal fédéral a examiné la situation d’un ressortissant portugais qui résidait en Suisse depuis 1989, avait bénéficié d’une rente entière de l’assurance-invalidité suisse pour la période du 01.10.1997 au 30.04.1999 et percevait une demi-rente de l’assurance-invalidité suisse depuis le 01.01.2009. Il a jugé que les périodes de cotisations accomplies par l’assuré au Portugal avant son arrivée en Suisse devaient être prises en compte dans le calcul de sa demi-rente pour autant que cette solution fût plus favorable à l’assuré. Il s’est fondé sur l’ATF 133 V 329 selon lequel il y avait lieu de reprendre le principe de l’application des dispositions plus favorables d’une convention bilatérale de sécurité sociale, tel que dégagé par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE; devenue entre-temps la Cour de justice de l’Union européenne [CJUE]; arrêt du 7 février 1991, Rönfeldt, C-227/89, Rec. 1989, p. I-323, précisé par l’arrêt du 9 novembre 1995, Thévenon, C-475/93, Rec. 1995, p. I-3813). Selon la CJCE, l’application du règlement n° 1408/71 ne devait pas conduire à la perte des avantages de sécurité sociale résultant de conventions de sécurité sociale en vigueur entre deux ou plusieurs Etats membres et intégrées à leur droit national. Autrement dit, le travailleur qui avait exercé son droit à la libre circulation des personnes ne devait pas être pénalisé du fait des règlements communautaires par rapport à la situation qui aurait été la sienne si elle avait été régie par la seule législation nationale. La jurisprudence européenne reposait aussi sur l’idée que l’intéressé était en droit, au moment où il avait exercé son droit à la libre circulation, d’avoir une confiance légitime dans le fait qu’il pourrait bénéficier des dispositions de la convention bilatérale (arrêt du 5 février 2002, Kaske, C-277/99, Rec. 2002 p. I-1261, point 27). Le principe selon lequel l’application de la réglementation européenne de coordination ne devait pas entraîner la diminution (ou la perte) des avantages de sécurité sociale prévus par des conventions de sécurité sociale a été développé à partir de l’arrêt Petroni (arrêt de la CJCE du 24 octobre 1975, Petroni, 24/75 Rec. p. 1149; cf. arrêt Röntfeldt précité, point 26). Dans cet arrêt, la CJCE a reconnu que les dispositions du règlement n° 1408/71 ne pouvaient pas être appliquées de manière à priver un travailleur migrant du bénéfice d’une prestation résultant de la seule législation nationale ou à réduire son montant. La doctrine parle à cet égard du « principe Petroni » (ARNO BOKELOH, Das Petroni-Prinzip des Europäischen Gerichtshofes, ZESAR 03/12 p. 121 ss; cf. aussi SEAN VAN RAEPENBUSCH, Les rapports entre le Règlement [CEE] n° 1408/71 et les conventions internationales dans le domaine de la sécurité sociale des travailleurs circulant à l’intérieur de la communauté, Cahiers de droit européen 1991, p. 449 ss).

Consid. 5.1
Dans l’ATF 142 V 112, le Tribunal fédéral a relevé que l’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 reprenait le principe de l’application des conventions de sécurité sociale plus favorables (cf. art. 7 par. 2 let. c du règlement n° 1408/71), que les dispositions plus favorables de ces conventions devaient figurer à l’annexe II du règlement pour être maintenues en vigueur et que l’annexe II ne contenait aucune disposition concernant les relations entre la Suisse et le Portugal. Il a laissé ouverte la question de savoir si la jurisprudence de l’ATF 133 V 329 (cf. consid. 4.3 supra) et la jurisprudence européenne sur laquelle elle se fondait demeuraient applicables sous le régime du règlement n° 883/2004 dans la mesure où l’assuré avait droit quoi qu’il en soit au maintien de sa situation acquise au 31 mars 2012.

Consid. 5.2
L’assuré se prévaut de l’application des dispositions de la Convention entre la Suisse et le Portugal en vertu de la jurisprudence publiée aux ATF 142 V 112. Comme il est en l’occurrence un ressortissant portugais qui a exercé son droit à la libre circulation en travaillant en Suisse dès 1985 (avant l’entrée en vigueur de l’ALCP) et dont le droit à une rente entière de l’assurance-invalidité suisse est né le 01.01.2018 (après l’entrée en vigueur du règlement n° 883/2004), il convient de répondre à la question laissée ouverte dans l’ATF 142 V 112.

Il s’agit donc de déterminer s’il y a lieu de tenir compte, ou non, des périodes de cotisations accomplies au Portugal conformément à l’art. 12 de la Convention entre la Suisse et le Portugal.

 

Consid. 5.3.1
Comme mentionné (cf. consid. 4.2 et 5.1 supra), l’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 reprend le principe de l’applicabilité des dispositions plus favorables des conventions bilatérales de sécurité sociale sous réserve que ces dispositions figurent à l’annexe II. Cette annexe ne contient aucune disposition maintenue en vigueur dans les relations entre la Suisse et le Portugal. Le fait que le règlement n° 883/2004 est une convention de type B (cf. consid. 4.1 supra) et que l’annexe II ne maintient pas en vigueur des dispositions entre la Suisse et le Portugal a conduit les premiers juges à exclure l’application de la Convention entre la Suisse et le Portugal et la prise en considération des périodes de cotisations accomplies au Portugal dans le calcul de la rente de l’assurance-invalidité suisse.

Consid. 5.3.2
L’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 remplace l’art. 6 du règlement n° 1408/71 qui, en relation avec l’art. 7 par. 2 let. c dudit règlement, prévoyait que nonobstant la substitution du règlement n° 1408/71 à toute convention de sécurité liant exclusivement deux ou plusieurs Etats membres (let. a), les dispositions de conventions de sécurité sociale mentionnées à l’annexe III restaient applicables. L’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 prend en considération la jurisprudence de la CJCE rendue sous l’empire du règlement précédent, puisqu’il prévoit expressément la condition (alternative) selon laquelle, pour rester applicables, les dispositions de conventions de sécurité sociale doivent être « plus favorables pour les bénéficiaires » (Heinz-Dietrich Steinmeyer, in Europäisches Sozialrecht, 8e éd. 2022, n° 5 ad art. 8 du règlement n° 883/2004, p. 188).

Les principes dégagés dans l’arrêt Rönfeldt ont été résumés par la CJUE de la manière suivante (arrêt du 22 janvier 2015, Balazs, C-401/13 et C-432/13, points 34 s. et 38) : nonobstant les termes des art. 6 et 7 par. 2 sous c) du règlement n° 1408/71 – dont l’exigence selon laquelle les dispositions conventionnelles restant en vigueur doivent figurer à l’annexe III de ce règlement -, les conventions bilatérales de sécurité sociale continuent à s’appliquer à certaines conditions, même en l’absence de mention à ladite annexe. Ainsi, les dispositions des conventions bilatérales continuent à s’appliquer dans le cas de travailleurs migrants après l’entrée en vigueur du règlement n° 1408/71, indépendamment du point de savoir si elles figurent ou non à l’annexe III de ce règlement, lorsque cette application est plus favorable au travailleur, pour autant que celui-ci ait fait usage de son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de ce règlement (arrêt du 9 novembre 1995, Thévenon, C-475/93, Rec. 1995, p. I-3813). A l’inverse, la CJUE a nié l’application de ces principes lorsque le ressortissant d’un Etat membre a quitté le territoire de celui-ci pour un autre Etat membre plusieurs années avant que l’accord bilatéral de sécurité sociale ait été conclu, la personne concernée ne pouvant avoir de confiance légitime dans le fait qu’elle pourrait bénéficier des dispositions de l’accord bilatéral, celui-ci n’ayant pas encore été conclu à la date de leur retour dans son pays d’origine (arrêt Balazs cité, point 42).

L’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 comprend la même exigence relative aux dispositions conventionnelles devant figurer à l’annexe II du règlement que l’art. 7 par. 2 let. c du règlement n° 1408/71, à laquelle la CJUE – et à sa suite le Tribunal fédéral – a jugé qu’il y avait lieu de déroger dans les circonstances particulières précisées dans l’arrêt Rönfeldt. L’entrée en vigueur de l’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 n’a donc rien changé au principe de l’applicabilité des conventions de sécurité sociale plus favorables dans un cas concret, pour autant que les conditions précitées soient réalisées. Les principes dégagés dans l’arrêt Rönfeldt restent applicables sous l’empire du règlement n° 883/2004 (Bernhard Spiegel, in Europäisches Sozialrecht, 8e éd. 2022, n° 4 ad art. 87 et 87a du règlement n° 883/2004, p. 657; dans ce sens, Heinz-Dietrich Steinmeyer, op. cit., n° 11 ad art. 8 du règlement n° 883/2004, p. 189; BOKELOH, op. cit., p. 127; TIMO ZEISKE, Das Statut sozialer Sicherheit bei grenzüberschreitender Arbeitnehmerentsendung, Münster 2016, éd. MV Wissenschaft, p. 117 s.).

Consid. 5.3.3
Cette solution s’appuie également, de manière plus générale, sur l’objectif de l’adoption du règlement n° 883/2004. Celui-ci a remplacé le règlement n° 1408/71 à partir du 1er avril 2012 (cf. consid. 3.2 supra). Les motifs qui ont conduit à son adoption montrent qu’il trouve également sa source dans l’art. 42 du Traité instituant la Communauté européenne et vise donc toujours à éliminer les obstacles à la libre circulation des personnes pouvant résulter de l’absence de coordination des régimes nationaux de sécurité sociale (cf. ATF 133 V 329 consid. 8.6). Cet objectif a en outre été confirmé, voire renforcé. Il ressort effectivement du considérant 3 du préambule du règlement n° 883/2004 que ce dernier a été édicté et adopté en vue de remplacer le règlement n° 1408/71 (dont les nombreuses modifications et mises à jour, qui visaient à tenir compte non seulement des développements intervenus au niveau communautaire, y compris des arrêts de la CJCE, mais également des modifications apportées aux législations nationales, avaient contribué à rendre les règles communautaires de coordination complexes et lourdes) en le modernisant et en le simplifiant. Cela était essentiel à la réalisation de l’objectif de la libre circulation des personnes.

Dans ces circonstances, la jurisprudence développée sous le régime du règlement n° 1408/71 concernant l’applicabilité des dispositions des conventions bilatérales plus favorables reste applicable sous le régime du règlement n° 883/2004. Le remplacement des art. 6 et 7 du premier règlement par l’art. 8 du second n’a en effet entraîné aucune modification substantielle. L’objectif poursuivi par la réglementation, à savoir l’élimination la plus complète possible des obstacles à la libre circulation des personnes pouvant résulter de l’absence de coordination des régimes nationaux de sécurité sociale, n’a pas été modifié avec l’entrée en vigueur du nouveau règlement. Par conséquent, un assuré, qui a exercé son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de l’ALCP et dont le droit à une rente de l’assurance-invalidité suisse est né après l’entrée en vigueur du règlement n° 883/2004, peut bénéficier d’une disposition plus favorable d’une convention bilatérale de sécurité sociale aussi sous le régime du règlement n° 883/2004.

Consid. 5.4
Ni l’office AI ni la juridiction cantonale n’ont examiné le point de savoir si le système de la Convention entre la Suisse et le Portugal est plus favorable à l’assuré que le système du règlement n° 883/2004. A cet égard, le Tribunal fédéral a considéré que le point de savoir quel système était plus favorable à l’assuré nécessitait un calcul comparatif fondé sur des informations dont l’obtention ne soulevait guère de difficultés pratiques pour les autorités compétentes suisses qui pouvaient s’appuyer sur l’entraide administrative prévue dans les relations transfrontalières dans le domaine de la sécurité sociale (art. 7 de l’Arrangement administratif du 24 septembre 1976 fixant les modalités d’application de la Convention de sécurité sociale du 11 septembre 1975 entre la Suisse et le Portugal [RS 0.831.109.654.12]; art. 84 du règlement n° 1408/71; art. 76 ss du règlement n° 883/2004; art. 2 ss du Règlement [CE] n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale [RS 0.831.109.268.11]; ATF 142 V 112 consid. 4.5). En conséquence, il convient d’annuler l’arrêt attaqué ainsi que la décision administrative litigieuse et de renvoyer la cause à l’administration pour qu’elle complète l’instruction sur ce point et rende une nouvelle décision.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et la décision, renvoyant la cause à l’office AI pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

 

Arrêt 9C_198/2022 consultable ici

 

Nouvel accord à partir du 1er juillet 2023 : pas de changement de compétence en matière d’assurances sociales lors de télétravail inférieur à 50% dans certains Etats

Nouvel accord à partir du 1er juillet 2023 : pas de changement de compétence en matière d’assurances sociales lors de télétravail inférieur à 50% dans certains Etats

 

Communication de l’OFAS consultable ici (dernière modification le 15.05.2023)

 

En raison des restrictions imposées en lien avec la pandémie, l’application flexible des règles européennes d’assujettissement en matière de sécurité sociale prévues dans le cadre de l’Accord sur la libre circulation des personnes Suisse-UE (ALCP) et de la Convention AELE s’est appliquée jusqu’au 30 juin 2022. Cette flexibilité a été prolongée pendant une phase transitoire jusqu’au 30 juin 2023.

Jusqu’à cette date, une personne (par exemple un travailleur frontalier exerçant son activité à domicile) reste soumise à la législation suisse de sécurité sociale quelle que soit la part d’activité exercée sous forme de télétravail dans son Etat de résidence (UE/AELE). Une attestation A1 n’est en principe pas nécessaire dans de telles situations.

 

Pas de changement de compétence en cas de télétravail inférieur à 50% dès le 1er juillet 2023 en relation avec les Etats ayant signé l’accord multilatéral

La Suisse et certains Etats de l’UE et de l’AELE vont signer un accord multilatéral qui déroge aux règles d’assujettissement ordinaires pour faciliter le télétravail au-delà du 30 juin 2023, dans l’intérêt des travailleurs concernés et de leurs employeurs.

Cet accord prévoit que les personnes travaillant dans un Etat pour un employeur qui y a son siège peuvent effectuer jusqu’à 50% de télétravail transfrontalier (au maximum 49.9% du temps de travail) depuis leur Etat de résidence, en principe en utilisant des moyens informatiques, tout en maintenant la compétence de l’Etat du siège de l’employeur pour les assurances sociales. Cette dérogation ne peut concerner que les situations concernant deux Etats qui sont signataires de l’accord.

A ce jour, outre la Suisse, les Etats suivants ont indiqué avoir l’intention de signer l’accord :

Allemagne, Autriche, Belgique, Estonie, Finlande, Hongrie, Irlande, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Slovaquie, République Tchèque, ainsi que le Liechtenstein et la Norvège.

Cette liste sera mise à jour au fur et à mesure. Pour toute question concernant la position d’un Etat n’y figurant pas, il convient de s’adresser aux autorités de l’Etat concerné.

L’accord multilatéral concerne les personnes auxquelles l’ALCP resp. la Convention AELE est applicable. Il n’est pas applicable aux :

  • personnes qui exercent également une activité autre que du télétravail dans l’Etat de résidence signataire de l’accord (p. ex. visite de clients, activité accessoire indépendante) ;
  • personnes exerçant également une activité dans l’UE resp. l’AELE en dehors de leur Etat de résidence signataire de l’accord et de la Suisse ;
  • personnes travaillant pour un autre employeur situé dans l’UE resp. l’AELE en plus de l’activité exercée pour leur employeur suisse ;
  • travailleurs indépendants.

Le texte de l’accord et un mémorandum explicatif sont disponibles (en anglais, des traductions sont en cours (état au 15.05.2023)) :

Il est prévu d’adapter les règles de coordination européennes à plus long terme afin de prendre en compte le télétravail transfrontalier.

Cette communication ne concerne que les assurances sociales, pas le droit en matière de fiscalité.

 

Répercussions de l’accord sur les travailleurs frontaliers dans les relations avec l’Allemagne, l’Autriche et le Liechtenstein

Dès le 1er juillet 2023, les travailleurs frontaliers occupés par un employeur suisse (ou plusieurs employeurs suisses) qui télétravaillent jusqu’à 50% (au maximum 49.9% du temps de travail) depuis l’Allemagne, l’Autriche ou le Liechtenstein peuvent rester assurés en Suisse.

Inversement, les frontaliers résidant et télétravaillant moins de 50% en Suisse pour un employeur (ou plusieurs employeurs) dont le siège est en Allemagne, en Autriche ou au Liechtenstein, peuvent rester soumis aux assurances sociales du siège de l’employeur.

 

Informations pratiques

Pour que l’accord s’applique à leurs salariés, les employeurs suisses doivent demander une attestation A1 (validité maximale de 3 ans, renouvelable) à leur caisse de compensation AVS au moyen de la plateforme ALPS (Applicable Legislation Portal Switzerland), qui est en cours d’actualisation également afin d’automatiser autant que possible les processus et la délivrance de l’attestation A1.

En principe la plateforme ALPS devrait déjà être adaptée au 1er juillet 2023, mais il n’est pas nécessaire de présenter une demande tout de suite, car l’attestation A1 pourra couvrir rétroactivement la période débutant au 1er juillet 2023 pour toutes les demandes déposées jusqu’à fin juin 2024.

 

Pas de changement de compétence et application des règles ordinaires en cas de télétravail inférieur à 25% dans les relations avec tous les Etats de l’UE/AELE

L’accord multilatéral s’applique au télétravail transfrontalier compris entre 25% et 49.9% du temps de travail. Les règles et procédures ordinaires continuent à s’appliquer au télétravail transfrontalier inférieur à 25% même s’il est effectué dans un Etat signataire de l’accord.

En cas de télétravail exercé sur le territoire d’un Etat qui n’a pas signé l’accord multilatéral dérogatoire, ou pour un employeur ayant un siège dans un Etat qui n’a pas adhéré à l’accord, les règles et procédures ordinaires applicables avant la pandémie sont à nouveau applicables à partir du 1er juillet 2023 pour la demande d’attestation A1 (l’assujettissement est déterminé par l’institution compétente de l’Etat de résidence): le télétravail transfrontalier jusqu’à 25% (au maximum 24.9%) est possible sans impact sur les assurances sociales.

 

Détachement en cas de télétravail temporaire à plein temps dans un Etat de l’UE ou de l’AELE

Les Etats appliquant les règles européennes de coordination se sont mis d’accord pour interpréter les dispositions relatives au détachement de manière à ce qu’un détachement en vertu de l’art. 12 du règlement (CE) nº 883/2004 soit également possible en cas de télétravail temporaire et ponctuel à plein temps (100% du temps de travail). Dès lors, un employeur suisse peut détacher un salarié pour télétravailler dans un Etat de l’UE resp. de l’AELE, peu importe à l’initiative de qui le télétravail transfrontalier est effectué, pour autant qu’il ait été convenu entre l’employé et l’employeur. Peu importe également que le télétravail transfrontalier temporaire soit motivé par des raisons professionnelles ou privées.

Si les conditions du détachement sont remplies et que le télétravail transfrontalier ne dépasse pas la durée maximale de 24 mois, un détachement est p. ex. possible dans les situations suivantes :

  • prise en charge de proches à l’étranger ;
  • raisons médicales ;
  • fermeture des bureaux pour rénovation ;
  • télétravail depuis une destination de vacances.

Les demandes d’attestation A1 sont à adresser par l’employeur suisse à la caisse de compensation AVS compétente, qui traite la demande selon la procédure habituelle prévue pour des détachements.

Aucune prolongation au-delà de 24 mois du détachement en cas de télétravail transfrontalier temporaire n’est acceptée.

 

 

En résumé (commentaires personnels) :

  • Lorsque le siège de l’employeur et le domicile de l’employé se trouvent dans un pays qui a signé le nouvel accord, le télétravail est possible jusqu’à 49,9% du temps de travail.
  • Lorsque le siège de l’employeur ou le domicile de l’employé se trouve dans un pays qui n’a pas signé le nouvel accord, le télétravail est possible jusqu’à 24,9% du temps de travail.
  • La communication de l’OFAS concerne uniquement la sécurité sociale et n’englobe pas le droit en matière de fiscalité.

 

Communication de l’OFAS consultable ici (dernière modification le 15.05.2023)

Texte de l’accord et mémorandum explicatif disponibles ici (en anglais ; état au 15.05.2023)

Neue Vereinbarung ab dem 1. Juli 2023: Kein Zuständigkeitswechsel im Bereich der Sozialversicherungen bei Telearbeit unter 50% in bestimmten Staaten (Stand am 15.05.2023; hier verfügbar)

Nuovo accordo a partire dal 1° luglio 2023: nessuna modifica di competenza in materia di assicurazioni sociali in caso di telelavoro inferiore al 50% in alcuni Stati (al 15.05.2023; disponibile qui)

 

 

9C_465/2022 (f) du 01.03.2023 – Trouble de l’adaptation en réaction à une pathologie organique – Pas considéré comme une maladie de longue durée / Pas d’influence d’une reconnaissance par les autorités espagnoles d’une « incapacité permanente absolue » – Degré d’invalidité déterminé exclusivement d’après le droit suisse

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_465/2022 (f) du 01.03.2023

 

Consultable ici

 

Nouvelle demande de prestations AI après précédents refus / 17 LPGA – 87 RAI

Trouble de l’adaptation en réaction à une pathologie organique (CIM-10 F43.2) – Pas considéré comme une maladie de longue durée et potentiellement invalidante

Pas d’influence d’une reconnaissance par les autorités espagnoles d’une « incapacité permanente absolue » – Degré d’invalidité déterminé exclusivement d’après le droit suisse

 

Assurée, ressortissante espagnole née en 1957, a travaillé (à temps partiel) comme couturière à Bâle jusqu’à la fin du mois de mai 1995. A la suite d’un premier refus de prestations de l’assurance-invalidité en 2002, l’assurée, entre-temps retournée dans son pays d’origine, a déposé une nouvelle demande en mars 2004. Celle-ci a été rejetée par l’office AI (décision du 01.07.2005, confirmée sur opposition le 03.03.2006 et par arrêt du TAF en 2008 et du TF en 2009 [arrêt 9C_486/2008]). En bref, il a considéré que l’assurée avait un statut mixte de personne active (à 91%) et de ménagère (à 9%), qu’il n’y avait pas d’incapacité de travail pour la part relative à l’exercice d’une activité professionnelle et que l’intéressée présentait un empêchement de 22% dans l’accomplissement des travaux ménagers; il en résultait un taux d’invalidité de 2%, insuffisant pour ouvrir le droit à une rente.

En novembre 2017, l’assurée a présenté une troisième demande de prestations. Après avoir notamment soumis les rapports des médecins traitants de l’assurée à son Service médical, l’office AI a rejeté la demande, par décision du 14.01.2019. Il a considéré que l’exercice d’une activité lucrative à temps partiel et l’accomplissement des travaux habituels étaient toujours exigibles dans une mesure suffisante pour exclure le droit à une rente.

 

Procédure cantonale (arrêt C-950/2019 – consultable ici)

Par jugement du 12.08.2022, rejet du recours par le Tribunal administratif fédéral.

 

TF

Consid. 5.2
Contrairement à ce qu’allègue en premier lieu l’assurée, il n’est pas contesté qu’elle est atteinte de fibromyalgie et d’importantes autres pathologies. La juridiction de première instance a en effet rappelé qu’elle avait déjà constaté que l’intéressée souffrait notamment de polyarthrose modérée, d’une scoliose dorso-lombaire et d’une fibromyalgie dans l’arrêt qu’elle avait rendu le 22 avril 2008 et que ses constatations avaient été confirmées par le Tribunal fédéral (arrêt 9C_486/2008 du 8 janvier 2009 consid. 3). Par ailleurs, en ce qu’elle croit pouvoir déduire du seul fait qu’elle serait atteinte d’une maladie psychique le droit à des prestations de l’assurance-invalidité, l’assurée méconnaît la notion d’invalidité. L’élément déterminant réside bien plutôt dans le point de savoir si sa capacité de travail est, d’une façon ou d’une autre, entravée par des troubles psychiques ou par d’autres troubles somatiques. Or toute son argumentation s’épuise dans la démonstration – vaine, en l’absence d’incapacité de travail attestée – qu’elle est atteinte d’une maladie psychique.

Consid. 5.3
C’est également à tort que l’assurée se prévaut d’une nouvelle atteinte à la santé sous la forme d’un trouble de l’adaptation en réaction à une pathologie organique (CIM-10 F43.2). Cette atteinte à la santé ne peut en effet pas être considérée comme une maladie de longue durée et donc potentiellement invalidante (cf. arrêts 9C_210/2017 du 2 mai 2017 consid. 3.2; 9C_87/2017 du 16 mars 2017 et la référence), comme l’ont dûment exposé les premiers juges.

Consid. 5.5
C’est finalement en vain que l’assurée se prévaut d’une « problématique d’engrenage des conceptions de la typologie de la fibromyalgie et [du] syndrome de fatigue chronique entre l’Espagne et la Suisse » et qu’elle se réfère à une décision rendue le 22.12.2006 par un magistrat « del Jutjat Social nùméro 25 de Barcelona » (par laquelle elle a été reconnue « en situation d’incapacité permanente absolue » et mise au bénéfice de la prestation correspondante), ainsi qu’à une décision du 07.07.2008 du « Tribunal superior de justìcia Catalunya sala social » (par laquelle il a admis le recours formé contre la décision du 22.12.2006 par l’Institut national de la Sécurité sociale espagnole). Indépendamment de la question de leur recevabilité selon l’art. 99 al. 1 LTF, ces pièces ne sont en effet pas pertinentes pour l’issue du présent litige, parce que la reconnaissance par les autorités espagnoles compétentes d’une « incapacité permanente absolue » n’aurait pas d’influence sur l’examen du droit à une rente de l’assurance-invalidité suisse. Au consid. 1.2 de l’arrêt 9C_486/2008, le Tribunal fédéral a en effet déjà rappelé à l’assurée que le degré d’invalidité d’un assuré qui prétend une telle prestation est déterminé exclusivement d’après le droit suisse, même lorsque, comme en l’espèce, les dispositions de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681) sont applicables à la contestation devant les autorités suisses (ATF 130 V 253 consid. 2.4).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_465/2022 consultable ici

 

Arrêt de la CJUE C-576/20 du 07.07.2022 – Les périodes d’éducation d’enfants accomplies dans d’autres États membres doivent être prises en compte pour le calcul de la pension de vieillesse

Arrêt de la CJUE C-576/20 du 07.07.2022

 

Communiqué de presse n° 119/22 de la Cour de justice de l’Union européenne du 07.07.2022 consultable ici

Arrêt de la CJUE du 07.07.2022 consultable ici

 

Sécurité sociale des travailleurs migrants – Rente de vieillesse – Règl. (CE) no 987/2009

Calcul – Prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies dans d’autres États membres

 

La Cour de justice confirme sa jurisprudence selon laquelle l’État membre débiteur de la pension dans lequel la bénéficiaire a exclusivement travaillé et cotisé, tant antérieurement que postérieurement au transfert de sa résidence dans un autre État membre où elle s’est consacrée à l’éducation de ses enfants, doit prendre en compte ces périodes d’éducation d’enfants.

En novembre 1987, après avoir exercé une activité non salariée en Autriche, CC s’est installée en Belgique où elle a donné naissance à deux enfants, respectivement le 5 décembre 1987 et le 23 février 1990. Dès la naissance de son premier enfant, elle s’est consacrée à leur éducation, sans exercer d’emploi, sans acquérir de période d’assurance et sans percevoir de prestations au titre de leur éducation. Il en a été de même en Hongrie où elle a séjourné en décembre 1991.

À son retour en Autriche en février 1993, CC a continué à éduquer ses enfants pendant treize mois, tout en étant obligatoirement affiliée et en cotisant auprès du régime de sécurité sociale autrichien. Elle a ensuite travaillé et cotisé dans cet État membre jusqu’à son départ à la retraite.

Après avoir sollicité l’octroi d’une pension de retraite, l’office des pensions autrichien lui a reconnu ce droit par décision du 29 décembre 2017. Les périodes d’éducation d’enfants effectuées en Autriche ont été assimilées à des périodes d’assurance et prises en compte aux fins de calcul du montant de sa pension. Celles accomplies en Belgique et en Hongrie, en revanche, n’ont pas été prises en compte.

CC a contesté cette décision en faisant valoir que les périodes d’éducation d’enfants accomplies dans d’autres États membres devaient être assimilées à des périodes d’assurance sur la base de l’article 21 TFUE, qui instaure le droit à la libre circulation des citoyens de l’Union, dès lors qu’elle travaillait et était affiliée à la sécurité sociale autrichienne avant et après ces périodes.

Après le rejet de son recours en appel, CC a introduit un recours en Revision devant l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche). Ayant des doutes concernant la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies dans d’autres États membres pour le calcul de la pension de vieillesse, cette juridiction a demandé à la Cour d’interpréter une disposition du droit dérivé de l’Union [1], applicable ratione temporis en l’espèce. En effet, il ne serait pas exclu que cette disposition prévoie de manière exclusive les conditions pour une telle prise en compte, et CC ne les remplit pas : à la date à laquelle la première période d’éducation d’enfants a commencé, elle n’exerçait pas d’activité salariée ou non salariée en Autriche.

Par son arrêt, la Cour rejette le caractère exclusif de cette disposition en ce qui concerne la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies par une même personne dans différents États membres et confirme que ces périodes doivent être prises en compte, en l’espèce, au titre de l’article 21 TFUE.

 

Appréciation de la Cour

En premier lieu, la Cour conclut que, au regard de son libellé, du contexte dans lequel il s’inscrit et des objectifs poursuivis par la réglementation dont il fait partie, l’article 44 du règlement no 987/2009 doit être interprété en ce sens qu’il ne régit pas de manière exclusive la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies par une même personne dans différents États membres.

Concernant son libellé, la Cour relève que cette disposition n’indique pas qu’elle régit cette prise en compte de manière exclusive et que si ladite disposition constitue une codification de sa jurisprudence adoptée à cet égard [2], à la date de son entrée en vigueur – l’arrêt Reichel-Albert [3] n’avait pas encore été prononcé -, les enseignements issus de ce dernier arrêt ne pouvaient donc pas être pris en compte lors de l’adoption du règlement no 987/2009 aux fins de leur codification éventuelle.

En ce qui concerne le contexte dans lequel s’inscrit l’article 44 du règlement no 987/2009, la Cour, en se référant au titre et au chapitre de ce règlement dont il relève, précise que cette disposition instaure une règle additionnelle permettant d’augmenter la probabilité pour les personnes concernées d’obtenir une prise en compte complète de leurs périodes d’éducation d’enfants et, ainsi, d’éviter, dans toute la mesure du possible, que tel ne soit pas le cas.

En ce qui concerne l’objectif du règlement no 987/2009, l’interprétation selon laquelle l’article 44 de ce règlement régirait la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies dans différents États membres de manière exclusive reviendrait à permettre à l’État membre débiteur de la pension de vieillesse d’une personne, dans lequel celle-ci a exclusivement travaillé et cotisé tant antérieurement que postérieurement au transfert de sa résidence dans un autre État membre où elle s’est consacrée à l’éducation de ses enfants, de refuser la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies par cette personne dans un autre État membre et, partant, à la désavantager au seul motif qu’elle a exercé son droit à la libre circulation. Dès lors, une telle interprétation irait à l’encontre des objectifs poursuivis par ce règlement, en particulier la finalité de garantir le respect du principe de la libre circulation, consacré à l’article 21 TFUE, et risquerait ainsi de mettre en péril l’effet utile de l’article 44 de ce règlement.

En second lieu, la Cour juge que, afin d’assurer le respect de ce principe, les enseignements de l’arrêt Reichel-Albert sont transposables à une situation, telle que celle en cause au principal, dans laquelle la personne concernée ne remplit pas la condition d’exercice d’une activité salariée ou non salariée imposée par cette dernière disposition pour obtenir, aux fins de l’octroi d’une pension de vieillesse, la prise en compte, par l’État membre débiteur de cette pension, des périodes d’éducation d’enfants qu’elle a accomplies dans d’autres États membres. Partant, cet État membre est tenu de prendre en compte ces périodes au titre de l’article 21 TFUE, dès lors que cette personne a exclusivement travaillé et cotisé dans ledit État membre, tant antérieurement que postérieurement au transfert de sa résidence dans un autre État membre où elle a effectué lesdites périodes.

Ainsi, la Cour constate qu’il existe, à l’instar de la situation en cause dans l’arrêt Reichel-Albert, un lien suffisant entre les périodes d’éducation d’enfants accomplies par CC à l’étranger et les périodes d’assurance accomplies du fait de l’exercice d’une activité professionnelle en Autriche. Dès lors, la législation de cet État membre doit s’appliquer aux fins de la prise en compte et de la validation de ces périodes, en vue de l’octroi d’une pension de vieillesse par ce même État membre.

Si CC n’avait pas quitté l’Autriche, ses périodes d’éducation d’enfants auraient été prises en compte aux fins du calcul de sa pension de vieillesse autrichienne. Partant, à l’instar de l’intéressée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Reichel-Albert, elle est désavantagée au seul motif qu’elle a exercé son droit à la libre circulation, ce qui est contraire à l’article 21 TFUE.

 

 

[1] Il s’agit de l’article 44, paragraphe 2, du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2009, L 284, p. 1). Cet article, intitulé « Prise en compte des périodes d’éducation d’enfants », prévoit dans son paragraphe 2, que lorsque, au titre de la législation de l’État membre compétent en vertu du titre II du règlement no 883/2004, les périodes d’éducation d’enfants ne sont pas prises en compte, l’institution de l’État membre dont la législation était, conformément au titre II du règlement no 883/2004, applicable à l’intéressé du fait de l’exercice par ce dernier d’une activité salariée ou non salariée à la date à laquelle, en vertu de cette législation, la période d’éducation d’enfants a commencé à être prise en compte pour l’enfant concerné reste tenue de prendre en compte ladite période en tant que période d’éducation d’enfants selon sa propre législation, comme si l’enfant était éduqué sur son propre territoire.

[2] Voir arrêts du 23 novembre 2000, Elsen, C-135/99, et du 7 février 2002, Kauer, C-28/00 (voir aussi le communiqué de presse n° 13/02) où la Cour a établi le test du « lien étroit » ou du « lien suffisant » entre les périodes d’assurance accomplies du fait de l’exercice d’une activité professionnelle dans l’État membre à la charge duquel la personne concernée sollicite une pension de vieillesse et les périodes d’éducation d’enfants que cette personne a effectuées dans un autre État membre. La Cour a jugé que la circonstance que les personnes, qui avaient exclusivement travaillé dans l’État membre débiteur de leur pension de vieillesse, exerçaient, au moment de la naissance de leur enfant, une activité salariée sur le territoire de cet État membre permettait d’établir l’existence d’un tel lien étroit ou suffisant et que, partant, la législation dudit État membre était applicable en ce qui concerne la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies dans un autre État membre aux fins de l’octroi d’une telle pension.

[3] Dans l’arrêt du 19 juillet 2012, Reichel-Albert, C-522/10, la Cour a jugé que l’article 21 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il fait obligation à l’institution compétente d’un premier État membre de prendre en compte, aux fins de l’octroi d’une pension de vieillesse, les périodes consacrées à l’éducation d’un enfant, accomplies dans un second État membre, comme si ces périodes avaient été accomplies sur son territoire national, par une personne qui n’a exercé des activités professionnelles que dans ce premier État membre et qui, au moment de la naissance de ses enfants, avait temporairement cessé de travailler et établi sa résidence, pour des motifs strictement familiaux, sur le territoire du second État membre.

 

RAPPEL : Le renvoi préjudiciel permet aux juridictions des États membres, dans le cadre d’un litige dont elles sont saisies, d’interroger la Cour sur l’interprétation du droit de l’Union ou sur la validité d’un acte de l’Union. La Cour ne tranche pas le litige national. Il appartient à la juridiction nationale de résoudre l’affaire conformément à la décision de la Cour. Cette décision lie, de la même manière, les autres juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème similaire.

 

 

Communiqué de presse n° 119/22 de la Cour de justice de l’Union européenne du 07.07.2022 consultable ici

Arrêt de la CJUE du 07.07.2022 consultable ici

 

Coordination des prestations CH-UE : Italie : réforme des prestations familiales au 01.01.2022 / Pologne : Nouvelle prestation familiales au 01.06.2022

Coordination des prestations CH-UE : Italie : réforme des prestations familiales au 01.01.2022 / Pologne : Nouvelle prestation familiales au 01.06.2022

 

Remarques liminaires : La question des montants des allocations familiales à l’étranger pour des personnes travaillant en Suisse a son importance pour savoir si un droit à une allocation en Suisse, en sus de celle versée par un pays de l’UE, est possible. Une allocation complémentaire (appelée allocation différentielle) peut en effet être versée par la Suisse dans le cas où l’allocation suisse est supérieure à l’allocation du pays de résidence des enfants. Dans ce cas, la personne travaillant en Suisse touchera la différence entre l’allocation suisse et l’allocation du pays de résidence des enfants. Ce point a son importance pour le calcul du gain assuré en assurance-accidents, par exemple, qui tient compte des allocations familiales (suisses) versées à la personne assurée avant l’accident.

 

Communication du 22.12.2021 concernant l’exécution des allocations familiales n° 47 consultable ici

 

Italie : réforme des prestations familiales

L’Italie réforme au 01.01.2022 le système des prestations familiales dans le cadre d’une réforme fiscale concernant les déductions fiscales et les bonus actuellement prévus.

Une nouvelle prestation familiale sera introduite au 01.01.2021, l’Assegno unico e universale per i figli a carico (Assegno unico universale). Il est probable que, pour des raisons administratives, cette nouvelle prestation ne sera versée pour la première fois qu’en mars 2022.

Les nouveautés :

L’Assegno unico universale se substitue aux prestations familiales suivantes :

  • le detrazioni Irpef sui figli a carico;
  • gli assegni al nucleo per figli minori;
  • gli assegni per le famiglie numerose;
  • il Bonus Bebè;
  • il premio alla nascita;
  • il fondo natalità per le garanzie sui prestiti.

Au 01.07.2021, une prestation transitoire (Assegno temporaneo per i figli minori) a déjà été introduite (limitée à fin 2021) en vue de l’octroi de la nouvelle prestation d’allocations familiales à partir de 2022 pour les familles qui n’avaient actuellement pas droit à l’ANF (assegno per il nucleo familiare) (indépendants, bas revenus avec un revenu familial inférieur ou égal à 50’000 euros et chômeurs).

La prestation transitoire (Assegno temporaneo) peut être demandée à l’INPS jusqu’à fin 2021 et la nouvelle prestation (Assegno unico universale), sur présentation de la Dichiarazione Sostituiva Unica (DSU) actuelle, à partir du 1er janvier 2022. Le premier versement de l’Assegno unico universale aura probablement lieu pour la première fois en mars 2022.

Prestation de base :

Le droit à l’Assegno unico universale est ouvert aux enfants jusqu’à leurs 18 ans, et sous certaines conditions jusqu’à leurs 21 ans (par exemple formation, chômeurs à la recherche d’un emploi, revenus modestes, service militaire). Le montant de la prestation dépend du revenu du ménage. Jusqu’à un revenu annuel de 15 000 euros, l’Assegno unico universale s’élève probablement à 175 euros/mois pour chaque enfant. Pour un revenu compris entre 15 000 et 40 000 euros, la prestation devrait être comprise entre 175 et 50 euros/mois pour chaque enfant ; pour les revenus supérieurs, un montant de 50 euros/mois est prévu.

 

Suppléments :

A partir du troisième enfant, un supplément à l’Assegno unico universale de 85 à 15 euros/mois sera probablement versé pour chaque enfant, en fonction des revenus. Pour les enfants handicapés, une prestation spéciale est versée, qui devrait être comprise entre 85 et 25 euros/mois selon le revenu. D’autres suppléments sont prévus pour les enfants dont les deux parents travaillent (30 euros/mois supplémentaires pour chaque enfant), pour les familles de plus de quatre enfants (supplément forfaitaire de 100 euros) et pour les jeunes mères (20 euros/mois pour chaque enfant).

Le projet est actuellement en discussion au Parlement italien et des modifications de la structure et des montants ne peuvent donc pas être exclues.

 

Coordination de l’Assegno temporaneo et de l’Assegno unico e universale :

L’introduction de l’Assegno unico universale et déjà l’introduction de l’Assegno temporaneo au 01.07.21 ont élargi le cercle des ayants droit en ce qui concerne les prestations familiales en Italie, de sorte que les montants des prestations familiales italiennes seront probablement modifiés dans de nombreux cas par rapport aux anciennes prestations pouvant être coordonnées. L’Assegno unico universale et l’assegno temporaneo sont des prestations destinées à compenser les charges familiales au sens du règlement (CE) n° 883/2004 et doivent être coordonnées conformément à l’art. 68 de ce règlement.

La réforme des prestations familiales italiennes entraîne, du côté suisse, une révision de tous les cas de coordination transfrontalière dans lesquels la Suisse est compétente à titre subsidiaire pour le versement de prestations familiales. Dans certaines circonstances, il peut également en résulter une modification des règles de priorités, par exemple lorsque le parent qui travaille en Italie a désormais droit à une prestation familiale italienne, que l’Italie devient prioritairement compétente pour la prestation familiale en raison du domicile de la famille en Italie et que la Suisse ne doit plus verser qu’un montant différentiel ou, le cas échéant, aucune prestation.

Le montant de la différence avec la prestation familiale italienne ne peut en principe être fixé définitivement qu’après la réponse de l’institution italienne compétente (INPS) au moyen du formulaire E411. L’expérience montre que dans de nombreux cas, l’institution italienne compétente accuse des retards considérables dans le traitement des demandes de prestations. L’OFAS a insisté auprès des autorités italiennes sur le fait que le traitement rapide des formulaires E411 envoyés par les CAF suisses pour l’examen des éventuelles prestations concurrentes doit être pris en main rapidement par les services italiens compétents, afin que les prestations suisses puissent être déterminées et versées correctement et en temps utile au parent assuré en Suisse.

 

Paiement de prestations trop élevées ou non dues :

Il est possible que, pendant l’introduction des nouvelles prestations familiales en Italie, la partie suisse verse une prestation trop élevée ou non due parce qu’elle ne dispose pas encore des données nécessaires en provenance d’Italie sur le formulaire E411.

Les règlements de coordination de l’UE (CE) 883/2004 et 987/2009 n’offrent pas de base légale pour une suspension préventive des prestations jusqu’au retour d’information des institutions italiennes au moyen du formulaire E411, afin d’éviter le paiement de prestations trop élevées ou non dues et des demandes de remboursement ultérieures.

S’il s’avère, après le retour d’information de l’institution italienne au moyen du formulaire E411, qu’une prestation trop élevée a été versée du côté suisse ou qu’il n’existe pas de droit aux prestations familiales suisses, les montants indûment versés peuvent être récupérés auprès de l’institution italienne par compensation ou directement auprès de l’assuré qui a bénéficié de la prestation non due, selon la procédure prévue à l’art. 72 du règlement (CE) 987/2009.

La numérisation de ce processus entre la Suisse et l’Italie via EESSI, qui devrait intervenir au cours du premier trimestre 2022, contribuera à accroître l’efficacité de la procédure de détermination du complément différentiel.

 

Pologne : modifications et nouvelles prestations familiales au 01.06. 2022

La Pologne introduira au 01.06.2022 une nouvelle prestation familiale qui devra être coordonnée conformément aux articles 68 et suivants du règlement (CE) 883/2004.

La prestation familiale 500+ (PLN 500/environ 115 euros), introduite en avril 2016 et versée pour chaque enfant jusqu’à l’âge de 18 ans, dépendait à l’origine du niveau de revenu, mais depuis le 01.07.2019, elle est versée indépendamment du revenu. Au 01.06.2022, cette prestation sera désormais versée sans réduction même en cas d’application de la règle de priorité de l’art. 68 du règlement (CE) 883/2004 (donc également lorsque la Pologne est subsidiairement compétente pour le versement de la prestation familiale et qu’elle ne doit que la différence avec la prestation de l’autre Etat). Si les parents sont divorcés, le parent qui a la garde de l’enfant est l’ayant droit.

En plus de cette prestation, une autre prestation indépendante du revenu (Family Care Capital, RKO) sera versée à partir du 01.06.2022 pour le 2e enfant et pour chaque enfant supplémentaire âgé de 12 à 36 mois. Il est possible de percevoir soit 1000 PLN par mois pendant un an (230 euros), soit 500 PLN par mois pendant deux ans. Cette prestation n’entraîne pas de réduction des autres prestations familiales polonaises. Les parents divorcés qui ont la garde conjointe des enfants reçoivent chacun la moitié de la prestation. La nouvelle prestation est une prestation de compensation des charges familiales et est une prestation coordonnable au sens du règlement (CE) 883/2004.

 

 

Communication du 22.12.2021 concernant l’exécution des allocations familiales n° 47 consultable ici