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Lettre d’information LAMal de l’OFSP – Nouveautés au 01.01.2024

Lettre d’information LAMal de l’OFSP – Nouveautés au 01.01.2024

 

Lettre d’information du 15.12.2023 de l’OFSP aux assureurs LAMal, à leurs réassureurs et à l’Institution commune LAMal consultable ici

 

  1. Modifications d’ordonnance
  • Contribution de LR sur la modification d’ordonnances du 22.9.23 (modification OAMal/OPAS : mesures relatives aux médicaments, y compris remboursement dans des cas particuliers)

Le 22 septembre 2023, le Conseil fédéral a adopté le train d’ordonnances «Mesures relatives aux médicaments, modification de l’OAMal et de l’OPAS». Les nouvelles dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2024.

En ce qui concerne la prise en charge dans des cas particuliers, les modifications améliorent l’égalité de traitement entre assurés tout en allégeant la charge administrative des assureurs. Cette amélioration est obtenue par l’obligation d’utiliser un outil uniforme pour évaluer le bénéfice avec des catégories de bénéfices définies. De plus, la possibilité d’une évaluation commune du bénéfice par les assureurs-maladie est prévue. Le recours à des experts lors du développement de l’outil d’évaluation constitue un élément important du projet. Des experts doivent également être consultés lorsqu’un refus de prise en charge est envisagé pour des maladies rares. En outre, la transparence est accrue concernant la prise en charge des cas particuliers. D’une part, les évaluations communes du bénéfice seront publiées à l’intention des assureurs et des sociétés de discipline. D’autre part, en cas de refus de prise en charge, la décision devra être motivée auprès des médecins et des patients au moyen de l’évaluation du bénéfice réalisée. Enfin, l’introduction d’écarts de prix fixes par rapport aux prix pratiqués à l’étranger ou au prix défini dans la liste des spécialités (LS) garantira une évaluation plus uniforme du critère d’économicité. Ce changement devrait aussi rendre l’admission dans la LS plus intéressante.

Un relèvement de la quote-part de 20 à 40% pour les médicaments trop chers en comparaison des produits contenant le même principe actif a également été décidé. De plus, les dispositions relatives à la quote-part s’appliqueront désormais aussi aux substances actives biologiques (préparations de référence et biosimilaires). Cette mesure doit servir de frein pour éviter que les patients se procurent des préparations originales onéreuses lorsqu’il existe des génériques moins chers et que ce choix ne se justifie pas médicalement. Dans ce contexte, les modifications accroissent aussi la pression sur les fournisseurs de prestations afin qu’ils ne prescrivent pas des préparations plus chères. Désormais, toute nécessité médicale imposant l’utilisation d’une préparation originale plus chère sans majoration de la participation aux coûts devra être prouvée et documentée dans le dossier de la personne assurée [les raisons médicales possibles sont présentées dans le commentaire des modifications (p. 10 ss)]. Les assureurs pourront vérifier le bien-fondé de telles prescriptions par des contrôles aléatoires.

Enfin, la révision comprend d’autres mesures visant notamment à optimiser le processus d’admission des médicaments dans la LS. Ainsi, pour les médicaments importants, les entreprises pharmaceutiques pourront solliciter un entretien préalable («Early Dialogue») avec l’OFSP, ce qui devrait accélérer l’admission et, partant, le remboursement de ces médicaments

 

  1. Volet 1b de mesures visant à freiner la hausse des coûts

Les Chambres fédérales ont adopté le 30 septembre 2022 la modification de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) concernant les mesures visant à freiner la hausse des coûts (volet 1b). Le 25 octobre 2023 le Conseil fédéral a fixé l’entrée en vigueur des mesures au 1er janvier 2024. Le volet 1b  comprend quatre mesures qui contribuent à limiter la hausse des coûts à ce qui est justifié médicalement:

  • Les partenaires tarifaires seront tenus de convenir de mesures visant à surveiller les coûts. Pour ce faire, ils doivent, dans les domaines dans lesquels ils concluent des contrats tarifaires, convenir d’un monitorage commun de l’évolution des quantités, des volumes et des coûts ainsi que des mesures correctives correspondantes en cas d’évolution non explicable des quantités, des volumes et des coûts.
  • Un droit de recours sera introduit pour les fédérations d’assureurs contre les décisions des gouvernements cantonaux concernant la planification des hôpitaux et d’autres institutions. Ce droit garantit que les cantons tiennent compte de manière équilibrée des demandes émanant non seulement des fournisseurs de prestations, mais aussi des assureurs – qui représentent les intérêts des assurés – dans le cadre de la planification.
  • La loi sur les produits thérapeutiques (LPTh) sera modifiée de sorte à simplifier l’étiquetage et l’information sur les médicaments dans le cas des importations parallèles.
  • La LAMal précise que les pharmaciens peuvent remettre un médicament meilleur marché lorsque plusieurs produits pharmaceutiques contenant la même substance active figurent dans la liste des spécialités. À l’avenir, ce droit de substitution impliquera une «même adéquation du point de vue médical» pour la personne assurée et sera étendu aux biosimilaires.

Outre LAMal et LPTh, les mesures concernent la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (LAI), la loi fédérale sur l’assurance-accidents (LAA) et la loi fédérale sur l’assurance militaire (LAM).

 

  1. Conventions de sécurité sociale
  • Nouvelle convention internationale de sécurité sociale avec l’Albanie

La Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République d’Albanie (RS 0.831.109.123.1) est entrée en vigueur le 1er octobre 2023. Elle concerne l’AVS et l’AI et n’a qu’un effet indirect sur l’assurance-maladie. Conformément à l’art. 4 al. 4 OAMal, les travailleurs détachés de Suisse en Albanie et les membres de leur famille sans activité lucrative qui les accompagnent restent soumis à l’obligation de s’assurer en Suisse, et cela pour toute la durée du détachement (deux ans au maximum). Si ces personnes sont assujetties obligatoirement assurées contre la maladie en Albanie, elles peuvent, sur demande, être exemptées de l’obligation de s’assurer en Suisse (art. 2 al. 2 OAMal). Les travailleurs détachés d’Albanie en Suisse et les membres de leur famille sans activité lucrative qui les accompagnent sont soumis à l’obligation de s’assurer en Suisse. Ils peuvent être exemptés de cette obligation en vertu de l’art. 2 al. 5 OAMal.

 

  • Nouvelle convention internationale de sécurité sociale avec le Royaume-Uni

La Convention de sécurité sociale entre la Suisse et le Royaume-Uni (RS 0.831.109.367.2) est entrée en vigueur le 1er octobre 2023. Ce nouvel accord, qui coordonne les systèmes de sécurité sociale des deux États après le Brexit, est appliqué à titre provisoire depuis le 1er novembre 2021. C’est pourquoi, depuis cette date, les dispositions de la LAMal et de la LSAMal qui concernent les assurés de l’UE s’appliquent également au Royaume-Uni. Les révisions de ces lois doivent par conséquent entrer en vigueur avec effet rétroactif au 1er novembre 2021, ce qui relève de la compétence du Conseil fédéral. Les dispositions de l’OAMal ont déjà été adaptées au 1er janvier 2023.

La convention reprend dans les grandes lignes les dispositions qui étaient applicables en vertu de l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). En ce qui concerne l’obligation de s’assurer, le principe du lieu de travail s’applique. La règle spécifique selon laquelle les membres de la famille d’une personne assurée en Suisse qui résident au Royaume-Uni doivent s’assurer dans le pays de résidence a toutefois été maintenue. Comme la convention avec le Royaume-Uni ne prévoit pas l’exportation des prestations de chômage, l’art. 2 al. 1 let. d OAMal n’est plus applicable aux ressortissants du Royaume-Uni. Les chômeurs qui quittent leur ancien État de travail pour s’installer dans l’autre État et les frontaliers au chômage doivent s’assurer dans leur pays de résidence.

Les attestations de droit aux prestations médicales dans l’autre État sont les mêmes que dans les relations avec l’UE/AELE (CEAM, attestations S1 et S2). Pour les traitements dont ils ont besoin en Suisse, les assurés du service national de santé (National Health Service, NHS) présentent la UK Global Health Insurance Card (GHIC), dont un modèle est disponible sur le site Internet de l’Institution commune LAMal : www.kvg.org/fr >> Fournisseurs de prestations >> Attestation de droit. L’échange de données se fait en principe, comme avec les États de l’UE, via le système EESSI (Electronic Exchange of Social Security Information).

 

  1. Questions de mise en œuvre

 

  • Sans-papiers

La circulaire 02/10 du 19 décembre 2002 de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), compétent à l’époque, sur les conditions d’affiliation des sans-papiers à l’assurance-maladie obligatoire est, en partie, devenue obsolète.

Règles à respecter concernant l’affiliation des sans-papiers :

L’art. 3 LAMal définit l’ensemble des personnes tenues de s’assurer. Toute personne domiciliée en Suisse au sens des art. 23 à 26 du Code civil (CC) est tenue de s’assurer (art. 1 al. 1 OAMal ; art. 13 LPGA). Les personnes en provenance de l’étranger sont tenues de s’assurer dans les trois mois qui suivent leur prise de domicile en Suisse. L’obligation de s’assurer s’applique en principe, avec des exceptions spécifiques définies par le Conseil fédéral dans l’OAMal, à toutes les personnes qui séjournent plus de trois mois en Suisse, indépendamment de leur nationalité ou de leur statut de séjour légal. Les personnes sans permis de séjour sont elles aussi soumises à cette obligation, pour autant qu’elles prennent domicile en Suisse conformément aux art. 23 à 26 CC, et doivent conclure une assurance-maladie. L’obligation de s’assurer s’applique donc aussi aux sans-papiers, de même qu’aux requérants d’asile qui ont l’obligation de quitter le territoire et qui ne s’y conforment pas.

De leur côté, les assureurs-maladie sont tenus d’accepter sans réserve les demandes d’assurance de ces personnes. Dans un arrêt du 24 décembre 2002 (ATF 129 V 77), le Tribunal fédéral des assurances a confirmé l’obligation d’assurance des sans-papiers. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une personne assurée ne peut pas être exclue de l’assurance-maladie pour non-paiement des primes (ATF 126 V 265). Aux termes de l’art. 5 al. 3 LAMal, la couverture d’assurance prend fin lorsque l’assuré cesse d’être soumis à l’obligation de s’assurer. L’art. 7 al. 3bis et 5 OAMal fixe cette échéance – selon le statut de la personne – à la date de l’arrêt de l’activité lucrative en Suisse, du départ effectif de la Suisse ou du décès.

Les assurés de condition économique modeste ont droit, en vertu de l’art. 65 al. 1 LAMal, à la réduction des primes. Cela peut aussi concerner les sans-papiers. La définition des conditions d’octroi et le versement de la réduction des primes relèvent de la compétence des cantons. L’art. 92d OAMal règle les primes des bénéficiaires de l’aide d’urgence.

Les assureurs sont tenus de garder le secret à l’égard des tiers (art. 33 LPGA en relation avec les art. 84 ss LAMal). Ils ne sont pas autorisés à dénoncer des personnes qui séjournent en Suisse sans statut de séjour valable. L’assureur qui viole cette obligation peut, en vertu de l’art. 54 al. 1 let. d LSAMal, être puni d’une amende.

 

  • Droit à l’entraide en matière de prestations en Suisse des personnes assurées de l’UE, de l’AELE et du Royaume-Uni

Lors d’un séjour temporaire en Suisse, les personnes assurées de l’UE, de l’AELE et du Royaume-Uni (ci-après UK) ont droit aux prestations en nature qui s’avèrent médicalement nécessaires, compte tenu de la nature de la prestation et de la durée prévue de leur séjour en Suisse (article 19, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 883/2004).

Pour faire valoir leur droit à l’entraide en matière de prestations, les personnes assurées présentent au fournisseur de prestations un document attestant leur droit aux prestations en nature [article 25, paragraphe 1, première phrase, du règlement (CE) n° 987/2009]. En règle générale, les personnes assurées resp. les patients portent sur eux une carte européenne d’assurance maladie ou un certificat provisoire de remplacement qu’ils présentent au fournisseur de prestations au début du traitement.

Si les patients ne disposent pas d’une attestation de droit ou si celle-ci n’est plus valable, ils s’adressent à l’Institution commune LAMal (IC LAMal) en sa qualité d’institution d’entraide en Suisse. Ils transmettent les informations nécessaires pour que l’IC LAMal puisse demander une attestation de remplacement à l’assurance-maladie sociale de l’État de l’UE/AELE concerné ou de l’UK [article 25, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement (CE) n° 987/2009]. Jusqu’à présent, les fournisseurs de prestations demandaient souvent eux-mêmes les certificats de remplacement à l’assurance-maladie compétente à l’étranger. Cette procédure pragmatique n’est pas conforme aux dispositions des règlements (CE) n° 883/2004 et n° 987/2009 relatifs à l’entraide internationale en matière de prestations et ne peut pas être maintenue. C’est la raison pour laquelle les fournisseurs de prestations en Suisse reçoivent de plus en plus de refus de la part de l’assurance-maladie compétente à l’étranger, avec l’indication que seule l’IC LAMal peut demander l’attestation de droit.

L’IC LAMal demande l’attestation de droit à l’assurance-maladie à l’étranger via la plateforme EESSI et transmet en même temps les informations obligatoires. Cette procédure est prédéfinie et doit être respectée. La personne assurée fait la demande de délivrance d’un certificat de remplacement au moyen de l’application «GE KVG Check-In» et transmet ainsi les informations obligatoires à l’IC LAMal. Tant la personne assurée que le fournisseur de prestations sont informés du résultat de la demande auprès de l’assurance-maladie compétente. Afin de pouvoir satisfaire aux exigences légales ainsi qu’à la transparence, la personne assurée doit impérativement faire la demande via l’application «GE KVG Check-In».

Tant les fournisseurs de prestations que les patients profitent de l’examen direct du droit aux prestations et de la communication immédiate du résultat, à savoir si les coûts de traitement peuvent être réglés en Suisse par l’entraide internationale en matière de prestations ou non. La plateforme est mise gratuitement à la disposition de tous les fournisseurs de prestations. L’application est proposée dans toutes les langues officielles de l’UE/AELE/de l’UK.

Si vous avez d’autres questions, vous pouvez vous adresser directement à l’Institution commune LAMal (Institution commune LAMal, Industriestrasse 78, CH-4600 Olten, www.kvg.org).

 

Lettre d’information du 15.12.2023 de l’OFSP aux assureurs LAMal, à leurs réassureurs et à l’Institution commune LAMal consultable ici

 

Assurances sociales : ce qui va changer en 2024

Assurances sociales : ce qui va changer en 2024

 

Article de Mélanie Sauvain paru in Sécurité Sociale CHSS, 27.11.2023, consultable ici

 

Partir progressivement à la retraite devient possible. C’est l’un des changements concrets que les assurés suisses verront en 2024. D’autres modifications de loi, comme la modernisation de la surveillance du 1er pilier, seront moins tangibles mais tout aussi importantes pour la solidité des assurances sociales.

En un coup d’œil

  • La réforme AVS21 introduit diverses options pour passer de la vie active à la retraite de manière progressive.
  • Les réelles possibilités de revenu des personnes atteintes dans leur santé sont mieux prises en compte dans le calcul du taux d’invalidité.
  • En cas de décès d’un parent peu après la naissance d’un enfant, les congés de maternité, respectivement de paternité, sont prolongés pour le parent survivant.
  • Un monitorage pour surveiller l’évolution des coûts de la santé est introduit dans les conventions tarifaires entre prestataires de soins et assureurs.

 

Plusieurs nouvelles dispositions entrent en vigueur en 2024. Afin que les assurés, les employeurs et les personnes actives dans le domaine des assurances sociales aient une vue d’ensemble, le présent article résume les principaux changements, sur la base des informations disponibles à la mi-novembre 2023.

 

Stabilisation de l’AVS (AVS21)

Les différentes mesures de la réforme Stabilisation de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS 21) entrent en vigueur de manière échelonnée (voir graphique). A partir du 1er janvier 2024, les assurés peuvent aménager leur passage de la vie active à la retraite de manière plus flexible et progressive. Ils peuvent notamment anticiper une partie de leur rente de vieillesse et ajourner une autre partie, dans l’AVS et la prévoyance professionnelle (pour plus de détails, voir Sauvain 2023).

À partir de la même date, il sera possible de choisir de continuer à payer des cotisations sur l’entier de son salaire en cas de poursuite de l’activité lucrative après l’âge de 65 ans, fixé comme âge de référence. La franchise sur la part du salaire inférieure à 1400 francs par mois devient en effet facultative. Cette possibilité permet de combler d’éventuelles lacunes de cotisations et d’augmenter sa rente future. Par ailleurs, le délai de carence pour obtenir une allocation pour impotent de l’AVS est abaissé à 6 mois au lieu d’une année jusqu’ici.

La réforme AVS21 entraîne aussi une hausse du taux ordinaire de la TVA de 0,4 point à 8,1% ; le taux réduit (biens de première nécessité) et le taux spécial (hébergement) augmentent de 0,1 point, passant respectivement à 2,6% et 3,8%. Les recettes ainsi engrangées sont entièrement versées à l’AVS, en plus de celles provenant du «point de pourcentage démographique» que l’assurance reçoit déjà.

Échelons de l’entrée en vigueur de la réforme AVS21

Échelons de l’entrée en vigueur de la réforme AVS21
Échelons de l’entrée en vigueur de la réforme AVS21

 

AI : revenu hypothétique plus réaliste 

Le taux d’invalidité est décisif pour déterminer s’il existe un droit à une rente invalidité et, le cas échéant, pour calculer le montant de cette rente. Pour évaluer ce taux, les offices AI comparent les revenus de l’assuré avant et après la survenance de l’invalidité. Lorsque l’assuré ne travaille plus, les montants utilisés sont hypothétiques et se basent sur des barèmes statistiques de salaires (OFAS 2023a).

A partir du 1er janvier 2024, ces revenus hypothétiques en cas d’invalidité seront réduits de 10% afin de mieux tenir compte des réelles possibilités de revenu des personnes atteintes dans leur santé qui sont souvent moins élevées que les montants de référence des barèmes de salaires. Cette adaptation devrait conduire à une augmentation du taux d’invalidité des personnes concernées et donc à une hausse de leur rente, ainsi qu’à un plus grand nombre de reclassements.

La nouvelle déduction forfaitaire de 10% est appliquée uniquement aux nouveaux cas (dès 2024) dans lesquels un revenu hypothétique doit être pris en compte, faute de revenu effectif après l’invalidité. Les rentes en cours, elles, devront être révisées par les offices AI réviser dans un délai de trois ans. Les autres méthodes de calcul du taux d’invalidité ne sont pas concernées.

 

APG : congé pour le parent survivant prolongé

Le régime des allocations pour perte de gain (APG) est adapté au 1er janvier 2024 pour faire face au décès d’un parent peu après la naissance d’un enfant. Le parent survivant bénéficie d’une prolongation à 16 semaines de son congé de maternité, respectivement de paternité. Si une mère décède dans les 14 semaines après son accouchement, le père de l’enfant – respectivement l’épouse de la mère – se voit octroyer un congé de 14 semaines qui s’ajoute aux 2 semaines auxquelles il (ou elle) avait déjà droit. En cas de décès du père ou de l’épouse de la mère au cours des six mois suivant la naissance de l’enfant, la mère survivante a droit à un congé supplémentaire de 2 semaines.

Cette adaptation des APG s’accompagne de modifications rédactionnelles. Les termes de «congé paternité» et «allocation de paternité» laissent place dans la loi aux «congé de l’autre parent» et «allocation à l’autre parent» afin de tenir compte de l’introduction du mariage civil pour tous en 2022. L’épouse de la mère est reconnue comme parent légal si l’enfant a été conçu au moyen de don de sperme. Et en français, on parle désormais d’ordonnance sur les allocations pour perte de gain (OAPG) et non plus de règlement (RAPG).

 

PC : fin de la période transitoire

Dans les prestations complémentaires (PC), 2024 marque la fin des dispositions transitoires de la réforme entrée en vigueur en 2021. Ces dispositions ont été prévues pour les personnes qui étaient déjà au bénéfice de PC et qui auraient vu leur situation se détériorer à la suite de la réforme. Les anciennes règles en vigueur avant 2021 leur ont été appliquées durant trois ans afin de leur permettre d’adapter leur situation personnelle, notamment en ce qui concerne le loyer.

D’autres nouveautés en lien avec la fortune, respectivement les renonciations de fortune, sont désormais aussi appliquées à ces personnes. Le seuil de fortune introduit en 2021 (100’000 francs pour une personne seule ; 200’000 pour un couple) peut par exemple conduire à la fin du droit aux PC pour les personnes qui possèdent un patrimoine supérieur à ces montants (la valeur du logement qui sert d’habitation et dont l’assuré est propriétaire n’est pas prise en compte).

 

Modernisation de la surveillance

Des instruments modernes de gestion des risques, de gestion de la qualité et de contrôle interne sont mis en place par les organes d’exécution dans l’AVS, les PC, le régime des APG et les allocations familiales dans l’agriculture. C’est l’une des mesures du projet «Modernisation de la surveillance» qui vise un renforcement de la gouvernance ainsi qu’une amélioration du pilotage et de la surveillance des systèmes d’information du 1er pilier. Dans ce but, les rôles et obligations des organes d’exécution et de l’autorité de surveillance sont précisés. Toutes ces mesures entrent en vigueur le 1er janvier 2024.

Dans le 2e pilier, des améliorations ponctuelles de la surveillance ont aussi lieu. Les adaptations visent en premier lieu à régler la reprise des effectifs de bénéficiaires de rentes. Les tâches des experts en matière de prévoyance professionnelle sont également précisées (Baumann, 2020).

 

AMal : mesures de maîtrise des coûts et hausse des primes

Quatre dispositions visant à limiter la hausse des coûts de la santé à ce qui est justifié médicalement entrent en vigueur le 1er janvier 2024. Elles composent le volet 1b d’un paquet plus global de mesures, dont le 2e volet (incluant la question des réseaux de soins coordonnés) est en cours de traitement au Parlement.

Un monitorage est désormais introduit dans les conventions tarifaires entre fournisseurs de prestations et assureurs. Les deux parties sont tenues de prendre des mesures pour surveiller l’évolution des quantités, des volumes et des coûts. Ils devront prendre des mesures correctives en cas de hausses excessives.

La modification de la Loi sur l’assurance-maladie (LAMal) prévoit aussi que les pharmaciens peuvent remettre un médicament meilleur marché lorsque plusieurs produits pharmaceutiques contenant la même substance active figurent dans la liste des spécialités. Dans ce cas de figure, la quote-part assumée par la personne assurée s’élève à 10% seulement.

Les associations d’assureurs obtiennent le droit de recourir auprès du Tribunal administratif fédéral contre les décisions des cantons en lien avec les listes des hôpitaux. Seules les organisations d’importance nationale ou régionale qui se consacrent à la défense des intérêts de leurs membres disposent de ce droit de recours. Enfin, la quatrième mesure concerne les médicaments ayant fait l’objet d’une importation parallèle : leur étiquetage et les textes d’information qui les accompagnent pourront être simplifiés.

En parallèle, le Conseil fédéral a mis en œuvre différentes mesures visant à promouvoir l’utilisation de génériques et de biosimilaires moins coûteux. Diverses ordonnances ont été révisées en ce sens.

Ce paquet de mesures intervient alors que les primes de l’assurance-maladie obligatoire prennent l’ascenseur. En 2024, la prime moyenne mensuelle s’élève à 359,50 francs, ce qui correspond à une hausse de 28,70 francs ou 8,7% par rapport à 2023. La prime moyenne des adultes atteint 426,70 francs (+ 8,6%) et celle des jeunes adultes 300,60 francs (+ 8,6%). La prime moyenne des enfants se monte à 111,80 francs (+ 7,7%). Toutes les données relatives aux primes peuvent être téléchargées à partir du portail Open Data.

Une autre modification de la LAMal au 1er janvier 2024 vise à aider le désendettement des plus jeunes. Les mineurs ne seront désormais plus poursuivis pour les primes et les participations aux coûts impayées par leurs parents. Ce changement mettra fin au régime actuel selon lequel chaque assuré, mineur ou majeur, est personnellement débiteur des primes d’assurance-maladie le concernant.

 

LPP : hausse du taux d’intérêt minimal

Dans la prévoyance professionnelle obligatoire (LPP), le taux d’intérêt minimal est relevé de 0,25 point à 1,25% en 2024 (OFAS 2023b). Le Conseil fédéral a suivi les recommandations de la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle pour fixer l’intérêt minimal auquel doivent être rémunérés les avoirs de vieillesse de la LPP. L’élément déterminant pour fixer ce taux à 1,25% est l’évolution du rendement des obligations de la Confédération qui a considérablement augmenté, ainsi que l’évolution des actions, des obligations et de l’immobilier.

 

Mélanie Sauvain, Assurances sociales : ce qui va changer en 2024, in Sécurité Sociale CHSS, 27.11.2023, consultable ici

Mélanie Sauvain, Sozialversicherungen: Was ändert sich 2024?, in Soziale Sicherheit CHSS, 27.11.2023, hier abrufbar

 

9C_123/2022 (f) du 28.11.2022 – Dysphorie de genre – Traitement chirurgicale faciale consistant en un rabotage de l’arcade sourcilière – Caractères sexuels secondaires / Caractère efficace, approprié et économique du traitement médical

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_123/2022 (f) du 28.11.2022

 

Consultable ici

 

Dysphorie de genre – Traitement chirurgicale faciale consistant en un rabotage de l’arcade sourcilière – Caractères sexuels secondaires

Notion de maladie – Caractère efficace, approprié et économique du traitement médical / 3 LPGA – 32 al. 1 LAMal

Valeur probante des rapports médicaux

 

A la suite d’une dysphorie de genre due à son identité transgenre, l’assurée, née de sexe masculin, a entrepris une procédure de changement de sexe. Son acte de naissance a été modifié en janvier 2020 en ce sens qu’elle est de sexe féminin.

Le 18.10.2019, l’assurée a requis, par l’intermédiaire d’un spécialiste en chirurgie plastique, reconstructive et esthétique, la prise en charge d’une chirurgie faciale consistant en un rabotage de l’arcade sourcilière, afin de féminiser le front. Elle a subi cette intervention sans attendre la garantie de paiement de la caisse-maladie qui, par décision du 03.07.2020, confirmée sur opposition le 07.12.2020, a refusé la prise en charge des coûts y afférents. En bref, la caisse-maladie a considéré que les arcades sourcilières ne faisaient pas partie des caractères sexuels secondaires et que les arcades sourcilières de l’assurée n’étaient pas particulièrement saillantes. Leur rabotage ne permettait pas d’obtenir un bénéfice thérapeutique clair et de diminuer les souffrances de l’intéressée, si bien que l’opération ne remplissait pas les critères d’efficacité et d’adéquation

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1372/2021 [arrêt de principe] – consultable ici)

Par jugement du 16.12.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.1
La doctrine médicale et en matière d’anthropologie médico-légale produite par l’assurée et par la caisse-maladie ne relève pas – en tant que littérature spécialisée accessible par tout un chacunde l’interdiction des moyens de preuve nouveaux au sens de l’art. 99 al. 1 LTF, selon lequel aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté en procédure fédérale, à moins de résulter de la décision de l’autorité précédente (arrêt 9C_131/2021 du 24 novembre 2021 consid. 2 [in: SVR, 2022 KV n° 9 p. 52] et les arrêts cités). Cela étant, elle n’est pas utile pour juger de la présente cause.

Consid. 3.1
Le litige porte sur le droit de l’assurée à la prise en charge par la caisse-maladie, à titre de prestations couvertes par la LAMal, des coûts de la chirurgie de rabotage des arcades sourcilières qu’elle a subie en octobre 2019 dans le cadre d’une dysphorie de genre (ou transsexualisme; CIM-10 F 64.0).

Consid. 3.3
On rappellera également, à la suite des juges cantonaux, que l‘opération de changement de sexe en cas de dysphorie de genre (ou troubles de l’identité sexuelle) doit être envisagée de façon globale tant pour des raisons physiques que psychologiques. Aussi, lorsque les conditions justifiant l’opération chirurgicale évoquée sont réalisées, les interventions complémentaires visant à modifier les caractères sexuels secondaires font en principe partie des prestations obligatoires devant être mises à la charge des assureurs-maladie, pour autant que les conditions de l’art. 32 al. 1 LAMal soient réalisées (ATF 142 V 316 consid. 5.1; 120 V 463 consid. 6b).

Les caractères sexuels primaires différents chez les femmes et chez les hommes désignent l’ensemble des organes génitaux qui permettent la reproduction et apparaissent in utero après quelques semaines de gestation. On les distingue des caractères sexuels secondaires qui confèrent également à l’individu une apparence féminine ou masculine mais apparaissent à la puberté. Sous l’angle médical, sont notamment mentionnés à cet égard l’apparition d’une pilosité du visage ainsi que d’autres parties du corps, la mue de la voix due à une modification du larynx ou l’augmentation du volume musculaire pour les hommes et le développement de la poitrine ainsi que des capacités de sécrétion lactée ou l’apparition des cycles menstruels chez les femmes (cf. dictionnaire médical Pschyrembel Online, sous www.pschyrembel.de, ad Geschlechtsmerkmale). Il existe encore des particularités physiques qui ont un rôle important du point de vue esthétique et participent en principe de l’apparence féminine ou masculine d’un individu. Il en va ainsi d’une calvitie d’une ampleur typiquement masculine. Dans le contexte d’une dysphorie de genre avec indication d’opération de changement de sexe, une particularité physique qui serait incompatible avec l’apparence féminine ou masculine recherchée doit être assimilée à un caractère sexuel secondaire. Le traitement visant à y remédier doit alors être pris en charge par l’assurance obligatoire des soins comme c’est le cas d’une intervention complémentaire destinée à modifier un caractère sexuel secondaire pour autant que cette mesure fasse partie d’un programme thérapeutique global établi en fonction de tous les éléments recueillis et puisse être considérée comme efficace, appropriée et économique à l’intérieur de ce plan. En principe, la prise en charge des coûts entre alors en considération pour une prestation qui ne constitue en soi pas une mesure à la charge de l’assurance obligatoire des soins (arrêt 9C_331/2020 du 29 septembre 2020 consid. 5.2.2, in: SVR 2022 KV n° 6 p. 35; ATF 142 V 316 consid. 5.2 et la référence).

 

Consid. 4.1
La juridiction cantonale a d’abord considéré que les arcades sourcilières ne correspondent pas à la définition restrictive, selon elle, des caractères sexuels secondaires appliquée par le Tribunal fédéral, si bien que leur rabotage n’est en principe pas à la charge de l’assurance-maladie des soins. Elle a ensuite examiné la question de savoir si la proéminence des arcades sourcilières de l’assurée, avant leur correction, constitue une particularité physique incompatible avec une apparence féminine pouvant être assimilée à un caractère sexuel secondaire. Elle a nié cela en se fondant sur l’avis du médecin-conseil de la caisse-maladie et a considéré pour le surplus qu’il n’était pas utile de mettre en œuvre une expertise médicale. Dans la mesure où une incompatibilité avec une apparence féminine n’a pas été établie, les juges cantonaux ont nié que les coûts de l’intervention litigieuse puissent être mis à la charge de la caisse-maladie.

Consid. 5.1
Quoi qu’en disent d’abord les parties, le point de savoir si les arcades sourcilières doivent être qualifiées de caractère sexuel secondaire ou de particularité physique ayant un rôle important du point de vue esthétique et participant en principe de l’apparence féminine ou masculine d’un individu peut en l’espèce être laissé ouvert. En effet, dans les deux hypothèses, une intervention complémentaire ne peut être mise à la charge de l’assurance obligatoire des soins pour autant que les conditions de l’art. 32 al. 1 LAMal soient réalisées (consid. 3.3 supra). Pour cette raison déjà, c’est en vain que l’assurée reproche à la juridiction de première instance de ne pas l’avoir entendue sur son revirement de jurisprudence. Si la juridiction cantonale a certes considéré dans un arrêt rendu le 22 mai 2018 (ATAS/423/2018) que les arcades sourcilières étaient à qualifier de caractère sexuel secondaire, elle a alors retenu que la nécessité d’une intervention de correction de cet attribut doit être niée si, dans le cas concret, il n’est pas particulièrement développé, et en tout cas pas au point de provoquer une souffrance ou de participer à la détresse de la patiente. A cet égard, dans le cadre du traitement de la dysphorie de genre, l’objectif thérapeutique recherché doit être non seulement d’accéder au désir de la personne concernée de changer de sexe mais aussi de soulager les effets négatifs du diagnostic, c’est-à-dire de procurer à la personne concernée un bien-être subjectif en éliminant ou en réduisant le malaise et la détresse cliniquement significatifs liés aux difficultés d’ordre somatique et psychique rencontrés lors d’une réassignation sexuelle. Cet objectif implique le fait de donner à la personne concernée une apparence extérieure correspondant à son nouveau sexe (cf. p. ex. ATF 120 V 463 consid. 6b). Il ne relève toutefois pas du seul désir de l’intéressée. Au contraire, encore faut-il que le caractère sexuel secondaire dont la modification est envisagée présente une apparence typique de l’autre sexe que celui attribué, faute de quoi l’opération projetée relèverait de la chirurgie esthétique (à ce propos, cf. ATF 138 V 131 consid. 5.1).

Consid. 5.2.1
Pour parvenir à la conclusion que la protubérance des arcades sourcilières de l’assurée n’était pas incompatible avec une apparence féminine, la juridiction cantonale a apprécié les différents rapports médicaux versés au dossier, ainsi que les photos prises par le spécialiste en chirurgie plastique, reconstructive et esthétique avant et après l’intervention chirurgicale. Elle a d’abord constaté que ni les médecins interrogés ni la psychologue de l’assurée n’avaient voulu se prononcer sur la question de savoir si les arcades sourcilières de leur patiente étaient incompatibles avec une apparence féminine et a supposé que s’ils avaient jugé la protubérance supra-orbitale comme totalement incompatible avec une apparence féminine, ils n’auraient pas hésité à l’affirmer. Le médecin-conseil de la caisse-maladie, spécialiste en médecine légale, avait en revanche conclu, en se fondant sur les photos avant et après l’opération prises par le chirurgien plastique, que les arcades sourcilières de l’assurée n’étaient pas particulièrement proéminentes et qu’il n’était pas médicalement attesté qu’elles conféraient une apparence masculine à l’intéressée. Quant au chirurgien plastique, il avait qualifié le souhait de sa patiente de subir une intervention de rabotage des arcades sourcilières de compréhensible dans le cas d’espèce et indiqué que la protubérance supra-orbitale était très marquée et avait un aspect très masculin. Confrontés aux avis médicaux divergents du chirurgien et du médecin-conseil, les juges cantonaux ont examiné les photos et conclu qu’elles ne permettaient pas de constater que les arcades sourcilières de l’assurée étaient incompatibles avec une apparence féminine. Ils ont ensuite expliqué que dans la mesure où l’intervention litigieuse ne relève pas d’une question technique ou d’évaluation médicale d’une atteinte à la santé, mais d’une appréciation très subjective d’une apparence, une expertise médicale n’était pas nécessaire en l’espèce. Selon l’instance cantonale, un expert ne pourrait en effet se prononcer que sur la base des mêmes photos.

Consid. 5.2.2
Quoi qu’en dise l’assurée, l’appréciation de la juridiction cantonale n’est pas arbitraire. Parmi les médecins consultés, seul le chirurgien plastique a indiqué qu’avant son intervention, la protubérance des arcades sourcilières était très marquée et avait un aspect très masculin. En revanche, l’endocrinologue traitant a indiqué ne pas être en mesure de juger si les arcades sourcilières de sa patiente étaient « formellement compatibles ou incompatibles avec une apparence féminine avant l’intervention ». De son côté, le médecin-conseil a nié que les arcades sourcilières de l’assurée lui avaient conféré une apparence masculine. Dans ces circonstances, on ne saurait qualifier de manifestement inexactes les constatations cantonales selon lesquelles il n’est pas établi que la protubérance des arcades sourcilières de l’assurée est incompatible avec une apparence féminine, les juges cantonaux ayant par ailleurs eux-mêmes apprécié les photographies au dossier.

L’intervention litigieuse n’était donc pas nécessaire pour atteindre l’objectif thérapeutique visé dans le cadre du traitement de la dysphorie de genre, à savoir principalement le fait de donner à la personne concernée une apparence extérieure correspondant à son nouveau sexe. A cet égard, l’objectif thérapeutique visé ne doit pas seulement être examiné sous l’angle subjectif de la personne en traitement, mais également sous l’angle objectif. L’attribut dont la modification est envisagée doit en effet présenter une apparence typique de l’autre sexe que celui attribué, faute de quoi l’opération projetée relève de la chirurgie esthétique (consid. 5.1 supra). On ajoutera qu’une apparence extérieure correspondant au nouveau sexe ne signifie pas une apparence correspondant à l’idéal de beauté du nouveau sexe. Ainsi, dans un cas particulier, le Tribunal fédéral a considéré que lorsque l’hormonothérapie, dans le cadre d’une dysphorie de genre, a permis un accroissement mammaire correspondant à l’apparence caractéristique d’une poitrine du genre féminin, l’assureur-maladie n’avait pas à prendre en charge une intervention visant à une augmentation mammaire. En d’autres termes, une intervention chirurgicale qui avait pour but premier de contribuer à rendre la poitrine de l’intéressée plus belle ou plus conforme aux mensurations idéales ne constituait pas une prestation obligatoire (arrêt 9C_255/2016 du 17 février 2017 consid. 6).

Consid. 5.2.3
En conséquence de ce qui précède, les coûts de l’intervention subie par l’assurée n’ont pas à être pris en charge par l’assurance-maladie (art. 32 LAMal). Compte tenu des différents avis médicaux, ainsi que des autres pièces au dossier, la juridiction cantonale était en droit de se forger une conviction sans nouvelle mesure d’instruction. Le recours est mal fondé.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_123/2022 consultable ici

 

Primes LAMal non payées : aide au désendettement plus efficace pour les mineurs et les assurés

Primes LAMal non payées : aide au désendettement plus efficace pour les mineurs et les assurés

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 22.11.2023 consultable ici

 

Les mineurs ne pourront plus être poursuivis pour les primes non payées par leurs parents. Lors de sa séance du 22 novembre 2023, le Conseil fédéral a fixé l’entrée en vigueur de la modification de la loi fédérale sur l’assurance maladie (LAMal), de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillites (LP) et de l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal) concernant l’obligation de payer les primes. Les assureurs pourront par ailleurs engager deux procédures de poursuite au maximum par année et par assuré. Quant aux cantons, ils pourront se faire céder les actes de défauts de biens et agir ainsi plus efficacement contre l’endettement des assurés.

Grâce à la modification de la LAMal, les mineurs ne pourront plus être poursuivis pour les primes et les participations aux coûts impayées par leurs parents. Ce changement mettra fin au régime actuel selon lequel chaque assuré, mineur ou majeur, est personnellement débiteur des primes d’assurance-maladie le concernant. Le Conseil fédéral a fixé l’entrée en vigueur de cette modification au 1er janvier 2024.

Afin de limiter les dépenses liées aux frais de poursuite, les assureurs pourront engager au maximum deux procédures de poursuite par année contre le même assuré. Les assureurs devant adapter leurs systèmes informatiques pour mettre en œuvre cette modification, sa mise en vigueur interviendra au 1er janvier 2025.

 

Reprise des actes de défaut de biens par les cantons

La modification de la LAMal donne aussi la possibilité aux cantons de reprendre les actes de défaut de bien des assurés et de leur offrir une aide au désendettement. Un canton pourra ainsi se faire céder les actes de défaut de biens s’il prend en charge 90% de l’ensemble des créances annoncées par l’assureur. Actuellement, les cantons doivent payer 85% des créances à l’assureur qui conserve l’acte de défaut de biens. Les cantons auront le choix entre une reprise annuelle ou trimestrielle des actes de défaut de biens. Les assurés pourront ainsi changer plus rapidement de caisse-maladie et s’affilier auprès d’un assureur avec des primes plus avantageuses. Actuellement, ce n’est pas possible tant que leurs créances envers un assureur n’ont pas été réglées. Cette modification entrera en vigueur au 1er juillet 2025 pour permettre aux cantons et aux assureurs d’adapter leurs systèmes d’échange électronique des données.

Le Parlement a également accepté une modification de la LP ayant pour objectif d’aider les assurés à sortir de la spirale de l’endettement. Les assurés faisant l’objet d’une saisie de revenus ont la possibilité de charger l’office des poursuites de payer leurs primes courantes. Cette modification entrera en vigueur au 1er juillet 2024.

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 22.11.2023 consultable ici

Modification de l’OAMal disponible ici

Rapport explicatif du 22.11.2023 sur la modification de l’OAMal disponible ici

Rapport sur les résultats de la consultation, juin 2023, disponible ici

 

Premi LAMal non pagati : un aiuto più efficace contro l’indebitamento dei minorenni e degli assicurati, communicato stampa disponibile qui

Krankenkassenprämien nicht bezahlt : effizientere Hilfe beim Schuldenabbau für Minderjährige und andere Versicherte, Medienmitteilung hier abrufbar

 

 

Motion Weichelt 23.3920 «Assurance-maladie. Mettre fin au système antisocial de la prime par tête» – Avis du Conseil fédéral

Motion Weichelt 23.3920 «Assurance-maladie. Mettre fin au système antisocial de la prime par tête» – Avis du Conseil fédéral

 

Consultable ici

 

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de soumettre au Parlement un projet de modification de la loi fédérale sur l’assurance-maladie qui prévoie des primes en fonction du revenu et de la fortune.

 

Développement

Les primes de l’assurance-maladie ne sont plus supportables pour une grande partie de la population. L’idée initiale de la réduction des primes, qui permet d’alléger la charge des ménages, ne fonctionne pas assez bien. Lors de l’introduction de la réduction des primes, le Conseil fédéral et le Parlement ont promis de mesurer son efficacité sociopolitique par rapport à un objectif d’une charge de 8% au maximum du revenu imposable des ménages. Ces 8% correspondent à peu près à 6% du revenu disponible. Or, outre que l’objectif de solidarité et d’allégement suffisant pour les ménages n’est pas atteint, la charge administrative est énorme.

Quand on parle d’évolution des coûts, c’est la différence entre les primes et les coûts qui est déterminante. Lors de l’introduction de la loi fédérale sur l’assurance-maladie, les primes de l’assurance obligatoire des soins couvraient 29,9% des coûts de la santé ; aujourd’hui, elles en financent 37,9%. Si les primes augmentent, c’est aussi parce que nous finançons de plus en plus le système de santé par les primes. Si nous ne financions que 29,9% des coûts par les primes comme en 1996, celles-ci seraient aujourd’hui 21% plus basses.

Mettre les primes et les coûts sur le même plan occulte les questions de financement. Les hausses de primes qui s’annoncent pour l’automne 2023 feront particulièrement souffrir les ménages à faible revenu dans un système qui fait de plus en reposer le financement sur les primes par tête.

Les coûts de la santé en Suisse s’élèvent à 11% du produit intérieur brut. Un pays riche comme le nôtre peut les assumer en faisant preuve de solidarité, à condition qu’ils soient véritablement utilisés pour la santé de la population. Les moyens doivent être utilisés à bon escient et la charge doit être répartie équitablement sur la population. Il faut donc un financement plus important par l’État et l’impôt et un changement de système, qui supprime les primes par tête.

 

Avis du Conseil fédéral du 30.08.2023

La loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) prévoit qu’une assurance prélève des primes égales auprès des personnes qu’elle assure. Elle échelonne les montants des primes selon les différences des coûts cantonaux (art. 61, al. 1 et 2, LAMal). Le Parlement a introduit la réduction individuelle des primes (RIP) pour corriger les inégalités socio-politiques de cette prime par tête. En conséquence, les cantons accordent des subsides aux personnes de condition économique modeste (art. 65, al. 1, LAMal).

Comme le Conseil fédéral l’a exposé dans sa réponse à l’interpellation de la Reussille 22.3647 « Hausse des primes. Un nouveau système s’impose », l’approche actuelle tient compte du revenu. Les réductions proviennent de contributions de la Confédération et des cantons, qui les financent principalement via les impôts. De plus, les cantons couvrent également une partie des coûts des traitements hospitaliers stationnaires.

Plusieurs interventions et initiatives ont déjà proposé de fixer les primes en fonction du revenu (p. ex. iv. pa. 96.470 Spielmann, iv. ct. 02.305 Jura, iv. pa. 07.465 Groupe socialiste et mo. 11.4094 Chopard-Acklin). Le Parlement les a rejetées. Similairement, en mars 2007, le peuple a refusé l’initiative populaire « Pour une caisse-maladie unique et sociale » (05.089), qui demandait la même chose.

Le Conseil fédéral continue de défendre une stratégie de financement duale :

  • d’une part, la solidarité entre les genres, les générations et les états de santé ;
  • d’autre part, un correctif sociopolitique, la réduction individuelle des primes.

Ainsi, les mesures de redistribution ne masquent pas l’évolution des coûts dans l’assurance-maladie.

Selon le libellé de la motion, il faut conserver les primes, c.-à-d. les contributions payées par les personnes assurées. Si elles étaient fixées en fonction du revenu et de la fortune, il faudrait s’attendre à une augmentation des charges administratives, liée à l’échelonnement des primes par canton et par région (une pratique déjà autorisée, cf. art. 61, al. 2 et 2bis, LAMal).

Le Conseil fédéral entend mieux promouvoir la réduction individuelle des primes. C’est pourquoi, dans le cadre du contre-projet à l’initiative d’allègement des primes du Parti socialiste (21.063), il propose que chaque canton apporte une contribution minimale à cet effet. Le Parlement débat actuellement cet objet, qui permettrait de garder les primes abordables pour les milieux défavorisés.

Pour ces raisons, le Conseil fédéral maintient sa réponse au postulat Fridez 23.3089 « Quid du financement à long terme des coûts de la santé ? » : il n’estime toujours pas opportun de modifier le système de fond en comble en introduisant une fixation des primes en fonction du revenu et de la fortune.

 

Proposition du Conseil fédéral du 30.08.2023

Rejet

 

 

Motion Weichelt 23.3920 «Assurance-maladie. Mettre fin au système antisocial de la prime par tête» consultable ici

 

Mozione Weichelt 23.3920 “Assicurazione malattie. Basta con il sistema antisociale dei premi individuali” disponibile qui

Motion Weichelt 23.3920 «Schluss mit den unsozialen Kopfprämien bei der Krankenversicherung» hier verfügbar

 

8C_308/2022 (f) du 18.08.2022 – Refus de subside pour le paiement des primes d’assurance-maladie / Assuré qui, par choix personnel, a décidé de ne pas travailler ni rechercher un emploi

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_308/2022 (f) du 18.08.2022

 

Consultable ici

 

Refus de subside pour le paiement des primes d’assurance-maladie / 65 LAMal – LVLAMal (loi d’application vaudoise de la loi fédérale sur l’assurance-maladie)

Assuré qui, par choix personnel, a décidé de ne pas travailler ni rechercher un emploi

 

Assuré, né en 1976, a bénéficié d’un subside pour le paiement de ses primes d’assurance-maladie à partir du 01.06.2015 du fait qu’il était en formation dans un premier temps, puis à l’aide sociale. Le requérant ayant renoncé à bénéficier de l’aide sociale à partir du mois d’avril 2020, l’Office vaudois de l’assurance-maladie (ci-après: l’OVAM) l’a informé de la suppression de son droit au subside dès le 30.09.2020. Le 29.09.2020, l’intéressé a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’Agence d’assurances sociales de Nyon, expliquant qu’il ne sollicitait plus le revenu d’insertion car il ne voulait plus dépendre de l’aide sociale, qu’il vivait uniquement avec le soutien financier de sa famille et n’avait pas de fortune.

Par décision du 15.01.2021, l’OVAM a refusé de lui allouer toute aide pour le paiement de ses primes d’assurance-maladie dès le 01.10.2020. Il a confirmé ce refus par une décision sur réclamation du 27.07.2021. L’OVAM a retenu que le requérant ne pouvait pas être considéré comme étant de condition économique modeste, dès lors que par choix personnel, il n’exerçait aucune activité lucrative ni ne recherchait un emploi qui lui procurerait certainement un revenu supérieur aux limites légales applicables ou, tout au moins, conditionnerait l’octroi d’un subside.

 

Procédure cantonale (arrêt LAVAM 8/21-4/2022 – consultable ici)

Par jugement du 12.04.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 65 LAMal, les cantons accordent des réductions de primes aux assurés de condition économique modeste (al. 1); les réductions sont fixées de telle manière que les subsides annuels de la Confédération et des cantons au sens de l’art. 66 LAMal soient en principe versés intégralement (al. 2). La jurisprudence rendue à propos de l’art. 65 al. 1 LAMal considère que les cantons jouissent d’une grande liberté dans l’aménagement de la réduction des primes, dans la mesure où ils peuvent définir de manière autonome ce qu’il faut entendre par « condition économique modeste ». En effet, les conditions auxquelles sont soumises les réductions des primes ne sont pas réglées par le droit fédéral, du moment que le législateur a renoncé à préciser la notion d’« assurés de condition économique modeste ». Aussi, les règles édictées par les cantons en matière de réduction des primes dans l’assurance-maladie constituent du droit cantonal autonome (ATF 131 V 202 consid. 3.2.2; 125 V 183 consid. 2b), que le Tribunal fédéral n’examine que sous l’angle restreint de l’arbitraire (cf. ATF 144 II 313 consid. 5.3; 134 II 207 consid. 2; arrêts 2C_686/2018 du 21 janvier 2019 consid. 4; 2C_1117/2018 du 17 décembre 2018 consid. 4.2).

Consid. 3.2
Selon l’art. 9 al. 2 LVLAMal, sont considérées comme étant de condition économique modeste les personnes dont le revenu calculé conformément aux art. 11 et 12 LVLAMal est égal ou inférieur aux limites fixées par le Conseil d’État ou qui remplissent les conditions d’octroi d’un subside spécifique au sens de l’art. 17a (al. 2). Aux termes de l’art. 9 al. 3 LVLAMal, n’est notamment pas considérée comme étant de condition économique modeste toute personne disposant de ressources financières insuffisantes en raison d’un choix délibéré de sa part. L’art. 17 al. 1 du règlement du Conseil d’État du 18 septembre 1996 concernant la LVLAMal (RLVLAMal; BLV 832.01.1) précise que tel est le cas, en particulier, de la personne qui, par choix personnel, a intentionnellement et librement renoncé à mettre toute sa capacité de gain à contribution (let. c).

 

Consid. 5.1
Le recourant fait valoir qu’en faisant dépendre l’octroi d’un subside pour l’assurance-maladie de la « capacité de gain » d’une personne et en réservant le subside aux seuls assurés exerçant une activité lucrative, les dispositions vaudoises d’application de l’art. 65 al. 1 LAMal (art. 9 al. 2 LVLAMal et art. 17 al. 1 let. c RLVLAMal précités) violeraient également sa liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et sa liberté économique (art. 27 Cst.), ainsi que l’interdiction d’être astreint à un travail obligatoire (art. 4 par. 2 CEDH). Il invoque en outre une violation du principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.).

Consid. 5.2.1
La liberté personnelle au sens de l’art. 10 al. 2 Cst. garantit le droit à l’intégrité physique et psychique, la liberté de mouvement et, de manière générale, toutes les facultés élémentaires dont l’exercice est indispensable à l’épanouissement de la personne humaine. Sa portée ne peut pas être définie de manière générale mais doit être déterminée de cas en cas, en tenant compte des buts de la liberté, de l’intensité de l’atteinte qui y est portée, ainsi que de la personnalité de ses destinataires (ATF 142 I 195 consid. 3.2; 134 I 214 consid. 5.1, tous deux avec références). La liberté personnelle se conçoit comme une garantie générale et subsidiaire à laquelle le citoyen peut se référer pour la protection de sa personnalité ou de sa dignité, en l’absence d’un droit fondamental plus spécifique (ATF 123 I 112 consid. 4; arrêt 2D_7/2013 du 30 mai 2013 consid. 8.1; concernant la dignité humaine, cf. ATF 132 I 49 consid. 5.1). En l’occurrence, le droit fondamental à des conditions minimales d’existence, soit à la couverture des besoins élémentaires pour survivre d’une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l’habillement et les soins médicaux de base est garanti par l’art. 12 Cst. (cf. ATF 146 I 1 consid. 5.1 et les références).

Les droits fondamentaux ont avant tout une fonction de défense contre les atteintes causées par l’État (cf ATF 144 I 50 consid. 4.1; 138 I 225 consid. 3.5; 135 I 113 consid. 2.1) et peuvent également fonder un devoir étatique de protection contre des atteintes provoquées par des tiers (cf. ATF 146 IV 76 consid. 4.2; 126 II 300 consid. 5a). Cela vaut en particulier pour l’art. 10 Cst. (cf. ATF 140 II 315 consid. 4.8; 138 IV 86 consid. 3.1.2; 136 I 167 consid. 2.2; 133 I 58 consid. 6.2.1). Un droit à une prestation positive de l’État ne peut en principe pas être déduit directement des droits fondamentaux; un tel droit ne peut tout au plus exister qu’exceptionnellement et de façon ponctuelle (cf. ATF 138 I 225 consid. 3.5).

Consid. 5.2.2
Il découle de ce qui précède que le recourant ne peut pas se prévaloir de l’art. 10 al. 2 Cst. pour s’opposer à la décision de l’OVAM. Cette disposition est en effet subsidiaire à l’art. 12 Cst. et ne confère pas, dans les présentes circonstances, un droit à une prestation positive de l’État (cf. consid. 5.2.1 supra). Le recourant n’expose pas et on ne voit pas dans quelle mesure le domaine de protection de la liberté personnelle serait touché par la présente décision de l’OVAM. L’assuré demeure libre dans son choix de ne pas travailler, mais il n’appartient pas à la collectivité de le soutenir financièrement dans ce choix par l’octroi de subsides pour le paiement de ses primes d’assurance-maladie.

Consid. 5.2.3
Par ailleurs, la question de la possibilité de refuser l’octroi d’un subside en lien avec l’art. 12 Cst. doit être laissée ouverte. En effet, le recourant n’invoque pas cette disposition et celle-ci ne peut pas être examinée d’office (art. 106 al. 2 LTF). Au demeurant, même s’il l’avait invoquée, il faudrait constater que le recourant n’allègue pas, ni ne démontre qu’il se trouverait dans une situation de détresse. En particulier, il n’établit pas qu’il ne disposerait pas des moyens de subvenir à son entretien et de s’acquitter de ses primes d’assurance-maladie.

Consid. 5.2.4
En matière d’aide sociale, le Tribunal fédéral a déjà constaté à plusieurs reprises que celui qui, objectivement, serait en mesure de se procurer les ressources indispensables à sa survie par ses propres moyens – en particulier en acceptant un travail convenable – ne remplit pas les conditions du droit à l’aide sociale (ATF 139 I 218 consid. 5.2; 130 I 71 consid. 4.3).

Les considérations qui sont à la base de cette jurisprudence, en particulier dans le domaine des prestations de l’aide sociale, peuvent également être invoquées en matière de subsides d’assurance-maladie, vu l’évidente analogie entre ces deux types de prestations. Dans les deux domaines, les prestations sont régies par le principe de la subsidiarité par rapport à d’autres sources de revenus (cf. ATF 134 I 313 consid. 5.6.1; voir aussi RUDOLF URSPRUNG/DOROTHEA RIEDI HUNOLD, Verfahrensgrundsätze und Grundrechtsbeschränkungen in der Sozialhilfe, ZBl 8/2015 p. 422; KATHRIN AMSTUTZ, Das Grundrecht auf Existenzsicherung: Bedeutung und inhaltliche Ausgestaltung des Art. 12 der neuen Bundesverfassung, Berne 2002, p. 169).

 

Consid. 5.3
Selon l’art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu (ATF 141 V 557 consid. 7.1 et les références). Cette disposition constitutionnelle ne confère par ailleurs aucun droit à une prestation positive de l’État (ATF 130 I 26 consid. 4.1). Par conséquent, le refus de l’OVAM d’accorder au recourant des subsides pour le paiement de ses primes d’assurance-maladie ne viole manifestement pas sa liberté économique.

 

Consid. 5.4
Le recourant invoque enfin l’art. 4 par. 2 CEDH, selon lequel « nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire ». En l’occurrence, on ne saurait voir, dans le refus de subside pour le paiement des primes d’assurance-maladie, une atteinte à l’interdiction du travail obligatoire. Le recourant demeure libre dans son choix de ne pas travailler, mais il n’appartient pas à la collectivité de le soutenir financièrement dans ce choix (cf. consid. 5.2.2 supra).

 

Consid. 6
Le recourant demande à titre subsidiaire d’être exempté de l’assurance-maladie obligatoire. Cette conclusion n’ayant pas été prise en instance cantonale, il s’agit d’une conclusion nouvelle qui est irrecevable devant le Tribunal fédéral (art. 99 al. 2 LTF).

Au demeurant, l’un des buts principaux de la LAMal est de rendre l’assurance-maladie obligatoire pour l’ensemble de la population en Suisse (ATF 129 V 77 consid. 4.1; 125 V 266 consid. 5b). Aussi bien l’art. 3 al. 1 LAMal pose-t-il le principe de l’obligation d’assurance pour toute personne domiciliée en Suisse (ATF 129 V 77 consid. 4.2). Or il est constant que le recourant, domicilié en Suisse, est soumis à l’assurance obligatoire des soins (art. 3 al. 1 LAMal). Il ne saurait se soustraire au principe de l’obligation d’assurance. C’est en vain qu’il invoque que la loi serait contraire à ses droits fondamentaux. En effet, selon l’art. 190 Cst., le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d’appliquer les lois fédérales et le droit international.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_308/2022 consultable ici

 

9C_650/2021 (f) du 07.11.2022, destiné à la publication – Validité d’une réserve d’assurance rétroactive par l’assureur-maladie – 69 LAMal / Réticence / Organisation des caisses-maladie et régime légal de la protection des données

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_650/2021 (f) du 07.11.2022, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Validité d’une réserve d’assurance rétroactive par l’assureur-maladie – Délai pour instituer une réserve / 69 LAMal

Signature d’une proposition d’assurance et accord au traitement des données personnelles de l’assuré, notamment tous les autres assureurs d’une holding (même groupe d’assureurs)

Réticence – Dies a quo de la connaissance par l’assureur – Pas d’imputation de la connaissance d’une information objectivement accessible au sein de son organisation

Organisation des caisses-maladie et régime légal de la protection des données

 

Assurée, employée comme infirmière à 80% auprès d’une clinique, assurée contre la perte de gain en cas de maladie par Mutuel Assurances (assurance selon la LCA).

Dans un rapport du 15.10.2017, le médecin traitant, spécialiste en médecine générale, a indiqué à la caisse-maladie que sa patiente était atteinte d’hydrocéphalie, ce diagnostic remontant à l’année 2014 environ; elle était limitée de manière intermittente par des céphalées et des vertiges devenant très gênants et présentait des phases d’incapacité entière de travail. Par la suite, il a mentionné que l’hydrocéphalie avait été diagnostiquée en mars 2017.

Entre-temps, l’assurée a commencé une activité accessoire d’infirmière indépendante à 20% depuis le début de l’année 2014. Afin de couvrir cette activité indépendante, elle a conclu une assurance individuelle facultative d’indemnités journalières selon la LAMal auprès d’Avenir Assurance le 13.09.2017, portant sur une indemnité journalière en cas de maladie de 50 fr. par jour, assortie d’un délai d’attente de sept jours pour les risques maladie et accident. Dans le document « Questionnaire de santé », l’assurée n’a pas indiqué de trouble de la santé. Entre autres réponses, elle a nié être alors (« actuellement ») ou avoir été en traitement au cours des cinq dernières années auprès d’un médecin ainsi que présenter des séquelles d’une maladie.

Le 29.08.2019, Avenir Assurance a reçu une déclaration d’incapacité de travail de l’assurée, selon laquelle elle avait travaillé la dernière fois le 15.03.2019 et était en incapacité de travail depuis le 16.03.2019 en raison d’une hydrocéphalie. Après avoir obtenu le 02.12.2019 l’autorisation de l’assurée pour traiter les données nécessaires à la détermination du droit aux prestations, notamment en requérant des informations auprès des autres assureurs sociaux ou privés, Avenir Assurance a obtenu le dossier médical de l’assurée de la part de Mutuel Assurances. Par décision du 09.01.2020, confirmée sur opposition, Avenir Assurance a institué une réserve rétroactive dès le 13.09.2017 pour hydrocéphalie et ses complications, en raison d’une réticence, ce pour une durée de cinq ans; elle a par ailleurs refusé toute indemnité pour l’incapacité de travail annoncée dès le 16.03.2019 et mis un terme au contrat d’assurance avec effet au 31.12.2019.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 08.11.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition, renvoyant le dossier à Avenir Assurance pour « examen des autres conditions du droit aux indemnités journalières requises ».

 

TF

Consid. 4.1
La juridiction cantonale a constaté qu’au moment de son adhésion à Avenir Assurance, l’assurée avait passé sous silence des faits importants pour l’évaluation de son risque par l’assurance et manifestement commis une réticence. L’assurée avait ainsi omis d’indiquer qu’elle souffrait d’une hydrocéphalie (expliquant en grande partie les multiples maux récurrents dont elle souffrait depuis 2014 déjà), alors qu’elle ne pouvait ignorer cette atteinte et les répercussions de celle-ci depuis une IRM effectuée le 15.03.2017. Le fait qu’elle n’avait apparemment pas subi d’incapacité de travail durable avant mars 2019 en raison de cette maladie ne la dispensait pas de renseigner Avenir Assurance sur l’existence de ses problèmes de santé et les investigations prévues.

Quant au délai pour instituer une réserve – d’un an à compter du moment où l’assureur a eu ou aurait dû avoir connaissance de l’attitude répréhensible de l’assuré, mais au plus tard cinq ans depuis ledit comportement (ATF 110 V 308 consid. 2c) – la juridiction cantonale a retenu qu’il était échu au moment du prononcé de la décision du 09.01.2020. Selon elle, il convenait en application de l’arrêt 4A_294/2014 du 30 octobre 2014, de considérer que les rapports médicaux communiqués à Mutuel Assurances étaient réputés connus d’Avenir Assurance dès leur réception par la prénommée (soit le 25.10.2017, date à laquelle le rapport du médecin traitant du 15.10.2017 avait été transmis à Mutuel Assurances). En effet, les deux sociétés d’assurance avaient adopté une organisation et une administration communes et elles étaient donc autorisées à partager les données de leurs assurés communs. Les juges cantonaux ont conclu que la réserve devait être supprimée et Avenir Assurance être invitée à verser des prestations à l’assurée pour l’incapacité de travail survenue dès le 16.03.2019, sous réserve de la réalisation des autres conditions légales.

Consid. 4.2
Invoquant une violation de la LPD, Avenir Assurance reproche à la juridiction cantonale d’avoir retenu que deux assurances d’un même groupe pratiquant « toutes deux l’assurance-maladie sociale » sont autorisées à adopter une organisation unique et, partant, à partager les données de leurs assurés communs. Elle soutient qu’elle avait agi en tant qu’assureur perte de gain maladie selon la LAMal, tandis que Mutuel Assurances était intervenue en tant qu’assureur perte de gain maladie selon la LCA. Dès lors que l’assureur LAMal devait être considéré comme un tiers par rapport à un assureur LCA (même dans l’éventualité où les deux domaines étaient exploités par la même personne morale), les données médicales ne pouvaient pas être transmises au premier assureur sans motifs justificatifs. Or Mutuel Assurances n’avait pas été autorisée à lui transmettre des données avant que l’assurée n’eût donné son accord pour ce faire, le 02.12.2019. Imposer à Avenir Assurance de consulter les données de l’assurée recueillies par Mutuel Assurances avant cette date reviendrait à une violation de la LPD.

 

Consid. 5.1
En tant que la juridiction cantonale a considéré qu’Avenir Assurance et Mutuel Assurances étaient toutes deux des assurances pratiquant l’assurance-maladie sociale selon la LAMal, elle a procédé à une constatation manifestement inexacte des faits, qu’il convient de rectifier. Elle a apparemment confondu Mutuel Assurances SA (aujourd’hui radiée du registre du commerce), dont le but social était « l’exploitation des branches d’assurances non vie », et Mutuel Assurance Maladie SA, dont le but est de « pratiquer en tant que caisse-maladie au sens de l’art. 12 LAMal l’assurance-maladie obligatoire et l’assurance facultative d’indemnités journalières ». Selon les constatations cantonales, l’assurée était assurée auprès de Mutuel Assurances pour la perte de gain. Or cette assurance n’était pas une caisse-maladie au sens de l’art. 12 LAMal, qui aurait pratiqué l’assurance facultative d’indemnités journalières, mais elle était active dans le domaine des assurances (complémentaires) soumises à la LCA, dont l’assurance indemnité journalière, soit dans le domaine des assurances privées.

Consid. 5.2
L’assurée soutient qu’elle avait, par sa signature de la proposition d’assurance du 13.09.2017, donné son accord au traitement de ses données personnelles et délié notamment tous les autres assureurs du Groupe Mutuel Holding SA (dont faisaient partie les deux assureurs en cause) de leur obligation de garder le secret, ce dans le cadre de vérifications nécessaires en cas de soupçons de réticence ou de fraude. Aussi, Mutuel Assurances était-elle autorisée à transmettre des données la concernant à Avenir Assurance, sans atteinte à sa personnalité, conformément à l’art. 12 al. 3 LPD, selon lequel il n’y a en règle générale pas atteinte à la personnalité lorsque la personne concernée a rendu les données accessibles à tout un chacun et ne s’est pas opposée formellement au traitement.

Quoi qu’en dise l’assurée, on ne saurait considérer que l’autorisation à laquelle elle se réfère justifiait que Mutuel Assurances transmît les rapports médicaux la concernant à Avenir Assurance à la date du 25.10.2017, considérée comme déterminante par la juridiction cantonale. Si l’assurée a bien accepté peu auparavant de lever l’obligation des « autres assureurs membres du Groupe Mutuel, Association d’assureurs » de garder le secret envers Avenir Assurance (cf. « Déclaration du proposant » signée par l’assurée le 13.09.2017), son accord porte sur des cas dans lesquels il existe des soupçons de réticence ou de fraude. Or elle n’allègue pas qu’Avenir Assurance aurait dû soupçonner une réticence ou une fraude au moment où Mutuel Assurances a reçu le rapport médical du 15.10.2017, dix-jours plus tard, ce qui aurait pu justifier qu’Avenir Assurance sollicitât des renseignements auprès de Mutuel Assurances. A cette date, en l’absence de tout soupçon, Avenir Assurance n’avait pas à vérifier l’éventualité d’une réticence ou d’une fraude, pas plus qu’elle n’avait non plus à faire spontanément des recherches auprès de l’assureur privé, « pour toutes les questions posées en rapport avec le questionnaire médical en vue de la conclusion du contrat » (cf. déclaration précitée). La juridiction cantonale le reconnaît du reste lorsqu’elle retient qu’on ne peut exiger d’une caisse-maladie qu’elle procède sans autre indice spontanément, et dans chaque cas, à une enquête sur d’éventuelles maladies antérieures de l’intéressée ou sur les prestations d’assurance qui pourraient lui avoir été allouées précédemment. L’accord de l’assurée ne constituait dès lors pas une autorisation générale donnée à Avenir Assurance d’avoir accès à toutes les données recueillies à son sujet par Mutuel Assurances.

 

Consid. 5.3.1
Cela étant, la question qui se pose au regard des considérations de la juridiction cantonale est de savoir si Avenir Assurance doit se voir imputer la connaissance qu’avait Mutuel Assurances des faits concernant l’assurée. A cet égard, la juridiction cantonale a fondé l’imputation de la connaissance sur le critère de l’accessibilité, selon lequel la personne morale est censée connaître des faits ou disposer de renseignements dès que l’information correspondante est accessible au sein de son organisation (cf. arrêt 4A_294/2014 cité consid. 4 et les arrêts cités).

Selon la jurisprudence en effet, une personne morale dispose de la connaissance, déterminante sous l’angle juridique, d’un état de fait lorsque l’information correspondante est objectivement accessible au sein de son organisation (ATF 109 II 338 consid. 2b; arrêts 4A_614/2016 du 3 juillet 2017 consid. 6.3.1 et les arrêts cités; 9C_199/2008 du 19 novembre 2008 consid. 4.1 [SVR 2009 BVG n° 12 p. 37]; B 50/02 du 1er décembre 2003 consid. 3 [SVR 2004 BVG n° 15 p. 49]). A cet égard, ce sont les circonstances du cas concret qui permettent de décider si l’on peut imputer à l’ayant droit la connaissance de certains actes, dont certains de ses collaborateurs ont eu vent dans l’exercice de leurs fonctions (arrêt 4C.371/2005 du 2 mars 2006 consid. 3.1, in SJ 2007 I p. 7, avec la référence à l’ATF 109 II 338 consid. 2b-e). Ainsi, les faits dont la société mère a connaissance sont opposables à la société fille lorsque les deux entités juridiques disposent d’une banque de données électronique commune et emploient les mêmes collaborateurs (cf. arrêt 5C.104/2001 du 21 août 2001 consid. 4c/bb et les références).

Consid. 5.3.2
En l’occurrence, le critère de l’accessibilité des données ne saurait être appliqué en faisant abstraction de la position particulière d’Avenir Assurance en tant qu’assureur-maladie social. La caisse-maladie, en pratiquant l’assurance-maladie sociale (y compris l’assurance d’indemnités journalières au sens de l’art. 67 LAMal) remplit une tâche publique de la Confédération et est soumise à des règles plus strictes en matière de protection des données que les entreprises n’ayant pas une telle fonction (cf. Rapport du Conseil fédéral, du 18 décembre 2013, en réponse au postulat Heim [08.3493], Protection des données des patients et protection des assurés, p. 4; cf. aussi les critiques sur le critère de l’accessibilité en lien avec les obligations de secret de ANNICK FOURNIER, L’imputation de la connaissance, Genève/Zurich/Bâle 2021, n° 767 ss p. 250 ss et n° 800 p. 263). Nonobstant l’organisation commune d’Avenir Assurance et de Mutuel Assurances, qui sont des personnes morales distinctes l’une de l’autre, la seconde est, à l’égard de la première, un tiers au sens de l’art. 84a al. 5 LAMal (arrêt A-3548/2018 du Tribunal administratif fédéral du 19 mars 2019 consid. 4.8.2; UELI KIESER, Kommentar ATSG, 4e éd. 2020, ad art. 33 n° 23 s.; ANNE-SYLVIE DUPONT, La protection des données confiées aux assureurs, in La protection des données dans les relations de travail, 2017, p. 212). Or dans les rapports avec des tiers, les aspects liés au transfert et au traitement des informations, voire d’éventuelles limites légales de la transmission des informations ont aussi leur importance (cf. arrêt 4C.44/1998 du 28 septembre 1999 consid. 2d/aa et les références, in sic! 5/2000 p. 407; cf. aussi arrêt 4C.335/1999 du 25 août 2000 consid. 5b, in SJ 2001 I p. 186). Lorsque, comme en l’espèce – et à la différence de la situation jugée par l’arrêt 4A_294/2014 cité, dans laquelle le Tribunal fédéral a retenu que l’assureur privé a concrètement eu connaissance des données en cause de l’assureur-maladie social -, est en cause le comportement d’un assureur-maladie social, il y a lieu de prendre en considération les caractéristiques de l’organisation des caisses-maladie qui se doit d’être conciliable avec le régime légal de la protection des données, auxquelles celles-ci sont soumises en tant qu’organe fédéral au sens de l’art. 3 let. h LPD (sur ce dernier point ATF 133 V 359 consid. 6.4 et les références; arrêt A-3548/2018 cité consid. 4.5.5 et les références). Dans le cadre de son organisation, la caisse-maladie est tenue de respecter les règles légales et ne peut contraindre ses organes ou collaborateurs à violer la loi.

En matière de protection des données, l’assureur-maladie social n’est en droit de traiter de données sensibles – dont les données sur la santé (art. 3 let. c LPD) – que si une loi au sens formel le prévoit expressément (cf., de manière générale, l’art. 84 LAMal) ou si, exceptionnellement (et entre autres éventualités), la personne concernée y a consenti ou a rendu ses données accessibles à tout un chacun et ne s’est pas opposée formellement au traitement (art. 17 al. 2 let. c LPD). Il est tenu de prendre les mesures techniques et organisationnelles nécessaires pour garantir la protection des données (art. 84b LAMal; cf. aussi l’art. 7 al. 1 LPD). Dans ce cadre, il doit assurer que le traitement des données, y compris la collecte des données et leur exploitation (cf. art. 3 let. e LPD), soit effectué en conformité à la loi. Or, celle-ci interdit un échange d’informations général entre la caisse-maladie et une assurance complémentaire privée, même si elles appartiennent à un même groupe d’assureurs, que le transfert de données se fasse de l’assureur-maladie social à l’assureur privé ou dans l’autre sens (Message du Conseil fédéral, du 20 septembre 2013, concernant la modification de la loi fédérale sur l’assurance-maladie [Compensation des risques. Séparation de l’assurance de base et des assurances complémentaires], FF 2013 7135 ss, ch. 2 p. 7148 ad art. 13 al. 2 let. g P-LAMal). Une communication de ces données personnelles ne peut être envisagée qu’avec le consentement de la personne concernée (cf. art. 13 al. 1 LPD sur le consentement de l’intéressé et art. 84a al. 5 LAMal sur le transfert des données par la caisse-maladie au tiers), qui n’a pas été donné en l’espèce (consid. 5.2 supra). La référence que fait la juridiction cantonale à l’art. 84a al. 1 let. a et b LAMal (communication de données par l’assureur-maladie à d’autres organes d’application de la LAMal ou de la LSAMal [RS 832.12] et aux organes d’une autre assurance sociale) n’est pas pertinente, dès lors que le transfert de données ne concerne pas deux assureurs pratiquant tous deux l’assurance-maladie obligatoire.

Consid. 5.3.3
Par ailleurs, l’autorité de surveillance des assureurs-maladie sociaux exige de leur part de choisir et de mettre en place des voies de traitement des données séparées lorsque le recours aux mêmes flux de données personnelles pour l’assurance obligatoire des soins et pour les assurances régies par la LCA recèle un potentiel d’usage abusif (Circulaire n° 7.1 du 17 décembre 2015 de l’OFSP, Assureurs-maladie: organisation et processus conformes à la protection des données [aujourd’hui: Circulaire n° 7.1 du 20 décembre 2021, Surveillance par l’OFSP des domaines soumis aux dispositions de la LSAMal, de l’OSAMal, de la LAMal et de l’OAMal relatives à la protection des données], Annexe 2, p. 11; cf. aussi sur la nécessité d’un « mur de protection » des données à l’intérieur d’un groupe d’assureurs, GEBHARD EUGSTER, Krankenversicherung [E], in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3e éd. 2016, p. 871 n° 1551; YVONNE PRIEUR, Unzureichender Schutz der Gesundheitsdaten bei den Krankenversicherern, Jusletter du 18 février 2008, n° 4 ss).

A cet égard, Avenir Assurance fait valoir que les dossiers respectifs de l’assurée auprès d’elle et de Mutuel Assurances ont été enregistrés séparément sous des numéros différents et qu’ils sont traités par deux collaboratrices différentes qui n’ont pas un accès réciproque et systématique aux données de l’autre assureur, toute autre organisation violant les exigences de la LPD. Dans ces circonstances, rien n’indique que la collaboratrice chargée du traitement du dossier de l’assurée auprès d’Avenir Assurance aurait, en violation des règles en la matière, accédé spontanément aux données recueillies par Mutuel Assurances pour en prendre connaissance ou que celle-ci les aurait transmises et rendues ainsi accessibles à la caisse-maladie. On ne saurait donc admettre qu’Avenir Assurance a eu accès à l’information déterminante faisant partie des données de l’assurance privée, malgré leur organisation commune (cf. aussi l’art. 9 al. 1 let. g [en relation avec l’art. 20 al. 1 OLPD; RS 235.11], selon lequel les personnes autorisées ont accès uniquement aux données personnelles dont elles ont besoin pour accomplir leurs tâches). Il convient, en l’occurrence, de prendre en considération le fait que la collaboratrice d’Avenir Assurance chargée de la gestion du dossier de l’assurée n’avait en tout état de cause pas le droit d’accéder spontanément aux données concernant celle-ci aux mains de Mutuel Assurances; une imputation de la connaissance de données en cas de transfert illégal de celles-ci dans le domaine de l’assurance-maladie obligatoire apparaît problématique sous l’angle des obligations en matière de protection des données incombant à l’assureur-maladie social (cf. dans ce sens, de manière générale, FOURNIER, op. cit., n° 768 p. 251 et n° 1283 p. 414; HANS CASPAR VON DER CRONE/PATRICIA REICHMUTH, Aktuelle Rechtsprechung zum Aktienrecht, RSDA 4/2018, p. 413).

Consid. 5.3.4
Il suit de ce qui précède qu’Avenir Assurance n’a pas eu ou n’aurait pas dû avoir connaissance du rapport du médecin traitant du 15.10.2017 au moment où il a été transmis à Mutuel Assurances le 25.10.2017. Ce n’est qu’après avoir reçu l’autorisation de l’assurée, en décembre 2019, de requérir des renseignements auprès de tiers (procuration signée le 02.12.2019), dans le cadre de l’annonce du 29.08.2019 d’un arrêt de travail survenu en mars 2019, qu’Avenir Assurance a eu accès aux données recueillies par l’assurance privée (cf. « Dossier médical de Mutuel Assurances SA » produit par Avenir Assurance en instance cantonale), et donc pu avoir connaissance des faits dont elle pouvait déduire une situation de réticence. En conséquence, en décidant le 09.01.2020 d’émettre une réserve rétroactive en relation avec l’hydrocéphalie et ses complications dès le 13.09.2017 pour une durée de cinq ans, Avenir Assurance a agi dans le délai d’un an prévu par la jurisprudence (ATF 110 V 308 consid. 1; arrêt 9C_28/2007 du 22 juin 2007 consid. 2.2).

Pour le reste, l’assurée, dont la réponse porte exclusivement sur la violation de la LPD invoquée par Avenir Assurance, ne remet pas en cause les constatations de la juridiction cantonale sur l’existence d’une réticence en lien avec l’hydrocéphalie ainsi que sur le fait que c’est bien cette atteinte qui a provoqué l’incapacité de travail survenue dès le 16.03.2019. Compte tenu de ces constatations et de la validité de la réserve émise par Avenir Assurance, celle-ci n’a pas à allouer d’indemnités journalières en raison de cette incapacité de travail. Les conclusions d’Avenir Assurance tendant à l’annulation de l’arrêt entrepris sur ce point sont bien fondées.

 

Le TF admet le recours d’Avenir Assurance, annule le jugement cantonal portant sur l’obligation de la caisse-maladie de verser des prestations à l’assurée pour l’incapacité de travail survenue dès le 16.03.2019.

 

 

Arrêt 9C_650/2021 consultable ici

 

Nouvelles règles concernant les primes d’assurance maladie impayées: ouverture de la consultation

Nouvelles règles concernant les primes d’assurance maladie impayées: ouverture de la consultation

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 12.10.2022 consultable ici

 

Le Conseil fédéral a envoyé en consultation lors de sa séance du 12.10.2022 une modification de l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal) qui règle les dispositions concernant les primes d’assurance-maladie obligatoire impayées. Il s’agit notamment de déléguer au Département fédéral de l’intérieur (DFI) la compétence de régler les frais de rappel et de sommation des assureurs. L’objectif est aussi de préciser les modalités de reprise des actes de défaut de biens par les cantons.

 

En mars 2022, le Parlement a adopté une modification de la loi sur l’assurance maladie (LAMal) concernant l’exécution de l’obligation de payer les primes d’assurance-maladie. Le but est de permettre aux cantons de se faire céder par les assureurs les actes de défaut de biens pour les primes impayées. Les mineurs ne pourront par ailleurs plus être poursuivis pour les primes non payées par leurs parents. En outre, afin de réduire les frais de poursuite, les assureurs ne pourront pas engager contre le même assuré plus de deux procédures de poursuite par année. Le projet de modification de l’OAMal envoyé en consultation vise à mettre en vigueur ces dispositions.

 

Il s’agit également de régler les frais de rappel et de sommation des assureurs. En effet, afin d’améliorer l’égalité de traitement entre les assurés, le Parlement a décidé que la fixation de ces frais relèvera à l’avenir de la compétence du Conseil fédéral. Ce dernier prévoit de déléguer cette compétence au DFI qui pourra adapter ces frais à l’évolution des coûts. Les assureurs pourront continuer à mentionner ces frais administratifs dans leurs conditions générales, mais ils ne seront plus compétents pour en fixer le montant.

 

Modalités de reprise des actes de défaut de biens

L’OAMal précisera aussi certaines modalités de reprise des actes de défaut de biens. Actuellement, les cantons doivent rembourser aux assureurs 85% des créances concernant les primes d’assurance impayées pour lesquels un acte de défaut de biens a été établi. A l’avenir, si le canton prend en charge 5% supplémentaires de ces créances, l’assureur lui cèdera toutes les créances.

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 12.10.2022 consultable ici

Rapport explicatif sur la modification de l’OAMal – Dispositions d’exécution de la modification de l’art. 64a LAMal concernant l’exécution de l’obligation de payer les primes / Normes de délégation au DFI pour fixer les rabais maximaux pour les formes particulières d’assurance, disponible ici

Projet de modification de l’OAMal consultable ici

Vue d’ensemble de la modification de l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal) par rapport au droit en vigueur, disponible ici

 

Le Conseil fédéral adopte plusieurs mesures pour freiner la hausse des coûts de la santé

Le Conseil fédéral adopte plusieurs mesures pour freiner la hausse des coûts de la santé

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 07.09.2022 consultable ici

 

Le Conseil fédéral veut limiter la charge des primes en Suisse. Après un premier volet, il a adopté lors de sa séance du 07.09.2022 le deuxième volet de mesures visant à maîtriser les coûts à l’attention du Parlement. Ces mesures amélioreront les soins médicaux et contiendront la hausse des coûts dans le système de santé.

Les primes sont le reflet des coûts. Lorsqu’ils augmentent, il faut s’attendre à ce que les primes fassent de même. Seules des mesures efficaces permettent de limiter la tendance vers une hausse constante des coûts et, partant, de la charge des primes. Ainsi, le Conseil fédéral entend réduire la quantité de prestations non justifiées médicalement et freiner la hausse des coûts dans l’assurance de base, tout en améliorant la qualité des soins.

 

Améliorer la coordination

Le deuxième volet de mesures prévoit d’encourager les réseaux de soins coordonnés et ainsi de renforcer la qualité des soins. Ces réseaux réunissent des professionnels de la santé provenant de plusieurs disciplines pour fournir une prise en charge médicale «tout-en-un». Ils améliorent la coordination tout au long de la chaîne de traitement, par exemple lorsque divers spécialistes s’occupent d’une personne âgée atteinte de plusieurs maladies chroniques. Définis en tant que fournisseurs de prestations, les réseaux de soins regroupent un centre de coordination et des fournisseurs de prestations rattachés par un contrat. Un réseau facture à l’assureur toutes les prestations de ses membres comme un seul fournisseur.

 

Accès plus rapide et moins cher aux médicaments

Par ailleurs, le Conseil fédéral veut garantir un accès rapide et aussi avantageux que possible aux médicaments innovants onéreux. Pour ce faire, il souhaite ancrer dans la loi une pratique déjà connue : les conventions avec les entreprises pharmaceutiques, ce qu’on appelle les «modèles de prix». Dans ces modèles, les entreprises remboursent une partie du prix ou des coûts aux assureurs. Cette mesure permet de garantir un accès rapide à ces médicaments, tout en limitant leur prix.

Dans certains cas, seuls des modèles de prix confidentiels permettent de garantir un accès rapide et aussi avantageux que possible à des médicaments vitaux et onéreux. C’est notamment ce que montre l’expérience d’autres pays, où la confidentialité a été nécessaire pour obtenir des remboursements importants et, partant, fixer des prix économiques. C’est pourquoi la Suisse doit également pouvoir procéder de la sorte.

 

Transmission électronique des factures

Une autre mesure obligera tous les fournisseurs de prestations stationnaires et ambulatoires à transmettre leurs factures sous forme électronique, qu’elles soient à la charge des assureurs ou des assurés. Les partenaires tarifaires seront chargés des détails de cette forme de transmission. Les assurés devront cependant pouvoir obtenir gratuitement les factures sur papier.

 

Le volet comprend encore d’autres mesures, par exemple un examen différencié de l’efficacité, de l’adéquation et de l’économicité des médicaments, des analyses ainsi que des moyens et des appareils. Des tarifs de référence équitables seront aussi introduits pour garantir la concurrence entre les hôpitaux. De plus, la réglementation des prestations des pharmacies sera adaptée : elles auront la possibilité de fournir des prestations indépendantes dans le cadre de programmes de préventions et des conseils pharmaceutiques pour optimiser la remise de médicaments et l’adhérence au traitement.

Les mesures adoptées par le Conseil fédéral permettront de freiner la hausse des coûts dans l’AOS. Le potentiel d’économie réside principalement dans les modèles de prix pour des médicaments, mais aussi dans la promotion des soins coordonnés. Il n’est pas encore possible d’estimer l’ampleur concrète de ces économies, qui dépend de comment les acteurs du système de santé mettront les mesures en œuvre.

Le Parlement débattra bientôt du message du Conseil fédéral.

 

Le programme de maîtrise des coûts du Conseil fédéral

En 2018, le Conseil fédéral a approuvé un programme de mesures visant à maîtriser les coûts, divisé en deux volets. En 2020, il a détaché du deuxième volet l’introduction d’objectifs de coûts dans l’AOS. Cette mesure sert maintenant de contre-projet indirect à l’initiative pour un frein aux coûts lancée par le Centre et actuellement débattue au Parlement.

Certains points du premier volet, comme la création d’une organisation tarifaire nationale ou l’introduction d’une copie de la facture dans le système du tiers payant, sont déjà entrés en vigueur. Le Parlement débat encore du pilotage des coûts dans le secteur ambulatoire et du droit de recours des assureurs concernant la planification hospitalière. D’autres mesures entreront en vigueur début 2023, comme l’article relatif aux projets pilotes innovants ou la transmission de données par les acteurs de la santé.

Indépendamment des deux volets mentionnés, le Conseil fédéral a pris plusieurs mesures à court terme ces dernières années pour limiter la hausse des coûts sanitaires. Elles concernent le prix des médicaments, le tarif médical TARMED ainsi que la liste des moyens et appareils (LiMA). Ces impacts et l’ajournement d’interventions hospitalières en raison du COVID-19 ont stoppé la dynamique de croissance des coûts entre 2018 et 2020.

Depuis 2021 cependant, les coûts repartent nettement à la hausse. C’est pour limiter à long terme cette augmentation que le Conseil fédéral a adopté les mesures correspondantes du programme visant à contenir les coûts.

 

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 07.09.2022 consultable ici

Fiche d’information «Mesures visant à freiner la hausse des coûts dans l’assurance obligatoire des soins : deuxième volet» disponible ici

Fiche d’information «Réseaux de soins coordonnés» disponible ici

Fiche d’information «Modèles de prix pour médicaments» disponible ici

Fiche d’information «Programme de maîtrise des coûts : chronologie» disponible ici

Infographie sur la maîtrise des coûts consultable ici

 

9C_689/2020 (f) du 01.03.2022 – Conditions d’affiliation à l’assurance obligatoire des soins – Domicile en Suisse / Convention de sécurité sociale entre la Suisse et les Etats-Unis / Qualité de membres de la famille d’un travailleur détaché

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_689/2020 (f) du 01.03.2022

 

Consultable ici

 

Conditions d’affiliation à l’assurance obligatoire des soins – Domicile en Suisse / 3 LAMal – 1 al. 1 OAMal – 13 LPGA – 23 ss CC

Statut de travailleur détaché et attestation de détachement – Qualité de membres de la famille d’un travailleur détaché

Convention de sécurité sociale entre la Suisse et les Etats-Unis

 

Madame A.A.__ et Monsieur C.A.__, ressortissants suisses, sont les parents de B.A.__ (née aux USA en janvier 2013). Madame A.A.__ et sa fille sont assurées auprès de la caisse-maladie pour l’assurance obligatoire des soins depuis respectivement janvier 2010 et janvier 2013.

Le 17.06.2016, C.A.__ a annoncé à la caisse-maladie que son épouse et leur fille avaient eu un accident de voiture le 14.05.2016 à l’étranger. Il a ensuite remis à l’assureur-maladie différentes factures d’un montant total de 406’873,17 dollars pour les soins médicaux reçus par son épouse et sa fille dans un hôpital aux USA. Après avoir pris des renseignements sur le domicile des assurées, la caisse-maladie a, par décision du 10.11.2016, annulé la couverture d’assurance de Madame A.A.__ au 31.12.2012, considérant que l’intéressée avait élu domicile aux Etats-Unis depuis plusieurs années, vraisemblablement depuis décembre 2012. Elle a également annulé la couverture d’assurance de leur fille au 30.01.2013, considérant que l’enfant n’avait jamais été soumis à l’assurance-maladie obligatoire suisse. Par ailleurs, elle a refusé la prise en charge des frais conformément aux factures remises pour des soins prodigués aux Etats-Unis à Madame A.A.__ et B.A.__ ensuite de l’accident du 14.05.2016; elle a encore décidé que les primes payées seront remboursées et s’est réservée le droit de demander le remboursement des prestations déjà versées.

Par décision sur opposition du 14.07.2017, la caisse-maladie a modifié la décision du 10.11.2016 en ce sens que Madame A.A.__ n’est plus soumise à l’assurance-maladie obligatoire suisse au-delà du 30.11.2013 et que la couverture d’assurance est annulée au 30.11.2013. Elle a confirmé pour le reste la décision précitée.

 

Procédure cantonale (arrêt AM 51/17 – 28/2020 – consultable ici)

La juridiction cantonale a retenu que l’enfant B.A.__ ne s’était jamais constituée de domicile en Suisse, faute d’avoir été annoncée par ses parents dans une commune suisse de sa naissance (en janvier 2013) au 21.06.2016. En ce qui concerne Madame A.A.__, elle a constaté que le dossier contenait de nombreux indices plaidant en faveur d’un déplacement du centre des intérêts personnels de l’intéressée de la Suisse aux Etats-Unis de décembre 2013 à septembre 2016.

En ce qui concerne la qualité de membres de la famille d’un travailleur détaché, les juges cantonaux ont retenu que si les conditions d’un tel détachement sont remplies, la caisse de compensation concernée établit une attestation de détachement et la remet à l’employeur (qui la transmet ensuite à la personne détachée). La caisse de compensation concernée confirme par cette attestation que la législation suisse continue d’être appliquée au travailleur détaché pendant qu’il travaille dans l’autre Etat. En l’absence d’attestation de détachement, les recourantes ne pouvaient par conséquent pas se prévaloir du fait que les membres de la famille qui accompagnent un salarié détaché depuis la Suisse vers les Etats-Unis restent soumis à la législation suisse de sécurité sociale.

En ce qui concerne la qualité de membres de la famille d’un travailleur détaché, les juges cantonaux ont retenu que si les conditions d’un tel détachement sont remplies, la caisse de compensation concernée établit une attestation de détachement et la remet à l’employeur (qui la transmet ensuite à la personne détachée). La caisse de compensation concernée confirme par cette attestation que la législation suisse continue d’être appliquée au travailleur détaché pendant qu’il travaille dans l’autre Etat. En l’absence d’attestation de détachement, Madame A.A.__ et sa fille ne pouvaient par conséquent pas se prévaloir du fait que les membres de la famille qui accompagnent un salarié détaché depuis la Suisse vers les Etats-Unis restent soumis à la législation suisse de sécurité sociale.

Par jugement du 22.09.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.2
Selon l’art. 1 al. 1 OAMal, les personnes domiciliées en Suisse au sens des art. 23 à 26 CC sont tenues de s’assurer, conformément à l’art. 3 LAMal. A l’inverse de ce que la juridiction cantonale a retenu, Madame A.A.__ a établi en instance cantonale avoir annoncé la naissance de sa fille à la Direction de l’Etat civil du canton de Vaud et s’être vu remettre un certificat de famille en avril 2013. Indépendamment des circonstances de l’inscription postérieure dans les registres de l’état civil de la commune de C.__, Madame A.A.__ a pris soin de son enfant à sa naissance et le domicile de celui-ci est donc intrinsèquement lié à celui de sa mère. Dans la mesure où la juridiction cantonale a constaté, de manière à lier le Tribunal fédéral, que le domicile de A.A.__ était à C.__ jusqu’au 30.11.2013, il convient de modifier le jugement attaqué. En ce qui concerne le droit des assurances sociales, il est constaté que la fille B.A.__ partageait le domicile de sa mère et était donc domiciliée à C.__ jusqu’au 30.11.2013 et assurée auprès de la caisse-maladie jusqu’à cette date.

 

Consid. 6
Les recourantes demandent à pouvoir se prévaloir d’un assujettissement à l’AOS fondé sur les art. 3 al. 3 LAMal et 4 al. 1 OAMal, relatifs aux travailleurs détachés et aux membres de leur famille. Elles font valoir que les attestations de détachement mentionnées par la juridiction cantonale et délivrées par la caisse de compensation concernée ne possèdent qu’un caractère constatatoire, dès lors qu’elles ont essentiellement pour but de permettre au travailleur détaché de prouver, en cas de besoin, dans le pays étranger qu’il existe un assujettissement aux assurances sociales en Suisse. L’assujettissement à l’AOS devrait dès lors s’effectuer à l’aune de l’art. 4 OAMal.

 

Consid. 7.1
Selon l’art. 3 al. 1 LAMal, toute personne domiciliée en Suisse doit s’assurer pour les soins en cas de maladie, ou être assurée par son représentant légal, dans les trois mois qui suivent sa prise de domicile ou sa naissance en Suisse. En vertu de l’art. 3 al. 3 let. b LAMal, le Conseil fédéral peut étendre l’obligation de s’assurer à des personnes qui n’ont pas de domicile en Suisse, en particulier celles qui sont occupées à l’étranger par une entreprise ayant un siège en Suisse.

Faisant usage de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté l’art. 4 OAMal (« Travailleurs détachés »). Aux termes de cette disposition, demeurent soumis à l’assurance obligatoire suisse les travailleurs détachés à l’étranger, ainsi que les membres de leur famille au sens de l’art. 3 al. 2 OAMal qui les accompagnent, lorsque: le travailleur était assuré obligatoirement en Suisse immédiatement avant le détachement (al. 1 let. a) et qu’il travaille pour le compte d’un employeur dont le domicile ou le siège est en Suisse (al. 1 let. b). Les membres de la famille ne sont pas soumis à l’assurance obligatoire suisse s’ils exercent à l’étranger une activité lucrative impliquant l’assujettissement à une assurance-maladie obligatoire (al. 2). L’assurance obligatoire est prolongée de deux ans. Sur requête, l’assureur la prolonge jusqu’à six ans en tout (al. 3). Pour les personnes considérées comme détachées au sens d’une convention internationale de sécurité sociale, la prolongation de l’assurance correspond à la durée de détachement autorisée par cette convention. La même règle s’applique aux autres personnes qui, en raison d’une telle convention, sont soumises à la législation suisse pendant un séjour temporaire à l’étranger (al. 4).

Consid. 7.2
Le Conseil fédéral ne définit pas à l’art. 4 OAMal la notion de personnes « occupées à l’étranger par une entreprise ayant un siège en Suisse » (art. 3 al. 3 let. b LAMal), mais renvoie aux conventions internationales de sécurité sociale. Pour les personnes considérées comme détachées au sens d’une telle convention, il précise à l’art. 4 al. 4 OAMal que la prolongation de l’assurance correspond à la durée de détachement autorisée par cette convention.

Consid. 8.1
La Suisse et les Etats-Unis d’Amérique ont souhaité, par le biais d’une convention internationale de sécurité sociale, permettre aux entreprises établies dans l’un des deux Etats de détacher leurs employés sur le territoire de l’autre Etat tout en les maintenant assurés dans leur pays d’origine (Message concernant l’approbation de la convention de sécurité sociale révisée entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d’Amérique du 15 mai 2013, FF 2013 2961, 2963). A cet effet, ils ont conclu une première convention de sécurité sociale le 18 juillet 1979 (ci-après: la Convention 1979), en vigueur du 1er novembre 1980 (RO 1980 1671) au 31 juillet 2014 (RO 2014 2269), puis une nouvelle convention le 3 décembre 2012 (ci-après: la Convention), en vigueur depuis le 1er août 2014 (RS 0.831.109.336.1). Le champ d’application ratione materiae de ces deux conventions englobe l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité, mais pas l’assurance-maladie.

Consid. 8.2
Aux termes de l’art. 6 par. 2 de la Convention 1979, modifié par l’avenant du 1er juin 1988 (RO 1989 2251), une personne exerçant une activité lucrative salariée, détachée, pour une durée prévisible de cinq ans au maximum, sur le territoire de l’un des Etats contractants, par une entreprise ayant un établissement sur le territoire de l’autre Etat, demeure soumise, quelle que soit sa nationalité, uniquement aux dispositions légales concernant l’assurance obligatoire de ce dernier Etat comme si elle exerçait son activité sur le territoire de cet Etat. Si, avant l’échéance des cinq ans, l’entreprise qui a requis le statut de détaché pour la personne désire obtenir une prolongation de ce statut en sa faveur, cette prolongation peut exceptionnellement être accordée si l’autorité compétente de l’Etat du territoire duquel la personne est détachée, ayant considéré cette demande de prolongation comme étant justifiée, l’a présentée à l’autorité compétente de l’autre Etat contractant et a obtenu l’accord de celle-ci. Le conjoint et les enfants accompagnant une personne détachée au sens des deux phrases précédentes du présent paragraphe demeurent soumis uniquement aux dispositions légales concernant l’assurance obligatoire de l’Etat d’où est détaché le travailleur à condition qu’ils n’exercent pas d’activité lucrative salariée ou indépendante sur le territoire de l’autre Etat.

Selon l’art. 3 par. 1 de l’arrangement administratif du 20 décembre 1979 concernant les modalités d’application de la Convention 1979, dans les cas visés à l’art. 6 par. 2 de la Convention 1979, l’organisme de l’Etat contractant dont la législation est applicable établit sur requête de l’employeur un certificat attestant que le travailleur intéressé demeure soumis à cette législation. Le certificat établit la preuve que le travailleur n’est pas assuré obligatoirement selon la législation de l’autre Etat contractant.

Consid. 8.3
Aux termes de l’art. 7 par. 2, 1ère phrase, de la Convention, une personne exerçant une activité lucrative salariée pour un employeur ayant un établissement sur le territoire d’un Etat contractant, et qui est détachée par cet employeur, pour une durée prévisible de cinq ans au maximum, sur le territoire de l’autre Etat contractant, demeure soumise, quelle que soit sa nationalité, uniquement à la législation concernant l’assurance obligatoire du premier Etat comme si elle exerçait son activité sur le territoire de cet Etat.

Lorsque, en application du titre III, une personne, quelle que soit sa nationalité, reste soumise à la législation d’un des Etats contractants alors qu’elle travaille sur le territoire de l’autre Etat contractant, cela vaut également pour son conjoint et ses enfants, quelle que soit leur nationalité, qui résident avec la personne sur le territoire du second Etat contractant, à condition qu’ils n’exercent pas eux-mêmes d’activité lucrative sur le territoire de cet Etat (art. 11 par. 1 de la Convention). Lorsque, en application du par. 1, la législation suisse est applicable au conjoint et aux enfants, ils sont assurés dans l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (art. 11 par. 2 de la Convention).

Selon l’art. 3 par. 1 et 3 de l’arrangement administratif du 3 décembre 2012 concernant les modalités d’application de la Convention, lorsque la législation d’un Etat contractant est applicable conformément à l’une des dispositions du titre III de la Convention, l’organisme de cet Etat contractant établit sur requête de l’employeur ou du travailleur indépendant un certificat attestant que l’employé ou le travailleur indépendant est soumis à sa législation et indiquant la durée de validité du certificat. Ce certificat sert de preuve pour exempter le travailleur de l’assujettissement obligatoire selon la législation de l’autre Etat contractant (par. 1). Les requêtes en vue d’une prolongation de la période de détachement ou d’une exception à l’art. 12 de la Convention doivent être présentées à l’autorité compétente de l’Etat contractant auquel on demande le maintien de l’assujettissement (par. 3).

Consid. 9
En ce qui concerne les formalités en cas de détachement d’un travailleur salarié, l’art. 3 respectivement de l’arrangement administratif du 20 décembre 1979 et de l’arrangement administratif du 3 décembre 2012 prévoit une réglementation traditionnelle calquée sur le modèle d’autres conventions bilatérales conclues par la Suisse. Les formalités en cas de détachement correspondent donc aux standards de coordination prévus par le droit européen et international des assurances sociales.

A cet égard, en relation avec le droit de l’Union européenne, le Tribunal fédéral a déjà rappelé que l’attestation concernant la législation de sécurité sociale applicable aux travailleurs détachés a un effet déclaratif et non pas constitutif (ATF 134 V 428 consid. 4, en relation avec l’art. 11 du règlement [CEE] n° 574/72 [RO 2005 3909]; arrêt 8C_475/2009 du 22 février 2010 consid. 5.1). En délivrant une telle attestation, la caisse de compensation compétente se borne à déclarer que le travailleur demeure soumis à la législation de sécurité sociale suisse tout au long d’une période donnée au cours de laquelle il effectue un travail sur le territoire de l’Etat d’accueil.

Ces principes doivent également être appliqués en l’occurrence, étant donné que les formalités en cas de détachement dans les relations entre la Suisse et les Etats-Unis sont similaires à celles prévalant dans les rapports entre la Suisse et l’Union européenne. En conséquence, l’absence d’attestation de détachement ne suffit pas à nier le statut de travailleur détaché. Aussi, en retenant que Madame A.A.__ et sa fille ne pouvaient se voir reconnaître le bénéfice de la qualité de membres de la famille d’un travailleur détaché du simple fait qu’elles n’avaient pas produit une telle attestation, les juges cantonaux ont violé le droit fédéral. Si le document n’a pas été requis, le maintien de la législation de sécurité sociale suisse durant l’exercice temporaire d’une activité professionnelle à l’étranger doit être examiné librement par l’autorité saisie d’un litige en matière de sécurité sociale. Les juges cantonaux devaient donc examiner librement si Monsieur C.A.__ remplissait les conditions pour se voir reconnaître la qualité de travailleur détaché pendant la période litigieuse. En cas de réponse positive, ils devaient ensuite examiner si l’épouse et la fille pouvaient prétendre le statut de membres de la famille d’un travailleur détaché et si elles demeuraient pour ce motif soumises aux dispositions légales concernant l’assurance obligatoire de l’Etat d’où est détaché le travailleur, en l’occurrence la Suisse selon l’argumentation des recourantes.

Consid. 10
Faute pour la juridiction cantonale d’avoir procédé à un examen matériel de la qualité de membres de la famille d’un travailleur détaché invoquée par les recourantes, le Tribunal fédéral n’est pas en mesure de se prononcer sur ce point en l’état. Il convient dès lors de renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour qu’elle examine les conditions des art. 3 LAMal et 4 OAMal, à la lumière du renvoi aux conventions de sécurité sociale entre la Suisse et les Etats-Unis, et, le cas échéant, procède à des mesures d’instruction complémentaires.

 

Le TF admet le recours de Madame A.A.__ et sa fille, annule le jugement cantonal, renvoyant la cause au tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

 

 

Arrêt 9C_689/2020 consultable ici