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9C_241/2024 (f) du 21.10.2024 – Indemnité journalière LAMal / Epuisement partiel du droit aux prestations, surindemnisation et montant des primes d’assurance encore dues

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_241/2024 (f) du 21.10.2024

 

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Indemnité journalière LAMal / 67 ss LAMal

Epuisement partiel du droit aux prestations, surindemnisation et montant des primes d’assurance encore dues / 72 al. 4 LAMal – 72 al. 5 LAMal

 

Assurée, née en 1972, employée agricole pour le compte de l’Association B.__ du 01.01.2014 au 31.10.2020. À ce titre, elle était assurée dans le cadre d’un contrat d’assurance collective, pour des indemnités journalières en cas de maladie. À compter du 01.11.2020, elle a été assurée auprès du même assureur, à titre individuel. La prime mensuelle a été fixée à CHF 178.45, puis à CHF 190.35 dès le 01.01.2021.

L’assurée a connu deux périodes d’incapacité de travail : du 13.06.2019 au 21.07.2019, puis à partir du 07.01.2020. L’assureur-maladie a versé des indemnités journalières jusqu’au 15.12.2021, date à laquelle il a résilié la couverture d’assurance, estimant que l’assurée avait épuisé son droit aux prestations (730 indemnités journalières sur 900 jours ; décision du 16.12.2021).

Le 09.08.2022, l’office AI a accordé à l’assurée une rente entière d’invalidité à compter du 01.12.2020. En raison d’une surindemnisation, l’office AI a versé CHF 26’047.35 à l’assureur-maladie pour la période du 01.12.2020 au 15.12.2021.

A la suite de ce remboursement, l’assureur-maladie a révisé sa décision du 16.12.2021, « réactivant » la couverture d’assurance à partir du 16.12.2021 et reportant la date d’épuisement du droit aux prestations au 16.10.2027, sous réserve de modifications ultérieures de la situation de l’assurée (décision de révision du 21.11.2022, confirmée sur opposition).

 

Procédure cantonale (arrêt AM 17/23 – 8/2024 – consultable ici)

Par jugement du 19.03.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
L’assurée fait en substance valoir qu’elle ne bénéficie plus d’une couverture d’assurance « au sens strict », étant donné qu’elle est en « incapacité de travail complète » et qu’elle s’est déjà intégralement acquittée de la prime d’assurance pour la période de perception des indemnités journalières de 730 jours prévue par l’art. 7 ch. 1 des CGA applicables (ouverte jusqu’au 15.12.2021 à la suite de son incapacité de travail survenue le 10.06.2019, puis le 07.01.2020). L’instance cantonale ne pouvait dès lors pas considérer qu’elle était tenue de s’acquitter d’une prime entière jusqu’à l’épuisement de son droit aux indemnités journalières, le 16.10.2027. Selon l’assurée, pareille conclusion reviendrait à ne pas respecter les règles d’équivalence prévues à l’art. 72 al. 5 LAMal, car les primes seraient complètement disproportionnées par rapport au montant des prestations et donc sans lien avec un risque assuré; autrement dit, l’assureur serait ainsi autorisé à facturer des primes sans contre-prestation adéquate.

Consid. 3.2.1
L’argumentation de l’assurée est mal fondée. Quoi qu’elle en dise, en cas d’épuisement partiel du droit aux prestations selon l’art. 72 al. 4 et 5 LAMal, la loi ne prévoit pas le droit de l’assuré de payer des primes réduites (cf. arrêt 9C_790/2018 du 9 avril 2019 consid. 3.4.4), comme l’a dûment exposé la juridiction cantonale. Certes, en cas de réduction des indemnités journalières pour cause d’incapacité partielle de travail (art. 72 al. 4 LAMal) et de surindemnisation (art. 72 al. 5 LAMal), la durée de l’indemnisation doit être prolongée jusqu’au moment où la personne assurée a perçu l’équivalent des indemnités journalières auxquelles elle aurait eu droit durant la période minimale de 720 jours (selon l’art. 72 al. 3 LAMal, respectivement de 730 jours selon les CGA applicables en l’occurrence), en fonction du taux de l’incapacité partielle de travail et à défaut de surindemnisation (cf. ATF 127 V 88 consid. 1d; 125 V 106 consid. 2b et 2c). Cela étant, la prolongation des délais relatifs à l’octroi des indemnités journalières en fonction de la réduction (conformément à l’art. 72 al. 4-5 LAMal) ne signifie pas que le montant des primes doit être diminué, voire qu’aucune prime ne doit plus être prélevée. Comme le fait valoir l’assureur-maladie, le rapport d’équivalence doit en effet être réalisé entre le montant de la prime (en l’occurrence CHF 190.35 dès le 01.01.2021) et le montant assuré (correspondant à 730 indemnités journalières complètes d’un montant de CHF 74.35 chacune).

Consid. 3.2.2
Dans ce contexte, on rappellera que le droit aux prestations d’un assureur-maladie est lié à l’affiliation (ATF 125 V 106 consid. 3) et que l’indemnité journalière n’est versée que si la prime a aussi été payée pour la période correspondante (cf. Évaluation du système d’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie et propositions de réforme, Rapport du Conseil fédéral du 30 septembre 2009 en réponse au postulat 04.3000 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national, du 16 janvier 2004, p. 12). Par ailleurs si le législateur a adopté des dispositions légales minimales impératives qui encadrent la pratique de l’assurance facultative d’une indemnité journalière (cf. art. 67 à 77 LAMal), notamment quant à la durée du droit à l’indemnité (art. 72 al. 3 LAMal), à la réduction de la prestation en cas d’incapacité partielle de travail (art. 72 al. 4 LAMal) et à la surindemnisation (art. 72 al. 5 LAMal), la réglementation d’autres aspects relève de la liberté contractuelle des parties (cf. arrêt K 74/02 du 16 avril 2004 consid. 2.1 et les références). Or s’agissant des primes des assurés, l’art. 76 LAMal prévoit que l’assureur en fixe le montant (al. 1 LAMal) et qu’une réduction doit intervenir si un délai d’attente est applicable au versement de l’indemnité journalière (art. 76 al. 2 LAMal). Une obligation de l’assureur de réduire le montant des primes d’assurance dans une hypothèse autre que celle visée à l’art. 76 al. 2 LAMal, notamment en cas de prolongation du versement des indemnités journalières par suite de surindemnisation selon l’art. 72 al. 5 LAMal, n’est ainsi pas prévue par la loi. Une telle obligation ne découle par ailleurs pas des CGA applicables en l’espèce. Sur ce point, on constate que l’art. 24 ch. 1 des CGA donne la possibilité à l’assureur d’adapter annuellement le taux des primes en fonction de l’évolution des sinistres, sans prévoir une telle adaptation dans le cas de la réactivation du versement d’indemnités journalières à la suite de surindemnisation. À cet égard, l’assurée ne saurait rien tirer en sa faveur de l’art. 24 ch. 2 des CGA. S’il réserve une adaptation immédiate du taux de prime lors de l’entrée en vigueur de nouvelles circonstances, celles-ci englobent les cas de fusion, de scission ou d’absorption, soit des circonstances qui concernent l’assureur. Ne sont donc pas visés les « cas de diminution importante du risque » comme il en va, selon l’assurée, lorsque la durée de versement des indemnités journalières a été prolongée conformément à l’art. 72 al. 5 LAMal.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_241/2024 consultable ici

 

8C_748/2023 (f) du 06.06.2024 – Accident avant la retraite légale et incapacité de travail se poursuivant au-delà – Fin du droit aux indemnités journalières LAA lors de la stabilisation de l’état de santé, postérieur à l’âge de la retraite – 16 LAA – 19 al. 1 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_748/2023 (f) du 06.06.2024

 

Consultable ici

 

Accident avant la retraite légale et incapacité de travail se poursuivant au-delà – Fin du droit aux indemnités journalières LAA lors de la stabilisation de l’état de santé, postérieur à l’âge de la retraite / 16 LAA – 19 al. 1 LAA

Rappel et confirmation de la jurisprudence

Pas de violation du principe de l’égalité de traitement

Absence d’enrichissement légitime et absence de surindemnisation (concordance événementielle) / 62 CO – 69 LPGA

 

 

L’assurée, née en septembre 1958, travaillait depuis 1996 comme responsable des ventes. Le 01.12.2020, elle a signé un contrat de travail avec son nouvel employeur, prévoyant son emploi jusqu’à ses 64 ans (31.10.2022). Le 08.07.2021, elle a subi un accident domestique entraînant une incapacité de travail. Une expertise médicale du 05.07.2022 a estimé qu’elle pourrait reprendre son activité habituelle environ un an et demi après l’accident.

Le 19.08.2022, l’employeur a informé l’assurance-accidents que l’assurée n’avait pas exprimé le souhait de continuer à travailler après l’âge de la retraite. L’assurée a confirmé le 26.08.2022 son intention de cesser son activité au 31.10.2022. L’employeur a officialisé la fin du contrat pour cette date le 05.09.2022.

Par décision du 21.12.2022, confirmée sur opposition le 21.03.2023, l’assurance-accidents a mis un terme au versement des indemnités journalières au 31.10.2022.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/816/2023 – consultable ici)

Par jugement du 18.10.2023, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et condamnant l’assurance-accidents à verser des du 01.11.2022 au 27.03.2023.

 

TF

Consid. 3.1.1
Aux termes de l’art. 16 LAA, l’assuré totalement ou partiellement incapable de travailler à la suite d’un accident a droit à une indemnité journalière (al. 1); le droit à l’indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l’accident (al. 2, première phrase); il s’éteint dès que l’assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu’une rente est versée ou dès que l’assuré décède (al. 2, seconde phrase). Une personne est considérée comme incapable de travailler lorsque, pour cause d’atteinte à la santé physique, mentale ou psychique, elle ne peut plus exercer son activité habituelle ou ne peut l’exercer que d’une manière limitée ou encore seulement avec le risque d’aggraver son état (art. 6, première phrase, LPGA; ATF 134 V 392 consid. 5.1; arrêt 8C_733/2020 du 28 octobre 2021 consid. 3.1 et la référence). En cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être exigée de l’assuré peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité (art. 6, seconde phrase, LPGA). L’art. 19 al. 1 LAA dispose que le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme (première phrase); le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente (seconde phrase).

Consid. 3.1.2
Selon l’art. 22 al. 3 OLAA, l’indemnité journalière est calculée sur la base du salaire que l’assuré a reçu en dernier lieu avant l’accident, y compris les éléments de salaire non encore perçus et auxquels il a droit. En principe, on ne tient pas compte de ce que l’assuré aurait gagné après l’accident. L’indemnité journalière ne se fonde donc pas sur un salaire hypothétique, mais sur le revenu dont l’assuré victime d’un accident est effectivement privé en raison de la réalisation du risque assuré (ATF 134 V 392 consid. 5.3.1; 117 V 170 consid. 5b; arrêt 8C_766/2018 du 23 mars 2020 consid. 5.3 et les références).

Consid. 3.1.3
L’indemnité journalière compense la perte de gain résultant de l’incapacité de travail, raison pour laquelle une personne assurée dont la capacité (médico-théorique) de travail est certes réduite en raison des suites de l’accident, mais qui ne subit pas de perte de gain, n’a en principe pas droit à l’indemnité journalière (ATF 134 V 392 consid. 5.3 et les références; arrêt 8C_608/2019 du 14 janvier 2020 consid. 5.2.1). Faute de perte de gain, le Tribunal fédéral a ainsi nié le droit à l’indemnité journalière d’un assuré qui avait subi un accident durant la période d’assurance prolongée de l’art. 3 al. 2 LAA, alors qu’il était en retraite anticipée (ATF 130 V 35 consid. 3). Le Tribunal fédéral s’est ensuite penché sur le cas d’une assurée qui travaillait encore au moment de son accident et qui avait atteint l’âge ordinaire de la retraite alors qu’elle était encore en incapacité de travail en raison de l’accident. Il a jugé que le droit de l’assurée à l’indemnité journalière devait être maintenu au-delà de l’âge ouvrant le droit à une rente de l’AVS, tant qu’elle n’avait pas recouvré une pleine capacité de travail ou que le traitement médical n’était pas terminé (ATF 134 V 392 consid. 5).

Consid. 3.2
Les juges cantonaux ont retenu que la stabilisation de l’état de santé de l’assurée était survenue le 27.03.2023, et que l’incapacité de travail s’était poursuivie jusqu’à cette date. Dès lors que le droit à l’indemnité journalière était né alors que l’assurée exerçait encore une activité lucrative, ce droit perdurait jusqu’au 27.03.2023 en application de la jurisprudence, malgré le fait que l’intéressée ait pris sa retraite. L’assurance-accidents, après avoir refusé le versement de l’indemnité journalière au-delà du 31.10.2022, motif pris que l’assurée n’aurait pas poursuivi d’activité lucrative après cette date, semblait d’ailleurs admettre désormais que le droit à l’indemnité journalière ne s’était pas éteint au seul motif que l’assurée était retraitée; elle se prévalait maintenant d’une interdiction de surindemnisation (cf. consid. 4 infra) pour justifier son refus de continuer à verser ses prestations.

 

Consid. 3.3
Devant le Tribunal fédéral, l’assurance-accidents conteste le droit de l’assurée à l’indemnité journalière au-delà de l’âge ordinaire de la retraite. Elle expose qu’avant même l’accident, l’assurée aurait prévu de ne plus travailler une fois l’âge de la retraite atteint, de sorte que celle-ci n’aurait subi aucune perte de gain à compter de la retraite. Elle soutient que la reconnaissance d’un droit de l’assurée à l’indemnité journalière, au-delà de l’âge ouvrant le droit à une rente de l’AVS, constituerait une inégalité de traitement entre les assurés, d’une part entre ceux subissant un accident avant l’âge de la retraite et ceux victimes d’un accident après l’âge de la retraite, et d’autre part entre ceux qui auraient continué de travailler après l’âge ordinaire de la retraite et ceux qui n’avaient pas eu cette intention. L’assurance-accidents aborde par ailleurs la question du calcul et du paiement des primes d’assurance, en exposant qu’aucune prime n’aurait été versée pour la période du 01.11.2022 au 27.03.2023 et que sans l’accident, aucun salaire n’aurait été versé à l’assurée après sa retraite.

 

Consid. 3.4
Une décision viole le principe de l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 al. 1 Cst. lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente (ATF 148 I 271 consid. 2.2; 144 I 113 consid. 5.1.1; 142 V 316 consid. 6.1.1). L’inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement (ATF 146 II 56 consid. 9.1; 142 V 316 consid. 6.1.1; 137 I 167 consid. 3.5).

Consid. 3.5
Le grief tiré d’une violation du principe de l’égalité de traitement est mal fondé. La situation d’un assuré actif victime d’un accident avant la retraite est différente de celle d’un individu accidenté après qu’il a pris sa retraite; le premier exerce une activité lucrative au moment de l’accident et se trouve privé de son salaire ou d’une partie de celui-ci en cas d’incapacité de travail, alors que le second ne perçoit aucun salaire – et ne connaît donc aucune perte de gain – au moment de l’accident. L’un peut ainsi prétendre à l’octroi d’indemnités journalières en vertu de l’art. 16 LAA, l’autre non. Le moment auquel s’éteint le droit à l’indemnité journalière doit être fixé sans égard à la situation de personnes qui ne pouvaient pas prétendre à un tel droit.

Pour le surplus, la poursuite du versement des indemnités journalières à un assuré au-delà de l’âge ordinaire de la retraite, indépendamment du point de savoir s’il aurait ou non continué à exercer une activité lucrative après cette échéance, résulte du fait que l’indemnité journalière est calculée de manière abstraite et rétrospective, sur la base du revenu perçu avant l’accident. Pour éviter des lacunes d’assurance et pour des raisons de simplification administrative, le législateur a renoncé à mettre fin au versement des indemnités pour les assurés qui auraient cessé leur activité après l’âge de la retraite, pour autant que le droit aux indemnités ait pris naissance auparavant. Il a également renoncé à appliquer à cette situation une réglementation analogue à celle prévue par la jurisprudence en cas d’accident subi pendant une période d’assurance prolongée par un assuré en retraite anticipée (ATF 130 V 35 [cf. consid. 3.1 supra]; cf. Message du 30 mai 2008 relatif à la modification de la LAA [FF 2008 4877], p. 4895). Il s’agit d’un choix du législateur fédéral, guidé par des motifs de praticabilité, dont il n’y a pas lieu de s’écarter (cf. art. 190 Cst.; ATF 149 I 41 consid. 6.3; 143 V 9 consid. 6.2).

Pour le reste, l’arrêt 8C_811/2008, cité par l’assurance-accidents, ne lui est d’aucun secours. Cet arrêt confirme la jurisprudence publiée aux ATF 134 V 392, qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause. Par ailleurs, le moment auquel les primes d’assurance ont été versées et le calcul de celles-ci ne constituent pas des éléments pertinents. C’est à bon droit que les premiers juges ont reconnu le droit de l’assurée à l’indemnité journalière jusqu’au 27.03.2023. Les griefs de l’assurance-accidents s’avèrent mal fondés.

 

Consid. 4
L’assurance-accidents soutient qu’elle devrait être dispensée du versement de l’indemnité journalière à compter du 01.11.2022 pour cause de surindemnisation de l’assurée. À défaut, l’assurée s’enrichirait de manière illégitime au sens de l’art. 62 CO.

Consid. 4.1.1
Selon l’art. 68 LPGA, sous réserve de surindemnisation, les indemnités journalières et les rentes de différentes assurances sociales sont cumulées. L’art. 69 al. 1 LPGA prévoit que le concours de prestations des différentes assurances sociales ne doit pas conduire à une surindemnisation de l’ayant droit (première phrase); ne sont prises en compte dans le calcul de la surindemnisation que des prestations de nature et de but identiques qui sont accordées à l’assuré en raison de l’événement dommageable (seconde phrase). L’art. 69 al. 2 LPGA précise qu’il y a surindemnisation dans la mesure où les prestations sociales légalement dues dépassent, du fait de la réalisation du risque, à la fois le gain dont l’assuré est présumé avoir été privé, les frais supplémentaires et les éventuelles diminutions de revenu subies par les proches. Aux termes de l’art. 69 al. 3 LPGA, les prestations en espèces sont réduites du montant de la surindemnisation (première phrase); sont exceptées de toute réduction les rentes de l’AVS et de l’AI, de même que les allocations pour impotents et les indemnités pour atteinte à l’intégrité (deuxième phrase); pour les prestations en capital, la valeur de la rente correspondante est prise en compte (troisième phrase).

Consid. 4.1.2
L’art. 69 al. 1 LPGA pose le principe de la concordance des droits (« Kongruenzprinzip »). Cela signifie que pour être coordonnées au sens de l’art. 68 LPGA, les indemnités journalières et les rentes doivent impérativement remplir ces critères (GHISLAINE FRÉSARD-FELLAY/JEAN-MAURICE FRÉSARD, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n° 12 ad art. 68 LPGA et les références). Selon ce principe, qui a une porte générale dans l’assurance sociale (ATF 142 V 75 consid. 6.3.1), les prestations sociales concomitantes concordent lorsque les assureurs sociaux sont tenus à verser des prestations de même nature et but, pour la même période, pour la même personne et pour le même événement dommageable. Aussi, une concordance au niveau de l’événement dommageable ainsi qu’une concordance fonctionnelle (ou matérielle) doivent notamment exister (ATF 135 V 29 consid. 4.1; arrêts 9C_21/2021 du 14 janvier 2022 consid. 3.2; 9C_43/2018 du 19 octobre 2018 consid. 5.2; FRÉSARD-FELLAY/FRÉSARD, op. cit., n° 16 ad art. 69 LPGA). La concordance matérielle suppose que d’un point de vue économique, les prestations aient la même fonction et la même nature, alors que la concordance événementielle postule que les prestations sont consécutives au même événement dommageable (ATF 131 III 160 consid. 7.2; 126 III 41 consid. 2; FRÉSARD-FELLAY/FRÉSARD, op. cit., n° 19 et 22 ad art. 69 LPGA).

Pour déterminer, en cas de surindemnisation, laquelle des prestations en concours doit être réduite, il convient de se fonder sur l’ordre de priorité figurant aux art. 64 à 66 LPGA ou sur les dispositions légales spéciales applicables (arrêt U 200/05 du 16 février 2006 consid. 2.2; FRÉSARD-FELLAY/FRÉSARD, op. cit., n° 55 ad art. 69 LPGA; MARC HÜRZELER, in Frésard-Fellay/Klett/Leuzinger [éd.], Basler Kommentar, Allgemeiner Teil des Sozialversicherungsrechts, 2020, n° 41 ad art. 69 LPGA).

Consid. 4.2
Comme l’ont exposé les juges cantonaux, la concordance événementielle doit être niée. Le versement de l’indemnité journalière par l’assurance-accidents trouve son fondement dans la survenance de l’accident du 08.07.2021, tandis que l’allocation de la rente de l’AVS a pour origine l’arrivée de l’assurée à l’âge de la retraite. En outre, à supposer que l’art. 62 CO s’applique au cas d’espèce, au moins une des conditions de l’enrichissement illégitime (cf. arrêt 5A_819/2021 du 9 février 2022 consid. 3.2.1 et les références) fait défaut. Le versement de l’indemnité journalière à l’assurée ayant un fondement légal, il n’y a pas d’absence de cause légitime à son enrichissement ni paiement d’un indu à son avantage. En tout état de cause, il n’y a pas de principe général prohibant la surindemnisation dans le domaine des assurances sociales (ATF 134 III 489 consid. 4.1; 135 V 29 consid. 4.3), comme semble le penser l’assurance-accidents. L’arrêt entrepris échappe ainsi à la critique également en tant qu’il écarte toute réduction des prestations dues à l’assurée pour cause de surindemnisation.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_748/2023 consultable ici

 

Remarques personnelles :

Il est fréquent d’observer dans la pratique que le versement de l’indemnité journalière LAA cesse au moment où la personne assurée atteint l’âge de la retraite. Cette situation est rarement contestée par ces dernières, car elles commencent alors à percevoir leurs rentes de vieillesse (AVS et LPP). Je pense que cette pratique ne résulte pas d’une intention malveillante des assureurs-accidents, mais plutôt d’une compréhension incomplète du système par les gestionnaires de dossiers.

Il est également important de sensibiliser les médecins traitants à cette problématique. En effet, ils ont tendance à déclarer la fin de l’incapacité de travail lorsque leur patient-e atteint l’âge de la retraite, sans nécessairement tenir compte des spécificités du droit des assurances sociales en la matière.

Bien que la jurisprudence ne prêtât pas à interprétation, le présent arrêt du Tribunal fédéral dissipe tout doute éventuel. Il énonce de manière explicite et sans ambiguïté la position de notre Haute Cour sur ce point.

 

 

9C_272/2022 (f) du 20.04.2023 – Surindemnisation – 34a al. 1 LPP – 24 al. 1 OPP 2 / Détermination du revenu exigible comme invalide / Adaptation du gain présumé perdu / Restitution par l’assurée de la prestation de sortie – 3 LFLP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_272/2022 (f) du 20.04.2023

 

Consultable ici

 

Surindemnisation / 34a al. 1 LPP – 24 al. 1 OPP 2

Détermination du revenu exigible comme invalide

Adaptation du gain présumé perdu

Restitution par l’assurée de la prestation de sortie / 3 LFLP

 

Assurée, mariée et mère d’un enfant (né en 2012), a travaillé à plein temps du 01.07.2003 au 31.01.2009. L’assurée a subi plusieurs périodes d’incapacité de travail dès le 04.07.2006, avant d’être en arrêt total de travail dès le 08.03.2007. A la demande de l’employeur, la caisse de prévoyance a indiqué à l’assurée qu’elle n’avait pas droit à une pension d’invalidité de la prévoyance professionnelle (correspondance du 20.06.2008).

En se fondant sur un projet de décision de l’office AI du 15.03.2013, l’assurée a demandé à la caisse de prévoyance un nouvel examen de sa situation le 03.04.2013. Dans une précédente procédure, le tribunal cantonal a accordé à l’assurée – sous réserve d’une éventuelle surindemnisation – une pension d’invalidité statutaire de 100%, une pension d’indexation et une pension supplémentaire d’invalidité pour invalide complet dès le 27.08. 2009, ainsi qu’une pension complémentaire pour enfant d’invalide dès le 01.05.2012. La cour cantonale a par ailleurs invité la caisse de prévoyance à calculer les prestations dues, avec intérêts à 5% l’an dès le 29.08.2014, et dit que le calcul de surindemnisation prendra en compte un éventuel revenu raisonnablement exigible de l’assurée au plus tôt dès le 23.07.2012, dans le sens des considérants.

Le 20.06.2017, la caisse de prévoyance a indiqué à l’assurée qu’elle était en situation de surassurance pour l’année 2009 et les années 2012 à 2017, de sorte qu’après compensation, elle avait droit à un montant de 150’199 fr. 40 (pour la période du 01.09.2009 au 30.06.2017).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/329/2022 – consultable ici)

Par jugement du 12.04.2022, admission partielle du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 34a al. 1 LPP, dans sa version en vigueur du 01.01.2003 au 31.12.2016, le Conseil fédéral édicte des dispositions afin d’empêcher que le cumul de prestations ne procure un avantage injustifié à l’assuré ou à ses survivants. D’après l’art. 24 al. 1 OPP 2, dans sa version en vigueur sur la même période, l’institution de prévoyance peut réduire les prestations d’invalidité et de survivants dans la mesure où, ajoutées à d’autres revenus à prendre en compte, elles dépassent 90% du gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé.

Consid. 3.2
L’art. 57 al. 1, 2 et 6 des Statuts de la caisse de prévoyance, dans sa version applicable au moment où se pose pour la première fois la question de la réduction des prestations LPP (août 2009), a la teneur suivante: « 1. En cas d’invalidité ou de décès, dans la mesure où les prestations de la Caisse, ajoutées à d’autres revenus à prendre en compte, dépassent 90% du salaire annuel de base, y compris le 13ème salaire, dont l’intéressé est privé, la Caisse réduit ses prestations. 2. Sont considérées comme des revenus à prendre en compte, les prestations d’un type et d’un but analogues qui sont accordées à l’ayant droit en raison de l’événement dommageable, telles que: a. les rentes ou les prestations en capital prises à leur valeur de rentes selon les bases techniques de la Caisse, provenant d’assurances sociales ou d’institutions de prévoyance suisses et étrangères; b. d’éventuels paiements de salaire de l’employeur ou d’indemnités qui en tiennent lieu; c. le revenu de remplacement ou le revenu de remplacement que l’assuré pourrait encore raisonnablement réaliser.

6. Le montant de la réduction est revu chaque année compte tenu de l’évolution des prestations, de la perte, ou de l’ouverture du droit à une prestation. Le revenu dont on peut supposer que l’assuré est privé et qui a été établi au début du versement des prestations est chaque année adapté à l’indice genevois des prix à la consommation. »

 

Consid. 5.1
Dans un premier grief, l’assurée conteste la manière dont la juridiction cantonale a fixé le revenu qu’elle pourrait encore raisonnablement réaliser. Elle fait valoir que les données statistiques de la table TA1_skill_level de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) sur lesquelles repose le raisonnement des premiers juges ne tiennent pas compte des différences salariales intercantonales et de variables autres que le sexe et le niveau de compétence. Elle affirme que la table TA17 permettrait de mieux tenir compte de son âge ainsi que des salaires « réalisables » dans le canton du Valais, où elle est domiciliée.

Consid. 5.2.1
Il existe entre les premier et deuxième piliers (assurance-invalidité et prévoyance professionnelle) un lien qui permet d’assurer d’une part une coordination matérielle étendue entre ces deux piliers et de libérer d’autre part les caisses de pensions chargées de mettre en application la LPP obligatoire de démarches importantes et coûteuses concernant les conditions, l’étendue et le début du droit aux prestations d’invalidité du deuxième pilier (cf., p. ex., ATF 140 V 399 consid. 5.2.1; 134 V 64 consid. 4.1.3). Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a établi une correspondance ou une équivalence de principe (« Kongruenz » ou « Grundsatz der Kongruenz ») entre d’une part le revenu sans invalidité et le revenu dont on peut présumer que l’intéressé est privé et d’autre part le revenu d’invalide et le revenu que l’assuré pourrait encore raisonnablement réaliser. Les revenus déterminants pour l’assurance-invalidité doivent être pris en considération dans le calcul de la surindemnisation de la prévoyance professionnelle. La correspondance ou l’équivalence entre ces revenus doit cependant être comprise dans le sens d’une présomption (ATF 144 V 166 consid. 3.2.2; 143 V 91 consid. 3.2 et les références) qui, par définition, peut être renversée selon les circonstances (arrêt 9C_853/2018 du 27 mai 2019 consid. 3.3.1 et la référence).

En particulier, dans la procédure de l’assurance-invalidité, les organes d’exécution sont tenus de prendre en considération une mise en valeur réaliste de la capacité de travail résiduelle lors de l’évaluation du revenu avec invalidité. Dans le contexte de la surindemnisation, l’examen de l’institution de prévoyance (ou du juge) n’a plus à porter sur les aspects de l’exigibilité de la capacité résiduelle de travail ou le caractère réaliste de la mise en valeur de celle-ci sur le plan économique. Elle doit se limiter à vérifier, au regard des éléments que fait valoir l’assuré à l’encontre de la présomption d’équivalence, si le marché du travail entrant concrètement en considération pour l’intéressé comprend des postes de travail adaptés à sa situation. Il en découle que l’assuré ne peut pas invoquer, au titre de « circonstances personnelles » dont il y a lieu de tenir compte sous l’angle de l’exigibilité d’un revenu résiduel, des éléments qui ont déjà été pris en considération par les organes de l’assurance-invalidité pour déterminer l’exigibilité de la capacité de travail résiduelle et son étendue (arrêt 9C_346/2021 du 14 mars 2022 consid. 4.3 et les références).

Consid. 5.2.2
Dans le domaine de l’assurance-invalidité, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table TA1 de l’ESS, à la ligne « total secteur privé »; on se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la valeur médiane ou centrale (ATF 124 V 321 consid. 3b), étant précisé que, depuis l’ESS 2012, il y a lieu d’appliquer le tableau TA1_skill_ level (ATF 142 V 178). Lorsque les circonstances du cas concret le justifient, on peut s’écarter de la table TA1 pour se référer à la table TA7 (salaire mensuel brut [valeur centrale] selon le domaine d’activité dans les secteurs privé et public ensemble), si cela permet de fixer plus précisément le revenu d’invalide et que le secteur en question est adapté et exigible (arrêt 8C_66/2020 du 14 avril 2020 consid. 4.2.2 et les arrêts cités).

Les tables TA1_tirage_skill_level, T1_tirage_skill_level et T17 des ESS publiées depuis 2012 correspondent respectivement aux tables TA1, T1 et TA7 des ESS publiées jusqu’en 2010 (voir l’Annexe de la lettre circulaire AI n° 328 du 22 octobre 2014).

Consid. 5.3
En l’espèce, comme l’a relevé à juste titre la juridiction cantonale, l’assurée n’expose aucun élément qui justifierait de s’écarter du revenu avec invalidité fixé par l’office AI. Contrairement à ce que soutient l’assurée, le principe constitutionnel de l’égalité de traitement commande tout d’abord de recourir dans le domaine de l’assurance-invalidité aux données statistiques ressortant de l’ESS pour déterminer son revenu avec invalidité, sans tenir compte de données salariales régionales, et à plus forte raison cantonales (arrêts 9C_535/2019 du 31 octobre 2019 consid. 4; 8C_744/2011 du 25 avril 2012 consid. 5.2 et les références, in SVR 2012 UV n° 26 p. 93). Quant au choix de la table applicable, elle ne met en évidence aucun élément qui justifierait de s’écarter de la table TA1_tirage_skill_level (ATF 142 V 178). L’assurée a en effet interrompu les mesures de réadaptation professionnelle mises en place par l’assurance-invalidité et n’a donc pas mené à terme son reclassement. Dans ces circonstances, le salaire de référence était celui auquel pouvaient prétendre les femmes effectuant des tâches physiques ou manuelles simples de la table TA1_tirage_skill_level. Enfin, lorsqu’ils ont déterminé l’activité raisonnablement exigible sur le marché équilibré du travail et le revenu avec invalidité, les organes de l’assurance-invalidité ont déjà tenu compte des circonstances personnelles dont se prévaut l’assurée. En tant que facteur étranger à l’invalidité, il n’y avait pas lieu de tenir compte du fait que l’âge de la personne assurée peut avoir une influence négative sur la recherche d’emploi (arrêt 8C_808/2013 du 14 février 2014 consid. 7.3).

 

Consid. 6.2
Par « gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé » (au sens de l’art. 24 al. 1 aOPP 2), il faut entendre le salaire hypothétique que l’assurée réaliserait sans invalidité, au moment où doit s’effectuer le calcul de surindemnisation, soit au moment où se pose la question de la réduction des prestations LPP (ATF 143 V 91 consid. 3.2; 137 V 20 consid. 5.2.3.1). Une fois déterminé, ce revenu n’est réexaminé que s’il existe des raisons suffisantes de penser que la situation s’est modifiée de manière importante au sens de l’art. 24 al. 5 aOPP 2 (ATF 143 V 91 consid. 4.1). Aussi, dans le domaine de la prévoyance professionnelle obligatoire, l’institution de prévoyance est tenue d’opérer un nouveau calcul, dans la mesure où les bases de calcul de la surindemnisation, dont fait partie le revenu hypothétique réalisable sans invalidité, se modifient de manière importante après la fixation de la rente (ATF 125 V 164 consid. 3b); il y a modification importante s’il en résulte une adaptation des prestations de 10% au moins (ATF 144 V 166 consid. 3.3 et les références).

Pour ce qui est de la prévoyance plus étendue, les institutions de prévoyance sont libres d’adopter un régime de surindemnisation différent de celui de l’OPP 2 (arrêt B 56/98 du 12 novembre 1999 consid. 4a, in SVR 2000 BVG n° 6 p. 31). Elles peuvent édicter des dispositions statutaires ou réglementaires plus restrictives que la loi, en particulier en ce qui concerne la limite de surindemnisation, mais de telles dispositions ne s’appliquent qu’à la prévoyance professionnelle plus étendue (ATF 147 V 146 consid. 5.2.1 et la référence).

Consid. 6.3
En l’espèce, à l’inverse de ce que soutient l’assurée, le droit fédéral ne garantit pas dans le domaine de la prévoyance professionnelle obligatoire une adaptation automatique du gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé à l’évolution des salaires réels (cf. ATF 123 V 193 consid. 5d; MARC HÜRZELER, in Schneider/Geiser/Gächter, LPP et LFLP, 2 e éd. 2020, art. 34a LPP n° 28 et 79; HANS-ULRICH STAUFFER, Berufliche Vorsorge, 3 e éd. 2019, p. 389 n° 1200). Par ailleurs, l’assurée ne prétend pas que le règlement de prévoyance prévoirait une telle adaptation dans le domaine de la prévoyance plus étendue. Au demeurant, comme l’a rappelé à juste titre la juridiction cantonale, l’art. 57 al. 6, 2e phrase, des Statuts prévoit uniquement une adaptation du revenu dont on peut supposer que l’assuré est privé et qui a été établi au début du versement des prestations à l’indice genevois des prix à la consommation. Aussi, en se limitant à renvoyer à la « liste des salaires dont elle aurait bénéficié au fil des ans » et à prétendre que ceux-ci seraient supérieurs au revenu retenu par la juridiction cantonale, l’assurée ne présente aucun montant concret à l’appui de ses allégations. Elle n’établit dès lors pas que son gain annuel se serait modifié de manière importante après la fixation de son droit à une rente de la prévoyance professionnelle pour la période courant à partir d’août 2009 (au sens de l’art. 24 al. 5 aOPP 2), soit qu’il en résulterait une adaptation des prestations de 10% au moins. Mal fondé, le grief doit être rejeté.

 

Consid. 7.2.1
La LFLP réglemente notamment le maintien de la prévoyance professionnelle acquise en cas de libre passage. Selon l’art. 2 al. 1 LFLP, si l’assuré quitte l’institution de prévoyance avant la survenance d’un cas de prévoyance (cas de libre passage), il a droit à une prestation de sortie. Celle-ci est exigible lorsque l’assuré quitte l’institution de prévoyance (art. 2 al. 3 LFLP; ATF 142 V 358 consid. 5.2 et la référence).

Aux termes de l’art. 3 LFLP, si l’assuré entre dans une nouvelle institution de prévoyance, l’ancienne institution de prévoyance doit verser la prestation de sortie à cette nouvelle institution (al. 1). Si l’ancienne institution de prévoyance a l’obligation de verser des prestations pour survivants et des prestations d’invalidité après qu’elle a transféré la prestation de sortie à la nouvelle institution de prévoyance, cette dernière prestation doit lui être restituée dans la mesure où la restitution est nécessaire pour accorder le paiement de prestations d’invalidité ou pour survivants (al. 2). Les prestations pour survivants ou les prestations d’invalidité de l’ancienne institution de prévoyance peuvent être réduites pour autant qu’il n’y ait pas de restitution (al. 3).

Consid. 7.2.2
Selon la jurisprudence, l’art. 3 al. 2 LFLP n’indique pas clairement qui doit restituer la prestation de sortie (ATF 135 V 13 consid. 3.6.3). En principe, la prestation de sortie est restituée par l’institution de prévoyance qui l’a reçue, c’est-à-dire par la nouvelle institution de prévoyance (art. 3 al. 1 LFLP), voire par l’institution supplétive (art. 4 al. 2 LFLP; art. 60 LPP) ou par une institution de libre passage (art. 4 al. 1 LFLP; art. 10 OLP). La restitution peut également être effectuée par d’autres personnes, notamment par l’assuré lui-même (ATF 141 V 197 consid. 5.3 et la référence).

Par ailleurs, l’art. 3 al. 2 LFLP doit être compris en ce sens que l’ancienne institution de prévoyance ne peut ni ne doit imposer la restitution de la prestation de sortie. En revanche, pour autant qu’il n’y ait pas de restitution, l’ancienne institution de prévoyance peut réduire les prestations pour survivants ou les prestations d’invalidité (art. 3 al. 3 LFLP; ATF 141 V 197 consid. 5.3; HERMANN WALSER, LPP et LFLP, op. cit., art. 3 LFLP n° 11; ISABELLE VETTER-SCHREIBER, BVG/FZG Kommentar, Berufliche Vorsorge, 4 e éd. 2021, art. 3 LFLP n° 8).

Consid. 7.3
Conformément au système prévu par l’art. 3 LFLP, la caisse de prévoyance ne pouvait ni ne devait imposer la restitution de la prestation de sortie. Elle était en droit de réduire les prestations d’invalidité au sens de l’art. 3 al. 3 LFLP, pour autant qu’il n’y ait pas de restitution, sans que les délais de prescription, absolu et relatif, de l’art. 35a al. 2 aLPP ne lui soient opposables (BETTINA KAHIL-WOLFF HUMMER, LPP et LFLP, op. cit., art. 35a LPP n° 4). Dans l’ATF 142 V 358 cité par l’assurée, le Tribunal fédéral a précisé que le système prévu par l’art. 3 LFLP constitue une réglementation spéciale (ATF 142 V 358 consid. 5.5). Le grief doit être rejeté, étant précisé qu’en dehors de la question de la prescription, l’assurée ne conteste pas les modalités de la restitution en tant que telles, en particulier le fait que le montant de la prestation de sortie a été déduite des prestations qui lui étaient dues.

 

Consid. 8
En ce qui concerne les prestations à verser pour la période de septembre 2014 à mars 2017, c’est finalement en vain que l’assurée affirme qu’un intérêt moratoire était dû à partir du 01.12.2015 (date moyenne). Selon les constatations cantonales, qui ne sont pas remises en cause, l’assurée n’a pas entrepris les démarches préparatoires en septembre 2017 pour que la caisse de pension lui verse les prestations auxquelles elle avait droit. L’institution de prévoyance a en effet offert à l’assurée de lui verser la somme de 150’199 fr. 40 dès le 20.06.2017, mais l’assurée ne lui a pas communiqué les données nécessaires, notamment ses coordonnées bancaires, afin que le versement puisse être effectué. A défaut d’être en demeure (sur cette notion, ATF 143 II 37 consid. 5.2; 130 V 414 consid. 5.1), la caisse de pension n’avait pas à verser des intérêts moratoires.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_272/2022 consultable ici

 

8C_469/2021 (f) du 04.08.2022 – Restitution de prestations cantonales de la rente-pont – 28 al. 1 LPCFam / Subsidiarité de la rente-pont par rapport aux prestations d’assurances sociales octroyées à titre rétroactif – 28 al. 1bis LPCFam

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_469/2021 (f) du 04.08.2022

 

Consultable ici

 

Restitution de prestations cantonales de la rente-pont / 28 al. 1 LPCFam

Subsidiarité de la rente-pont par rapport aux prestations d’assurances sociales octroyées à titre rétroactif / 28 al. 1bis LPCFam

 

Feu A.__, née en 1950, était mariée à C.__, né en 1951. Les deux époux faisaient ménage commun.

Le 23.01.2013, feu A.__ a rempli un formulaire de demande de rente-pont auprès de la Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS (ci-après: la CCVD). Le 05.02.2013, C.__ a signé un avis de cession en faveur de la CCVD, pour le cas où une rente AI et des prestations complémentaires AVS/AI lui seraient accordées avec effet rétroactif.

Par décision du 30.05.2013, la CCVD a reconnu à feu A.__ le droit à une rente-pont cantonale de 3039 fr. par mois à compter du 01.01.2013; cette rente, dont le montant a ensuite varié entre 2739 fr. et 3977 fr. par mois, a pris fin au 31.12.2014, l’intéressée ayant atteint l’âge de 64 ans révolus.

Le 21.05.2015, l’office de l’assurance-invalidité a rendu une décision d’octroi de rente AI en faveur de C.__ pour la période allant du 01.01.2013 au 31.12.2014; il en est résulté que ce dernier était créancier d’un montant rétroactif de 58’213 fr.

Par décision du 06.08.2015, la CCVD a réclamé à feu A.__, ensuite de la décision d’octroi de la rente AI en faveur de C.__, la restitution de la rente-pont qu’elle avait perçue entre le 01.01.2013 et le 31.12.2014 pour un montant total de 81’540 fr. Après diverses péripéties procédurales, la CCVD a rejeté, par décision du 08.01.2019, la réclamation que feu A.__ avait formée contre la décision du 06.08.2015. Dite décision a été annulée par arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du 11.12.2019.

Après que la CCVD a constaté que les époux A.__ et C.__ avaient bénéficié de prestations complémentaires AVS/AI dès le mois de janvier 2013, le Centre régional de décision rente-pont, Agence d’Assurances Sociales (qui dans l’intervalle a repris la gestion des prestations cantonales de la rente-pont), a rejeté la réclamation de feu A.__ contre la demande de restitution du 06.08.2015 (décision du 25.11.2020).

 

Procédure cantonale (arrêt PS.2021.0003 – consultable ici)

Par jugement du 25.11.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
L’arrêt entrepris repose sur la loi cantonale vaudoise du 23 novembre 2010 sur les prestations complémentaires cantonales pour familles et les prestations cantonales de la rente-pont (LPCFam; BLV 850.053), dont il sied de rappeler les dispositions appliquées par les premiers juges.

Selon l’art. 16 al. 1 de cette loi, ont droit aux prestations cantonales de la rente-pont jusqu’à l’âge d’ouverture ordinaire du droit à la rente de vieillesse prévu par la loi fédérale du 20 LAVS, sous réserve de l’al. 2, les personnes qui remplissent les conditions cumulatives suivantes: elles ont leur domicile dans le canton de Vaud depuis trois ans au moins au moment où elles déposent la demande de rente-pont (let. a); elles ont atteint l’âge ouvrant le droit à la rente anticipée au sens de la LAVS, ou elles relèvent du revenu d’insertion (RI) ou en remplissent les conditions d’accès et sont au plus à deux ans d’atteindre l’âge ouvrant le droit à la rente anticipée au sens de la LAVS (let. b); elles n’ont pas droit à des indemnités de chômage ou ont épuisé leur droit à de telles indemnités (let. c); leurs dépenses reconnues et revenus déterminants, y compris les normes de fortunes, sont inférieurs aux limites imposées par la LPC pour ouvrir le droit à des prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (let. e); elles n’ont pas fait valoir leur droit à une rente de vieillesse anticipée au sens de la LAVS ou elles ont déposé une demande de rente anticipée et sont dans l’attente de la décision d’octroi, respectivement du versement de la rente anticipée; les prestations de la rente-pont accordées à ce titre sont considérées comme avance et doivent être restituées par le bénéficiaire conformément à l’article 28 al. 1bis (let. f). L’art. 16 al. 2 LPCFam précise que le droit aux prestations cantonales de la rente-pont n’est en revanche pas ouvert aux personnes qui atteignent l’âge de la retraite anticipée au sens de la LAVS, et dont la situation financière est telle que l’autorité peut anticiper qu’elles pourront prétendre à des prestations complémentaires au sens de la LPC si elles exercent leur droit à une rente de vieillesse à l’âge ordinaire prévu par la LAVS.

Les prestations cantonales de la rente-pont sont calculées conformément aux critères de la prestation complémentaire annuelle au sens de la LPC (art. 18 al. 1, 1e phrase, LPCFam). Le règlement cantonal du 17 août 2011 d’application de la LPCFam (RLPCFam; BLV 850.053.1) prévoit que les dispositions du chapitre I, lettre A, section II de l’OPC-AVS/AI (RS 831.301) sont, sauf dispositions contraires de la LPCFam ou du règlement, applicables par analogie à la fixation des dépenses reconnues et du revenu déterminant (art. 34 al. 1 RLPCFam [dans sa teneur en vigueur avant le 1er juillet 2021]). L’art. 11 LPC est par ailleurs également applicable par analogie à la détermination du revenu déterminant (art. 35a al. 2 RLPCFam); le revenu déterminant comprend notamment les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (art. 11 al. 1 let. d LPC).

L’art. 28 al. 1 LPCFam prévoit que les prestations complémentaires cantonales pour familles et les prestations cantonales de la rente-pont perçues indûment doivent être restituées. En outre, lorsqu’une prestation d’assurance sociale est octroyée rétroactivement, les prestations complémentaires cantonales pour familles et les prestations cantonales de la rente-pont versées précédemment à titre d’avance doivent être restituées, à concurrence de l’avance perçue (art. 28 al. 1bis LPCFam). La restitution ne peut toutefois être exigée lorsque le bénéficiaire était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile (art. 28 al. 2 LPCFam).

Consid. 3.2
En l’espèce,
l’autorité cantonale a constaté que des prestations complémentaires AVS/AI avaient été versées aux époux A.__ et C.__ à compter de janvier 2013 pour un montant total, jusqu’en décembre 2014, de 20’816 fr. Avec le rétroactif des montants dus au titre de la rente AI en faveur de C.__ et des prestations AI pour enfant, des prestations d’assurance sociale et des prestations complémentaires pour un montant total de 92’680 fr. avaient été versées aux époux A.__ et C.__ durant la période précitée. Comme feu A.__ se trouvait dans un cas de figure visé par l’art. 28 al. 1bis LPCFam, la restitution de la rente-pont perçue entre janvier 2013 et décembre 2014 devait être confirmée. Les juges cantonaux ont par ailleurs rejeté l’argument de feu A.__, selon lequel les prestations de nature et de but identiques qui sont accordées à l’assuré en raison d’un événement dommageable sont prises en considération pour déterminer si l’ayant-droit est surindemnisé au sens de l’art. 69 al. 1 LPGA. Ils ont jugé que les prestations complémentaires fédérales et la rente-pont poursuivaient un but analogue et que les secondes revêtaient un caractère subsidiaire par rapport aux premières. L’octroi d’une rente-pont était d’ailleurs exclu lorsqu’un droit à une prestation complémentaire AVS/AI était reconnu (art. 16 al. 2 LPCFam). Les premiers juges ont également rappelé que les revenus déterminants des époux faisant ménage commun devaient être additionnés dans le calcul de la rente-pont (art. 4 OPC-AVS/AI; cf. en outre art. 9 al. 2 LPC) et que feu A.__ avait elle-même perçu des prestations complémentaires AVS/AI, au vu des art. 4 al. 1 let. a LPC et 37 al. 1bis LAI, ensuite de l’ouverture du droit en faveur de son époux.

 

Consid. 4.1
Dans son acte de recours, feu A.__ se plaignait d’une application arbitraire de l’art. 28 al. 1bis LPCFam. Elle faisait valoir, en se référant au principe de la concordance des droits concrétisé à l’art. 69 al. 1 LPGA, qu’elle seule était bénéficiaire de la rente-pont et que seul son époux était bénéficiaire de la rente AI. L’art. 16 al. 2 LPCFam serait ainsi « inopérant » en l’espèce parce qu’il ne réglerait que les situations dans lesquelles une seule et même personne peut prétendre, pour la même période, à une rente d’invalidité et à une rente-pont. Feu A.__ faisait valoir à cet égard que la personne dont le revenu et la fortune sont pris en compte dans le calcul d’une prestation n’est pas pour autant bénéficiaire de cette dernière. La décision entreprise reviendrait à exiger d’elle qu’elle rembourse sa rente-pont motif pris du versement d’une rente AI et de prestations complémentaires AVS/AI à son époux, alors qu’elle n’aurait pas touché ces dernières. Feu A.__ reprochait d’ailleurs à l’autorité cantonale d’avoir arbitrairement retenu qu’elle avait touché des prestations complémentaires AVS/AI, alors que seul son mari en avait perçues.

Consid. 4.2
L’argumentation est mal fondée. En effet, la rente AI versée rétroactivement à C.__ devait être pris en compte dans l’examen du droit de feu A.__ à la rente-pont, respectivement dans la fixation de cette prestation cantonale. Comme on l’a vu, la rente-pont est calculée conformément aux critères des prestations complémentaires au sens de la LPC (art. 18 al. 1 LPCFam). Or l’art. 9 al. 2 LPC prévoit le principe selon lequel les dépenses reconnues et les revenus déterminants des conjoints sont additionnés pour déterminer le montant des prestations complémentaires AVS/AI. Les revenus déterminants comprennent notamment les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (art. 11 al. 1 let. d LPC). Partant, peu importe que l’un ou l’autre des époux A.__ et C.__ fût bénéficiaire de la rente AI versée rétroactivement dans la mesure où, selon le droit cantonal pertinent, c’est l’ensemble des revenus du couple qui est déterminant. En tant que de besoin, on soulignera encore que la jurisprudence citée dans l’acte de recours (arrêt 9C_211/2009 du 26 février 2010; arrêt de la CDAP PS.2017.0101 du 16 avril 2018) n’est d’aucun secours au recourant, les situations qui y étaient traitées n’étant pas comparables à celle de feu A.__. En outre, l’allégation selon laquelle cette dernière n’aurait elle-même pas perçu de prestations complémentaires AVS/AI est dénuée de fondement. Indépendamment de la pertinence des dispositions citées par les premiers juges (art. 4 al. 1 let. a LPC et art. 37 al. 1bis LAI; consid. 3.2 supra), il ressort des décisions d’allocation de prestations complémentaires du 27.10.2015 que feu A.__ était également l’ayant droit des prestations accordées rétroactivement.

En ce qui concerne précisément les prestations complémentaires AVS/AI perçus par le couple, c’est sans arbitraire que les juges cantonaux ont considéré que la rente-pont leur était subsidiaire. L’octroi d’une prestation complémentaire AVS/AI vise à assurer la couverture des besoins vitaux non seulement de l’ayant droit mais également des membres de sa famille (MICHEL VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n° 10 ad art. 9 LPC). Il en va de même s’agissant de la rente-pont puisque les prestations sont calculées conformément aux critères régissant les prestations complémentaires AVS/AI. Les prestations complémentaires AVS/AI et la rente-pont ont dès lors bien un but analogue (cf. Exposé de motifs sur la stratégie cantonale de lutte contre la pauvreté, in Bulletin du Grand Conseil du canton de Vaud 2007-2012, tome 17, p. 476 ss [ci-après: exposé de motifs], p. 504). Dans ce contexte, l’art. 28 al. 1bis LPCFam consacre le principe de la subsidiarité de la rente-pont par rapport aux prestations d’assurances sociales octroyées à titre rétroactif. Ce principe se retrouve également dans la LPC puisqu’il y est rappelé en particulier à l’art. 11 al. 3 LPC que les prestations d’aide sociale (let. b) ainsi que les prestations provenant de personnes et d’institutions publiques ou privées ayant un caractère d’assistance manifeste (let. c) ne sont pas prises en compte dans le calcul des revenus déterminants. En lien avec l’art. 11 al. 3 let. c LPC, les Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC) de l’OFAS précisent que « sont également considérées comme prestations ayant manifestement un caractère d’assistance les prestations cantonales et communales d’aide aux personnes âgées, aux survivants, aux invalides, aux chômeurs et autres, ainsi que les prestations d’assurance-vieillesse, survivants et invalidité cantonales ayant le caractère d’assistance » (ch. 3412.06). Sans qu’il soit ici nécessaire de trancher la question de la nature de la rente-pont, on observera que cette dernière a été mise en place pour éviter aux personnes proches de l’âge de la retraite n’ayant pas ou plus droit aux indemnités de chômage de devoir recourir au revenu d’insertion, que le droit à cette prestation ne dépend pas du versement de cotisations et qu’elle fait l’objet d’une révision périodique (cf., en lien avec l’art. 11 al. 3 let. b LPC, arrêt 2C_95/2019 du 13 mai 2019 consid. 3.4.4 où la rente-pont est qualifiée d’alternative à l’aide sociale). La rente-pont relève dès lors à tout le moins de l’art. 11 al. 3 let. c LPC et ne doit donc pas être prise en considération dans le calcul des revenus déterminants au sens de la LPC (sur la coordination « extrasystémique » entre les prestations complémentaires AVS/AI, d’une part, et l’aide sociale et les prestations d’assistance, d’autre part, cf. JÖHL/USINGER-EGGER, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3e éd. 2016, p. 1916, n. 217-218). Feu A.__ ne prétendait d’ailleurs pas que la rente-pont aurait été prise en compte dans le calcul des prestations complémentaires AVS/AI versées rétroactivement aux époux à compter de janvier 2013. La rente-pont apparaît dès lors clairement comme étant subsidiaire aux prestations complémentaires AVS/AI. En outre, dans le cadre de la demande de ladite prestation, la CCVD a pris soin de faire signer à C.__ un avis de cession des prestations de rente AI et des prestations complémentaires AVS/AI accordées à titre rétroactif. Ainsi, feu A.__ ne saurait se prévaloir du principe de la concordance des droits ancré à l’art. 69 LPGA, lequel présuppose que les prestations soient cumulables (FRÉSARD-FELLAY/FRÉSARD, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n° 6 ad art. 69 LPGA).

Il résulte de ce qui précède que les juges cantonaux n’ont pas fait preuve d’arbitraire en confirmant la demande de restitution des prestations de la rente-pont versées à feu A.__ entre le 01.01.2013 et le 31.12.2014.

 

Le TF rejette le recours de feu A.__.

 

Arrêt 8C_469/2021 consultable ici

 

9C_346/2021 (f) du 14.03.2022 – Prévoyance professionnelle – Surindemnisation – 34a LPP / Revenu hypothétique d’invalide – 24 al. 1 let. d OPP 2

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_346/2021 (f) du 14.03.2022

 

Consultable ici

 

Prévoyance professionnelle – Surindemnisation / 34a LPP

Revenu hypothétique d’invalide / 24 al. 1 let. d OPP 2

 

Assuré, né en 1968, a travaillé en qualité de manœuvre en 1999. A ce titre, il était assuré pour la prévoyance professionnelle auprès de la Fondation collective LPP X (ci-après: la Fondation).

A la suite d’un accident de travail survenu le 12.01.1999, dont les suites ont été prises en charge par l’assurance-accidents, la Fondation a versé des prestations d’invalidité à l’assuré du 01.01.2008 au 30.06.2014 (correspondances des 22.06.2009 et 19.05.2014). Entre-temps, par décision du 26.06.2014 (confirmée par arrêt du Tribunal cantonal du 05.12.2017), l’office AI a reconnu le droit de l’assuré à une demi-rente d’invalidité à compter du 01.01.2000 (taux d’invalidité de 53%).

Le 29.03.2019, l’assuré a invité la Fondation à lui transmettre un décompte des arriérés de rentes d’invalidité dus par celle-ci depuis le 01.01.2000, ainsi qu’un décompte de surindemnisation. Par courrier du 21.06.2019, la Fondation collective LPP a informé l’assuré que ses prestations prenaient effet seulement depuis le 01.01.2008 étant donné qu’il avait été au bénéfice d’indemnités journalières jusqu’au 31.12.2007 versées par l’assurance-accidents; elle lui a par ailleurs indiqué, s’agissant du calcul de surindemnisation, qu’elle se fonderait sur les éléments retenus par l’office AI, en particulier sur un revenu avec invalidité de 25’298 fr. 67 en tant que revenu pouvant raisonnablement être réalisé. Après que l’assuré l’a informée qu’il n’acceptait pas l’imputation d’un revenu hypothétique, la Fondation a confirmé son point de vue (correspondance du 16.08.2019).

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2019 246 – consultable ici)

Le 13.09.2019, l’assuré a ouvert action devant le Tribunal cantonal.

La juridiction cantonale a retenu que la Fondation pouvait en principe se fonder sur les constatations des autorités vaudoises en matière d’assurance-invalidité relatives au revenu avec invalidité de 25’298 fr. 67 (cf. décision administrative du 26.06. 2014). Elle a ensuite considéré que l’assuré n’avait pas allégué de circonstances personnelles et conditions concrètes du marché du travail susceptibles de l’empêcher de réaliser un revenu résiduel équivalent à ce montant. En conséquence, les premiers juges ont procédé au calcul de la surindemnisation en fonction de ce revenu hypothétique (au sens de l’art. 24 al. 1 let. d OPP 2). Dès lors qu’il y avait une surindemnisation, ils ont nié le droit de l’assuré au versement d’une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle.

Statuant le 03.05.2021, la juridiction cantonale a rejeté l’action.

 

TF

Consid. 4.1
La juridiction de première instance a examiné s’il avait allégué des faits et offert des moyens de preuve quant aux circonstances personnelles et aux conditions concrètes du marché du travail qui l’empêcheraient de réaliser un revenu de remplacement équivalant au revenu d’invalide retenu par les organes de l’assurance-invalidité, sous l’angle de la présomption découlant du principe de congruence. Elle a en effet constaté que l’assuré n’avait ni allégué, ni prouvé qu’il eût fait des efforts afin de trouver une activité adaptée, nonobstant le fait qu’il présentait pourtant une capacité de travail de six heures par jour dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, avec une baisse de rendement de 30% (selon le rapport d’expertise diligentée par l’office AI du 25.06.2009, confirmé par décision administrative du 16.09.2010, puis arrêt du Tribunal cantonal du 20.08.2012). Il ressort à cet égard des constatations cantonales que l’assuré n’avait en particulier pas fait valoir de recherches d’emploi infructueuses, ce que celui-ci ne conteste du reste pas.

Consid. 4.2
C’est en vain que l’assuré reproche ensuite aux juges cantonaux de ne pas avoir examiné si les atteintes à la santé étrangères à l’invalidité qu’il présente (des céphalées douloureuses, un acouphène et des troubles de la mémoire et de la concentration) constituaient des circonstances personnelles permettant de renverser la présomption d’équivalence entre les deux revenus déterminants. L’incapacité totale de travail que l’assuré allègue subir est un élément que l’institution de prévoyance n’a pas à prendre en considération dans le cadre de la surindemnisation, dès lors que l’étendue de la capacité résiduelle de travail a déjà été examinée et déterminée (en l’espèce à six heures de travail par jour dans une activité adaptée, avec une baisse de rendement de 30%) par l’assurance-invalidité pour fixer le taux d’incapacité de gain qu’il présente. L’évaluation de l’invalidité suppose que les organes de l’assurance-invalidité examinent et se prononcent tant sur l’exigibilité et l’étendue de la capacité de travail résiduelle (attestée médicalement) de l’assuré en cause, que sur la mise en valeur de celle-ci sur le plan économique, ces aspects du droit à une rente d’invalidité étant alors en principe déterminants pour l’institution de prévoyance pour fixer ses propres prestations (cf. ATF 144 V 72 consid. 4.1 et les arrêts cités), comme c’est le cas en l’espèce, selon les constatations cantonales non contestées par l’assuré. Lorsqu’il s’agit, par la suite, d’examiner une éventuelle surindemnisation, l’institution de prévoyance n’a pas à apprécier à nouveau l’étendue de la capacité de travail résiduelle présentée par l’assuré. Admettre le contraire reviendrait en effet à l’autoriser à procéder à un nouvel examen de l’invalidité et du droit à la rente qui en découle, en dehors des conditions propres à une révision de la rente d’invalidité de l’assurance-invalidité laquelle ressort en premier lieu de la compétence des organes de cette assurance (cf. arrêt 9C_673/2007 du 9 octobre 2008 consid. 4.3). Dans la mesure où l’assuré entend se prévaloir d’une nouvelle appréciation médicale de sa capacité de travail en se référant à deux rapports médicaux qu’il a produits devant la juridiction cantonale, il lui appartient de s’adresser aux organes de l’assurance-invalidité pour qu’ils examinent, le cas échéant, les modifications invoquées. Dans ce contexte, son grief tiré d’une violation du droit à la preuve, parce que les juges cantonaux auraient manqué de faire verser les dossiers de l’assurance-invalidité à sa cause, est mal fondé.

Consid. 4.3
Les autres griefs de l’assuré, en relation avec ses faibles connaissances linguistiques, son manque de formation et sa très longue absence du marché du travail, ne sont pas davantage fondés. Certes, si ces éléments font partie des circonstances personnelles qui doivent être examinées en relation avec le revenu au sens de l’art. 24 al. 1 let. d LPP (arrêt 9C_73/2010 du 28 septembre 2010 consid. 6.1), ils n’excluent cependant pas en tant que tels le caractère exploitable d’une capacité de travail résiduelle; ils doivent bien plutôt être appréciés à l’aune des exigences de l’activité susceptible d’entrer en ligne de compte (arrêt 9C_1033/2012 du 8 novembre 2013 consid. 5.3, non publié aux ATF 140 I 50). On rappellera à cet égard que dans la procédure de l’assurance-invalidité, les organes d’exécution sont tenus de prendre en considération une mise en valeur réaliste de la capacité de travail résiduelle lors de l’évaluation du revenu d’invalide (arrêts 9C_313/2007 du 8 janvier 2008 consid. 5.2; I 537/03 du 16 décembre 2003 consid. 3.1 et les arrêts cités). Dans le contexte de la surindemnisation, l’examen de l’institution de prévoyance (ou du juge) n’a donc plus à porter sur les aspects de l’exigibilité de la capacité résiduelle de travail ou le caractère réaliste de la mise en valeur de celle-ci sur le plan économique. Elle doit se limiter à vérifier, au regard des éléments que fait valoir l’assuré à l’encontre de la présomption d’équivalence, si le marché du travail entrant concrètement en considération pour l’intéressé comprend des postes de travail adaptés à sa situation. Il en découle que l’assuré ne peut pas invoquer, au titre de « circonstances personnelles » dont il y a lieu de tenir compte sous l’angle de l’exigibilité d’un revenu résiduel, des éléments qui ont déjà été pris en considération par les organes de l’assurance-invalidité pour déterminer l’exigibilité de la capacité de travail résiduelle et son étendue (arrêt 9C_673/2007 précité consid. 4.3; cf. aussi arrêt 9C_912/2009 du 8 juillet 2010 consid. 5.4.1).

Or en l’occurrence, lorsqu’ils ont déterminé l’activité raisonnablement exigible sur le marché équilibré du travail et le revenu d’invalide, les organes de l’assurance-invalidité ont déjà tenu compte des circonstances personnelles dont se prévaut l’assuré. Ils ont en effet considéré que seule une activité d’employé d’usine, d’ouvrier ou de contrôle qualité était exigible de l’assuré et ont procédé à un abattement de 10% sur le revenu d’invalide qu’ils ont fixé en se fondant sur le salaire brut standardisé auquel peuvent prétendre des hommes effectuant des activités simples et répétitives dans le secteur privé (production et services), compte tenu notamment de son manque de formation et de ses difficultés linguistiques.

Quant à la « très longue absence du marché du travail » dont se prévaut l’assuré en se référant à l’arrêt 9C_495/2017 du 16 avril 2018, elle ne constitue pas non plus une circonstance déterminante dans le cas d’espèce, dès lors déjà qu’aucune recherche infructueuse d’emploi ne vient concrètement confirmer qu’il ne pourrait pas exercer une activité adaptée telle que celle retenue par les organes de l’assurance-invalidité (comp. arrêt 9C_495/2017 précité consid. 3.4.2 et 3.5; cf. aussi arrêt 9C_416/2011 du 19 juillet 2011 consid. 4.3). L’assuré ne conteste en effet pas les constatations cantonales selon lesquelles il n’aurait pas fait des efforts, à tout le moins depuis la constatation d’une capacité de travail de 60% en 2012, afin de trouver une activité adaptée.

Consid. 4.4
Le fait que ni l’assurance-accidents, ni la caisse de compensation, dans l’examen du droit à des prestations complémentaires, ne lui ont imputé un revenu hypothétique, n’est finalement pas non plus déterminant. S’il est exact qu’il existe un parallèle entre les critères de la prévoyance professionnelle et ceux du régime des prestations complémentaires s’agissant de l’examen du revenu hypothétique imputable (cf. arrêts 9C_416/2011 précité consid. 2.3; 9C_73/2010 précité consid. 6.1), celui-ci n’implique pas la reprise, par l’institution de prévoyance, de l’analyse effectuée à cet égard par l’organe d’exécution des prestations complémentaires, pas plus du reste que de l’évaluation de l’assureur-accidents (cf. sur ce point ATF 133 V 549 consid. 6; arrêt 8C_679/2020 du 1er juillet 2021 consid. 5.1).

Consid. 5
Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de s’écarter des considérations des juges cantonaux selon lesquelles l’assuré n’est pas parvenu à renverser la présomption selon laquelle le revenu que l’assuré pourrait encore raisonnablement réaliser selon l’art. 24 al. 1 let. d LPP correspond au revenu d’invalide fixé par les organes de l’assurance-invalidité. Partant, c’est à bon droit qu’ils ont procédé au calcul de la surindemnisation en prenant en considération le revenu d’invalide de 25’298 fr. 67 fixé par les organes de l’assurance-invalidité.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_346/2021 consultable ici

 

9C_287/2014 (f) du 16.06.2014 – Surindemnisation indemnités journalières LCA et rente AI / Versement des arriérés de la rente AI à l’assurance perte de gain maladie

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_287/2014 (f) du 16.06.2014

 

Consultable ici

 

Surindemnisation indemnités journalières LCA et rente AI

Versement des arriérés de la rente AI à l’assurance perte de gain maladie

 

Par décision du 21.12.1999, l’office AI a alloué à l’assuré une demi-rente d’invalidité à partir du 17.06.1998, fondée sur un taux d’invalidité de 50%. L’assurée a continué à exercer une activité d’employée de maison à environ 30%.

Au terme d’une procédure de révision initiée en mai 2011, l’office AI a indiqué à l’assurée qu’il considérait que son état de santé s’était aggravé depuis le mois de janvier 2011 et comptait la mettre au bénéfice d’une rente entière d’invalidité, fondée sur un degré d’invalidité de 70%, dès le 01.05.2011 (projet de décision du 25.09.2012). L’administration a été informée par l’assurance perte de gain maladie, auprès de laquelle l’assurée était assurée, qu’elle lui avait versé des indemnités journalières à partir du 12.08.2012, en raison d’une incapacité de travail depuis le 29.06.2012. Le 28.02.2013, l’office AI a alloué à l’assurée la prestation annoncée à partir du 01.03.2013 ; la rente entière d’invalidité s’élevait à 2’303 fr. par mois.

Par courrier du 05.03.2013, l’assurance perte de gain maladie a indiqué à l’assurée qu’elle n’avait pas droit à des indemnités journalières supérieures à la perte de revenu assurée, de sorte qu’elle allait réclamer les prestations versées en trop (à hauteur de 7’548 fr. 10) directement auprès de la caisse cantonale de compensation. Le 28.03.2013, l’office AI a mis la prénommée au bénéfice d’une rente entière d’invalidité d’un montant de 2’303 fr. par mois, pour la période du 01.05.2011 au 28.02.2013. Il a fixé à 17’573 fr. 90 le montant qui lui était dû à titre rétroactif, après déduction d’une somme de 7’548 fr. 10, qui correspondait à l’avance effectuée par l’assurance perte de gain maladie et qu’il versait à celle-ci.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 125/13 – 49/2014 consultable ici)

L’assurée a déféré cette décision au tribunal cantonal, en concluant à sa réforme, en ce sens que le montant de 7’548 fr. 10 lui soit versé en plus des arriérés de rentes déjà perçus.

Par jugement du 17.02.2014, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assurée ne s’en prend pas aux considérations de la juridiction cantonale selon lesquelles les conditions de l’art. 85bis RAI (en relation avec l’art. 23 des Conditions générales d’assurance [CGA] pour l’assurance d’indemnités journalières collective [contrat LCA]) pour le versement des arriérés de la rente d’invalidité à l’assurance perte de gain maladie, à titre de tiers ayant fait une avance, sont réalisées.

Elle reproche uniquement aux juges cantonaux d’avoir méconnu le principe de la surindemnisation prévu à l’art. 69 al. 2 LPGA. Elle soutient que les conditions d’une surindemnisation pour la période courant à partir du 01.05.2011 n’étaient pas réalisées, parce que le versement des indemnités journalières pour perte de gain n’a pas entraîné une augmentation de ses revenus totaux. Ces indemnités étaient destinées à couvrir l’incapacité de travail totale survenue à partir du 29.06.2012, alors que l’augmentation du taux d’invalidité de 50 à 70% reconnu par l’office AI, qui a conduit à l’allocation d’une rente entière d’invalidité dès le 01.05.2011, ne se rapportait pas à cette même incapacité de travail. Faute de concordance événementielle, voire matérielle entre les prestations de l’assurance-invalidité et celles de l’assurance perte de gain en cas de maladie, il ne pouvait y avoir surindemnisation et elle avait droit au cumul de celles-ci.

 

Au regard des motifs et conclusions du recours, seul est contesté par l’assurée le bien-fondé de la prétention en restitution que l’assurance perte de gain maladie a fait valoir auprès de l’office AI (respectivement la caisse cantonale de compensation AVS) à titre de surindemnisation. Comme l’a constaté la juridiction cantonale, les indemnités journalières perçues par l’assurée lui ont été versées par l’assurance perte de gain maladie en vertu d’un contrat conclu par l’employeur de l’intéressée en faveur de son personnel conformément à la LCA.

Or, le point de savoir si, et le cas échéant dans quelle mesure, l’assurance perte de gain en cas de maladie dispose d’une créance en restitution à l’encontre de l’assuré doit, en cas de litige, être tranché dans une procédure opposant l’assurance et l’assuré; celui-ci doit contester le principe de la restitution et, le cas échéant, l’étendue de celle-ci directement auprès de l’assurance perte de gain. La décision de l’office AI sur le paiement direct à l’assurance perte de gain en cas de maladie ne concerne que les modalités du versement, de sorte qu’elle ne déploie aucune force de chose décidée en ce qui concerne le bien-fondé et le montant de la créance en restitution de l’assurance (consid. 4.3 de l’arrêt 4A_24/2012 du 30 mai 2012, non publié in ATF 138 III 411; arrêt I 296/03 du 21 octobre 2004 consid. 4.2). Selon la jurisprudence (arrêts 8C_115/2013 du 30 septembre 2013 consid. 5.2 et I 296/03 cité, et les références), le principe selon lequel les contestations sur le bien-fondé et le montant de la créance de restitution de l’assureur perte de gain en cas de maladie doivent être résolues directement entre celui-ci et la personne assurée, et non pas dans la procédure en matière d’assurance-invalidité dans laquelle l’office AI n’a pas à traiter de ce rapport juridique, est valable de manière identique que les indemnités journalières de l’assureur perte de gain soient fondées sur le droit public (cf. art. 67 ss LAMal) ou sur le droit privé (LCA). Est seul déterminant que l’assuré dispose d’une voie de droit directe à l’encontre de l’assureur pour contester le bien-fondé et le montant de la prétention en restitution. Le fait qu’il s’agisse d’une question de surindemnisation et qu’il existe donc une certaine proximité avec une contestation du droit des assurances sociales ne suffit pas à soumettre le litige à la procédure de recours applicable en droit de l’assurance-invalidité.

Il résulte de ce qui précède que la juridiction cantonale n’était pas habilitée à statuer dans la procédure en matière d’assurance-invalidité sur le bien-fondé de la prétention en restitution de l’assurance perte de gain maladie. Dans la mesure où elle est entrée en matière sur ce point et s’est prononcée sur la prétention en restitution et son montant en admettant que l’assurée avait été «surindemnisée» par le versement des arriérés de rente d’invalidité, son arrêt est contraire au droit fédéral. Le jugement cantonal doit dès lors être réformé en ce sens et le recours rejeté.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré et le jugement cantonal est réformé en ce sens que le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

 

 

Arrêt 9C_287/2014 consultable ici

 

 

9C_41/2021 (f) du 04.11.2021 – Institution de prévoyance (enveloppante) – Calcul de la surindemnisation – 34a LPP / Changement de statut (statut mixte à statut de personne active à 100%) – Date de la survenance du changement de statut

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_41/2021 (f) du 04.11.2021

 

Consultable ici

 

Institution de prévoyance (enveloppante) – Calcul de la surindemnisation / 34a LPP

Changement de statut (statut mixte à statut de personne active à 100%) – Date de la survenance du changement de statut

 

Assurée, née en 1974, a travaillé pour le compte de B.__ jusqu’au 31.01.2002 et était à ce titre assurée en prévoyance professionnelle. Les rapports de travail ont pris fin pour des raisons médicales. L’assurée a perçu une rente entière de l’assurance-invalidité (résultant d’un taux d’invalidité de 70%, déterminé en fonction d’un statut mixte de personne active [50%] et de ménagère [50%] ainsi que d’une incapacité totale de travail) à compter du 01.09.2001. Elle a également été mise au bénéfice d’une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle versée par sa caisse de pensions, qui a été réduite partiellement depuis le 01.02.2002 et totalement depuis le 01.01.2008 pour cause de surindemnisation.

Au terme d’une procédure de révision puis d’un recours au tribunal cantonal, la rente entière était réduite dès le 01.09.2017 à trois quarts de rente (résultant d’un taux d’invalidité de 65% calculé sur la base d’un statut de personne active à 100% ; arrêt du 11.10.2018). L’institution de prévoyance a dès lors informé l’assurée qu’étant donné la décision de l’office AI du 26.02.2019 (consécutive à l’arrêt cantonal), ses prestations n’étaient pas modifiées jusqu’au 31.08.2017 et qu’elles n’étaient plus réduites pour cause de surindemnisation depuis le 01.09.2017 (lettre du 11.04.2019). En dépit des griefs soulevés par l’intéressée contre le calcul de surindemnisation, elle a maintenu sa position (lettres des 16.05.2019 et 24.05.2019).

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2019 175 – consultable ici)

Sur la base de l’arrêt du 11.10.2018 (en matière d’assurance-invalidité), la juridiction cantonale a conclu que l’assurée avait conservé le même statut (mixte ; personne active à 50% – ménagère à 50%) durant la période du 01.01.2014 au 31.08.2017 que depuis l’octroi initial de la rente. En substance, elle a considéré que, même si la Cour chargée du dossier de l’assurance-invalidité avait jugé crédible la première déclaration faite par l’assurée en janvier 2014 au sujet de la reprise d’une activité professionnelle à plein temps pour des motifs économiques ensuite de sa séparation d’avec son mari en mars 2013, cette autorité s’était prononcée sur la situation prévalant lorsque la décision administrative de réduction de rente avait été prise et avait admis le changement de statut (personne active à 100%) seulement à partir du 01.09.2017. Elle a ajouté que cette appréciation était corroborée par le fait que ladite autorité avait retenu que l’attention ou les soins nécessités par l’enfant cadet (né en 2010) ne représentaient plus un obstacle à la pratique d’une activité lucrative à plein temps dès lors que celui-ci avait atteint l’âge de sept ans en 2017 et qu’il pouvait être occasionnellement pris en charge par ses aînés. Elle a également considéré que l’institution de prévoyance était liée par cette appréciation dans la mesure où elle avait été appelée en cause dans le cadre de la procédure en matière d’assurance-invalidité et où la nouvelle décision de réduction de rente du 26.02.2019 lui avait été notifiée.

Par arrêt du 02.12.2020, rejet de l’action par la juridiction cantonale.

 

TF

Est litigieux le montant des prestations d’invalidité que l’assurée peut prétendre de la caisse de pensions pour la période comprise entre les 01.01.2014 et 31.08.2017. Compte tenu des motifs du recours, il s’agit en particulier de déterminer si le changement de statut retenu dans l’arrêt du 11.10.2018 (en matière d’assurance-invalidité) est intervenu le 01.01.2014, comme le soutient l’assurée, plutôt que le 01.09.2017, ainsi que l’a constaté le tribunal cantonal, et le cas échéant, quelle serait la version du règlement de prévoyance applicable au calcul de surindemnisation pour la période litigieuse.

 

Si le statut d’une personne invalide est un élément ne jouant pas de rôle pour l’évaluation de l’invalidité dans le cadre de la prévoyance professionnelle, dans la mesure où celle-ci n’assure pas les atteintes à la capacité à réaliser les activités habituelles, un changement de statut peut en revanche influencer le calcul de surindemnisation (cf. ATF 141 V 127 consid. 5.2; 129 V 150 consid. 2.5), comme le soutient l’assurée. L’argumentation de cette dernière n’établit cependant pas que et en quoi la juridiction cantonale aurait fait preuve d’arbitraire en constatant que le changement de statut était intervenu le 01.09.2017 et que par conséquent, il n’y avait pas de motif de procéder à un nouveau calcul de surindemnisation au 01.01.2014. En effet, quoi que dise l’assurée à propos de l’arrêt cantonal du 11.10.2018, l’autorité de recours y constate clairement la survenance du changement de statut au 01.09.2017. Concrètement, avant cette date, l’assurée percevait une rente entière de l’assurance-invalidité, dont le calcul tenait compte d’un statut mixte. Après cette date, elle avait droit à trois quarts de rente de l’assurance-invalidité, dont le calcul tenait compte d’un statut de personne active. Il est dès lors erroné de prétendre que l’arrêt en question retient la survenance du changement de statut au 01.01.2014. Peu importe que l’autorité chargée de statuer sur le dossier de l’assurance-invalidité a jugé crédible la déclaration de l’assurée en 2014. Le fait qu’elle a aussi évoqué l’âge du dernier enfant en 2017 pour déterminer la date du changement de statut permettait aux premiers juges de retenir, sans arbitraire en l’absence d’éléments contraires, que la conjonction de ces deux critères (situation financière probablement précaire et relative autonomie des enfants) uniquement en 2017 démontrait la survenance du changement de statut à cette époque.

Compte tenu de l’absence de circonstances justifiant un nouveau calcul de surindemnisation, l’assurée ne saurait valablement reprocher au tribunal cantonal de ne pas avoir déterminé quelle version du règlement de prévoyance était applicable au calcul de surindemnisation au 01.01.2014. En tant qu’elle se plaint d’une violation du principe de l’égalité de traitement entre rentiers en invoquant l’existence de deux catégories d’assurés dès 2008 (ceux dont les prestations ont fait l’objet d’un nouveau calcul de surindemnisation et les autres), l’assurée ne saurait être suivie. Elle perd de vue qu’une institution de prévoyance réexamine les conditions d’une surindemnisation lorsque la situation se modifie de façon importante (cf. art. 24 al. 5 OPP 2). A défaut d’une telle modification, un nouveau calcul ne s’impose en principe pas.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_41/2021 consultable ici

 

 

9C_630/2020 (f) du 08.09.2021 – Surindemnisation pour une assurée avec un statut mixte (statut d’active et de ménagère) – 34a LPP – 24 OPP2 / Institution de prévoyance «enveloppante» – Interprétation de la notion de gain présumé perdu

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_630/2020 (f) du 08.09.2021

 

Consultable ici

 

Surindemnisation pour une assurée avec un statut mixte (statut d’active et de ménagère) / 34a LPP – 24 OPP2

Institution de prévoyance de droit public cantonal vs de droit privé – Règles d’interprétation de la loi vs en matière contractuelle

Institution de prévoyance «enveloppante» – Interprétation de la notion de gain présumé perdu – Evolution salariale qui aurait eu lieu en l’absence d’invalidité mais sans changement du taux d’activité

 

Assurée, née en 1980, mère de deux enfants (nés en 2010 et 2012), a travaillé en tant qu’agent de police depuis 2002, d’abord à 100%, puis à 50% dès le 01.05.2011. A ce titre, elle a été assurée auprès de la Caisse de pensions depuis le 14.01.2002. Par décision du 13.02.2018, l’office AI lui a reconnu le droit à un quart de rente d’invalidité (taux d’invalidité de 40%), assorti de deux rentes pour enfant, dès le 01.10.2017, puis à trois quarts de rente à partir du 01.01.2018 (taux d’invalidité de 61%). En bref, il a considéré qu’à compter du 29.05.2015, seule une capacité de travail de 25% d’un plein temps était encore exigible de l’assurée et que celle-ci avait un statut d’active et de ménagère (d’abord à raison de 50/50%, puis de 60/40% dès août 2016, et de 80/20% dès le mois d’août 2017).

Entre-temps, depuis le 29.08.2017, la Caisse de pensions a reconnu le droit de l’assurée à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle d’un montant mensuel de 1427 fr. 95.

Le 18.12.2017, après avoir été informée par l’office AI du droit de l’assurée à des prestations de l’assurance-invalidité (projet d’acception de rente), la Caisse de pensions a indiqué à l’intéressée qu’elle allait réduire le montant des prestations de la prévoyance professionnelle, en application de la clause de surassurance figurant à l’art. 30 de son règlement de prévoyance, à compter du 01.10.2017. L’assurée ayant fait part de son désaccord quant au calcul de surindemnisation. En se fondant sur un traitement annuel brut sans invalidité correspondant à une activité exercée à un taux de 50%, et compte tenu d’une limite de surindemnisation fixée à 90% de ce traitement, la Caisse de pensions allait réduire le montant de la rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle due à l’assurée à 1160 fr. 25 du 01.10.2017 au 31.12.2017, puis à 512 fr. 40 dès le 01.01.2018, ce dernier montant correspondant à celui des prestations minimales de la prévoyance professionnelle obligatoire. L’assurée a indiqué à la Caisse de pensions qu’il n’y avait pas lieu de prendre en compte l’augmentation des prestations versées par l’assurance-invalidité en lien avec la hausse hypothétique de son activité professionnelle si la limite de surindemnisation n’était pas augmentée en parallèle. Il en résultait, selon elle, un droit à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle de 1’427 fr. 65 du 01.10.2017 au 31.12.2017, puis de 1’383 fr. 40 dès le 01.01.2018. Le 08.08.2018, la Caisse de pensions a maintenu sa position.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a procédé à l’interprétation de la disposition réglementaire litigieuse. Elle a considéré que la notion de « traitement que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » selon l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance de la Caisse de pensions n’implique pas, en raison de la seule utilisation du conditionnel, la prise en compte d’une évolution du traitement déterminant consécutive à un changement de statut de l’assuré. Selon les juges cantonaux, dans la mesure où l’emploi du conditionnel paraît simplement de mise parce que l’on se réfère à une situation hypothétique dans laquelle l’assuré n’aurait pas été invalide et aurait ainsi pu continuer à exercer son activité professionnelle, la prise en considération du taux d’activité au moment de la survenance de l’invalidité afin de fixer la limite de surindemnisation n’est aucunement incompatible avec la notion de « traitement que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » au sens de la disposition réglementaire précitée. En conséquence, la juridiction de première instance a confirmé que la Caisse de pensions était en droit de réduire le montant de ses prestations d’invalidité dès le mois d’octobre 2017, à 1160 fr. 25 jusqu’au 31.12.2017, puis à 512 fr. 40 dès le 01.01.2018.

Par jugement du 07.09.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Surindemnisation – 34a LPP – 24 OPP2

Selon l’art. 34a al. 1 LPP, l’institution de prévoyance peut réduire les prestations de survivants et d’invalidité dans la mesure où celles-ci, ajoutées à d’autres prestations d’un type et d’un but analogues ainsi qu’à d’autres revenus à prendre en compte, dépassent 90% du gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé. Par « gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé » (« mutmasslich entgangenen Verdienst » resp. « guadagno presumibilmente perso dall’assicurato » selon les versions allemande et italienne de la loi), la jurisprudence a précisé qu’il faut entendre, le salaire hypothétique que l’assuré réaliserait sans invalidité, au moment où doit s’effectuer le calcul de surindemnisation (si le cas de prévoyance ne s’était pas produit), soit au moment où se pose la question de la réduction des prestations LPP. Il ne correspond pas forcément au gain effectivement obtenu avant la survenance du cas de prévoyance (ATF 125 V 163 consid. 3b; 122 V 151 consid. 3c; arrêt 9C_853/2018 du 27 mai 2019 consid. 3.3.1 et les références). Le statut de l’affilié dans l’assurance-invalidité a donc des incidences sur le calcul de la surindemnisation en matière de prévoyance professionnelle, tout comme un changement dudit statut. Par exemple, s’il existe des éléments concrets permettant d’admettre qu’un assuré travaillant jusqu’alors à temps partiel aurait repris, en l’absence d’invalidité, une activité à plein temps, la limite de surindemnisation dans la prévoyance professionnelle doit être adaptée en conséquence (ATF 142 V 75 consid. 6.3.1 et les références citées).

L’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance de la Caisse de pensions (dans sa teneur en vigueur dès le 01.01.2012, applicable en l’espèce) prévoit que: « Les prestations selon le présent règlement sont réduites dans la mesure où, additionnées à d’autres revenus imputables, elles dépassent 90% du traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité ».

 

Règles d’interprétation

La Caisse de pensions intimée est une institution de prévoyance de droit public cantonal (cf. art. 2 al. 1 de la loi valaisanne du 14 décembre 2018 régissant la Caisse de prévoyance du Canton du Valais [CPVAL; LCPVAL; RS/VS 172.51], et non de droit privé, comme l’a retenu à tort la juridiction cantonale. En conséquence, il convient d’interpréter l’art. 30 du règlement de prévoyance en fonction uniquement des règles d’interprétation de la loi (ATF 139 V 66 consid. 2.1 et les références), et non des règles d’interprétation en matière contractuelle, auxquelles les juges cantonaux ont eu recours.

Le fait que le règlement de prévoyance a été édicté par la Caisse de pensions (en conformité avec l’art. 11 al. 1 let. c LCPVAL) et ne figure pas dans la loi cantonale n’y change rien (arrêts 9C_426/2008 du 23 décembre 2008 consid. 2.1; B 33/04 du 18 mai 2005 consid. 5.2). On rappellera à ce propos que la loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre. Il n’y a lieu de déroger au sens littéral d’un texte clair par voie d’interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales. Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; en particulier, il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 146 V 95 consid. 4.3.1; 139 V 250 consid. 4.1 et les références; arrêt 9C_886/2018 du 4 juillet 2019 consid. 3.4).

En l’espèce, le texte de l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance de la Caisse de pensions n’est pas clair dans la mesure où les termes de « traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » laissent place à une certaine interprétation. En particulier, il n’est pas d’emblée clair si ces termes comprennent une évolution hypothétique du taux d’occupation. Il convient dès lors de rechercher quelle est la portée de la disposition réglementaire.

 

Gain présumé perdu

Au regard du sens littéral de l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance, il apparaît que la notion de « traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » est évolutive et implique de tenir compte de l’évolution du salaire jusqu’au moment du calcul de surindemnisation. La notion de « traitement annuel » comprend en effet les éléments énumérés de manière exhaustive à l’art. 7 al. 1 du règlement de prévoyance, soit, pour les assurés rémunérés au mois, le traitement de base, les parts d’expérience, les augmentations progressives liées à la prestation et la prime de performance limitée à 5%. Le caractère évolutif des termes utilisés à l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance s’agissant de l’évolution salariale n’est du reste pas contesté par la Caisse de pensions, qui a exposé à cet égard, devant la juridiction cantonale, que le recours au conditionnel est destiné à permettre une dynamisation de la limite de surindemnisation en tenant compte de l’évolution salariale qui aurait eu lieu en l’absence d’invalidité, en particulier des parts d’expérience. Cette solution est corroborée par la jurisprudence, selon laquelle ce n’est en effet que lorsqu’une institution de prévoyance recourt à des termes qui ne font pas appel à une notion variable ou hypothétique (telles les expressions « salaire présumé perdu » ou « salaire hypothétique qu’aurait perçu l’assuré »), mais qui se rapportent au revenu brut effectivement réalisé par l’assuré, comme par exemple, les termes de « traitement brut », que l’évolution du salaire jusqu’au moment du calcul de surindemnisation n’a pas à être prise en considération (voir arrêt 9C_48/2007 du 20 août 2007 consid. 6.2).

La Caisse de pensions conteste en revanche le caractère évolutif de la notion de « traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » quant à une éventuelle modification du taux d’activité de la personne assurée, c’est-à-dire quant à d’éventuels changements de statut de l’assuré dans l’assurance-invalidité. Le point de vue de la Caisse de pensions est confirmé par l’interprétation littérale de l’art. 30 al. 1 de son règlement de prévoyance. En effet, le terme de « traitement » s’apparente aux notions de gain et de salaire et ne se rapporte pas directement au taux d’occupation professionnelle de l’assuré. Sous l’angle également de l’interprétation historique, si l’on ne dispose certes pas des travaux préparatoires usuels dans une procédure législative (qui a concerné l’adoption de la LCPVAL), la Caisse de pensions a fait valoir, devant l’instance cantonale, que selon sa pratique constante, le « traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » est obtenu en se fondant sur le taux d’activité lors de la survenance de l’incapacité de gain. L’assurée ne prétend du reste pas que la pratique de la Caisse de pensions aurait changé dans le temps.

C’est en vain que l’assurée se réfère à la notion de « gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé » au sens de l’art. 34a al. 1 LPP. Si certes, cette notion est évolutive et comprend l’évolution hypothétique du statut de la personne assurée, l’art. 34a al. 1 LPP n’est pas déterminant en l’espèce. Selon la jurisprudence dûment rappelée par les juges cantonaux, dans le domaine de la prévoyance plus étendue, les institutions de prévoyance peuvent en effet prévoir une réglementation plus restrictive que celle de l’art. 34a al. 1 LPP. Il n’est en l’occurrence pas contesté que l’institution de prévoyance est une institution de prévoyance dite « enveloppante » qui a décidé d’étendre la prévoyance au-delà des exigences minimales légales (prévoyance surobligatoire ou plus étendue) et qu’elle est par conséquent libre de définir dans les limites des dispositions expressément réservées à l’art. 49 al. 2 LPP le régime de prestations, le mode de financement et l’organisation qui lui convient pour autant qu’elle respecte les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que l’interdiction de l’arbitraire (ATF 140 V 145 consid 3.1 et les références).

Au-delà du sens commun, dont il ressort que la notion de « traitement » recouvre le salaire ou gain perçu par l’assuré pour l’exercice d’une activité lucrative, sans référence directe au taux auquel cette activité est exercée, l’art. 30 du règlement de prévoyance s’insère dans le système de la surindemnisation prévu par la loi. On rappellera à cet égard que lorsque le règlement de prévoyance fixe une limite de surindemnisation plus restrictive que celle prévue par l’art. 34a al. 1 LPP, l’institution de prévoyance doit procéder à un calcul comparatif entre les prestations selon la LPP (sur la base du compte-témoin que les institutions de prévoyance doivent tenir afin de contrôler le respect des exigences minimales de la LPP [Alterskonto; art. 11 al. 1 OPP 2]) et les prestations réglementaires (Schattenrechnung; cf. ATF 136 V 65 consid. 3.7 et les références). Cette comparaison permet de s’assurer que les prestations réglementaires respectent les exigences minimales de la LPP, autrement dit que la personne assurée bénéficie au moins des prestations minimales légales selon la LPP (art. 49 al. 1 LPP en corrélation avec l’art. 6 LPP). Une institution de prévoyance doit en effet verser les prestations légales lorsque celles-ci sont supérieures à celles calculées conformément à son règlement. En l’occurrence, l’assurée ne conteste ni le calcul comparatif auquel la Caisse de pensions a procédé, ni le montant des prestations minimales de la prévoyance professionnelle obligatoire.

 

Compte tenu de ce qui précède, c’est bien le taux d’activité au moment de la survenance de l’invalidité qu’il convient de prendre en compte afin de fixer la limite de surindemnisation en application de l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance de la Caisse de pensions. En conséquence, c’est à bon droit que la juridiction cantonale a confirmé la réduction du montant des prestations d’invalidité opérée par la Caisse de pensions, prestations dont le calcul n’est pas remis en cause en tant que tel par l’assurée, dès le mois d’octobre 2017.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_630/2020 consultable ici

 

 

9C_672/2020 (f) du 05.08.2021 – Rente d’invalidité LPP – Surindemnisation – Gain présumé perdu – 34a al. 1 LPP – 24 OPP2

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_672/2020 (f) du 05.08.2021

 

Consultable ici

 

Rente d’invalidité LPP – Surindemnisation – Gain présumé perdu / 34a al. 1 LPP – 24 OPP2

Revenus déterminants pour l’AI à prendre en considération dans le calcul de la surindemnisation de la prévoyance professionnelle – Présomption qui peut être renversée selon les circonstances

 

Assurée, née en 1958, a travaillé en qualité d’employée d’administration depuis 1990, d’abord à temps partiel, puis à plein temps dès juillet 1994. A ce titre, elle a été assurée pour la prévoyance professionnelle auprès de la Caisse de pensions depuis le 01.07.1990.

A la suite d’un accident de la circulation survenu en mars 2007, l’office AI a reconnu le droit de l’assurée à une demi-rente d’invalidité depuis le 01.03.2008 par décisions des 30.11.2009 et 14.01.2010 (taux d’invalidité de 50%). Dans l’intervalle, à partir de mai 2009, l’assurée a diminué son taux de travail à 50%, puis à 30% dès le 01.11.2010. Le droit de l’assurée à une demi-rente de l’assurance-invalidité a ensuite été supprimé par décision du 13.09.2012, dès le premier jour du deuxième mois suivant la notification de la décision administrative. Par décisions des 03.10.2018 et 24.10.2018, faisant suite à une nouvelle demande de prestations déposée par l’assurée en mars 2016, l’office AI lui a accordé une rente entière d’invalidité dès le 01.01.2017 fondée sur un taux d’invalidité de 100%. Entre autres éléments de calcul pour déterminer le taux d’invalidité, l’office AI a fixé un revenu sans invalidité de 88’660 fr. 60.

Entre-temps, en septembre 2016, A.__ s’est adressée à la Caisse de pensions afin de solliciter des prestations de préretraite à partir du 01.01.2017. La Caisse de pensions lui a accordé une pension mensuelle de retraite de la prévoyance professionnelle de 632 fr. 70 et une avance AVS de 924 fr. 35 dès cette date. Après que la première décision de l’office AI du 03.10.2018 lui a été notifiée, la CPPEF a informé l’assurée notamment qu’elle mettait fin au versement de la pension de retraite au 30.09.2018 et qu’elle allait désormais lui allouer des prestations d’invalidité. Le 12.03.2019, la CPPEF a ensuite fixé le montant de la rente d’invalidité à 698 fr. 40, tout en précisant qu’aucune pension ne serait versée, étant donné que le 90% du revenu sans invalidité de l’assurée (qu’elle a fixé à 25’998 fr. 70 en se fondant sur le salaire perçu par l’intéressée en dernier lieu pour son activité à 30%) était déjà couvert par la rente de l’assurance-invalidité (qui s’élevait à 24’558 fr. par année). Après que l’assurée a contesté le calcul de surindemnisation, puis requis le versement d’une rente mensuelle d’invalidité de 698 fr. 40 (correspondances des 29 mai et 3 juillet 2019), la Caisse de pensions a maintenu sa position, en invoquant notamment ne pas être liée par « les chiffres de l’Office AI » pour la surindemnisation.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2019 282 – consultable ici)

Par jugement du 22.09.2020, admission par le tribunal cantonal de l’action ouverte par l’assurée contre la Caisse de pensions, condamnant l’institution de prévoyance à verser à l’assurée une rente d’invalidité (d’un montant mensuel) de 698 fr. 40 dès le 01.01.2017.

 

TF

S’agissant de la réduction des prestations de la prévoyance professionnelle en cas de surindemnisation, que selon la jurisprudence, le gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé au sens de l’art. 34a al. 1 LPP est le salaire hypothétique que l’assuré réaliserait sans invalidité (si le cas de prévoyance ne s’était pas produit) au moment où se pose la question de la réduction des prestations LPP. Il ne correspond pas forcément au gain effectivement obtenu avant la survenance du cas de prévoyance (ATF 122 V 151 consid. 3c; 122 V 316 consid. 2a; cf. également HÜRZELER, in Commentaire LPP et LFLP, 2e éd., 2020, no 18 ad art. 34a LPP; arrêt 9C_853/2018 du 27 mai 2019 consid. 3.3.1 et les références). Par ailleurs, il existe entre les premier et deuxième piliers (assurance-invalidité et prévoyance professionnelle) un lien qui permet d’assurer d’une part une coordination matérielle étendue entre ces deux piliers et de libérer d’autre part les caisses de pensions chargées de mettre en application la LPP obligatoire de démarches importantes et coûteuses concernant les conditions, l’étendue et le début du droit aux prestations d’invalidité du deuxième pilier (cf., p. ex., ATF 140 V 399 consid. 5.2.1; 134 V 64 consid. 4.1.3). Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a établi une correspondance ou une équivalence de principe (« Kongruenz » ou « Grundsatz der Kongruenz ») entre d’une part le revenu sans invalidité et le revenu dont on peut présumer que l’intéressé est privé (prévu par l’art. 34a al. 1 LPP) et d’autre part le revenu d’invalide et le revenu que l’assuré pourrait encore raisonnablement réaliser (prévu par l’art. 24 al. 1 let. d OPP 2). Les revenus déterminants pour l’assurance-invalidité doivent être pris en considération dans le calcul de la surindemnisation de la prévoyance professionnelle. La correspondance ou l’équivalence entre ces revenus doit cependant être comprise dans le sens d’une présomption (ATF 144 V 166 consid. 3.2.2; 143 V 91 consid. 3.2 et les références) qui, par définition, peut être renversée selon les circonstances (arrêt 9C_853/2018 précité consid. 3.3.1 et la référence).

 

La Caisse de pensions recourante fait valoir que l’assurée présentait une capacité de travail de 100% avec une diminution de rendement de 20% et que c’est par convenance personnelle et sans aucun motif lié à une atteinte à la santé qu’elle a travaillé à 30% depuis le 01.11.2010. En conséquence, la Caisse de pensions considère qu’elle n’a pas à « compenser » le refus de l’assurée d’exploiter sa capacité de travail en procédant au calcul de surindemnisation en se fondant sur un gain annuel présumé perdu de 88’660 fr. 60, correspondant au revenu hypothétique sans invalidité retenu par l’office AI. Selon elle, le gain annuel présumé perdu au sens de l’art. 34a al. 1 LPP est le salaire assuré pour l’activité professionnelle exercée par l’assurée en dernier lieu à 30%, à savoir un montant annuel de 25’998 fr. 70.

Selon le Tribunal fédéral (consid. 4.1.), pour parvenir à la conclusion que la Caisse de pensions avait échoué à renverser la présomption selon laquelle le gain annuel présumé perdu au sens de l’art. 34a al. 1 LPP correspond au revenu sans invalidité fixé par les organes de l’assurance-invalidité, la juridiction cantonale a d’abord constaté que les décisions rendues par l’office AI les 03.10.2018 et 24.10.2018 lui avaient été dûment notifiées et que son règlement reprenait la définition de l’invalidité prévalant dans l’assurance-invalidité. Les juges cantonaux ont donc admis que la Caisse de pensions était en principe liée par la position de l’office AI, selon laquelle l’assurée aurait exercé une activité lucrative à plein temps si elle n’avait pas été atteinte dans sa santé, et ont examiné si cette position était manifestement insoutenable. Ils ont considéré que tel n’était pas le cas, au regard des sérieux indices permettant d’admettre que si l’assurée n’avait pas repris son activité professionnelle à 100% à la suite de l’accident dont elle avait été victime en mars 2007, c’était en raison de ses problèmes de santé, et en tous les cas pas par convenance personnelle. En conséquence, la juridiction cantonale a considéré qu’il convenait de procéder au calcul de la surindemnisation en se fondant sur le gain présumé perdu de 88’660 fr. 60, correspondant au revenu hypothétique de valide retenu par l’office AI, et qu’il n’y avait pas de surindemnisation, si bien que la Caisse de pensions devait verser à l’assurée une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle d’un montant mensuel de 698 fr. 40.

 

La Caisse de pensions ne conteste pas les constatations de la juridiction cantonale selon lesquelles l’atteinte à la santé de l’assurée qui a entraîné une incapacité de travail déterminante est survenue ensuite de l’accident de la circulation en mars 2007. Elle ne remet pas non plus en cause que c’est à la suite de cet événement que l’assurée a été tenue de réduire son temps de travail pour des raisons de santé, de sorte que sans l’accident et l’atteinte à la santé qu’il a provoquée, le taux d’activité professionnelle n’aurait pas diminué.

En ce qui concerne la situation postérieure, à partir du moment de l’amélioration de l’état de santé de l’assurée qui a conduit à la suppression de la rente de l’assurance-invalidité à la fin de l’année 2012, on ne saurait admettre que « l’assurée n’était pas atteinte dans sa santé au point qu’une incapacité de travail ait été retenue par un assureur social (assurance-invalidité ou assurance-accidents) « . Du dossier, il ressort en effet que la capacité de travail de l’assurée est restée réduite, puisqu’elle subissait une incapacité de travail de 20% (capacité de travail de 100% avec perte de rendement de 20%) dans la profession qu’elle a continué à exercer, et que l’assurance-invalidité a reconnu un taux d’invalidité de 20% (insuffisant pour maintenir le droit à une rente d’invalidité). A cet égard, le fait que l’assurée n’a pas exploité complètement sa capacité résiduelle de travail, puisqu’elle n’a travaillé qu’à un taux de 30% de 2010 à 2016, alors qu’elle disposait d’une capacité de travail de 80% ne permet pas d’admettre que le revenu effectif réalisé à un taux d’activité de 30% doit être pris en compte pour établir la limite de surindemnisation. Comme l’a expliqué de manière circonstanciée la juridiction cantonale, le calcul de la rente d’invalidité de l’assurée auquel la CPPEF a procédé tient compte de cette circonstance. Le fait que l’assurée avait travaillé à 30% durant les dernières années précédant la naissance du droit à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle a en effet pour conséquence que le montant de cette prestation est moins élevé, au regard des cotisations versées, que pour une activité à plein temps. L’argumentation de la Caisse de pensions selon laquelle la prise en considération d’un gain annuel présumé perdu de 88’660 fr. 60 pour fixer la limite de surindemnisation a pour conséquence de lui faire « compenser » le refus de l’assurée d’exploiter sa capacité de travail est dès lors mal fondée. D’autre part, le fait que l’assurée n’a pas complètement mis à profit sa capacité résiduelle de travail pendant une certaine période est une circonstance insuffisante pour retenir qu’elle n’aurait pas maintenu une activité à plein temps sans l’atteinte à la santé subie en mars 2007. Comme elle continuait – quoi qu’en dise la Caisse de pensions – à présenter une incapacité de travail au-delà de 2012, son choix de ne pas augmenter son taux d’activité était vraisemblablement influencé par l’atteinte à la santé. Il ne correspond dès lors pas à ce que l’assurée aurait prévu de faire sur le plan professionnel dans l’hypothèse où elle n’aurait pas subi d’atteinte à la santé. Il joue cependant un rôle – non déterminant en l’espèce – en ce qui concerne la prise en considération d’un revenu hypothétique de remplacement (au sens de l’art. 24 al. 1 let. d OPP 2) dans le calcul de surindemnisation.

Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de s’écarter des considérations des juges cantonaux selon lesquelles les décisions de l’office AI d’octobre 2018 n’étaient pas insoutenables et liaient la Caisse de pensions, celle-ci n’étant pas parvenue à renverser la présomption selon laquelle le gain annuel présumé perdu au sens de l’art. 34a al. 1 LPP correspond au revenu sans invalidité fixé par les organes de l’assurance-invalidité. Partant, c’est à bon droit qu’ils ont procédé au calcul de la surindemnisation en se fondant sur le gain annuel présumé perdu de 88’660 fr. 60.

 

Le TF rejette le recours de la Caisse de pensions.

 

 

Arrêt 9C_672/2020 consultable ici

 

9C_52/2020 (f) du 01.02.2021, proposé à la publication – Rente d’invalidité LPP d’une institution de prévoyance « enveloppante » – Surindemnisation – 34a al. 1 LPP – 24 OPP 2 / Règle s’écartant de la signification usuelle et reconnue en matière d’assurance de la notion d’avantage injustifié – Règle insolite – Règle s’écartant du principe de l’égalité de traitement

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_52/2020 (f) du 01.02.2021, proposé à la publication

 

Consultable ici

 

Rente d’invalidité LPP d’une institution de prévoyance « enveloppante » – Surindemnisation / 34a al. 1 LPP – 24 OPP 2

Une durée incomplète de cotisations dans le 1er pilier ne peut entraîner une réduction correspondante des prestations de la prévoyance professionnelle

Règle s’écartant de la signification usuelle et reconnue en matière d’assurance de la notion d’avantage injustifié – Règle insolite – Règle s’écartant du principe de l’égalité de traitement

 

Assurée, née en 1959, infirmière, affiliée au Fonds de prévoyance des EMS (FP-EMS) pour la prévoyance professionnelle et à d’une compagnie d’assurance privée pour la perte de gain en cas de maladie. Totalement incapable de travailler depuis le 05.04.2005, elle a perçu des indemnités journalières de l’assurance perte de gain maladie sur la base du contrat collectif de son employeur, jusqu’à son licenciement au 31.01.2006, puis d’un contrat individuel. Par décision du 03.04.2008, l’office AI lui a accordé une rente entière de l’assurance-invalidité, assortie de rentes complémentaires pour ses trois enfants dès le 01.04.2006.

Le 04.06.2008, le FP-EMS a également reconnu le droit de l’assurée à des rentes d’invalidité (minimum LPP dès le 01.01.2007 et réglementaires dès le 01.05.2007) pour elle et ses enfants. Le 16.12.2008, il a par ailleurs accepté de rembourser à l’assureur perte de gain un montant de 18’981 fr. 25 (correspondant à la surindemnisation pour la période du 01.04.2006 au 03.12.2006). Le même jour, il a exigé de l’intéressée qu’elle lui restitue ce montant et lui en a proposé la compensation en lui versant uniquement les rentes minimum LPP jusqu’en septembre 2009. Le 03.04.2009, l’assurée a requis une adaptation du plan de recouvrement. Le 07.04.2009, l’institution de prévoyance a accédé à sa requête et l’a avertie que les 11’974 fr. 15 encore dus au 30.04.2009 seraient compensés par le versement de rentes réglementaires réduites jusqu’en février 2010.

Le 14.01.2010, le FP-EMS a demandé à l’assurée qu’elle lui restitue la somme de 37’989 fr. 95 (allouée à tort selon lui du 01.05.2007 au 31.01.2010 en raison d’une erreur dans le calcul de surindemnisation en lien avec l’échelle de rente appliquée par l’assurance-invalidité) et lui a proposé de la compenser par le paiement de rentes réglementaires réduites jusqu’en juin 2012. Le 26.07.2012, il a une nouvelle fois modifié le calcul de surindemnisation (en raison d’autres erreurs en lien avec l’âge et les périodes de formation des enfants) et informé l’intéressée qu’il entendait compenser le solde de 13’117 fr. 95 qu’elle lui devait au 30.06.2012 par la poursuite du versement de rentes réglementaires réduites jusqu’en juillet 2013. Le 21.12.2012, l’assurée a contesté les calculs de surindemnisation.

 

Procédure cantonale (arrêt PP 5/13 – 37/2019 – consultable ici)

L’assurée a ouvert action contre l’institution de prévoyance le 29.01.2013.

La juridiction cantonale a partiellement admis la demande par jugement du 26.11.2019, condamnant l’institution de prévoyance à verser à l’assurée le montant de 80’972 fr. 90, avec intérêts moratoires réglementaires, correspondant au solde des prestations dues à cette dernière et à ses enfants pour la période du 01.02.2006 au 01.09.2016.

 

TF

Surindemnisation

Conformément à la délégation de compétence de l’art. 34a al. 1 LPP (dans sa teneur en vigueur du 01.01.2003 au 31.12.2016), le Conseil fédéral a édicté l’art. 24 OPP 2, dont l’al. 1 prévoit que « l’institution de prévoyance peut réduire les prestations d’invalidité et de survivants dans la mesure où, ajoutées à d’autres revenus à prendre en compte, elles dépassent 90% du gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé » (teneur en vigueur du 01.01.2003 au 31.12.2016). L’art. 24 OPP 2 al. 2 définit les revenus à prendre en compte, à savoir les prestations d’un type et d’un but analogues qui sont accordées à l’ayant droit en raison de l’événement dommageable, notamment les rentes provenant d’assurances sociales.

 

Bien que les parties ne contestent pas le droit applicable ratione temporis sur lequel s’est fondé le Tribunal cantonal – règles en vigueur au 05.04.2005, date à laquelle a débuté l’incapacité de travail ayant entraîné l’invalidité de l’assurée -, on précisera qu’en cas de changement des bases légales en matière de surindemnisation, ce ne sont pas les dispositions en vigueur au moment du début de l’incapacité de travail déterminante qui s’appliquent mais les dispositions en vigueur au moment où est effectué le nouveau calcul de surindemnisation (ATF 134 V 64 consid. 2.3.3 p. 68; 122 V 316 consid. 3c p. 319). Il en va de même des dispositions réglementaires pour autant que le règlement ne comprenne pas une règle excluant une modification correspondante ou qu’une assurance donnée à titre individuel ne s’oppose à la modification (cf. arrêts 9C_404/2008 du 17 novembre 2018 consid. 4.2, in SVR 2009 BVG n° 11 p. 34; B 82/06 du 19 janvier 2007 consid. 2.2, in SVR 2007 BVG n° 35 p. 125), ce qui n’est pas le cas en l’occurrence (cf. art. 33 du règlement de prévoyance dans sa teneur en vigueur dès le 01.01.2005; art. 34 du règlement dans sa teneur en vigueur depuis le 01.01.2008) respectivement n’a pas été invoqué par l’assurée. Cela n’a toutefois pas d’incidence en l’espèce dans la mesure où, bien que l’art. 24 al. 2 OPP 2 et le règlement de prévoyance aient subi des modifications, leur contenu matériel n’a pas changé quant aux aspects déterminants en l’occurrence.

 

Les institutions de prévoyance qui participent à l’application du régime obligatoire de la prévoyance professionnelle (art. 48 al. 1 LPP) doivent respecter les exigences minimales fixées aux art. 7 à 47 LPP (art. 6 LPP) mais il leur est loisible de prévoir des prestations supérieures à ces exigences minimales (art. 49 LPP). Le Tribunal fédéral a aussi considéré que les institutions de prévoyance restaient libres d’édicter des dispositions statutaires ou réglementaires plus restrictives que la loi, en particulier en ce qui concerne la limite de surindemnisation, mais que de telles dispositions ne s’appliquaient qu’à la prévoyance professionnelle plus étendue (cf. arrêt B 56/98 du 12 novembre 1999 consid. 4, in SVR 2000 BVG n°6 p. 31).

La faculté réservée aux institutions de prévoyance en vertu de l’art. 49 al. 2 LPP n’implique cependant pas pour elles un pouvoir discrétionnaire. Lorsqu’elles adoptent dans leurs statuts ou règlements un certain système d’évaluation, elles doivent se conformer, dans l’application des critères retenus, aux conceptions de l’assurance sociale ou aux principes généraux (soit notamment l’égalité de traitement). Autrement dit, si elles ont une pleine liberté dans le choix d’une notion, elles sont néanmoins tenues de donner à celle-ci sa signification usuelle et reconnue en matière d’assurance (ATF 120 V 106 consid. 3c p. 108; arrêt 9C_644/2014 du 13 juillet 2015 consid. 7.3, in SVR 2016 BVG n° 35 p. 142; voir également arrêt B 33/03 du 17 mai 2005 consid. 3.2).

 

Il n’est en l’occurrence pas contesté que l’institution de prévoyance est une institution de prévoyance dite « enveloppante » qui a décidé d’étendre la prévoyance au-delà desdites exigences minimales (prévoyance surobligatoire ou plus étendue) et qu’elle est par conséquent libre de définir dans les limites des dispositions expressément réservées à l’art. 49 al. 2 LPP le régime de prestations, le mode de financement et l’organisation qui lui convient pour autant qu’elle respecte les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que l’interdiction de l’arbitraire (ATF 140 V 145 consid 3.1 p. 148 s. et les références).

Dans le cadre général de la coordination des prestations prévu par les art. 34a al. 1 LPP et 24 OPP 2 (dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31.12.2016), l’art. 26 du règlement de prévoyance règle le cumul des prestations en cas d’invalidité et de décès en reprenant une limite de surindemnisation de 90% (du dernier salaire cotisant en vigueur lors de la survenance du risque assuré; ch. 1) et l’énumération des revenus à prendre en considération (ch. 2). Le but en est d’empêcher « un avantage injustifié » pour l’assuré au sens de l’art. 34a al. 1 LPP; il s’agit d’éviter que le cumul des prestations de but et de type analogues ne conduise à une indemnisation de l’ayant droit supérieure à la limite de 90% fixée par l’art. 26 ch. 1 du règlement, au-delà de laquelle il y a « avantage injustifié » parce que le bénéficiaire de rente réaliserait un revenu net plus élevé que sans le cas de prévoyance (sur l’interdiction de la surindemnisation de manière générale, MICHAEL E. MEIER, Das Anrechnungsprinzip in der beruflichen Vorsorge, thèse, Zurich 2020, p. 36 s.).

L’art. 26 ch. 3 première phrase du règlement de prévoyance prévoit l’exemption du FP-EMS de compenser le refus ou la réduction de prestations décidés par l’AVS/AI, l’assurance-accidents ou l’assurance militaire en raison de la faute de l’ayant droit. La seconde phrase de l’art. 26 ch. 3 assimile à cette éventualité, celle dans laquelle le bénéficiaire de prestations de l’AI/AVS compte une durée incomplète de cotisations selon l’art. 29ter LAVS. L’absence de « compensation » de la part du FP-EMS revient à prendre en considération la prestation du premier pilier perçue par l’assuré comme si elle avait été calculée selon une durée complète de cotisations au sens de l’art. 29ter LAVS, soit selon une échelle de rente 44 (rente complète). L’application de la disposition réglementaire implique donc de tenir compte dans le calcul de surindemnisation d’une rente de l’assurance-vieillesse et survivants ou de l’assurance-invalidité à hauteur d’un montant plus élevé que celui effectivement perçu par le bénéficiaire de la prestation.

En l’espèce, la situation visée par l’art. 26 ch. 2 seconde phrase du règlement de prévoyance – où le bénéficiaire d’une rente du premier pilier perçoit une prestation calculée en fonction d’une durée incomplète de cotisations – ne constitue pas un cas de figure correspondant à un « avantage injustifié » que l’art. 26 a précisément pour but d’éviter. Il ne s’agit pas de la situation dans laquelle l’assuré perçoit effectivement une prestation d’assurance sociale (assurance-invalidité, assurance-accidents ou assurance militaire) dont le montant additionné à celui de la prestation d’invalidité du FP-EMS dépasserait la limite de surindemnisation, de sorte que l’ayant droit disposerait d’une indemnisation supérieure au gain perçu avant la survenance du risque assuré. Il n’est pas non plus question d’une réduction ou d’un refus de versement de la part de l’assurance sociale en raison du comportement de l’ayant droit, lorsque la prétention en tant que telle à la prestation est réduite pour faute du bénéficiaire (cf. p. ex. art. 37 LAA).

Comme le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de le remarquer – sans examiner la question de manière détaillée -, lorsque l’ayant droit compte une durée incomplète de cotisations à l’assurance-vieillesse et survivants/assurance-invalidité, on ne voit pas pourquoi l’institution de prévoyance, auprès de laquelle l’assuré ou le défunt a régulièrement cotisé, ne devrait pas être mise à contribution dans ce cas précis (ATF 116 V 189 consid. 3b p. 194 s.). Si cette considération a été exprimée dans le cadre de la prévoyance professionnelle obligatoire, comme le fait valoir l’institution de prévoyance, elle reste cependant pertinente dans le cadre de la prévoyance plus étendue, lorsque le règlement de l’institution de prévoyance instaure des règles empêchant la surindemnisation au sens où l’entend la loi, soit éviter que le cumul de prestations ne procure un avantage injustifié à l’assuré ou à ses survivants, comme le prévoit en l’espèce l’art. 26 du règlement de prévoyance.

En fait, les art. 29 ss LAVS – également applicables aux rentes de l’assurance-invalidité (art. 36 al. 2 LAI) – définissent les modalités de calcul de la rente du premier pilier, en distinguant entre les rentes complètes (fondées sur une durée complète de cotisations [art. 29 al. 2 let. a LAVS] au sens de l’art. 29ter LAVS) et les rentes partielles (fondées sur une durée incomplète de cotisations [art. 29 al. 2 let. b LAVS]). Ils prévoient dès lors les modalités pour déterminer concrètement le droit à la prestation et non pas les conditions auxquelles la prétention pourrait ou devrait être réduite pour un motif particulier. Il ne peut être question ici d’un avantage injustifié puisque la prestation versée à hauteur du montant déterminé correspond aux conditions légales prévues pour définir le droit en tant que tel à la rente du premier pilier. Il ne s’agit pas d’une situation de réduction de la prestation que la prévoyance professionnelle aurait ou n’aurait pas à combler. La détermination du droit à la prestation en tant que tel (« Leistungsgestaltung ») ne peut pas entrer en collusion avec la problématique de la surindemnisation (FRANZ SCHLAURI, Die Überentschädigungsabschöpfung in der weitergehenden beruflichen Vorsorge, in Berufliche Vorsorge 2002, Probleme, Lösungen, Perspektiven, Saint-Gall 2002, p. 83 ss, p. 99 et note de bas de page 24).

Peu importe à cet égard les termes utilisés lors des travaux préparatoires de la LPP, selon lesquels: « On admettra l’existence d’un avantage injustifié au sens de la loi alors même que la limite de 90 pour cent n’est pas atteinte. Ce sera notamment le cas lorsque l’une ou l’autre des autres assurances alloue à l’ayant droit des prestations réduites […] lorsqu[e l’ayant droit] ne peut se prévaloir d’une durée entière d’assurance » (Message du Conseil fédéral du 19 décembre 1975 à l’appui d’un projet de loi sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité, FF 1976 I 117 ss, p. 215, ch. 521.6 ad art. 35; Commentaire à l’appui du projet de l’OPP 2 relatif à l’art. 20 Projet OPP 2 [Projet 2.8.83, p. 41], selon lequel « la commission OPP est d’avis que le deuxième pilier n’a pas à combler des lacunes créées volontairement par les autres assurances sociales », dont « la durée incomplète de cotisations dans l’AVS/AI [séjour à l’étranger, par exemple] »). La formulation peut prêter à confusion dans la mesure où on pourrait en déduire que le versement d’une prestation du premier pilier calculée selon une durée incomplète de cotisations conduirait à « un avantage injustifié ». Elle ne saurait cependant être déterminante puisqu’elle ne repose pas sur une motivation soigneuse et détaillée (cf. FRANZ SCHLAURI, op. cit.) et correspond à l’avis d’une sous-commission qui n’a pas été repris par la suite. En particulier, au regard du système du premier pilier et de ses caractéristiques sous l’angle notamment du cercle des assurés et de son financement, on ne voit pas en quoi la prise en considération d’une durée partielle de cotisations pour calculer le montant de la rente correspondrait à une « lacune créée volontairement par » l’assurance du premier pilier (cf. dans ce sens, ERICH PETER, Die Koordination von Invalidenrenten im Sozialversicherungsrecht, thèse, Zurich, 1997, p. 368).

La doctrine est du reste d’avis qu’une durée incomplète de cotisations dans le premier pilier ne peut pas entraîner une réduction correspondante des prestations de la prévoyance professionnelle, l’institution de prévoyance étant tenue de prester jusqu’à hauteur complète du droit résultant du salaire assuré; une lacune de cotisations dans le premier pilier ne doit dès lors pas se répercuter sur l’étendue des prestations de la prévoyance professionnelle (MARC HÜRZELER, Invaliditätsproblematiken in der beruflichen Vorsorge, thèse, Bâle/Genève/Munich, 2006, n. 919 ss; du même auteur, in Commentaire LPP et LFLP, 2e éd. 2020, no 43 ad art. 34a LPP; ERICH PETER, op. cit., p. 366 ss). Une telle répercussion ne serait par ailleurs compatible ni avec la conception de la réduction de la prestation de la prévoyance professionnelle au sens de l’art. 35 LPP, ni avec le principe de la congruence matérielle et temporelle (ERICH PETER, op. cit., p. 367 s.).

 

En conséquence de ce qui précède, il convient de retenir, à la suite des juges cantonaux, que l’art. 26 ch. 3 seconde phrase du règlement de prévoyance ne saurait être appliquée en l’espèce. Elle apparaît en effet étrangère au but visé par l’art. 26 du règlement de prévoyance en s’écartant de la signification usuelle et reconnue en matière d’assurance de la notion d’avantage injustifié et relève en ce sens d’une règle insolite (sur cette notion, ATF 144 V 376 consid. 2.2 p. 378 et les arrêts cités).

 

Principe de l’égalité de traitement

Ce principe, qui consiste à traiter de façon identique les situations semblables et de façon différente les situations dissemblables (cf. notamment ATF 141 I 153 consid. 5.1 p. 157; 137 V 334 consid. 6.2.1 p. 348 s.), s’applique en matière de prévoyance professionnelle obligatoire et en matière de prévoyance professionnelle plus étendue. Il est respecté lorsque les assurés appartenant à un même collectif sont soumis à des conditions réglementaires identiques dans le plan de prévoyance (ATF 132 V 149 consid. 5.2.5 p. 154 s.).

Or, la disposition réglementaire en cause contrevient à ce principe, dans la mesure où deux personnes appartenant à la même collectivité d’assurés, présentant les mêmes caractéristiques du point de vue de la prévoyance professionnelle (même âge, même durée de cotisations, même situation familiale, même salaire, même prestation de libre-passage) et devenant invalide au même moment, mais l’une percevant une rente du premier pilier inférieur à celle de l’autre en raison d’une durée incomplète de cotisations, se verraient allouer des prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle différentes dans le cadre du calcul de surindemnisation. L’assuré bénéficiant d’une rente du premier pilier fondée sur une durée de cotisations partielle se verrait confronté à la prise en considération de cette prestation à un montant hypothétique (en fonction d’une échelle de rente complète), ce qui abaisserait d’autant le seuil de surindemnisation prévu par l’art. 26 ch. 1 du règlement de prévoyance.

L’argumentation de l’institution de prévoyance, selon laquelle de manière générale une lacune de cotisations dans le premier pilier entraînerait une lacune dans le deuxième pilier, ne remet pas en cause l’inégalité de traitement constatée par la juridiction cantonale, qu’elle semble du reste admettre en alléguant que la « différence de durée de cotisations justifie indiscutablement un traitement différent ». L’art. 26 ch. 3 seconde phrase du règlement de prévoyance conduit effectivement à ce que deux assurés affiliés à l’institution de prévoyance à des conditions identiques et ayant cotisé de la même manière pour la prévoyance obligatoire et plus étendue seraient confrontés au versement d’une prestation d’invalidité de la prévoyance professionnelle différente, en raison du seuil de surindemnisation appliqué de manière différente à chacun d’eux, alors même que les « caractéristiques » de leur assurance pour le risque d’invalidité de la prévoyance professionnelle seraient identiques. Soumis à des conditions réglementaires identiques sous l’angle de la prévoyance professionnelle, les deux assurés ne seraient pas traités de manière identique du point de vue des prestations de la prévoyance professionnelle plus étendue.

 

Le TF rejette le recours de l’institution de prévoyance.

 

 

Arrêt 9C_52/2020 consultable ici