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9C_50/2024 (f) du 27.02.2024 – Preuve du respect du délai – 100 LTF / Preuve stricte de la remise à la poste dans les délais – Cours ordinaire des choses – Règle de preuve de la vraisemblance prépondérante

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_50/2024 (f) du 27.02.2024

 

Consultable ici

 

Preuve du respect du délai / 100 LTF – 48 LTF

Preuve stricte de la remise à la poste dans les délais ne peut pas être considérée comme rapportée par la référence au cours ordinaire des choses ou en application de la règle de preuve de la vraisemblance prépondérante

 

Procédure cantonale

Par arrêt du 01.12.2023, admission du recours formé par l’assuré.

 

TF

Consid. 2
Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification complète de l’expédition (art. 100 al. 1 LTF). Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l’attention de ce dernier, à La Poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

Un recours est présumé avoir été déposé à la date ressortant du sceau postal (ATF 147 IV 526 consid. 3.1; 142 V 389 consid. 2.2). En cas de doute, la preuve du respect du délai doit être apportée par celui qui soutient avoir agi en temps utile au degré de la certitude et non simplement au degré de la vraisemblance prépondérante; elle résulte en général de preuves « préconstituées » (sceau postal, récépissé d’envoi recommandé ou encore accusé de réception en cas de dépôt pendant les heures de bureau); la date d’affranchissement postal ou le code à barres pour lettres, avec justificatif de distribution, imprimés au moyen d’une machine privée ne constituent en revanche pas la preuve de la remise de l’envoi à la poste. D’autres modes de preuves sont toutefois possibles, en particulier l’attestation de la date de l’envoi par un ou plusieurs témoins mentionnés sur l’enveloppe; la présence de signatures sur l’enveloppe n’est pas, en soi, un moyen de preuve du dépôt en temps utile, la preuve résidant dans le témoignage du ou des signataires; il incombe dès lors à l’intéressé d’offrir cette preuve dans un délai adapté aux circonstances, en indiquant l’identité et l’adresse du ou des témoins (arrêt 9C_526/2022 du 1 er février 2023 consid. 2 et l’arrêt cité).

Consid. 3
L’arrêt attaqué a été notifié à son destinataire le 07.12.2023. Le délai de recours de trente jours (art. 46 al. 1 let. c, 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF) est ainsi arrivé à échéance lundi 22.01.2024.

Le mémoire de recours, daté de ce jour-là, est parvenu par voie postale au Tribunal fédéral le mercredi suivant [24.01.2024]. Le colis ayant contenu le mémoire ne porte pas de cachet postal, mais uniquement une étiquette n° yyy apposée par la partie recourante avec la mention manuscrite « Recommandé ». D’après le suivi des envois de la Poste, le pli a été trié la première fois par la Poste le 23.01.2024 à 07h05 à 1310 Daillens Centre Colis.

Invité à s’exprimer sur le respect du délai de recours, l’office recourant a indiqué que le recours et le dossier qui l’accompagnait devaient être adressés en colis contre signature, comme l’atteste la mention « Recommandé » qui figure sur l’étiquette. Le recourant précise qu’il peut affirmer après contrôle que le colis est bien enregistré en tant qu’envoi recommandé dans son fichier de suivi interne. Visiblement, il a en fait été expédié par « Colis PostPac Economy ». Il ne peut ainsi que supposer qu’une erreur est survenue dans le processus d’envoi postal, soit auprès de ses services, soit auprès de la Poste. Le recourant relève néanmoins que le suivi des envois de la Poste atteste que l’envoi a été trié au Centre Colis de 1310 Daillens le 23.01.2024 à 07h05. Etant donné que les horaires de la filiale de la Poste ne permettent pas une prise en charge avant 08h00 et que son courrier postal est pris en charge par la Poste sur place à 15h30, cela démontre que le colis a été remis à la Poste au plus tard le jour précédent, soit le 22.01.2024, dernier jour du délai de recours. Il conclut ainsi à ce que le recours soit déclaré recevable.

Consid. 4
Les circonstances du cas d’espèce sont analogues à celles de l’affaire qui avait donné lieu à l’arrêt ATF 142 V 389. En ce qui concerne la preuve de la remise en temps utile du recours à la Poste suisse, le Tribunal fédéral avait retenu que lorsque la partie recourante convient d’un arrangement avec la Poste suisse pour que celle-ci prenne en charge ses envois postaux, et qu’elle lui remet par ce biais une écriture de recours, elle court un grand risque de ne pas pouvoir apporter la preuve de la remise en temps utile de l’envoi à la poste. En effet, le moment auquel la poste saisit pour la première fois les données de l’envoi dans le système « Easy Track », qui ne correspond pas forcément à la date de sa remise, vaut comme date de dépôt de l’envoi en faveur aussi bien qu’en défaveur de l’expéditrice (consid. 3.3). La preuve stricte de la remise à la poste dans les délais ne peut pas être considérée comme rapportée par la référence au cours ordinaire des choses quant à la prise en charge des envois par la poste dans les locaux de la partie recourante sans indication concrète sur l’envoi en cause (consid. 3.4).

Par son argumentation, le recourant demande en définitive que l’examen du respect du délai de recours soit effectué en application de la règle de preuve de la vraisemblance prépondérante. On ne saurait toutefois suivre ce point de vue qui va à l’encontre de la jurisprudence. Fondées sur le cours ordinaire des choses, les explications que fournit le recourant ne sauraient valoir preuve stricte du dépôt du mémoire de recours à la Poste suisse dans le délai légal. Il faut ajouter que ces explications ont été fournies seulement en cours de procédure et qu’aucune déclaration d’un témoin qui aurait pu attester du moment et du lieu du dépôt n’a été apposée (cf. ATF 147 IV 526 consid. 3.1). De plus, aucun accusé de réception de prise en charge du courrier n’a été produit.

Comme la preuve stricte du respect du délai du recours n’est pas rapportée, le recours doit être déclaré irrecevable pour cause de tardiveté (art. 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF), en procédure simplifiée (art. 108 al. 1 let. a LTF). Vu l’issue du litige, la requête d’attribution de l’effet suspensif au recours n’a plus d’objet.

 

Le TF déclare irrecevable le recours de l’office AI.

 

Arrêt 9C_50/2024 consultable ici

 

4A_556/2022 (d) du 04.04.2023 – Respect de l’envoi du recours dans les délais – 143 al. 1 CPC / Dépôt d’un envoi A-Plus, affranchi par WebStamp, au guichet de la Poste suisse après l’heure limite de dépôt

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_556/2022 (d) du 04.04.2023

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Respect de l’envoi du recours dans les délais / 143 al. 1 CPC

Dépôt d’un envoi A-Plus, affranchi par WebStamp, au guichet de la Poste suisse après l’heure limite de dépôt – Droit d’être entendu – Preuve de l’envoi le dernier jour du délai

 

Procédure cantonale

Recourant, qui n’était pas représenté par un avocat, a fait appel d’une décision auprès du Obergericht du canton de Schaffhouse.

La cour cantonale n’est pas entrée en matière sur le recours. Elle a considéré que le délai de recours de 30 jours n’avait pas été respecté. Le délai a commencé à courir le 24 août 2022 et a expiré le 22 septembre 2022. L’enveloppe contenant l’acte de recours est affranchie avec un « WebStamp » et ne porte pas de cachet postal. Il ressort du suivi de l’envoi que celui-ci est arrivé le samedi 24 septembre 2022 dans la boîte postale du Tribunal cantonal. Étant donné qu’un envoi en courrier A Plus est généralement distribué le jour ouvrable suivant, il faut partir du principe que le recourant a remis le recours à la Poste suisse le vendredi 23 septembre 2022. Il n’a ni fait valoir ni prouvé une remise antérieure à la poste dans le délai de recours.

 

TF

Consid. 2.1
Selon l’art. 143 al. 1 CPC, les actes doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai soit au tribunal soit à l’attention de ce dernier, à la poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse. Le critère décisif pour qu’un acte écrit soit déposé dans les délais n’est donc pas l’arrivée de la requête au tribunal le dernier jour du délai (principe dit de réception), mais sa remise à la Poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (principe dit d’expédition ; arrêt 5A_536/2018 du 21 septembre 2018 consid. 3.2 ; message du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse [CPC], BBI 2006 7221, p. 7308 ch. 5.9.3 [ndt : pour la version française : FF 2006 6841, p. 6919] ; cf. ATF 145 V 90 consid. 6.1.1 sur la LPGA).

Le délai peut être utilisé jusqu’à la dernière minute du jour. Toutefois, il incombe à l’expéditeur de prouver qu’il a déposé sa demande dans les temps. Il lui incombe donc de prouver qu’il a remis sa requête à la poste avant 24 heures le dernier jour du délai en cours. La preuve est en général apportée par le cachet de la poste (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 ; 142 V 389 consid. 2.2 ; arrêts 4A_466/2022 du 10 février 2023 consid. 2 ; 5A_972/2018 du 5 février 2019 consid. 4.1). Dans la mesure où le dépôt à la poste a lieu après la fermeture des guichets et qu’il est donc évident que le cachet de réception sera à une date ultérieure, l’expéditeur doit, sur la base de la présomption selon laquelle la date du cachet correspond à celle de la remise, prendre des dispositions appropriées en matière de preuve pour affirmer qu’il a déposé l’envoi dans une boîte aux lettres la veille de l’apposition du cachet ou même avant, afin de renverser la présomption (arrêts 4A_466/2022 du 10 février 2023 consid. 2 ; 5A_503/2019 du 20 décembre 2019 consid. 4.1).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un avocat doit être conscient du risque que son courrier ne soit pas oblitéré le jour même s’il ne le dépose pas au guichet de la poste, mais le dépose dans une boîte aux lettres après la fermeture du guichet. Si un avocat crée une telle incertitude procédurale quant au respect du délai, il doit offrir spontanément (« unaufgefordert ») et avant l’expiration du délai de recours des moyens de preuve pour affirmer le respect du délai, par exemple en mentionnant sur l’enveloppe que l’envoi postal a été déposé dans une boîte aux lettres peu avant l’expiration du délai en présence de témoins (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 et les références ; arrêts 4A_466/2022 du 10 février 2023 consid. 2 et les références ; 5A_185/2022 du 21 décembre 2022 consid. 6 et les références ; 5A_965/2020 du 11 janvier 2021 consid. 4.2.3 et les références ; 5A_503/2019 du 20 décembre 2019 consid. 4.1 et les références).

Consid. 2.2
L’instance inférieure s’est référée à cette jurisprudence dans la décision attaquée.

Le recourant n’a toutefois pas déposé son acte de recours dans une boîte aux lettres après la fermeture des guichets, créant ainsi une incertitude procédurale. Au contraire, il a incontestablement déposé son acte de recours auprès de la Poste sous la forme d’un envoi A-Post-Plus. Avec cette méthode d’envoi, la lettre est munie d’un numéro comme pour une lettre recommandée et expédiée en courrier A. L’envoi est enregistré électroniquement par la Poste et il peut ensuite être suivi grâce au système de recherche «Track & Trace» mis à disposition par la Poste (ATF 144 IV 57 consid..3.1 ; 142 III 599 consid. 2.2). Comme pour une lettre recommandée, la preuve de la remise à temps de l’envoi postal peut donc être facilement apportée ultérieurement dans le cas d’une lettre A-Post Plus (arrêt 1C_581/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2.3 ; Tano Barth, Le Courrier A Plus, Anwaltsrevue 2019, p. 127 ss ch. 7). Dans ce sens, la Poste vante également le fait que le courrier A-Post-Plus représente la possibilité de suivre le déroulement du processus d’expédition « de l’envoi postal à la distribution » (Factsheet de la Poste Suisse sur A-Post-Plus, disponible sur https://www.post.ch/de/briefe-versenden/briefe-schweiz/a-post-plus).

La remise du recours par le recourant en tant qu’envoi A-Post-Plus se distingue donc fondamentalement de la constellation dans laquelle un avocat dépose son courrier dans une boîte aux lettres après la fermeture des guichets. Si la Poste accepte une requête d’une partie en tant qu’envoi en courrier A-Plus, la partie n’a aucune raison de douter de la ponctualité de la remise de l’envoi par la Poste Suisse et de faire des allégations spontanées sur la ponctualité de la requête et d’offrir des moyens de preuve à cet effet (cf. concernant la remise d’un envoi au guichet des clients commerciaux de la Poste pendant les heures d’ouverture, récemment arrêt 4A_466/2022 du 10 février 2023 consid. 4.2). Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de décider si une partie non représentée par un avocat – comme le recourant dans la procédure de première instance – pouvait exiger une telle chose (question laissée ouverte dans l’arrêt 5A_965/2020 du 11 janvier 2021 consid. 4.3).

Consid. 2.3.1
L’instance inférieure et l’intimée invoquent le fait que le plaignant a remis l’envoi à la Poste après « l’heure limite de dépôt publiée publiquement », créant ainsi une incertitude.

Il n’est pas nécessaire de clarifier la date exacte de l’«heure limite de dépôt publiée» de l’office de poste dans le cas concret, car cela n’a aucune importance. Avec ce que l’on appelle l’heure limite de réception, la Poste règle la date jusqu’à laquelle certains envois doivent lui être remis pour qu’elle puisse distribuer l’envoi au destinataire dans le cadre de son offre de prestations. Elle règle par exemple la date jusqu’à laquelle un envoi doit parvenir à la Poste pour qu’il soit distribué le jour ouvrable suivant (cf. arrêt 8C_237/2017 du 4 octobre 2017 consid. 5.2.1 sur la pratique irritante [«irritierenden Praxis»] de l’«antidatage» par la Poste). Cette heure limite de réception interne de la Poste n’est pas pertinente pour déterminer si une requête a été remise à temps à la Poste suisse au sens de l’art. 143 CPC. Le seul élément déterminant est que l’envoi a été remis à la poste suisse le dernier jour du délai (consid. 2.1 supra). La partie n’a pas à s’intéresser de la question de savoir si la Poste peut distribuer à temps l’envoi qui a été déposé après l’heure limite de dépôt, conformément à son offre de prestations, car c’est le principe de l’expédition qui s’applique (à ce sujet, consid. 2.1 supra).

L’heure limite de dépôt ne modifie pas non plus les exigences procédurales décrites ci-dessus à l’égard d’une partie : si la Poste accepte (après l’heure limite de dépôt) l’envoi au guichet postal en tant qu’envoi A-Post-Plus, la partie n’a pas à douter de la remise en temps voulu de la requête en mains de la Poste. Elle ne doit pas non plus, dans ce cas, formuler spontanément des affirmations sur la ponctualité de la remise et proposer des moyens de preuve à cet effet.

Consid. 2.3.2
L’instance inférieure mentionne dans la procédure de consultation que le recourant a utilisé la solution d’affranchissement en ligne «WebStamp» sans indication de date et qu’il a ainsi sciemment accepté une incertitude quant à la ponctualité.

Cet argument est également infondé, car le recourant n’a pas simplement affranchi sa requête avec un «WebStamp» sans date, mais il a déposé son courrier à la poste en tant qu’envoi A-Post-Plus. Dans cette situation, il n’a pas créé d’incertitude procédurale et n’a pas eu à douter de la ponctualité du dépôt postal.

Consid. 2.3.3
Ainsi, le requérant n’était pas tenu de présenter spontanément, avant l’expiration du délai de recours, des allégations et des moyens de preuve attestant que son recours avait été introduit en temps utile.

Consid. 2.4
Selon les faits sur lesquels l’instance précédente a fondé sa décision de non-entrée en matière, la requête du recourant était arrivée le samedi 24 septembre 2022 dans la case postale de la Cour cantonale. L’instance inférieure s’est appuyée pour cela sur les indications du suivi des envois de la Poste. Contrairement à la promesse de la Poste (consid. 2.2 supra), ce suivi n’indiquait que le moment de la distribution, et non celui du dépôt. L’enveloppe ne portait pas de timbre postal avec la date, l’envoi ayant été affranchi avec un «WebStamp» sans indication de la date. Aucune date ne figure non plus sur l’autocollant de suivi de l’envoi A-Post Plus. L’instance inférieure ne disposait donc d’aucun indice concret sur le moment où le recourant a déposé l’acte de recours.

Si le dossier ne contient aucune indication sur le moment du dépôt postal et que l’acte de recours parvient à l’instance cantonale seulement deux jours après l’expiration du délai, comme c’est le cas en l’espèce, celle-ci ne peut pas se contenter de faire des suppositions sur le moment du dépôt en se basant sur la date de réception et de ne pas entrer en matière sur le recours sur cette base. Le droit d’être entendu au sens de l’art. 29 al. 2 Cst. garantit au recourant que, dans une telle situation, l’autorité le consulte afin qu’il puisse s’exprimer sur la date de dépôt de la requête et présenter d’éventuels moyens de preuve (cf. ATF 139 III 364 consid. 3.2.3 ; 115 Ia 8 consid. 2c ; arrêts 5A_185/2022 du 21 décembre 2022 consid. 6 ; 5A_28/2015 du 22 mai 2015 consid. 3.1.1). Cela garantit que le recourant puisse s’acquitter de son obligation d’alléguer et de prouver qu’il a déposé sa requête dans les délais (considérant 2.1).

Le grief de la violation du droit d’être entendu s’avère fondé.

 

Le TF admet le recours.

 

 

Arrêt 4A_556/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 4A_556/2022 (d) du 04.04.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/09/4a_556-2022)

 

6B_569/2023 (f) du 31.07.2023 – Preuve du délai de recours – 100 LTF / Une photo n’est pas suffisante pour prouver l’expédition du recours en temps utile

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_569/2023 (f) du 31.07.2023

 

Consultable ici

 

Preuve du respect du délai de recours / 100 LTF

Une photo accompagnée de ses métadonnées n’est pas suffisante pour prouver l’expédition du recours en temps utile

 

TF

Consid. 1.1
Selon l’art. 100 al. 1 LTF, le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. Les délais dont le début dépend d’une communication ou de la survenance d’un événement courent dès le lendemain de celles-ci (art. 44 al. 1 LTF). Le délai est observé si le mémoire est remis à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse le dernier jour du délai (art. 48 al. 1 LTF).

Le délai est sauvegardé si l’acte est remis le dernier jour du délai à minuit (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 p. 529; arrêt 6B_1439/2022 du 22 mars 2023 consid. 2; J EAN-MAURICE FRÉSARD, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n° 10 ad art. 48 LTF). En pratique, l’expédition postale est la règle (cf. JEAN-MAURICE FRÉSARD, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n° 10 ad art. 48 LTF). Peu importe que ce soit à un guichet postal, dans une boîte aux lettres postale ou dans un automate « MyPost 24 » (ATF 142 V 389 consid. 2.2 p. 391; arrêt 4A_466/2022 du 10 février 2023 consid. 2).

La preuve de l’expédition d’un acte de procédure en temps utile incombe à la partie, respectivement à son avocat (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 p. 529; 142 V 389 consid. 2.2 p. 391). Une telle preuve peut résulter du sceau postal, du récépissé de l’envoi posté en recommandé, de l’accusé de réception obtenu au guichet postal, de la quittance imprimée par l’automate MyPost 24 ou de tout autre moyen adéquat, tel le témoignage d’une ou de plusieurs personnes (dont les noms et adresses seront inscrits sur l’enveloppe contenant le recours), voire une séquence audiovisuelle filmant le dépôt du pli dans la boîte postale (avec une possible incidence sur les frais de justice, cf. ATF 147 IV 526 consid. 4 p. 533). En revanche, la date indiquée par une machine d’affranchissement privée (ou, pour les plus modernes, le code-barres avec justificatif de distribution) ne prouve pas la remise de l’envoi à la poste (arrêt 4A_466/2022 du 10 février 2023 consid. 2).

En principe, le sceau postal fait foi de la date d’expédition. Toutefois, cette présomption peut être renversée par tous les moyens appropriés. L’avocat qui dépose son pli dans une boîte postale après la fermeture du guichet doit s’attendre à ce que le courrier ne soit pas enregistré le jour même de la remise, mais à une date ultérieure (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 p. 530). Aussi doit-il indiquer spontanément à l’autorité de recours, et avant l’échéance du délai, qu’il a respecté celui-ci, en présentant les moyens qui l’attestent (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 p. 530 et les références citées). Pour renverser la présomption, il importe que la partie recourante produise ses preuves dans le délai de recours, ou du moins les désigne dans l’acte de recours, ses annexes ou sur l’enveloppe qui le contient (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 p. 530).

Consid. 1.2
En l’espèce
, le jugement querellé a été notifié au recourant le 16.03.2023. Le délai de 30 jours pour recourir au Tribunal fédéral est donc arrivé à échéance le 01.05.2023, compte tenu des féries judiciaires de Pâques (cf. art. 46 al. 1 let. a LTF) et du fait que le dernier jour du délai tombait sur le dimanche 30.04.2023 (cf. art. 45 al. 1 LTF). L’enveloppe contenant le recours a été affranchie en courrier A par le biais d’une machine d’affranchissement privée, porte la date du 01.05.2023, et a été reçue le 03.05.2023 par le Tribunal fédéral. L’indication « déposé dans la boîte de la Poste suisse le 01.05.2023 à 23:56 à U.__ » a été apposée sur le verso de l’enveloppe. Toutefois, celle-ci ne porte aucun sceau postal. Or, conformément à la jurisprudence précitée, la date indiquée par la machine d’affranchissement privée est impropre à prouver la remise de l’envoi à la poste. Il en va de même de l’indication apposée sur ladite enveloppe. Dans ces circonstances, l’on ignore la date et l’heure auxquelles le recours a été déposé à La Poste Suisse.

Il incombe dès lors au recourant d’apporter la preuve stricte du respect du délai de recours au Tribunal fédéral. A cet égard, le mandataire du recourant a produit une photographie, laquelle ne montre que le coin supérieur droit de l’enveloppe avec la fenêtre laissant apparaître le destinataire du pli, soit en l’occurrence le Tribunal fédéral et, en arrière-plan, la boîte postale de La Poste Suisse. Bien que les métadonnées y annexées indiquent que cette photographie a été prise le 01.05.2023 à 23h56, ces éléments ne permettent pas d’apporter la preuve stricte du respect du délai de recours de 30 jours. En effet, à la différence d’une séquence audiovisuelle, ils ne permettent pas d’établir que l’enveloppe contenant le recours a bien été glissée dans la boîte postale à la date et à l’heure indiquées et que le pli était déjà fermé au moment de la prise du cliché photographique. Par ailleurs, le mandataire du recourant n’apporte aucun autre élément probatoire, en particulier pas de témoins qui seraient en mesure d’attester d’un tel dépôt au moment indiqué.

En déposant le recours dans une boîte postale, affranchi en courrier A, et en se contentant du cliché photographique décrit précédemment, le recourant échoue à apporter la preuve stricte, qui pourtant lui incombe, du respect du délai de recours au Tribunal fédéral. Il s’ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable.

 

Arrêt 6B_569/2023 consultable ici

 

9C_526/2022 (f) du 01.02.2023 – Preuve du dépôt du recours dans le délai des 30 jours / 48 LTF – 100 LTF / Rappel par le TF des moyens de preuve du respect du délai en cas de doute

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_526/2022 (f) du 01.02.2023

 

Consultable ici

 

Preuve du dépôt du recours dans le délai des 30 jours / 48 LTF – 100 LTF

Rappel par le TF des moyens de preuve du respect du délai en cas de doute

Etiquette « Recommandé Prepaid » – Témoignage de l’apprentie de l’étude n’est pas une preuve stricte du dépôt du mémoire de recours à la Poste suisse dans le délai légal

 

TF

Consid. 2
Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification complète de l’expédition (art. 100 al. 1 LTF). Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l’attention de ce dernier, à La Poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

Un recours est présumé avoir été déposé à la date ressortant du sceau postal (ATF 147 IV 526 consid. 3.1; 142 V 389 consid. 2.2). En cas de doute, la preuve du respect du délai doit être apportée par celui qui soutient avoir agi en temps utile au degré de la certitude et non simplement au degré de la vraisemblance prépondérante; elle résulte en général de preuves « préconstituées » (sceau postal, récépissé d’envoi recommandé ou encore accusé de réception en cas de dépôt pendant les heures de bureau); la date d’affranchissement postal ou le code à barres pour lettres, avec justificatif de distribution, imprimés au moyen d’une machine privée ne constituent en revanche pas la preuve de la remise de l’envoi à la poste. D’autres modes de preuves sont toutefois possibles, en particulier l’attestation de la date de l’envoi par un ou plusieurs témoins mentionnés sur l’enveloppe; la présence de signatures sur l’enveloppe n’est pas, en soi, un moyen de preuve du dépôt en temps utile, la preuve résidant dans le témoignage du ou des signataires; il incombe dès lors à l’intéressé d’offrir cette preuve dans un délai adapté aux circonstances, en indiquant l’identité et l’adresse du ou des témoins (arrêt 6F_20/2022 du 24 août 2022 consid. 1.1 et les arrêts cités).

Consid. 3
Le jugement attaqué a été notifié à son destinataire le 12.10.2022. Le délai de recours de trente jours (art. 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF) est ainsi arrivé à échéance vendredi 11.11.2022.

Le mémoire de recours, daté de ce jour-là, est parvenu par voie postale au Tribunal fédéral le lundi suivant. L’enveloppe ayant contenu le mémoire ne porte pas de cachet postal, mais uniquement une étiquette « Recommandé Prepaid » (n° yyy), apposée par la partie recourante. Aucune déclaration d’un témoin qui aurait pu attester du moment et du lieu du dépôt n’y est apposée (cf. ATF 147 IV 526 consid. 3.1). D’après le suivi des envois de la Poste, le pli a été trié la première fois par la Poste le dimanche 13.11.2022 à 20h09.

Invité à s’exprimer sur le respect du délai de recours, l’avocat a allégué que le recours avait été posté le vendredi 11.11.2022 aux alentours de 17h05, dans la boîte aux lettres de la Poste sise à la Place de la Riponne, à Lausanne, dont l’horaire de levée est 18h30, étant précisé qu’il n’y a pas de levée le samedi ou le dimanche (selon un extrait du site internet de la Poste qu’il a produit). Il a également déposé un courriel adressé à ses clients le 11.11.2022 à 16h23, contenant le recours en pièce jointe. L’avocat a encore remis une déclaration de son apprentie qui certifie avoir déposé le recours comme indiqué ci-avant. Il a ajouté un courriel de la Poste qui indiquait que la boîte aux lettres jaune avait été relevée le 13.11.2022; dans cette communication, la Poste le priait de déposer ses recommandés au guichet où la réception serait directement enregistrée.

Consid. 4
Le témoignage de l’apprentie de l’Etude ne saurait valoir preuve stricte du dépôt du mémoire de recours à la Poste suisse dans le délai légal. D’une part, ce témoignage a été fourni seulement en cours de procédure. D’autre part, pareille déclaration est sujette à caution, en raison notamment du rapport de subordination qui existe avec l’employeur.

Compte tenu de l’importance de l’envoi et du risque encouru par l’avocat (cf. ATF 147 IV 526 consid. 3.1), on peut s’interroger sur le fait d’avoir déposé un pli recommandé prépayé dans une boîte aux lettres de la Poste à la Place de la Riponne à 17h05, alors que les guichets y étaient ouverts jusqu’à 18h00. En outre, aucun dysfonctionnement des services postaux n’est établi, car l’allégué de la Poste relatif aux circonstances du dépôt du recours (temps et lieu) n’indique pas qu’il n’y a pas eu de levée le 11.11.2022 à 18h30, contrairement à ce que le mandataire des recourants semble affirmer. Dès lors que le mémoire de recours a pu être remis à la Poste aussi bien le 11, 12 ou 13 novembre 2022, dans une boîte aux lettres sise à la Place de la Riponne ou ailleurs, la date de son dépôt est incertaine.

Comme la preuve stricte du respect du délai du recours n’est pas rapportée, le recours doit être déclaré irrecevable pour cause de tardiveté (art. 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF), en procédure simplifiée (art. 108 al. 1 let. a LTF).

 

Arrêt 9C_526/2022 consultable ici

 

Arrêt du Tribunal administratif fédéral A–6153/2020 (f) du 13.07.2021, publié aux ATAF 2021 I/1 – Délai de recours – Notification de décisions expédiées par courrier A Plus

Arrêt du Tribunal administratif fédéral A–6153/2020 (f) du 13.07.2021, publié aux ATAF 2021 I/1

 

ATAF 2021 I/1 consultable ici

 

Délai de recours / Notification de décisions expédiées par courrier A Plus

 

Art. 20 al. 1, art. 21 al. 1, art. 22 al. 1, art. 50 al. 1 PA.

  1. Délai de recours contre les décisions notifiées par courrier A Plus. Le délai commence à courir le lendemain du dépôt de la décision dans la boîte aux lettres ou la case postale. Pour en définir l’échéance, le destinataire doit procéder aux vérifications nécessaires à l’aide du numéro de référence du courrier A Plus (consid. 2.2–2.6).
  2. Présomption (naturelle) de régularité de la notification par courrier A Plus. Des indices concrets d’une erreur sont nécessaires pour renverser cette présomption. Les éventuelles irrégularités constatées doivent être annoncées à l’autorité de recours lors du dépôt du recours. De simples déclarations d’employés de l’étude du représentant des recourants – produites postérieurement – ne sont à cet égard pas suffisantes (consid. 2.7, 3.1 et 3.2).
  3. Le mandataire professionnel qui ne vérifie pas la date de notification d’un courrier A Plus par le biais du système de suivi des envois de la Poste commet une négligence (consid. 3.2).

 

Consid. 2.1
Conformément à l’art. 17 de la loi sur l’assistance administrative fiscale du 28 septembre 2012 (LAAF, RS 651.1), l’AFC notifie − par écrit (cf. art. 34 al. 1 PA) − à chaque personne habilitée à recourir une décision finale, dans laquelle elle justifie l’octroi de l’assistance administrative et précise l’étendue des renseignements à transmettre (al. 1). Lorsqu’une personne habilitée à recourir est domiciliée à l’étranger, la notification intervient par l’intermédiaire du représentant autorisé à recevoir des notifications (al. 3).

Consid. 2.2
Le recours doit être déposé dans les 30 jours qui suivent la notification de la décision finale de l’AFC (art. 50 al. 1 PA). Si le délai compté par jours doit être communiqué aux parties, il commence à courir le lendemain de la communication (art. 20 al. 1 PA). Les écrits doivent parvenir au Tribunal ou avoir été remis, à son adresse, à un bureau de poste suisse, le dernier jour du délai de recours au plus tard (art. 21 al. 1 PA). Ce délai ne peut pas être prolongé (art. 22 al. 1 PA).

Consid. 2.3
Selon un principe général, pour admettre que les communications des autorités ont été valablement notifiées, il suffit qu’elles soient placées dans la sphère de puissance («Machtbereich») de leur destinataire et que celui-ci soit à même d’en prendre connaissance (cf. ATF 145 IV 252 consid. 1.3.2; 144 IV 57 consid. 2.3.2; 142 III 599 consid. 2.4.1).

Consid. 2.4
Le fardeau de la preuve de la notification et de la date de celle-ci incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (cf. ATF 142 IV 125 consid. 4.3; 136 V 295 consid. 5.9; ATAF 2009/55 consid. 4; arrêt du TAF A–3841/2018 du 8 janvier 2021 consid. 6.2; BENOÎT BOVAY, Procédure administrative, 2e éd. 2015, p. 529; YVES DONZALLAZ, La notification en droit interne suisse, 2002, p. 583 no 1235). En la matière, c’est la règle du degré de vraisemblance prépondérante qui prévaut (cf. ATF 124 V 400 consid. 2b; arrêt du TF 5A_454/2012 du 22 août 2012 consid. 4.2.2; arrêts du TAF A–2703/2017 du 18 décembre 2018 consid. 2.1.1 et A–7730/2009 du 17 juin 2010 consid. 2.2).

Consid. 2.5
Les envois expédiés par courrier A ou B sont notifiés dès lors qu’ils sont remis dans la boîte aux lettres ou bien dans la case postale du destinataire. Ils sont ainsi à disposition de l’intéressé (cf. arrêts du TF 2C_463/2019 du 8 juin 2020 consid. 3.2.2; 2C_587/2018 du 8 mars 2019 consid. 3.1; 2C_875/2015 du 2 octobre 2015 consid. 2.2.1; 2C_784/2015 du 24 septembre 2015 consid. 2.1; arrêt du TAF A–3967/2020 du 29 octobre 2020 p. 3).

Consid. 2.6
Les règles relatives à la notification des envois effectués par courrier A Plus correspondent en principe à celles applicables à un envoi postal par pli simple, c’est-à-dire par courrier A et B, à la différence que le courrier A Plus est muni d’un numéro permettant de suivre le cheminement de l’envoi électroniquement via le système de «Suivi des envois» («Track & Trace») de la Poste. Il est ainsi possible d’être informé en temps réel des différentes étapes suivies par l’envoi et en particulier, du moment précis où le courrier est déposé (date et heure) dans la boîte aux lettres ou bien la case postale du destinataire. L’envoi par courrier A Plus constitue ainsi, comme tel est le cas pour les envois en courrier recommandé, un moyen qui permet de prouver à quel moment (date et heure) la Poste a remis un envoi à son destinataire (cf. arrêts du TF 2C_463/2019 consid. 3.2.2; 9C_655/2018 du 28 janvier 2019 consid. 4.3; 2C_875/2015 consid. 2.2.1; arrêt du TAF A–1838/2021 du 8 juin 2021 consid. 2 et 3).

Consid. 2.7
De longue et constante jurisprudence, si l’envoi par courrier recommandé en procédure administrative fédérale n’est pas prescrit, la notification d’une décision finale par courrier A Plus est admise. Le délai commence ainsi à courir le lendemain du dépôt de la décision dans la boîte aux lettres, également lorsque la décision est distribuée un samedi (cf. arrêts du TF 2C_463/2019; 2C_464/2019 du 24 mai 2019; 2C_476/2018 du 4 juin 2018, partiellement reproduit in: ASA 87 p. 141). Le courrier A Plus étant muni d’un numéro, lequel permet de suivre son cheminement électroniquement via le système de «Suivi des envois» («Track & Trace») de la Poste, l’information découlant du système indiquant que l’envoi est arrivé dans la boîte aux lettres ou dans la case postale du destinataire n’est pas en soi une preuve, mais constitue un indice (cf. ATF 142 III 599 consid. 2.2; parmi d’autres, arrêts du TF 2C_463/2019 consid. 3.2.2 s.; 2C_1059/2018 du 18 janvier 2019 consid. 2.2.2; 2C_16/2019 du 10 janvier 2019 consid. 3.2.2).

Il existe une présomption naturelle («natürliche Vermutung») que le courrier A Plus a été correctement déposé dans la boîte aux lettres ou dans la boîte postale du destinataire, à l’instar de ce qui s’applique mutatis mutandis à l’avis de retrait (« invitation à retirer un envoi »; cf. arrêts 2C_1059/2018 consid. 2.2.2; 2C_16/2019 consid. 3.2.2; 2C_476/2018 consid. 2.3.2; voir aussi arrêts du TF 2C_684/2019 du 11 novembre 2020 consid. 2.2.1; 2C_463/2019 consid. 3.2.3). Il découle de cette pratique jurisprudentielle que le jour déterminant est celui où le courrier est déposé par la Poste dans la boîte aux lettres, respectivement postale, du destinataire et non pas celui où il est récupéré par ce dernier. Le destinataire d’un tel courrier doit ainsi s’organiser afin de veiller à ce que le délai de recours soit respecté. Pour ce faire, il dispose d’un numéro de référence de la Poste qui lui permet, avec certitude et à tout moment, de procéder électroniquement au cheminement du courrier et ainsi aux vérifications nécessaires. Si des irrégularités lui apparaissent, il peut ainsi en faire part à l’autorité de recours (cf. arrêt A–1838/2021 consid. 3.3 et 3.4).

La possibilité d’une distribution postale irrégulière ne peut en effet jamais être exclue (cf. ATF 142 III 599 consid. 2.4.1). Toutefois, cela ne suffit pas, en soi, à renverser la présomption susmentionnée. Pour ce faire, il doit bien plus y avoir des indices concrets d’une erreur, faisant apparaître celle-ci comme plausible au vu des circonstances du cas d’espèce (cf. ATF 142 IV 201 consid. 2.3; parmi d’autres, arrêts du TF 2C_901/2017 du 9 août 2019 consid. 2.2.2 et réf. cit.; 1C_31/2018 du 14 janvier 2019 consid. 3.3 et réf. cit.; 2C_1059/2018 consid. 2.2.3; cf. également arrêt du TF 2C_65/2018 du 21 février 2018 consid. 2.3). Dans le cadre de cette preuve, la bonne foi de la partie est présumée (cf. ATF 142 III 599 consid. 2.4.1), ce qui ne change rien à la présomption de régularité de la distribution du courrier A Plus (cf. arrêt 1C_31/2018 consid. 4.2).

Selon la jurisprudence, la juge peut mettre un terme à l’instruction et renoncer à des mesures et à des offres de preuve supplémentaires, en procédant si besoin à une appréciation anticipée de celles-ci, s’il lui apparaît que leur administration ne serait de toute façon pas propre à entamer la conviction qu’elle s’est forgée sur la base de pièces ayant une haute valeur probatoire (cf. ATF 144 II 427 consid. 3.1.3; 131 I 153 consid. 3; arrêts du TAF A–3841/2018 consid. 2.3; A–7254/2017 du 1er juillet 2020 consid. 2.3; MOSER/BEUSCH/KNEUBÜHLER, Prozessieren vor dem Bundesverwaltungsgericht, 2e éd. 2013, n. marg. 3.140 ss, en particulier 3.144).

En outre, la procédure d’administration des preuves doit être menée avec diligence, de manière à éviter des pertes de temps (cf. art. 33 PA; ATF 130 II 473 consid. 2.3). Cela vaut en particulier en matière d’assistance administrative, dont la procédure est expressément régie par le principe de diligence (cf. art. 4 al. 2 LAAF). Ce principe, qui oblige l’AFC − ainsi que les autorités judiciaires − à mener la procédure rapidement (cf. Message du 6 juillet 2011 concernant l’adoption d’une loi sur l’assistance administrative fiscale, FF 2011 5771, 5783 ad art. 4 al. 2; ATF 142 II 218 consid. 2.5), sert en premier lieu les intérêts de la Suisse à un fonctionnement correct de l’assistance administrative vis-à-vis des Etats requérants et non pas ceux des contribuables visés par une demande (cf. ATF 142 II 218 consid. 2.5.1, avec référence à CHARLOTTE SCHODER, Praxiskommentar zum Bundesgesetz über die internationale Amtshilfe in Steuersachen, 2014, n. marg. 43 ad art. 4).

 

Consid. 3.1
En l’espèce, les recourantes ont élu domicile auprès d’un représentant en Suisse autorisé à recevoir des notifications. La décision attaquée, qui indique dans son dispositif ([…]) la forme de sa notification, à savoir par envoi « A Post Plus », a été expédiée en deux exemplaires séparés et adressés à un même destinataire, soit le mandataire professionnel des recourantes. L’étiquette apposée sur chacune des enveloppes ayant contenu un exemplaire de la décision entreprise indique, outre le symbole « A+ » et la mention « A-Post Plus/Courrier A Plus/Posta A Plus », le numéro permettant de suivre électroniquement le cheminement de l’envoi (…). Chacun des envois comprenait par ailleurs un courrier d’accompagnement (…) qui comportait également la référence « A-Post Plus ([…]000009) ».

Selon les extraits de « Suivi des envois » de la Poste (…), la décision attaquée, expédiée le lundi 9 novembre 2020 par courriers A Plus, a été distribuée via case postale le mardi 10 novembre 2020 à 06:20. Ces pièces, en tant qu’indices, permettent au tribunal de céans de retenir, dans le sens d’une présomption, que les envois en question ont été correctement déposés le mardi 10 novembre 2020 dans la case postale de l’étude du mandataire professionnel des recourantes (cf. consid. 2.4 ci-avant). Les critiques que ces dernières formulent dans leur prise de position du 29 décembre 2020 ([…]), ayant en substance trait à l’insécurité juridique qui découlerait de l’envoi par courrier A Plus, ne sauraient être retenues, au risque de procéder à un contrôle purement abstrait qui ne serait pas compatible avec la présomption posée. Comme exposé ci-dessus, la forme de notification d’une décision par envoi A Plus a été validée, aussi dans le présent domaine, par les juridictions fédérales. Le représentant des recourantes, en tant que mandataire professionnel qualifié, ne pouvait ignorer la jurisprudence déjà bien établie en la matière (cf. en ce sens arrêt du TF 2C_882/2019 du 31 octobre 2019 consid. 4.1 et réf. cit.). De surcroît, la conduite de leur représentant peut être attribuée aux recourantes (cf. parmi d’autres arrêts du TF 2C_463/2019 consid. 3.2.4; 2C_855/2015 du 1er octobre 2015 consid. 2.2).

Il apparaît ainsi que l’échéance du délai de recours pouvait être définie en se fondant sur le numéro de l’envoi permettant de suivre électroniquement le cheminement − identique − de chacun des deux courriers. En cas de doute quant à la date de la notification, le mandataire des recourantes pouvait − et aurait dû − l’indiquer dans son recours. Tel n’a toutefois pas été le cas, celui-ci n’ayant signalé aucun problème à cet égard dans son mémoire du 11 décembre 2020. Il en découle que la vérification par le biais du suivi électronique du courrier acheminé par la Poste n’a − a priori − pas été effectuée par le mandataire des recourantes.

Consid. 3.2
Dans leur prise de position du 29 décembre 2020, les recourantes font au surplus valoir, par le biais de leur mandataire, que les envois litigieux n’auraient été distribués qu’en date du 11 novembre 2020. Ce dernier produit à cet égard les déclarations écrites (établies le 24 décembre 2020) du livreur (« fattorino ») de l’étude (…), selon lesquelles lesdits envois ne se trouvaient pas dans la case postale lorsque le contenu de celle-ci a été retiré, le mardi 10 novembre 2020 à 07:30, mais qu’en revanche, ils s’y trouvaient le lendemain. Il produit également le courrier électronique que son assistante (…) lui a adressé − ainsi qu’à d’autres membres de l’étude − le mercredi 11 novembre à 09:13, notamment afin de confirmer la réception des envois en cause, ainsi que les déclarations écrites de celle-ci, également datées du 24 décembre 2020, confirmant que les envois contenant la décision attaquée n’ont pas été réceptionnés plus tôt.

Ces moyens ne suffisent toutefois pas à renverser la présomption que les envois en cause ont été correctement déposés le mardi 10 novembre 2020 dans la boîte postale de l’étude du mandataire des recourantes. En tant que les pièces en question, dont les recourantes entendent déduire un droit, émanent d’employés de cette étude, il convient d’abord d’en relativiser la valeur probatoire. En outre, si la bonne foi des recourantes − et de leur mandataire − est certes présumée, ces moyens ne sont en tout état de cause pas propres à faire naître un doute suffisant concernant la régularité de la distribution des envois litigieux et l’exactitude des justificatifs y relatifs du système de « Suivi des envois » de la Poste, et donc d’un éventuel dysfonctionnement du système postal dans le cadre de la remise du courrier le 10 novembre 2020. En effet, un dysfonctionnement au sein de l’étude ne peut pas non plus être exclu.

Le mandataire disposait par ailleurs des moyens techniques lui permettant de vérifier avec certitude le jour de la notification des courriers et de définir l’échéance du délai de recours. A défaut d’avoir opéré un tel contrôle, c’est seulement suite à l’ordonnance du Tribunal du 21 décembre 2020 que les recourantes ont fait valoir une erreur de la Poste. En considération de la pratique jurisprudentielle à l’égard du courrier A Plus (cf. consid. 2.4 ci-avant), que le mandataire des recourantes devait connaître, il y a lieu de retenir que ce dernier a lui-même commis une négligence en ne vérifiant pas la date de notification par le biais du suivi électronique du courrier acheminé par la Poste. L’on observera au surplus qu’il n’apparait pas que les recourantes, via leur mandataire, aient par la suite sollicité des explications de la Poste au sujet de la prétendue distribution irrégulière des envois en cause, ce qui aurait pourtant apparu logique dans un tel contexte et, surtout, utile à démontrer une éventuelle erreur. Aussi, il s’agit dans ces conditions de retenir que l’existence d’un dysfonctionnement du service postal n’est pas établie avec suffisamment de vraisemblance.

Dans la mesure où l’occasion a été donnée aux recourantes, qui sont représentées par un mandataire professionnel, de se déterminer sur la recevabilité de leur recours et de produire des moyens de preuve à cet égard et compte tenu en outre du principe de diligence qui régit la présente procédure d’assistance administrative (cf. consid. 2.5 ci-avant), il n’y a par ailleurs pas lieu d’inviter celles-ci à fournir des preuves supplémentaires, pas plus qu’il ne se justifie de procéder à d’autres mesures d’instruction, tendant par exemple à vérifier auprès de la Poste Suisse la possibilité qu’une erreur soit survenue lors la distribution des courriers A Plus en question.

Il s’agit dès lors de considérer que la décision a été notifiée à chacune des recourantes le mardi 10 novembre 2020, de sorte que le délai de recours a commencé à courir le mercredi 11 novembre 2020 et est échu le jeudi 10 décembre 2020. Partant, et dans la mesure où les recourantes ne font au surplus valoir aucun motif de restitution du délai au sens de l’art. 24 al. 1 PA, le recours du 11 décembre 2020 apparait tardif et doit donc être déclaré irrecevable, dans une procédure à juge unique (art. 23 al. 1 let. b LTAF).

 

 

ATAF 2021 I/1 consultable ici

 

 

 

6B_1247/2020 (f) du 07.10.2021, destiné à la publication – Tardiveté du dépôt du recours au niveau cantonal – Admissibilité de la preuve du respect du délai par vidéo

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1247/2020 (f) du 07.10.2021, destiné à la publication

 

Arrêt consultable ici

Communiqué de presse du Tribunal fédéral du 04.11.2021 disponible ici

 

Un enregistrement vidéo peut en principe apporter la preuve qu’un acte judiciaire a été déposé dans une boîte aux lettres de La Poste Suisse en temps utile. Le Tribunal fédéral admet le recours contre la décision du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Un homme avait recouru en 2020 contre le classement d’une procédure pénale auprès du Tribunal cantonal valaisan. Son avocat a déposé le pli contenant le recours dans une boîte aux lettres de La Poste Suisse à 22h05 le soir du dernier jour du délai de dix jours. Dans le pli lui-même, il a informé le Tribunal que le cachet postal figurant sur l’enveloppe expédiée pouvait indiquer la date du jour suivant et qu’il produirait donc un enregistrement vidéo comme preuve du dépôt du recours en temps utile. Le lendemain, le Tribunal cantonal a reçu une clé USB contenant un enregistrement vidéo. Le Tribunal cantonal n’est pas entré en matière sur le recours, qui portait le cachet postal du lendemain, le jugeant hors délai et considérant que l’enregistrement vidéo ne constituait pas une preuve effective du dépôt du recours en temps utile.

Le Tribunal fédéral admet le recours de l’intéressé. Selon le Code de procédure pénale (CPP), le délai est sauvegardé notamment si l’acte de procédure est remis à La Poste Suisse le dernier jour du délai (à minuit) (article 91 CPP). La date du dépôt est présumée coïncider avec celle du sceau postal. Cette présomption peut cependant être renversée. On peut toutefois attendre de l’expéditeur qu’il produise la preuve du dépôt en temps utile avant l’expiration du délai, ou à tout le moins qu’il fasse référence à ce moyen de preuve dans l’envoi lui-même. L’avocat de l’intéressé a dûment procédé de la sorte dans le cas d’espèce. Contrairement à l’avis du Tribunal cantonal, l’enregistrement vidéo peut alors servir de preuve de la remise en temps utile à la poste. Il est vrai, comme l’a retenu le Tribunal cantonal, que les enregistrements audiovisuels sont relativement faciles à manipuler. Toutefois, un avocat commettrait un grave manquement à ses obligations professionnelles s’il falsifiait un moyen de preuve afin d’établir le dépôt en temps utile de son acte. En l’absence d’indices d’une falsification, il ne se justifie pas de douter de l’authenticité d’un enregistrement. La séquence audiovisuelle doit naturellement contenir tous les éléments nécessaires à la preuve, notamment la date et l’heure du dépôt de l’acte ainsi que l’identification du pli contenant le recours. Le Tribunal cantonal valaisan devra ainsi examiner si le contenu de la vidéo apporte la preuve du respect du délai.

Enfin, il convient de relever que le visionnage d’une preuve vidéo peut entraîner un effort supplémentaire et que les coûts correspondants peuvent être mis par le tribunal à la charge de l’expéditeur, c’est-à-dire, par exemple, de l’avocat responsable.

 

 

Arrêt 6B_1247/2020 consultable ici

Communiqué de presse du Tribunal fédéral du 04.11.2021 disponible ici

Version italienne: Prova video ammissibile per dimostrare il rispetto del termine

Version allemande : Videobeweis für Fristwahrung zulässig