9C_50/2024 (f) du 27.02.2024 – Preuve du respect du délai – 100 LTF / Preuve stricte de la remise à la poste dans les délais – Cours ordinaire des choses – Règle de preuve de la vraisemblance prépondérante

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_50/2024 (f) du 27.02.2024

 

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Preuve du respect du délai / 100 LTF – 48 LTF

Preuve stricte de la remise à la poste dans les délais ne peut pas être considérée comme rapportée par la référence au cours ordinaire des choses ou en application de la règle de preuve de la vraisemblance prépondérante

 

Procédure cantonale

Par arrêt du 01.12.2023, admission du recours formé par l’assuré.

 

TF

Consid. 2
Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification complète de l’expédition (art. 100 al. 1 LTF). Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l’attention de ce dernier, à La Poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

Un recours est présumé avoir été déposé à la date ressortant du sceau postal (ATF 147 IV 526 consid. 3.1; 142 V 389 consid. 2.2). En cas de doute, la preuve du respect du délai doit être apportée par celui qui soutient avoir agi en temps utile au degré de la certitude et non simplement au degré de la vraisemblance prépondérante; elle résulte en général de preuves « préconstituées » (sceau postal, récépissé d’envoi recommandé ou encore accusé de réception en cas de dépôt pendant les heures de bureau); la date d’affranchissement postal ou le code à barres pour lettres, avec justificatif de distribution, imprimés au moyen d’une machine privée ne constituent en revanche pas la preuve de la remise de l’envoi à la poste. D’autres modes de preuves sont toutefois possibles, en particulier l’attestation de la date de l’envoi par un ou plusieurs témoins mentionnés sur l’enveloppe; la présence de signatures sur l’enveloppe n’est pas, en soi, un moyen de preuve du dépôt en temps utile, la preuve résidant dans le témoignage du ou des signataires; il incombe dès lors à l’intéressé d’offrir cette preuve dans un délai adapté aux circonstances, en indiquant l’identité et l’adresse du ou des témoins (arrêt 9C_526/2022 du 1 er février 2023 consid. 2 et l’arrêt cité).

Consid. 3
L’arrêt attaqué a été notifié à son destinataire le 07.12.2023. Le délai de recours de trente jours (art. 46 al. 1 let. c, 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF) est ainsi arrivé à échéance lundi 22.01.2024.

Le mémoire de recours, daté de ce jour-là, est parvenu par voie postale au Tribunal fédéral le mercredi suivant [24.01.2024]. Le colis ayant contenu le mémoire ne porte pas de cachet postal, mais uniquement une étiquette n° yyy apposée par la partie recourante avec la mention manuscrite « Recommandé ». D’après le suivi des envois de la Poste, le pli a été trié la première fois par la Poste le 23.01.2024 à 07h05 à 1310 Daillens Centre Colis.

Invité à s’exprimer sur le respect du délai de recours, l’office recourant a indiqué que le recours et le dossier qui l’accompagnait devaient être adressés en colis contre signature, comme l’atteste la mention « Recommandé » qui figure sur l’étiquette. Le recourant précise qu’il peut affirmer après contrôle que le colis est bien enregistré en tant qu’envoi recommandé dans son fichier de suivi interne. Visiblement, il a en fait été expédié par « Colis PostPac Economy ». Il ne peut ainsi que supposer qu’une erreur est survenue dans le processus d’envoi postal, soit auprès de ses services, soit auprès de la Poste. Le recourant relève néanmoins que le suivi des envois de la Poste atteste que l’envoi a été trié au Centre Colis de 1310 Daillens le 23.01.2024 à 07h05. Etant donné que les horaires de la filiale de la Poste ne permettent pas une prise en charge avant 08h00 et que son courrier postal est pris en charge par la Poste sur place à 15h30, cela démontre que le colis a été remis à la Poste au plus tard le jour précédent, soit le 22.01.2024, dernier jour du délai de recours. Il conclut ainsi à ce que le recours soit déclaré recevable.

Consid. 4
Les circonstances du cas d’espèce sont analogues à celles de l’affaire qui avait donné lieu à l’arrêt ATF 142 V 389. En ce qui concerne la preuve de la remise en temps utile du recours à la Poste suisse, le Tribunal fédéral avait retenu que lorsque la partie recourante convient d’un arrangement avec la Poste suisse pour que celle-ci prenne en charge ses envois postaux, et qu’elle lui remet par ce biais une écriture de recours, elle court un grand risque de ne pas pouvoir apporter la preuve de la remise en temps utile de l’envoi à la poste. En effet, le moment auquel la poste saisit pour la première fois les données de l’envoi dans le système « Easy Track », qui ne correspond pas forcément à la date de sa remise, vaut comme date de dépôt de l’envoi en faveur aussi bien qu’en défaveur de l’expéditrice (consid. 3.3). La preuve stricte de la remise à la poste dans les délais ne peut pas être considérée comme rapportée par la référence au cours ordinaire des choses quant à la prise en charge des envois par la poste dans les locaux de la partie recourante sans indication concrète sur l’envoi en cause (consid. 3.4).

Par son argumentation, le recourant demande en définitive que l’examen du respect du délai de recours soit effectué en application de la règle de preuve de la vraisemblance prépondérante. On ne saurait toutefois suivre ce point de vue qui va à l’encontre de la jurisprudence. Fondées sur le cours ordinaire des choses, les explications que fournit le recourant ne sauraient valoir preuve stricte du dépôt du mémoire de recours à la Poste suisse dans le délai légal. Il faut ajouter que ces explications ont été fournies seulement en cours de procédure et qu’aucune déclaration d’un témoin qui aurait pu attester du moment et du lieu du dépôt n’a été apposée (cf. ATF 147 IV 526 consid. 3.1). De plus, aucun accusé de réception de prise en charge du courrier n’a été produit.

Comme la preuve stricte du respect du délai du recours n’est pas rapportée, le recours doit être déclaré irrecevable pour cause de tardiveté (art. 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF), en procédure simplifiée (art. 108 al. 1 let. a LTF). Vu l’issue du litige, la requête d’attribution de l’effet suspensif au recours n’a plus d’objet.

 

Le TF déclare irrecevable le recours de l’office AI.

 

Arrêt 9C_50/2024 consultable ici

 

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