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8C_736/2023 (f) du 02.10.2024 – Objet de la contestation vs objet du litige / Procédure simplifiée – Montant de l’indemnité journalière / Formalisme excessif / Obligation du mandataire professionnel

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_736/2023 (f) du 02.10.2024

 

Consultable ici

 

Objet de la contestation vs objet du litige / 49 LPGA – 52 LPGA – 56 LPGA

Procédure simplifiée – Montant de l’indemnité journalière / 51 LPGA

Formalisme excessif / 29 al. 1 Cst.

Obligation du mandataire professionnel

 

Le 30.08.2018, un assuré né en 1978, travaillant comme ferrailleur, s’est fracturé l’extrémité distale du radius droit en tombant sur son avant-bras sur un chantier. L’assurance-accidents l’a informé le 12.10.2018 qu’il avait droit à une indemnité journalière de CHF 64.25, calculée sur la base d’un salaire horaire de CHF 26 et d’un taux d’occupation de 50%, selon la déclaration de sinistre de l’employeur.

Le 16.04.2021, l’assurance-accidents a annoncé au premier mandataire de l’assuré la clôture du cas au 31.05.2021, mettant fin aux soins médicaux et à l’indemnité journalière. Le 08.07.2021, elle a rendu une décision refusant une rente d’invalidité mais octroyant une IPAI de 15%.

L’assuré, représenté par un nouveau mandataire, a fait opposition à cette décision, contestant notamment le montant de l’indemnité journalière. Il a présenté un jugement du Tribunal des prud’hommes du 05.01.2021 établissant un salaire annuel net de CHF 50’112.25 pour la période de juillet 2017 à juillet 2018, bien supérieur au salaire de CHF 29’292.50 utilisé pour le calcul des indemnités. L’assuré a demandé une adaptation des calculs et le versement de la différence.

L’assurance-accidents a rejeté l’opposition, déclarant irrecevable la demande de correction des indemnités journalières, au motif que cette question ne faisait pas partie de la décision contestée. Elle a maintenu sa décision initiale concernant le refus de rente et l’octroi de l’IPAI de 15%.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/774/2023 – consultable ici)

Le 31.01.2022, l’assuré a contesté la décision de l’assurance-accidents auprès du tribunal cantonal. Ce dernier a rendu un arrêt le 12.10.2023, déclarant irrecevables les demandes de l’assuré concernant un complément d’indemnités journalières pour la période du 07.09.2018 au 31.05.2021, ainsi que la prise en charge d’une mesure de réinsertion. Le tribunal a rejeté le reste du recours. Parallèlement, le 01.02.2022, le représentant de l’assuré a sollicité l’assurance-accidents pour réexaminer le montant de l’indemnité journalière en dehors de la procédure de recours, en se basant sur le jugement du Tribunal des prud’hommes du 05.01.2021. L’assurance-accidents a refusé cette demande le 09.03.2023, arguant que ce point avait déjà été soulevé par l’assuré dans ses écritures devant le Tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.2
Au vu de l’arrêt entrepris, l’objet de la contestation porte uniquement sur la recevabilité, en instance cantonale, des conclusions tendant au versement d’un complément d’indemnités journalières pour la période du 07.09.2018 au 31.05.2021. Dans la mesure où l’assuré conclut, à titre principal, à ce que l’assurance-accidents soit condamnée à lui verser des indemnités journalières de 120’416 fr. 40 sous déduction des montants déjà versés à ce titre jusqu’au 31.05.2021, ses conclusions sont irrecevables parce qu’elles vont au-delà de l’objet de la contestation. La conclusion subsidiaire de l’assuré est recevable.

Consid. 4 [résumé]
La juridiction cantonale a considéré que la communication du 12.10.2018 de l’assurance-accidents, fixant l’indemnité journalière à CHF 64.25, était une décision sous forme simplifiée selon l’art. 51 al. 1 LPGA. Elle a estimé qu’il n’était pas de son ressort de déterminer si cette décision était entrée en force ou si l’assuré pouvait invoquer un motif de révision ou de reconsidération, car elle n’avait pas été saisie d’un recours à ce sujet. La cour cantonale a jugé que le montant de l’indemnité journalière était une question distincte de celle de la cessation de cette prestation, et qu’elle n’avait donc pas à être traitée dans la décision sur opposition du 22.12.2021. Comme l’assurance-accidents ne s’était pas prononcée sur cette question dans sa décision sur opposition, la conclusion de l’assuré visant à corriger le montant de l’indemnité journalière a été déclarée irrecevable par la cour cantonale.

Consid. 5.2.1
Selon l’art. 49 al. 1 LPGA, l’assureur doit rendre par écrit les décisions qui portent sur des prestations, créances ou injonctions importantes ou avec lesquelles l’intéressé n’est pas d’accord. L’art. 52 al. 1 LPGA prévoit que les décisions peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d’opposition auprès de l’assureur qui les a rendues, à l’exception des décisions d’ordonnancement de la procédure. Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l’opposition n’est pas ouverte sont sujettes à recours (art. 56 al. 1 LPGA). La procédure d’opposition est obligatoire et constitue une condition formelle de validité de la procédure de recours de droit administratif subséquente (arrêt 9C_777/2013 du 13 février 2014 consid. 5.2.1; arrêt C 279/03 du 30 septembre 2005 consid. 2.2.2, in SVR 2006 ALV n° 13 p. 43; cf. aussi ATF 130 V 388). L’opposition est un moyen de droit permettant au destinataire d’une décision d’en obtenir le réexamen par l’autorité administrative, avant qu’un juge ne soit éventuellement saisi (cf. ATF 125 V 118 consid. 2a et les références). La procédure d’opposition porte sur les rapports juridiques qui, d’une part, font l’objet de la décision initiale de l’autorité et à propos desquels, d’autre part, l’opposant manifeste son désaccord, implicitement ou explicitement (cf. ATF 119 V 350 consid. 1b et les références). L’autorité valablement saisie d’une opposition devra se prononcer une seconde fois sur tous les aspects du rapport juridique ayant fait l’objet de sa décision initiale, quand bien même la motivation de la nouvelle décision portera principalement sur les points critiqués par l’opposant. La décision sur opposition remplace la décision initiale et devient, en cas de recours à un juge, l’objet de la contestation de la procédure judiciaire (cf. ATF 125 V 413 consid. 2).

Consid. 5.2.2
En procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent en principe être examinés et jugés que les rapports juridiques à propos desquels l’autorité administrative compétente s’est prononcée préalablement, d’une manière qui la lie sous la forme d’une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l’objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d’un recours (MEYER/VON ZWEHL, L’objet du litige en procédure de droit administratif fédéral, in Mélanges Pierre Moor, Berne 2005, n° 8 p. 439). Le juge n’entre donc pas en matière, sauf exception, sur des conclusions qui vont au-delà de l’objet de la contestation.

L’objet du litige dans la procédure de recours est le rapport juridique réglé dans la décision attaquée, dans la mesure où, d’après les conclusions du recours, il est remis en question par la partie recourante. L’objet de la contestation (Anfechtungsgegenstand) et l’objet du litige (Streitgegenstand) sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, les rapports juridiques non litigieux sont compris dans l’objet de la contestation, mais pas dans l’objet du litige (ATF 144 II 359 consid. 4.3; 144 I 11 consid. 4.3). L’objet du litige peut donc être réduit par rapport à l’objet de la contestation. Il ne peut en revanche pas, sauf exception (cf. consid. 6.2.3 infra), s’étendre au-delà de celui-ci (ATF 144 II 359 consid. 4.3 précité; 136 II 457 consid. 4.2).

Consid. 5.3.1 [résumé]
Dans son opposition du 08.09.2021, l’assuré a contesté la fin des indemnités journalières et demandé leur reprise. Il a également remis en question le montant de ces indemnités, réclamant que le gain assuré soit basé sur un salaire annuel net de CHF 50’112.25 au lieu de CHF 29’292.50. L’assurance-accidents, par sa décision sur opposition du 22.12.2021, a refusé d’accorder des indemnités journalières ou une rente après le 31.05.2021. Comme l’assurance-accidents n’avait pas statué sur les bases de calcul des indemnités journalières dans sa décision initiale du 08.07.2021, elle n’était pas tenue de se prononcer sur ce point, notamment sur le gain assuré, dans sa décision sur opposition. L’assuré ne peut invoquer ni le principe inquisitoire de l’art. 43 al. 1 LPGA, ni l’art. 22 al. 3 et 4 OLAA pour contester cette approche.

Consid. 5.3.2
Dans le même sens, dès lors que l’assurance-accidents avait déclaré irrecevable sa conclusion relative au calcul des indemnités journalières, les conclusions de l’assuré devant les juges cantonaux, tendant au paiement d’un montant de CHF 120’416.40 à titre d’indemnités journalières pour la période courant jusqu’au 31.05.2021, sous déduction des indemnités déjà versées, allaient au-delà de l’objet de la contestation pouvant être soumis à l’examen de la juridiction cantonale. Elles étaient donc irrecevables. L’assuré pouvait prendre pour seule conclusion à ce propos, devant les juges cantonaux, le renvoi de la cause à l’assurance-accidents pour qu’elle entre en matière sur sa contestation. L’assuré ne peut rien déduire, dans ce contexte, de l’obligation d’instruire la cause d’office découlant de l’art. 61 let. c LPGA. Enfin, contrairement à ce que soutient l’assuré, l’assurance-accidents n’avait pas « intégré » dans la décision sur opposition la question du calcul des indemnités journalières en déclarant irrecevable sa demande sur ce point, mais avait précisément refusé de le faire. Le grief de violation de l’art. 56 LPGA est donc manifestement infondé.

Consid. 6.2.1
Aux termes de l’art. 51 al. 1 LPGA, les prestations, créances ou injonctions qui ne sont pas visées à l’art. 49 al. 1 peuvent être traitées selon une procédure simplifiée. Les indemnités journalières de l’assurance-accidents peuvent faire l’objet d’une telle procédure simplifiée (cf. art. 124 OLAA a contrario; arrêt 8C_ 99/2008 du 26 novembre 2008 consid. 3.2 in SVR 2009 UV n° 21 p. 78). La prise de position de l’assureur selon cette procédure informelle n’est pas susceptible d’opposition ou de recours. Les droits de l’assuré sont garantis par la possibilité d’exiger qu’une décision formelle soit rendue (art. 51 al. 2 LPGA) (cf. VALÉRIE DÉFAGO GAUDIN, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, [Dupont/Moser-Szeless éd.], 2018, n° 9 ad. art. 51 LPGA). Une communication effectuée conformément au droit sous la forme simplifiée de l’art. 51 al. 1 LPGA peut produire les mêmes effets qu’une décision entrée en force si l’assuré n’a pas, dans un délai d’examen et de réflexion convenable, manifesté son désaccord avec la solution adoptée par l’assureur social et exprimé sa volonté que celui-ci statue sur ses droits dans un acte administratif susceptible de recours (cf. ATF 134 V 145 consid. 5.2; 129 V 110 consid. 1.2.2). En présence d’une telle réaction de l’assuré, l’assureur a l’obligation de statuer par une décision formelle selon l’art. 49 (cf. art. 51 al. 2 LPGA). Si ce dernier ne rend pas de décision, le recours pour déni de justice est ouvert (art. 56 al. 2 LPGA).

Consid. 6.2.2
Le recours devant le tribunal cantonal des assurances est une voie de droit ordinaire possédant un effet dévolutif: un recours présenté dans les formes requises a pour effet de transférer à la juridiction cantonale la compétence de statuer sur la situation juridique objet de la décision attaquée. L’administration perd la maîtrise de l’objet du litige, en particulier celle des points de fait susceptibles de fonder la décision attaquée. Conformément à la maxime inquisitoire applicable, il appartient à l’autorité de recours d’établir d’office les faits déterminants pour la solution du litige et d’administrer les preuves nécessaires (art. 61 let. c LPGA). Si l’état de fait doit être complété, elle est libre de procéder elle-même aux mesures d’instruction nécessaires ou d’annuler la décision attaquée et de renvoyer le dossier à l’administration pour qu’elle s’en charge. Après le dépôt d’un recours, il n’est en principe plus permis à l’administration d’ordonner de nouvelles mesures d’instruction qui concerneraient l’objet du litige et tendraient à une éventuelle modification de la décision attaquée (ATF 136 V 2 consid. 2.5; 127 V 228 consid. 2b/aa et les références; arrêts 8C_81/2017 du 2 mars 2017 consid. 6.2 in SVR 2017 UV n° 25 p. 83; 9C_403/2010 du 31 décembre 2010 consid. 3). Le principe de l’effet dévolutif du recours connaît une exception, en tant que l’administration peut reconsidérer sa décision jusqu’à l’envoi de son préavis à l’autorité de recours (art. 53 al. 3 LPGA).

Consid. 6.2.3
Selon une jurisprudence constante rendue dans le domaine des assurances sociales, la procédure juridictionnelle administrative peut être étendue pour des motifs d’économie de procédure à une question en état d’être jugée qui excède l’objet de la contestation, c’est-à-dire le rapport juridique visé par la décision, lorsque cette question est si étroitement liée à l’objet initial du litige que l’on peut parler d’un état de fait commun et à la condition que l’administration se soit exprimée à son sujet dans un acte de procédure au moins (ATF 130 V 501 consid. 1.2 et les références; 122 V 34 consid. 2a; arrêt 8C_124/2022 du 3 août 2022 consid. 3.2.2).

Consid. 6.2.4
Le formalisme excessif, que la jurisprudence assimile à un déni de justice contraire à l’art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque des règles de procédure sont appliquées avec une rigueur que ne justifie aucun intérêt digne de protection, au point que la procédure devient une fin en soi et empêche ou complique de manière insoutenable l’application du droit (cf. ATF 148 I 271 consid. 2.3; 132 I 246 consid. 5). De jurisprudence constante, l’exigence d’allégation est une condition légale de recevabilité (art. 42 al. 1 et 2 LTF), dont le défaut conduit à l’irrecevabilité du recours; une telle sanction n’est pas excessivement formaliste (parmi d’autres: arrêt 5A_761/2021 du 10 décembre 2021 consid. 5). Dès lors, si la validité d’un moyen de droit présuppose, en vertu d’une règle légale expresse, une motivation – même minimale -, en exiger une ne saurait constituer une violation du droit d’être entendu, ni d’ailleurs de l’interdiction du formalisme excessif (ATF 134 II 244 consid. 2.4.2).

Consid. 6.3.1
Au vu de la contestation relative au montant des indemnités journalières, soulevée par l’assuré dans l’opposition à la décision du 08.07.2021, l’assurance-accidents avait la possibilité de rendre une décision formelle sur cette question, puis en cas de nouvelle contestation, de traiter dans une seule décision sur opposition tous les aspects litigieux du droit aux prestations. Si elle estimait qu’une décision sur ce point avait déjà été rendue en procédure simplifiée et était entrée en force sans que l’assuré puisse se prévaloir d’un motif de reconsidération ou de révision, elle pouvait le constater dans une décision formelle, éventuellement dans la décision sur opposition du 22.12.2021. L’assurance-accidents s’est toutefois limitée à déclarer l’opposition irrecevable sur la question du montant des indemnités journalières, sans autre indication sur ses intentions quant à la manière de traiter la demande de nouveau calcul. Par la suite, informée du recours interjeté devant la juridiction cantonale, l’assurance-accidents a conclu à l’irrecevabilité des conclusions relatives au calcul des indemnités journalières et a refusé de statuer pendente litis sur ce point, mais toujours sans indiquer si elle envisageait ou non, ultérieurement, de statuer sur la demande de nouveau calcul. En revanche, contrairement à ce que laisse entendre l’assuré, elle n’a jamais formellement refusé de statuer au motif que la demande de nouveau calcul n’aurait pas été présentée dans une écriture distincte de l’opposition à la décision du 08.07.2021.

Consid. 6.3.2
Il aurait certainement été préférable que l’assurance-accidents précise dans la décision sur opposition qu’elle statuerait ultérieurement sur la demande de nouveau calcul des indemnités journalières pour la période courant jusqu’au 31.05. 2021. Il aurait également été souhaitable, pendant la procédure cantonale de recours, qu’elle précise ses intentions dans ce sens, dans l’hypothèse où la juridiction cantonale confirmerait l’irrecevabilité du recours sur ce point. Ces indications auraient certainement clarifié la situation procédurale pour l’assuré et évité des démarches inutiles. Par ailleurs, il est effectivement clair qu’il appartiendra à l’assurance-accidents de se prononcer sur cette demande à l’issue de la présente procédure. Il n’en reste pas moins que dans son mémoire de recours en instance cantonale, l’assuré a exclusivement pris des conclusions tendant à la condamnation de l’assurance-accidents au paiement de diverses prestations et qu’il n’a pas soulevé le grief de déni de justice. Dans cette mesure, et dès lors que l’assuré était représenté par un mandataire professionnel, il n’était pas excessivement formaliste de la part de la juridiction cantonale de se limiter à déclarer irrecevables les conclusions qu’il avait formellement prises sur le droit aux indemnités journalières litigieuses pour la période courant jusqu’au 31.05.2021, sans examiner la question d’un éventuel déni de justice. La juridiction cantonale pouvait, à ce stade, se limiter à observer qu’elle n’avait pas à se prononcer sur le montant des indemnités journalières litigieuses, ni sur le point de savoir si une décision précédente à ce propos était entrée en force, ni sur la question d’un éventuel motif de révision ou de reconsidération. On pouvait en effet attendre d’un mandataire professionnel qu’il soulève expressément le grief de déni de justice, ce qu’il admet lui-même avoir renoncé à faire au motif que son sort « aurait été incertain compte tenu du fait que la Cour cantonale était déjà saisie de la question du montant des indemnités journalières ». Par ailleurs, l’assuré ne peut tirer aucun argument de la possibilité laissée à une autorité administrative de rendre une nouvelle décision « pendente litis » sur un objet qui fait l’objet de conclusions dans un recours de droit administratif, en application de l’art. 53 al. 3 LPGA, ni de la possibilité, pour une juridiction cantonale, d’étendre l’objet du litige dont elle est saisie. Ni l’autorité administrative, ni la juridiction cantonale n’ont l’obligation d’en faire usage, l’assurance-accidents s’étant au demeurant, en l’espèce, expressément opposée à une extension de la procédure.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_736/2023 consultable ici

 

9C_60/2022 (f) du 09.03.2023 – Taux des frais administratifs – 58 al. 4 LAVS – 69 LAVS / Bases légales valables pour la perception des cotisations sociales par la caisse de compensation

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2022 (f) du 09.03.2023

 

Consultable ici

 

Taux des frais administratifs / 58 al. 4 LAVS – 69 LAVS

Bases légales valables pour la perception des cotisations sociales par la caisse de compensation

Procédure simplifiée / 51 LPGA

 

A.__ Sàrl (ci-après: la société) exploite une discothèque. En tant qu’employeur, elle est affiliée à la caisse de compensation pour le paiement des cotisations sociales de ses employés. Outre des acomptes de cotisations pour les années 2013 à 2019, la caisse de compensation a régulièrement adressé à la société (au début de chaque année qui suivait le versement des acomptes) des décomptes annuels indiquant le montant des cotisations encore dues ou versées en trop et les frais administratifs y relatifs. Sur demande de A.__ Sàrl, la caisse de compensation a rendu une décision formelle, confirmée sur opposition, portant exclusivement sur le montant des frais administratifs. Elle a fixé le taux de ces frais à 4,05% pour les années 2013 à 2015 et 2019 ainsi qu’à 2,55% pour les années 2016 à 2018.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 15.12.2021, admission partielle par le tribunal cantonal, réformation la décision en ce sens que le taux des frais administratifs relatif aux années 2015 et 2019 était fixé à 2.55%.

 

TF

Consid. 4.1
Compte tenu des motifs et conclusions du recours, il s’agit d’abord de déterminer si le tribunal cantonal pouvait légitimement conclure que les décomptes relatifs aux années 2013 et 2014 ne pouvaient plus être revus dans le cadre de son examen du recours, ce qui rendait en outre sans objet le grief de la société sur la prescription de la créance de cotisations pour les années citées.

Consid. 4.3.1
Les cotisations dues par l’employeur sont en général encaissées selon la procédure simplifiée prévue à l’art. 51 al. 1 LPGA (art. 14 al. 3 première phrase LAVS). Cela signifie que ces cotisations doivent faire l’objet de la décision écrite prévue à l’art. 49 al. 1 LPGA uniquement si l’intéressé la demande (art. 51 al. 2 LPGA) dans un délai d’examen et de réflexion convenable (ATF 134 V 145 consid. 5.3).

La société soutient avoir contesté le montant facturé à titre de frais administratifs régulièrement depuis le 14 janvier 2014 déjà. Le point de savoir si cette date doit être retenue au lieu de celle de juillet 2015 admise par la juridiction cantonale peut demeurer indécis. Dans l’éventualité où les décomptes de cotisations pour les années 2013 et 2014 seraient bel et bien entrés en force de chose décidée, le tribunal cantonal ne pouvait de toute façon pas se dispenser de les revoir dans le cadre de l’examen du recours pour les motifs qui suivent.

Consid. 4.3.2
Faute de demande de décision formelle dans un délai d’examen et de réflexion convenable, la prise de position de l’assureur selon la procédure simplifiée entre en force et déploie ses effets au même titre qu’une décision. Elle ne peut être modifiée qu’aux conditions de la révision ou de la reconsidération de l’art. 53 LPGA (VALÉRIE DÉFAGO GAUDIN, Commentaire romand, LPGA, 2018, n° 10 ad art. 51 LPGA). L’assureur peut reconsidérer une décision formellement passée en force et sur laquelle une autorité judiciaire ne s’est pas prononcée quant au fond, à condition qu’elle soit manifestement erronée et que sa rectification revête une importance notable (art. 53 al. 2 LPGA). Il n’est pas tenu de reconsidérer les décisions qui remplissent les conditions fixées. Il en a simplement la faculté et ni l’assuré ni le juge ne peuvent l’y contraindre (ATF 133 V 50 consid. 4.1). Cependant, lorsqu’il entre en matière sur une demande de reconsidération et examine si les conditions requises sont remplies, avant de statuer au fond par une nouvelle décision de refus, celle-ci est susceptible d’être attaquée en justice. Le contrôle juridictionnel dans la procédure de recours subséquente se limite alors au point de savoir si les conditions d’une reconsidération (inexactitude manifeste de la décision initiale et importance notable de la rectification) sont réunies (ATF 119 V 475 consid. 1b/cc). En revenant dans ses décisions des 19 mars et 26 juin 2020 sur les décomptes annuels entrés en force pour les années 2013 et 2014, alors qu’elle n’y était pas obligée, la caisse de compensation a en l’occurrence concrètement rendu une décision de reconsidération. La décision sur opposition du 26 juin 2020 pouvait donc être attaquée en justice aussi en tant qu’elle portait sur les années en cause. La juridiction cantonale ne pouvait ainsi pas se dispenser d’examiner les griefs de la société à propos de la prescription de la créance de cotisations et du montant des frais administratifs perçus pour les années 2013 et 2014.

Consid. 4.3.3
En principe, il conviendrait de renvoyer la cause aux juges cantonaux pour qu’ils examinent ces aspects du litige (art. 107 al. 2 LTF). Toutefois, dans la mesure où les faits constatés en première instance permettent d’examiner tant le grief concernant la prescription de la créance de cotisations pour les années 2013 et 2014 que le grief portant sur le montant des frais administratifs pour ces mêmes années, un impératif d’économie de procédure justifie à titre exceptionnel que le Tribunal fédéral renonce à ce renvoi et procède lui-même à un examen au fond (ATF 141 II 14 consid. 1.6).

[…]

Consid. 5.2.3.1
L’art. 69 al. 1 LAVS est la concrétisation légale en matière de contribution aux frais administratifs dans l’AVS du principe de la couverture des frais ou de l’équivalence. Il impose le respect d’une certaine proportion entre le montant desdits frais et la valeur objective de la prestation fournie (à cet égard, cf. ATF 132 II 371 consid. 2.1). Même si elle fait référence à la capacité financière des affiliés, il n’en demeure pas moins que cette norme lie le montant des frais évoqués à ceux engendrés par la facturation des cotisations sociales. La référence à la capacité financière des affiliés vise seulement à limiter le montant maximum des frais pouvant être perçus. Ce montant a été fixé au maximum à 5% de la somme des cotisations que doivent verser les affiliés (art. 1 de l’ordonnance du DFI du 19 octobre 2011 sur le taux maximum des contributions aux frais d’administration dans l’AVS, édicté en vertu de la délégation de compétence prévue à l’art. 157 RAVS, lui-même édicté en vertu de la délégation de compétence inscrite à l’art. 69 al. 1 dernière phrase LAVS). Quoi qu’en dise la société, il apparaît dès lors clairement que les frais administratifs constituent une contribution causale liée aux coûts qu’ils engendrent et non directement à la capacité financière de leurs débiteurs (cf. aussi arrêt H 56/81 du 17 novembre 1983 in: RCC 1984 p. 179).

Consid. 5.2.3.2
En vertu de l’art. 190 Cst., le Tribunal fédéral est lié par la délégation de compétence prévue par le législateur fédéral. On peut cependant ajouter que les critiques de la société à cet égard ne sont pas pertinentes. Le principe de la légalité exige qu’en cas de délégation de compétence à l’organe exécutif, la norme de délégation indique au moins dans les grandes lignes le cercle des contribuables, l’objet et la base de calcul de la contribution afin que l’autorité exécutive ne dispose pas d’une marge de manœuvre excessive et que les citoyens puissent discerner les contours de la contribution qui pourra être prélevée (à cet égard, cf. ATF 143 I 227 consid. 4.2). Le principe de la couverture des frais ou de l’équivalence permet une application moins rigoureuse du principe de la légalité en matière de contributions causales, au point que le législateur pourrait aller jusqu’à déléguer à l’exécutif la compétence d’en fixer le montant (à cet égard, cf. ATF 143 II 283 consid. 3.5). Le législateur n’a en l’occurrence pas délégué la compétence de fixer le montant des frais administratifs au Conseil fédéral mais a choisi de confier cette tâche directement aux comités de direction des caisses de compensation (art. 58 al. 4 let. c LAVS). Il a lui-même ancré le principe de la couverture des frais à l’art. 69 LAVS et n’a laissé au Conseil fédéral que le soin de prendre les mesures nécessaires afin d’empêcher que les taux de contribution aux frais d’administration ne diffèrent trop d’une caisse à l’autre (art. 69 al. 1 dernière phrase LAVS). L’organe exécutif a concrétisé sa compétence par l’intermédiaire du Département fédéral de l’intérieur en fixant le montant maximum des frais administratifs à 5% de la somme des cotisations dues (art. 157 RAVS; art. 1 de l’ordonnance du DFI du 19 octobre 2011 sur le taux maximum des contributions aux frais d’administration dans l’AVS). Le comité de direction de la caisse de compensation a concrétisé la sienne en édictant un règlement prévoyant que le montant des frais administratifs devait correspondre à une certaine proportion en pourcent des cotisations ou en pour-mille de la masse salariale et un document interne en fixant précisément le taux. Le système mis en place par la caisse de compensation correspond donc à la volonté du législateur qui, dans la mesure où il s’agissait de contributions causales susceptibles de contrôle grâce au principe de l’équivalence ou de la couverture des frais, n’avait pas besoin d’être plus précis dans ses délégations de compétence.

Dans ces circonstances, peu importe de savoir si l’art. 57 al. 1 LAVS permettait au Conseil fédéral de déléguer sa compétence d’approuver le règlement de la caisse de compensation à l’OFAS (art. 100 RAVS) dans la mesure où le règlement ne doit contenir que les principes de la perception des contributions aux frais d’administration (art. 57 al. 2 let. f LAVS). Aussi, la juridiction cantonale n’avait pas à examiner plus avant le grief de la société relatif à un éventuel défaut d’approbation par le Conseil fédéral, de sorte que le droit d’être entendu n’a pas été violé. Le point de savoir si la fixation des frais administratifs en fonction de la masse salariale est compatible avec le critère de la capacité financière prévue à l’art. 69 al. 1 LAVS n’est par ailleurs pas une question pertinente dès lors que la référence à cette capacité vise seulement à empêcher que la perception des frais – effectifs – en fonction de la masse salariale ou du volume des cotisations ne mette à contribution le débiteur desdites cotisations de manière excessive.

La perception des cotisations sociales par la caisse de compensation repose donc sur des bases légales valables. On précisera que ce qui précède vaut non seulement pour les années 2015 à 2019 mais aussi pour les années 2013 et 2014.

Consid. 6
La juridiction cantonale a encore examiné le taux sur la base duquel le montant des frais administratifs avait été calculé en l’occurrence. Elle a considéré que le principe d’équivalence n’avait pas été respecté dès lors que ledit taux avait été majoré en raison de poursuites. Elle a constaté que les frais d’administration liés à la procédure de poursuite représentaient près de 40% des frais d’administration annuels alors que la société n’avait fait l’objet que d’une réquisition de poursuite et que la caisse de compensation avait facturé en sus les frais de rappel. Elle a dès lors réformé la décision administrative litigieuse en ce sens que le taux de base de 2,55% était admis et que la majoration de 1,5% en cas de poursuite était proscrite. La société ne critique pas ces considérations. Dans sa réponse du 17.03.2022, la caisse de compensation a déclaré n’avoir rien à ajouter à l’arrêt cantonal. En conséquence, toujours par souci d’économie de procédure, il faut aussi appliquer le raisonnement des juges cantonaux au montant des frais administratifs pour les années 2013 et 2014 dans la mesure où la perception de ceux-ci avait également fait l’objet d’une réquisition de poursuite. Il convient dès lors de modifier l’arrêt attaqué et la décision administrative litigieuse en ce sens que le taux permettant de déterminer le montant des frais administratifs pour les années 2013 et 2014 est de 2,55% et de renvoyer la cause à la caisse de compensation pour qu’elle calcule le montant à restituer à la société. La caisse de compensation devra aussi se prononcer sur les intérêts réclamés par la société.

 

Le TF admet partiellement le recours de la société.

 

 

Arrêt 9C_60/2022 consultable ici