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8C_230/2024 (f) du 21.10.2024 – Droit à l’indemnité chômage – Situation professionnelle comparable à celle d’un employeur – Holding et actionnaire non majoritaire – 8 ss LACI – 31 al. 3 let. c LACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_230/2024 (f) du 21.10.2024

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité chômage – Situation professionnelle comparable à celle d’un employeur – Holding et actionnaire non majoritaire / 8 ss LACI – 31 al. 3 let. c LACI

 

L’assuré, né en 1981, a occupé des postes d’administrateur dans plusieurs sociétés liées :

  • Administrateur de la société B.__ (22.07.2014 – 05.05.2023)
  • Administrateur de la société D.__ (jusqu’au 09.05.2023)
  • Administrateur président de la société E.__ (08.05.2019 – 10.05.2022)

Son frère, C.__, occupe également des positions clés :

  • Administrateur président de la société B.__ (depuis 07.04.2020)
  • Administrateur président de la société D.__ (depuis 25.06.2018)
  • Administrateur de la société E.__ (08.05.2019 – 10.05.2022), puis directeur (depuis 10.05.2022)

La société B.__, active dans l’orthopédie et le paramédical, est détenue à 100% par la société D.__, elle-même détenue à 100% par la société E.__. Au 01.05.2019, E.__ était détenue à parts égales (14,29%) par sept administrateurs, dont l’assuré et son frère.

Le 22.12.2022, l’assuré a été licencié par la société B.__ avec effet au 31.03.2023, officiellement pour suppression de poste. Il a demandé des indemnités de chômage à partir du 01.04.2023.

Le 20.03.2023, l’assuré a requis l’octroi d’une indemnité de chômage à compter du 01.04.2023. L’assuré affirme qu’il était subordonné au directeur de la société B.__ et que son licenciement n’était pas lié à sa position d’administrateur. Il considère sa part de 14,29% dans la société E.__ comme insuffisante pour influencer les décisions.

Une assemblée générale de la société E.__ du 22.06.2023 a validé le rachat des actions de l’assuré pour 928’200 francs.

L’assuré a connu diverses périodes d’incapacité de travail entre août 2021 et septembre 2022, avant d’être reconnu pleinement apte dès le 01.10.2022.

La caisse de chômage a refusé l’octroi d’indemnités à partir du 03.04.2023, en raison de la position d’administrateur de l’assuré dans la société B.__ jusqu’au 10.05.2023 et de sa qualité d’actionnaire de la société E.__, société possédant entre autres la société B.__.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/157/2024 – consultable ici)

La cour cantonale a estimé que l’inscription de l’assuré au registre du commerce comme administrateur de la société B.__ l’excluait du droit aux indemnités dès le 03.04.2023. Sa démission effective des conseils d’administration a été actée le 05.05.2023 pour la société B.__ et le 09.05.2023 pour la société D.__, selon les inscriptions officielles. Bien que l’assuré ne puisse plus formellement influencer les décisions de son ancien employeur à partir du 09.05.2023, un risque de mise à contribution abusive de l’assurance-chômage demeurait. Ce risque était notamment caractérisé par le lien de parenté étroit avec son frère, administrateur président de la société B.__, disposant d’un pouvoir décisionnel significatif au sein du conseil d’administration. Dans un courrier du 08.12.2022, un autre administrateur de la société B.__ et le frère de l’assuré avaient proposé à l’assuré un poste de technicien en podologie à un taux d’activité de 100% pour un salaire mensuel brut de 8’000 fr. avec effet au 01.04.2023, proposition refusée par l’assuré. Il existait un risque d’abus puisque l’assuré gardait la possibilité d’être réengagé, par le biais de son frère, et d’exercer une activité du même type au sein de la société B.__ qui l’avait licencié.

Par jugement du 08.03.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
D’après la jurisprudence (ATF 123 V 234), un travailleur qui jouit d’une situation professionnelle comparable à celle d’un employeur – ou son conjoint –, n’a pas droit à l’indemnité de chômage (art. 8 ss LACI) lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise, il continue de fixer les décisions de l’employeur ou à influencer celles-ci de manière déterminante. Dans le cas contraire, en effet, on détournerait par le biais d’une disposition sur l’indemnité de chômage la réglementation en matière d’indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail, en particulier l’art. 31 al. 3 let. c LACI. Selon cette disposition, n’ont pas droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail, notamment, les personnes qui fixent les décisions que prend l’employeur – ou peuvent les influencer considérablement – en qualité d’associé, de membre d’un organe dirigeant de l’entreprise ou encore de détenteur d’une participation financière à l’entreprise.

Lorsque le salarié qui se trouve dans une position assimilable à celle d’un employeur quitte définitivement l’entreprise en raison de la fermeture de celle-ci, il n’y a pas de risque que les conditions posées par l’art. 31 al. 3 let. c LACI soient contournées. Il en va de même si l’entreprise continue d’exister, mais que l’assuré rompt définitivement tout lien avec elle après la résiliation des rapports de travail. Dans un cas comme dans l’autre, il peut en principe prétendre des indemnités journalières de chômage.

Consid. 4.2
Lorsqu’il s’agit de déterminer quelle est la possibilité effective d’un dirigeant d’influencer le processus de décision de l’entreprise, il convient de prendre en compte les rapports internes existant dans l’entreprise (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 41 ad art. 31). On établira l’étendue du pouvoir de décision en fonction des circonstances concrètes (ATF 145 V 200 consid. 4.2 et les références). Une exception à ce principe existe lorsque le pouvoir de décision déterminant découle déjà (impérativement) de la loi elle-même. C’est notamment le cas des associés d’une Sàrl (art. 804 ss CO) ainsi que des administrateurs (collaborateurs) d’une SA, pour lesquels la loi prescrit, en leur qualité de membres du conseil d’administration, diverses tâches intransmissibles et inaliénables (art. 716 à 716b CO) qui déterminent ou influencent de manière déterminante les décisions de l’employeur (ATF 123 V 234 consid. 7a; ATF 122 V 270 consid. 3; SVR 2020 ALV n° 15 p. 46, 8C_433/2019 du 20 décembre 2019 consid. 4.2; DTA 2018 p. 101, 8C_412/2017 du 10 janvier 2018 consid. 3.2; DTA 2016 p. 224, 8C_738/2015 du 14 septembre 2016 consid. 3.2). Pour ces derniers, le droit aux prestations peut dès lors être exclu sans qu’il soit nécessaire de déterminer plus concrètement les responsabilités qu’ils exercent au sein de la société (ATF 122 V 270 consid. 3 précité; arrêt 8C_738/2015 du 14 septembre 2016 consid. 3.2). Dans ce contexte, le droit aux prestations est exclu jusqu’au moment de la démission effective du conseil d’administration (ATF 126 V 134 consid. 5b).

Consid. 6.2 [résumé]
L’assuré argue avoir été révoqué de ses mandats d’administrateur avec effet immédiat après son licenciement le 22.12.2022. Il invoquait une dégradation du climat de travail depuis 2020, son exclusion des discussions, un « burn-out » ayant entraîné une incapacité de travail, une réduction de sa rémunération et la suppression de ses responsabilités. Il affirmait avoir été complètement exclu de la société dès décembre 2022 et n’avait plus eu aucun contact avec les membres de la direction qu’il côtoyait depuis vingt ans.

S’agissant du mandat d’administrateur, les éléments invoqués par l’assuré ne sont pas étayés par des preuves ou des offres de preuve autres que celle de l’audition de l’assuré. Les juges cantonaux pouvaient écarter ce moyen de preuve sur la base d’une appréciation anticipée des preuves (cf. ATF 145 I 167 consid. 4.1; 144 II 427 consid. 3.1.3) sans violer le droit d’être entendu de l’assuré. Ce dernier n’a d’ailleurs requis l’audition d’aucun autre témoin à propos de son mandat d’administrateur jusqu’à sa radiation du registre du commerce. Dans ces conditions, on ne saurait reprocher à la juridiction cantonale de ne pas avoir admis qu’il avait effectivement démissionné du conseil d’administration avant sa radiation au registre du commerce comme administrateur de la société B.__ le 05.05.2023 et de la société D.__ le 09.05.2023 sans autre mesure d’instruction. La juridiction cantonale n’a donc pas violé le droit fédéral en constatant que jusqu’à cette dernière date en tous les cas, l’assuré ne pouvait pas prétendre à l’indemnité de chômage.

Consid. 6.3.1
Reste à examiner si, pour la période postérieure à cette date, la juridiction cantonale a exclu à tort le droit aux prestations en raison d’un risque que l’assuré se fasse réengager par le biais de son frère.

Consid. 6.3.2
Le Tribunal fédéral a retenu que l’art. 31 al. 3 let. c LACI exclut du droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail et, par analogie, du droit à l’indemnité de chômage (ATF 123 V 236 consid. 7) les personnes assimilées à des employeurs elles-mêmes ainsi que leurs conjoints travaillant dans l’entreprise. Les autres parents ne sont pas mentionnés dans cette disposition.

Consid. 6.3.3
La cour cantonale a appliqué l’art. 31 al. 3 let. c LACI en se fondant sur un cas ayant donné lieu à l’arrêt 8C_401/2015 du 5 avril 2016. Dans l’arrêt précité, l’assuré avait fondé une société dont il était l’unique associé et gérant au bénéfice de la signature individuelle. Après son licenciement au 30.06.2012, il avait conservé ses qualités d’associé unique et gérant jusqu’au 14.11.2012, date à laquelle il avait cédé sa part sociale à sa mère qui était devenue l’unique associée et gérante, au bénéfice de la signature individuelle. La dissolution de la société avait été prononcée le 05.02.2013 et la mère de l’assuré avait été nommée liquidatrice. Une autre société ayant un but social quasi-identique avait par ailleurs été inscrite au registre du commerce le 21.06.2012 et le 17.05.2013, la mère de l’assuré avait été inscrite en qualité d’administratrice unique, au bénéfice de la signature individuelle. Il avait été retenu que l’assuré occupait par le biais de sa mère une position assimilable à celle d’un employeur au sein de la première société jusqu’à la date de sa radiation au registre du commerce le 10.09.2013. A partir du 11.09.2013, il avait été constaté qu’il existait un risque que la mère de l’assuré, en sa qualité d’administratrice unique de la seconde société, engageât son fils et que, partant, ce dernier occupât une position de fait assimilée à celle d’un employeur au sein de cette société et lui conférant un pouvoir décisionnel excluant tout droit à l’indemnité de chômage.

Le cas d’espèce n’est pas comparable. Si le frère de l’assuré est l’administrateur président de la société B.__, il n’en est pas – comme la mère de l’assuré dans l’arrêt 8C_401/2015 – l’administrateur unique. Il ne dispose pas non plus d’un droit de signature individuelle mais d’un droit de signature collective à deux avec un autre administrateur. Au demeurant, la société B.__ n’est pas détenue par le frère de l’assuré mais par une holding (la société D.__), laquelle est elle-même détenue par sept actionnaires, ayant chacun une part égale non majoritaire. On ne voit aucun indice, dans l’enchaînement des faits et la date de la création des différentes sociétés, de contournement des règles posées par l’art. 31 al. 3 let. c LACI. Dans de telles circonstances, cette disposition, même par analogie, ne constitue pas une base légale suffisante pour exclure le droit aux prestations dès lors qu’elle ne fait aucune mention de la parenté de l’employeur hormis le conjoint.

Vu ce qui précède, la cour cantonale a violé le droit en retenant que l’assuré n’avait pas droit à une indemnité de chômage postérieurement au 09.05.2023, au motif qu’il bénéficiait encore d’une position assimilable à celle d’un employeur. Il convient en conséquence de renvoyer la cause à la caisse de chômage pour qu’elle vérifie si les autres conditions – non examinées ici – du droit à l’indemnité de chômage sont remplies et rende ensuite une nouvelle décision.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_230/2024 consultable ici

 

Rapport sur la protection sociale des indépendants

Rapport sur la protection sociale des indépendants

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 06.12.2024 consultable ici

Les indépendants ne bénéficient pas de la même protection sociale que les salariés. Toutefois, mettre en place un régime obligatoire visant à améliorer leur couverture sociale serait difficilement réalisable, tant sur le plan technique que financier. Tel est le constat que dresse le Conseil fédéral dans un rapport adopté lors de sa séance du 6 décembre 2024. Il salue donc les initiatives privées qui encouragent les indépendants à se constituer des réserves.

La couverture sociale des indépendants diffère de celle des salariés. Les indépendants ne sont pas soumis à la prévoyance professionnelle obligatoire (caisse de pension) ni à l’assurance-accidents obligatoire. S’ils souhaitent disposer d’une couverture maladie, ils doivent prendre leurs propres dispositions, par exemple en souscrivant une assurance d’indemnités journalières. Les salariés, en revanche, ont dans ce cas droit au maintien de leur salaire pendant un certain temps. De plus, les indépendants n’ont jusqu’à présent aucune possibilité de se couvrir contre la perte d’activité (baisse de mandats ou commandes) ou contre le chômage.

 

Des solutions techniquement complexes et très coûteuses

Dans son rapport en réponse au postulat 20.4141 (Benjamin Roduit), le Conseil fédéral a analysé comment améliorer la protection sociale des indépendants. Il a ainsi examiné trois modèles : la création d’une assurance facultative destinée aux indépendants dans le cadre de l’assurance-chômage (AC), l’intégration d’une telle assurance dans le régime des allocations pour perte de gain (APG) et la constitution d’une réserve obligatoire.

Après examen, le Conseil fédéral est parvenu à la conclusion que l’intégration n’est réalisable ni dans l’AC ni dans le régime des APG. La mise en œuvre serait techniquement complexe et pourrait entraîner des coûts élevés. Une assurance-chômage facultative pour les indépendants serait peu attrayante. Comme ce sont surtout les personnes présentant un risque élevé qui chercheraient à s’assurer, les cotisations seraient donc également élevées. Une assurance obligatoire ne ferait pas disparaître les incitations inopportunes et nécessiterait un aménagement plus que restrictif. Il serait difficile de définir des critères clairs pour déterminer si la personne est en situation de sous-emploi de façon «délibérée» (par ex. efforts insuffisants pour obtenir des mandats) ou non. Il faut également éviter un subventionnement croisé par les salariés au profit des indépendants, qui constituerait un obstacle supplémentaire à l’intégration de cette couverture dans les systèmes préexistants.

Le Conseil fédéral salue les initiatives privées qui encouragent les indépendants à se constituer des réserves, à l’exemple du modèle développé par le syndicat Syndicom. En effet, il est indispensable pour les indépendants de disposer de réserves pour résister à des périodes d’activité ralentie (carnet de commandes en berne) et à des pertes temporaires. Instaurer un régime obligatoire réservé aux seuls indépendants présenterait toutefois de nombreux inconvénients. En cas d’introduction d’une épargne obligatoire des indépendants, il serait notamment difficile de l’imposer et d’exercer un contrôle.

Le postulat a été déposé pendant la pandémie de COVID-19. Alors que les employeurs avaient pu faire valoir leur droit aux indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail pour leurs salariés, il n’y avait, au début de la crise, aucune couverture équivalente pour les indépendants. C’est pourquoi le Conseil fédéral avait mis en place, en mars 2020, l’allocation pour perte de gain COVID-19 visant à compenser en partie la diminution du revenu des indépendants à la suite des mesures prises par les autorités.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 06.12.2024 consultable ici

Rapport du Conseil fédéral du 06.12.2024 donnant suite au postulat 20.4141 Roduit disponible ici

Article de Stella Boleki, Une assurance contre le risque du chômage des indépendants n’est pas réalisable, in Sécurité sociale CHSS du 06.12.2024, disponible ici

 

CSSS-E : Accès facilité aux indemnités de chômage pour les personnes ayant une position analogue à celle d’un employeur

CSSS-E : Accès facilité aux indemnités de chômage pour les personnes ayant une position analogue à celle d’un employeur

 

Communiqué de presse du Parlement du 27.08.2024 consultable ici

 

Par 9 voix contre 1, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats (CSSS-E) a soutenu le projet de son homologue du Conseil national visant à mettre en œuvre l’iv. pa. Silberschmidt «Les entrepreneurs qui versent des cotisations à l’assurance-chômage doivent être assurés eux aussi contre le chômage» (20.406) au vote sur l’ensemble, en proposant une petite modification d’ordre rédactionnel. La commission était entrée en matière sur le projet par 9 voix contre 0 et 1 abstention. Ce dernier vise à ce que les personnes ayant une position analogue à celle d’un employeur qui perdent leur emploi et qui ont travaillé auparavant au moins deux ans dans une entreprise puissent avoir droit plus facilement à l’indemnité de chômage. Contrairement à la réglementation en vigueur, ils ne seront plus obligés de prouver qu’ils ont au préalable rompu complètement leurs liens avec l’entreprise, lesquels peuvent prendre la forme d’une participation minoritaire ou d’un mariage. En outre, le projet règle le montant des indemnités journalières, les délais d’attente et les conditions de remboursement pour ces cas.

 

Communiqué de presse du Parlement du 27.08.2024 consultable ici

 

Initiative parlementaire «Les entrepreneurs qui versent des cotisations à l’assurance-chômage doivent être assurés eux aussi contre le chômage» – Avis du Conseil fédéral

Initiative parlementaire «Les entrepreneurs qui versent des cotisations à l’assurance-chômage doivent être assurés eux aussi contre le chômage» – Avis du Conseil fédéral

 

Avis du Conseil fédéral du 10.04.2024 publié in FF 2024 973

 

Contexte

Le 12 mars 2020, le conseiller national Andri Silberschmidt a déposé l’initiative parlementaire 20.406 «Les entrepreneurs qui versent des cotisations à l’assurance-chômage doivent être assurés eux aussi contre le chômage». L’initiative parlementaire demande que la loi sur l’assurance-chômage (LACI) soit modifiée de manière à ce que les personnes qui occupent une position assimilable à celle d’un employeur et les conjoints qui travaillent dans l’entreprise aient le même droit aux indemnités de l’assurance-chômage (AC) que les salariés qui n’ont pas une position assimilable à celle d’un employeur, ou qu’ils puissent être libérés du paiement des cotisations.

L’initiative parlementaire a été déposée au début de la pandémie de COVID-19, lorsque de nombreuses entreprises et commerces ont été temporairement fermés ou ont vu leur activité limitée sur ordre des autorités. Afin d’atténuer les conséquences économiques pour les entreprises et les personnes concernées, le Conseil fédéral a pris des mesures extraordinaires et a décidé, entre autres, d’adapter l’instrument de l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) en fonction de l’évolution de la situation. Ces adaptations comprenaient notamment un élargissement à court terme des ayants droit aux travailleurs ayant une position assimilable à celle d’un employeur. Compte tenu du risque croissant d’abus lors de l’assouplissement des restrictions des activités économiques, ce droit à l’indemnité en cas de RHT a été remplacé après quelques mois déjà par les allocations pour perte de gain COVID-19. Contrairement à l’indemnité en cas de RHT, le droit à l’indemnité de chômage (IC) existait déjà pour les chômeurs qui avaient auparavant travaillé en tant qu’employés dans une position assimilable à celle d’un employeur. Néanmoins, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a décidé, lors de sa séance du 18 août 2022, d’étendre le droit à l’IC aux personnes ayant une position assimilable à celle d’un employeur. En revanche, elle a renoncé délibérément à étendre le droit à l’indemnité en cas de RHT. La commission a élaboré un projet en ce sens avec une solution de la majorité et une solution de la minorité et l’a mis en consultation.

La solution de la majorité vise à étendre ou à accélérer l’accès à l’IC pour les personnes qui conservent une position assimilable à celle d’un employeur. Elle contient deux propositions de minorité (Aeschi Thomas et Meyer Mattea) qui prévoient des conditions supplémentaires contre le risque d’abus. La solution de la minorité prévoit en revanche d’exempter de l’obligation de payer des cotisations à l’AC les personnes ayant une position assimilable à celle d’un employeur.

Le 22 février 2024, la CSSS-N a pris connaissance des résultats de la consultation. Sur cette base, une majorité de la CSSS-N a légèrement adapté les dispositions du projet modifiant la LACI en faveur des personnes qui occupent une position assimilable à celle d’un employeur et qui changent fréquemment d’emploi ou exercent des emplois de durée déterminée, afin de faire des concessions en faveur des acteurs de la branche culturelle. Ces personnes se trouvent en principe plus souvent dans des rapports de travail qui changent fréquemment ou sont de durée déterminée et il peut être plus difficile pour elles de se conformer aux dispositions de l’art. 8, al. 3, let. c, du projet de modification de la LACI (P-LACI). De même, l’art. 95, al. 1quater, P-LACI ne leur est pas applicable; par conséquent, elles ne doivent pas rembourser l’IC si elles retournent travailler dans l’entreprise où elles occupent une position assimilable à celle d’un employeur. La CSSS-N demande en outre de procéder à une évaluation cinq ans après l’entrée en vigueur des modifications de la loi, accompagnée le cas échéant de propositions d’adaptation. La commission a adopté son projet de loi à l’intention du Conseil national et a transmis son rapport3 au Conseil fédéral pour avis.

Dans son évaluation, le Conseil fédéral s’appuie notamment sur l’avis de la Commission de surveillance du fonds de compensation de l’assurance-chômage, qui conseille le Conseil fédéral sur les questions législatives dans le domaine de l’AC.

 

Synthèse de l’avis du Conseil fédéral

Les personnes ayant une position assimilable à celle d’un employeur et les conjoints travaillant dans l’entreprise ont déjà droit aujourd’hui aux prestations de l’AC. En raison du risque inhérent d’abus, certaines conditions s’appliquent à cet égard. Si ces conditions sont assouplies, le risque d’aléa moral et le potentiel d’abus augmentent considérablement, en particulier si les personnes concernées peuvent influencer, voire déterminer, leurs rapports de travail et donc leur risque de se retrouver au chômage. La solution de la majorité entraîne une indemnisation des risques des entreprises par l’AC, ce qui va à l’encontre de la finalité de l’AC. Tant la solution de la majorité que celle de la minorité conduisent à une augmentation de la bureaucratie en raison du travail supplémentaire de clarification et de contrôle nécessaire pour lutter contre le risque accru d’abus, ce qui ne se justifie pas pour octroyer un accès plus rapide à l’IC aux personnes ayant une position assimilable à celle d’un employeur. En outre, il n’est pas certain que les personnes occupant une position assimilable à celle d’un employeur accéderont de manière générale plus rapidement à l’IC.

 

Proposition du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral propose au Parlement de ne pas entrer en matière sur le projet de la CSSS-N.

 

 

Avis du Conseil fédéral du 10.04.2024 publié in FF 2024 973

Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 22 février 2024 publié in FF 2024 731

Initiative parlementaire Silberschmidt 20.406 «Les entrepreneurs qui versent des cotisations à l’assurance-chômage doivent être assurés eux aussi contre le chômage» consultable ici

 

Assurance-chômage : accès déjà garanti pour les travailleurs qui occupent une position assimilable à celle d’un employeur

Assurance-chômage : accès déjà garanti pour les travailleurs qui occupent une position assimilable à celle d’un employeur

 

Communiqué de presse du DEFR du 10.04.2024 consultable ici

 

Les travailleurs qui occupent une position assimilable à celle d’un employeur ont accès aujourd’hui déjà à l’indemnité de chômage lorsqu’ils sont au chômage. Le 10 avril 2024, le Conseil fédéral a adopté son avis concernant un rapport de la CSSS-N sur le sujet. D’après lui, le projet de la commission reviendrait à atténuer les risques entrepreneuriaux à l’aide de l’assurance-chômage, ce qui n’est pas l’objectif de l’assurance.

Le rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) porte sur l’initiative parlementaire Silberschmidt intitulée «Les entrepreneurs qui versent des cotisations à l’assurance-chômage doivent être assurés eux aussi contre le chômage». Cette initiative demande une modification de la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité (loi sur l’assurance-chômage, LACI).

 

Le Conseil fédéral favorable au maintien de la réglementation actuelle

Le Conseil fédéral est d’avis que la réglementation actuelle de la LACI représente un bon compromis entre le statut particulier, au sein de l’entreprise, des travailleurs ayant une position assimilable à celle d’un employeur et la prise en compte du risque d’abus que cette position entraîne. La LACI permet aujourd’hui déjà à une personne qui occupe une position assimilable à celle d’un employeur d’obtenir l’indemnité de chômage lorsqu’elle est au chômage, et ce dès qu’elle a renoncé définitivement à occuper cette position. Le Conseil fédéral soutient donc l’avis exprimé par la Conférence des chefs des départements cantonaux de l’économie publique (CDEP) et par la majorité des cantons dans le cadre de la consultation, avis selon lequel la réglementation actuelle correspond pleinement au principe d’assurance, autrement dit que l’assurance-chômage n’a pas pour objectif d’atténuer les risques entrepreneuriaux. Le Conseil fédéral est donc favorable au maintien du statu quo.

 

Communiqué de presse du DEFR du 10.04.2024 consultable ici

Rapport du 22 février 2024 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (version provisoire) disponible ici

Prise de position de la Commission de surveillance du fonds de compensation de l’assurance-chômage (CS AC) du 23.02.2024 disponible ici

Initiative parlementaire Silberschmidt 20.406 «Les entrepreneurs qui versent des cotisations à l’assurance-chômage doivent être assurés eux aussi contre le chômage» consultable ici

 

I lavoratori in posizione analoga a quella di datore di lavoro hanno già accesso all’AD, communicato stampa del Dipartimento federale dell’economia, della formazione e della ricerca , 10.04.2024, disponibile qui

Arbeitnehmer in arbeitgeberähnlicher Stellung haben bereits Zugang zur ALV, Medienmitteilung des Eidgenössischen Departements für Wirtschaft, Bildung und Forschung, 10.04.2024, hier abrufbar