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6B_1108/2021 (d) du 27.04.2023, destiné à la publication – Obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale : définition des critères permettant de retenir un cas de peu de gravité / 148a CP

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1108/2021 (d) du 27.04.2023, destiné à la publication

 

Arrêt consultable ici

Communiqué de presse du TF du 01.06.2023 disponible ici

 

Obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale : définition des critères permettant de retenir un cas de peu de gravité – 148a CP

Le Tribunal fédéral définit les critères permettant de déterminer si, en cas d’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale, il y a lieu de retenir un cas de peu de gravité, qui ne justifie pas une expulsion. Lorsque le montant du délit est inférieur à 3’000 francs, il s’agit toujours d’un cas de peu de gravité, lorsqu’il est supérieur à 36’000 francs, un cas de peu de gravité est en général exclu. Pour les montants intermédiaires, il convient d’examiner au cas par cas si l’on est encore en présence d’un cas de peu de gravité.

 

Un bénéficiaire de l’aide sociale d’origine étrangère a perçu des avoirs de libre passage s’élevant à 18’400 francs sans le déclarer aux services sociaux. À leur demande, il a ensuite présenté des pièces justificatives du versement de la prestation de libre passage. En 2019, le Tribunal de district de Zurich l’a condamné à une peine pécuniaire pour obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale (art. 148a al. 1 CP) et a prononcé son expulsion pour une durée de cinq ans. La Cour suprême du canton de Zurich a confirmé le verdict de culpabilité et l’expulsion.

Le Tribunal fédéral admet le recours de l’intéressé. Il retient qu’il s’agit d’un cas de peu de gravité et qu’une expulsion n’entre dès lors pas en considération. La loi ne règle pas la question de savoir si l’on se trouve ou non en présence d’un cas de peu de gravité (art. 148a al. 2 CP). Dans l’intérêt de la sécurité du droit, il est en principe indiqué de fixer certaines limites chiffrées. Il convient de respecter simultanément les prescriptions du Message du Conseil fédéral et de tenir compte d’autres éléments déterminants pour l’appréciation de la culpabilité de l’auteur. En se basant sur le Message et les avis de doctrine, le Tribunal fédéral fixe un seuil de 3’000 francs quant au montant du délit, en deçà duquel il y a toujours lieu de retenir un cas de peu de gravité. Lorsque ce montant est supérieur à 36’000 francs, il ne s’agit en règle générale plus d’un cas de peu de gravité. Pour les montants intermédiaires, un examen approfondi des circonstances particulières du cas concret s’impose. La culpabilité peut sembler moindre lorsque l’obtention illicite de la prestation a été de courte durée, que le comportement de l’auteur ne traduit pas une intention marquée d’enfreindre la loi ou qu’on peut comprendre ses motivations ou ses buts. Il est à noter qu’en cas de procédé astucieux de l’auteur, il convient d’examiner, indépendamment du montant du délit, si les éléments constitutifs de l’infraction d’escroquerie sont réalisés et si une expulsion doit par conséquent être prononcée.

En l’espèce, le recourant n’a passé sous silence qu’un unique versement ; les services sociaux avaient connaissance de l’existence de l’avoir de libre passage. L’intéressé devait s’attendre à ce que le versement soit découvert et que la problématique soit abordée. Il a volontairement présenté les justificatifs correspondants lorsque cela lui a été demandé. Dans l’ensemble, l’intention de l’auteur d’enfreindre la loi peut être considérée comme relativement peu marquée. Il s’agit ainsi en définitive d’un cas de peu de gravité, la question de l’expulsion ne doit par conséquent pas être examinée. L’instance précédente devra rendre un verdict de culpabilité en lien avec un cas de peu de gravité et fixer une peine appropriée.

 

 

Arrêt 6B_1108/2021 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 01.06.2023 disponible ici

 

Ottenimento illecito di prestazioni di un’assicurazione sociale o dell’aiuto sociale: definiti i criteri per i casi poco gravi, comunicato stampa del Tribunale federale, 01.06.2022

Unrechtmässiger Bezug von Sozialleistungen oder Sozialhilfe: Kriterien für leichten Fall definiert, Medienmitteilung des Schweizerischen Bundesgerichts, 01.06.2023

 

8C_501/2021 (d) du 14.07.2022 – Révision d’une rente d’invalidité – 17 LPGA / L’exploitation de photos accessibles au public dans les médias sociaux pas considérée comme une violation de la sphère privée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_501/2021 (d) du 14.07.2022

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Révision d’une rente d’invalidité / 17 LPGA

L’exploitation de photos accessibles au public dans les médias sociaux pas considérée comme une violation de la sphère privée

 

Assuré, né en 1963, a déposé une nouvelle demande AI en juin 2003, après une première demande infructueuse. Après instruction et expertise pluridisciplinaire, l’office AI a octroyé à l’assuré, par décision du 18.09.2007, une rente d’invalidité entière dès octobre 2003 en raison de troubles psychiques et de problèmes de dos (degré d’invalidité : 84 %). La rente a été maintenue après révision en décembre 2012.

Début février 2015, l’office AI a engagé une nouvelle procédure de révision. A cette occasion, il a demandé au SMR de procéder à des examens orthopédiques et psychiatriques (rapports de juillet 2017). Après avoir reçu une information téléphonique anonyme selon laquelle l’assuré percevait une rente d’invalidité sans être limité en conséquence, l’office AI a demandé une conservation de la preuve sur place (Beweissicherung vor Ort ci-après : BvO). L’office AI a soumis les résultats au SMR pour appréciation (prises de position octobre et novembre 2017) et a ensuite donné à l’assuré la possibilité de s’exprimer à ce sujet. Par décision du 19.10.2018, l’office AI a supprimé la rente d’invalidité au 30.06.2017, étant donné qu’il avait été établi, au vu de l’observation et des évaluations médicales complémentaires, qu’il n’y avait plus de restrictions psychiques au plus tard à partir de juillet 2017 (taux d’invalidité : 10 %). En conséquence, la restitution des prestations de rente perçues du 01.07.2017 au 28.02.2018 (total : CHF 16’820) a été exigée (décision du 24.10.2018).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 10.06.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Les résultats d’une observation, combinés à une évaluation médicale du dossier, peuvent en principe constituer une base suffisante pour établir les faits concernant l’état de santé et la capacité de travail de la personne assurée (ATF 140 V 70 consid. 6.2.2 avec référence ; arrêt 8C_54/2020 du 26 mai 2020 consid. 2).

Consid. 4.1
L’instance cantonale a qualifié la BvO d’indispensable et ses résultats d’exploitables. Elle a ensuite considéré comme probantes les évaluations du dossier faites par le SMR en octobre et novembre 2017, selon lesquelles il existait chez l’assuré une pleine capacité de travail pour des activités adaptées au plus tard dès juillet 2017. Au vu de ce qui précède, la cour cantonale a considéré qu’il existait un motif de révision au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA. […] Pour la comparaison des revenus (art. 16 LPGA), l’instance cantonale a utilisé la même valeur statistique pour le revenu sans invalidité et d’invalide (ESS 2016, tableau TA1, niveau de compétence 1, total, hommes). Après avoir procédé à un abattement de 10%, elle a confirmé la suppression de la rente – ainsi que la demande de restitution des prestations de rente perçues du 01.07.2017 au 28.02.2018. Le tribunal cantonal a nié un droit à des mesures de réadaptation.

Consid. 5.1
En ce qui concerne les griefs en lien avec la BvO, il convient de se référer à la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 143 I 377), correctement citée par le tribunal cantonal, concernant la mise en œuvre, dans le droit de l’assurance-invalidité, de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 18 octobre 2016 (dans la cause Vukota-Bojic c. Suisse [61838/10]). Selon cette jurisprudence, il est certes établi que l’observation de l’assuré était en soi inadmissible au moment de sa mise en œuvre, en l’absence d’une base légale suffisamment claire et détaillée (pour la situation juridique depuis le 01.10.2019 : art. 43a et 43 b LPGA). Comme l’a justement considéré l’instance cantonale, la jurisprudence ne prévoit toutefois pas d’interdiction de principe d’exploiter les données. Au contraire, les éléments recueillis sur la base d’une observation illicite peuvent être exploitables sur la base d’une pesée minutieuse des intérêts privés et publics (cf. art. 152 al. 2 CPC) (ATF 143 I 377 consid. 5 ; idem : arrêt 6B_428/2018 du 31 juillet 2019 consid. 1.4). Le tribunal cantonal a procédé à une telle évaluation. On ne voit pas en quoi les constatations qu’il a faites à ce sujet sont manifestement inexactes (arbitraires) et en quoi les conclusions qu’il en a tirées – selon lesquelles les intérêts privés de l’assuré n’auraient été que faiblement touchés par l’observation et que, par conséquent, les résultats de celle-ci seraient exploitables – seraient entachées d’une erreur de droit.

Si le recourant conteste en outre le caractère exploitable des photos qui ont été sauvegardées sur Facebook, il existe également une pratique bien établie à ce sujet, selon laquelle l’exploitation de telles publications accessibles au public dans les médias sociaux ne doit pas être considérée comme une violation de la sphère privée (cf. parmi d’autres : arrêts 8C_292/2019 du 27 août 2019 consid. 3.2.3 ; 8C_909/2017 du 26 juin 2018 consid. 6.2). La cour cantonale ayant également correctement reproduit et appliqué ces principes, les objections soulevées à leur encontre dans le recours ne sont pas suffisantes.

 

Consid. 5.2
Les arguments relatifs au soupçon initial ne sont pas non plus d’une grande aide, pour autant qu’ils aient encore une importance décisive au vu de ce qui précède (cf. arrêt 8C_54/2020 du 26 mai 2020 consid. 8.1 et les références). Dans ce contexte, la cour cantonale a constaté que l’assuré n’avait plus consulté ses médecins traitants depuis l’année 2014, respectivement 2015. De plus, il n’était pas souvent joignable par écrit ou par téléphone. Ensuite, selon les indications de sa caisse-maladie, il ne se procurait pas régulièrement les médicaments prescrits, ce que l’examen de laboratoire effectué lors de l’exploration par le SMR a confirmé. Lors de son examen du 4 juillet 2017, l’orthopédiste du SMR a relevé des différences entre la mobilité active et la mobilité passive. Le psychiatre du SMR a conclu, sur la base du comportement théâtral, des indications vagues et des plaintes subjectives prononcées de l’assuré, qu’il existait des indices d’une aggravation des troubles, qui ne pouvaient toutefois pas être prouvés sur la base du seul examen (rapport d’examen du 27 juillet 2017).

En d’autres termes, contrairement à ce qu’affirme l’assuré, il existait, en dehors de la dénonciation téléphonique anonyme, des indices tout à fait valables et concrets qui justifiaient au moins le soupçon d’une perception illégale de la rente d’invalidité. Par conséquent, l’observation effectuée semble tout à fait justifiée (à ce sujet, cf. entre autres : ATF 143 I 377 consid. 5.1.2 ; 137 I 327 consid. 5.4.2.1 ; SVR 2017 IV Nr. 89 S. 277, 8C_69/2017 E. 5.1 ; arrêt 9C_294/2018 du 28 novembre 2018 consid. 3.3).

Consid. 5.3
Dans ce contexte, une violation de la CEDH, du droit fédéral ou de droits constitutionnels cantonaux (cf. art. 95 let. a-c LTF) est exclue.

 

Consid. 6.3
L’argument de l’assuré – le fait que le psychiatre traitant n’est consulté qu’à des intervalles de plusieurs mois ne change rien à l’incapacité durable de travail – tombe à faux. En effet, pour déterminer le droit à une rente, il est en principe déterminant, indépendamment du diagnostic et sans tenir compte de l’étiologie, de savoir si et dans quelle mesure il existe une atteinte à la capacité de travail ou de gain (ATF 143 V 409 consid. 4.2.1 ; arrêt 8C_465/2019 du 12 novembre 2019 consid. 6.2.3 ; cf. en outre ATF 148 V 49 consid. 6.2.2). Il ressort clairement de la prise de position du psychiatre du SMR que, compte tenu des résultats de la BvO, il n’est pas possible, au degré de la vraisemblance prépondérante, de poser un diagnostic ayant un effet durable sur la capacité de travail d’un point de vue psychiatrique. Ainsi, des explications plus détaillées sur la fréquence du traitement s’avèrent en soi superflues (cf. ATF 143 V 409 consid. 4.5.3 ; arrêt 8C_270/2019 du 5 septembre 2019 consid. 4.2.2).

 

Consid. 8.1
[…] Dans les cas où la réduction ou la suppression, par révision du droit à la rente concerne une personne assurée qui est âgée de 55 ans révolus ou qui a bénéficié d’une rente pendant quinze ans au moins, des mesures de réadaptation doivent en règle générale être prises (cf. ATF 145 V 209 consid. 5.1 et les références). Le droit à des mesures de réadaptation avant la suppression de la rente présuppose toutefois la volonté de réadaptation ou l’aptitude subjective à la réadaptation. En l’absence de celle-ci, le droit à des mesures de réadaptation est refusé sans qu’il soit nécessaire de procéder d’abord à une procédure de mise en demeure et de réflexion (SVR 2019 IV Nr. 3 S. 6, 8C_145/2018 consid. 7 et les références; arrêts 8C_285/2021 du 25 août 2021 consid. 5.4.1; 8C_233/2021 du 7 juin 2021 consid. 2.3 et les références).

Consid. 8.3
[…] La question de savoir si la limite d’âge de 55 ans ou la durée minimale de 15 ans de perception de la rente doit être fixée au moment de la suppression de la rente compte tenu de la présente violation de l’obligation d’annoncer (ceci à la différence de la constellation traitée dans l’arrêt 8C_104/2021 du 27 juin 2022 destiné à la publication) peut rester ouverte.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_501/2021 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_501/2021 (d) du 14.07.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/01/8c_501-2021)

 

Postulat Nantermod 22.3196 «Quelles mesures pour lutter contre les certificats médicaux de complaisance? » – Avis du Conseil fédéral

Postulat Nantermod 22.3196 «Quelles mesures pour lutter contre les certificats médicaux de complaisance? » – Avis du Conseil fédéral

 

Consultable ici

 

Texte déposé

Dans un rapport, le Conseil fédéral est prisé d’analyser les mesures qui pourraient être mises en œuvre pour lutter efficacement contre l’établissement de certificats médicaux de complaisance. Une statistique des cas avérés de fraude est aussi requise, notamment par un sondage auprès des employeurs.

 

Développement

Le Code des obligations garantit à l’employé le versement du salaire et le protège contre le licenciement en cas de maladie, durant une période variable en fonction de la durée des rapports de travail.

Si cette protection est incontestable, il arrive malheureusement que des soupçons de fraude soient constatés et que les employeurs se trouvent confrontés à des certificats médicaux de complaisance. Si les moyens d’action existent en théorie, ils sont complexes à mettre en œuvre et aboutissent rarement à des sanctions.

Or, des mesures pour lutter contre les cas de fraude existent. Certains cantons ont adopté par exemple les formulaires officiels pour les certificats médicaux, sur le modèle du droit du bail, qui rappellent aux professionnels de la santé les droits et devoirs du médecin. D’autres mesures pourraient être envisagées, notamment concernant des certificats médicaux rétroactifs ou de certificats délivrés sans consultation médicale.

Par ailleurs, une communication renforcée entre le médecin, l’employeur et l’employé optimise la convalescence des travailleurs malades ou accidentés et favorise leur réinsertion dans le processus de travail. Cela contribue à la réduction des arrêts de travail et donc à la diminution des coûts de la santé.

Le Conseil fédéral est aussi invité à analyser l’efficacité des mesures déjà entreprises et les statistiques des fraudes constatées. Ces statistiques devront reposer aussi sur une enquête auprès des employeurs.

 

Avis du Conseil fédéral du 18.05.2022

L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) ne dispose d’aucune donnée concernant des cas avérés de fraude en rapport avec des certificats médicaux. Ces infractions étant principalement sanctionnées par des tribunaux régionaux ou cantonaux, l’OFSP n’est pas en mesure d’établir de statistiques en la matière.

Le Conseil fédéral est toutefois disposé à faire analyser l’efficacité de certaines mesures de prévention des fraudes déjà mises en œuvre.

 

Proposition du Conseil fédéral du 18.05.2022

Le Conseil fédéral propose d’accepter le postulat.

 

 

Postulat Nantermod 22.3196 «Quelles mesures pour lutter contre les certificats médicaux de complaisance? » consultable ici

Postulato Nantermod 22.3196 “Quali misure per contrastare i certificati medici compiacenti?” disponibile qui

Postulat Nantermod 22.3196 «Welche Massnahmen gegen Gefälligkeitszeugnisse von Ärztinnen und Ärzten?» hier verfügbar

 

 

4A_378/2021 (f) du 12.10.2021 – Indemnités journalières LCA – Prétentions frauduleuses / 40 LCA

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_378/2021 (f) du 12.10.2021

 

Consultable ici

 

Indemnités journalières LCA – Prétentions frauduleuses / 40 LCA

 

A.__ (ci-après: l’assurée), dont le mari est actif au sein de la société, a signé un contrat de travail daté du 01.11.2016 avec C.__ SA (ci-après: la société). Aux termes de ce contrat, elle était engagée à plein temps (soit 42 heures par semaine en moyenne) dès le 06.11.2016 comme gestionnaire administrative pour un salaire mensuel de 5’000 fr. payable treize fois par an. Depuis lors, elle a été assurée auprès de l’assurance pour l’indemnité journalière en cas de maladie auprès de B.__ SA (ci-après: l’assurance).

Le 06.04.2017, la société a annoncé à l’assurance que l’assurée était en incapacité de travail à 100% depuis le 16.03.2017 en raison de troubles liés à sa grossesse.

Lors d’un entretien entre les parties le 17.08.2017, l’assurée a indiqué (1) que son activité consistait à effectuer le planning des ouvriers, à vérifier les factures et à répondre au téléphone mais qu’elle ne s’occupait pas des devis, des appels d’offres et des paiements, (2) que son patron écrivait les courriers et qu’il corrigeait les fautes quand elle en écrivait, (3) qu’elle n’avait pas de formation, (4) qu’elle avait travaillé un mois auprès de D.__ SARL et douze mois auprès de la société lui ayant succédé, soit D1.__ Sàrl, sociétés dans lesquelles son mari était associé, puis que, contrairement à ce qu’indiquait son relevé AVS, elle avait continué à travailler au noir pendant dix mois pour cette société-ci, qui a ensuite été mise en faillite, (5) que, lors de ses deux précédentes grossesses, elle n’avait jamais eu le moindre problème et qu’elle avait pu travailler jusqu’à la fin de celles-ci et (6) qu’elle contestait les doutes de l’assurance sur le fait qu’elle avait réellement travaillé à temps plein pour la société.

Le lendemain, E.__, gérante liquidatrice de D1.__ Sàrl, a indiqué à l’assurance que l’assurée n’avait jamais travaillé pour cette société, qu’elle ne l’avait jamais vue au bureau et qu’elle pensait qu’elle avait été engagée quand bien même elle était enceinte afin de toucher de l’argent sans travailler.

Sur demande de l’assurance, la précédente assurance perte de gain maladie de l’assurée a indiqué que celle-ci avait fait valoir des prestations en indemnités journalières suite à une grossesse difficile en 2015.

L’administrateur de la société a expliqué à l’assurance que l’assurée avait été engagée pour s’occuper de l’administratif de la société, qu’elle gérait l’aspect comptable, que son salaire était très élevé pour la tâche qu’elle effectuait et ne se justifiait pas vraiment, et que l’assurée était limitée par la langue et par son absence de qualification dans le domaine. Il a ajouté que son engagement avait été effectué suite à la demande du mari de l’assurée, qu’il ne savait pas si l’assurée avait du travail pour s’occuper 42 heures par semaine, qu’il avait le sentiment qu’elle travaillait bien, qu’il avait confiance en elle et qu’il n’était pas choqué par le fait que l’on puisse engager son épouse pour un salaire élevé, cette pratique étant selon lui répandue dans les entreprises de la place et normale à son sens. Il connaissait par ailleurs l’assurée, qui venait du même village que lui au Kosovo. Il a précisé que la situation économique de la société était précaire, qu’il s’agissait d’une société trop petite pour entreprendre la construction d’échafaudages et que tout le travail était sous-traité.

À teneur d’attestations signées par la société et l’assurée, celle-ci recevait son salaire en mains propres de la part de celle-là.

Le 19.04.2018, l’assurance a informé l’assurée qu’elle était déchue de son droit aux prestations, dès lors qu’elle n’était toujours pas, sept mois après la première demande et malgré une mise en demeure le 16 mars 2018, en possession des documents sollicités, soit la comptabilité de la société depuis sa création et les déclarations fiscales de l’assurée depuis 2015.

Le 21.12.2018, la société a annoncé à l’assurance que l’assurée était à nouveau en incapacité de travail à 100% depuis le 29.11.2018, avec une reprise de travail prévue pour le 03.01.2019.

Le 10.04.2019, l’assurance a informé l’assurée qu’une capacité de travail de 50% serait exigible d’elle dès le 15.04.2019 et de 100% au 01.05.2019 dans son emploi actuel et qu’elle cesserait de lui verser des indemnités journalières à compter du 30.04.2019.

Le 17.06.2019, la médecin de l’assurée a informé l’assurance que sa patiente n’avait pas été en mesure de reprendre le travail aux dates proposées et lui a demandé de reconsidérer sa décision.

Entre le 25.01.2019 et le 20.05.2019, l’assurance a versé 22’116 fr. 85 à l’assurée, ce qui correspond aux indemnités journalières du 19.12.2018 au 30.04.2019.

 

Procédure cantonale

L’assurée a ouvert action contre l’assurance. Quant à elle, l’assurance a conclu à l’irrecevabilité et, subsidiairement, au rejet de l’action et, à titre reconventionnel, à ce que l’assurée soit condamnée à lui payer 22’116 fr. 80, avec intérêts à 5% l’an dès le 31 mars 2019.

Par arrêt du 9 juin 2021 (arrêt ATAS/590/2021) notifié à l’assurée le 14 juin 2021, la Cour de justice a rejeté la demande de l’assurée et pleinement admis la demande reconventionnelle de l’assurance.

 

TF

La cour cantonale a retenu qu’il n’apparaissait pas crédible que l’assurée ait réellement eu une activité à plein temps pour la société. Elle juge par ailleurs que les déclarations de l’assurée ne sont pas convaincantes. Une activité de l’assurée à plein temps pour la société n’est pas crédible, au vu notamment (1) des compétences limitées de l’assurée, (2) des déclarations du premier témoin, (3) du fait que son mari n’a travaillé pour la société qu’à 20% entre 2017 et 2018 en raison d’un accident, que l’activité de la société reposait essentiellement sur lui et qu’on voit mal dans ces circonstances que la société ait pu générer du travail administratif à 100% pour l’assurée, qui n’était pas capable d’écrire un courrier, ne s’occupait pas de la comptabilité et ne se rendait manifestement pas sur les chantiers, (4) du fait que la société n’avait sans doute pas une grande activité depuis novembre 2016, au vu notamment de sa situation économique précaire, (5) du paiement du salaire de l’assurée de la main à la main, (6) de son annonce très tardive à l’Office cantonal des assurances sociales du canton de Genève pour les années 2016 et 2017 et (7) de la difficulté de l’assurance à obtenir la comptabilité de la société et les déclarations fiscales de l’assurée.

L’assurée fait valoir que son rôle de gestionnaire administrative est nécessaire et indispensable pour la gestion de la société, qu’il n’est pas fictif, qu’elle était la seule employée à s’occuper des aspects administratifs de la société, qu’elle possède les capacités informatiques et intellectuelles pour exercer sa fonction, qu’il n’est pas nécessaire de disposer d’une formation pour son poste et qu’elle comprend et parle couramment le français. Enfin, elle avance que le fait d’être payée en liquide ne remet pas en cause son taux d’activité, qu’elle recevait une attestation signée selon laquelle elle recevait l’argent correspondant à son salaire, et qu’elle n’était pas en mesure d’obtenir immédiatement les documents demandés par l’assurance car elle n’était pas en charge de la comptabilité de la société. Dès lors, c’est selon elle à tort que la cour cantonale a retenu qu’elle ne travaillait pas à temps plein pour la société.

Contrairement à ce que l’assurée soutient, la cour cantonale a tenu compte du premier témoignage avec les réserves que les circonstances imposaient et uniquement dans la mesure où il était corroboré par d’autres éléments. En faisant valoir son rôle au sein de la société, ses compétences, le fait qu’elle n’était pas en mesure d’obtenir immédiatement les documents demandés par l’assurance car elle n’était pas en charge de la comptabilité de la société et l’existence prétendument incontestable de son contrat de travail, l’assurée ne fait que substituer sa propre version des faits à celle retenue par l’autorité précédente. Appellatoire, cette critique est irrecevable. Quant au paiement de l’assurée en liquide, il ne constitue que l’un des nombreux éléments retenus par la cour cantonale pour conclure au fait que l’assurée n’a pas travaillé à temps plein pour la société. Dans la mesure où l’assurée ne conteste pas les autres points relevés par l’autorité précédente, cette critique n’est pas à même de renverser l’appréciation de celle-ci.

Le grief doit dès lors être rejeté, dans la mesure où il est recevable.

 

Sous le titre marginal « prétention frauduleuse », l’art. 40 LCA prévoit que si l’ayant droit ou son représentant, dans le but d’induire l’assureur en erreur, dissimule ou déclare inexactement des faits qui auraient exclu ou restreint l’obligation de l’assureur, ou si, dans le but d’induire l’assureur en erreur, il ne fait pas ou fait tardivement les communications que lui impose l’art. 39 LCA, l’assureur n’est pas lié par le contrat envers l’ayant droit. Selon l’art. 39 LCA, l’ayant droit doit fournir à l’assureur qui le demande tout renseignement sur les faits à sa connaissance qui peuvent servir à déterminer les circonstances dans lesquelles le sinistre s’est produit ou à fixer les conséquences du sinistre.

D’un point de vue objectif, la dissimulation ou la déclaration inexacte doit porter sur des faits qui sont propres à remettre en cause l’obligation même de l’assureur ou à influer sur son étendue; en d’autres termes, une communication correcte des faits conduirait l’assureur à verser une prestation moins importante, voire aucune. De plus, l’ayant droit doit, sur le plan subjectif, avoir l’intention de tromper. Il faut qu’il ait agi avec la conscience et la volonté d’induire l’assureur en erreur, afin d’obtenir une indemnisation plus élevée que celle à laquelle il a droit; peu importe à cet égard qu’il soit parvenu à ses fins. L’assureur peut alors refuser toute prestation, même si la fraude se rapporte à une partie seulement du dommage (arrêt 4A_536/2020 du 19 janvier 2021 consid. 5.1 et les références citées).

S’agissant d’un moyen libératoire, il incombe à l’assureur de prouver, au degré de la vraisemblance prépondérante, les faits permettant l’application de l’art. 40 LCA (arrêts 4A_20/2018 du 29 mai 2018 consid. 3.1; 4A_194/2016 du 8 août 2016 consid. 3.1).

Lorsqu’il est saisi du grief de violation de l’art. 8 CC, le Tribunal fédéral peut contrôler si l’autorité précédente est partie d’une juste conception du degré de la preuve. En revanche, le point de savoir si le degré requis – dont le juge a une juste conception – est atteint dans un cas concret relève de l’appréciation des preuves, que le Tribunal fédéral revoit uniquement sous l’angle de l’arbitraire (art. 97 al. 1 LTF; ATF 130 III 321 consid. 5; arrêt 4A_587/2020 du 28 mai 2021 consid. 3.1.3; cf. FABIENNE HOHL, Procédure civile, t. II, 2e éd. 2010, p. 528 n. 2986 s.).

En l’espèce, la cour cantonale a retenu qu’en signant un contrat de travail qui indiquait une activité à 100% et un salaire mensuel de 5’000 fr. qui ne correspondait pas à son activité réelle, l’assurée a fait une fausse déclaration ayant un effet sur l’obligation de prester de l’assurance, dès lors que les indemnités journalières sont fixées sur la base du salaire de l’assuré. La condition objective de la prétention frauduleuse est donc réalisée.

La condition subjective est également remplie, dans la mesure où l’assurée a déclaré faussement et à plusieurs reprises travailler à temps plein pour la société dans l’intention d’obtenir des prestations indues de l’assurance.

La cour cantonale a ainsi retenu qu’en application de l’art. 40 LCA, l’assurée n’avait pas droit aux prestations auxquelles elle avait conclu dans sa demande.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée, dans la mesure où il est recevable.

 

 

Arrêt 4A_378/2021 consultable ici

 

Bilan intermédiaire : le SECO intensifie considérablement le nombre de contrôles dans le domaine des indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail

Bilan intermédiaire : le SECO intensifie considérablement le nombre de contrôles dans le domaine des indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail

 

Communiqué de presse du Seco du 07.09.2021 consultable ici

 

Jusqu’à fin août 2021, le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) avait reçu près d’un millier d’alertes concernant des cas de perception indue d’indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT). À ce jour, le SECO a lancé plus de 200 demandes de contrôle dans ce contexte. En ce moment, de 40 à 60 entreprises sont contrôlées par mois sur la base de lancement d’alerte concernant des cas suspects. Le SECO poursuit d’office les alertes concernant des cas de perception indue de prestations et dépose systématiquement plainte en cas d’infraction tombant sous le coup du droit pénal.

En juin 2021, le SECO a annoncé que ses capacités dans le domaine de la lutte contre les abus de perceptions étaient pleinement opérationnelles. À la suite d’annonces d’abus, le SECO a ordonné à ce jour plus de 200 contrôles d’entreprises qui ont perçu ou continuent de percevoir des indemnités en cas de RHT pendant la pandémie. Depuis août 2021, les réviseurs internes et externes du SECO vérifient entre 40 et 60 entreprises par mois, alors qu’avant la pandémie, le nombre de ces contrôles se montait à une dizaine en moyenne. 21 postes équivalent temps plein sont donc mis à disposition pour effectuer ces vérifications. Dans ses statistiques, le SECO publie le nombre de cas traités par mois (www.travail.swiss).

 

Nombre d’annonces en recul

À la fin du mois d’août 2021, le SECO a reçu quelque 1000 annonces d’abus, qui sont traitées en priorité. Ces annonces sont transmises au SECO par la plateforme du Contrôle fédéral des finances pour les lanceurs d’alerte (whistleblowing) (www.efk.admin.ch/fr/) ainsi que par le portail Web de l’AC (www.travail.swiss), ou sont envoyées directement au service de révision de l’assurance-chômage (AC). Jusqu’à présent, les caisses de chômage (CCh) ont signalé 500 décomptes suspects supplémentaires. À fin mai, le nombre d’annonces s’est élevé à 900 avant de reculer entre les mois de mai et d’août.

À fin août 2021, le SECO a effectué quelque 187 contrôles d’employeurs. Dans 20 cas (10.7%) l’abus a pu être prouvé et des plaintes pénales ont été déposées en conséquence. Dans 130 cas (69.5%) les employeurs ont dû corriger les décomptes RHT fautifs. Dans 37 contrôles (19.8%) le SECO a pu confirmer que les décomptes étaient corrects. Il n’y a pas toujours une intention consciente derrière un cas éventuel d’abus. Jusqu’ici, le SECO a exigé le remboursement d’environ 17.4 millions de francs dans le cadre de ces contrôles.

 

Possibilité de restitution jusqu’à 5 ans après le versement

D’après le SECO, à ce rythme, les annonces d’abus seront traitées jusqu’à la fin de deuxième trimestre 2022.Il s’agira, ensuite, de procéder aux contrôles axés sur les risques. Les restitutions de perception indue de prestations peuvent s’étendre jusqu’à 5 ans après leur versement.

Le service de révision de l’AC poursuit d’office les alertes concernant des cas de perception indue de prestations et dépose systématiquement plainte en cas d’infraction tombant sous le coup du droit pénal.

Dans le cadre de la pandémie, l’assurance-chômage (AC) a versé des indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail dans une proportion encore jamais égalée dans l’histoire. La lutte contre les abus a également dû être considérablement renforcée en conséquence. C’est le 27 août 2020 déjà que la Commission de surveillance du fonds de l’AC a donné son aval pour augmenter les ressources en personnel en matière de contrôle dans le domaine de la RHT en mettant à disposition 25 millions de francs supplémentaires.

Pour de plus amples informations à ce sujet : www.travail.swiss

 

 

Communiqué de presse du Seco du 07.09.2021 consultable ici

 

 

9C_321/2020 (d) du 02.07.2021, destiné à la publication – Prestations complémentaires – Demande de restitution aux héritiers du bénéficiaire délictueux – 25 LPGA / Escroquerie – Délai de prescription pénale plus long / 25 al. 2, 2e phrase, LPGA – 146 CP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_321/2020 (d) du 02.07.2021, destiné à la publication

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Prestations complémentaires – Demande de restitution aux héritiers du bénéficiaire délictueux / 25 LPGA

Escroquerie – Délai de prescription pénale plus long / 25 al. 2, 2e phrase, LPGA – 146 CP

 

C.A.__ a perçu des prestations complémentaires (y compris le remboursement des frais médicaux) de mars 2003 jusqu’à son décès survenu en avril 2016. Après son décès, le service des prestations complémentaires de l’institution cantonale d’assurances sociales a appris qu’il possédait un compte bancaire avec un solde de plus de 1,2 million de francs suisses. Les fils de l’assuré et ses seuls héritiers légaux, A.A.__ et B.A.__, ont accepté l’héritage.

Le service cantonal des prestations complémentaires a recalculé le droit de l’assuré aux prestations complémentaires pour la période de mars 2003 à avril 2016. Le 21.12.2016, le service cantonal des prestations complémentaires a réclamé à A.A.__ les indemnités pour frais de maladie et d’invalidité indûment perçues pour un montant de CHF 5’673.30 pour les années 2011 à 2015. Par décisions du 21.12.2016 (à A.A.__) et du 11.01.2017 (à B.A.__), l’administration a également exigé le remboursement des prestations complémentaires versées entre mars 2003 et avril 2016 pour un montant de CHF 132’838.00. Dans sa décision sur opposition du 27.09.2018, l’administration a rejeté l’opposition émise contre les décisions des 21.12.2016 et 11.01.2017.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal a constaté que le défunt a bénéficié de prestations complémentaires (y compris le remboursement de frais médicaux) de mars 2003 à avril 2016. Sur la base des extraits de compte de la banque X.__, il appert que C.A.__ disposait d’un avoir de plus d’un million de francs suisses en juin 2010, ce qui permet de supposer qu’il était déjà en possession de ces avoirs au moment de sa demande de prestations en 2003. Le service cantonal des prestations complémentaires n’a pris connaissance de ce solde créditeur qu’après le décès de la personne assurée.

La cour cantonale a considéré que, sur la base de ces faits nouvellement découverts, l’administration était en droit de revenir sur les décisions d’octroi des prestations complémentaires par le biais d’une révision procédurale.

En outre, le défunt avait obtenu des prestations d’assurance sociale de manière pénalement répréhensible en dissimulant ce compte durant toute la période de perception ; feu l’assuré s’est ainsi rendu coupable d’escroquerie au sens de l’art. 146 al. 1 CP par son comportement et aurait dû être puni en conséquence.

La cour cantonale a considéré que le délai de prescription relatif d’un an (art. 25 al. 2, 1e phrase, LPGA) avait été respecté en rendant les décisions de restitution des 21.12.2016 et 11.01.2017. En outre, il a appliqué – comme délai absolu – la prescription pénale de 15 ans à l’encontre des héritiers (art. 25 al. 2, 2e phrase, LPGA, en relation avec l’art. 146 al. 1 et 97 al. 1 lit. b CP), raison pour laquelle elle a jugé qu’était licite la restitution de toutes les prestations complémentaires perçues par le défunt dès mars 2003.

Par jugement du 30.03.2020, les recours contre les deux décisions du 27.09.2018 ont été rejetés par le tribunal cantonal.

 

TF

En vertu de l’art. 53 al. 1 LPGA, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision (procédurale) si l’assuré ou l’assureur découvre subséquemment des faits nou­veaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant (arrêt 8C_18/2013 du 23 avril 2013 consid. 3). Ces nouveaux faits ou preuves doivent être présentés dans les 90 jours qui suivent la découverte ; en outre, un délai absolu de dix ans s’applique, qui commence à courir après la notification de la décision (art. 67 al. 1 PA en lien avec l’art. 55 al. 1 LPGA ; ATF 140 V 514 consid. 3.3; arrêt 8C_434/2011 du 8 décembre 2011 consid. 3 et les références). Conformément à l’art. 67 al. 2 PA, après l’expiration d’un délai de dix ans à compter de l’ouverture de la décision, une demande de révision n’est recevable que sur la base de l’art. 66 al. 1 PA – révision d’une décision qui a été influencée par un crime ou un délit.

Les prestations indûment touchées doivent être restituées (art. 25 al. 1, 1e phrase, LPGA). Selon la jurisprudence, il faut pour cela que les conditions d’une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d’une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision initiale soient remplies (ATF 142 V 259 consid. 3.2 et les références). Le bénéficiaire des prestations allouées indûment ou ses héritiers sont soumis à l’obligation de restituer (art. 2 al. 1 let. a OPGA).

Le droit de demander la restitution s’éteint trois ans après le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d’un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant (art. 25 al. 2 LPGA dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020). Il s’agit de délais (relatif et absolu) de péremption (ATF 133 V 579 consid. 4.1).

En cas d’infraction pénale, il convient d’appliquer le délai de prescription de l’action pénale (cf. ATF 138 V 74 consid. 5.2; arrêt 9C_388/2018 du 29 octobre 2018 consid. 4); en cas d’escroquerie, ce délai s’étend à 15 ans (art. 146 en relation avec l’art. 97 al. 1 lit. b CP). Le délai commence avec la commission de l’infraction (arrêt K 70/06 du 30 juillet 2007 consid. 6.6, non publié aux ATF 133 V 579, mais in SVR 2008 KV n° 4 p. 11).

Si des poursuites pénales ont été engagées et sont terminées (par un jugement ou une ordonnance de classement), l’autorité qui statue sur la demande de restitution est liée par cette décision de l’autorité pénale. En l’absence d’une telle décision, l’administration et, le cas échéant, le tribunal cantonal des assurances doivent toutefois décider eux-mêmes, à titre préliminaire, si la restitution découle d’une infraction pénale et si l’auteur est susceptible d’être poursuivi à ce titre. Les mêmes exigences de preuve qu’en procédure pénale s’appliquent, de sorte que le degré de preuve de la vraisemblance prépondérante qui s’applique en droit des assurances sociales n’est pas suffisant (cf. ATF 128 I 81 consid. 2 ; 127 I 38 consid. 2a). Dans tous les cas, l’autorité qui invoque la prescription pénale doit produire des pièces du dossier qui prouvent suffisamment le comportement criminel. L’applicabilité du délai de prescription pénale plus long exige que les éléments objectifs et subjectifs de l’infraction soient réunis. Il est également nécessaire que l’acte criminel soit en lien de causalité naturelle et adéquate avec le dommage survenu (ATF 138 V 74 consid. 6.1 ; arrêt K 70/06 du 30 juillet 2007 consid. 6.2, non publié aux ATF 133 V 579, mais in SVR 2008 KV n° 4 p. 11).

Le cœur du litige est la question de savoir si le délai de prescription pénale plus long, au sens de l’art. 25 al. 2, 2e phrase, LPGA, est applicable aux héritiers du bénéficiaire délictueux.

Le Tribunal fédéral ne s’est pas encore prononcé sur cette question. En revanche, l’application de la prescription pénale plus longue a été confirmée pour l’action en restitution à l’encontre d’une personne morale dont les organes ont commis l’infraction pénale (arrêt K 70/06 du 30 juillet 2007 consid. 6.2, non publié aux ATF 133 V 579, mais in SVR 2008 KV n° 4 p. 11; de même, dans l’arrêt 2C_414/2013 du 2 février 2014 concernant le paiement ultérieur de droits de douane, la jurisprudence a été confirmée selon laquelle la prescription en vertu de l’art. 12 al. 4 DPA [loi fédérale sur le droit pénal administratif] s’applique à toutes les personnes tenues à l’exécution et à la restitution, y compris celles qui n’ont pas commis l’infraction [consid. 6.1 et les références] et selon lequel l’art. 60 al. 2 CO ne s’applique pas [consid. 6.4.1] ; en ce qui concerne l’art. 60 al. 2 CO [dans la version valable jusqu’à fin décembre 2019], le délai de prescription plus long du droit pénal a été appliqué à la responsabilité des organes [ATF 111 II 429 consid. 2d ; 112 II 172 consid. II/2c] ainsi qu’à la responsabilité de l’assureur obligatoire de la responsabilité civile du propriétaire du véhicule à moteur [article 65 LCR ; ATF 112 II 79 consid. 3 ; 137 III 481 consid. 2.3], mais pas au chef de famille [art. 333 CC] ni à l’employeur [responsabilité de l’employeur pour des auxiliaires] [art. 55 CO ; ATF 122 III 225 consid. 5 ; 133 III 6 consid. 5.1] ; cette question a été expressément laissée ouverte en ce qui concerne la responsabilité des héritiers [ATF 90 II 428 consid. 4 ; 107 II 151 consid. 4b ; mais cf. l’obiter dictum dans ATF 122 III 195 consid. 9c]).

Dans la mesure où les recourants se réfèrent ensuite à la jurisprudence antérieure du Tribunal fédéral relative à l’art. 25 al. 2, 2e phrase, LPGA (cf. ATF 138 V 74 consid. 6.1 ; arrêt K 70/06 du 30 juillet 2007 consid. 6.2, non publié aux ATF 133 V 579, mais in SVR 2008 KV n° 4 p. 11 ; cf. également arrêt 9C_340/2020 du 29 mars 2021 consid. 2.2), on ne peut pas tirer la conclusion, sur la base du fait que dans chaque cas, la seule personne visée était la personne tenue à restitution (ou ses organes) qui a commis l’infraction pénale, que le délai plus long du droit pénal n’est pas applicable aux héritiers.

Selon l’art. 2 al. 1 lit. a OPGA, non seulement le bénéficiaire des prestations allouées indûment est tenu à la restitution, mais également ses héritiers, ce qui peut être facilement justifié sur la base de l’art. 560 CC (cf. JOHANNA DORMANN, in : Basler Kommentar, Allgemeiner Teil des Sozialversicherungsrechts, 2020, n. 33 ad Art. 25 ATSG). Il faut donc partir du principe de l’universalité de la succession, selon le droit successoral. Les héritiers acquièrent l’ensemble de la succession au décès du défunt par l’effet de la loi (art. 560 al. 1 CC) ; sous réserve des exceptions prévues par la loi, les biens et les créances passent aux héritiers et les dettes du défunt deviennent les dettes personnelles des héritiers au décès du défunt (art. 560 al. 2 CC). Les héritiers deviennent les successeurs universels du défunt, le transfert s’effectuant de la même manière que les droits et obligations existaient avec le défunt. En principe, les droits qui sont transférés ne sont pas modifiés par la succession (WOLF/GENNA, Erbrecht, in : Schweizerisches Privatrecht, vol. IV/1, 2012, p. 25).

En revanche, les droits et obligations hautement personnels et indissociablement liés à la personne du défunt ne sont pas transmis aux héritiers (sur les droits et obligations hautement personnels non héritables en droit public, voir HANS MICHAEL RIEMER, Vererblichkeit und Unvererblichkeit von Rechten und Pflichten im Privatrecht und im öffentlichen Recht, in : recht 1/2006 p. 26 ss, p. 30 ss). Les amendes prévues par le droit pénal (ATF 116 IV 4 consid. 3a ; ATF 134 III 59 consid. 2.3.2) ont un caractère strictement personnel. Ainsi, dans le domaine du droit fiscal, les amendes pour évasion sont non transférables et non héritables (cf. arrêt 2C_689/2019 du 15 août 2019 E. 2.2.2), alors que les arriérés d’impôts, qui selon la jurisprudence ne constituent pas une sanction pénale (cf. arrêt 2A.480/2005 du 23 février 2006 E. 2.2 avec références), sont héritables.

Selon le libellé de l’art. 25 al. 2, 2e phrase, le délai de prescription plus long du droit pénal est applicable si la demande de restitution «naît d’un acte punissable» (« aus einer strafbaren Handlung hergeleitet » ; « deriva da un atto punibile »). Il ne peut être déduit de cette disposition que l’acte punissable doit avoir été commis par la personne tenue à la restitution elle-même. Le libellé de l’art. 25 al. 2, 2e phrase, LPGA n’exclut donc pas l’applicabilité du délai pénal plus long aux héritiers du bénéficiaire incriminé.

La disposition de l’art. 25 LPGA sert à faire respecter le principe de légalité (ATF 142 V 259 consid. 3.2.2 et la référence à THOMAS LOCHER/THOMAS GÄCHTER, Grundriss des Sozialversicherungsrechts, 4. Aufl. 2014, § 43 Rz. 3). Le but de l’obligation de restituer est de rétablir l’ordre juridique (ATF 122 V 221 consid. 6c; UELI KIESER, ATSG-Kommentar, 4. Aufl. 2020, N. 10 ad Art. 25 ATSG; DORMANN, op. cit., N. 13 ad Art. 25 ATSG). Cet objectif est toutefois limité par la péremption de la créance de restitution, la raison juridique résidant dans les intérêts publics que sont la sécurité et la clarté du droit et la paix juridique (ATF 136 II 187 consid. 7.4 et les références à ANDRÉ PIERRE HOLZER, Verjährung und Verwirkung der Leistungsansprüche im Sozialversicherungsrecht, 2005, p. 12 ss und 34 ss et ATTILIO GADOLA, Verjährung und Verwirkung im öffentlichen Recht, AJP 1995 p. 48).

La situation n’est pas différente dans la mesure où la période plus longue du droit pénal s’applique à la restitution plutôt que la prescription ordinaire de cinq ans. La restitution, dans la mesure où elle dépasse le délai de cinq ans, ne constitue pas une sanction punitive comparable (par exemple) à une amende fiscale, qui aurait un caractère strictement personnel. Au contraire, le principe de légalité doit être appliqué à cet égard également, avec la prolongation du délai de prescription (ou, dans le cas d’espèce, de péremption) qui ne devrait intervenir que plus tard en cas d’acte délictuel. Ainsi, l’idée de rétablir l’ordre juridique s’applique ici aussi, le délai de droit pénal selon l’art. 25 al. 2, 2e phrase, LPGA servant en même à l’harmonisation avec d’autres dispositions légales.

D’une part, le but de ce délai est d’harmoniser les dispositions de la sécurité sociale et du droit pénal en matière de prescription. Il faut éviter que la créance au titre du droit des assurances sociales soit éteinte avant l’expiration du délai de prescription de la poursuite pénale, car il serait insatisfaisant que l’auteur de l’infraction puisse encore être puni mais que la restitution des prestations indûment perçues ne puisse plus être exigée (ATF 138 V 74 consid. 5.2).

D’autre part, l’art. 25 al. 2, 2e phrase, LPGA conduit également à un rapprochement/une harmonisation avec la révision procédurale selon l’art. 53 al. 1 LPGA. La révision implique un réexamen matériel sans restriction, une correction rétroactive (ex tunc) étant également possible (ATF 129 V 211 consid. 3.2.2; Urteil 8C_365/2019 du 25 septembre 2019 consid. 3.1). Dans ce contexte, le délai de dix ans applicable (en principe) à la révision procédurale selon l’art. 67 al. 1 PA ne s’applique pas si la décision à réviser – comme en l’espèce – a été influencée par un crime ou un délit. Cette circonstance est prise en compte avec le délai – plus long – prévu par le droit pénal à l’art. 25 al. 2, 2e phrase, LPGA.

A l’aune de ce qui précède, l’art. 25 al. 2, 2e phrase, LPGA est applicable aux héritiers du bénéficiaire de prestations indûment perçues. Cette disposition n’a pas le caractère d’une sanction, ce qui prive le grief d’une violation des articles 6 et 7 CEDH. La question de savoir s’il existe un grief suffisamment étayé à cet égard (cf. art. 106 al. 2 LTF ; ATF 136 I 49 consid. 1.4.1) semble douteuse, et peut finalement être laissée ouverte.

La cour cantonale n’a ainsi pas violé le droit fédéral lorsqu’elle a confirmé la restitution des prestations complémentaires perçues à partir de mars 2003.

 

Le TF rejette le recours des héritiers.

 

 

Arrêt 9C_321/2020 consultable ici

Proposition de citation : 9C_321/2020 (d) du 02.07.2021 – Prestations complémentaires – Demande de restitution aux héritiers du bénéficiaire délictueux, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/09/9c_321-2020/)

 

8C_578/2020 (f) du 11.06.2021 – Fausse déclaration – Mention d’un 13e salaire de CHF 9000 par mois dans la déclaration d’accident – 46 al. 2 LAA / Simple tromperie suffisante pour application de l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA – Pas de nécessité que la tromperie soit astucieuse comme en matière d’escroquerie

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_578/2020 (f) du 11.06.2021

 

Consultable ici

 

Fausse déclaration – Mention d’un 13e salaire de CHF 9000 par mois dans la déclaration d’accident / 46 al. 2 LAA

Simple tromperie suffisante pour application de l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA – Pas de nécessité que la tromperie soit astucieuse comme en matière d’escroquerie

Rappel quant au 13e salaire pas convenu contractuellement et caractère hypothétique car tributaire des résultats de la société – Pas revenu à prendre en compte pour le calcul des indemnités journalières

 

Assuré, né en 1977, a travaillé à plein temps en tant qu’agent d’assurance depuis 2011 pour la société A.__ Sàrl (ci-après: A.__ Sàrl), dont il est associé gérant avec signature individuelle.

Par déclaration de sinistre du 19.12.2017, l’assuré a annoncé à l’assurance-accidents que le 29.11.2017, il s’était blessé au niveau de l’épaule gauche en chutant dans les escaliers ; son salaire de base était de 9000 fr. par mois, auquel s’ajoutaient des allocations familiales de 500 fr. par mois et un 13e salaire de « 9000 fr. par mois« . L’assurance-accidents a pris en charge le cas et a versé des indemnités journalières jusqu’au 19 janvier 2018 sur la base du salaire annuel maximal assuré de 148’200 fr.

Par déclaration de sinistre du 11.06.2018, l’assuré a annoncé à l’assurance-accidents avoir glissé et chuté dans sa baignoire le 22.05.2018 ; son salaire de base était de 9000 fr. par mois, auquel s’ajoutaient des allocations familiales de 500 fr. par mois et un 13e salaire de « 9000 fr. par mois« .

Selon l’extrait du compte AVS individuel produit à la demande de l’assurance-accidents, l’assuré a perçu un salaire annuel de 108’000 fr. pour les années 2015, 2016 et 2017. Le 15.08.2018, AXA a demandé à A.__ Sàrl de lui transmettre une copie des fiches de salaires remises à l’assuré pour les années 2017 et 2018, une copie de la preuve des versements des salaires à l’assuré pour la même période ainsi qu’une copie de la déclaration des salaires 2017 pour le compte de A.__ Sàrl auprès de la caisse de compensation. A.__ Sàrl a transmis à l’assurance-accidents un extrait de son relevé de compte AVS pour la période du 01.01.2018 au 17.08.2018, s’étonnant de devoir remettre des documents supplémentaires. Le 30.08.2018, l’assurance-accidents a justifié sa demande de production de documents par le fait que le salaire annuel déclaré par l’assuré dans sa déclaration de sinistre ne correspondait pas à la réalité des informations en sa possession. A.__ Sàrl a indiqué que l’assuré touchait un salaire mensuel de 9000 fr., ainsi qu’un 13e salaire de 9000 fr. et que les mentions figurant dans les déclarations d’accident concernant un 13e salaire de « 9000 fr. par mois » relevaient manifestement d’une erreur. Le 14.09.2018, A.__ Sàrl a indiqué à l’assurance-accidents qu’il convenait de se baser sur une rémunération annuelle de « 12 x 9000 fr., le 13e fai[san]t partie d’une autre sous-société de A.__ Sàrl ». L’assurance-accidents ayant demandé à l’assuré s’il avait un deuxième employeur, ce dernier a répondu que A.__ Sàrl était son seul employeur et qu’il existait une « sous-entité qui compren[ait] la même adresse et le même compte mais se différenci[ait] car elle ne fai[sai]t que du conseil et du service ».

Par décision du 26.11.2018, l’assurance-accidents a statué sur le volet LAA des sinistres des 29.11.2017 et 22.05.2018. Dans ce cadre, elle a arrêté le salaire assuré à 108’000 fr. et, pour le cas annoncé en 2018, fixé le statu quo sine au 19.06.2018 en se fondant sur l’avis de son médecin-conseil. Elle a en outre compensé le montant à restituer pour le trop-perçu en 2017 – dans le cadre duquel elle s’était basée sur le salaire déclaré de 216’000 fr., limité à 148’000 fr., en lieu et place du gain réel de 108’000 fr. – avec le montant alloué dans le cadre du sinistre de 2018.

L’assuré a fait opposition contre la décision. Par courrier du 25.01.2019, l’assurance-accidents a annoncé à l’assuré qu’elle entendait procéder à une reformatio in pejus de la décision du 26.11.2018, impliquant le refus des prestations et le remboursement des indemnités journalières payées, compte tenu des fausses déclarations de l’assuré quant au salaire qu’il avait perçu. Par décision sur opposition du 16.05.2019, l’assurance-accidents a modifié sa décision du 26.11.2018 en ce sens que le cas d’assurance était refusé pour fausse déclaration, les prestations versées devant être remboursées.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 84/19 – 114/2020 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont retenu qu’en alléguant percevoir un salaire annuel brut permettant une indemnisation basée sur le montant maximum du gain assuré de 148’200 fr. (art. 22 al. 1 OLAA), alors même qu’il percevait en réalité un salaire de 108’000 fr., l’assuré s’était fait l’auteur d’une fausse déclaration destinée à obtenir des prestations d’assurance auquel il ne pouvait raisonnablement pas prétendre, justifiant ainsi l’application de l’art. 46 al. 2 LAA. A cet égard, la cour cantonale a retenu que les montants annoncés par l’assuré dans la déclaration d’accident, en particulier celui du 13e salaire, ne pouvaient pas être imputables à une simple erreur. En effet, le système informatique de l’assurance-accidents permettait de choisir facilement si la rémunération déclarée était mensuelle ou annuelle. La juridiction cantonale a encore retenu que l’assuré, en tant que professionnel de la branche, aurait dû être à même de remplir correctement une déclaration d’accident et se rendre compte que le montant des indemnités journalières perçues était trop élevé par rapport à ses revenus habituels. Par ailleurs, le caractère volontaire des fausses déclarations était renforcé par les variations de versions proposées et le fait que l’assuré n’avait finalement jamais perçu de 13e salaire, ce qu’il avait du reste fini par admettre après avoir vainement tenté d’apporter des explications pour le moins hasardeuses à ce sujet. Au vu de ce qui précède, la juridiction cantonale a retenu que l’assurance-accidents pouvait à juste titre refuser de prester.

Par jugement du 17.08.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 46 al. 2 LAA, l’assureur peut réduire de moitié toute prestation si, par suite d’un retard inexcusable dû à l’assuré ou à ses survivants, il n’a pas été avisé dans les trois mois de l’accident ou du décès de l’assuré ; il peut refuser la prestation lorsqu’une fausse déclaration d’accident lui a été remise intentionnellement.

Cette disposition vise à réprimer un comportement dolosif tendant à obtenir de l’assurance plus que ce à quoi l’on aurait droit (JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3e éd., Bâle 2016, n° 594 p. 1063). L’établissement de l’intention dolosive est une question de fait, que le juge tranchera le cas échéant. L’assureur n’a pas besoin de rendre vraisemblable que la fausse déclaration a entraîné des complications importantes, ni même qu’un quelconque dommage lui a été causé (GHÉLEW/RAMELET/RITTER, Commentaire de la loi sur l’assurance-accidents [LAA], 1992, p. 176). N’importe quelle fausse déclaration contenue dans la déclaration d’accident suffit, dès lors qu’elle conduit à l’octroi de prestations d’assurance plus élevées que celles auxquelles la personne assurée aurait droit conformément à la situation effective. Tombe sous le coup de cette disposition la déclaration intentionnelle d’un salaire trop élevé, lorsque cela conduit au versement de prestations en espèces fixées sur la base d’un gain assuré trop élevé. L’assureur doit examiner une telle éventualité pour chaque prestation en particulier en respectant l’interdiction de l’arbitraire, ainsi que les principes de l’égalité de traitement et de la proportionnalité (ATF 143 V 393 consid. 6.2; arrêt 8C_68/2017 du 4 septembre 2017 consid. 4.3).

Il n’appartenait pas à l’assureur-accidents de vérifier la justesse des déclarations de l’assuré. En effet, pour que l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA s’applique, une simple tromperie suffit. Il n’est pas nécessaire que cette tromperie soit astucieuse comme en matière d’escroquerie (art. 146 al. 1 CP), où l’astuce n’est pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence que l’on pouvait attendre d’elle (arrêt 6B_488/2020 du 3 septembre 2020, consid. 1.1; KURT PÄRLI/LAURA KUNZ in: Commentaire bâlois, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n° 15 ad art. 46 LAA). Du reste, selon la jurisprudence, une condamnation pour escroquerie n’est pas une condition nécessaire pour faire usage de l’art. 46 al. 2 LAA (ATF 143 V 393 consid. 7.3). Or en soutenant que l’assurance-accidents aurait dû vérifier les données salariales annoncées par les recourants et remarquer elle-même qu’il y avait une erreur quant au montant du salaire annoncé, à défaut de quoi l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA ne trouverait pas application en l’espèce, les recourants argumentent comme en matière d’escroquerie. Pour que l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA s’applique, il n’y a pas d’exigence de prudence minimale ou de vérifications élémentaires de la part de l’assureur, ce qui ne serait pas réaliste dans le cadre d’une administration de masse. Aussi, l’argumentation des recourants qui tentent de mettre leur erreur sur le compte de l’assurance-accidents tombe à faux.

Par ailleurs, si l’on peut admettre que l’assuré ait pu se tromper une première fois dans ses déclarations parce qu’il n’avait pas prêté suffisamment attention au fait que la bande déroulante à côté de la rubrique « 13e mois » était paramétrée par défaut sur une base mensuelle et non pas annuelle, il aurait à tout le moins dû se rendre compte de son erreur au plus tard au moment de la perception des indemnités journalières. En effet, dans le décompte de prestations qu’il a reçu pour le sinistre survenu en 2017 figurait le montant du salaire annuel sur lequel était calculée l’indemnité journalière. Indépendamment du montant de celle-ci, il ne pouvait pas échapper à l’assuré, en sa qualité d’agent d’assurance, que le salaire annuel de 148’200 fr. sur la base duquel était calculée l’indemnité journalière, et qui correspondait au demeurant au montant maximum du gain assuré, était beaucoup plus élevé que le salaire de 108’000 fr. – respectivement 123’000 fr. si l’on y ajoute un 13e salaire de 9000 fr. et des allocations familiales de 500 fr. par mois – annoncé dans sa déclaration d’accident. On doit dès lors en déduire que l’assuré s’est accommodé de son « erreur », sans quoi il n’aurait pas refait la même erreur une seconde fois dans sa déclaration de sinistre de 2018.

 

En tout état de cause et quoi qu’en disent au demeurant les recourants, la déclaration d’un 13e salaire constituait déjà en soi une fausse déclaration, indépendamment d’une erreur quant à sa perception mensuelle ou annuelle, dès lors que l’assuré n’a jamais perçu de 13e salaire au cours des années 2017 et 2018, ce qu’il avait fini par admettre après avoir varié dans ses déclarations à ce sujet. En effet, dans les déclarations de sinistres de 2017 et 2018, les recourants ont annoncé un 13e salaire de 9000 fr. (par mois). Après que l’assurance-accidents eut demandé aux recourants de produire un extrait du compte individuel AVS et qu’elle eut remarqué qu’il ressortait de ce dernier que le salaire annuel de l’assuré était de 108’000 fr. (soit 9000 fr. x 12) en 2017, elle a demandé des explications. L’assuré a persisté à indiquer percevoir un 13e salaire mais a soutenu que celui-ci ne lui avait pas été versé par son employeur habituel A.__ Sàrl mais par une sous-société de ce dernier. Ce n’est que sur nouvelle demande de l’assurance-accidents que l’assuré a par la suite précisé qu’il ne s’agissait pas d’une autre société ou d’un autre employeur mais simplement d’une autre « entité » faisant partie de la même société. Ses explications à ce sujet sont toutefois sans pertinence. En effet, l’assuré a fini par admettre dans son mémoire de recours devant le Tribunal fédéral qu’il avait déclaré un 13e salaire pour les sinistres survenus en 2017 et 2018 alors qu’il s’était finalement avéré que les résultats de la société ne lui avaient pas permis de s’en octroyer un. Or si un 13e salaire n’avait pas été convenu contractuellement et n’avait qu’un caractère hypothétique car tributaire des résultats de la société A.__ Sàrl, il ne constituait pas un revenu à prendre en compte pour le calcul des indemnités journalières (cf. JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, op. cit., n° 179 p. 956), ce que les recourants ne pouvaient pas ignorer.

 

Aussi, doit-on admettre qu’en annonçant un 13e salaire pour les années 2017 et 2018, et ce quel qu’en soit le montant, les recourants ont fait intentionnellement une fausse déclaration, justifiant l’application de l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré et de l’employeur.

 

 

Arrêt 8C_578/2020 consultable ici

 

 

Commentaire / Remarques

Une erreur peut se produire lorsque l’employeur remplit la déclaration d’accidents.

Dans une situation telle que rencontrée par l’assurance-accidents, il aurait été judicieux de demander à l’employeur, lors de la réception de la 1e déclaration d’accident, si la personne employée percevait bien un 13e salaire de CHF 9’000 par mois ou s’il s’agissait d’une erreur. Cela n’aurait toutefois pas changé l’application de l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA. Dans la pratique, il arrive qu’un 13e salaire soit inséré dans la mauvaise colonne (sur déclaration papier ou électronique). Cela étant, comme cela a été relevé par les instances judiciaires, l’erreur s’est produite deux fois, pour la même composante du salaire, avant d’arriver à la conclusion que le 13e salaire est inexistant.

Toujours dans la pratique, lorsqu’un employeur constate une éventuelle erreur dans le calcul de l’indemnité journalière ou, à tout le moins, dans le versement (1 mois d’indemnité journalière [pourtant à 80% en LAA] égal ou supérieur au salaire normal de l’employé), il devrait prendre langue avec l’assureur et éclaircir la situation. Une preuve écrite (par exemple un e-mail envoyé au gestionnaire reprenant les termes de la discussion) permet de prouver l’entretien téléphonique et son contenu.

 

 

Réduction de l’horaire : la lutte contre les abus s’intensifie

Réduction de l’horaire : la lutte contre les abus s’intensifie

 

Communiqué de presse du Seco du 07.06.2021 consultable ici

 

Le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) triple sa capacité dans le domaine de la lutte contre les abus dans la perception de l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT). Depuis début juin 2021, les réviseurs externes supplémentaires prévus à cet effet sont à disposition du SECO après avoir suivi une formation assidue. Ce qui permet d’intensifier considérablement le nombre de contrôles des employeurs.

Dans le cadre de la pandémie, l’assurance-chômage (AC) a versé des indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail dans une proportion encore jamais égalée dans l’histoire. Il est donc apparu très tôt qu’il s’agit d’intensifier la lutte contre les abus, et ce, de manière significative. C’est le 27 août 2020 déjà que la Commission de surveillance du fonds de l’AC a donné son aval pour augmenter les ressources en personnel en matière de contrôle dans le domaine de la RHT. Elle a mis à disposition 25 millions de francs supplémentaires à cette fin.

 

Appel d’offres OMC réalisé en un temps record

Le SECO a pu réaliser l’appel d’offres de l’OMC exigé par la loi sur les marchés publics en seulement quatre mois et demi jusqu’à l’attribution du mandat. Les contrats conclus avec les partenaires externes Ernst & Young (EY) et PricewaterhouseCoopers (PwC) sont entrés en vigueur le 1er mars 2021. De mars à mai 2021, une quarantaine de personnes externes au SECO ont été formées par le service de révision de l’AC et sont désormais opérationnelles dans toute la Suisse.

 

900 annonces d’abus et 500 décomptes suspects

À la fin du mois de mai 2021, le SECO a reçu quelque 900 annonces d’abus, qui sont traitées en priorité. Ces annonces sont soit transmises au SECO par la plateforme du Contrôle fédéral des finances pour les lanceurs d’alerte (whistleblowing) et via le portail Web de l’AC (travail.swiss), soit envoyées directement au service de révision de l’AC. Jusqu’à présent, les caisses de chômage (CCh) ont signalé 500 décomptes suspects supplémentaires.

À fin mai 2021, le SECO a effectué 131 contrôles d’employeurs. Dans 13 cas (10%), l’abus a pu être prouvé et des plaintes pénales ont été déposées en conséquence. Dans 97 cas (74%), les employeurs ont dû corriger des décomptes RHT fautifs. Dans 21 cas (16%), le SECO a pu confirmer que les décomptes étaient corrects. Jusqu’ici, le SECO a exigé le remboursement d’environ 10,6 millions de francs dans le cadre de ces contrôles.

D’après le SECO, le renforcement des ressources en personnel provenant de l’externe permettra d’effectuer 200 contrôles supplémentaires au second semestre 2021, et de prévoir pour 2022 une hausse de 700 contrôles. Le service de révision de l’AC poursuit d’office les alertes concernant des cas de perception indue de prestations et dépose systématiquement plainte en cas d’infraction tombant sous le coup du droit pénal.

 

 

Communiqué de presse du Seco du 07.06.2021 consultable ici

 

 

6B_488/2020 (f) du 03.09.2020 – Escroquerie à l’assurance-chômage – 146 CP / Assuré résidant en France mentionnant une adresse en Suisse pour percevoir des prestations de l’assurance-chômage helvétique

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_488/2020 (f) du 03.09.2020

 

Consultable ici

 

Escroquerie à l’assurance-chômage / 146 CP

Assuré résidant en France mentionnant une adresse en Suisse pour percevoir des prestations de l’assurance-chômage helvétique

 

A.__, né en 1979, a été arrêté le 29.03.2017, dans le cadre d’une large enquête de police portant sur des cambriolages commis en Suisse romande. Il est alors apparu que le prénommé, officiellement domicilié à B.__ dans un appartement qu’il sous-louait à un tiers, habitait en réalité en France.

A.__ a bénéficié à deux reprises de prestations de l’assurance-chômage, soit entre 2004 et 2006, puis entre 2013 et 2015.

Son contrat de travail ayant été résilié pour fin décembre 2015, le prénommé s’est à nouveau inscrit auprès de l’ORP, le 08.12.2015, afin de bénéficier des prestations de l’assurance-chômage. Il a alors indiqué son adresse à B.__.

Par la suite, A.__ a signé divers courriers de convocation, soit entre janvier 2016 et mars 2017, sur lesquels était mentionnée son adresse à B.__. Il a en outre adressé à l’Office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) un certificat de travail, daté du 25.01.2016, mentionnant son domicile à B.__, et signé deux confirmations d’inscription auprès de l’ORP – datées du 07.03.2017 – comportant cette adresse, ainsi que la mention suivante : « par votre signature, vous confirmez avoir pris connaissance de ces données et de leur exactitude. Tout changement devra être communiqué à l’ORP dans les plus brefs délais ». Il a enfin reçu de nombreux courriers adressés par l’OCE à B.__, sans que ceux-ci fussent retournés à leur expéditeur avec la mention d’un changement d’adresse.

 

Procédures cantonales

Par jugement du 03.07.2019, le tribunal correctionnel a condamné A.__, pour tentative de vol, vol, dommages à la propriété, dommages considérables à la propriété, violation de domicile, escroquerie, violation grave des règles de la circulation routière et infraction à la législation sur les étrangers, à une peine privative de liberté de dix mois.

Par arrêt du 02.03.2020 (arrêt AARP/92/2020), la Chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice genevoise a partiellement admis l’appel formé par A.__ et a réformé celui-ci en ce sens que le prénommé est condamné, pour tentative de vol, vol, dommages considérables à la propriété, violation de domicile, escroquerie, violation grave des règles de la circulation routière et infraction à la législation sur les étrangers, à une peine privative de liberté de neuf mois.

La cour cantonale a exposé que A.__ s’était inscrit au chômage en décembre 2015 afin de bénéficier de prestations de l’assurance concernée, indiquant une adresse à B.__. Selon les propres déclarations de l’intéressé, ce dernier avait déménagé en France durant la première moitié de l’année 2016, aux environs du mois de mai, cela sans indiquer de changement d’adresse. A.__ avait, à de nombreuses reprises, signé des courriers de convocation à des entretiens, sur lesquels figurait son adresse à B.__, validant ainsi celle-ci aux yeux de l’OCE. Il avait agi ainsi au moins à cinq reprises depuis la date approximative de son déménagement, confortant l’office dans son erreur quant à son domicile réel et à son droit d’obtenir des prestations de l’assurance-chômage. Il était en tous les cas certain que l’intéressé avait déjà déménagé en France le 07.03.2017, lorsqu’il avait signé deux confirmations d’inscription auprès de l’ORP mentionnant également son adresse en Suisse, alors même que les documents en question attiraient son attention sur l’obligation d’exactitude des données et sur le fait que tout changement devait être communiqué dans les plus brefs délais. A.__ avait donc adopté, à réitérées reprises, un comportement actif, punissable au regard de l’art. 146 al. 1 CP. En plus d’avoir été actif, le comportement de A.__ s’était révélé astucieux. Ce dernier avait laissé son nom sur la boîte à lettres de l’appartement de B.__, ainsi que sur la porte – sur laquelle le nom du nouveau locataire ne figurait pas -, durant près d’une année, ce qui avait permis à l’intéressé de relever son courrier, notamment les plis de l’OCE. A.__ savait ainsi qu’il serait difficile, voire impossible, pour les autorités de découvrir son déménagement en France, cela d’autant qu’il n’avait pas non plus annoncé le changement de domicile à l’Office cantonal de la population et des migrations. L’intéressé avait donc amené, par son comportement astucieux, l’OCE à lui verser indûment des prestations.

 

TF

Aux termes de l’art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d’escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers.

L’escroquerie consiste à tromper la dupe. Pour qu’il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit cependant pas; il faut qu’elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l’art. 146 CP, lorsque l’auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu’il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n’est pas possible, ne l’est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l’auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu’elle renoncera à le faire en raison d’un rapport de confiance particulier (ATF 142 IV 153 consid. 2.2.2 p. 154 s.; 135 IV 76 consid. 5.2 p. 79 s.). L’astuce n’est pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence que l’on pouvait attendre d’elle. Il n’est cependant pas nécessaire qu’elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu’elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d’être trompée. L’astuce n’est exclue que si elle n’a pas procédé aux vérifications élémentaires que l’on pouvait attendre d’elle au vu des circonstances. Une co-responsabilité de la dupe n’exclut toutefois l’astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 142 IV 153 consid. 2.2.2 p. 155; 135 IV 76 consid. 5.2 p. 81).

La définition générale de l’astuce est également applicable à l’escroquerie en matière d’assurances et d’aide sociale. L’autorité agit de manière légère lorsqu’elle n’examine pas les pièces produites ou néglige de demander à celui qui requiert des prestations les documents nécessaires afin d’établir ses revenus et sa fortune, comme par exemple sa déclaration fiscale, une décision de taxation ou des extraits de ses comptes bancaires. En revanche, compte tenu du nombre de demandes d’aide sociale, une négligence ne peut être reprochée à l’autorité lorsque les pièces ne contiennent pas d’indice quant à des revenus ou à des éléments de fortune non déclarés ou qu’il est prévisible qu’elles n’en contiennent pas. En l’absence d’indice lui permettant de suspecter une modification du droit du bénéficiaire à bénéficier des prestations servies, l’autorité d’assistance n’a pas à procéder à des vérifications particulières (arrêts 6B_346/2020 du 21 juillet 2020 consid. 1.2; 6B_152/2020 du 1er avril 2020 consid. 3.2; 6B_1369/2019 du 22 janvier 2020 consid. 1.1.2).

L’infraction d’escroquerie se commet en principe par une action. Tel est le cas lorsqu’elle est perpétrée par actes concluants (ATF 140 IV 11 consid. 2.3.2 p. 14). L’assuré, qui a l’obligation de communiquer toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation, ne respecte pas cette obligation et continue à percevoir les prestations allouées initialement à juste titre, n’adopte pas un comportement actif de tromperie. Le fait de continuer à percevoir les prestations allouées ne saurait être interprété comme la manifestation positive – par acte concluant – du caractère inchangé de la situation. Il convient en revanche d’analyser la situation de façon différente lorsque la perception de prestations est accompagnée d’autres actions permettant objectivement d’interpréter le comportement de l’assuré comme étant l’expression du caractère inchangé de la situation. Tel sera le cas lorsque l’assuré ne répond pas ou pas de manière conforme à la vérité aux questions explicites de l’assureur destinées à établir l’existence de modification de la situation personnelle, médicale ou économique; il n’est en effet plus question alors d’une escroquerie par omission, mais d’une tromperie active (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.1.3 p. 209 et les références citées).

 

A.__ admet avoir omis de communiquer son changement de domicile après avoir commencé à percevoir des prestations de l’assurance-chômage, mais conteste avoir commis tout acte de tromperie à cet égard.

Les confirmations d’inscription signées le 07.03.2017 par A.__ ont permis à celui-ci de se réinscrire auprès de l’OCE et comportaient les renseignements pertinents à cet égard, ainsi les coordonnées personnelles, l’état civil, le statut professionnel, le taux d’activité ou encore le lieu de travail. Ils précisaient en outre que, par sa signature, la personne concernée confirmait l’exactitude des données mentionnées. A cet égard, A.__ a bien – en signant ces documents faisant faussement état d’un domicile en Suisse – adopté un comportement actif visant à tromper la dupe, soit à faire accroire qu’il était domicilié dans ce pays.

Cette tromperie était bien astucieuse, car, en l’absence de toute annonce de changement de domicile par A.__, l’autorité ne disposait d’aucun indice qui lui aurait permis de suspecter une modification du droit de l’intéressé à bénéficier des prestations servies et n’avait pas à procéder à des vérifications particulières.

Dans la mesure où A.__ soutient qu’il n’aurait pas eu l’intention de tromper astucieusement l’OCE en confirmant faussement qu’il était domicilié en Suisse, celui-ci s’écarte de l’état de fait de la cour cantonale (cf. ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375), par lequel le Tribunal fédéral est lié (cf. art. 105 al. 1 LTF) et dont il ne prétend ni ne démontre qu’il aurait été arbitrairement établi (cf. art. 97 al. 1 LTF).

Cependant, comme le relève A.__, on ignore, à la lecture de l’arrêt attaqué, si des prestations de l’assurance-chômage lui ont été versées sur la base des documents signés le 07.03.2017, soit postérieurement à cette date encore. Il n’est ainsi pas possible, au vu de l’état de fait de la cour cantonale, d’examiner si l’infraction d’escroquerie a ou non été consommée. Le recours doit être admis sur ce point, l’arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l’autorité cantonale afin que celle-ci complète son état de fait et examine à nouveau si A.__ a pu, par la tromperie astucieuse opérée le 07.03.2017, réaliser les éléments constitutifs d’une infraction à l’art. 146 al. 1 CP (cf. art. 112 al. 3 LTF).

 

Le TF admet le recours de A.__.

 

 

Arrêt 6B_488/2020 consultable ici

 

 

9C_195/2020 (f) du 10.07.2020 – Révision de rente AI – Travail au noir – Surveillance par détective / 17 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_195/2020 (f) du 10.07.2020

 

Consultable ici

 

Révision de rente AI – Travail au noir – Surveillance par détective / 17 LPGA

Diminution de la rente avec effet rétroactif

 

Assuré, né en 1966, a exercé l’activité de ferblantier-couvreur jusqu’en 2008. L’office AI lui a reconnu le droit à une rente entière d’invalidité, assortie de cinq rentes pour enfant, dès le 01.06.2008, à une demi-rente dès le 01.05.2009, puis à une rente entière dès le 01.06.2010. Le droit aux prestations a été maintenu par communication du 24.02.2015.

A la suite d’un contrôle du Service de protection des travailleurs et des relations du travail (SPT) en octobre 2016, en application de la législation fédérale sur le travail au noir, au cours duquel l’assuré a été vu apporter de l’aide à son fils, gérant d’un restaurant, en s’occupant de l’entretien et en officiant comme agent de sécurité privé, l’office AI a initié une révision du droit à la rente et diligenté des mesures d’observation. Après avoir notamment convoqué l’assuré pour un entretien, l’office AI a suspendu la rente d’invalidité de l’intéressé, ainsi que les rentes complémentaires pour enfant, avec effet au 31.07.2017.

L’office AI a soumis l’assuré à un examen clinique bidisciplinaire auprès de son Service médical régional (SMR). Dans son rapport, le spécialiste en médecine physique et réadaptation et en rhumatologie a posé le diagnostic de spondylarthrite (M45.0); il a conclu à une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles qu’il a décrites, dès le 28.01.2009. Quant au spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, il a exclu toute symptomatologie psychiatrique incapacitante, à tout le moins depuis les premières mesures de surveillance mises en œuvre en octobre 2016.

Par décision, l’office AI a diminué la rente entière d’invalidité à une demi-rente, avec effet rétroactif au 01.02.2017. En bref, elle a considéré que dès octobre 2016, l’assuré présentait une capacité de travail de 50%, et qu’il ne l’avait fautivement pas informée de l’amélioration de son état de santé.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 04.02.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Au regard de la jurisprudence du Tribunal fédéral – applicable en l’espèce au regard de la période temporelle où sont survenus les faits juridiquement déterminants (sur ce point, cf. ATF 130 V 445 consid. 1.2.1 p. 447; 129 V 1 consid. 1.2 p. 4) -, le défaut de base légale pour la surveillance des assurés ne signifie pas une interdiction d’utiliser le matériel d’observation. Les moyens de preuve résultant des mesures de surveillance peuvent en effet être exploités dans le cadre de la procédure dans la mesure où ils ont été récoltés dans le respect de certaines conditions (à ce sujet, ATF 143 I 377 consid. 4 et 5 p. 384 ss; cf. aussi arrêts 9C_817/2016 du 15 septembre 2017 consid. 3; 8C_570/2016 du 8 novembre 2017 consid. 1).

En l’espèce, la juridiction cantonale a admis que ces conditions étaient remplies et, partant, que le matériel recueilli dans le cadre de la surveillance constituait un moyen de preuve qui pouvait être exploité. En particulier, l’assuré avait été surveillé pendant trois jours et sans être influencé, et la surveillance avait été effectuée en raison de doutes concrets, et depuis le domaine public. L’argumentation de l’assuré ne suffit pas à établir le caractère arbitraire ou autrement contraire au droit de l’appréciation des premiers juges. Contrairement à ce qu’il affirme, la surveillance mise en œuvre par l’office AI n’a pas eu un « caractère systématique » et l’assuré n’a pas été observé dans le cadre du domaine privé (« à son domicile »). Selon le rapport d’observation, l’assuré a été surveillé durant trois jours consécutifs, à raison de douze heures environ, soit durant une très courte période, et depuis le domaine public. De plus, le dossier des prises de vue du SPT comprend des photographies prises le même jour sur la terrasse du restaurant géré par le fils de l’assuré. La surveillance s’est limitée à la voie publique ou à des lieux immédiatement visibles depuis l’espace public. Le rapport d’observation (voire le rapport de contrôle du SPT) n’avait pas à être écarté du dossier.

 

Le Tribunal fédéral conclut qu’il n’a pas à s’écarter des constatations des premiers juges quant à l’amélioration de l’état de santé psychique de l’assuré depuis la décision du 12.07.2011, conduisant à la réduction de son droit à une rente entière d’invalidité à une demi-rente avec effet rétroactif au 01.02.2017.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_195/2020 consultable ici