9C_342/2017 (f) du 29.01.2018 – Révision d’une rente entière AI après mise en place d’une surveillance – 17 LPGA / Photographies ou vidéos pas suffisantes pour conclure à l’amélioration de troubles psychiques (trouble de la personnalité et trouble dépressif récurrent)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_342/2017 (f) du 29.01.2018

 

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Révision d’une rente entière AI après mise en place d’une surveillance / 17 LPGA

Photographies ou vidéos pas suffisantes pour conclure à l’amélioration de troubles psychiques (trouble de la personnalité et trouble dépressif récurrent)

 

Assurée a sollicité des prestations AI le 17.06.2003. Elle indiquait dans sa requête qu’elle était née en 1959, n’exerçait aucune activité lucrative et souffrait des suites d’un état dépressif ainsi que de troubles affectant ses genoux.

Après instruction et mise en œuvre d’une expertise psychiatrique, il était fait état de divers troubles somatiques (gonarthrose gauche, status après transposition rotulienne et ostéotomie du tibia, etc.) ou psychiques (trouble dépressif récurrent, troubles de la personnalité) engendrant une incapacité totale de travail dans toutes activités lucratives depuis le 06.02.2003. Octroi d’une rente entière avec effet au 01.02.2004.

L’office AI a maintenu inchangé le droit à la rente entière au terme de deux procédures de révision (2007 et 2013).

L’assurée a été invitée à remplir des questionnaires concernant la reprise d’une activité le 03.11.2014 ou l’opportunité de réaliser des mesures de réadaptation le 27.01.2015. Elle a informé l’administration qu’elle n’avait jamais exercé d’activités – quelles qu’elles soient – depuis le dépôt de sa demande de rente et ne pas pouvoir en exercer à cause de limitations physiques et psychiques qu’elle présentait toujours.

Le Secteur de lutte contre la fraude à l’assurance (LFA) de l’office AI a mis en place la surveillance de l’assurée. Il a relevé les contradictions entre les déclarations faites par l’assurée et les observations réalisées concrètement sur le terrain. L’intéressée a été conviée à s’expliquer à propos des contradictions constatées. L’administration a soumis les deux rapports de surveillance au SMR. Le médecin en a inféré une amélioration de la situation médicale de l’assurée dont il a fixé l’avènement au début du mois d’octobre 2014.

L’office AI a averti l’assurée que, compte tenu des éléments récoltés, il entendait supprimer la rente octroyée jusque-là avec effet rétroactif au 01.10.2014. L’intéressée a formulé des objections. En dépit de celles-ci, l’administration a entériné la suppression de la rente dès le 01.10.2014 (décision du 15.02.2016) et requis la restitution de 29’868 fr. versés indûment durant la période allant du 01.10.2014 au 31.12.2015 (décision du 04.03.2016).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 28.03.2017, admission du recours par le tribunal cantonal et annulation des décisions de suppression et de restitution des prestations.

 

TF

Si une surveillance réalisée dans une procédure de l’assurance-invalidité est certes dénuée d’une base légale suffisante et viole ainsi le droit au respect de la vie privée (art. 8 CEDH; art 13 Cst.), le moyen de preuve qui en résulte peut cependant être exploité dans ladite procédure dans la mesure où il a été récolté dans le respect de certaines conditions (à ce sujet, cf. arrêt 9C_806/2016 du 17 juillet 2017 consid. 4 et 5 destiné à la publication; cf. aussi arrêts 9C_817/2016 du 15 septembre 2017 consid. 3; 8C_570/2016 du 8 novembre 2017 consid. 1).

En l’espèce, la question de savoir si le rapport de surveillance et ceux du SMR fondés en partie sur le résultat de l’observation peuvent constituer un moyen de preuve valable à la lumière de la jurisprudence de la CourEDH et de celle du Tribunal fédéral qui en a suivie peut de toute façon rester ouverte. En effet, un rapport de surveillance ne permet pas, à lui seul, de juger l’état de santé et la capacité de travail d’un assuré. Il doit être renforcé par des données médicales. L’évaluation du matériel d’observation par un médecin peut suffire (cf. ATF 137 I 327 consid. 7.1 p. 337; cf. aussi arrêt 9C_25 2015 du 1er mai 2015 consid. 4.1). Une telle évaluation du matériel d’observation a en l’espèce été faite par un médecin du SMR.

A supposer qu’on puisse admettre que ces rapports – basés sur des photographies essentiellement – permettent de porter un jugement sur la répercussion des affections somatiques sur la capacité de travail de l’assurée, on ne saurait en tirer la même conclusion en ce qui concerne l’incidence des troubles psychiques. Des photographies, ou même des vidéos, ne permettent pas, à elles seules, dans le cas d’espèce de conclure à l’amélioration d’un trouble de la personnalité (borderline et narcissique en l’occurrence) et d’un trouble dépressif récurrent, d’autant moins que la durée d’observations a été brève (trois jours entre les 26.06.2015 et 29.06.2015 ; quatre jours entre les 01.09.2015 et 18.09.2015) et que l’intensité des divers épisodes dépressifs inhérents à un trouble dépressif récurrent peut varier dans le temps.

 

Le TF admet (partiellement) le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et les décisions de l’office AI. La cause est renvoyée à l’office AI pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

 

 

Arrêt 9C_342/2017 consultable ici

 

 

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