Archives par mot-clé : Jurisprudence

9C_752/2016 (d) du 06.09.2017 – proposé à la publication – La rente AI ne doit pas être supprimée quand les enfants deviennent autonomes

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_752/2016 (d) du 06.09.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2yUBR3U

 

Révision de rente d’invalidité / 16 LPGA

Application de l’arrêt de la CrEDH Di Trizio c. Suisse

 

L’autonomie des enfants ne signifie pas que la rente AI doit être modifiée ou supprimée. Le Tribunal fédéral s’est une nouvelle fois conformé à une jurisprudence de Strasbourg.

 

La rente d’une bénéficiaire de l’AI, qui n’exerce pas d’activité lucrative mais pourrait en reprendre une parce que ses enfants ont grandi, ne peut être supprimée ou diminuée. Le Tribunal fédéral s’est une nouvelle fois conformé à une jurisprudence de Strasbourg.

Dans un nouvel arrêt, publié mardi, il relève que la suppression ou la diminution d’une rente de l’AI n’est pas admissible lorsque des raisons familiales modifient le statut de l’assurée et que celle-ci n’est plus considérée comme personne n’exerçant pas d’activité lucrative mais comme une personne exerçant une activité à temps partiel.

Les juges fédéraux tiennent ainsi compte d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, rendu en février 2016. La haute instance européenne avait condamné la Suisse pour violation du principe d’interdiction de discrimination et atteinte au respect du droit à la protection de la vie familiale.

 

Méthode mixte abandonnée

Les juges de Strasbourg avaient accepté la requête d’une femme qui avait dû cesser de travailler à plein temps en raison de problèmes dorsaux. Elle avait obtenu une demi-rente AI, qui avait toutefois été supprimée après la naissance des enfants.

L’AI s’était fondée sur la méthode mixte qui est utilisée pour déterminer la capacité de travailler des personnes occupées à temps partiel, en très grande majorité des femmes.

La Cour avait relevé que « d’autres méthodes de calcul respectant mieux le choix des femmes de travailler à temps partiel à la suite de la naissance d’un enfant sont concevables et qu’il serait ainsi possible de poursuivre le but du rapprochement entre les sexes sans pour autant mettre en danger l’objectif de l’assurance-invalidité ».

 

Limite caduque

Le cas nouvellement tranché par le TF, en application de la jurisprudence de Strasbourg, concerne une mère de famille bénéficiaire d’un quart de rente AI. La rente avait cependant été limitée à fin juillet 2014, car l’AI avait considéré que la bénéficiaire pouvait à partir de cette date reprendre un travail, du fait que ses enfants avaient grandi et acquis plus d’autonomie.

L’Office AI du canton de Zurich avait appliqué pour le calcul de sa rente la méthode mixte critiquée par la Cour européenne, ce qui avait conduit à la suppression du droit à un quart de rente, une décision confirmée par le Tribunal des assurances sociales du canton de Zurich (IV.2015.00788).

Dans son verdict, le TF annule la décision zurichoise. Il juge que le droit de cette mère de famille à bénéficier d’une rente perdure après fin juillet 2014.

 

Source : ATS (tiré du journal La Côte, 03.10.2017)

 

Arrêt 9C_752/2016 consultable ici : http://bit.ly/2yUBR3U

 

 

 

2C_75/2016 à 2C_80/2016 (d) du 10.04.2017 – proposé à la publication – Confirmation de l’interdiction de vente de machines prononcée par la SUVA

Arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2016 à 2C_80/2016 (d) du 10.04.2017

 

Communiqué de presse du TF du 09.10.2017 consultable ici : http://bit.ly/2y8bybb

 

La SUVA peut imposer une interdiction de vente de machines, conformes aux normes techniques harmonisées en Europe, lorsque, dans le cadre de la surveillance du marché, elle constate que le produit ne remplit pas les exigences essentielles de sécurité et de santé. Dans le cas concret, le Tribunal fédéral confirme les interdictions prononcées à l’encontre de plusieurs fabricants de mettre sur le marché des systèmes d’attaches rapides pour la fixation d’accessoires sur des machines de chantier.

 

En 2013, la SUVA a ouvert à l’encontre de plusieurs entreprises en Suisse une procédure de contrôle des systèmes d’attaches rapides pour la fixation d’accessoires sur des machines de chantier, fabriquées selon les normes techniques harmonisées en Europe. Plusieurs accidents graves étaient survenus, dus à la chute d’accessoires de certains modèles d’attaches rapides. A partir du 1er janvier 2016, la SUVA a décidé d’interdire la mise sur le marché d’attaches rapides par certains fabricants. D’après ses décisions, ces systèmes présentaient un danger résultant d’un verrouillage incomplet ou défectueux en lien avec un comportement fautif du conducteur de l’engin, et que seule une solution technique permettait d’éviter. En 2015, le Tribunal administratif fédéral a admis les recours des entreprises concernées et annulé les décisions de la SUVA.

Le Tribunal fédéral admet les recours du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche et confirme les décisions de la SUVA. Le Conseil fédéral a réglé les conditions de mise sur le marché des machines en référence à la directive UE relative aux machines. La directive UE contient les exigences essentielles de santé et de sécurité applicables aux produits. Les exigences concrètes se fondent ainsi sur des normes techniques harmonisées en Europe. Si le produit est conforme aux normes indiquées, il y a lieu de présumer, selon la loi sur la sécurité des produits, qu’il remplit les exigences essentielles de santé et de sécurité (présomption de conformité). Cette présomption peut être renversée par la SUVA dans le cadre de la surveillance du marché. Elle est ainsi habilitée à interdire un produit et à exiger que des mesures techniques soient prises afin d’éliminer les risques. Dans la mesure où il s’agit de machines importées de l’UE, il y a lieu de se référer à l’accord de conformité entre la Suisse et la Communauté européenne. La SUVA ne peut certes pas fixer de règles de sécurité plus strictes que celles qui prévalent en droit de l’UE. Un renversement de la présomption de conformité demeure néanmoins possible. Dans le cas concret, les systèmes d’attaches sont conformes aux normes déterminantes, de sorte que la présomption de conformité s’applique. Cependant, cette dernière est renversée ; par conséquent, les exigences essentielles de sécurité et de santé ne sont pas satisfaites.

 

 

Communiqué de presse du TF du 09.10.2017 consultable ici : http://bit.ly/2y8bybb

 

Arrêt 2C_75/2016, 2C_76/2016 (publication ATF prévue) consultable ici : http://bit.ly/2ycsD62

Arrêt du TAF C-2257/2014 du 09.12.2015 : http://bit.ly/2gqAXFk

 

Arrêt 2C_77/2016, 2C_78/2016 consultable ici : http://bit.ly/2fYcIxG

Arrêt du TAF C-2016/2014 du 09.12.2015 : http://bit.ly/2zaxti7

 

Arrêt 2C_79/2016, 2C_80/2016 consultable ici : http://bit.ly/2y6nFI8

Arrêt du TAF C-2330/2014 du 04.12.2015 :  http://bit.ly/2wK7FaQ

 

 

9C_40/2017 (f) du 02.06.2017 – Refus de prise en charge de frais de transformation / d’aménagement d’un logement – Obligation de diminuer le dommage

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_40/2017 (f) du 02.06.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2wRjuQG

 

Refus de prise en charge de frais de transformation / d’aménagement d’un logement – Obligation de diminuer le dommage

 

Assuré souffrant depuis l’enfance d’une amyotrophie spinale de type Werdnig-Hoffmann et d’un syndrome pulmonaire restrictif sévère consécutif à l’amyotrophie, au bénéfice d’une demi-rente de l’AI ainsi que d’une allocation pour impotent de degré grave ainsi que d’une contribution d’assistance. L’assuré a besoin d’une aide durable dans les soins de base.

Il est propriétaire d’un appartement depuis le 11.10.2006. En septembre 2010, il a envoyé à l’office AI diverses factures pour un montant total de 138’279 fr. 10. La Fédération suisse de consultation en moyens auxiliaire pour personnes handicapées (FSCMA), mandaté par l’office AI, n’a pu visiter l’appartement de l’assuré qu’après que les modifications eurent été effectuées, si bien qu’il lui était impossible de se prononcer sur la majorité des transformations réalisées et leur nécessité, ni sur la pertinence de l’intervention d’un architecte.

L’office AI a limité sa participation financière aux moyens auxiliaires à 54’282 fr. 20, le solde de 83’996 fr. 90 restant à charge de l’assuré. Le 28.07.2014, l’office AI a notifié cinq projets de décisions refusant toute prise en charge additionnelle de frais, dans la mesure où les aménagements auraient pu être planifiés lors de la construction du bâtiment. Après une inspection des lieux du 07.11.2014, il est ressorti que la majorité des travaux litigieux était en lien avec un studio indépendant créé à l’initiative de l’assuré dans le but d’assurer le respect de son intimité mais aussi de celle de son personnel de santé.

Par cinq décisions du 11.05.2015, l’office AI a rejeté toute prise en charge supplémentaire au titre de frais de transformation ou d’aménagement, car l’assuré avait déjà bénéficié des moyens auxiliaires indispensables, simples et adéquats et qu’il ne pouvait prétendre à la meilleure solution. Il a souligné que la demande de prestations avait été déposée tardivement, que l’intervention d’un bureau d’ingénieur n’était pas nécessaire, que le déplacement des systèmes de ventilation et de chauffage ainsi que l’aménagement d’un studio ne répondaient pas aux critères de moyens auxiliaires et que la salle de bain n’avait pas été modifiée mais déplacée. En outre, le lift de transfert au plafond était suffisant pour permettre à l’assuré de recevoir les soins (toilette) indispensables, de sorte que les aménagements de la salle de bain ne pouvaient être pris en charge.

 

Procédure cantonale

Les premiers juges ont considéré que l’assuré avait mis l’office AI devant le fait accompli, dès lors que les travaux avaient été exécutés en l’absence de devis qui auraient permis de comparer des offres ; de la sorte, l’assuré n’avait pas respecté son obligation de réduire le dommage. Les juges cantonaux ont aussi relevé qu’à partir du moment où il avait souhaité quitter le domicile de ses parents, l’assuré aurait pu trouver dans un délai raisonnable un immeuble projeté en cours de construction ou un appartement moins récent mais mieux aménagé à son handicap et ne nécessitant pas un quasi réaménagement complet.

Par jugement du 01.12.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Dans le domaine de l’assurance-invalidité, on applique de manière générale le principe selon lequel un invalide doit, avant de requérir des prestations, entreprendre de son propre chef tout ce qu’on peut raisonnablement attendre de lui, pour atténuer le mieux possible les conséquences de son invalidité. L’obligation de diminuer le dommage s’applique aux aspects de la vie les plus variés. Toutefois, le point de savoir si une mesure peut être exigée d’un assuré doit être examiné au regard de l’ensemble des circonstances objectives et subjectives du cas concret (ATF 113 V 22 consid. 4a p. 28 et les références ; voir aussi ATF 138 I 205 consid. 3.2 p. 209).

Ainsi doit-on pouvoir exiger de celui qui requiert des prestations qu’il prenne toutes les mesures qu’un homme raisonnable prendrait dans la même situation s’il devait s’attendre à ne recevoir aucune prestation d’assurance. Au moment d’examiner les exigences qui peuvent être posées à un assuré au titre de son obligation de réduire le dommage, l’administration ne doit pas se laisser guider uniquement par l’intérêt général à une gestion économique et rationnelle de l’assurance, mais doit également tenir compte de manière appropriée du droit de chacun au respect de ses droits fondamentaux. La question de savoir quel est l’intérêt qui doit l’emporter dans un cas particulier ne peut être tranchée une fois pour toutes. Cela étant, plus la mise à contribution de l’assureur est importante, plus les exigences posées à l’obligation de réduire le dommage devront être sévères. C’est le cas, par exemple, lorsque la renonciation à des mesures destinées à réduire le dommage conduirait à l’octroi d’une rente ou au reclassement dans une profession entièrement nouvelle. Selon les circonstances, le maintien ou le déplacement d’un domicile, respectivement le lieu de travail, peut apparaître comme étant une mesure exigible de l’assuré. Conformément au principe de la proportionnalité, il convient en revanche de faire preuve de prudence dans l’invocation de l’obligation de réduire le dommage lorsqu’il s’agit d’allouer ou d’adapter certaines mesures d’ordre professionnel afin de tenir compte de circonstances nouvelles relevant de l’exercice par l’assuré de ses droits fondamentaux. Demeurent réservés les cas où les dispositions prises par l’assuré doivent être considérées, au regard des circonstances concrètes, comme étant déraisonnables ou abusives (ATF 138 I 205 consid. 3.3 p. 209 et les références ; arrêt 9C_661/2016 du 19 avril 2017 consid. 2.3 et les références).

La réglementation applicable en matière de moyens auxiliaires (art. 21 ss LAI) et de contribution d’assistance (art. 42quater ss LAI) ne prévoit aucune obligation de la part de l’assurance-invalidité de réserver l’usage d’un studio ou d’un appartement séparés à un assistant de vie, ni a fortiori de financer les coûts d’aménagement de tels locaux. Pareille prétention ne découle pas non plus des art. 8 par. 1 CEDH et 13 al. 1 Cst.

En l’espèce, la mise à disposition d’une chambre séparée pour l’assistant de vie dans l’appartement de l’assuré aurait constitué une mesure simple et adéquate répondant aux réquisits légaux en matière de prise en charge de moyens auxiliaires (art. 21 al. 3 LAI). Cela aurait non seulement permis au recourant de vivre chez lui en préservant sa sphère privée, garantie par les art. 8 par. 1 CEDH et 13 al. 1 Cst., mais une telle mesure aurait accru sa sécurité puisque son assistant aurait ainsi pu intervenir plus rapidement en cas de nécessité. Il s’ensuit que les coûts des travaux d’aménagements litigieux à concurrence de 62’225 fr. 90 auxquels l’assuré a consenti ne sont pas indispensables. Ils ne sauraient donc être financés par l’office AI à titre de moyens auxiliaires.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_40/2017 consultable ici : http://bit.ly/2wRjuQG

 

 

9C_364/2017 (f) du 04.08.2017 – Refus de prise en charge d’un traitement dentaire après un shunt crânien – 31 al. 1 let. c LAMal – 19 let. a OPAS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_364/2017 (f) du 04.08.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2hwcrCA

 

Refus de prise en charge d’un traitement dentaire après un shunt crânien / 31 al. 1 let. c LAMal – 19 let. a OPAS

 

Assurée présentant un status après shunt crânien en décembre 2012 et souffrant d’une ostéopénie lombaire et fémorale. Le 11.01.2015, elle a demandé la prise en charge de traitements dentaires. La caisse-maladie a partiellement admis la demande. L’assurée a contesté le prononcé en raison de la chirurgie vasculaire cérébrale subie en 2012 et requis la prise en charge de soins parodontaux supplémentaires. Après nouvelles investigations, la caisse-maladie a confirmé sa position.

 

Procédure cantonale (arrêt AM 45/16 – 5/2017 – consultable ici : http://bit.ly/2wj9YBm)

Après examen des avis médicaux, la juridiction cantonale a tout retenu que les fissures apparentes sur les parois des dents avaient certainement été provoquées par l’ancienneté des obturations, soit un problème uniquement mécanique qui ne relevait pas de l’assurance-maladie obligatoire. Quant au traitement parodontal, la juridiction cantonale a relevé que le médecin-dentiste traitant n’avait pas étayé les raisons pour lesquelles il retenait l’existence d’une parodontite « infectieuse » qui aurait déjà impérativement dû être traitée préalablement au shunt crânien. Plus de trois ans après la réalisation du shunt crânien, il n’existait aucune intervention vasculaire à réaliser ou à garantir et qui pourrait justifier la prise en charge par l’assurance obligatoire des soins d’un tel traitement prophylactique.

Par jugement du 23.01.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le TF rappelle que la liste des affections de nature à nécessiter des soins dentaires à la charge de l’assurance obligatoire des soins est exhaustive (ATF 130 V 464 consid. 2.3 p. 467 et les références; arrêt 9C_316/2013 du 25 février 2014 consid. 3, in RtiD 2014 II p. 371). Selon les art. 31 al. 1 let. c LAMal et 19 let. a OPAS, l’assurance obligatoire des soins prend en charge les soins dentaires nécessaires pour réaliser et garantir les traitements médicaux lors du remplacement des valves cardiaques, de l’implantation de prothèses de revascularisation ou de shunt crânien. Ces dispositions exigent que les gestes destinés à assainir la cavité buccale soient entrepris préalablement à l’apparition du risque infectieux supplémentaire (cf. ATF 127 V 391 consid. 1 p. 392; arrêt 9C_675/2007 du 6 février 2008 consid. 4.2). Aussi, le but de cette prise en charge est de préparer le patient à une intervention chirurgicale concrète (par exemple vasculaire cérébrale de type shunt crânien), non pas de mettre à la charge de l’assurance-maladie obligatoire des soins dentaires préventifs ou curatifs liés à des atteintes survenues seulement après les traitements médicaux mentionnés à l’art. 19 let. a OPAS (EUGSTER, Krankenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR, 3ème éd. 2016, p. 558 n° 489).

Les frais afférents aux traitements dentaires envisagés – voire déjà réalisés – plusieurs années après la réalisation d’un shunt crânien ne sont par conséquent pas à la charge de l’assurance obligatoire des soins.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_364/2017 consultable ici : http://bit.ly/2hwcrCA

 

 

9C_258/2017 (f) du 21.08.2017 – Bonification pour tâches éducatives (BTE) pour le père – non marié – ayant adopté un enfant nicaraguayen – ancien 29 sexies al. 1 LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_258/2017 (f) du 21.08.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2y1Da4z

 

Bonification pour tâches éducatives (BTE) pour le père – non marié – ayant adopté un enfant nicaraguayen / ancien 29 sexies al. 1 LAVS

 

Par décision du 16.08.1996, la justice civile nicaraguayenne a prononcé l’adoption de l’enfant B.__, né en 1994, par les citoyens suisses non mariés A.__, né en 1952, et C.__, née en 1959. Cette adoption pouvant être reconnue en Suisse, l’enfant a été inscrit dans le registre des familles de ses parents et a acquis le droit de cité de sa mère (communication de l’Etat civil cantonal vaudois en 1997). Le 18.05.2000, le Juge de paix a attribué à C.__ et à A.__ l’autorité parentale conjointe sur leur fils.

Le 15.07.2015, A.__ a demandé le versement anticipé d’une rente ordinaire de vieillesse auprès de caisse de compensation. La caisse a fixé le montant de la prestation mensuelle à 1’576 fr. dès le 01.11.2015. Elle a en particulier nié le droit de l’assuré à des bonifications pour tâches éducatives avant le prononcé du 18.05.2000.

 

Procédure cantonale (arrêt AVS 50/15 – 12/2017 – consultable ici : http://bit.ly/2fsBDNc)

La juridiction cantonale a retenu que l’assuré n’avait pas droit à l’attribution de bonifications pour tâches éducatives pour les périodes d’assurance accomplies avant le mois de mai 2000. Selon la législation nicaraguayenne applicable au moment de l’adoption de B.__, elle a constaté que les droits et obligations envers l’enfant incombaient aux parents vivant ensemble, mariés ou non. Cette réglementation n’avait toutefois selon les premiers juges aucune incidence dans le calcul de la rente de vieillesse de l’assuré dans la mesure où l’adoption prononcée au Nicaragua n’avait pu entraîner en Suisse des effets – notamment du point de vue du droit de la filiation – plus étendus que ceux prévus par le droit suisse. Or, selon l’anc. art. 298 al. 1 CC, en vigueur jusqu’au 31.12.1999, l’autorité parentale appartenait à la mère qui n’était pas mariée avec le père, le droit suisse ne connaissant pas l’autorité parentale conjointe pour des couples non mariés jusqu’à cette date.

Par jugement du 03.03.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assuré soutient que le droit nicaraguayen, applicable selon lui en vertu de l’art. 3 de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs (RS 0.211.231.01; ci-après: CLaH 61 ou la Convention), lui avait cependant attribué de plein droit l’autorité parentale conjointe. Aussi, avait-il droit à des bonifications pour tâches éducatives dès le 01.01.1997, attribuées par moitié à chacun des parents, conformément à la solution prévue, à partir du 01.01.2000, par l’art. 29 sexies al. 1 let. d LAVS en relation avec l’anc. art. 52f al. 2 bis RAVS.

Aux termes de l’anc. art. 29 sexies al. 1 LAVS, dans sa version en vigueur du 01.01.1997 au 31.12.1999, les assurés peuvent prétendre à une bonification pour tâches éducatives pour les années durant lesquelles ils exercent l’autorité parentale sur un ou plusieurs enfants âgés de moins de 16 ans. Les personnes vivant en couple marié ne peuvent prétendre à deux bonifications, cumulativement. Le Conseil fédéral règle les détails, en particulier l’attribution de la bonification pour tâches éducatives lorsque : des parents ont la garde d’enfants, sans exercer l’autorité parentale (let. a), un seul des parents est assuré auprès de l’assurance-vieillesse et survivants suisse (let. b) ou les conditions pour l’attribution d’une bonification pour tâches éducatives ne sont pas remplies pendant toute l’année civile (let. c).

L’anc. art. 29 sexies al. 1 LAVS fait dépendre le droit à l’attribution des bonifications pour tâches éducatives de l’exercice de l’autorité parentale sur un ou plusieurs enfants (art. 296 ss CC ; ATF 130 V 241 consid. 2.1 p. 243 ; 126 V 1 consid. 3b p. 2; 125 V 245 consid. 2a p. 246). Lorsqu’une disposition en matière d’assurances sociales renvoie à une notion de droit civil (« l’autorité parentale »), celle-ci devient partie intégrante du droit des assurances sociales. Le cas échéant, une telle notion peut cependant avoir un sens différent du droit civil. C’est pourquoi il appartient à l’administration et, en cas de recours, au juge d’interpréter la notion de droit civil reprise dans le droit des assurances sociales. Ce faisant, ils doivent se fonder sur la portée et le but de la norme contenant un renvoi à la notion de droit civil, afin de trancher le point de savoir si la notion reprise a la même signification ou non qu’en droit civil (ATF 130 V 404 consid. 5.1 p. 404).

La jurisprudence fédérale n’a, à ce jour, pas eu l’occasion de se prononcer sur l’application et les effets de l’art. 3 CLaH 61 en droit des assurances sociales, qui prescrit qu’un rapport d’autorité résultant de plein droit de la loi interne de l’Etat dont le mineur est ressortissant est reconnu dans tous les Etats contractants. A cet égard, on peut douter que les prestations de l’assurance-vieillesse puissent dépendre de cette convention, qui a pour but de déterminer la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs. Il n’est toutefois pas nécessaire, en l’espèce, de trancher cette question.

Quoi qu’en dise l’assuré, même à supposer que l’art. 3 ClaH 61 puisse produire des effets dans le domaine des assurances sociales, le Tribunal fédéral a déjà jugé que le rattachement prévu par cette disposition doit se faire selon le critère de la nationalité effective ou prépondérante (arrêt 5C.265/2004 du 26 janvier 2005 consid. 4.1, reproduit in FamPra.ch 2005 p. 634 ss). En l’occurrence, tant l’enfant que ses père et mère possédaient la nationalité suisse et étaient domiciliés dans le canton de Vaud dès septembre 1996. La rupture définitive des liens de l’enfant avec sa famille de sang a par ailleurs été jugée dans son meilleur intérêt. Il s’ensuit que l’autorité précédente n’avait en tout état de cause pas à tenir compte de la loi nicaraguayenne pour la période d’assurance courant à partir du 01.01.1997, seul le droit suisse, en tant que droit de la nationalité prépondérante, étant applicable.

Aussi, en vertu de l’anc. art. 298 al. 1 CC, si les parents n’étaient pas mariés, l’autorité parentale sur l’enfant mineur appartenait de plein droit à la mère jusqu’au 31.12.1999 (ATF 130 V 241 consid. 2.1 p. 243 et 3.2 p. 245), si bien que le droit du recourant à des bonifications pour tâches éducatives a pu naître au plus tôt le 18.05.2000, date de la décision du Juge de paix. Aucune bonification n’est par ailleurs octroyée pour l’année de la naissance du droit (art. 52f, 2ème phrase, RAVS).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_258/2017 consultable ici : http://bit.ly/2y1Da4z

 

 

8C_778/2016 (f) du 01.09.2017 – Gain assuré pour l’indemnité journalière en cas de rechute – 15 LAA – 23 al. 8 OLAA / Gain assuré pour un chômeur transfrontalier (ressortissant français résidant en France) / Calcul des indemnités journalières en cas de rechute

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_778/2016 (f) du 01.09.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2hsUpkw

 

Gain assuré pour l’indemnité journalière en cas de rechute / 15 LAA – 23 al. 8 OLAA

Gain assuré pour un chômeur transfrontalier (ressortissant français résidant en France)

Calcul des indemnités journalières en cas de rechute / 23 al. 8 OLAA

 

Le 07.09.2012, l’assuré, ressortissant français et domicilié en France voisine, a été victime d’une agression lors d’un braquage commis dans une station-service en Suisse. Il travaillait alors en qualité de menuisier. Le cas a été pris en charge par l’assureur LAA.

Par lettre du 01.09.2014, l’assuré a informé l’assureur-accidents d’une « opération de la clavicule » envisagée par son médecin-traitant, en lui demandant si elle en assumerait le coût et les conséquences sur sa capacité de travail. Après avoir complété l’instruction, l’assureur-accidents a accepté de reprendre le versement des prestations en nature à titre de rechute et réservé à un examen ultérieur le droit à des indemnités journalières. À compter du 17.11.2015, l’assuré a présenté une incapacité de travail et demandé l’octroi de prestations en espèces.

Par décision du 27.04.2016, confirmée sur opposition, l’assureur-accidents a fixé le montant de l’indemnité journalière à 85 fr. 80, calculé sur la base du salaire perçu juste avant le 01.09.2014, lequel était constitué d’allocations d’aide au retour à l’emploi allouées par les autorités de chômage françaises.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 74/16 – 103/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2xtX3OG)

Par jugement du 20.10.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Gain assuré pour l’indemnité journalière en cas de rechute

Selon l’art. 15 LAA, les indemnités journalières et les rentes sont calculées d’après le gain assuré (al. 1). Est réputé gain assuré pour le calcul des indemnités journalières le dernier salaire que l’assuré a reçu avant l’accident (art. 15 al. 2, première phrase, LAA). Sous réserve de certaines dérogations énumérées sous lettres a à d, il s’agit du salaire déterminant au sens de la législation sur l’assurance-vieillesse et survivants (art. 22 al. 2, 1 ère phrase, OLAA).

Conformément à la délégation de l’art. 15 al. 3 LAA, le Conseil fédéral a promulgué des dispositions sur la prise en considération du gain assuré dans des cas spéciaux, pour l’indemnité journalière (art. 23 OLAA). Selon l’alinéa 8 de cette disposition réglementaire, le salaire déterminant en cas de rechute est celui que l’assuré a reçu juste avant celle-ci ; il ne saurait toutefois être inférieur à 10 % du montant maximum du gain journalier assuré, sauf pour les bénéficiaires de rentes de l’assurance sociale.

En l’occurrence, sous réserve de certains des cas spéciaux prévus par la loi (cf. par exemple art. 23 al. 1 OLAA), le gain assuré au sens des art. 15 LAA et 22 OLAA se fonde sur le salaire effectivement touché par l’assuré et ne se rapporte pas à un gain fictif. Il ne faut pas perdre de vue que, dans l’assurance-accidents, les indemnités journalières servent à compenser la perte de revenu d’une activité lucrative ou d’un revenu de substitution en cas d’incapacité de travail consécutive à un accident assuré (art. 16 al. 1 LAA; Message du 18 août 1976 à l’appui d’un projet de loi fédérale sur l’assurance-accidents, FF 1976 III 143, 170 ch. 342; ALFRED MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 2 e éd. 1989, p. 321). Partant, contrairement à ce que soutient l’assuré, les indemnités journalières LAA auxquelles il prétend ne peuvent se fonder sur le montant des indemnités de chômage qu’il aurait hypothétiquement touchées en vertu du droit suisse. La loi ne prévoit aucune dérogation pour les chômeurs transfrontaliers.

En outre, et à juste titre, l’assuré ne remet pas en cause la compétence des autorités françaises pour le versement des prestations de chômage (voir l’ATF 142 V 590 consid. 4.3 concernant une travailleuse transfrontalière au chômage complet). Dans ces conditions, le mode de calcul des indemnités de chômage selon le droit français n’est pas pertinent pour la résolution du cas d’espèce et l’assuré ne saurait se prévaloir d’une inégalité de traitement.

Dans la mesure où il est domicilié en France, sa situation n’est pas similaire à celle d’un chômeur en Suisse. Le fait que, malgré une activité salariée en Suisse, il a perçu des prestations de chômage de la France, et donc un revenu de substitution inférieur à celui prévu dans la LACI, n’est que la conséquence de la coordination des systèmes de sécurité sociale entre la Suisse et les États membres de l’Union européenne.

 

Calcul des indemnités journalières en cas de rechute selon l’art. 23 al. 8 OLAA

Selon la jurisprudence, la loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre. Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales. Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; en particulier, il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 142 IV 389 consid. 4.3.1 p. 397; 139 V 250 consid. 4.1 p. 254 et les arrêts cités).

Par ailleurs, les dispositions d’exception ne doivent être interprétées ni restrictivement ni extensivement, mais conformément à leur sens et à leur but, dans les limites de la règle générale (ATF 137 V 167 consid. 3.4 p. 171; 136 V 84 consid. 4.3.2 p. 92; 130 V 229 consid. 2.2 p. 233 et les arrêts cités).

L’art. 23 al. 8 OLAA concerne le calcul des indemnités journalières en cas de rechute, à savoir lorsque se manifeste à nouveau une atteinte à la santé qui, en apparence seulement mais non dans les faits, était considérée comme guérie (ATF 123 V 137 consid. 3a p. 138 et les références; arrêt 8C_61/2016 du 19 décembre 2016 consid. 3.2, in SVR 2017 UV n° 19 p. 63). Il s’agit d’une prescription particulière qui déroge à la règle générale de l’art. 15 al. 2 LAA, concernant la période de référence pour le calcul du gain assuré. Les indemnités journalières visent à compenser une perte de gain due à une incapacité de travail. Aussi la circonstance prévue à l’art. 23 al. 8 OLAA se rapporte-t-elle directement à la survenance d’une (nouvelle) incapacité de travail. Par salaire reçu juste avant la rechute, il faut ainsi comprendre le gain réalisé juste avant l’incapacité de travail.

Dans le cas d’espèce, la cour cantonale a fixé le point de départ de la rechute au 01.09.2014, à savoir la date de la lettre de l’assuré recourant dans laquelle il questionne la CNA au sujet de la prise en charge d’une éventuelle opération. L’incapacité de travail du recourant ne s’est toutefois manifestée qu’une année plus tard environ. Entre-temps l’assuré a repris une activité salariée, de juin 2015 à novembre 2015. La date du 01.09.2014 ne se rapporte pas non plus à la reprise d’un traitement médical. Il semble même que l’opération envisagée n’a finalement pas eu lieu. Dans ces conditions, rien ne justifiait un calcul du gain assuré sur la base du revenu perçu au mois d’août 2014.

Il convient bien plutôt de prendre en considération la période précédant immédiatement l’incapacité de travail donnant droit aux indemnités en cause.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré et renvoie la cause à l’assurance-accidents qu’elle procède à un nouveau calcul du gain assuré. Si le nouveau calcul se révèle défavorable à l’assuré par rapport à la décision litigieuse, elle devra lui donner l’occasion de retirer son opposition (art. 12 al. 2 OPGA ; ATF 131 V 414 consid. 1 p. 416 s.).

 

 

Arrêt 8C_778/2016 consultable ici : http://bit.ly/2hsUpkw

 

 

9C_725/2016 (f) du 18.05.2017 – Pas d’obligation d’inclure l’indemnité pour vacances non prises dans le montant du salaire assuré selon la LPP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_725/2016 (f) du 18.05.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2y2kOR1

Paru in : Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 145, chiffre no 972, consultable ici : http://bit.ly/2wNAo2A

 

Pas d’obligation d’inclure l’indemnité pour vacances non prises dans le montant du salaire assuré selon la LPP

 

Le litige porte sur le point de savoir si le montant versé à la personne assurée afin de l’indemniser pour les vacances qui n’avaient pas été prises pendant les rapports de travail doit être intégré ou pas au salaire assuré qui a servi de base pour le calcul de sa rente d’invalidité.

Selon le TF, il apparaît que l’indemnité pour les vacances non prises ne pouvait être versée qu’après la dissolution du contrat de travail, dès lors qu’il est interdit de substituer des prestations en argent et d’autres avantages à des vacances aussi longtemps que durent les rapports de travail (cf. art. 329d CO; voir aussi ATF 129 III 493 consid. 3.1 p. 495). Ceci est un indice qui parle plutôt en faveur de ce que l’indemnité litigieuse soit écartée du salaire assuré selon la LPP. Autant le salarié licencié injustement avec effet immédiat que celui qui durant le délai de résiliation de son contrat devient incapable de travailler ne peuvent ainsi plus exercer leur « droit aux vacances ». Tous les deux vont toutefois recevoir ce qu’ils auraient obtenu si leur contrat de travail avait été conduit à terme (pour le travailleur licencié injustement avec effet immédiat, cf. ATF 133 III 657 consid. 3.2 p. 659 s.), y compris par conséquent le salaire afférent aux vacances. Peu importe le nom donné à la prestation pécuniaire versée à cette occasion (salaire-indemnité) dans la mesure où celle-ci est clairement liée à une prestation de travail ou à la période au cours de laquelle le salarié n’est légalement pas obligé de fournir une prestation de travail en contrepartie du salaire (cf. art. 329a ss CO). Tel n’est en revanche pas le cas de l’indemnité pour des vacances non prises qui, comme l’a mentionné l’autorité précédente, consiste en une prestation en argent supplémentaire versée pour compenser le repos qui n’a pas été pris et qui, par conséquent, ne présente pas une relation de causalité directe avec la prestation de travail ou la période décrite ci-dessus (cf. arrêt U 155/94 consid. 7d cité).

Il n’y a dès lors pas de raisons de prendre en considération l’indemnité pour vacances non prises dans la détermination du montant du salaire assuré selon la LPP. Cette solution est également compatible avec la jurisprudence rendue en matière d’assurance-chômage et d’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 9C_725/2016 consultable ici : http://bit.ly/2y2kOR1

 

 

1B_75/2017 (f) du 16.08.2017 – destiné à la publication – Résultats de la surveillance par une assurance d’un fraudeur pas automatiquement inadmissibles dans une procédure pénale

Arrêt du Tribunal fédéral 1B_75/2017 (f) du 16.08.2017, destiné à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/2jY47jp

Source : Jurius, Une décision de Strasbourg a des effets sur la procédure pénale, in : Jusletter 25 septembre 2017  

 

 

L’observation systématique d’un présumé fraudeur ordonnée par une assurance est équivalente à une mesure de contrainte, conclut le Tribunal fédéral. Mais même si les droits fondamentaux de la personne concernée ont été bafoués, les résultats de la surveillance ne sont pas automatiquement inadmissibles dans une procédure pénale. (Arrêt 1B_75/2017)

 

Dans une décision publiée le 18 septembre 2017, le Tribunal fédéral conclut que le verdict de la Cour européenne des droits de l’homme relatif à la surveillance privée dans des cas d’accidents et d’assurances sociales a également des effets sur le droit de la procédure pénale.

En octobre 2016, la Cour européenne des droits de l’homme avait conclu qu’il n’y a pas, en Suisse, de base légale suffisante pour des surveillances privées. Elle soulignait le risque d’abus.

Dans le cas actuel, le Tribunal fédéral écrit que le droit de la procédure pénale ne prévoit pas d’observations privées. La surveillance est l’affaire du Ministère public et, pour l’enquête, celle de la police judiciaire. Si l’observation dure plus d’un mois, le Ministère public doit donner son feu vert.

Dans le cas présent, une entreprise d’assurances a fait surveiller un homme en incapacité de travail à 100% après un accident. Celui-ci avait obtenu une rente et des prestations d’assurance. Les observations avaient été effectuées à plusieurs reprises entre 2006 et 2013.

En décembre 2015, l’assurance a déposé une plainte pour escroquerie à l’assurance par métier. Le Ministère public soleurois a alors procédé à une perquisition du domicile et a saisi des appareils et des données électroniques. L’homme en question s’est opposé à la levée des scellés des appareils et à l’évaluation de ces données.

Dans sa décision, le Tribunal fédéral retient que les résultats d’une surveillance privée ne sont pas automatiquement inutilisables dans une procédure pénale. Fondamentalement, il appartient au juge de décider définitivement de l’admissibilité d’éléments de preuve.

Il importe toutefois que les résultats d’une observation servent à élucider un délit. Pour cela, il est exceptionnellement permis de recourir à des éléments de preuve obtenus de manière illégale. Ceci particulièrement lorsque ces éléments sont la seule base pour vérifier le soupçon initial.

La décision du Tribunal fédéral montre en outre que les observations ont été effectuées dans l’espace public, dans des endroits accessibles à tous. Il n’y a donc pas eu de violation grave de la sphère privée. De plus, dans ces conditions, une observation ordonnée par les autorités de poursuite pénale aurait été légale, selon les juges de Strasbourg.

 

 

Arrêt 1B_75/2017 consultable ici : http://bit.ly/2jY47jp

 

 

9C_287/2017 (f) du 22.08.2017 – Renseignements et conseils de l’assureur social – 27 LPGA / Promesse orale de l’assureur-maladie de prendre en charge les frais d’une intervention à l’étranger / Pas d’information ou promesse erronées

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_287/2017 (f) du 22.08.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2xqjWVv

 

Renseignements et conseils de l’assureur social / 27 LPGA

Promesse orale de l’assureur-maladie de prendre en charge les frais d’une intervention à l’étranger – 36 OAMal / Pas d’information ou promesse erronées

 

Assuré auprès d’Arcosana SA pour l’assurance-maladie obligatoire et auprès de CSS Assurance-maladie SA pour des assurances complémentaires. Les deux sociétés font partie du Groupe CSS, organisé sous forme de holding. Par courriel du 13.10.2014, l’assuré a indiqué à un collaborateur du Groupe CSS, qu’il avait souffert de cécité à l’œil droit lors d’un séjour en France durant l’été 2014 et avait consulté un professeur, spécialiste en ophtalmologie, établi en France. Le médecin aurait diagnostiqué une cataracte et recommandé une intervention chirurgicale des deux yeux (opérations distinctes, pratiquées à quelques semaines d’intervalles, effectuées en ambulatoire). L’assuré a demandé qu’une indemnité forfaitaire pour les deux opérations lui soit versée « de la part de CSS ». Le 21.10.2014, une collaboratrice « spécialiste en prestations Etranger » du Groupe CSS a fait savoir à l’assuré que les conditions de la prise en charge d’une intervention à l’étranger par l’assurance-maladie obligatoire n’étaient pas remplies ; il en allait de même en ce qui concernait les assurances complémentaires.

L’assureur obligatoire des soins a refusé par décision la demande de prise en charge, motif pris qu’il ne s’agissait pas d’une situation d’urgence mais d’un traitement volontaire à l’étranger et que l’intervention pouvait être pratiquée en Suisse.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 23.03.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 27 LPGA, dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs et les organes d’exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1). Chacun a le droit d’être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations (al. 2). Le devoir de conseils de l’assureur social comprend l’obligation de rendre la personne intéressée attentive au fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l’une des conditions du droit aux prestations (ATF 131 V 472 consid. 4.3 p. 480). Les conseils ou renseignements portent sur les faits que la personne qui a besoin des conseils doit connaître pour pouvoir correctement user de ses droits et obligations dans une situation concrète face à l’assureur-maladie. Le devoir de conseils s’étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique. Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l’assuré, telle qu’elle est reconnaissable pour l’administration (arrêt 8C_66/2009 du 7 septembre 2009 consid. 8.3, non publié in ATF 135 V 339 ; Meyer, Grundlagen, Begriff und Grenzen der Beratungspflicht der Sozialversicherungsträger nach Art. 27 Abs. 2 ATSG, in Sozialversicherungsrechtstagung 2006, n° 35 p. 27).

Le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l’assureur, est assimilé à une déclaration erronée de sa part qui peut, à certaines conditions, obliger l’autorité à consentir à un administré un avantage auquel il n’aurait pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi découlant de l’art. 9 Cst. (ATF 131 V 472 consid. 5 p. 480).

Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l’administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (a) l’autorité soit intervenue dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées, (b) qu’elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (c) que l’administré n’ait pas pu se rendre compte immédiatement (« ohne weiteres ») de l’inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu’il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour (d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, et (e) que la réglementation n’ait pas changé depuis le moment où l’assurance a été donnée (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 636 s. et les références citées). Ces principes s’appliquent par analogie au défaut de renseignement, la condition (c) devant toutefois être formulée de la façon suivante : que l’administré n’ait pas eu connaissance du contenu du renseignement omis ou que ce contenu était tellement évident qu’il n’avait pas à s’attendre à une autre information (ATF 131 V 472 consid. 5 p. 480).

En l’espèce, l’assuré allègue avoir décidé de se faire opérer en France en se fondant sur une promesse orale de l’assureur-maladie de prendre en charge les frais y relatifs. Le fait qu’un collaborateur du Groupe CSS lui aurait oralement indiqué lors d’un entretien téléphonique du 13.10.2014 qu’à son avis les frais lui seraient remboursés importe peu. En effet, l’assuré s’est adressé par courriel du même jour à ce collaborateur du Groupe CSS faisant référence à leur conversation téléphonique sans pourtant mentionner une quelconque promesse que ce dernier lui aurait faite quant au remboursement des frais, et demandant expressément l’accord de l’assurance-maladie quant à la prise en charge d’une indemnité forfaitaire pour les opérations proposées par le spécialiste établi en France. Par ailleurs, selon les termes employés dans son courriel (« il s’agirait de deux opérations distinctes, pratiquées à quelques semaines d’intervalles »), les interventions dont il est question n’avaient à ce moment-là manifestement pas encore eu lieu. En réponse à sa demande, la collaboratrice « spécialiste en prestations Etranger » du Groupe CSS a fait savoir à l’assuré par courriel du 21.10.2014 que les conditions prévues à l’art. 36 OAMal n’étaient pas remplies. L’assuré a donc été informé, en temps utile, de l’absence de prise en charge. Il n’avait alors pas encore subi l’opération – dont il n’a au demeurant jamais indiqué la date tout au long de la procédure – ni partant pris des dispositions auxquelles il n’aurait pas pu renoncer. Il ne s’est pas trouvé, contrairement à ce qu’il invoque, devant le fait accompli. On ne peut dès lors reprocher à la caisse-maladie de ne pas l’avoir informé correctement ou d’avoir créé une attente légitime à son égard.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_287/2017 consultable ici : http://bit.ly/2xqjWVv

 

 

9C_121/2017 (d) du 06.06.2017 – proposé à la publication – Cotisations des personnes sans activité lucrative – 10 al. 1 et 3 LAVS – 28 al. 1 RAVS – 8 Cst. – 26 al. 1 Cst. / Notion de la « condition sociale » – Calcul des cotisations sur la base de la fortune

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_121/2017 (d) du 06.06.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2hqzIcF

Paru in : Jurisprudence du Tribunal fédéral relative au droit des cotisations AVS, Sélection de l’OFAS n° 59, consultable ici : http://bit.ly/2fkuvPq

 

Cotisations des personnes sans activité lucrative – 10 al. 1 et 3 LAVS – 28 al. 1 RAVS – 8 Cst. – 26 al. 1 Cst.

Notion de la « condition sociale » – Calcul des cotisations sur la base de la fortune

 

Sur la base de l’art. 10 al. 1 et 3 LAVS, le Conseil fédéral a édicté l’art. 28 al. 1 RAVS. Ce dernier contient une échelle pour la détermination des cotisations. Le Tribunal fédéral a dû examiner si l’art. 28 al. 1 RAVS (dans sa version du 01.01.2013) est conforme à la loi et à la Constitution (consid. 3).

Selon le premier grief invoqué, le modèle de calcul actuel ignorerait les réflexions fondamentales sur lesquelles se fonde le modèle prévalant en 1947. De ce fait, il y aurait une inégalité de traitement entre les personnes exerçant une activité lucrative et les personnes n’exerçant pas d’activité lucrative (consid. 5.2)

Le Tribunal fédéral indique que l’art. 10 LAVS ne prescrirait pas de modèle particulier de calcul. La seule indication que la loi donne à l’autorité chargée d’édicter le règlement serait celle de fixer le calcul des cotisations selon « la condition sociale ». Le Tribunal fédéral retient que la loi ne définit pas la notion de la condition sociale. Il serait donc indubitable qu’en principe, avec l’augmentation de la fortune les cotisations devraient être plus importantes. Finalement, le Tribunal fédéral conclut que le cadre de la délégation législative n’est pas dépassé (consid. 6.1 et 6.3.1).

Notre Haute Cour rejette également le grief d’une violation du principe de l’égalité de traitement. Par rapport aux personnes exerçant une activité lucrative, il ne pourrait être question d’inégalité de traitement, étant donné que la base du calcul des cotisations est totalement différente (consid. 6.3.3)

S’agissant de la garantie de propriété, le Tribunal fédéral soulève la question si, en l’espèce, elle peut être invoquée. Il serait en effet possible de se soustraire au calcul des cotisations sur la base de la fortune en exerçant une activité lucrative. La question est laissé ouverte (consid. 6.4.2).

 

 

Arrêt 9C_121/2017 consultable ici : http://bit.ly/2hqzIcF