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Jann-Zwicker et Jann c. Suisse (requête no 4976/20) – Arrêt CEDH du 13.02.2024 – La prescription de l’action engagée par une victime de l’amiante a emporté violation de la Convention

Jann-Zwicker et Jann c. Suisse (requête no 4976/20) – Arrêt CEDH du 13.02.2024

 

Arrêt consultable ici (en anglais)

Communiqué de presse de la Greffière de la Cour du 13.02.2024 consultable ici (en français)

 

La prescription de l’action engagée par une victime de l’amiante a emporté violation de la Convention / 6 § 1 CEDH

 

L’affaire Jann-Zwicker et Jann c. Suisse (requête no 4976/20) concerne le décès en 2006 de Marcel Jann, proche des requérants, des suites d’un cancer de la plèvre qui aurait été provoqué par une exposition à l’amiante remontant aux années 1960 et 1970. Marcel Jann habitait alors dans une maison louée à Eternit AG, à proximité immédiate de l’une des usines de cette société, où l’amiante était transformé. Ni la procédure pénale engagée en 2006 ni la procédure civile entamée en 2009 (respectivement avant et après le décès de Marcel Jann) n’ont permis aux requérants d’obtenir gain de cause. Le Tribunal fédéral a jugé que l’action civile était prescrite. Dans son arrêt de chambre, rendu ce jour, la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu :

  • violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention européenne des droits de l’homme en raison d’un défaut d’accès à un tribunal, les juridictions suisses ayant jugé que le délai de prescription avait commencé à courir à partir du moment où Marcel Jann avait été exposé et qu’en conséquence l’action était prescrite;
  • violation de l’article 6 § 1 quant à la durée de la procédure devant les juridictions nationales, car l’ajournement décidé par le Tribunal fédéral dans l’attente d’une réforme législative n’était pas nécessaire.

 

Principaux faits

Les requérants, Regula Jann-Zwicker et Gregor Jann, sont des ressortissants suisses nés en 1948 et 1983 et résidant respectivement à Thalwil et à Zürich (deux villes suisses). Ils sont la veuve et le fils de Marcel Jann, né en 1953.

En 2006, Marcel Jann succomba à un cancer de la plèvre, qui aurait été provoqué par une exposition à l’amiante. De 1961 à 1972, il avait vécu à Niederurnen, dans une maison qui appartenait à Eternit AG et qui se situait à proximité immédiate de l’une des usines de cette société, où des fibres minérales d’amiante étaient transformées en panneaux de ciment. À l’époque, les parents de Marcel Jann louaient cette maison à la société en question. Marcel Jann a plus tard affirmé avoir été exposé régulièrement aux émissions d’amiante en respirant les poussières, en jouant sur les tuyaux de l’usine et autour de ceux-ci, et en observant le déchargement des sacs d’amiante à la gare.

L’utilisation de l’amiante est interdite en Suisse depuis 1989.

Peu avant son décès, Marcel Jann engagea une procédure pénale pour lésions corporelles graves, qui fut rejetée par les tribunaux suisses. En 2009, après son décès, les requérants entamèrent une action en réparation contre la société Eternit (Schweiz) AG (successeur présumé d’Eternit AG), les deux fils de l’ancien propriétaire d’Eternit AG, Max Schmidheiny, et les Chemins de fer fédéraux suisses.

Le tribunal cantonal de Glaris les débouta. Il jugea que le délai de prescription était écoulé et exposa en particulier que lier le début de la prescription à l’apparition d’un dommage serait contraire à la sécurité juridique. Il considéra qu’en l’espèce le délai avait commencé à courir à partir de la fin du fait dommageable allégué (c’est-à-dire en 1972, lorsque Marcel Jann avait quitté Niederurnen). Il estima ce raisonnement conforme à l’article 6 de la Convention.

Les requérants interjetèrent appel. En 2013, le tribunal supérieur (Obergericht) du canton de Glaris confirma le jugement de première instance. Les requérants saisirent alors le Tribunal fédéral et, par ailleurs, demandèrent la suspension de la procédure en attendant que la Cour européenne statue dans l’affaire Howald Moor et autres c. Suisse (nos 52067/10 et 41072/11). Cette demande fut accueillie après que la Cour européenne avait rendu son arrêt dans l’affaire en question, mais la procédure fut suspendue dans l’attente d’un débat parlementaire sur une réforme de la prescription applicable à certaines actions civiles.

En 2018, à la suite de l’adoption par le Parlement d’une nouvelle loi sur la prescription, et à la demande des requérants, le Tribunal fédéral reprit le cours de la procédure. Il rejeta les demandes des requérants, confirma l’arrêt du tribunal supérieur, constata par ailleurs qu’un fonds d’indemnisation pour les victimes de l’amiante (Stiftung Entschädigungsfonds für Asbestopfer – la Fondation EFA) avait été créé, et jugea que les nouveaux délais de prescription pour homicide ou infliction d’un dommage corporel ne s’appliquaient pas en l’espèce. Enfin il considéra que le délai de prescription avait débuté au moment où le dommage causé à Marcel Jann avait commencé.

 

Décision de la Cour

Article 6 § 1 (concernant l’accès à un tribunal)

Les requérants et le Gouvernement sont en désaccord sur le point de savoir si la situation des premiers est identique à celle qui était en cause dans l’affaire Howald Moor et autres en ce qui concerne la prescription, qui les a privés d’accès à un tribunal. La Cour relève que, dans l’affaire Howald Moor et autres, la victime, qui avait été exposée à l’amiante dans le cadre de son travail, a touché une indemnité au titre de l’assurance-accidents pour un dommage causé par l’amiante, tandis que Marcel Jann n’a pas eu droit à une telle indemnité, au motif que l’exposition dénoncée ne s’était pas produite sur son lieu de travail ; elle observe en revanche que tous deux avaient droit à la protection de leur intégrité physique, notamment par le biais des tribunaux.

Entre l’exposition alléguée à l’amiante et l’introduction devant les juridictions nationales d’une action civile, le délai écoulé a été de 27 ans dans l’affaire Howald Moor et autres et de 37 ans dans la présente affaire (34 ans en ce qui concerne le dépôt de la plainte pénale), mais le Tribunal fédéral n’a pas mentionné ce point dans son raisonnement et n’a donc pas estimé cette différence significative, contrairement à ce que soutient le Gouvernement. La Cour relève également que, dans l’affaire Howald Moor et autres, la victime a engagé son action en justice 17 mois après l’établissement du diagnostic, et qu’en l’espèce la victime a saisi le tribunal environ deux ans après le diagnostic.

De plus, la Cour note que le nouveau délai de prescription absolu de 20 ans n’était pas applicable en l’espèce. Elle ne saurait donc souscrire à l’avis du Gouvernement selon lequel une approche différente s’imposait dans cette affaire.

Le Gouvernement soutient que les requérants auraient pu et dû solliciter une indemnité auprès de la Fondation EFA. La Cour relève cependant que, les symptômes de Marcel Jann étant apparus avant 2006, celui-ci n’aurait pas pu bénéficier d’une telle indemnité et que la définition de la « situation de détresse » justifiant son octroi n’est pas claire. En fait, il ne semble pas exister de droit à obtenir une indemnité, car la Fondation EFA est une entité privée et ses décisions ne peuvent pas faire l’objet d’un recours en justice. De plus, l’octroi d’une indemnité est subordonné à l’établissement d’une déclaration par laquelle le bénéficiaire potentiel renonce à entamer des poursuites judiciaires. La Cour juge positif en principe qu’en 2022 le cercle des bénéficiaires ait été élargi de manière à englober les personnes dont les symptômes sont apparus après 1996, mais cela ne change rien à sa conclusion, compte tenu des conditions juridiques attachées à la perception d’une indemnité.

La Cour relève qu’il n’existe pas de période de latence maximale scientifiquement reconnue entre l’exposition à l’amiante et l’apparition d’un cancer de la plèvre. Les périodes de latence varient entre 15 ans et 45 ans (voire plus) après l’exposition. La Cour rappelle que lorsqu’il est scientifiquement prouvé qu’une personne est dans l’impossibilité de savoir qu’elle souffre d’une certaine maladie, une telle circonstance devrait être prise en compte pour le calcul du délai de prescription. Eu égard à la jurisprudence du Tribunal fédéral, il a été établi que le début du délai de prescription en l’espèce correspondait à la fin du fait dommageable en question, et en conséquence les requérants n’ont pas obtenu l’examen au fond par un tribunal de leurs demandes d’indemnisation. De plus, la jurisprudence interne accordant plus de poids à la sécurité juridique des personnes responsables du dommage qu’au droit d’accès à un tribunal pour les victimes, il n’y a pas eu de proportionnalité raisonnable entre les buts poursuivis et les moyens employés.

Les tribunaux suisses ont limité le droit pour les requérants d’accéder à un tribunal à un point tel que leur droit s’en est trouvé atteint dans sa substance même. Dans cette affaire, l’État a donc outrepassé les limites de sa marge d’appréciation, au mépris de l’article 6 § 1 de la Convention.

 

Article 6 § 1 (concernant la durée de la procédure)

La Cour rappelle que la durée d’une procédure doit s’apprécier à la lumière des circonstances particulières de l’affaire. En l’espèce, les requérants se plaignent en substance de la durée de la procédure menée devant le Tribunal fédéral, soit six ans au total.

Compte tenu du caractère complexe de l’affaire, il s’agit essentiellement de déterminer si la période de quatre ans et demi de suspension de procédure a constitué un « délai raisonnable », comme le soutient le Gouvernement. Le Gouvernement ayant argué que les requérants auraient pu à plusieurs reprises demander la reprise de la procédure, la Cour rappelle que c’est à l’État qu’il incombe de veiller à ce qu’une procédure soit menée promptement. De plus, en l’espèce, le Tribunal fédéral a décidé d’attendre les réformes du droit pertinent avant de poursuivre, ce qui selon la Cour n’était pas nécessaire. La création de la Fondation EFA pour la prise en charge des victimes de l’amiante n’est pas non plus un point pertinent, en ce qu’elle est intervenue plus d’un an après que les requérants avaient demandé la reprise de la procédure et que, du reste, elle ne fait pas partie des motifs de la suspension décidée par le Tribunal fédéral.

En somme, la Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention du fait que l’État ne s’est pas conformé à son obligation de garantir la célérité de la procédure devant le Tribunal fédéral.

 

Satisfaction équitable (Article 41)

La Cour dit que la Suisse doit verser aux requérants conjointement 20 800 euros (EUR) pour préjudice moral et 14 000 EUR pour frais et dépens.

L’arrêt n’existe qu’en anglais.

 

Conformément aux dispositions des articles 43 et 44 de la Convention, cet arrêt de chambre n’est pas définitif. Dans un délai de trois mois à compter de la date de son prononcé, toute partie peut demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre de la Cour. En pareil cas, un collège de cinq juges détermine si l’affaire mérite plus ample examen. Si tel est le cas, la Grande Chambre se saisira de l’affaire et rendra un arrêt définitif. Si la demande de renvoi est rejetée, l’arrêt de chambre deviendra définitif à la date de ce rejet.

 

Jann-Zwicker et Jann c. Suisse (requête no 4976/20) – Arrêt CEDH du 13.02.2024  consultable ici (en anglais)

Communiqué de presse de la Greffière de la Cour du 13.02.2024 consultable ici (en français)

 

Dédommagement des victimes de l’amiante : ouverture de la consultation

Dédommagement des victimes de l’amiante : ouverture de la consultation

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 22.11.2023 consultable ici

 

La Suva devrait pouvoir soutenir financièrement la Fondation Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (EFA). Lors de sa séance du 22 novembre 2023, le Conseil fédéral a mis en consultation l’introduction un nouvel article de la loi sur l’assurance accident (LAA) afin de créer les conditions juridiques permettant à la Suva de participer au financement de la fondation.

La Fondation EFA a été créée pour indemniser financièrement les personnes souffrant de maladies liées à l’amiante qui ne sont pas couvertes par des prestations d’assurance. Toutefois, le financement de cette fondation s’est avéré de plus en plus difficile ces dernières années. Pour que celui-ci puisse être assuré à long terme, il convient de créer une nouvelle base légale afin que la Suva puisse contribuer à son financement.

Conformément au nouvel article 67b LAA, la Suva pourra verser exclusivement les excédents de recettes résultant de l’assurance contre les accidents et les maladies professionnels, de sorte que les primes d’assurance ne seront pas touchées. Le Conseil de la Suva a la compétence exclusive de décider si et dans quelle mesure la Fondation EFA doit être soutenue financièrement. L’entrée en vigueur de cette disposition est prévue pour le 1er janvier 2026.

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 22.11.2023 consultable ici

Fiche d’information «De l’interdiction de l’amiante aux premières indemnisations des victimes» disponible ici

Site de la Fondation EFA : https://www.stiftung-efa.ch/fr/

 

Indennizzazione delle vittime dell’amianto: apertura della consultazione, communicato stampa disponibile qui

Entschädigung von Asbestopfern: Eröffnung der Vernehmlassung, Medienmitteilung hier abrufbar

 

8C_462/2010 (d) du 22.10.2010 – ATF 136 V 419 – Amiante – Rente de veuve – 29 LAA / Retraite anticipée partielle (50%) avant la retraite ordinaire – Eclosion de la maladie professionnelle postérieure à la retraite AVS / Gain assuré pour la rente de survivants – 15 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_462/2010 (d) du 22.10.2010 [ATF 136 V 419]

 

Consultable ici

Publié aux ATF 136 V 419

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Amiante – Rente de veuve / 29 LAA

Retraite anticipée partielle (50%) avant la retraite ordinaire – Eclosion de la maladie professionnelle postérieure à la retraite AVS

Gain assuré pour la rente de survivants / 15 LAA – 24 al. 1 OLAA

Renchérissement de la rente

 

Assuré, né en 1935, a travaillé comme ajusteur de machines chez S.__ AG de 1963 jusqu’à sa retraite ordinaire fin mai 2000. Après avoir pris une retraite partielle (50%) en 1996 pour des raisons économiques, il n’a travaillé que 30% du temps au cours des années suivantes ; pour le 20% restant, il était considéré comme chômeur.

Un mésothéliome pleural a été diagnostiqué le 21.10.2002, vraisemblablement contracté à la suite d’une exposition à l’amiante dans le cadre de son travail entre 1963 et 1978. Il est décédé le 04.01.2005 des suites de cette maladie.

L’assurance-accidents a octroyé une rente de veuve de CHF 1’103.20 ou – dès le 01.01.2007 – de CHF 1’112.05 par mois avec effet rétroactif au 01.02.2005 ; le gain assuré déterminant était basé sur le revenu que l’assuré aurait pu obtenir d’un emploi à 50% chez son ancien employeur avant sa retraite ordinaire sans chômage.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 06.04.2010, admission du recours par le tribunal cantonal, renvoyant la cause à l’assurance-accidents pour nouvelle décision au sens des considérants. La cour cantonale a notamment considéré que l’assureur-accidents avait à juste titre fondé la rente de veuve sur le salaire que le défunt avait gagné en dernier lieu avant la retraite ordinaire dans le cadre d’un rapport de travail à 50% – sans chômage partiel ; toutefois, le revenu ainsi calculé devrait également être adapté au renchérissement pour la période comprise entre la retraite du défunt fin mai 2000 et le début de la rente le 01.02.2005.

 

TF

Il est incontesté que l’assuré est décédé des suites d’une maladie professionnelle au sens de l’art. 9 LAA. Il s’agissait d’une conséquence de substances nocives (amiante) auxquelles il avait été exposé entre 1963 et 1978, lors de son emploi dans la société S.__ AG.

Dans l’ATF 135 V 279, le Tribunal fédéral a reconnu que, sur la base des normes pertinentes (art. 15 al. 1-3 et art. 34 al. 1 LAA; art. 22 al. 2 et 4, art. 23 s. ainsi qu’art. 44 s. OLAA) aucune solution spécifique n’est prévue pour la constellation à apprécier en l’espèce – l’assuré avait quitté la vie active lors de l’éclosion de la maladie professionnelle parce qu’il avait atteint l’âge de la retraite AVS et n’est donc plus (plus) assuré.

Le concept de la LAA repose sur l’hypothèse que l’événement assuré s’est produit à un moment où l’assuré exerce encore une activité professionnelle.

Dans des cas comme celui qui nous occupe, l’assurance-accidents constitue, à titre exceptionnel, une assurance pour les personnes n’exerçant pas d’activité professionnelle et pour lesquelles il n’existe aucune réglementation pertinente en matière de calcul de rente (cf. ALFRED MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 1985, p. 362).

La règle de base pour le calcul de la rente est que le dernier salaire avant la survenance de l’événement assuré, c’est-à-dire en l’occurrence le début de la maladie professionnelle (octobre 2002 ; cf. art. 9 al. 3 LAA), est déterminant. Comme ce n’est généralement pas le cas pour les retraités AVS [absence de salaire avant la survenance de la maladie professionnelle], les revenus que l’assuré a perçus en dernier lieu alors qu’il était encore assuré sont considérés comme déterminants (ATF 135 V 279 consid. 4.1 et 4.2.1 p. 281 ss et références à MAURER, loc. cit. p. 220 ci-dessus ; le même, Recht und Praxis der Schweizerischen obligatorischen Unfallversicherung, 1963, p. 133).

Dans ce contexte, c’est à juste titre que la cour cantonale a retenu comme élément déterminant pour le calcul du gain assuré le salaire que le défunt aurait gagné en tant qu’employé assuré avant la retraite ordinaire le 31.05.2000 dans le cadre d’un pensum de 50% auprès de l’ancien employeur. La décision sur opposition est, sur ce point, correcte.

En ce qui concerne la question du renchérissement, il a été jugé dans l’ATF 135 V 279 (en particulier consid. 5 p. 283 ss.) que la rente de survivant fictive – in casu calculée hypothétiquement du de la retraite ordinaire de l’assuré décédé à la fin du mois de mai 2000 – (et non le gain assuré sur lequel elle était basée) devait être renchérie jusqu’au début effectif de la rente le 01.02.2005. Cette conclusion résulte sans équivoque de l’ATF 135 V 279 consid. 5.3.1 et 5.3.2 (p. 285 et suivantes), alors que le regest correspondant publié dans le Recueil officiel ne reflète certes pas tout à fait clairement le contenu essentiel du dispositif.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_462/2010 consultable ici – ATF 136 V 419 consultable ici

Proposition de citation : Arrêt du Tribunal fédéral 8C_462/2010 (d) du 22.10.2010 [ATF 136 V 419] – Amiante – Rente de veuve, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/09/8c_462-2010-atf-136-v-419)

 

8C_443/2013 (f) du 24.06.2014 – Amiante – Rente de veuve – 29 LAA / Invalidité totale [non LAA] avant la retraite AVS – Eclosion de la maladie professionnelle postérieure à la retraite AVS / Gain assuré pour la rente de survivants – 15 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_443/2013 (f) du 24.06.2014

 

NB : arrêt à 5 juges non publié

Consultable ici

 

Amiante – Rente de veuve / 29 LAA

Invalidité totale [non LAA] avant la retraite AVS – Eclosion de la maladie professionnelle postérieure à la retraite AVS

Gain assuré pour la rente de survivants / 15 LAA

 

L’assuré a travaillé comme maçon au service de plusieurs entreprises en Suisse entre 1962 et 1994. A partir du 01.10.1994, il a été mis au bénéfice d’une rente entière de l’assurance-invalidité en raison d’affections dorsales. A l’âge terme, le droit à une rente de vieillesse de l’AVS lui a été reconnu.

A la suite d’un contrôle médical le 25.01.2008, le médecin-traitant a constaté la présence d’une fibrose pulmonaire possiblement sur toxicité à la Cordarone. Après diverses investigations, l’assurance-accidents a admis sa responsabilité au titre d’une maladie professionnelle, dont elle a fixé la survenance au 25.01.2008.

L’assuré est décédé le 24.05.2010. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a refusé d’allouer une rente de survivante à la veuve de l’assuré. Elle a considéré qu’aucun gain assuré ne pouvait être pris en considération pour le calcul de la rente (théorique) à laquelle l’intéressée pouvait prétendre. En effet, avant que la maladie professionnelle ne se manifeste, l’assuré décédé avait bénéficié, successivement, d’une rente de l’assurance-invalidité, puis d’une rente de l’AVS, de sorte qu’il n’avait réalisé aucun revenu déterminant au sens du droit de l’AVS.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 103/12 – 35/2013 – consultable ici)

Par jugement du 07.05.2013, admission du recours par le tribunal cantonal, renvoyant la cause à l’assurance-accidents pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

TF

Il est admis en l’espèce que l’assuré est décédé des suites d’une maladie professionnelle causée par une exposition à des poussières d’amiante et qui s’est déclarée en janvier 2008.

Le droit à une rente de conjoint survivant (art. 29 LAA) en faveur de la veuve n’est pas contesté en tant que tel par l’assurance-accidents. Celle-ci se prévaut toutefois de l’absence d’un gain susceptible d’être pris en compte au titre de gain assuré en faisant valoir que le défunt était au bénéfice d’une rente entière de l’assurance-invalidité à partir de 1994.

Les principaux risques pour la santé associés à l’exposition à l’amiante sont le développement de fibroses (asbestose, lésions pleurales) et de cancers (essentiellement carcinome bronchique et mésothéliome). Le risque de développement d’une maladie en raison d’une exposition à l’amiante dépend en particulier de l’intensité et de la durée d’exposition. Le temps de latence avant l’apparition de la maladie est important et peut s’étendre sur plusieurs décennies (cf. ATF 133 V 421 consid. 5.1 p. 426; cf. aussi ATF 140 II 7). Ce laps de temps n’a toutefois pas d’incidence sur le droit aux prestations de l’assurance-accidents – notamment la rente de conjoint survivant – qui sont dues indépendamment de l’existence d’un rapport d’assurance au moment où la maladie s’est déclarée. Ce qui importe, c’est que l’intéressé ait été assuré pendant la durée de l’exposition (Alfred Maurer, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 2e éd. 1989, p. 219).

Conformément à l’art. 15 LAA, les rentes sont calculées d’après le gain assuré (al. 1). Est réputé gain assuré pour le calcul des rentes le salaire que l’assuré a gagné durant l’année qui a précédé l’accident (al. 2). Le Conseil fédéral édicte des prescriptions sur le gain assuré pris en considération dans des cas spéciaux, notamment en cas de maladie professionnelle (art. 15 al. 3 let. b LAA). A ce jour, le Conseil fédéral n’a toutefois pas fait usage de cette délégation de compétence (voir les art. 22 et 24 OLAA). En principe, et comme cela résulte de l’art. 9 al. 3 LAA précité, le gain assuré pour le calcul des rentes en cas de maladie professionnelle correspond au gain que l’assuré a obtenu dans l’année qui a précédé le déclenchement de la maladie professionnelle. Cette réglementation ne tient toutefois pas compte du fait que certaines maladies professionnelles ont, comme on l’a vu, un temps de latence très important; elles peuvent donc se déclarer bien après que l’assuré a atteint l’âge d’ouverture du droit à une rente de l’AVS, et, par conséquent, à une époque où il n’est depuis longtemps plus assuré contre les accidents et les maladies professionnelles.

Comme ni la LAA ni ses dispositions d’exécution ne règlent cette situation particulière, le Tribunal fédéral a comblé cette lacune par voie jurisprudentielle. Le gain assuré déterminant pour le montant d’une rente de survivant doit être calculé en fonction du salaire que le bénéficiaire d’une rente de vieillesse décédé – des suites d’une maladie professionnelle – a perçu en dernier lieu lorsqu’il était assuré conformément à la LAA. Ce gain est ensuite adapté à l’évolution nominale des salaires dans la branche professionnelle initiale jusqu’à l’âge donnant droit à une rente de vieillesse de l’AVS. La rente (fictive) de survivant ainsi obtenue doit encore être adaptée au renchérissement pour la période comprise entre la mise à la retraite du défunt et le moment de la naissance du droit à la rente de l’époux survivant (ATF 136 V 419; 135 V 279; voir aussi André Pierre Holzer, Der versicherte Verdienst in der obligatorischen Unfallversicherung, RSAS 2010 p. 201 ss, plus spécialement p. 228 sv.).

L’ATF 135 V 279 concernait un assuré né en 1929 qui avait travaillé comme salarié (et soumis à ce titre à l’assurance-accidents obligatoire) jusqu’en 1953. Il avait ensuite travaillé comme indépendant et n’avait donc plus de couverture d’assurance obligatoire. Il n’avait pas été assuré à titre facultatif. En 1994, il avait pris sa retraite. Il est décédé en 2005 des suites d’une infection pulmonaire découverte en février de la même année et causée par une exposition à l’amiante au cours de son activité salariée. Quant à l’ATF 136 V 419, il concernait un assuré né en 1935 qui avait travaillé de 1963 jusqu’en mai de l’année 2000 dans une entreprise où il avait été exposé à l’amiante. A partir de l’année 1996, il avait été mis à la retraite anticipée à 50 % pour raisons économiques. A l’occasion d’une visite médicale le 21 octobre 2002, un mésothéliome pleural avait été diagnostiqué et attribué à une exposition à l’amiante dans son activité professionnelle antérieure. Il était décédé le 4 janvier 2005.

Les règles jurisprudentielles susmentionnées, relatives au gain assuré, ont ensuite été appliquées dans un cas où comme en l’espèce l’assuré avait travaillé comme salarié (dans une activité exposée). Il avait ensuite été mis au bénéfice d’une rente entière de l’assurance-invalidité jusqu’à l’âge de la retraite. Il était décédé (après sa retraite) des suites d’une maladie professionnelle liée à son activité salariée antérieure (arrêt 8C_689/2013 du 24 janvier 2014).

Il n’y a pas lieu de revenir sur cette jurisprudence.

C’est en vain que l’assurance-accidents soutient qu’elle n’est pas applicable dans des situations où l’assuré, en raison d’une invalidité totale, ne subissait aucune perte de gain avant d’avoir atteint l’âge ouvrant droit à une rente de vieillesse. La reconnaissance d’un droit à une rente de conjoint survivant, tout en le niant faute de gain assuré déterminant pour son calcul, créerait une incohérence dans le système.

Certes, le gain annuel déterminant pour le calcul des rentes de survivants pourrait se trouver réduit si le défunt, pour raison de santé, sans lien avec la maladie professionnelle, a exercé dans le passé une activité assurée à temps partiel seulement. Ses survivants seraient désavantagés par rapport à ceux d’une personne qui est devenue entièrement invalide dans les mêmes circonstances, mais après avoir exercé une activité salariée à plein temps. Compte tenu des taux d’activité respectifs, le gain assuré serait en effet plus élevé dans le second cas que dans le premier. L’assurance-accidents y voit une inégalité de traitement.

La différence critiquée découle toutefois du régime légal qui prescrit l’allocation de rentes de survivants même pour une affection qui se manifeste après une très longue période de latence, ainsi que du choix du législateur de fonder les rentes sur le dernier gain assuré. Renoncer, dans la présente constellation, à prendre en considération le gain assuré antérieur engendrerait une autre inégalité. Il n’y aurait aucun motif valable d’y renoncer dans ce cas mais non dans le cas d’un assuré qui a cessé son activité salariée avant l’âge de la retraite, pour exercer une activité indépendante (non assurée; situation de l’ATF 135 V 279) ou qui l’a abandonnée (ou simplement réduite) par pure convenance personnelle. Comme on l’a vu, le droit aux prestations en cas de maladie professionnelle n’est pas subordonné à la condition que l’assuré ait été obligatoirement assuré jusqu’à l’âge auquel il peut prétendre une rente de vieillesse. Peu importent en définitive les raisons pour lesquelles l’assuré n’a plus été assujetti à l’assurance postérieurement à la période d’exposition dans une activité salariée.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_443/2013 consultable ici

 

 

Indemnisation des victimes de l’amiante ‒ Le Tribunal fédéral se prononce sur deux recours / Arrêts du 06.11.2019 – 4A_299/2013 et 4A_554/2013

Indemnisation des victimes de l’amiante ‒ Le Tribunal fédéral se prononce sur deux recours / Arrêts du 06.11.2019 – 4A_299/2013 et 4A_554/2013

 

Communiqué de presse du Tribunal fédéral du 22.11.2019 consultable ici

 

Le Tribunal fédéral se prononce sur deux recours concernant le délai de prescription des actions en dommages-intérêts et indemnité des héritiers de victimes de l’amiante. Dans le cas d’un homme décédé en 2006 qui avait habité jusqu’en 1972 à proximité du site d’Eternit SA à Niederurnen (GL), le Tribunal rejette le recours des héritiers. Dans le deuxième cas, le Tribunal admet partiellement le recours des enfants d’un ancien employé de BLS SA, décédé en 2004. La Cour suprême du canton de Berne devra statuer à nouveau.

Dans le premier cas, un homme (né en 1953) a habité avec ses parents, de 1961 à 1972, à proximité immédiate du site d’Eternit SA où de l’amiante était transformée. A ses dires, cet homme s’est alors fréquemment trouvé en contact avec l’amiante, notamment par suite d’immissions de poussière dans sa chambre à coucher, lors de jeux avec des plaques d’eternit, ou lors de l’observation du déchargement de sacs d’amiante à la gare. Un cancer de la plèvre fut diagnostiqué en 2004, entraînant le décès en 2006. Les héritiers exigèrent une indemnité dès 2009. En raison de la prescription, leur action intentée à Eternit (Suisse) SA, à deux membres de la famille dominant Eternit SA et aux CFF a été rejetée en 2012 par le Tribunal cantonal du canton de Glaris ; leur appel a été rejeté en 2013 par la Cour suprême du même canton.

Le deuxième cas concerne un homme né en 1936, employé par BLS SA (BLS) de 1961 à fin janvier 1998, alors exposé à la poussière d’amiante. Le cancer de la plèvre fut diagnostiqué en 2003, entraînant le décès en 2004. Au mois de juin 2004, BLS déclara renoncer à exciper de la prescription si des prétentions en indemnisation (qui n’étaient alors pas encore atteintes par la prescription) étaient élevées. Les héritiers de cet homme ont ouvert action en 2010 contre BLS afin d’obtenir des dommages-intérêts et une indemnité. L’action fut rejetée en première instance et en appel. La Cour suprême est parvenue à la conclusion que l’exposition intense à la poussière d’amiante s’est produite entre 1961 et 1985 et qu’elle se trouve avec la plus grande vraisemblance à l’origine de la maladie. Le délai de prescription de dix ans s’est donc écoulé au plus tard dès 1985, de sorte que les prétentions en cause étaient déjà atteintes par la prescription au moment où BLS a déclaré renoncer à ce moyen de défense.

Dans les deux cas, les héritiers ont recouru au Tribunal fédéral. Celui-ci a suspendu les procédures de 2014 jusqu’à la décision des chambres fédérales concernant une modification du droit de la prescription. En 2014, la Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH) avait jugé (arrêt Howald Moor) que dans le cas alors en cause, l’application du délai de prescription de dix ans prévu par le droit suisse violait le droit d’accéder à un tribunal (article 6 paragraphe 1 CEDH). Le Tribunal fédéral a levé la suspension des deux procédures en 2018 après que le législateur eut adopté le nouveau droit de la prescription. Celui-ci entrera en vigueur le 1er janvier 2020. Le législateur a renoncé à une rétroactivité ou à une solution transitoire ; pour les cas préexistants, il s’est référé au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante créé en 2017.

Dans le premier cas, le Tribunal fédéral rejette le recours. Le moment de l’événement dommageable détermine le point de départ du délai de prescription. Parce que la plus récente exposition à l’amiante subie par la victime remonte à 1972, le délai s’est écoulé dès cette époque au plus tard ; des faits dommageables (violations de devoir d’information) plus récents ne sont pas établis. Près de 37 ans se sont écoulés avant que les héritiers n’élèvent en 2009 des prétentions en indemnisation, de sorte que le délai de prescription absolue de dix ans (décisif en 2009 encore) était depuis longtemps échu. Les héritiers ne peuvent tirer aucune conclusion différente de l’arrêt Howald Moor de la CourEDH. En particulier, selon le Tribunal fédéral, il ne ressort pas de cet arrêt que le droit d’accéder à un tribunal exclue fondamentalement les délais de prescription absolue prévus par le droit matériel suisse.

Dans le deuxième cas, le Tribunal fédéral admet partiellement le recours et renvoie la cause à la Cour suprême pour nouvelle décision. La responsabilité de BLS suppose notamment que celle-ci ait omis des mesures de protection des travailleurs nécessaires d’après l’état des connaissances au moment des faits dommageables. Elucider si et, dans l’affirmative, jusqu’à quel moment BLS a violé ses devoirs de protection envers les travailleurs est déterminant aussi pour le point de départ du délai de prescription. Le moment de l’événement dommageable est décisif pour le point de départ du délai de prescription absolue. Dans le cas d’un comportement dommageable persistant, le jour de la fin de ce comportement est déterminant. En l’espèce, il faut retenir que l’employé s’est trouvé exposé à l’amiante pendant toute la durée des rapports de travail. Le moment où la maladie s’est déclenchée au cours de cette durée n’est pas établi. Un moment précis ne peut être ni constaté médicalement ni fixé d’après une période théorique de latence. A supposer que BLS n’ait pas introduit déjà avant 1998 les mesures de protection nécessaires d’après l’état des connaissances à cette époque, le délai de prescription absolue n’a pu s’écouler qu’à partir de la fin des rapports de travail le 31 janvier 1998. Dans cette éventualité, contrairement au jugement de la Cour suprême, les prétentions des héritiers n’étaient pas prescrites lors de la déclaration de renonciation à la prescription souscrite par BLS en 2004. La Cour suprême devra se prononcer à nouveau conformément à cette prémisse, notamment sur la prescription absolue.

 

 

Communiqué de presse du Tribunal fédéral du 22.11.2019 consultable ici

 

 

Les assureurs versent dix millions de francs pour les victimes de l’amiante

Les assureurs versent dix millions de francs pour les victimes de l’amiante

 

Article de l’ASA du 01.10.2019 consultable ici

 

L’amiante a longtemps été considéré comme un matériau d’avenir. Il a fallu des années avant de se rendre compte que les personnes en contact avec des fibres d’amiante risquaient de développer de graves maladies. La fondation Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante EFA a pour but d’apporter une aide financière aux malades ne disposant pas d’une couverture d’assurance suffisante. Acteurs économiques, les assureurs assument leur responsabilité sociale et versent dix millions de francs.

Chaque année en Suisse, un mésothéliome malin, c’est-à-dire une tumeur maligne dans le péritoine ou la plèvre, se déclare chez près de 120 personnes. Ceci parce que, des années auparavant, elles ont inhalé une grande quantité de fibres d’amiante dangereuses pour la santé. Une fois déclarée, la maladie conduit rapidement au décès du patient.

Nombre de personnes touchées ont travaillé dans l’industrie ou la construction. Si le contact avec l’amiante a eu lieu dans le cadre de l’exercice d’une activité professionnelle, alors les affections secondaires sont couvertes à titre de maladie professionnelle par le biais de l’assurance-accidents obligatoire. Mais, des particuliers peuvent aussi être touchés. «Il peut s’agir de bricoleurs du dimanche qui ont été en contact avec des matériaux contenant de l’amiante ou des proches qui ont par exemple nettoyé pendant des années des vêtements contaminés», explique Hubert Bär. Représentant du secteur de l’assurance, ce dernier siège au conseil de fondation du Fonds d’indemnisation EFA, créé en 2017. «On estime à une trentaine de nouveaux cas, le nombre de malades par an qui ne perçoivent pas de prestations appropriées des assurances sociales.»

 

Soutien psychosocial et financier pour les victimes de l’amiante et leurs proches

La Fondation EFA a été créée dans le but d’aider rapidement et sans bureaucratie inutile les personnes atteintes d’un mésothéliome malin et leurs proches. Le conseil de fondation comprend des représentants d’associations et d’entreprises contribuant au financement de la fondation EFA, ainsi que des représentants des victimes de l’amiante et des syndicats.

La fondation a réussi à rallier les ligues pulmonaires de différentes régions de Suisse pour mettre en place des services de soutien psychosocial, lesdits care services. Du personnel dûment formé offre un soutien individuel aux victimes et à leurs proches pour toutes les questions relatives à une maladie liée à l’amiante. En Suisse, les personnes ou les proches de personnes ayant déclaré un mésothéliome malin après 2006 suite à une exposition à l’amiante peuvent déposer une demande d’aide financière auprès de la fondation EFA depuis juillet 2017.

 

La fondation a besoin de dons

La fondation EFA a été créée en mars 2017 avec un capital de départ de six millions de francs. Afin d’aider le plus grand nombre possible de personnes touchées, elle a besoin de dons. Au regard du nombre de maladies professionnelles actuellement déclarées en lien avec l’amiante, la fondation estime à quelque 100 millions de francs les moyens supplémentaires nécessaires pour remplir son objectif. Les assureurs privés ont déjà procédé au versement des dix millions de francs auxquels ils s’étaient engagés et ont ainsi tenu leur promesse sans tarder.

 

Les assureurs assument leur responsabilité sociale

En contribuant au Fonds d’indemnisation, les assureurs entendent donner ainsi une chance aux victimes d’obtenir compensation. «Les assureurs ne veulent pas se dérober à leur responsabilité. Au contraire», explique Hubert Bär qui précise: «Jusqu’en 1990, l’amiante était un matériau autorisé. Toute personne qui met en cause la responsabilité d’une autre doit apporter la preuve qu’il y a un lien de causalité avec le dommage subi. Or, lorsque les dommages ne surviennent qu’à retardement, cet apport de la preuve est pratiquement impossible puisque plusieurs dizaines d’années après, les preuves ont disparu. Quand bien même, des preuves subsisteraient, les responsables ne sont alors bien souvent pas identifiables ou l’assureur responsable difficile à déterminer.» C’est la raison pour laquelle il s’agit ici d’assumer notre responsabilité sociale et non d’éviter de verser des prestations de responsabilité civile.

L’apport de la preuve est une procédure de longue haleine. Or, un mésothéliome entraîne généralement le décès rapide du malade. Hubert Bär: «Les assureurs ont préféré offrir une reconnaissance rapide de leur statut de victimes aux patients et ont donc décidé d’assumer leur responsabilité sociale, alors qu’ils n’y étaient aucunement obligés.»

 

Les assureurs indemnisent également les dommages professionnels

La fondation entend essentiellement indemniser de manière appropriée les dommages longue durée non couverts car ne relevant pas de l’exercice d’une activité professionnelle. Lorsque l’amiante est reconnu comme élément déclencheur d’une maladie professionnelle, cela est alors couvert par le biais des assurances-accidents. Dans ce cas, la Suva ainsi que les assureurs privés sont déjà amenés à verser des prestations importantes. Au final, les assureurs privés versent bien plus que les «seuls» dix millions de francs évoqués.

 

Les acteurs économiques et la société doivent aussi être mis à contribution

«En fait, il serait normal que tous ceux qui ont vanté les propriétés de ce matériau, l’ont réclamé à cor et à cri ou ont travaillé avec assument aujourd’hui également leur responsabilité compte tenu de ses répercussions inattendues», déclare Hubert Bär. Chaque entreprise sait pertinemment la manière dont elle a géré ce risque. Que ceux qui ont besoin de davantage d’informations pour se décider consultent la fiche très instructive de la Suva indiquant le nombre de décès dus à l’amiante par branche considérée. Ceci pourrait donner de précieuses indications à ceux qui devraient également s’engager dans la lutte contre les maladies non professionnelles dues à l’amiante. Hubert Bär de conclure: «L’important pour les donateurs potentiels, c’est d’avoir conscience qu’ils témoignent ainsi la reconnaissance sociale qu’elles méritent aux victimes innocentes.»

Depuis sa création en 2017 à mi-2019, le fonds a déjà versé sept millions de francs à des victimes et à leurs proches.

 

Fondation Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante EFA

Contact : +41 41 418 89 79

 

 

Article de l’ASA du 01.10.2019 consultable ici

Interview par l’ASA de Urs Berger, président de la Fondation Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante EFA, du 02.10.2019 disponible ici

 

 

Doublement du délai de prescription pour les dommages corporels : nouveau droit à partir du 1er janvier 2020

Doublement du délai de prescription pour les dommages corporels : nouveau droit à partir du 1er janvier 2020

 

Communiqué de presse de l’Office fédéral de la justice (OFJ) du 07.11.2018 consultable ici

 

Les victimes de dommages corporels qui apparaissent longtemps après le fait dommageable seront mieux prises en compte juridiquement : le délai de prescription absolu passera de dix ans à vingt ans. Lors de sa séance du 7 novembre 2018, le Conseil fédéral a fixé au 1er janvier 2020 la date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de droit privé en matière de prescription. Il s’agit d’améliorations ponctuelles et d’une uniformisation.

Le Parlement a adopté la modification du code des obligations le 15 juin 2018. Le délai référendaire a échu le 4 octobre 2018. Il s’agit d’une révision fondamentale du droit de la prescription, axée sur deux points principaux. Premièrement, le délai de prescription relatif passe d’un an à trois ans pour les prétentions fondées sur un acte illicite ou sur un enrichissement illégitime. En d’autres termes, les personnes ayant subi un dommage auront trois ans, à partir du moment où elles auront connaissance de ce dommage et de la personne tenue à réparation, pour faire valoir leurs prétentions. Deuxièmement, le délai de prescription absolu sera de vingt ans en cas de dommage corporel. La prescription ne sera ainsi plus l’écueil qu’elle est aujourd’hui pour les victimes de dommages différés.

Le point de départ de cette amélioration est la motion 07.3763 « Délais de prescription en matière de responsabilité civile », qui se référait tout particulièrement aux victimes de l’amiante, dont les prétentions, selon le droit en vigueur, sont généralement prescrites avant même que se manifeste une pathologie éventuelle. Dans un arrêt de 2014 concernant une victime de l’amiante, la Cour européenne des droits de l’homme avait aussi jugé trop court le délai actuel de dix ans.

Pour les personnes qui ont déjà subi des dommages corporels liés à une exposition à l’amiante, une solution a pu être trouvée dans le cadre des travaux de la table ronde mise sur pied par le conseiller fédéral Alain Berset en 2015 : une fondation de droit privé, Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, a vu le jour. Les personnes ayant contracté depuis 2006 une tumeur maligne de la plèvre ou du péritoine liée à l’amiante peuvent soumettre une demande de soutien financier à cette fondation, qui offre également une prise en charge psychosociale aux personnes concernées et à leurs proches.

 

Autres modifications

De nombreuses autres dispositions de droit privé régissant la prescription sont aussi modifiées, notamment celles sur la suspension de la prescription et sur la renonciation à la prescription.

Vu l’ampleur de la révision – qui touche pas moins de 30 lois fédérales – et ses conséquences pour les législations cantonales, le Conseil fédéral a décidé de fixer l’entrée en vigueur du nouveau droit au 1er janvier 2020. Les cantons et les autres acteurs de ce domaine du droit auront ainsi le temps de faire les adaptations nécessaires.

 

 

Communiqué de presse de l’Office fédéral de la justice (OFJ) du 07.11.2018 consultable ici

 

 

8C_202/2018 (f) du 16.08.2018 – Maladie professionnelle – Amiante – 9 LAA / Assurance-accidents compétente – ALCP

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_202/2018 (f) du 16.08.2018

 

Consultable ici

 

Maladie professionnelle – Amiante / 9 LAA

Assurance-accidents compétente – ALCP

 

Assuré, né en 1944, de nationalité italienne, a travaillé en Suisse du 22.08.1966 au 31.07.1979.

A son retour en Italie il a travaillé en qualité de menuisier du 01.09.1979 au 16.02.1983. Il effectuait la coupe, le polissage, le façonnage et la fabrication de cadres, de portes et de chevilles à l’aide de bois indigène et étranger (sapin, peuplier, noyer etc.).  Du 01.04.1983 au 31.12.1990, il travaillait en qualité de monteur de cuisines. Il se consacrait à la préparation des structures de cuisine à l’aide de bois prédécoupé, au façonnage et au montage de celles-ci. Le matériel utilisé à cet effet consistait dans des panneaux agglomérés et mélaminés, ainsi que du bois massif d’origine indigène et étrangère. Outre le bois, le matériel utilisé pour la fabrication des cuisines consistait principalement dans des colles, des clous, des vis métalliques et des cales en bois destinées à l’assemblage à l’aide d’outils mécaniques, électriques et à air comprimé. Du 01.01.1991 au 31.01.1999, l’assuré n’a plus exercé d’activité.

Le 29.04.2013, l’employeur suisse a informé l’assurance-accidents d’une suspicion de maladie professionnelle en ce qui concerne son ancien employé. Des investigations médicales menées en Italie au mois de février 2013 ont mis en évidence un mésothéliome pleural. Par déclaration notariée du 24.09.2013 l’assuré a indiqué n’avoir jamais été en contact avec de l’amiante au cours de ses activités exercées en Italie.

Se référant à une prise de position d’un spécialiste du Bureau de protection de la santé sur le lieu de travail dans le domaine de la chimie (Gesundheitsschutz am Arbeitsplatz Bereich Chemie; ci-après GAP), le spécialiste en médecine du travail et médecine interne et médecin auprès de la division de médecine du travail de la CNA a indiqué que la dernière exposition importante à l’amiante avait eu lieu au cours de l’activité de constructeur de cuisines, de sorte que c’était à l’assurance-maladie professionnelle italienne de prendre en charge le cas.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assuré à des prestations d’assurance motif pris que son cas relevait de l’institution d’assurance italienne. A l’appui de cette décision l’assurance-accidents s’est référée à un rapport sur les maladies professionnelles – BK-Report 1/2013 – de la Fédération faîtière des associations professionnelles allemandes (Hauptverband der deutschen Berufsgenossenschaften).

 

Procédure cantonale (arrêt AA 15/14 – 2/2018 consultable ici)

L’assuré est décédé le 03.06.2015 et la cause a été reprise par sa veuve et ses fils, en leur qualité d’héritiers du défunt.

La cour cantonale a constaté, à l’aune de la règle du degré de la vraisemblance prépondérante, que feu l’assuré avait été exposé à l’amiante pour la dernière fois en Italie, lors de son activité de monteur de cuisines. Dans la mesure où il travaillait forcément au montage et au démontage de cuisines, l’assuré a été en contact avec des éléments contenant de l’amiante comme des panneaux légers ou des plaques en ciment placés à cette époque entre le four et les armoires. Lors de l’arrachage, ces éléments se désintègrent et laissent échapper des fibres. Le même phénomène se passe lors du montage au moment du découpage et de l’installation de ces éléments. Selon le BK-Report 1/2013, le montage et le découpage de ces éléments correspond à une valeur de 6,6 fibres par cm3. Le spécialiste auprès du GAP a relevé que les autorités italiennes avaient interdit l’utilisation de l’amiante seulement en 1992. Par ailleurs, on trouve de l’amiante dans les panneaux intermédiaires de protection qui encaissent notamment les appareils électriques, dans les panneaux agglomérés de protection contre l’incendie posés contre les parois en bois des cuisines, dans les plaques ignifuges/pare-feu, dans les fours, dans les hottes de ventilation, ainsi que dans les colles et adhésifs. C’est pourquoi, avant l’interdiction d’utilisation de l’amiante, la création, la transformation et la démolition de cuisines exposaient le travailleur à cette substance.

Par jugement du 22.12.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Maladie professionnelle

Selon l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle.

Selon l’art. 9 al. 1 LAA, sont réputées maladies professionnelles les maladies dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l’exercice de l’activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux. Le Conseil fédéral établit la liste de ces substances ainsi que celle de ces travaux et des affections qu’ils provoquent. Se fondant sur cette délégation de compétence, ainsi que sur l’art. 14 OLAA, le Conseil fédéral a dressé à l’annexe 1 de l’OLAA la liste des substances nocives, d’une part, et la liste de certaines affections, ainsi que des travaux qui les provoquent, d’autre part. La liste des substances nocives mentionne les poussières d’amiante.

Il est admis en l’espèce que l’assuré est décédé des suites d’une maladie professionnelle causée par une exposition à des poussières d’amiante.

 

Application de l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP)

L’assuré, ressortissant d’un Etat partie à l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP ; RS 0.142.112.681), a exercé des activités salariées en Suisse et en Italie.

Jusqu’au 31.03.2012, les Parties à l’ALCP appliquaient entre elles le Règlement (CEE) n° 1408/71 (ci-après: règlement n° 1408/71 ; RO 2004 121). Une décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31.03.2012 (RO 2012 2345) a actualisé le contenu de l’Annexe II à l’ALCP avec effet au 01.04.2012 et il a été prévu, en particulier, que les Parties appliqueraient désormais entre elles le Règlement (CE) n° 883/2004, modifié par le Règlement (CE) n° 988/2009 (ci-après: règlement n° 883/2004 ; RS 0.831.109.268.1). Egalement à partir du 01.04.2012, les Parties appliquent le Règlement (CE) n° 987/2009 (ci-après: règlement n° 987/2009 ; RS 0.831.109.268.11).

En l’espèce l’existence d’un mésothéliome pleural en relation avec une exposition à l’amiante a été diagnostiquée au mois de février 2013, de sorte que la réglementation entrée en vigueur dès le 01.04.2012 est applicable.

Aux termes de l’art. 38 du règlement n° 883/2004, lorsqu’une personne qui a contracté une maladie professionnelle a exercé une activité susceptible, de par sa nature, de provoquer ladite maladie, en vertu de la législation de deux ou plusieurs Etats membres, les prestations auxquelles la victime ou ses survivants peuvent prétendre sont servies exclusivement en vertu de la législation du dernier de ces Etats dont les conditions se trouvent satisfaites.

Selon l’art. 36 du règlement n° 987/2009, dans le cas visé à l’article 38 du règlement de base, la déclaration ou la notification de la maladie professionnelle est transmise à l’institution compétente en matière de maladies professionnelles de l’Etat membre sous la législation duquel l’intéressé a exercé en dernier lieu une activité susceptible de provoquer la maladie considérée. Lorsque l’institution à laquelle la déclaration ou la notification a été transmise constate qu’une activité susceptible de provoquer la maladie professionnelle considérée a été exercée en dernier lieu sous la législation d’un autre Etat membre, elle transmet la déclaration ou la notification ainsi que toutes les pièces qui l’accompagnent à l’institution correspondante de cet Etat membre (al. 1). Lorsque l’institution de l’Etat membre sous la législation duquel l’intéressé a exercé en dernier lieu une activité susceptible de provoquer la maladie professionnelle considérée constate que l’intéressé ou ses survivants ne satisfont pas aux conditions de cette législation, notamment parce que l’intéressé n’a jamais exercé dans ledit Etat membre une activité ayant causé la maladie professionnelle ou parce que cet Etat membre ne reconnaît pas le caractère professionnel de la maladie, ladite institution transmet sans délai à l’institution de l’Etat membre sous la législation duquel l’intéressé a exercé précédemment une activité susceptible de provoquer la maladie professionnelle considérée, la déclaration ou la notification et toutes les pièces qui l’accompagnent, y compris les constatations et rapports des expertises médicales auxquelles la première institution a procédé (al. 2).

 

L’argument des héritiers selon lequel les renseignements fournis à l’assurance-accidents par l’Institut national italien d’assurance contre les accidents du travail (Istituto nazionale par l’assicurazione contro gli infortuni sul lavoro; ci-après INAIL) ne font pas état d’une exposition à l’amiante ne leur est d’aucune aide étant donné qu’ils reposent sur les seules déclarations de feu l’assuré, son employeur ayant cessé son activité depuis plusieurs années. Quant à l’acte authentique du 24.09.2013, il ne fait pas foi du contenu de la déclaration de feu l’assuré mais seulement de sa signature. Par ailleurs les héritiers ne peuvent pas se prévaloir du fait que le BK-Report 1/2013 ne mentionne pas expressément l’activité de monteur de cuisines étant donné que la liste des activités de menuiserie considérées dans ce rapport comme exposées à l’amiante n’est pas exhaustive. Enfin on ne saurait partager leur point de vue, selon lequel le risque devrait être couvert par l’assurance sociale de l’Etat dans lequel l’exposition à l’amiante aurait été la plus élevée. En effet le Tribunal fédéral a jugé que cette manière de voir n’était pas compatible avec l’art. 57 du règlement n° 1408/71, dont le contenu, sur le point en discussion, est semblable à l’art. 38 du règlement n° 883/2004 sur le plan de la coordination des systèmes nationaux de sécurité sociale (SVR 2012 UV n° 29 p. 107, 8C_455/2011, consid. 4.2 et les références de doctrine).

Sur la base de ses constatations de fait, la cour cantonale était dès lors fondée à retenir que l’assurance-accidents helvétique était en droit de refuser sa couverture d’assurance pour les troubles annoncés.

 

Le TF rejette le recours des héritiers de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_202/2018 consultable ici

 

 

Délai de prescription de 20 ans en vue

Délai de prescription de 20 ans en vue

 

Communiqué de presse du Parlement du 29.05.2018 consultable ici : https://bit.ly/2IYEkzu

 

Les victimes de lésions corporelles, comme celles dues à l’amiante, disposeront d’un délai de 20 ans au lieu de 10 pour faire valoir leurs droits à un dédommagement. Le Conseil des Etats s’est rallié mardi par 38 voix contre 7 au Conseil national sur le projet de révision du droit de la prescription.

 

En première lecture, les sénateurs avaient souhaité maintenir la durée de prescription absolu en cas de dommage corporel à 10 ans. Le National a préféré l’inscrire à 20 ans, un compromis par rapport au Conseil fédéral qui préconisait 30 ans en cas de mort d’homme ou de lésions corporelles.

La prolongation du délai à 20 ans prend aussi en compte une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Strasbourg a jugé que le délai helvétique de dix ans est trop court. Une victime de l’amiante n’avait pas pu faire valoir ses droits à un dédommagement auprès d’un tribunal. La Cour européenne lui a donné raison.

La révision tient également compte des futurs problèmes liés à l’utilisation de substances dont on connaît actuellement mal les conséquences, comme par exemple les nanotechnologies, la radioactivité ou les décharges, a rappelé Simonetta Sommaruga.

 

Compromis

« Il s’agit d’un bon compromis entre le droit en vigueur et la proposition du gouvernement », a souligné Stefan Engler (PDC/GR) au nom de la commission. Il est raisonnable également au niveau de la protection des victimes.

Au delà de 20 ans, il est difficile d’apporter les preuves du lien entre la maladie et l’événement qui y a mené. « Nous donnons de faux espoirs aux victimes », a argumenté M. Engler.

Pour Thomas Hefti (PLR/GL), un délai de 20 ans n’est pas une solution. Les procès ne seront pas plus simples, au contraire, a-t-il plaidé. En vain. Faute de délai, la sécurité juridique n’est pas augmentée, ont contré Andrea Caroni (PLR/AR) et Paul Rechsteiner (PS/SG). Les victimes peuvent aller au tribunal et Strasbourg leur donnera raison.

Les victimes d’un dommage déjà découvert et pas encore prescrit au moment de l’entrée en vigueur de la future loi pourront bénéficier des allongements de délais prévus. Avec le nouveau texte, toute personne aura trois ans pour faire valoir ses droits à compter du moment où elle se rend compte d’un dommage et sait qui l’a causé, soit deux ans de plus qu’actuellement.

 

Fondation

Le droit de la prescription occupe le Parlement depuis de nombreuses années. Le Conseil national a approuvé en 2014 la révision, mais en y apportant des modifications. Le Conseil des Etats avait apporté d’autres changements en décembre 2015. Entre-temps, une table ronde sur l’amiante a permis la création d’un fonds d’indemnisation aux victimes.

Le Conseil des Etats renonce ainsi à adopter une disposition spéciale pour les victimes de l’amiante. Ce fonds permet d’indemniser de manière rapide et non bureaucratique les victimes, a rappelé Hans Wicki (PLR/NW). La branche ne détourne donc pas le regard.

Les personnes ayant contracté depuis 2006 une tumeur maligne de la plèvre ou du péritoine (mésothéliome) liée à l’amiante auront droit à une indemnisation, qu’il s’agisse d’une maladie professionnelle reconnue ou non. Le montant octroyé sera calculé au cas par cas et se fondera sur les prestations que l’assurance-accidents obligatoire verse déjà ou non. En contrepartie, les personnes indemnisées renoncent à des actions de droit civil.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 29.05.2018 consultable ici : https://bit.ly/2IYEkzu

Bulletin officiel, Conseil des Etats, session d’été 2018, séance du 29.05.2018 : https://bit.ly/2LGKRAz

Objet du Conseil fédéral 13.100 « CO. Droit de la prescription » consultable ici : https://bit.ly/2gXR7K7

 

Pour information : Site de la fondation Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante : https://www.stiftung-efa.ch/fr/

 

 

Le Conseil national veut doubler le délai de prescription

Le Conseil national veut doubler le délai de prescription

 

Communiqué de presse du Parlement du 07.03.2018 consultable ici : http://bit.ly/2FlOrAN

 

Les victimes de lésions corporelles, comme celles dues à l’amiante, devraient disposer d’un délai de 20 ans pour faire valoir leurs droits à un dédommagement. Le Conseil national a décidé mercredi de prolonger de dix ans la durée de prescription absolue.

Ce changement dans le droit de la prescription, décidé par 102 voix contre 90, diverge de la proposition du Conseil des Etats. Les sénateurs auraient souhaité maintenir la durée à dix ans, tout comme une minorité de droite emmenée par l’UDC. Le dossier retourne aux Etats.

En doublant le délai de prescription, la situation juridique des futures victimes, celles qui ne seront touchées que de nombreuses années après avoir été exposées à l’amiante, sera améliorée, a expliqué Giovanni Merlini (PDC/TI) au nom de la commission. Il représente également un bon compromis par rapport au Conseil fédéral qui aurait souhaité l’inscrire à 30 ans.

La prolongation du délai à 20 ans prend aussi en compte une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, a ajouté le Tessinois. Strasbourg a jugé que le délai helvétique de dix ans est trop court. Une victime de l’amiante n’avait pas pu faire valoir ses droits à un dédommagement auprès d’un tribunal.

 

Prolongation abstraite

Il n’y a pas de sécurité juridique, a fait valoir Yves Nydegger (UDC/GE). Il faudrait étendre le délai de prescription encore et encore jusqu’à le faire durer toute une vie pour protéger les victimes. Prolonger dans l’abstrait à de trop longues périodes n’est pas une sécurité, selon le Genevois.

Ce n’est pas un compromis législatif ou juridique, a ajouté Pirmin Schwander (UDC/SZ). Il faudrait élargir la discussion et prendre aussi en compte les victimes à venir des rayonnements ionisants ou des effets à long terme de médicaments, a-t-il dit.

Le Conseil national n’a en revanche pas soutenu la proposition du Conseil des Etats d’adopter une disposition spéciale pour les dommages corporels causés par l’amiante. Les victimes de l’amiante pourraient faire valoir leurs droits pendant un an après l’entrée en vigueur de la loi, même si leur action en justice est prescrite. Elles disposent déjà d’une indemnisation grâce au fonds qui leur est dédié, a expliqué M. Merlini.

 

Long débat

Le droit de la prescription occupe le Parlement depuis de nombreuses années. Le Conseil national a approuvé en 2015 la révision, mais en y apportant des modifications. Le Conseil des Etats avait apporté d’autres changements en décembre 2015. Entre-temps, une table ronde sur l’amiante a permis la création d’un fonds d’indemnisation aux victimes.

L’automne dernier, la commission du National avait souhaité classer la révision du droit de prescription. Son homologue des Etats s’y était opposée.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 07.03.2018 consultable ici : http://bit.ly/2FlOrAN

Objet du Conseil fédéral 13.100 « CO. Droit de la prescription » consultable ici : http://bit.ly/2gXR7K7

Bulletin officiel, session de printemps 2018, séance du 07.03.18, consultable ici : http://bit.ly/2trgAAP