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1C_135/2022 (f) du 24.08.2022 – Retrait du permis de conduire – Perte de maîtrise du véhicule sur l’autoroute sur chaussée mouillée en roulant à 90-100 km/h – Rappel de la jurisprudence relative à l’aquaplaning

Arrêt du Tribunal fédéral 1C_135/2022 (f) du 24.08.2022

 

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Violation grave des règles de la circulation – Retrait du permis de conduire / 16c al. 2 let. a LCR

Perte de maîtrise du véhicule sur l’autoroute sur chaussée mouillée en roulant à 90-100 km/h / 31 al. 1 LCR – 32 al. 1 LCR

Rappel de la jurisprudence relative à l’aquaplaning

 

Selon le rapport de la gendarmerie cantonale, A.__ circulait, le 24.06.2021 vers 17h40, sur l’autoroute A12 de Lausanne en direction de Fribourg sur une chaussée mouillée et par temps pluvieux. Alors qu’elle effectuait un dépassement, à une vitesse, selon ses dires, d’environ 100 km/h, elle a perdu la maîtrise de son véhicule et a heurté la voiture qui circulait sur la voie de droite; celle-ci s’est alors déportée latéralement avant d’entrer en collision frontale avec la berme centrale. A.__ s’est immédiatement arrêtée sur la bande d’arrêt d’urgence.

Par décision du 19.08.2021, La Commission des mesures administratives en matière de circulation routière (ci-après: CMA) a prononcé le retrait du permis de conduire de A.__ pour une durée de trois mois, qualifiant l’infraction commise par l’intéressée de grave.

Ordonnance pénale du 03.12.2021 : A.__ a été reconnu coupable de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR), l’intéressée ayant perdu le contrôle de son véhicule en raison d’une vitesse inadaptée aux circonstances de la route, soit aux conditions météorologiques ainsi qu’à l’état de la chaussée. Cette ordonnance n’a pas été contestée.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 19.01.2022, le Tribunal cantonal a retenu que A.__ circulait sur la voie de dépassement de l’autoroute à une vitesse inadaptée aux conditions météorologiques (à savoir environ 100 km/h alors qu’il pleuvait et que la chaussée était détrempée); elle avait perdu la maîtrise de son véhicule, ce qui avait provoqué un accident avec la voiture qui circulait sur la voie de droite. L’autorité cantonale a considéré que l’intéressée avait violé une règle élémentaire de prudence, dont la violation, nécessairement délibérée, devait être considérée comme grave. De plus, la faute commise avait été à l’origine d’une mise en danger concrète de la circulation, le véhicule de A.__ ayant percuté la voiture qu’elle dépassait, provoquant un accident; le fait qu’il n’y ait pas eu de blessés relevait du cas fortuit et ne saurait lui profiter. Dès lors, tant la faute que la mise en danger devaient être qualifiées de graves au sens de l’art. 16c al. 2 let. a LCR.

 

TF

Consid. 2.1
A ses art. 16a à 16c, la LCR distingue les infractions légères, moyennement graves et graves. Selon l’art. 16a al. 1 LCR, commet une infraction légère la personne qui, en violant les règles de la circulation routière, met légèrement en danger la sécurité d’autrui et à laquelle seule une faute bénigne peut être imputée. Commet en revanche une infraction grave selon l’art. 16c al. 1 let. a LCR la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation routière, met sérieusement en danger la sécurité d’autrui ou en prend le risque. Conformément à l’art. 16c al. 2 let. a LCR, le permis de conduire est retiré pour trois mois au minimum après une infraction grave. Entre ces deux extrêmes, se trouve l’infraction moyennement grave, soit celle que commet la personne qui, en violant les règles de la circulation routière, crée un danger pour la sécurité d’autrui ou en prend le risque (art. 16b al. 1 let. a LCR). Dans cette hypothèse, le permis est retiré pour un mois au minimum (art. 16b al. 2 let. a LCR).

Le législateur conçoit l’art. 16b al. 1 let. a LCR comme l’élément dit de regroupement. Cette disposition n’est ainsi pas applicable aux infractions qui tombent sous le coup des art. 16a al. 1 let. a et 16c al. 1 let. a LCR. Dès lors, l’infraction est toujours considérée comme moyennement grave lorsque tous les éléments constitutifs qui permettent de la privilégier comme légère ou au contraire de la qualifier de grave ne sont pas réunis. Tel est par exemple le cas lorsque la faute est grave et la mise en danger bénigne ou, inversement, si la faute est légère et la mise en danger grave (ATF 136 II 447 consid. 3.2). Ainsi, par rapport à une infraction légère, où tant la mise en danger que la faute doivent être légères, on parle d’infraction moyennement grave dès que la mise en danger ou la faute n’est pas légère, alors qu’une infraction grave suppose le cumul d’une faute grave et d’une mise en danger grave (cf. ATF 135 II 138 consid. 2.2.3; arrêts 1C_144/2018 du 10 décembre 2018 consid. 2.2; 1C_525/2012 du 24 octobre 2013 consid. 2.1).

D’un point de vue objectif, il y a création d’un danger sérieux pour la sécurité d’autrui au sens de l’art. 16c al. 1 let. a LCR non seulement en cas de mise en danger concrète, mais déjà en cas de mise en danger abstraite accrue; la réalisation d’un tel danger s’examine en fonction des circonstances spécifiques du cas d’espèce (ATF 143 IV 508 consid. 1.3; 142 IV 93 consid. 3.1; arrêts 1C_51/2021 du 4 avril 2022 consid. 2.1.1; 1C_592/2018 du 27 juin 2019 consid. 3.1). Sur le plan subjectif, l’art. 16c al. 1 let. a LCR, dont la portée est identique à celle de l’art. 90 ch. 2 LCR, exige un comportement sans scrupules ou gravement contraire aux règles de la circulation, c’est-à-dire une faute grave, donnée en cas de dol direct ou de dol éventuel et, en cas d’acte commis par négligence, découlant au minimum d’une négligence grossière (ATF 142 IV 93 consid. 3.1; 131 IV 133 consid. 3.2; arrêts 1C_436/2019 du 30 septembre 2019 consid. 2.1; 1C_442/2017 du 26 avril 2018 consid. 2.1; BUSSY/RUSCONI/JEANNERET/KUHN/MIZEL/ MÜLLER, Code suisse de la circulation routière commenté, 4e éd. 2015, nos 1.2 ss ad art. 16c LCR). Cette condition est réalisée si l’auteur est conscient du danger que représente sa manière de conduire ou si, contrairement à ses devoirs, il ne tient pas compte du fait qu’il met en danger les autres usagers, c’est-à-dire s’il agit avec une négligence inconsciente; tel sera le cas lorsque le conducteur est inattentif, qu’il apprécie mal une situation, ou qu’il évalue mal les conséquences de son comportement. Dans un tel cas, il faut toutefois faire preuve de retenue. Une négligence grossière ne peut être admise que si l’absence de prise de conscience du danger créé pour autrui est particulièrement blâmable – notamment en méconnaissant un risque clair – ou repose elle-même sur une absence de scrupules (ATF 131 IV 133 consid. 3.2 et les réf. cit.; arrêt 1C_436/2019 du 30 septembre 2019 consid. 2.1; BUSSY/RUSCONI/JEANNERET/KUHN/MIZEL/MÜLLER, op. cit., n° 1.2.2 ad art. 16c LCR). Plus la violation de la règle de la circulation est objectivement grave, plus on admettra l’existence d’une absence de scrupules, sauf indice particulier permettant de retenir le contraire (ATF 142 IV 93 consid. 3.1).

En revanche, une faute moyennement grave au sens de l’art. 16b al. 1 let. a LCR correspond, lorsqu’aucune circonstance particulière n’exige une prudence très élevée (cf. arrêt 1C_525/2012 du 24 octobre 2013 consid. 2.4), à une absence de prise en considération des risques d’accident, alors que ceux-ci étaient reconnaissables pour un conducteur moyen normalement prudent (cf. ATF 126 II 192 consid. 2b) et vouant toute attention à la chaussée au sens de l’art. 3 al. 1 de l’ordonnance sur les règles de la circulation routière (OCR; RS 741.11; BUSSY/RUSCONI/JEANNERET/KUHN/MIZEL/MÜLLER, op. cit., n° 1.4 ad art. 16b LCR).

 

Consid. 2.2
A teneur de l’art. 31 al. 1 LCR, le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence. Cela signifie qu’il doit être à tout moment en mesure de réagir utilement aux circonstances (arrêt 1C_577/2018 du 9 avril 2019 consid. 2.2). Le conducteur doit vouer à la route et au trafic toute l’attention possible (cf. art. 3 al. 1 OCR), le degré de cette attention devant être apprécié au regard de toutes les circonstances, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l’heure, la visibilité et les sources de danger prévisibles (ATF 137 IV 290 consid. 3.6; 129 IV 282 consid. 2.2.1 et la réf. cit.; arrêt 1C_249/2021 du 17 décembre 2021 consid. 3.2).

Selon la jurisprudence, la perte de maîtrise du véhicule ne constitue pas toujours une infraction grave au sens de l’art. 16c al. 1 let. a LCR. Selon ces circonstances – en particulier selon le degré de mise en danger de la sécurité d’autrui et selon la faute de l’intéressé – l’infraction peut être qualifiée de moyennement grave au sens de l’art. 16b al. 1 let. a LCR, voire même de légère au sens de l’art. 16a al. 1 let. a LCR (arrêt 1C_525/2012 du 24 octobre 2013 consid. 2.2 et la réf. cit.).

Selon l’art. 32 al. 1 LCR, la vitesse doit toujours être adaptée aux circonstances, notamment aux particularités du véhicule et du chargement, ainsi qu’aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité. Cette règle implique notamment qu’on ne peut circuler à la vitesse maximale autorisée que si les conditions de la route, du trafic et de visibilité sont favorables (ATF 121 IV 286 consid. 4b; 121 II 127 consid. 4a; cf. art. 4a OCR). En effet, s’il veut pouvoir se conformer aux règles de prudence au sens de l’art. 31 al. 1 LCR, le conducteur devra, avant tout, adapter sa vitesse, pour qu’elle ne constitue ni une cause d’accident ni une gêne excessive pour la circulation (BUSSY/ RUSCONI/JEANNERET/KUHN/MIZEL/MÜLLER, op. cit., n° 1.1 ad art. 32 LCR).

Ont été qualifiées de fautes graves certaines pertes de maîtrise avérées alors que les conditions de circulation requéraient une attention particulière, par exemple sur une autoroute détrempée avec risque d’aquaplaning (ATF 120 1b 312 consid. 4c; arrêt 1C_249/2012 du 27 mars 2013 consid. 2.2.5). Le phénomène dit « d’aquaplaning » (dû au glissement des pneus sur un plan d’eau, sans adhérence avec le sol) et qui se manifeste surtout sur les autoroutes, est en effet assez connu pour devoir être pris en considération par tous les conducteurs et il peut déjà se produire à des vitesses inférieures à 80 km/h (ATF 120 Ib 312 consid. 4c; BUSSY/RUSCONI/JEANNERET/KUHN/MIZEL/MÜLLER, op. cit., n° 1.6 ad art. 32 LCR).

L’examen de l’adaptation de la vitesse aux circonstances, dans leur ensemble, est en principe une question de droit que le Tribunal fédéral peut examiner librement. Mais, comme la réponse dépend pour beaucoup de l’appréciation des circonstances locales par l’autorité cantonale, à laquelle il faut laisser une certaine latitude, le Tribunal fédéral ne s’écarte de cette appréciation que lorsque des raisons impérieuses l’exigent (ATF 99 IV 227 consid. 2; arrêts 1C_51/2021 du 4 avril 2022 consid. 2.1.2; 6B_23/2016 du 9 décembre 2016 consid. 3.1; 6B_1247/2013 du 13 mars 2014 consid. 3.1).

 

Consid. 2.4
En l’espèce,
il n’est pas contesté que A.__, en effectuant un dépassement sur l’autoroute à une vitesse d’environ 90-100 km/h, a perdu la maîtrise de son véhicule et a ainsi causé un accident avec la voiture qui circulait sur la voie de droite. Il n’est pas non plus contesté que la perte de maîtrise du véhicule a été causée par de l’aquaplaning.

A.__ admet qu’elle « avait parfaitement conscience du danger que représentait l’aquaplaning »; ainsi, si, selon ses dires, elle avait réduit sa vitesse à environ 90-100 km/h, elle avait tout de même « sans doute mal évalué ou sous-estimé l’état de la route ». Ce faisant, A.__ a mis en danger les autres usagers, si ce n’est pas déjà par dol éventuel, pour le moins en faisant preuve d’une négligence inconsciente: en effet, en plus d’avoir mal apprécié la situation, elle a aussi mal évalué les conséquences de son acte lorsqu’elle a engagé une manœuvre de dépassement à environ 90-100 km/h sur une autoroute détrempée avec risque d’aquaplaning, alors que les conditions météorologiques requéraient, dans un tel cas de figure, une attention particulière et une prudence accrue. Comme rappelé à juste titre par le Tribunal cantonal, le risque d’aquaplaning, bien connu, commande à tout conducteur prudent et respectueux des règles de la circulation routière d’adapter et même de réduire conséquemment sa vitesse en cas de fortes pluies, étant en particulier conseillé aux automobilistes de ne pas dépasser les 80 km/h (cf. supra consid. 2.2); en roulant à 90-100 km/h, A.__ a ainsi méconnu un risque clair.

Au demeurant, l’état de fait cantonal ne contient aucun élément faisant apparaître le comportement de A.__ comme moins grave. En effet, le Tribunal cantonal a relevé que la vitesse excessive ayant causé l’aquaplaning s’accompagnait, comme on l’a vu, d’une tentative de dépassement; dès lors, l’absence de prudence accrue de A.__ qui a engagé une manœuvre de dépassement en méconnaissant le risque clair d’aquaplaning à une vitesse d’environ 90-100 km/h, laquelle a engendré la perte de maîtrise du véhicule, puis l’accident, apparaissent particulièrement blâmables. Dans ce contexte et contrairement à l’avis de A.__, la situation du cas d’espèce peut se rapprocher de celles de l’ATF 120 Ib 312 et de l’arrêt 1C_249/2012 du 27 mars 2013: s’il est vrai que dans les deux affaires les recourants semblaient conduire à une vitesse de 120 km/h, cette différence ne suffit pas, à elle seule, à retenir que, dans le cas d’espèce, A.__ n’aurait pas commis de faute grave. A.__ a en effet adopté un comportement dont le caractère manifestement dangereux ne pouvait pas lui échapper. Il y a donc là, à tout le moins, une négligence grossière de sa part. Le fait que le rapport de police ne fasse pas état de pneus lisses concernant le véhicule de A.__ ne change rien à cette appréciation.

Comme rappelé par le Tribunal cantonal, dans les arrêts mentionnés plus haut il a été jugé qu’une perte de maîtrise due à une conduite inadaptée sur l’autoroute, où la circulation est toujours très rapide, malgré l’attention particulière que requiert le risque d’aquaplaning, constitue une grave mise en danger de la sécurité routière – ce qui n’est pas contesté par A.__ – et suppose une faute grave. Il existe en particulier un risque de collision avec les véhicules qui précèdent impliquant des conséquences considérables pour les personnes concernées (ATF 120 Ib 312 consid. 4c; arrêt 1C_249/2012 du 27 mars 2013 consid. 2.2.4 et 2.2.5). Vu ces éléments et compte tenu du fait que, comme susmentionné, plus la violation d’une règle de la circulation routière est objectivement grave plus cela conduit en principe à retenir une négligence grossière sur le plan subjectif, la situation du cas d’espèce diffère de celles qui ont fait l’objet des arrêts 6A.9/2004 du 23 avril 2004 et 6A.65/2003 du 27 novembre 2003, auxquels A.__ se réfère: en particulier étant donné que, dans ces arrêts, la perte de maîtrise du véhicule, due à une vitesse excessive, n’a pas eu lieu sur l’autoroute et qu’aucun aquaplaning n’a été constaté. La présente cause se distingue également de celle de l’arrêt 1C_525/2012 du 24 octobre 2013, où le Tribunal fédéral a retenu une faute moyennement grave. Bien que, dans cette affaire, la personne circulait sur l’autoroute, une forte pluie ou de l’aquaplaning – qui auraient exigé une prudence accrue – n’ont pas été constatés (cf. arrêt 1C_525/2012 du 24 octobre 2013 consid. 2.4); de même, le recourant n’avait pas engagé une manœuvre de dépassement et n’avait pas causé d’accident avec une autre voiture.

Enfin, A.__ ne saurait tirer argument du fait que sur le plan pénal elle a été condamnée pour infraction simple selon l’art. 90 al. 1 LCR. En effet, si les faits retenus au pénal lient en principe l’autorité et le juge administratifs (ATF 139 II 95 consid. 3.2 et les arrêts cités), il en va différemment des questions de droit, en particulier de l’appréciation de la faute et de la mise en danger (arrêt 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2).

 

Consid. 2.5
Dans ces circonstances, le Tribunal cantonal n’a pas violé le droit fédéral en retenant que A.__ avait commis une infraction grave au sens de l’art. 16c al. 1 let. a LCR. Pour le surplus, A.__ ne conteste pas que, dans cette hypothèse, son permis de conduire devait lui être retiré pour une durée de trois mois en application de l’art. 16c al. 2 let. a LCR, s’agissant de la durée minimale pour une infraction grave.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

Arrêt 1C_135/2022 consultable ici

 

1C_626/2021 (d) du 03.11.2022, destiné à la publication – Adaptation de la pratique en matière de retrait de permis de conduire à la suite d’un dépassement par la droite

Arrêt du Tribunal fédéral 1C_626/2021 (d) du 03.11.2022, destiné à la publication

 

Arrêt consultable ici

Communiqué de presse du TF du 09.12.2022 consultable ici

 

Adaptation de la pratique en matière de retrait de permis de conduire à la suite d’un dépassement par la droite

 

Dépasser par la droite sur une autoroute ou une semi-autoroute en déboîtant puis en se rabattant n’entraîne plus systématiquement le retrait du permis de conduire. Le Tribunal fédéral adapte sa pratique à la nouvelle situation juridique. Les exceptions au retrait du permis de conduire doivent toutefois être appliquées avec retenue.

En 2020, un automobiliste a d’abord circulé sur la voie de dépassement de l’autoroute, puis s’est engagé sur la voie de circulation normale, a accéléré, a dépassé un autre automobiliste par la droite et s’est à nouveau rabattu sur la voie de dépassement. A ce titre, il a été sanctionné d’une peine pécuniaire et d’une amende. L’Office de la circulation routière du canton de Berne lui a par la suite retiré le permis de conduire pour 12 mois pour violation grave des règles de la circulation routière pour dépassement par la droite, tenant ainsi compte d’un précédent retrait de permis pour une violation grave. La Commission de recours compétente du canton de Berne a rejeté le recours de l’intéressé.

Le Tribunal fédéral admet le recours et annule la décision de la Commission de recours. Conformément à la loi sur la circulation routière, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis d’élève-conducteur ou du permis de conduire (ou un avertissement) lorsque la procédure sur les amendes d’ordre n’est pas applicable. Le 1er janvier 2021, le Conseil fédéral a adapté la liste des amendes pour les contraventions contenue dans l’ordonnance sur les amendes d’ordre (OAO). Ainsi, sur les autoroutes et semi-autoroutes à plusieurs voies de circulation, le dépassement par la droite en déboîtant puis en se rabattant est désormais sanctionné d’une amende d’ordre de 250 francs. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral valable jusqu’à ce jour, le dépassement par la droite sur l’autoroute constitue en principe une violation grave des règles de la circulation routière et entraîne donc le retrait du permis pour une durée minimale de trois mois ; cette jurisprudence a été critiquée par la doctrine comme étant trop sévère. Selon l’Office fédéral des routes (OFROU), l’adaptation de l’OAO en question doit traduire l’idée qu’il n’y a pas lieu de qualifier systématiquement tous les cas de dépassement par la droite de violation grave des règles de la circulation routière et qu’ils ne devraient dès lors pas obligatoirement conduire à un retrait de permis. Le Tribunal fédéral a adapté sa pratique à la nouvelle situation juridique. Compte tenu des risques inhérents au dépassement par la droite sur l’autoroute, il convient cependant d’interpréter de façon restrictive la nouvelle réglementation et de l’appliquer avec retenue. Il est nécessaire qu’il s’agisse, dans le cas particulier, et compte tenu de l’ensemble des circonstances concrètes, d’un simple dépassement par la droite sans circonstances aggravantes. En l’espèce, il est établi que le conducteur concerné a dépassé une voiture par la droite en déboîtant et en se rabattant. La manœuvre s’est toutefois effectuée de jour, sur une route sèche, dans de bonnes conditions de visibilité et avec une faible densité de trafic ; le conducteur dépassé n’a en outre pas dû modifier sa conduite. Contrairement à ce que prévoyait l’ancien droit, sous le nouveau droit, un tel comportement doit être qualifié exceptionnellement de simple inobservation de prescriptions d’ordre. C’est par conséquent le nouveau droit qui, en tant que droit le plus favorable, doit être appliqué dans la présente procédure. Un retrait de permis n’entre plus en ligne de compte et doit être annulé.

 

 

Arrêt 1C_626/2021 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 09.12.2022 consultable ici

 

Procédure accélérée et assouplissements pour les conducteurs professionnels en cas de retrait du permis

Procédure accélérée et assouplissements pour les conducteurs professionnels en cas de retrait du permis

 

Communiqué de presse de l’OFROU du 22.06.2022 consultable ici

 

Le Conseil fédéral accélère la procédure et atténue les conséquences subies sur le plan professionnel par les conducteurs professionnels en cas de retrait du permis de conduire. Lors de sa séance du 22.06.2022, il a adopté les modifications d’ordonnance en ce sens. Celles-ci entreront en vigueur le 01.04.2023.

Lors de sa séance du 22.06.2022, le Conseil fédéral a décidé de modifier l’ordonnance sur le contrôle de la circulation routière (OCCR), l’ordonnance réglant l’admission à la circulation routière (OAC) et l’ordonnance sur les moniteurs de conduite (OMCo). Il met ainsi en œuvre les motions 17.4317 « Circulation routière. Procédures plus équitables » et 17.3520 « Non à une double sanction des conducteurs professionnels ! » adoptées par le Parlement. Les modifications proposées entreront en vigueur le 01.04.2023.

 

Accélération de la procédure en cas de retrait du permis de conduire

Si la police saisit un permis d’élève conducteur ou un permis de conduire, elle devra désormais le transmettre dans les trois jours ouvrés à l’autorité cantonale chargée des retraits de permis. Le même délai s’applique à la saisie du permis de circulation et des plaques de contrôle. Aujourd’hui, l’OCCR ne fixe aucun délai dans ce domaine.

L’autorité cantonale chargée des retraits de permis dispose d’un délai de dix jours ouvrés pour restituer le permis d’élève conducteur ou le permis de conduire à son titulaire si elle n’a pas de doutes sérieux jusque-là quant à l’aptitude à la conduite de cette personne et ne peut donc pas prononcer au moins un retrait préventif. Aujourd’hui, l’OAC ne fixe aucun délai dans ce domaine. Cette nouvelle disposition permettra d’accélérer la procédure et de réduire le délai durant lequel les permis sont retirés sans décision formelle.

En outre, l’autorité cantonale chargée des retraits devra désormais réévaluer le retrait préventif du permis de conduire tous les trois mois, sur demande écrite de la personne concernée. Le titulaire du permis peut déposer sa demande pour la première fois trois mois après l’entrée en force de la décision de retrait. L’autorité doit se prononcer dans les 20 jours ouvrés suivant la réception de la demande sur le maintien du retrait ou restituer le permis à l’ayant droit.

Les autorités cantonales ne pourront plus garantir l’anonymat à des personnes qui font part de leur doute quant à l’aptitude à la conduite de tiers que si lesdites personnes peuvent prouver qu’elles ont un intérêt digne de protection en la matière. Ce n’est le cas que si la divulgation de l’identité de l’auteur du signalement peut lui porter gravement préjudice.

 

Régime d’exception applicable aux conducteurs professionnels en cas de retrait de permis pour infraction légère

L’autorité chargée des retraits peut autoriser des personnes à effectuer les trajets nécessaires à l’exercice de leur profession pendant la durée d’un retrait de permis prononcé à la suite d’une infraction légère (par ex. un léger excès de vitesse). Cet assouplissement permet de réduire le risque de perte d’emploi pour les personnes concernées par un retrait de permis.

En cas d’infraction moyennement grave ou grave (par ex. conduite sous l’emprise de stupéfiants), aucune autorisation ne pourra être délivrée pour les trajets professionnels. La nouvelle disposition ne pourra pas non plus s’appliquer aux personnes dont le permis a été retiré pour une durée indéterminée ou de manière définitive pour des raisons de sécurité. Enfin, les trajets nécessaires à l’exercice de la profession ne peuvent être autorisés que si le permis de conduire n’a pas été retiré plus de deux fois en l’espace de cinq ans.

 

 

Communiqué de presse de l’OFROU du 22.06.2022 consultable ici

Ordonnances et commentaires disponibles ici (format ZIP)

Ritiro della patente: procedure più rapide e agevolazioni per gli autisti, comunicato stampa disponibile qui

Schnellere Verfahren sowie Erleichterungen für Berufsfahrerinnen und -fahrer beim Ausweisentzug, Medienmitteilung hier verfügbar

 

Usage diurne des phares sur les vélos électriques à compter du 01.04.2022 et usage du tachymètre obligatoire sur les vélos électriques rapides à partir du 01.04.2024

Usage diurne des phares sur les vélos électriques à compter du 01.04.2022 et usage du tachymètre obligatoire sur les vélos électriques rapides à partir du 01.04.2024

 

Communiqué de presse de l’OFROU du 18.02.2022 consultable ici

 

À partir du 01.04.2022, en Suisse, tous les vélos électriques devront rouler avec les phares allumés également de jour. Ces derniers devront être fixés à demeure sur le vélo. Cette mesure, qui s’applique à toutes les aires de circulation publiques, vise à augmenter la visibilité et donc à améliorer la sécurité des conducteurs de vélos électriques.

À partir du 01.04.2022, tous les conducteurs de vélos électriques devront allumer leurs phares même en journée. Selon les dispositions relatives aux feux de circulation diurne, l’enclenchement des phares avant est suffisant durant la journée. Toutefois, l’Office fédéral des routes (OFROU) recommande de toujours allumer les feux avant et arrière afin d’être plus visible.

Les prescriptions concernant l’équipement en dispositifs d’éclairage restent inchangées : les vélos électriques doivent d’ores et déjà être équipés à demeure d’au moins un feu blanc à l’avant et d’un feu rouge à l’arrière, tous deux non clignotants. S’agissant des vélos électriques rapides, ce dispositif d’éclairage doit faire l’objet d’une réception par type. Les modèles d’éclairage démontables sont également considérés comme « fixés à demeure ». Le montage de feux de circulation diurne spéciaux est autorisé, mais pas obligatoire.

 

Usage diurne obligatoire des phares sur toutes les aires de circulation publiques

L’obligation de rouler avec les phares allumés s’applique à l’ensemble des aires de circulation publiques, donc en règle générale également aux chemins ruraux et aux pistes pour VTT. Toute personne circulant avec un vélo électrique sans faire usage de ses phares pourra être sanctionnée d’une amende d’ordre de 20 francs.

 

Usage du tachymètre obligatoire sur les vélos électriques rapides à partir du 01.04.2024

Dès le 01.04.2024, les vélos électriques rapides ne pourront être mis en circulation pour la première fois qu’avec un compteur de vitesse. Ceux qui se trouvent déjà en circulation devront en être dotés d’ici au 01.04.2027. Au-delà de cette date, quiconque roulera sans tachymètre pourra se voir infliger une amende d’ordre de 20 francs. L’objectif de cette mesure est de s’assurer que les vitesses maximales seront respectées, notamment dans les zones limitées à 20 ou à 30 km/h. Toute personne excédant la vitesse maximale autorisée sera passible d’une amende d’ordre de 30 francs.

 

 

Communiqué de presse de l’OFROU du 18.02.2022 consultable ici

 

6B_282/2021 (d) du 23.06.2021 – destiné à la publication – Tolérance zéro pour le cannabis dans la circulation routière : jurisprudence confirmée

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_282/2021 (d) du 23.06.2021, destiné à la publication

 

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Communiqué de presse du Tribunal fédéral du 21.07.2021 consultable ici

 

Tolérance zéro pour le cannabis dans la circulation routière : jurisprudence confirmée

 

La tolérance zéro pour le cannabis dans la circulation routière décrétée par le Conseil fédéral, respectivement l’Office fédéral des routes, n’est pas critiquable. Le Tribunal fédéral confirme sa jurisprudence et rejette le recours d’un conducteur contre sa condamnation pour conduite en état d’incapacité.

En 2018, lors d’un contrôle, la police avait constaté qu’un conducteur présentait des signes de consommation de stupéfiants (yeux rouges, démarche vacillante). L’analyse de sang et d’urine avait révélé la présence de THC, substance active du cannabis, à raison de 4.4 microgrammes de cette substance par litre de sang (μg/l). L’homme avait été condamné en 2021 par la Cour suprême du canton d’Argovie, pour conduite en état d’incapacité, à une peine pécuniaire avec sursis ainsi que 300 francs d’amende.

Le Tribunal fédéral rejette le recours de l’intéressé. Selon celui-ci, le seul dépassement du taux limite de THC de 1.5 μg/l n’aurait pas suffi à établir son incapacité de conduire. Ce taux ne révélerait rien quant à l’effet de la substance et cette valeur serait trop basse.

Conformément à l’art. 55 LCR, pour d’autres substances que l’alcool, le Conseil fédéral peut fixer des valeurs limites au-delà desquelles une incapacité de conduire est établie. Pour le cannabis, le Conseil fédéral, respectivement l’Office fédéral des routes (OFROU), ont fixé cette limite à 1.5 μg/l dans une ordonnance. Cette valeur constitue un seuil de détection, qui exprime la concentration dès laquelle la présence d’une substance dans le sang peut être démontrée quantitativement de manière fiable. De telles valeurs doivent être distinguées de celles qui, comme pour l’alcool, indiquent au-delà de quelle concentration une altération significative de la capacité de conduire doit être retenue.

L’examen opéré par le Tribunal fédéral sur les dispositions prises par le Conseil fédéral par voie d’ordonnance est en principe restreint à contrôler qu’elles demeurent dans le cadre des compétences déléguées et qu’elles ne violent ni la loi ni la Constitution pour un autre motif. En ce sens, le Tribunal fédéral avait déjà jugé auparavant que le Conseil fédéral, respectivement l’OFROU, n’avaient pas excédé la compétence normative qui leur avait été déléguée en décrétant la tolérance zéro en matière de cannabis (arrêts 6B_136/2010, 1C_862/2013). Le Tribunal fédéral ne voit aucun motif de revenir sur cette jurisprudence. Si cette réglementation a été critiquée en doctrine, il faut aussi rappeler qu’elle trouve appui dans la genèse de la norme de délégation. En effet, le Message de 1999 concernant la modification de la LCR indiquait expressément à propos de l’art. 55 LCR que même une valeur limite nulle était envisageable. Au vu de ces éléments d’interprétation historiques, le Conseil fédéral, respectivement l’OFROU, ont pleinement respecté les prérogatives qui leur ont été conférées par la loi. La règle édictée n’est, pour le moins, pas insoutenable puisque, même en son état actuel, la science ne parvient pas à établir une corrélation fiable entre la concentration plasmatique de THC et les effets concrets de cette substance. La valeur limite du THC pour la circulation routière peut certes susciter le débat. Mais qu’une autre solution soit envisageable ou même préférable ne la rend pas arbitraire. Dans la suite, le Tribunal fédéral confirme l’opinion de l’autorité précédente selon laquelle, compte tenu des manifestations physiques ainsi que du dépassement notable de la valeur limite de THC, le conducteur qui avait consommé du cannabis la veille avait accepté son incapacité de conduire.

 

 

Arrêt 6B_282/2021 consultable ici

 

 

6B_451/2019 (f) du 18.06.2019, publié 145 IV 206 – Conduite d’un cyclomoteur en état d’ébriété qualifiée – Cyclomotoriste appréhendé en tant que conducteur d’un véhicule automobile, selon son état d’ébriété ou son état d’incapacité de conduire / Conduite d’un cyclomoteur malgré un retrait de permis / Remarque concernant les vélos électriques « rapides » (jusqu’à 45 km/h)

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_451/2019 (f) du 18.06.2019, publié 145 IV 206

 

Consultable ici

ATF 145 IV 206 consultable ici

 

Conduite d’un cyclomoteur en état d’ébriété qualifiée – Cyclomotoriste appréhendé en tant que conducteur d’un véhicule automobile, selon son état d’ébriété ou son état d’incapacité de conduire

Conduite d’un cyclomoteur malgré un retrait de permis

Remarque concernant les vélos électriques « rapides » (jusqu’à 45 km/h)

 

A Oron-la-Ville, le 8 février 2018, vers 2h15, X.__ a circulé au guidon de son cyclomoteur alors qu’il se trouvait fortement sous l’influence de l’alcool (1,2 mg/l) et sous le coup d’une mesure de retrait de permis de conduire pour toutes catégories depuis 2011. De plus, les plaques d’immatriculation (hors circulation depuis 2011) ne correspondaient pas à ce cyclomoteur, lequel n’était par ailleurs pas couvert par une assurance responsabilité civile.

Le 8 juin 2018, X.__ a circulé au guidon d’un autre cyclomoteur alors qu’il était sous le coup d’une mesure de retrait de son permis de conduire pour toutes catégories depuis 2011, que les plaques d’immatriculation ne correspondaient pas à ce cyclomoteur, lequel n’était par ailleurs pas couvert par une assurance responsabilité civile.

Le casier judiciaire de X.__ fait état de seize condamnations entre mars 2011 et juillet 2018, dont quatorze concernent notamment des infractions en matière de circulation routière. Quinze mesures administratives ont également été prononcées, telles que des avertissements, des retraits de permis et un cours d’éducation.

 

Procédures cantonales

Par jugement du 20 novembre 2018, le Tribunal de police a libéré X.__ des infractions de conduite en présence d’un taux d’alcool qualifié, de conduite d’un véhicule automobile sans autorisation, de circulation sans permis de circulation ou de plaques de contrôle, de circulation sans assurance responsabilité civile et d’usage abusif de permis et/ou de plaques de contrôle, l’a déclaré coupable de violations simples des règles de la circulation routière et l’a condamné à une amende de 2’500 francs.

Par jugement du 18 février 2019 (PE18.005892), la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a admis l’appel formé par le ministère public contre le jugement de première instance. Elle a reconnu X.__ coupable de conduite en présence d’un taux d’alcool qualifié (art. 91 al. 2 let. a LCR), conduite d’un véhicule sans autorisation (art. 95 al. 1 let. b LCR), conduite sans permis de circulation ou plaques de contrôle et sans assurance responsabilité civile (art. 96 al. 1 let. a et al. 2 LCR) et usage abusif d’un permis ou de plaques de contrôle (art. 97 al. 1 let. a LCR). Elle a condamné X.__ à une peine privative de liberté de 6 mois, cette peine étant partiellement complémentaire à celle prononcée le 6 juillet 2018 par le ministère public fribourgeois ainsi qu’à une amende de 300 francs.

 

TF

Conduite d’un véhicule sous l’influence de l’alcool (consid. 1.1-1.2)

A teneur de l’art. 31 al. 2 LCR, toute personne qui n’a pas les capacités physiques et psychiques nécessaires pour conduire un véhicule parce qu’elle est sous l’influence de l’alcool, de stupéfiants, de médicaments ou pour d’autres raisons, est réputée incapable de conduire pendant cette période et doit s’en abstenir.

L’art. 91 LCR fixe les conséquences pénales de la conduite malgré une incapacité de conduire et distingue notamment les véhicules automobiles des véhicules sans moteur.

Alors que la conduite d’un véhicule sans moteur en état d’incapacité de conduire constitue une contravention en vertu de l’art. 91 al. 1 let. c LCR, quel que soit le degré d’incapacité, l’art. 91 al. 2 let. a LCR punit d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui conduit un véhicule automobile en état d’ébriété et présente un taux d’alcool qualifié dans le sang ou dans l’haleine.

 

Conduite d’un cyclomoteur en état d’ébriété qualifiée (consid. 1.3-1.5)

Il s’agit de déterminer en l’espèce si le cyclomotoriste qui présente un taux d’alcool qualifié commet une contravention au sens de l’art. 91 al. 1 let. c LCR ou un délit au sens de l’art. 91 al. 2 let. a LCR.

A teneur de l’art. 7 al. 1 LCR, est réputé véhicule automobile au sens de la présente loi tout véhicule pourvu d’un propre dispositif de propulsion lui permettant de circuler sur terre sans devoir suivre une voie ferrée.

L’art. 25 al. 1 LCR autorise le Conseil fédéral à soustraire totalement ou partiellement à l’application des dispositions du titre 2 [véhicules et conducteurs], certaines catégories de véhicules (énumérées aux let. a à d) dont ne font pas partie expressément les cyclomoteurs.

Le titre deuxième de l’OETV (ordonnance du 19 juin 1995 concernant les exigences techniques requises pour les véhicules routiers; RS 741.41) présente une « classification des véhicules ». Alors que le chapitre 2 définit les voitures automobiles (art. 10 à 13 OETV), le chapitre 3 (art. 14 à 18 OETV) concerne les « autres véhicules automobiles ». A teneur de l’art. 18 let. a OETV sont réputés «cyclomoteurs» les véhicules monoplaces, à roues placées l’une derrière l’autre, pouvant atteindre une vitesse de 30 km/h au maximum de par leur construction, dont la puissance du ou des moteurs n’excède pas 1,00 kW au total et équipés: d’un moteur à combustion dont la cylindrée n’est pas supérieure à 50 cm 3 (ch. 1), ou d’un système de propulsion électrique et d’une éventuelle assistance au pédalage jusqu’à 45 km/h (ch. 2). L’art. 18 let. b à d OETV donne la définition d’autres engins équipés d’un système à propulsion tels que les cyclomoteurs légers (let. b), les fauteuils roulants motorisés (let. c) et les gyropodes électriques (let. d). Intitulé « véhicules sans moteur », le chapitre 4 de l’OETV (art. 19 à 24) définit les différents types de véhicules dépourvus de moteur, dont font partie les cycles (art. 24 OETV).

A teneur de l’art. 90 OAC (ordonnance du 27 octobre 1976 réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière; RS 741.51), les cyclomoteurs sont admis à circuler s’ils sont munis du permis de circulation pour cyclomoteurs, de la plaque de contrôle mentionnée dans celui-ci et d’une vignette d’assurance valable.

Sous le titre marginal « motocycles, cyclomoteurs et cycles; généralités », l’art. 42 al. 4 OCR (ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière; RS 741.11) prévoit que les conducteurs de cyclomoteurs doivent se conformer aux prescriptions concernant les cyclistes.

 

La jurisprudence n’a pas développé la question des conséquences pénales de la conduite d’un cyclomoteur en état d’ébriété qualifiée, à l’aune de la législation actuelle.

Les aspects pénaux liés à la conduite d’un cyclomoteur ont toutefois été abordés par le Tribunal fédéral avant la modification de la LCR (cf. Message du 31 mars 1999 concernant la modification de la LCR; FF 1999 4106; ci-après: le Message). Dans un arrêt publié aux ATF en 1964, le Tribunal fédéral a retenu que les cyclomoteurs ne devaient pas être considérés comme des véhicules automobiles au sens de l’art. 7 al. 1 LCR et devaient être assimilés aux cycles. Aussi, celui qui conduisait un cyclomoteur en état d’ébriété se rendait coupable d’une contravention et non d’un délit (ATF 90 IV 83 consid. 1 p. 84 s.). Cet arrêt se fonde sur l’ancien arrêté du Conseil fédéral du 15 novembre 1960 sur les cyclomoteurs et les motocycles légers (en vertu de la délégation de compétence prévue à l’art. 25 LCR), lequel prévoyait que les cyclomoteurs tombaient sous le coup des prescriptions relatives aux cycles. Depuis lors, l’arrêté du Conseil fédéral a été abrogé et remplacé par l’ordonnance du 28 août 1969 sur les constructions et l’équipement des véhicules routiers (ancienne OCE; ancien RS 741.41), laquelle a été, à son tour, abrogée et remplacée par l’actuelle OETV. Dans un arrêt ultérieur de 1992, portant sur l’obligation des cyclomotoristes de porter un casque, le Tribunal fédéral a relativisé l’assimilation des cyclomoteurs aux cycles en précisant que celle-ci n’était jamais totale (ATF 118 IV 192 consid. 2f p. 195).

Récemment, dans un arrêt rendu en matière de droit administratif, le Tribunal fédéral a retenu qu’un conducteur de cyclomoteur présentant un taux d’alcool qualifié commettait une infraction grave aux règles de la circulation au sens de l’art. 16c LCR et non une infraction moyennement grave au sens de l’art. 16b LCR (arrêt 1C_766/2013 du 1er mai 2014 consid. 4.6). Il ressort de cet arrêt que des violations graves des règles de la circulation routière au guidon de cyclomoteurs peuvent causer de graves dangers tant pour le conducteur que pour les autres usagers de la route, à l’instar des motocycles légers (cf. art. 14 let. b OETV; cf. consid. 4.4). Dans son analyse, tout en rappelant que les cyclomoteurs étaient en principe assimilés aux véhicules automobiles (art. 7 al. 1 LCR), la Ière Cour de droit public s’est penchée sur l’aspect pénal d’un tel comportement, considérant qu’il était constitutif d’une simple contravention au sens de l’art. 91 al. 1 let. c LCR par renvoi de l’art. 42 al. 4 OCR (consid. 4.1). Cette analyse – qui n’était pas pertinente pour l’issue du litige de droit administratif – avait ainsi valeur d’  obiter dictum. Elle avait d’ailleurs essentiellement pour but de mettre en évidence une prétendue incohérence entre les conséquences pénales et administratives de la conduite en état d’ébriété d’un cyclomoteur (consid. 4.4).

Selon la majorité des auteurs de doctrine contemporaine, les cyclomoteurs ne sauraient être qualifiés de véhicules sans moteur au sens de l’art. 91 al. 1 let. c LCR (PHILIPPE WEISSENBERGER, Kommentar Strassenverkehrsgesetz und Ordnungsbussengesetz, 2 e éd. 2015, n° 36 et 42 ad art. 91 LCR; BUSSY/RUSCONI/JEANNERET/KUHN/MIZEL/MÜLLER, Code suisse de la circulation routière commenté, 4 e éd. 2015, n° 7.5 ad art. 10 LCR et n° 3.4.2 ad art. 18 LCR; FAHRNI/HEIMGARTNER, in Basler Kommentar, Strassenverkehrsgesetz, 2014, n° 12 ad art. 91 LCR; QUELOZ/ZIEGLER, La conduite en état d’incapacité: une cible d’action prioritaire pour la sécurité routière, in Journées du droit de la circulation routière 7-8 juin 2010, p. 125; YVAN JEANNERET, Les dispositions pénales de la Loi sur la circulation routière, 2007, n° 13 ad art. 91 LCR et n° 83 ss ad définitions; voir cependant: BERNARD CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3 e éd. 2010, n° 10 ad art. 91 LCR en référence notamment aux art. 42 al. 4 OCR, ancien art. 175 al. 1 OETV et ancien art. 90 al. 1 OAC). JEANNERET motive en détails sa position, ce notamment au regard du libellé de la loi (le cyclomoteur est intrinsèquement un véhicule à moteur) et de l’évolution des normes relatives aux cyclomoteurs (nécessité d’un permis de conduire, abolition du régime particulier de permis de conduire, retrait du permis M en cas de conduite en état d’incapacité).

A rigueur de texte, force est de constater qu’un cyclomoteur est un véhicule automobile au sens de l’art. 7 al. 1 LCR, dès lors qu’il est, par définition, équipé d’un moteur (cf. art. 18 let. a OETV). En cela, il se distingue des véhicules sans moteur et en particulier des cycles (cf. art. 19 ss OETV).

On ne saurait déduire le contraire du Message, en tant qu’il mentionne que les conducteurs de véhicules à moteur « de faible puissance » sont punis de l’amende (cf. FF 1999 4142 ad art. 91 LCR). En effet, contrairement à certains engins équipés de moteurs à plus faible puissance (cf. notamment les cyclomoteurs légers dont la puissance du moteur n’excède pas 0.50 kW au total [art. 18 let. b OETV]), le cyclomoteur, tel que celui conduit par le recourant, fait l’objet de prescriptions spéciales, notamment en matière de permis de conduire (permis « M »), de permis de circulation et de plaques (cf. art. 90 al. 1 OAC) et de port du casque (cf. art. 3b OCR). Aussi, rien dans le Message ne permet de traiter les cyclomoteurs comme des cycles, s’agissant de la répression de la conduite en état d’incapacité.

La mise en perspective des dispositions topiques des différentes ordonnances d’exécution de la LCR conduit au même résultat. Si, dans leur ancienne teneur, les art. 90 al. 1 OAC (nouvelle teneur selon le ch. I de l’ordonnance du 12 octobre 2011, en vigueur depuis le 1 er janvier 2012; RO 2011 4941), 175 al. 1 OETV (nouvelle teneur selon le ch. 1 de l’ordonnance du 2 mars 2012, en vigueur depuis le 1er mai 2012; RO 2012 1825) et 38 al. 1 OAV (ordonnance du 20 novembre 1959 sur l’assurance des véhicules; RS 741.31) prévoyaient que les cyclomoteurs étaient soumis aux prescriptions concernant les cycles, ce n’est plus le cas dans leur nouvelle teneur. Ainsi, le raisonnement opéré dans l’arrêt publié aux ATF 90 IV 83 ne saurait être transposé au régime légal actuel.

Par ailleurs, si l’art. 42 al. 4 OCR fait obligation aux conducteurs de cyclomoteurs de se conformer aux prescriptions concernant les cycles, cette disposition n’a pas la portée que semblait lui prêter, dans un obiter dictum et sans autre approfondissement, l’arrêt 1C_766/2013. Dans la mesure où cette disposition concerne uniquement certaines prescriptions de la LCR (cf. notamment art. 46 al. 4 LCR: interdiction d’être remorqué par des véhicules ou des animaux), on ne saurait en inférer une assimilation systématique des cyclomoteurs aux cycles. On ne peut pas davantage déduire de l’art. 42 al. 4 OCR que les cyclomoteurs échapperaient à la qualification de « véhicules automobiles » au sens de l’art. 7 al. 1 LCR, faute de référence en ce sens (cf. art. 25 LCR).

 

Il résulte de ce qui précède que, au regard de la législation en vigueur (LCR et ordonnances d’exécution), les cyclomoteurs (cf. art. 18 let. a OETV) ne peuvent être assimilés sans réserve aux véhicules sans moteur.

En tant que le Tribunal fédéral a, d’une part, relativisé l’assimilation des cyclomoteurs aux cycles en matière pénale (cf. ATF 118 IV 192 consid. 2f p. 195) et d’autre part, traité, sous l’angle administratif, la conduite d’un cyclomoteur en état d’ivresse qualifiée comme une infraction grave (arrêt 1C_766/2013 du 1er mai 2014), force est de constater que l’évolution de la jurisprudence abonde dans le même sens. Il en va de même de la doctrine contemporaine (étant relevé que CORBOZ se fondait sur les dispositions qui sont, depuis lors, abrogées ou modifiées).

Par conséquent, le conducteur d’un cyclomoteur, tel que défini à l’art. 18 let. a OETV, ne saurait bénéficier de la forme privilégiée de l’infraction de conduite en état d’incapacité au sens de l’art. 91 al. 1 let. c LCR. Le cyclomotoriste doit être appréhendé en tant que conducteur d’un véhicule automobile, en fonction de son état d’ébriété, respectivement de son état d’incapacité de conduire, ce sur la base des al. 1 et 2 de l’art. 91 LCR.

En l’occurrence, compte tenu du taux d’alcool que présentait le recourant au guidon de son cyclomoteur, c’est sans violer le droit fédéral que la cour cantonale l’a reconnu coupable de conduite en état d’ébriété qualifiée au sens de l’art. 91 al. 2 let. a LCR.

 

Conduite d’un cyclomoteur malgré un retrait de permis (consid. 2)

A teneur de l’art. 95 al. 1 let. b LCR, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque conduit un véhicule automobile alors que le permis d’élève conducteur ou le permis de conduire lui a été refusé, retiré ou qu’il lui a été interdit d’en faire usage. Selon l’art. 95 al. 4 let. a LCR, est puni de l’amende quiconque conduit un cycle alors que la conduite lui en a été interdite.

L’art. 3 al. 3 OAC prévoit que le permis de conduire « M » est établi pour la catégorie spéciale des cyclomoteurs. Les anciens ch. 1 et 2 de l’art. 145 OAC punissaient des arrêts ou de l’amende, celui qui conduisait un cyclomoteur sans être en possession d’un permis de conduire ou malgré un refus ou un retrait du permis de conduire pour cyclomoteur ou à qui l’usage d’un tel véhicule avait été interdit. Ces dispositions ont été abrogées par le ch. I de l’ordonnance du 3 juillet 2002, avec effet au 1 er avril 2003 (RO 2002 3259).

L’art. 19 LCR prévoit la possibilité d’interdire de conduite les personnes conduisant un cycle qui souffrent d’une maladie physique ou mentale ou d’une forme de dépendance qui les rend inaptes à conduire un véhicule de ce type en toute sécurité (al. 2) ou les personnes qui ont mis en danger la circulation de façon grave ou à plusieurs reprises, ou encore qui ont circulé en étant prises de boisson (al. 3).

Associant les cyclomoteurs aux cycles de manière générale, le tribunal de première instance a retenu que la conduite par le recourant d’un cyclomoteur, alors qu’il se savait sous une mesure de retrait, était appréhendée par l’art. 95 al. 4 let. a LCR. La cour cantonale a, quant à elle, considéré que le comportement du recourant tombait sous le coup de l’art. 95 al. 1 let. b LCR.

Dans sa teneur actuelle, la législation ne prévoit pas de régime spécial pour la conduite d’un cyclomoteur sans autorisation ou malgré un retrait. Au contraire, l’abrogation des anciens art. 145 ch. 1 et 2 OAC, qui réprimaient la conduite d’un cyclomoteur sans permis de conduire ou malgré un retrait, implique que désormais, un tel comportement tombe dans le champ d’application de l’art. 95 al. 1 LCR.

Dès lors que l’interdiction de conduire au sens de l’art. 19 LCR vise exclusivement les cycles, dont la conduite ne nécessite pas de permis, la contravention régie par l’art. 95 al. 4 let. a LCR s’applique uniquement et expressément aux conducteurs de ceux-ci (cf. également HANS MAURER, in Kommentar StGB/JStG, mit weiteren Erlassen und Kommentar zu den Strafbestimmungen des SVG, BetmG und AuG/AIG, 20 e éd. 2018, n° 4 ad art. 95 LCR; WEISSENBERGER, op. cit., n° 4 ad art. 7 LCR et n° 15 ad art. 95 LCR; ADRIAN BUSSMANN, in Basler Kommentar, op. cit., n° 93 ad art. 95 LCR; JEANNERET, op. cit., n° 90 ad définitions; n° 5 et n° 99 ss ad art. 95 LCR et n° 154 ad art. 103 LCR), à l’exclusion des cyclomotoristes.

Il est établi et incontesté que le recourant a circulé, les 8 février et 8 juin 2018, au guidon d’un cyclomoteur alors qu’il était sous le coup d’une mesure de retrait de son permis de conduire pour toutes catégories. Il n’est pas question de conduite d’un cycle malgré une interdiction au sens de l’art. 19 LCR. Aussi, c’est en conformité avec le droit fédéral que la cour cantonale a reconnu le recourant coupable d’infraction à l’art. 95 al. 1 let. b LCR.

 

Conduite d’un cyclomoteur sans plaques de contrôle (consid. 3)

A teneur de l’art. 96 al. 1 let. a LCR, est puni de l’amende quiconque conduit un véhicule automobile avec ou sans remorque sans le permis de circulation ou les plaques de contrôle requis. L’al. 2 punit d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque conduit un véhicule automobile en sachant qu’il n’est pas couvert par l’assurance responsabilité civile prescrite ou qui devrait le savoir s’il avait prêté toute l’attention commandée par les circonstances. La peine privative de liberté est assortie d’une peine pécuniaire. Dans les cas de peu de gravité, la sanction est la peine pécuniaire.

A teneur de l’art. 97 al. 1 let. a LCR, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque fait usage d’un permis ou de plaques de contrôle qui n’étaient destinés ni à lui-même, ni à son véhicule.

Selon l’art. 145 ch. 3 OAC, sera puni de l’amende, celui qui aura conduit un cyclomoteur sans le permis de circulation ou la plaque nécessaires (al. 1) et celui qui aura fait usage d’un cyclomoteur muni illégalement d’un permis de circulation (al. 3). L’art. 145 ch. 4 OAC punit de l’amende celui qui aura conduit un cyclomoteur non couvert par l’assurance-responsabilité civile prescrite (al. 1).

L’admission à la circulation des cyclomoteurs et les conditions de délivrance du permis de circulation les concernant sont régies par les art. 90 ss OAC. Les permis de circulation sont généralement remis par l’autorité aux fabricants et importateurs pour chaque cyclomoteur (cf. art. 92 al. 3 OAC), alors que les plaques sont délivrées directement par l’autorité cantonale au détenteur du cyclomoteur, sur présentation notamment de l’attestation d’assurance exigée (cf. art. 94 al. 1 et 2 OAC). Les permis de circulation des autres véhicules automobiles (cf. art. 71 s. OAC) sont quant à eux délivrés par le canton au détenteur sur présentation notamment de l’attestation d’assurance (art. 74 OAC).

Les art. 34 OAV régissent les questions de responsabilité civile et d’assurance des cyclomoteurs. L’annexe 1 de l’ordonnance du 4 mars 1996 sur les amendes d’ordre (OAO; RS 741.031) prévoit expressément que l’utilisation d’un cyclomoteur qui n’est pas assuré est punie d’une amende de 120 fr. (ch. 700.1.4).

Alors que le premier juge a fait application de l’art. 145 ch. 3 et 4 OAC, la cour cantonale a reconnu le recourant coupable de circulation sans permis de circulation ou plaques de contrôle et sans assurance responsabilité civile (art. 96 al. 1 et 2 LCR) ainsi que d’usage abusif de permis et/ou de plaques (art. 97 al. 1 let. a LCR), au motif que le cyclomoteur est un véhicule automobile et non un cycle.

Il y a lieu de distinguer les infractions reprochées en l’espèce.

S’agissant de la conduite d’un cyclomoteur sans plaques et assurance responsabilité civile nécessaires, force est de relever que l’art. 145 OAC aménage un régime pénal applicable expressément et exclusivement aux conducteurs de cyclomoteurs, en conformité avec la délégation de compétence prévue à l’art. 103 al. 1 LCR. Aussi, en tant que lex specialis, l’art. 145 ch. 3 et 4 OAC l’emporte sur l’art. 96 al. 1 et 2 LCR (cf. MAURER, op. cit., n° 3 ad art. 96 LCR; JEANNERET, op. cit., n° 65 s. ad art. 96 LCR). Contrairement à ce que suggère la cour cantonale, ces dispositions ne s’appliquent pas aux cycles, lesquels ne nécessitent pas de permis de circulation ou de plaques de contrôle (cf. art. 71 et 90 OAC a contrario).

En tant que la cour cantonale a appliqué l’art. 96 al. 1 et 2 LCR pour sanctionner la conduite d’un cyclomoteur sans les plaques nécessaires et sans couverture par l’assurance responsabilité civile, elle a violé le droit fédéral. Compte tenu du véhicule en cause, ces infractions constituent des contraventions, lesquelles sont appréhendées par l’art. 145 ch. 3 et 4 OAC et sanctionnées d’une amende. Le recours doit être admis sur ce point, le jugement entrepris doit être annulé en tant qu’il reconnaît le recourant coupable de violation de l’art. 96 al. 1 et 2 LCR, et la cause renvoyée à la cour cantonale pour qu’elle fasse application de l’art. 145 ch. 4 OAC et fixe une peine en conséquence.

 

Conduite de cyclomoteurs munis de plaques d’immatriculation qui ne correspondaient pas à ces véhicules (consid. 3.3.2)

Quant à la conduite de cyclomoteurs munis de plaques d’immatriculation qui ne correspondaient pas à ces véhicules, elle n’est pas visée par l’art. 145 ch. 3 al. 3 OAC, contrairement à ce que prétend le recourant. Cette disposition ne concerne que l’usage d’un cyclomoteur muni illégalement d’un permis de circulation.

Le recourant dénonce une différence de traitement entre, d’une part, le cyclomotoriste pour lequel la sanction de l’usage abusif de plaques serait plus grave que l’usage abusif de permis, et d’autre part, l’automobiliste pour lequel ces deux comportements sont d’égale gravité (cf. art. 97 al. 1 let. a LCR). Selon lui, il serait logique d’assimiler une plaque de contrôle à un permis de circulation, les deux allant de pair lorsqu’un véhicule circule. Or le recourant semble perdre de vue que les systèmes de délivrance de permis de circulation sont différents selon qu’il s’agit d’une voiture automobile (cf. art. 74 OAC) ou d’un cyclomoteur (cf. art. 90 ss OAC). Cela explique la précaution particulière de l’art. 145 ch. 3 OAC à l’égard des permis de circulation des cyclomoteurs, étant relevé que la remise du permis au détenteur échappe au contrôle de l’administration, à la différence des plaques qui sont délivrées à chaque détenteur, directement par l’autorité (cf. supra consid. 3.1; JEANNERET, op. cit., n° 157 ad art. 103 LCR).

Si le véhicule conduit porte des plaques de contrôle qui ne lui sont pas destinées et n’est en outre pas couvert par une assurance responsabilité civile, l’art. 145 ch. 4 OAC est applicable en concours parfait avec l’art. 97 al. 1 let. a LCR, dans la mesure où il s’agit de comportements clairement distincts (cf. JEANNERET, op. cit., n° 38 ad art. 97 LCR, s’agissant du concours entre les art. 96 al. 2 et 97 al. 1 let. a LCR).

Il en résulte que la cour cantonale n’a pas violé le droit fédéral en reconnaissant le recourant coupable d’usage abusif de plaques au sens de l’art. 97 al. 1 let. a LCR.

 

Le recours est partiellement admis, le jugement attaqué annulé s’agissant de la conduite sans permis de circulation ou plaques de contrôle et sans assurance responsabilité civile, et la cause renvoyée à l’autorité cantonale pour nouvelle décision. Pour le surplus, le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

 

 

Arrêt 6B_451/2019 consultable ici, ATF 145 IV 206 consultable ici

 

 

Remarque concernant les vélos électriques « rapides » (jusqu’à 45 km/h) :

La catégorie «vélos électriques rapides» appelée « cyclomoteur électrique », concerne les autres vélos électriques, dont le moteur ne dépasse pas 1000 W avec une assistance au pédalage jusqu’à 45 km/h. (Tout véhicule qui se déplace plus rapidement et / ou dispose d’une plus grande puissance est considéré une moto.)

 

Règles:

  • Plaque de contrôle jaune requise / assurance responsabilité civile obligatoire
  • Assistance au pédalage autorisé jusqu’à 30 km/h
  • Port du casque obligatoire
  • Permis de conduire M (14 ans)
  • Autorisé de passer les sens interdits pour « motocycles légers » avec le moteur éteint
  • Autorisé de circuler sur les espaces piétons avec (vélo autorisé), moteur éteint.

Cf. également la page « En route avec l’e-bike » de l’Association des Services Automobiles et le document de l’OFROU « Prescriptions concernant l’admission et l’utilisation des cyclomoteurs, vélos électriques lents, trottinettes électriques et vélos-taxis électriques »

 

Au vu des similarités entre un vélo électrique rapide (jusqu’à 45 km/h) et un cyclomoteur (tel que définit dans l’ATF 145 IV 206), en cas d’infraction, les conducteurs de vélos électriques rapides seront sanctionnés comme des conducteurs ordinaires.

 

Motion Buffat 20.4210 « Augmentation de la sécurité pour les cyclistes » [rendre le port du casque obligatoire pour tous les cyclistes] – Avis du Conseil fédéral

Motion Buffat 20.4210 « Augmentation de la sécurité pour les cyclistes » – Avis du Conseil fédéral

 

Consultable ici

 

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de proposer une modification de la loi sur la circulation routière (LCR) afin de rendre le port du casque obligatoire pour tous les cyclistes.

 

Développement

Depuis de nombreuses années, le développement du vélo dans toutes ses variantes (vélo de loisir, moyen de transport, vélo électrique) n’a cessé de prendre de l’ampleur.

Un nombre non négligeable de cyclistes roule sans casque. Avec l’arrivée des vélos électriques, la vitesse des vélos dépasse celle des cyclomoteurs.

En termes de chiffres, rien que pour 2018 ce ne sont pas moins de 27 morts en Suisse qui circulaient à vélo, dont 12 qui étaient à vélo électrique. Au niveau des blessés graves, ce sont 877 cyclistes à vélo « standard » (+7%) et 308 cyclistes à vélo électrique (+38%). La plupart des personnes tuées ou grièvement blessées le sont avec des vélos électriques de type « lent » (236 personnes vs 85 avec des vélos électriques rapides).

Je souhaite que la loi soit modifiée afin que le port du casque devienne obligatoire pour tous les cyclistes.

 

Avis du Conseil fédéral du 25.11.2020

Le Conseil fédéral a proposé d’introduire une obligation générale de porter le casque pour les cyclistes en 2008, dans le cadre de la consultation sur le programme de sécurité routière Via sicura. Toutefois, les participants à la consultation ont rejeté la mesure à une large majorité. Certains ayant néanmoins laissé entendre qu’ils y seraient favorables pour les enfants, le Conseil fédéral a suggéré, dans son message, de n’imposer le port du casque qu’aux cyclistes jusqu’à quatorze ans, une limite d’âge bien acceptée par la population d’après des sondages (FF 2010 7703 ss). Le Parlement a pourtant clairement rejeté l’instauration de l’obligation de porter le casque pour les cyclistes jusqu’à quatorze ans en 2012, lors de ses délibérations sur Via sicura.

Dans le cadre de la consultation sur la révision partielle de la loi fédérale sur la circulation routière, de la loi sur les amendes d’ordre et de huit ordonnances, qui court jusqu’au 12 décembre 2020, le Conseil fédéral propose plusieurs mesures destinées à augmenter la sécurité des conducteurs de vélos électriques. Il prévoit par exemple d’imposer à ces derniers l’usage diurne des phares ou le port du casque. En outre, le Conseil fédéral questionne les participants à la consultation sur leur soutien éventuel à l’introduction de l’obligation de porter le casque pour les cyclistes jusqu’à seize ans. Il n’est cependant pas favorable à une obligation plus étendue.

 

Proposition du Conseil fédéral du 25.11.2020

Le Conseil fédéral propose de rejeter la motion.

 

 

Motion Buffat 20.4210 « Augmentation de la sécurité pour les cyclistes » consultable ici

 

 

6B_71/2020 (f) du 12.06.2020 – Collision entre un piéton cheminant sur une route principale, de nuit, vêtu d’habits sombres, et une automobile – Homicide par négligence – 117 CP / Rappel de la notion de négligence / Rupture du lien de causalité adéquate en matière de circulation routière – Rappel jurisprudentiel

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_71/2020 (f) du 12.06.2020

 

Consultable ici

 

Collision entre un piéton cheminant sur une route principale, de nuit, vêtu d’habits sombres, et une automobile – Homicide par négligence / 117 CP

Rappel de la notion de négligence

Rupture du lien de causalité adéquate en matière de circulation routière – Rappel jurisprudentiel – Pas d’interruption du lien de causalité adéquate in casu

 

Le 31.12.2016 au soir, D.B.__, né en 1995, a quitté son domicile à Pully et s’est rendu en bus à F.__, pour y passer le réveillon avec des amis chez E.__. Lors de cette soirée, il a consommé de l’alcool. Vers 3h30, D.B.__, qui présentait alors un taux d’alcool compris entre 1.99 g/kg et 2.86 g/kg a quitté le domicile de E.__ pour rentrer chez lui à pied, en traversant un bois sur quelque 100 mètres pour rejoindre la route principale de Lausanne à Bulle.

A.__ a terminé son service en qualité de maître d’hôtel à Lausanne le 01.01.2017 vers 2h00, puis il a fêté la nouvelle année avec son équipe. Peu avant 3h30, il s’est mis au volant de son véhicule automobile pour rentrer chez lui.

A Savigny, sur la route principale de Lausanne à Bulle, le 01.01.2017, vers 3h45, après un panneau indiquant la fin de la limitation de vitesse à 60 km/h, alors qu’il circulait au volant de sa voiture à une vitesse comprise entre 70 et 75 km/h, feux de croisement enclenchés, sur un tronçon rectiligne et humide qui était dépourvu d’éclairage public, A.__ a aperçu seulement tardivement D.B.__, qui portait des vêtements sombres et qui se trouvait debout sur la partie gauche de sa voie de circulation. A.__ a alors freiné, heurtant quasiment simultanément D.B.__ – qui était de dos – à la face postérieure de la jambe droite. Ce dernier a chuté sur le véhicule et a été emporté sur une distance de 27 mètres, avant d’être projeté au sol. A.__ a immobilisé sa voiture sur la partie droite de la chaussée et s’est immédiatement rendu auprès de D.B.__ pour lui porter secours.

Cette nuit-là, des nappes de brouillard étaient présentes par intermittence. Au moment des faits, la visibilité était bonne et il n’y avait pas de brouillard à l’endroit où l’accident s’est produit.

Après l’intervention des secours, D.B.__ a été acheminé au CHUV où sa mort cérébrale a été constatée le 02.01.2017. Dans son rapport, le Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après: CURML) a conclu que le décès de D.B.__ était la conséquence d’un traumatisme cranio-cérébral sévère. L’analyse de l’ensemble des données a permis au CURML de conclure que la collision s’était probablement produite entre l’avant gauche de la voiture et l’arrière de la victime, laquelle était debout lors de l’accident.

La police a établi un rapport préalable le 01.01.2017 puis un autre rapport le 07.04.2017. Durant l’intervention de la police sur les lieux de l’accident, le brouillard était présent par intermittence. La police cantonale a établi un cahier technique contenant notamment un cahier de photographies de la route sur laquelle circulait A.__, du lieu de l’accident et de la voiture du prénommé, des vues scanner 3D et des relevés techniques. Les photographies montrent une route cantonale rectiligne dépourvue d’éclairage public, de trottoir et de passage piéton, bordée d’un côté par une forêt la surplombant et de l’autre par une zone industrielle située en contrebas d’un talus et délimitée par une barrière.

Le casier judiciaire suisse de A.__ fait état d’une condamnation à une peine pécuniaire de 25 jours-amende avec sursis et à une amende, prononcée le 28.03.2013 par le ministère public de l’arrondissement de Lausanne, pour conduite en état d’incapacité de conduire (taux d’alcool qualifié). Selon l’extrait de son fichier ADMAS, A.__ a fait l’objet de sept mesures administratives en matière de circulation routière entre 2002 et 2013, à savoir deux avertissements pour vitesse excessive, deux avertissements pour conduite en état d’ébriété, deux retraits de permis de conduire d’une durée d’un mois pour vitesse excessive et un retrait de permis de conduire d’une durée de quatre mois pour conduite en état d’ébriété qualifié.

 

Procédures cantonales

Par jugement du 01.02.2019, le Tribunal de police a reconnu A.__ coupable d’homicide par négligence et l’a condamné à une peine pécuniaire de 75 jours-amende à 50 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans. A.__ a été condamné à verser aux parents de D.B.__ des indemnités à titre de dommages et intérêts ainsi qu’en réparation du tort moral subi.

Par jugement du 02.10.2019 (arrêt 328 [PE17.000001-MRN/AWL]), admission partielle de l’appel formé par A.__ par la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal, concernant la quotité de la peine, qu’elle a ramenée à 30 jours-amende à 50 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans. Elle l’a rejeté pour le surplus. Les appels joints des parents de D.B.__ ont été rejetés.

La Cour d’appel pénale a retenu que A.__ a fait preuve d’une inattention de plusieurs secondes contraire aux art. 31 al. 1 LCR et 3 al. 1 OCR. S’il avait voué toute l’attention que l’on pouvait attendre de lui à la route, il aurait pu voir suffisamment tôt la victime qui se trouvait debout, ce qui lui aurait permis de freiner et de dévier sa trajectoire pour tenter d’éviter le choc. En définitive, elle a retenu que A.__ n’est pas resté constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence et qu’il a fait preuve d’une inattention fautive. La cour cantonale a admis la causalité naturelle et adéquate et a exclu une rupture de cette dernière, relevant que la présence d’un piéton au milieu d’une route cantonale, à un endroit qui n’est ni désert ni isolé, n’est pas à ce point insolite et imprévisible qu’elle relègue à l’arrière-plan la faute du conducteur qui l’a heurté.

 

TF

Aux termes de l’art. 117 CP, celui qui, par négligence, aura causé la mort d’une personne sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Selon l’art. 12 al. 3 CP, agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L’imprévoyance est coupable quand l’auteur n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle.

Une condamnation pour homicide par négligence nécessite la réalisation de trois éléments constitutifs, à savoir le décès d’une personne, une négligence, ainsi qu’un rapport de causalité naturelle et adéquate entre les deux premiers éléments (ATF 122 IV 145 consid. 3 p. 147; cf. arrêt 6B_704/2018 du 2 novembre 2018 consid. 4.1).

 

 

Négligence

Deux conditions doivent être remplies pour qu’il y ait négligence :

  • En premier lieu, il faut que l’auteur viole les règles de la prudence, c’est-à-dire le devoir général de diligence institué par la loi pénale, qui interdit de mettre en danger les biens d’autrui pénalement protégés contre les atteintes involontaires. Un comportement dépassant les limites du risque admissible viole le devoir de prudence s’il apparaît qu’au moment des faits, son auteur aurait dû, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d’autrui. Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut donc se demander si une personne raisonnable, dans la même situation et avec les mêmes aptitudes que l’auteur, aurait pu prévoir, dans les grandes lignes, le déroulement des événements et, le cas échéant, quelles mesures elle pouvait prendre pour éviter la survenance du résultat dommageable. Lorsque des prescriptions légales ou administratives ont été édictées dans un but de prévention des accidents, ou lorsque des règles analogues émanant d’associations spécialisées sont généralement reconnues, leur violation fait présumer la violation du devoir général de prudence.
  • En second lieu, la violation du devoir de prudence doit être fautive, c’est-à-dire qu’il faut pouvoir reprocher à l’auteur une inattention ou un manque d’effort blâmable (ATF 145 IV 154 consid. 2.1 p. 158; 135 IV 56 consid. 2.1 p. 64 et références citées).

S’agissant d’un accident de la route, il convient de se référer aux règles de la circulation routière (ATF 143 IV 138 consid. 2.1 p. 140; 122 IV 133 consid. 2a p. 135).

L’art. 31 al. 1 LCR prescrit que le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence. Cela signifie qu’il doit être à tout moment en mesure de réagir utilement aux circonstances (arrêts 6B_1300/2019 du 11 février 2020 consid. 1.3; 6B_221/2018 du 7 décembre 2018 consid. 2.2). L’art. 3 al. 1 de l’ordonnance sur les règles de la circulation routière (OCR; RS 741.11) précise notamment que le conducteur vouera son attention à la route et à la circulation. Le degré de l’attention requise par l’art. 3 al. 1 OCR s’apprécie au regard des circonstances d’espèce, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l’heure, la visibilité et les sources de danger prévisibles (ATF 137 IV 290 consid. 3.6 p. 295 et les références citées; arrêt 6B_1300/2019 du 11 février 2020 consid. 1.3).

Compte tenu des circonstances du cas d’espèce, dont l’arbitraire n’a pas été démontré, impliquant un véhicule sur un tronçon rectiligne à la sortie d’une zone limitée à 60 km/h, la nuit du réveillon, la visibilité étant bonne, il pouvait être attendu de A.__ – qui avait travaillé de nuit et rentrait à une heure tardive –, qu’il voue toute son attention à la route et garde la maîtrise de son véhicule de sorte à éviter un obstacle sur sa propre voie de circulation.

En tant que A.__ conteste avoir fait preuve d’inattention, son grief repose sur son appréciation des faits tels qu’ils auraient dû être retenus, selon lui, par la cour cantonale. Dans cette mesure, sa critique est vaine, les circonstances de l’accident ayant été établies sans arbitraire. La cour cantonale pouvait, sans violer le droit fédéral, retenir qu’en vouant toute l’attention que l’on pouvait attendre de lui à la route, A.__ aurait pu apercevoir la victime et freiner ou dévier sa trajectoire pour tenter d’éviter le choc.

A.__ ne saurait rien déduire en sa faveur de la règle selon laquelle le conducteur doit avant tout porter attention, outre sur sa propre voie de circulation, sur les dangers auxquels on doit s’attendre et peut ne prêter qu’une attention secondaire à d’éventuels comportements inhabituels ou aberrants (cf. ATF 122 IV 225 consid. 2c p. 228; arrêt 6B_69/2017 du 28 novembre 2017 consid. 2.2.1), dans la mesure où, en l’espèce, le danger se présentait précisément sur sa propre voie et dans son sens de circulation, sur lesquels il devait porter toute son attention.

Pour le surplus, c’est en vain que A.__ prétend avoir fait preuve de toute la prudence recommandée en roulant entre 70 et 75 km/h sur un tronçon limité à 80 km/h, dès lors qu’aucun excès de vitesse ne lui est reproché, et étant établi que la visibilité était bonne, sans que l’usage des feux de croisement ne remette en cause cet aspect d’après les constatations cantonales.

 

Rupture du lien de causalité

Un comportement est la cause naturelle d’un résultat s’il en constitue l’une des conditions sine qua non, c’est-à-dire si, sans lui, le résultat ne se serait pas produit; il s’agit là d’une question de fait (ATF 138 IV 57 consid. 4.1.3 p. 61; 138 IV 1 consid. 4.2.3.3 p. 9). Lorsque la causalité naturelle est établie, il faut encore rechercher si le comportement incriminé est la cause adéquate du résultat. Tel est le cas lorsque, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s’est produit. Il s’agit d’une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 138 IV 57 consid. 4.1.3 p. 61; 133 IV 158 consid. 6.1 p. 168). Selon la jurisprudence, la causalité adéquate sera admise même si le comportement de l’auteur n’est pas la cause directe ou unique du résultat. Peu importe que le résultat soit dû à d’autres causes, notamment à l’état de la victime, à son comportement ou à celui de tiers (ATF 131 IV 145 consid. 5.2 p. 148). Il y a en revanche rupture de ce lien de causalité adéquate, l’enchaînement des faits perdant sa portée juridique, si une autre cause concomitante – par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou celui d’un tiers – propre au cas d’espèce constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l’on ne pouvait pas s’y attendre. Cependant, cette imprévisibilité de l’acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le lien de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu’il s’impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l’événement considéré, reléguant à l’arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à amener celui-ci, notamment le comportement de l’auteur (ATF 134 IV 255 consid. 4.4.2 p. 265 s.; 133 IV 158 consid. 6.1 p. 168).

En matière de circulation routière, le Tribunal fédéral a jugé que la présence inattendue d’un piéton traversant une autoroute n’était pas plus imprévisible que celle d’animaux errants ou blessés, de victimes d’accidents, d’objets tombés sur la chaussée ou de véhicules immobilisés, de tels obstacles n’étant pas considérés si rares qu’on puisse en faire abstraction sur une autoroute (ATF 100 IV 279 consid. 3d p. 284). Dans un arrêt concernant un piéton cheminant sur une route cantonale vers 22h30, ce comportement n’a pas été considéré comme étant exceptionnel au point d’interrompre le lien de causalité entre le comportement fautif du conducteur automobile et le décès de la victime (arrêt 6B_1023/2010 du 3 mars 2011 consid. 3.2).

En l’espèce, le lien de causalité naturelle n’est pas discuté.

Une inattention fautive de plusieurs secondes au volant d’un véhicule automobile circulant entre 70 et 75 km/h, à la sortie d’une zone limitée à 60 km/h, sur une route principale qui longe une zone industrielle, de nuit, favorise l’avènement d’un accident.

Si la présence d’un piéton au milieu d’une route principale en pleine nuit est inhabituelle, elle n’est pas extraordinaire, le soir du réveillon, connu comme étant un événement festif impliquant notamment de la consommation d’alcool et des comportements inattendus sur les routes, en particulier au moment du retour au domicile. Aussi, le comportement de la victime portant des vêtements sombres et se tenant debout au milieu de la chaussée, est certes dangereux, il n’apparaît toutefois pas extraordinaire au point de reléguer à l’arrière-plan le comportement fautif de l’auteur.

La cour cantonale n’a pas ignoré le comportement dangereux de la victime mais a considéré qu’il s’agissait d’une faute concomitante qui n’était pas insolite et imprévisible au point de reléguer à l’arrière-plan la faute de A.__ et d’interrompre le lien de causalité. Ce raisonnement ne souffre aucune contradiction, contrairement à ce que suggère A.__. Partant, la faute de la victime, autant qu’elle n’est pas interruptive du lien de causalité, est sans pertinence dès lors qu’il n’existe pas de compensation des fautes en droit pénal (ATF 122 IV 17 consid. 2c/cc p. 24; arrêt 6B_69/2017 du 28 novembre 2017 consid. 2.3.2).

La présente affaire se distingue de celles dont se prévaut A.__, dans lesquelles une rupture du lien de causalité a été retenue au motif que la victime s’était soudainement élancée sur la chaussée lors du passage de la voiture (arrêt 6S.287/2004 du 24 septembre 2004 consid. 2.5), ou la victime s’était couchée sans raison sur les voies d’une autoroute (arrêt 6B_291/2015 du 18 janvier 2016 consid. 3.2, qui distingue expressément ce comportement de celui d’une personne qui déambule de manière inconsciente sur la route). Aussi, A.__ ne saurait rien en déduire en sa faveur.

En définitive, c’est sans violer le droit fédéral que la cour cantonale a admis la causalité naturelle et adéquate entre la négligence fautive de A.__ et le décès de la victime et a exclu la rupture du lien de causalité.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

 

Arrêt 6B_71/2020 consultable ici

 

 

4A_140/2020 (f) du 09.07.2020 – Piéton traversant la chaussée en dehors d’un passage pour piétons – Collision avec une voiture à 4m80 du passage pour piétons / Faute grave exclusive du piéton – Absence de responsabilité de l’automobiliste – 58 al. 1 LCR – 59 al. 1 LCR

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_140/2020 (f) du 09.07.2020

 

Consultable ici

 

Piéton traversant la chaussée en dehors d’un passage pour piétons – Collision avec une voiture à 4m80 du passage pour piétons

Faute grave exclusive du piéton – Absence de responsabilité de l’automobiliste / 58 al. 1 LCR – 59 al. 1 LCR

 

Le 03.03.2010 vers 18h55, X.__ cheminait à pied sur un trottoir. Elle a entrepris de traverser la chaussée en dehors mais à moins de cinquante mètres d’un passage pour piétons. Au même moment, sur sa droite, une automobile conduite par W.__ sortait d’un giratoire, s’engageait dans l’avenue et franchissait le passage pour piétons le plus proche. L’avant gauche de cette automobile a heurté X.__, laquelle a subi de graves blessures. Il faisait nuit et la chaussée était mouillée.

 

Procédure cantonale

L’action ouverte contre la compagnie d’assurances devant le Tribunal de première instance a été rejeté le 19.06.2019, au motif que l’automobiliste n’était pas responsable. La Chambre civile de la Cour de justice a statué le 05.02.2020 sur l’appel de X.__ ; elle a confirmé le jugement (arrêt C/4705/2017, ACJC/201/2020).

 

TF

A teneur de l’art. 58 al. 1 LCR, la personne blessée par suite de l’emploi d’un véhicule automobile peut demander réparation au détenteur de ce véhicule ; l’art. 65 al. 1 LCR l’autorise à élever ses prétentions directement contre l’assureur de la responsabilité civile du détenteur.

En vertu de l’art. 59 al. 1 et 2 LCR, le détenteur et son assureur sont libérés de leur responsabilité s’ils prouvent que l’accident a été causé par la force majeure ou par une faute grave du lésé ou d’un tiers, sans que le détenteur ou les personnes dont il est responsable n’aient commis de faute, et sans qu’une défectuosité du véhicule n’ait contribué à l’accident (al. 1) ; si néanmoins le détenteur et l’assureur ne parviennent pas à se libérer mais prouvent qu’une faute du lésé a contribué à l’accident, le juge fixe l’indemnité en tenant compte de toutes les circonstances (al. 2).

Il est constant qu’aucune défectuosité de l’automobile conduite par W.__ n’a contribué à l’accident survenu le 03.03.2010. En l’état de la cause, il est également constant que ce conducteur n’a commis aucune faute. Pour le surplus, les autorités cantonales retiennent que la piétonne a commis, elle, une faute grave en traversant la chaussée hors d’un passage pour piétons et sans prêter une attention suffisante au trafic. Par suite, ces autorités exonèrent l’automobiliste de toute responsabilité sur la base de l’art. 59 al. 1 LCR.

 

Selon les constatations de la Cour de justice, le conducteur n’a pas vu la piétonne traverser la chaussée et son véhicule l’a heurtée à 4m80 du passage pour piétons. La vitesse du véhicule était comprise entre 10 et 20 km/h. La Cour a rejeté les allégations de la piétonne selon lesquelles le choc s’est produit sur le passage pour piétons, après qu’elle avait vu le véhicule approcher, croisé le regard du conducteur et cru que celui-ci la laisserait traverser.

La piétonne conteste qu’une faute grave lui soit imputable. Avec raison, elle souligne que la preuve de sa faute grave incombait à l’automobiliste, conformément au libellé de l’art. 59 al. 1 LCR (cf. ATF 124 III 182 consid. 4a p. 184). De cette règle, il ne résulte toutefois pas que ses propres allégations concernant notamment l’emplacement où la collision s’est produite, d’une part, et le contact visuel prétendument établi entre elle et le conducteur, d’autre part, dussent être présumées conformes à la vérité ; il lui appartenait au contraire d’en apporter la preuve.

Selon les constatations de la Cour de justice, la piétonne a entrepris de traverser la chaussée hors du passage pour piétons, soit selon une trajectoire où elle ne jouissait pas de la priorité, devant une automobile qui approchait. Aucun élément de la situation ne l’autorisait objectivement à présumer que le conducteur l’avait vue et s’arrêterait pour la laisser passer. « L’attention accrue » qui est exigée des conducteurs dans le voisinage des passages pour piétons, selon l’argumentation présentée, n’était à cet égard pas suffisante. La piétonne ne prétend pas avoir momentanément manqué de la capacité de discernement nécessaire (cf. ATF 105 II 209 consid. 3 p. 212). Elle a adopté un comportement très hautement dangereux, à l’opposé de celui attendu d’une personne raisonnablement préoccupée de sa propre sécurité. Conformément à l’appréciation des juges d’appel, ce comportement est une faute grave aux termes de l’art. 59 al. 1 LCR. Ainsi, toutes les conditions cumulatives prévues par cette disposition sont accomplies, d’où il résulte que l’automobiliste n’assume aucune responsabilité.

 

Le TF rejette le recours de la piétonne.

 

 

Arrêt 4A_140/2020 consultable ici

 

 

Le Conseil fédéral met en consultation un projet de révision du droit de la circulation routière (sécurité routière pour les conducteurs de vélos électriques, conduite automatisée, adaptation des mesures du programme Via sicura)

Le Conseil fédéral met en consultation un projet de révision du droit de la circulation routière (sécurité routière pour les conducteurs de vélos électriques, conduite automatisée, adaptation des mesures du programme Via sicura)

 

Communiqué de presse de l’OFROU du 12.08.2020 consultable ici

 

Lors de sa séance du 12.08.2020, le Conseil fédéral a lancé la procédure de consultation concernant la révision partielle de la loi fédérale sur la circulation routière (LCR), de la loi sur les amendes d’ordre (LAO) et de huit ordonnances. Il entend ainsi accroître la sécurité routière des conducteurs de vélos électriques, promouvoir des technologies respectueuses de l’environnement et améliorer les bases légales pour la conduite automatisée. Des mandats confiés par le Parlement seront également concrétisés, notamment l’adaptation des mesures du programme Via sicura voulue par les parlementaires.

 

Lors de sa séance du 12.08.2020, le Conseil fédéral a mis en consultation un projet de révision du droit de la circulation routière, qui comprend une adaptation de la loi fédérale sur la circulation routière et de la loi sur les amendes d’ordre ainsi que la révision de huit ordonnances.

 

Sécurité routière pour les conducteurs de vélos électriques

Au cours de ces dernières années, le nombre d’accidents graves à vélo électrique a quasiment été multiplié par cinq. Afin d’enrayer cette tendance et d’éviter des accidents, le Conseil fédéral entend accroître la sécurité en adoptant par voie d’ordonnance des mesures applicables à court terme : ainsi, tous les conducteurs de vélos électriques auront l’obligation de porter un casque et d’allumer les feux même de jour. Par ailleurs, les vélos électriques rapides devront être équipés d’un compteur afin que leurs conducteurs puissent respecter strictement les limitations de vitesse.

 

Promotion de technologies respectueuses de l’environnement

Les nouvelles technologies permettent de réduire la consommation de carburant et les émissions de gaz à effet de serre générées par le transport routier de marchandises. Parmi elles figurent non seulement des procédés de construction visant à améliorer l’aérodynamisme des véhicules, mais également l’utilisation de systèmes de propulsion électrique fonctionnant avec des batteries ou à l’hydrogène. Or, le droit en vigueur freine le recours à de telles possibilités, car l’utilisation de technologies respectueuses de l’environnement a un impact négatif sur la charge utile ou le volume de chargement des véhicules. Le Conseil fédéral souhaite donc que les longueurs maximales et les poids maximums autorisés des véhicules et ensembles de véhicules puissent être relevés à hauteur du poids ou de la longueur supplémentaire nécessaire. La capacité de chargement des véhicules ne devra pour autant pas être augmentée.

 

Conduite automatisée

Les systèmes d’assistance des véhicules se perfectionnent continuellement. À l’avenir, il sera possible de circuler à bord d’une voiture sans que le conducteur doive surveiller la conduite en permanence. Afin de pouvoir réagir rapidement à de telles évolutions, le Conseil fédéral se verra désormais attribuer la compétence, en vertu de la loi fédérale sur la circulation routière (LCR), d’édicter les dispositions ad hoc par voie d’ordonnance. Les conditions cadres que le Conseil fédéral devra respecter dans l’exercice de sa compétence seront également définies. Par ailleurs, la révision permettra de créer une base légale pour que l’Office fédéral des routes (OFROU) puisse autoriser des essais avec des véhicules entièrement automatisés sur la voie publique. Les tests de ce type permettent de tirer de précieux enseignements.

Actuellement, la loi ne permet pas encore d’établir une réglementation matérielle afin de décharger le conducteur de ses devoirs de vigilance et de maîtrise du véhicule lors de l’utilisation de systèmes d’automatisation ou d’admettre à la circulation des véhicules sans conducteur sur certains parcours, compte tenu de la difficulté à prévoir les évolutions technologiques. Une législation trop restrictive pourrait freiner l’innovation et aller à l’encontre de futures adaptations découlant du droit international. La preuve d’une sécurité suffisante, nécessaire pour décharger les conducteurs de leurs devoirs de vigilance et de maîtrise du véhicule ou admettre à la circulation des véhicules sans conducteur sur certains parcours, n’a pas encore été apportée, mais dès que ce sera le cas pour certains systèmes, ceux-ci devront pouvoir être utilisés immédiatement. Étant donné que les dispositions concrètes peuvent être édictées plus rapidement par voie d’ordonnance, la délégation de compétence au Conseil fédéral permettra si nécessaire de transposer promptement dans le droit suisse des modifications opérées au niveau international et de réagir aux développements de façon adéquate.

 

Mise en œuvre d’interventions parlementaires

Motion 15.3574 Freysinger du 16 juin 2015 – Annulation du permis de conduire à l’essai

La motion 15.3574 Freysinger du 16 juin 2015 « Permis de conduire à l’essai. Pour des mesures proportionnées dans le cadre des infractions commises durant sa validité », qui a été acceptée, critique le fait que le permis de conduire à l’essai soit annulé lorsque son titulaire encourt un deuxième retrait de permis durant la période probatoire à cause d’une infraction légère (par ex. excès de vitesse de 16 km/h en agglomération). L’auteur de la motion estime que cette mesure est disproportionnée et que la réglementation en vigueur donne lieu à une inégalité de traitement dans le sens où le système en cascade sanctionne de manière plus clémente celui qui commet d’abord une infraction légère et ensuite une infraction grave que celui qui fait l’inverse. En adoptant la motion 15.3574 Freysinger, le Parlement charge le Conseil fédéral de lui présenter une modification de la LCR. Cette modification prévoira que le permis de conduire à l’essai ne deviendra caduc que si son titulaire encourt un deuxième retrait de permis durant la période probatoire à cause d’une infraction qualifiée au minimum de moyennement grave. Le Conseil fédéral a proposé d’accepter la motion le 12.08.2015.

Nouvelle réglementation proposée et justification : La période d’essai ne sera prolongée que si le permis de conduire est retiré à son titulaire durant celle-ci à la suite d’une infraction grave ou moyennement grave. À l’avenir, le permis de conduire à l’essai ne deviendra caduc que si son titulaire commet une nouvelle infraction grave ou moyennement grave durant la période probatoire. Les infractions légères commises durant la période d’essai n’entraîneront ni la prolongation de cette dernière ni l’annulation du permis de conduire.

Le fait que le permis de conduire ne soit annulé que si au moins deux infractions moyennement graves sont commises durant la période d’essai permet de mieux tenir compte du principe de proportionnalité et d’éviter des sanctions trop sévères. Une fois la période probatoire passée, une infraction légère entraîne tout au plus un mois de retrait de permis, y compris en cas de récidive. Ainsi, dans le système en cascade, l’infraction légère est moins pénalisante. Cette clémence s’appliquera également aux titulaires d’un permis de conduire à l’essai. Une infraction légère n’entraînera donc ni la prolongation de la période d’essai ni l’annulation du permis de conduire.

Pour autant, les infractions légères ne resteront pas impunies avec cette réglementation. Ainsi, les délinquants primaires encourront un avertissement, et ceux qui commettent une nouvelle infraction légère dans les deux années suivant l’avertissement, un retrait de permis d’un mois au minimum (art. 16a LCR). L’adaptation proposée permettra également de corriger un effet injuste, à savoir que l’annulation du permis de conduire peut dépendre de l’ordre dans lequel les infractions sont commises. Par conséquent, à l’avenir, le permis de conduire sera toujours annulé, que son titulaire ait d’abord commis une infraction moyennement grave puis une infraction grave ou l’inverse.

 

Adaptation des mesures du programme Via sicura

Pour répondre à une demande du Parlement, le Conseil fédéral propose également de rendre plus proportionnées les mesures à l’encontre des chauffards introduites dans le cadre du programme Via sicura et ainsi d’éviter des cas de rigueur indésirables en adaptant la LCR. Les juges disposeront d’une plus grande marge d’appréciation afin de mieux tenir compte des situations concrètes.

Actuellement, aux termes de la loi, le délit de chauffard s’applique automatiquement dès lors que l’un des excès de vitesse définis dans la LCR a été commis, et ce même s’il n’y avait aucun risque d’accident pouvant entraîner des blessures graves ou la mort ou que l’auteur des faits roulait trop vite en agglomération non pas intentionnellement mais par négligence, car il s’imaginait être hors agglomération par exemple. À l’avenir, la formulation de cette disposition devra clairement faire ressortir qu’il est impératif d’examiner le cas d’espèce même en présence d’excès de vitesse au sens de l’art. 90 al. 4 LCR ; le texte de loi reflètera ainsi la jurisprudence du Tribunal fédéral. Il s’agit de préciser que les juges pourront mieux tenir compte des circonstances du cas d’espèce et ne pas retenir le délit de chauffard si l’infraction a été commise par négligence ou s’il n’y avait pas de risque élevé d’accident pouvant entraîner des blessures graves ou la mort. Par ailleurs, il n’y aura plus de peine privative de liberté minimale. Les juges pourront décider librement de la peine qui tient compte du cas concret. De cette manière, le règlement du délit de chauffard sera harmonisé avec celui applicable en cas de mise en danger de la vie d’autrui (art. 129 CP). Toutefois, la peine maximale de quatre années de privation de liberté sera maintenue. Ainsi, les délits de chauffard demeureront un crime (art. 10 al. 2 CP). Enfin, la durée minimale de retrait du permis de conduire sera réduite de 24 à 6 mois pour les délinquants primaires. Pour autant, elle demeurera deux fois plus longue que pour une infraction grave normale, qui est passible d’un retrait du permis de conduire de trois mois au minimum (art. 16c LCR). Cette sanction pourra être alourdie en fonction de l’appréciation des autorités d’exécution cantonales, selon les circonstances concrètes de l’infraction et les antécédents du conducteur. La revendication principale de l’initiative populaire 12.053 « Protection contre les chauffards » demeure ainsi satisfaite.

 

Recours obligatoire des assureurs en responsabilité civile des véhicules automobiles

Le Parlement a entériné le recours obligatoire des assureurs en responsabilité civile (RC) des véhicules automobiles à l’été 2012 dans le cadre du programme de sécurité routière Via sicura. À l’époque, le Conseil fédéral avait proposé au Parlement d’obliger les assureurs à se retourner systématiquement contre les responsables d’accidents si ceux-ci ont occasionné des dommages par négligence grave. Il entendait ainsi éviter que les assureurs renoncent, en échange d’une faible augmentation de la prime d’assurance, à exercer un recours en cas d’accidents causés à la suite d’une négligence grave et envoient de ce fait un mauvais signal pour la sécurité routière. Le Parlement a toutefois limité l’obligation de recours aux dommages résultant d’un accident causé par un conducteur dans l’incapacité de conduire ou ayant commis un délit de chauffard (art. 65 al. 3 LCR). Le recours obligatoire est entré en vigueur le 01.01.2015.

Nouvelle réglementation proposée et justification : L’obligation de recours sera transformée en un droit de recours, comme c’était le cas auparavant, de telle sorte que les règles applicables soient celles qui prévalaient avant la mise en œuvre de Via sicura. En cas de dommages résultant d’une négligence grave, les assureurs auront ensuite la possibilité de se retourner contre le responsable de l’accident (art. 65 al. 3 du projet LCR en relation avec l’art. 14 al. 2 LCA). Cette modification permet de rendre le programme de sécurité routière Via sicura plus acceptable, sans réduire pour autant son utilité pour la sécurité routière.

 

La procédure de consultation concernant le projet de révision durera jusqu’au 12.12.2020.

 

 

Communiqué de presse de l’OFROU du 12.08.2020 consultable ici

Documents pour la consultation disponibles ici