Archives par mot-clé : Accident

8C_445/2021 (f) du 14.01.2022 – Chute sur l’épaule – Lésion de la coiffe des rotateurs – 4 LPGA – 6 al. 1 LAA vs 6 al. 2 LAA / Causalité naturelle – Controverse scientifique

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_445/2021 (f) du 14.01.2022

 

Consultable ici

 

Chute sur l’épaule – Lésion de la coiffe des rotateurs / 4 LPGA – 6 al. 1 LAA vs 6 al. 2 LAA

Causalité naturelle – Controverse scientifique

 

Assurée travaillant à temps partiel (40%) comme aide-vendeuse.

Le 23.02.2018, elle a fait une chute dans les escaliers, se réceptionnant sur le genou gauche et l’épaule droite. Diagnostics retenus aux urgences : plaie profonde du genou de 7 cm de longueur et contusion de l’épaule droite sans fracture, précisant que l’assurée présentait au niveau de cette épaule « une impotence fonctionnelle sur douleur ».

Une IRM de l’épaule droite réalisée le 03.05.2018 a mis en évidence une tendinopathie sévère du sous-épineux s’étendant jusqu’à la jonction musculo-tendineuse, une fissure transfixiante de 3 mm à l’insertion du bord antérieur du sus-épineux, une bursite sous-acromiale, ainsi qu’une probable entorse d’un os acromial. En juin 2018, le spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur consulté a notamment retenu une déchirure transfixiante des tendons des sus-épineux et sous-épineux et posé l’indication d’une intervention chirurgicale. Le 14.08.2018, l’assurée a subi une arthroscopie avec ténotomie du biceps, synovectomie, décompression sous-acromiale sans acromioplastie et reconstruction de la coiffe (2 tendons double rangée; 4 ancres).

Requis de se prononcer sur le lien de causalité entre l’accident et les troubles à l’origine de l’intervention, le médecin-conseil a déclaré que l’assurée présentait très certainement un état préexistant précaire de son épaule droite. Selon lui, en raison de l’action vulnérante de l’événement et de la documentation radiologique et d’imagerie, la symptomatologie avait seulement été révélée – et non pas causée – par la contusion subie le 23.02.2018 et aurait pu débuter n’importe quand, soit spontanément, soit en réponse à d’autres événements ordinaires ou extraordinaires de la vie tels que des efforts ou des contusions bénignes; pour une contusion, le statu quo sine était atteint un mois après l’accident.

Sur cette base, l’assurance-accidents a mis fin au versement de ses prestations avec effet au 23.03.2018, par décision du 02.10.2018.

L’assurée a formé opposition contre cette décision en produisant un rapport du chirurgien traitant. Ce praticien y indiquait que l’IRM de l’épaule droite du 03.05.2018 montrait « un mélange de signes dégénératifs et de signes d’un traumatisme aigu avec rupture traumatique et accidentelle des deux tendons de la coiffe des rotateurs ». Il contestait l’avis du médecin-conseil pour les raisons suivantes: premièrement, l’assurée était jeune (43 ans) et avait subi une chute majeure; deuxièmement, elle n’avait pas de problème à l’épaule avant l’accident, si bien que dans une telle constellation, une déchirure transfixiante de la coiffe des rotateurs était très peu vraisemblable malgré quelques signes dégénératifs coexistants; troisièmement, plusieurs tendons de la coiffe des rotateurs présentaient une trophicité normale et il existait une infiltration graisseuse partielle de moins de 25% du muscle sous-épineux associé à un état oedémateux du tendon du sous-épineux du foot print jusqu’à la jonction musculo-tendineuse, ce qui était un signe spécifique pour des lésions du muscle et du tendon décrits par la littérature et était compatible avec une lésion à la suite d’un accident survenu en février 2018.

L’assurance-accidents a alors soumis le dossier de l’assurée à un deuxième de ses médecins-conseil. Dans une appréciation du 08.04.2019, ce médecin a réfuté les arguments de son confrère: il ne s’agissait pas d’un accident avec une énergie cinétique élevée, l’assurée ayant fait une simple chute de sa hauteur; l’existence de calcifications intra-tendineuses correspondait à des lésions de tendinite chronique et ancienne, soit à une pathologie dégénérative qui, en dépit du jeune âge de l’assurée, préexistait à l’accident; des lésions diffuses des tendons de la coiffe et une infiltration graisseuse du corps musculaire témoignaient de la survenue d’une rupture bien antérieure. L’ensemble de ces lésions constituait un état antérieur que la contusion de l’épaule avait déstabilisé de façon temporaire. Eu égard à cet état dégénératif préexistant, le second médecin-conseil a fixé à trois mois la durée de récupération fonctionnelle de la contusion.

Le 29.04.2019, l’assurance-accidents a partiellement admis l’opposition en ce sens qu’elle a prolongé la prise en charge du cas jusqu’au 23.05.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 69/19 – 53/2021 – consultable ici)

La cour cantonale n’a pas été convaincue par les explications du premier médecin-conseil, selon lequel le mécanisme de l’accident n’était pas approprié pour solliciter les tendons de la coiffe des rotateurs au-delà de leur point de rupture. Ce dernier avait sous-estimé l’importance de l’événement accidentel: l’assurée n’était pas simplement tombée de sa hauteur mais avait fait une chute dans les escaliers qui lui avait occasionné une contusion et une dermabrasion au niveau de l’épaule ainsi qu’une plaie profonde au genou gauche. Une telle chute comportait en soi un risque potentiel de blessures graves, notamment à l’épaule, et ne pouvait pas être qualifiée de bénigne. Par ailleurs, les deux médecins-conseils avaient passé sous silence que l’assurée avait présenté une impotence immédiate de son épaule droite. Or, d’après la littérature médicale la plus récente (Alexandre Lädermann et al., Lésions transfixiantes dégénératives ou traumatiques de la coiffe des rotateurs, in Swiss Medical Forum, 2019, p. 263), une atteinte immédiate de la mobilité active en élévation ou en rotation externe, ou encore le développement d’une épaule pseudoparalytique était classiquement retrouvée après un accident. Il n’était certes pas contestable que l’assurée présentait un certain nombre de lésions dégénératives préexistantes. Toutefois, les deux médecins-conseil avaient fourni une appréciation médicale indifférenciée de la situation de l’assurée, sans procéder à une analyse détaillée de chaque lésion constatée. Leur raisonnement, fondé sur la seule présence d’atteintes dégénératives préexistantes, ne permettait pas d’exclure que certaines lésions aient pu trouver leur origine dans l’événement traumatique subi, d’autant que le chirurgien traitant avait précisé que l’infiltration graisseuse partielle de moins de 25% du muscle, observée en mai 2018, était compatible avec une lésion survenue en février 2018. En conclusion, la cour cantonale a retenu qu’il existait une relation de causalité probable entre l’accident et la déchirure transfixiante des tendons des sus-épineux et sous-épineux. Au vu de l’art. 36 al. 1 LAA, c’était donc à tort que l’assurance-accidents avait refusé de prester au-delà du 23.05.2018.

Par jugement du 10.05.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition.

 

TF

Consid. 3
Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l’accident assuré est survenu après cette date, le nouveau droit s’applique.

Aux termes de l’art. 6 LAA dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle (al. 1); l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu’elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie: [a. à e.]; f. les déchirures de tendons; [g. à h.] (al. 2); l’assurance alloue en outre ses prestations pour les lésions causées à l’assuré victime d’un accident lors du traitement médical (al. 3).

Dans un arrêt publié aux ATF 146 V 51, le Tribunal fédéral a examiné les répercussions de la modification législative relative aux lésions corporelles assimilées à un accident. Il s’est notamment penché sur la question de savoir quelle disposition était désormais applicable lorsque l’assureur-accidents avait admis l’existence d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA et que l’assuré souffrait d’une lésion corporelle au sens de l’art. 6 al. 2 LAA. Le Tribunal fédéral a admis que dans cette hypothèse, l’assureur-accidents devait prendre en charge les suites de la lésion en cause sur la base de l’art. 6 al. 1 LAA; en revanche, en l’absence d’un accident au sens juridique, le cas devait être examiné sous l’angle de l’art. 6 al. 2 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1, résumé dans la RSAS 1/2020 p. 33 ss.; arrêt 8C_169/2019 du 10 mars 2020 consid. 5.2).

En l’espèce, il est admis que la chute de l’assurée dans les escaliers du 23.02.2018 répond à la définition légale de la notion d’accident dans le domaine des assurances sociales. Par ailleurs, les investigations médicales ont mis à jour (entre autres) une déchirure transfixiante de deux tendons de la coiffe des rotateurs. Ces lésions constituent des lésions assimilées à un accident au sens de l’art. 6 al. 2 LAA. Au vu de la jurisprudence susmentionnée, c’est à juste titre que la cour cantonale a examiné la question du droit aux prestations de l’assurée à l’aune de l’art. 6 al. 1 LAA et on peut renvoyer à son arrêt en ce qui concerne le rappel, dans ce contexte, de l’art. 36 al. 1 LAA ainsi que des notions de statu quo ante/statu quo sine applicables lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident en raison d’un état maladif préexistant (cf. ATF 146 V 51 consid. 5.1 in fine).

Consid. 4.2
L’assurance-accidents reproche aux juges cantonaux d’avoir apprécié les avis médicaux et constaté les fait pertinents de manière arbitraire. […] Ce serait à tort que la cour cantonale a fait grand cas de l’existence d’une impotence initiale en s’appuyant sur un article du docteur Lädermann. Au demeurant, l’avis de ce médecin ne ferait pas autorité, dans la mesure où d’autres auteurs retiennent que la présence d’une impotence ne signifie pas que l’on se trouve en présence d’une déchirure accidentelle de la coiffe des rotateurs (Luzi Dubs, Bruno Soltermann, Josef E. Brandenberg, Philippe Luchsinger, Evaluation médicale ciblée après traumatisme de l’épaule – Causes des lésions isolées de la coiffe des rotateurs et leur diagnostic médical d’assécurologie, in Infoméd/Medinfo, n° 2021/1, p. 2 ch. 2).

Consid. 4.3
Contrairement à ce que soutient l’assurance-accidents, il ne ressort pas de la jurisprudence fédérale qu’un traumatisme consistant en un choc direct sur l’épaule ne serait jamais de nature à causer une lésion de la coiffe des rotateurs. Dans l’arrêt le plus récent cité par l’assurance-accidents (8C_59/2020 du 14 avril 2020), le Tribunal fédéral a justement souligné que la question faisait l’objet d’une controverse dans la littérature médicale récente (voir le consid. 5.4 de cet arrêt). Il a considéré qu’il n’y avait pas lieu de donner une trop grande importance au critère du mécanisme accidentel pour l’examen du lien de causalité, eu égard aux difficultés à reconstituer avec précision le déroulement de l’accident sur la base des déclarations de la victime. Il convenait bien plutôt, sous l’angle médical, de mettre en présence et de pondérer entre eux les différents critères pertinents plaidant en faveur ou en défaveur du caractère traumatique de la lésion, de manière à déterminer l’état de fait présentant une vraisemblance prépondérante (voir également l’arrêt 8C_672/2020 du 15 avril 2021 consid. 4.1.3 et 4.5).

En l’occurrence, les médecins-conseils de l’assurance-accidents et le chirurgien traitant ne s’accordent que sur un seul point, à savoir que l’assurée présente des signes dégénératifs à son épaule droite; on peut également noter qu’aucun d’entre eux n’a mentionné l’atteinte fonctionnelle initiale chez l’assurée en tant qu’élément à prendre en compte pour se prononcer sur le lien de causalité. Leurs prises de position respectives quant à l’importance et à la portée à donner, dans leur examen de cette question, à l’état antérieur préexistant associé à d’autres facteurs tels que l’action vulnérante de l’événement, l’âge et l’absence de problèmes à l’épaule avant l’accident, de même que l’interprétation de l’imagerie (en particulier relative au pourcentage d’infiltration graisseuse du muscle sous-épineux), sont tellement divergentes qu’il apparaît difficile de les départager sans connaissances médicales spécialisées. En effet, on ne voit pas, dans les explications avancées de part et d’autre, de motifs reconnaissables pour le juge qui justifieraient d’écarter d’emblée un avis au profit de l’autre en raison d’une valeur probante insuffisante. On ignore également si tous les facteurs médicalement déterminants ont effectivement été pris en compte.

Aussi, dans la mesure où le cas de l’assurée a été réglé sans avoir recours à une expertise et où il existe bien des doutes sur la fiabilité et la validité des constatations des médecins-conseils de l’assurance-accidents, on se trouve dans la situation visée par la jurisprudence qui impose de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant. Vu qu’il appartient en premier lieu à l’assureur-accidents de procéder à des instructions complémentaires pour établir d’office l’ensemble des faits déterminants et, le cas échéant, d’administrer les preuves nécessaires avant de rendre sa décision (art. 43 al. 1 LPGA; ATF 132 V 368 consid. 5; arrêt 8C_412/2019 du 9 juillet 2020 consid. 5.4 et ses références), la cause ne sera pas renvoyée à l’autorité cantonale, comme le requiert l’assurance-accidents, mais à cette dernière, afin qu’elle mette en œuvre une expertise dans une procédure au sens de l’art. 44 LPGA et rende une nouvelle décision sur le droit aux prestations de l’assurée au-delà du 23.05.2018. En ce sens, le recours se révèle bien fondé.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_445/2021 consultable ici

 

8C_355/2021 (d) du 25.11.2021 – Choc direct sur l’épaule – Lésion de la coiffe des rotateurs – 4 LPGA – 6 al. 1 LAA / Causalité naturelle – Controverse entre médecins

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_355/2021 (d) du 25.11.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Choc direct sur l’épaule – Lésion de la coiffe des rotateurs / 4 LPGA – 6 al. 1 LAA

Causalité naturelle – Controverse entre médecins

Sens à donner aux termes « post » ou « post-traumatique »

 

Assuré, né en 1969, engagé depuis le 01.09.2018 comme collaborateur sécurité. Déclaration d’accident du 26.03.2019 : il a été projeté le 02.03.2019 contre une porte du centre de transition, lors d’une bousculade, ce qui lui a occasionné une blessure à l’épaule droite. IRM du 16.04.2019 : diagnostic de lésion partielle post-traumatique du tendon sus-épineux avec bursite sous-acromiale. Le 28.06.2019, l’assurance-accidents a donné une garantie de prise en charge pour une reconstruction du tendon sus-épineux, intervention réalisée le 05.09.2019. Se fondant sur une évaluation de son médecin-conseil, spécialiste en chirurgie générale et traumatologie, l’assurance-accidents a suspendu ses prestations avec effet rétroactif au 16.04.2019, motif pris que la rupture partielle de la coiffe des rotateurs n’était pas imputable à l’événement du 2 mars 2019.

 

Procédure cantonale (arrêt UV.2020.00068 – consultable ici)

La cour cantonale a constaté que le médecin-conseil était incontestablement parti d’un diagnostic de la liste selon l’art. 6 al. 2 LAA concernant la rupture partielle du tendon sus-épineux. L’assurance-accidents aurait reconnu l’événement du 02.03.2019 comme un accident au sens de l’art. 4 LPGA. Elle est donc tenue de verser des prestations pour les conséquences de l’accident jusqu’à ce que celui-ci n’en soit plus la cause naturelle et adéquate, c’est-à-dire jusqu’à ce que l’atteinte à la santé soit uniquement et exclusivement due à des causes étrangères à l’accident. Par ailleurs, le tribunal cantonal a accordé une pleine valeur probante aux avis du médecin-conseil, par lesquels il concluait que l’événement avait engendré une contusion de l’épaule droite. L’accident du 2 mars 2019 n’a, au degré de la vraisemblance prépondérante, pas entraîné de lésions structurelles décelables dans l’articulation de l’épaule droite sous la forme d’une rupture tendineuse, mais seulement une aggravation temporaire d’un état dégénératif antérieur. Par conséquent, à partir de la date de l’examen IRM du 16.04.2019, soit six bonnes semaines après l’accident, l’assurance-accidents a considéré à juste titre que les causes étaient exclusivement étrangères à l’accident et a pu suspendre ses prestations.

Par jugement du 25.02.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 6.1
Comme l’a constaté l’instance cantonale, il n’est pas contesté que la lésion litigieuse est une lésion de la liste – au sens de l’art. 6 al. 2 LAA – et que l’événement du 02.03.2019 est un accident au sens de l’art. 4 LPGA. La présente affaire doit donc être examiné uniquement sous l’angle de l’art. 6 al. 1 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1 ; arrêts 8C_649/2019 du 4 novembre 2020 consid. 5.3 et 8C_412/2019 du 9 juillet 2020 consid. 5.2).

Consid. 6.3.1
Dans une première prise de position du 22.08.2019, le médecin-conseil a déclaré qu’en raison des modifications constatées à l’IRM et du pourcentage élevé de ruptures partielles de la coiffe des rotateurs avec l’âge, mentionné dans la littérature, la probabilité d’une origine dégénérative de la lésion tendineuse était supérieure à 50%. Le 05.02.2020, il a ajouté que, selon l’échographie et l’IRM, il ne s’agissait pas d’une rupture transmurale du tendon sus-épineux. Il existe cependant des signes clairs de tendinopathie/tendinose du tendon avec des ruptures partielles des fibres tendineuses. Il s’agit de modifications dégénératives. De plus, il existe un acromion de type III et une accumulation de liquide dans la bourse séreuse sous l’acromion. Ces deux éléments plaident en faveur d’un problème d’impingement étranger à l’accident avec lésion par frottement du tendon sus-épineux. Cela a été confirmé en peropératoire dans le sens de la pathologie de friction sous-acromiale décrite par le chirurgien traitant. Ce dernier aurait également mis en œuvre le traitement adéquat pour cela, en élargissant l’espace sous l’acromion osseux par une ablation de la surface inférieure de l’acromion (« acromioplastie »). Le médecin-conseil ne dit pas que l’assuré n’a pas subi de traumatisme. Toutefois, il estime que la lésion qui a conduit à l’opération n’est pas imputable à l’événement, au degré de la vraisemblance prépondérante.

Consid. 6.3.2
Dans la procédure d’opposition, l’assuré s’est d’abord référé à l’évaluation du chirurgien traitant. Ce dernier a indiqué qu’une tendinopathie du tendon du sus-épineux était très fréquente à partir de 45-50 ans et n’avait absolument aucune valeur de maladie. Cela n’explique pas à lui seul une rupture. En peropératoire, la forme de la rupture était localisée, soulevée et déchirée, de sorte que le résultat peropératoire correspondait à un événement traumatique. En ce sens, le chirurgien ne partage pas l’avis du médecin-conseil selon lequel il s’agit clairement d’une modification dégénérative. Il ne pouvait pas le prouver, car personne ne savait à quoi ressemblait l’épaule avant l’accident. Au niveau intra-articulaire, il n’y avait aucun signe de dégénérescence alors que les structures articulaires étaient très bien conservées.

Consid. 6.3.3
Dans la procédure de recours, le chirurgien traitant a pris à nouveau position et a expliqué qu’on ne pouvait pas plus prouver qu’il s’agissait de modifications dégénératives dans la zone de la rupture qu’on ne pouvait prouver une modification traumatique. Certes, l’assuré présente quelques modifications dégénératives et une configuration d’impingement, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il souffrait d’une rupture avant le traumatisme. La rupture partielle côté bursite, très localisée chez l’assuré, est souvent déclenchée par un traumatisme. Il n’est pas possible de dire rétrospectivement ce qui était déjà altéré au niveau de ce tendon et il n’est pas non plus possible de le justifier médicalement. La pathologie de friction sous-acromiale est fréquente et ne signifie pas nécessairement que la rupture est également d’origine dégénérative. Il est donc faux de conclure que les modifications dégénératives sont la cause dégénérative de la rupture.

Consid. 6.4
Dans la mesure où l’instance cantonale a considéré que la valeur probante des rapports du chirurgien traitant était diminuée parce que ce dernier, dans un rapport antérieur du 09.04.2019, était d’abord parti d’un état après distorsion et donc d’un déroulement de l’accident non prouvé, cela n’est pas pertinent. Il faut convenir avec l’assuré que le chirurgien traitant n’a mentionné la distorsion que dans le rapport susmentionné et n’a posé qu’un diagnostic de suspicion. Après l’examen IRM du 16.04.2016, la distorsion ne figure plus dans ses rapports.

Ensuite, s’il est en principe conforme à la jurisprudence qu’il convient d’examiner dans chaque cas d’espèce le sens à donner aux termes « post » ou « post-traumatique » utilisés dans les rapports médicaux (cf. arrêt 8C_555/2018 du 17 octobre 2018 consid. 4.1.1 avec références), il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas possible d’établir un lien de causalité entre ces deux termes.

Dans la mesure où le chirurgien traitant a fait référence dans ses deux prises de position à l’état antérieur inconnu de l’épaule, son argumentation – comme l’a également constaté l’instance précédente – se résume en partie à la maxime « post hoc ergo propter hoc », qui ne peut être retenue comme moyen de preuve (ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; SVR 2016 UV n° 18 p. 55, 8C_331/2015 consid. 2.2.3.1 ; arrêt 8C_672/2020 du 15 avril 2021 consid. 4.2). Ses explications ne se limitent toutefois pas à cela, puisqu’il s’est également référé à ses propres observations lors de l’opération du 05.09.2019. Son point de vue à ce sujet, selon lequel la forme de la rupture était locale, soulevée et déchirée, de sorte que le résultat peropératoire correspondrait à un événement traumatique, est en contradiction directe avec l’avis – contraire – du médecin-conseil, selon lequel les résultats peropératoires plaident en faveur d’une problématique d’impingement non accidentelle avec lésion par frottement du tendon sus-épineux.

En cas de doute, même faible, sur la fiabilité et la pertinence de l’appréciation des médecins internes à l’assurance, il convient de procéder à des examens complémentaires. En l’occurrence, de tels doutes existent au vu des évaluations médicales diamétralement opposées. Il n’y a pas seulement des divergences considérables en ce qui concerne les résultats peropératoires, mais également en ce qui concerne l’influence des modifications dégénératives existantes sur les lésions en question.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à l’instance inférieure pour instruction et nouveau jugement.

 

 

Arrêt 8C_355/2021 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 8C_355/2021 (d) du 25.11.2021 – Choc direct sur l’épaule – Lésion de la coiffe des rotateurs, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/03/8c_355-2021)

8C_534/2020 (i) du 17.02.2021 – Notion d’accident – 4 LPGA / Rouler avec un moutain bike dans un nid de poule de 15 cm de profondeur sur une route asphaltée n’est pas extraordinaire [même dans notre pays]

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_534/2020 (i) du 17.02.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Notion d’accident / 4 LPGA

Rouler avec un moutain bike dans un nid de poule de 15 cm de profondeur sur une route asphaltée n’est pas extraordinaire [même dans notre pays]

 

Assuré, éducateur spécialisé, né en 1983, a fait annoncer par son employeur, le 01.06.2017, l’accident dont il a été victime le 24.05.2017, sur la route de montagne Monti Motti à Gudo. Description : « En pédalant sur la chaussée, il a heurté une bosse irrégulière, ce qui lui a causé un traumatisme au testicule droit. »

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié la notion accidentelle et nié le lien de causalité naturelle entre les troubles et l’événement du 24.05.2017.

 

Procédure cantonale

Selon le tribunal cantonal, le facteur extérieur est la secousse du mountain bike et l’impact sur la selle qui en résultait. Le facteur extraordinaire est le nid de poule de 50 cm de long et 15 cm de profondeur sur une route asphaltée. Selon les juges cantonaux, dans notre pays, cela doit certainement être considéré comme un événement inhabituel sur une route asphaltée. La situation aurait été différente si l’événement s’était déroulé sur un sentier ou un parcours de VTT.

Par jugement du 06.07.2020, admission du recours par le tribunal cantonal, annulation de la décision litigieuse, renvoyant la cause à l’assurance-accidents pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

 

TF

Au sens de l’art. 4 LPGA, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physi­que, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort. Les éléments constitutifs de l’accident – qui sont une atteinte dommageable, le caractère soudain de l’atteinte, le caractère involontaire de l’atteinte, le facteur extérieur de l’atteinte et, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur – doivent être remplis cumulativement. Il résulte de la définition même de l’accident que le caractère extraordinaire de l’atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu’il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et des situations que l’on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou d’habituels (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 p. 221; 134 V 72 consid. 2.2 p. 74 s.; 129 V 402 consid. 2.1 p. 404; 122 V 230 consid. 1 p. 233; 121 V 35 consid. 1a p. 38 et les références). Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves ou inattendues (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 p. 221; 134 V 72 consid. 4.3.1 p. 79 s.; 129 V 402 consid. 2.1 p. 404).

Passer dans un nid de poule d’environ 15 cm de profondeur avec un vélo amortissant les chocs ne constitue pas un facteur extérieur extraordinaire capable de justifier un accident. La situation est comparable à celle d’un cycliste qui saute d’un trottoir sur la route, ce qui est parfaitement normal pour un vélo. Les quelques centimètres supplémentaires entre un nid de poule et un trottoir ne changent rien à l’extraordinaireté/au caractère extraordinaire. Le Tribunal fédéral a également exclu la possibilité d’un accident en roulant sur un dos d’âne (arrêt U 79/98 du 20 juillet 2000 consid. 3a). Il en va de même pour un changement d’allure lors d’une promenade à cheval (arrêt U 296/05 du 14 février 2006 consid. 1.1, publié in SVR 2006 UV n. 18) ou un freinage d’urgence en voiture sans qu’il y ait collision (arrêt 8C_325/2008 du 17 décembre 2008 consid. 2.2). Le caractère extraordinaire a également été refusé dans le cas d’un exercice sportif non réussi (arrêt 8C_189/2010 du 9 juillet 2010 consid. 5.2).

En l’espèce, le fait que l’assuré n’aurait pas vu le nid de poule ou le fait que la route en question était asphaltée ne sont pertinents. Le plan du projet définitif d’amélioration de la route Medoscio-Monti Motti présenté par l’assuré n’est pas davantage utile. Au contraire, le nombre de cassis [nid de poules/trous] sur toute la longueur de la route laisse penser que l’état de la route était dégradé sur de longs tronçons et que la présence de diverses bosses, nids de poule et irrégularités était prévisible, à tel point que – selon la propre déclaration de l’assuré – des travaux d’assainissement étaient nécessaires.

La cour cantonale a donc violé le droit fédéral en considérant que le facteur extérieur de caractère extraordinaire était rempli.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_534/2020 consultable ici

 

 

Évaluation médicale ciblée après traumatisme de l’épaule – Causes des lésions isolées de la coiffe des rotateurs et leur diagnostic médical d’assécurologie

Évaluation médicale ciblée après traumatisme de l’épaule – Causes des lésions isolées de la coiffe des rotateurs et leur diagnostic médical d’assécurologie

 

Article de Luzi Dubs, Bruno Soltermann, Josef E. Brandenberg, Philippe Luchsinger paru in Infoméd № 2021/1 consultable ici

 

Résumé

L’évaluation médicale ciblée après un traumatisme de l’épaule permet d’établir un diagnostic médical d’assécurologie compréhensible d’une douleur aiguë à l’épaule afin de déterminer si celle-ci provient de lésions traumatiques ou si elle est due à l’usure ou à une maladie. Les éléments déterminants sont tirés de la littérature standard de la médecine des assurances et tiennent également compte de la recherche fondamentale et de l’épidémiologie. Introduit pour la première fois, le tableau à double entrée permet de mieux corriger les erreurs d’interprétation des différentes corrélations.

Par ailleurs, le consensus médical d’assécurologie révisé sur la base de la littérature actuelle part du principe qu’une lésion de la coiffe des rotateurs est en général provoquée par des facteurs intrinsèques et extrinsèques de nature dégénérative ou maladive et qu’elle n’est due de manière déterminante à un traumatisme que dans des cas exceptionnels. L’hypothèse d’une rupture récente et isolée de la coiffe des rotateurs due à une contusion directe à l’épaule ne saurait être étayée.

 

 

« Évaluation médicale ciblée après traumatisme de l’épaule – Causes des lésions isolées de la coiffe des rotateurs et leur diagnostic médical d’assécurologie » paru in Infoméd № 2021/1 consultable ici

 

 

8C_545/2019 (d) du 14.11.2019 – Notion d’accident – Explosion d’un article pyrotechnique dans un stade de foot – 112dB – 4 LPGA / Rappel de la notion de facteur extérieur en cas de traumatisme acoustique (Knalltraumata) / Caractère extraordinaire du facteur extérieur nié

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_545/2019 (d) du 14.11.2019

 

NB : traduction personnelle, seul le texte de l’arrêt fait foi.

Consultable ici

 

Notion d’accident – Explosion d’un article pyrotechnique dans un stade de foot – 112dB / 4 LPGA

Rappel de la notion de facteur extérieur en cas de traumatisme acoustique (Knalltraumata)

Caractère extraordinaire du facteur extérieur nié

 

Assuré, chef d’exploitation agricole, a assisté, le 21.02.2016, à un match de football de Super League en tant que spectateur à la Swissporarena de Lucerne lorsque, peu après le coup d’envoi du match, B.__ a lancé deux feux d’artifice et de la fumée. Lors de l’explosion du deuxième pétard (« Kreiselblitz mit Silberperlenschweif »), plusieurs personnes ont quitté le stade, dont l’assuré, qui se trouvait à 20,3 mètres du pétard détonant. Il a déclaré plus tard qu’immédiatement après l’explosion, un sifflement fort, une pression dans la tête et une sensation de vertige s’étaient produits. Après avoir retrouvé sa famille quelques minutes plus tard, l’assuré a remarqué qu’il entendait moins du côté gauche et qu’une pression désagréable persistait dans l’oreille gauche. Sa veste avait des trous brûlés à cause de l’étincelle du pétard.

B.__ a été reconnu coupable, entre autres, de lésions corporelles graves (art. 122 al. 2 CP) au détriment de l’assuré (6B_1248/2017 / 6B_1278/2017 du 21 février 2019 consid. 5.4).

Dans le cadre de la procédure pénale, une expertise acoustique d’un Dr. sc. techn. ETH du département de physique de la Suva a été produit. D’un point de vue médical, l’assuré a été évalué par un spécialiste FMH en oto-rhino-laryngologie. Ce dernier a diagnostiqué une perte auditive bilatérale liée à l’âge, une perte auditive neurosensorielle sévère et un acouphène de degré II au côté gauche. Un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie a diagnostiqué état de stress post-traumatique (ESPT).

Par décision, l’assurance-accidents a nié le caractère extraordinaire du facteur extérieur, indiquant que d’après l’avis d’expert du Dr. sc. techn. ETH l’engin explosif utilisé avait, à une distance de 20,3 mètres, un niveau d’exposition sonore de 112,2 dB avec une marge d’erreur de ± 4 dB. Sur opposition, l’assurance-accidents a confirmé sa décision et niant également l’obligation de prestation au titre de dommages corporels assimilés à un accident.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 06.06.2019, admission du recours par le tribunal cantonal et annulation de la décision litigieuse.

 

TF

Selon l’art. 4 LPGA, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort.

 

Facteur extérieur

Le facteur externe est l’élément central de tout accident ; c’est la contrepartie de la cause interne qui constitue la notion de maladie (ATF 134 V 72 consid. 4.1 p. 76 s., consid. 4.3.2.1 p. 80 s. ; 118 V 283 consid. 2a). L’action de forces objectivement vérifiables indépendantes du corps humain est nécessaire (BGE 139 V 327 consid. 3.3.1 p. 329 ; Pra 2013 n° 101 p. 778). L’influence extérieure peut avoir différentes causes. Dans le cas des traumatismes dits « bang traumas » (Knalltraumata), il y a un effet acoustique sur l’oreille (interne) (voir arrêt du Tribunal fédéral U 245/05 du 1er décembre 2005 concernant un coup de timbale ; arrêt 8C_477/2007 du 10 septembre 2008 concernant un signal d’alarme ; arrêt 8C_403/2018 du 7 septembre 2018 concernant une bombe à confetti ; arrêts 8C_280/2010 du 21 mai 2010 et 8C_317/2010 du 3 août 2010 concernant un dispositif anti-martre).

L’émission de bruit a été causée par l’explosion du pétard. Cependant, la perte auditive de la personne assurée ne peut avoir été causée que par le bruit ou le niveau sonore et non par le pétard lui-même. L’assuré n’a pas fait valoir des atteintes à la santé tel que des brûlures, etc. Par conséquent, lorsque le pétard explose, l’article pyrotechnique ne doit pas être considéré comme un facteur externe, mais c’est bien le bruit ou le niveau sonore qu’il le réalise.

 

Caractère extraordinaire du facteur extérieur

Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu’il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et des situations que l’on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou d’habituels (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 p. 221 ; 134 V 72 consid. 4.1 p. 76). Selon la jurisprudence, la notion du caractère extraordinaire ne se rapporte pas à l’effet du facteur externe, mais seulement au facteur externe lui-même. Il n’est donc pas pertinent pour l’examen du caractère extraordinaire que le facteur extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves ou inattendues (arrêt 8C_842/2018 du 6 mai 2019 consid. 3.3.1 et 8C_231/2014 du 27 août 2014 consid. 2.3 avec références).

Si la notion du caractère extraordinaire ne se réfère pas à l’effet du facteur externe, mais uniquement au facteur externe lui-même, le caractère extraordinaire du bruit ou de l’émission sonore est évalué principalement sur la base des valeurs du niveau d’exposition acoustique (voir à ce sujet U 245/05 du 1er décembre 2005 consid. 2.3 et 2.4 ; 8C_477/2007 du 10 septembre 2008 consid. 3.4 ; 8C_280/2010 du 21 mai 2010 consid. 3.2.1 ; 8C_317/2010 du 3 août 2010 consid. 3.2 et 8C_403/2018 du 7 septembre 2018 consid. 4.3).

Dans l’arrêt 6B_1248/2017 / 6B_1278/2017 du 21 février 2019, la Cour pénale du Tribunal fédéral a examiné si le tir de l’engin explosif (Kreiselblitz) avait causé des lésions corporelles graves au détriment de l’assuré. Pour ce faire, elle a d’abord obtenu l’expertise acoustique du Dr. sc. techn. ETH, selon laquelle on ne pouvait normalement pas s’attendre à des dommages auditifs permanents en cas d’exposition unique à un bruit de 112 dB. Selon les règles de la Suva, l’exposition à un seul de ces événements est encore autorisée sans protection auditive. La possibilité d’une lésion auditive permanente est bien inférieure à 1%, mais ne peut être exclue. Cela n’est possible que si un affaiblissement ou une lésion temporaire ou permanente de l’oreille interne a entraîné une susceptibilité accrue à un tel stress, qui devrait être évaluée par une expertise ORL. Dans l’expertise ORL, le spécialiste a conclu que l’assuré avait subi des dommages auditifs permanents et que ceux-ci avaient été causés par le traumatisme acoustique du 21.02.2016. Dans ce cas, 18% de la perte auditive était très probablement due à la perte auditive liée à l’âge préexistante à l’événement dommageable. La perte auditive supplémentaire de 67 % était attribuable à l’événement dommageable. Pour répondre à la question de savoir si un dommage corporel grave au sens de l’art. 122 CP était présent, la Cour pénale du Tribunal fédéral s’est appuyée sur l’avis médical de l’expert ORL. Elle a en outre expliqué qu’elle devait être pondérée plus fortement que l’expertise acoustique, car elle incluait les caractéristiques individuelles du cas.

L’expertise acoustique se concentre sur les valeurs objectivement mesurables du niveau d’exposition acoustique ou sur la question de savoir si la valeur du niveau d’exposition acoustique en question a un effet nuisible sur l’audition chez une personne saine n’ayant jamais souffert d’une maladie. D’autre part, l’expertise médicale a pour but d’évaluer la perte auditive spécifique de la personne assurée, si nécessaire en tenant compte d’une prédisposition qui peut conduire à une sensibilité accrue à un tel stress. La question de savoir si le facteur externe est extraordinaire, auquel il faut répondre selon un critère objectif, est donc déterminée par les valeurs du niveau d’exposition sonore indiquées dans le rapport acoustique. Quant à elle, l’expertise médicale ne devient pertinente au regard du droit de l’assurance-accidents qu’après l’admission de la notion d’accident pour l’examen du lien de causalité naturelle entre lésions auditives et le traumatisme sonore. Il faut tenir compte du fait que même si la perte auditive alléguée peut avoir été un lien de causalité naturelle avec le facteur extérieur d’un point de vue médical, aucune conclusion ne peut être tirée quant à la caractéristique du caractère extraordinaire (arrêt 8C_317/2010 du 3 août 2010 consid. 3.2).

L’expert acoustique a calculé un niveau d’exposition sonore d’au moins 112,2 dB à une distance de 20,3 mètres entre la source sonore et la personne assurée et, compte tenu de la marge d’erreur de 4 dB, un niveau maximal de 116,2 dB pour la personne assurée, lorsqu’elle a été exposée lors du déclenchement de l’engin pyrotechnique.

Dans de précédentes affaires d’exposition au bruit, le Tribunal fédéral a conclu qu’une valeur maximale de 111 dB n’est pas extraordinaire, car elle est nettement inférieure à la valeur limite pour un risque auditif dû à une exposition au bruit (arrêt 8C_280/2010 du 21 mai 2010 consid. 3.2). Cette affirmation a été confirmée dans un arrêt ultérieur en considérant qu’il en va de même pour les valeurs maximales de 108 et respectivement 113 dB (arrêt 8C_317/2010 du 3 août 2010 consid. 3.2). Le fait que les sources sonores soient de nature différente (p. ex. dispositif anti-martre) n’est pas pertinent pour la comparabilité des cas, d’autant plus que la notion du caractère extraordinaire ne concerne que le facteur extérieur (la charge sonore) lui-même.

Dans ce contexte, il convient également de se référer à la Loi fédérale sur la protection contre les dangers liés au rayonnement non ionisant et au son du 16 juin 2017 (LRNIS, RS 814.71) et à son ordonnance du 27 février 2019 (O-LRNIS ; RS 814.711). Selon l’art. 19 al. 1 let. b O-LRNIS, les manifestations avec des sons amplifiés par électroacoustique ne doivent à aucun moment dépasser le niveau sonore maximal de 125 dB (A). Bien que cette disposition s’applique principalement aux événements dont le son est amplifié électroacoustiquement, la valeur ci-dessus peut être utilisée à titre indicatif pour évaluer la nature extraordinaire d’un impact sonore. Il en va de même pour les valeurs acoustiques limites et indicatives pour les expositions sonores sur le lieu de travail publiées par la Suva, qui fixent une valeur limite de 120 dB(A) pour le bruit impulsif.

La question de savoir si, dans des cas tels que le cas d’espèce, l’évaluation de l’extraordinaireté, en plus du niveau sonore (qui peut causer des dommages à l’ouïe), doit également prendre en compte le lieu où l’émission sonore a lieu, en plus de l’aspect du domaine de vie respectif (cf. 8C_403/2018 du 7 septembre 2018 consid. 4.3 et U 245/05 du 1er décembre 2005 consid. 2.4), peut être laissé ouvert ici. Un seul niveau d’exposition sonore de 112,2 à 116,2 dB n’est pas extraordinaire dans un match de football avec une grande foule, où l’utilisation d’objets bruyants tels que des pétards, sifflets et vuvuzelas est courante. Ceci est vrai quelle que soit la source du bruit. Les autres circonstances mentionnées par le tribunal cantonal ne sont pas pertinentes car elles n’ont aucune influence directe sur le niveau sonore.

En résumé, le caractère extraordinaire du facteur externe doit être nié, ce qui signifie qu’il n’y a pas d’accident au sens juridique du terme.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_545/2019 consultable ici

 

 

8C_22/2019 (d) du 24.09.2019 [publié aux ATF 146 V 51] – arrêt traduit – Statu quo sine vel ante pour un accident ayant occasionné une lésion assimilée / Rappel historique et jurisprudentiel de la lésion assimilée à un accident – 9 al. 2 OLAA / Lésion assimilée selon le nouveau droit – Interprétation du nouvel art. 6 al. 2 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_22/2019 (d) du 24.09.2019, publié aux ATF 146 V 51

 

NB : traduction personnelle, seul le texte de l’arrêt fait foi. L’arrêt du TF est fort complet, reprenant en détails la notion de la lésion assimilée selon l’ancien et le nouveau droit. Au vu de l’importance de l’arrêt dans la pratique quotidienne, nous le traduisons dans sa quasi-totalité.

 

Arrêt 8C_22/2019 consultable ici

ATF 146 V 51 consultable ici

 

Statu quo sine vel ante pour un accident ayant occasionné une lésion assimilée / 4 LPGA – 6 al. 1 LAA – 6 al. 2 LAA

Rappel historique et jurisprudentiel de la lésion assimilée à un accident / 9 al. 2 OLAA

Lésion assimilée selon le nouveau droit – Interprétation du nouvel art. 6 al. 2 LAA

 

Assuré, né en 1956, employé de montage depuis 1979, s’est cogné le genou intérieur droit sur une plate-forme de levage le 04.05.2017. L’IRM réalisée le 11.05.2017 a révélé une déchirure horizontale de la corne postérieure du ménisque interne, une chondropathie du 3e au 4e degré dans le compartiment médian et des lésions cartilagineuses au-dessus de la trochlée fémorale et du plateau tibial latéral. Le spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur traitant a ensuite une infiltration corticoïde intra-articulaire. Lors de la consultation du 06.06.2017, il a été provisoirement mis fin au traitement, en l’absence de plainte. L’assurance-accidents a octroyé les prestations légales (traitement médical).

En raison d’une nouvelle douleur au genou droit, le traitement médical a été repris le 09.01.2018. Le chirurgien orthopédique traitant a réalisé une arthroscopie du genou avec méniscectomie partielle de la corne postérieure interne et lissage du cartilage du condyle fémoral interne le 11.01.2018.

Par courrier du 14.02.2018, l’assurance-accidents a informé l’assuré qu’elle procéderait à des investigations complémentaires quant à son obligation de verser des prestations.

Sur la base du rapport rédigé par le médecin-conseil, l’assurance-accidents a mis un terme aux prestations au 31.12.2017, les conséquences de l’accident ayant guéri après six à douze semaines en cas d’ecchymose et les plaintes au-delà n’étant très probablement pas attribuables à l’événement du 04.05.2017.

Dans sa décision d’opposition confirmant la décision, l’assurance-accidents a déclaré qu’il était hautement probable que l’événement du 04.05.2017 n’avait pas entraîné de lésions structurelles, mais seulement une contusion au genou, c’est-à-dire un symptôme douloureux temporaire, et que le statu quo sine a été atteint au plus tard après douze semaines. Pour ce faire, elle s’est essentiellement appuyée sur l’appréciation du médecin-conseil, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, selon laquelle l’événement du 04.05.2017 n’avait pas été approprié pour réaliser la pathologie qui avait justifié l’indication opératoire du 11.01.2018. Les modifications dégénératives du ménisque interne et du cartilage prouvées par l’IRM ne sont vraisemblablement pas susceptibles d’être accidentelles. Seul un impact direct de l’articulation du genou s’était produit ; il n’y a pas eu de distorsion. Il est en outre précisé que le chirurgien traitant avait initialement facturé les consultations depuis début 2018 à la caisse-maladie. Etant donné qu’un événement accidentel s’est produit au sens juridique du terme, l’obligation de verser des prestations au sens de l’art. 6 al. 2 let. c LAA ne devait pas être examinée. Selon l’assurance-accidents, si les conséquences d’un accident se sont éteintes, il n’y a pas de responsabilité subsidiaire au sens de l’art. 6 al. 2 LAA pour les mêmes dommages pour la santé. Les deux dispositions servent à protéger les personnes accidentées. Toutefois, il s’agit de dispositions complémentaires et non congruentes/concordantes.

 

Procédure cantonale

Après avoir examiné les dossiers médicaux, le tribunal cantonal est parvenu à la conclusion que les douleurs au genou étaient manifestement dues (plus de 50%) à l’usure ou à la maladie.

Par jugement du 12.11.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Fin aux prestations avec effet ex nunc et pro futuro

L’assurance-accidents peut mettre fin aux prestations temporaires avec effet ex nunc et pro futuro sans invoquer un motif de révision ou de reconsidération, par exemple en faisant valoir qu’il n’y a pas d’événement assuré selon une appréciation correcte de la situation (ATF 130 V 380 consid. 2.3.1 p. 384) ou que le lien de causalité entre l’accident et l’atteinte à la santé donnant droit à ces prestations était éteint (arrêt 8C_155/2012 [erreur de citation dans l’arrêt] du 9 janvier 2013 consid. 6.1). Une telle suppression peut également être rétroactive si, comme c’est le cas en l’espèce, l’assureur-accidents ne souhaite pas demander le remboursement des prestations (arrêt 8C_487/2017 du 9 novembre 2017 en référence à l’ATF 133 V 57 consid. 6.8 p. 65).

 

Causalité naturelle d’une lésion du ménisque

Lorsqu’un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l’assurance-accidents d’allouer des prestations cesse si l’accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement des causes étrangères à l’accident. Tel est le cas lorsque l’état maladif antérieur est revenu au stade où il se trouvait avant l’accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire (statu quo sine) (SVR 2011 UV N° UVR. 4 p. 12, 8C_901/2009 consid. 3.2 ; arrêt 8C_269/2016 du 10 août 2016 consid. 2.4 ; RAMA 1994 n° U 206 p. 328, U 180/93 consid. 3b et les références). L’extinction du lien de causalité doit être établie au degré de la vraisemblance prépondérante requis dans le domaine de la sécurité sociale. Puisqu’il s’agit d’une question de fait à l’encontre d’un dommage, la charge de la preuve – à la différence de la question de savoir si un lien de causalité naturel est établi – ne repose pas sur la personne assurée, mais sur l’assureur accident (RAMA 2000 n° U 363 p. 46 consid. 2 [U 355/98] et les références).

Le tribunal cantonal a considéré que le médecin-conseil avait conclu que l’accident du 04.05.2017 n’avait pas été de nature à provoquer une déchirure du ménisque. L’IRM du 11.05.2017 a objectivé des altérations dégénératives, c’est-à-dire une dégénérescence mucoïde notable du ménisque interne. Par ailleurs, une lésion traumatique du ménisque interne est rare. En outre, la rupture du ménisque a été décrite comme étant horizontale, ce qui suggère également une cause dégénérative. La cour cantonale a ainsi nié l’existence d’un lien de causalité naturel entre l’événement du 04.05.2017 et les douleurs au genou dont se plaignait l’assuré au-delà du 31.12.2017, c’est-à-dire également en ce qui concerne la rupture du ménisque diagnostiquée. Selon le Tribunal fédéral, il n’y a pas lieu de s’y opposer. L’événement n’a eu qu’un impact direct sur l’articulation du genou. En revanche, il n’y a pas eu de distorsion ; ceci est confirmé par le rapport médical du premier médecin-traitant qui décrit l’accident comme une contusion du genou droit. Dans ses rapports, le chirurgien traitant a énuméré un état après contusion du genou droite parmi les diagnostics. Il a également facturé le cas par le biais de la caisse-maladie. Il a également coché « maladie » dans la prescription de physiothérapie. Apparemment, la causalité d’un accident n’a été discutée que lorsque l’employeur de l’assuré est intervenu auprès du chirurgien traitant et a demandé que les certificats du médecin soient changés en « accident ».

En outre, on peut supposer une importante altération dégénérative antérieure. Une semaine après l’accident l’IRM a objectivé une dégénérescence mucoïde distincte du « pars intermedia » du ménisque interne ainsi qu’une chondropathie de grade 3-4. Le cartilage du compartiment médial a été décrit comme partiellement absent et notablement aminci. Le 22.05.2017, le chirurgien traitant a diagnostiqué une lésion du ménisque interne et une lésion du cartilage du 3ème au 4ème degré. L’arthroscopie réalisée le 11.01.2018 a également révélé des modifications dégénératives importantes du compartiment médian. Dans ce contexte, il est compréhensible que le médecin-conseil ait supposé une aggravation simplement temporaire d’une altération dégénérative antérieure.

En conclusion, l’accident du 04.05.2017 a entraîné une ecchymose au genou avec aggravation temporaire d’un état dégénératif antérieur, l’état antérieur étant rétabli au plus tard après douze semaines.

 

Statu quo sine vel ante pour un accident ayant occasionné une lésion assimilée

Notion de lésion assimilée selon l’ancien droit (consid. 7)

Sous l’ancienne LAMA, la Suva a inventé l’expression « lésion à caractère accidentel » et, sous ce titre, a fourni volontairement des prestations pour certains dommages physiques à la santé (sur ce point et les suivants : ALFRED BÜHLER, Die unfallähnliche Körperschädigung, in: SZS 1996 Nr. 2 p. 83 s.; cf. aussi ALFRED MAURER, Recht und Praxis der schweizerischen obligatorischen Unfallversicherung, 2. Aufl. 1963, p. 99 s.; le même, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 1985, p. 201). Il s’agissait de dommages à la santé qui, bien que soudains et donc considérés comme accidentels, ne remplissaient pas toutes les caractéristiques du terme accident en raison de l’absence d’un facteur extraordinaire. En détail, il s’agissait de déchirures musculaires, de lésions du ménisque, de déchirures des tendons et de fractures osseuses survenues soudainement, mais dans le cadre d’un effort normal ou d’une activité sportive qui n’a été perturbée par aucune mouvement non programmé (Programmwidrigkeit). Dans la pratique administrative de la Suva, un groupe aussi étroitement limité de blessures subites, qui ne pouvaient pas être qualifiées juridiquement d’accidents mais qui ne pouvaient pas non plus être facilement qualifiées de maladies du point de vue médical, étaient traitées de la même manière que les accidents et indemnisées (volontairement) comme telles. La condition préalable, cependant, était que toute influence causale, même partielle, d’un état pathologique antérieur puisse être exclue.

La pratique administrative de la Suva devait être légalisée par la réorganisation de l’assurance accident sociale et transposée dans la nouvelle loi. Afin de permettre une adaptation flexible aux besoins pratiques, l’art. 6 al. 2 LAA confère au Conseil fédéral le pouvoir d’inclure dans l’assurance des lésions corporelles qui sont semblables aux conséquences d’un accident. Cette délégation de pouvoir a été utilisée par le Conseil fédéral à l’art. 9 al. 2 OLAA. Cette disposition contient, d’une part, une définition juridique des lésions corporelles assimilées à un accident et, d’autre part, une liste (exhaustive) des lésions corporelles assimilées à un accident.

En conséquence, le Tribunal fédéral des assurances a supposé qu’à l’exception du facteur extérieur de caractère extraordinaire, toutes les caractéristiques du terme « accident » doivent également être remplies dans le cas des lésions énumérées à l’art. 9 al. 2 OLAA. Pour que l’assurance-accidents soit soumise à l’obligation de verser des prestations, un événement soudain, dommageable et involontaire doit donc survenir (ATF 114 V 298 consid. 3b p. 300). La lésion qui s’est produite exclusivement à la suite d’un processus pathologique n’a pas pu être reconnue comme un dommage similaire à un accident. […] Il est essentiel qu’un événement soudain, par exemple un mouvement violent ou une levée soudaine d’un squat, provoque l’une des lésions mentionnées à l’art. 9 al. 2 lit. a-h OLAA. En termes de temps également, ce moment causant des lésions corporelles doit être considéré comme un « événement accidentel ». En l’absence d’un tel événement immédiat, et si la lésion est plutôt due à des microtraumatismes répétés dans la vie quotidienne, qui provoquent une usure progressive, qui finit par atteindre l’ampleur des lésions nécessitant un traitement, il n’y a pas d’accident mais une maladie.

De l’ATF 123 V 43, on peut déduire que, dans le cas des lésions mentionnées à l’art. 9 al. 2 lit. a-h OLAA, un effet externe dommageable doit être ajouté, au moins dans le sens d’un facteur de déclenchement, aux causes pathologiques ou dégénératives (préexistantes ou dominantes) pour qu’il y ait une lésion assimilée à un accident (consid. 2b avec référence à l’ATF 116 V 145 consid. 2c p. 45 ; 114 V 298 consid. 3c p. 301). Une déchirure de la coiffe des rotateurs peut donc être incluse dans les déchirures des tendons visées à l’art. 9 al. 2 lit. f OLAA, à condition qu’à l’exception du facteur extérieur extraordinaire, les [autres] caractéristiques de la notion d’accident soient respectées.

Avec l’ATF 129 V 466, le Tribunal fédéral des assurances s’est conformé à l’exigence du facteur extérieur – également selon la version de l’art. 9 al. 2 OLAA en vigueur au 1er janvier 1998. […] L’ancien TFA a rappelé que la condition préalable à une cause extérieure, c’est-à-dire un événement similaire à un accident, externe au corps humain, susceptible d’être constaté de manière objective et qui présente une certaine importance, revêtait ici une importance particulière. En l’absence d’une telle cause extérieure, fût-ce comme simple facteur déclenchant des lésions corporelles énumérées à l’art. 9 al. 2 lit. a-h OLAA, il y a une lésion corporelle manifestement imputable à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs. Cette approche, sur laquelle se fonde déjà l’ATF 123 V 43, est tout à fait compatible avec la notion d’assurance-accidents obligatoire et sa différenciation par rapport à l’assurance maladie […]. Le Tribunal fédéral des assurances a rejeté l’argument de l’OFAS en faveur de l’abandon de l’exigence de l’influence extérieure. Une telle renonciation ne tiendrait pas compte de la « similitude requise des accidents », car les cas liés à la maladie ou à des phénomènes dégénératifs, dans lesquels l’assureur-accidents ne pourrait apporter une preuve médicale, seraient couverts par l’assurance accident (ATF 129 V 466 consid. 3 p.468).

Depuis lors, le Tribunal fédéral soutient qu’en cas de lésions corporelles assimilées à un accident au sens de l’art. 9 al. 2 OLAA, à l’exception du caractère « extraordinaire » de la cause extérieure, toutes les autres conditions constitutives de la notion d’accident doivent être réalisées (cf. art. 4 LPGA) (ATF 143 V 285 consid. 2.3 p. 288 ; 139 V 327 consid. 3.1 p. 328). Le préjudice peut également être causé par les mouvements du corps, mais l’apparition de douleurs n’est pas considérée comme un facteur extérieur au sens de la jurisprudence de l’art. 9 al. 2 OLAA. Tel n’est pas le cas lorsque la personne assurée identifie (pour la première fois) l’apparition de la douleur sans qu’interfère un phénomène extérieur reconnaissable. La notion de cause extérieure présuppose qu’un événement générant un risque de lésion accru survienne. Lorsqu’un tel événement n’a pas eu lieu, même s’il ne constitue qu’un déclencheur d’une atteinte à la santé visée à l’art. 9 al. 2 let. a-h OLAA, il y a manifestement atteinte à la santé causée par une maladie ou des phénomènes dégénératifs (ATF 129 V 466 consid. 2.2 p. 467 ; voir également arrêts 8C_61/2016 du 19 décembre 2016 consid. 5.1 ; 8C_763/2015 du 11 juillet 2016 consid. 3.3 ; 8C_606/2013 du 24 juin 2014 consid. 3.3 ; 8C_347/2013 du 18 février 2014 consid. 3.2 ; 8C_698/2007 du 27 octobre 2008 consid. 4.2 ; 8C_357/2007 du 31 janvier 2008 consid. 3.2).

 

Notion de lésion assimilée selon le nouveau droit (consid. 8)

Avec la première révision de la LAA (en vigueur depuis le 1er janvier 2017), la notion des lésions corporelles accidentelles a été transféré de l’ordonnance à la loi.

L’art. 6 al. 1 LAA stipule toujours que, sauf disposition contraire de la loi, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Selon l’art. 4 LPGA, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort. Le nouvel alinéa 2 de l’article 6 se lit comme suit dans les trois versions linguistiques :

« Die Versicherung erbringt ihre Leistungen auch bei folgenden Körperschädigungen, sofern sie nicht vorwiegend auf Abnützung oder Erkrankung zurückzuführen sind: »

« L’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu’elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie : »

« L’assicurazione effettua le prestazioni anche per le lesioni corporali seguenti, sempre che non siano dovute prevalentemente all’usura o a una malattia: »

La liste des lésions corporels, adoptée sans modification par rapport à l’art. 9 al. 2 OLAA, est désormais ancrée au niveau législatif.

Alors que l’ancienne loi au niveau de l’ordonnance se référait à l’équivalence des lésions corporelles énumérées avec les accidents, elle stipule désormais au niveau de la loi que l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporels en question. En outre, il n’est plus fait référence aux critères de la définition de l’accident au sens de l’art. 4 LPGA et les termes « corporelles assimilées à un accident » ne sont pas utilisés. Le libellé indique donc que l’assureur-accidents alloue des prestations non seulement pour des accidents et des maladies professionnelles, mais aussi pour certaines lésions corporelles, indépendamment de l’existence des critères particuliers de l’accident au sens de l’art. 4 LPGA. Cela ne signifie pas pour autant que les critères d’accident ne sont plus du tout pertinents. Toute événement dommageable doit être pris en compte. Comme le montre également la genèse de la notion de la lésion assimilée à un accident (cf. supra), il s’agit de problème de santé qui surviennent généralement de manière soudaine et donc considérés comme accidentels.

En vertu de l’art. 6 al. 2 LAA, l’assurance alloue aussi ses prestations pour certaines lésions corporelles, pour autant qu’elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie. La deuxième partie de la phrase stipule que l’assureur-accidents a la possibilité de se décharger de son obligation de verser des prestations. A cette fin, il doit prouver que la lésion corporelle est « de manière prépondérante » imputable à « à l’usure ou à une maladie ». Selon l’ancienne loi, les assureurs-accidents pouvaient également se libérer de l’obligation de verser des prestations, mais seulement s’ils pouvaient prouver que la lésion corporelle était « eindeutig » (« manifestement », « indubbiamente ») imputable à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs (cf. art. 9 al. 2 OLAA). Les exigences en matière de preuve ont donc été réduites par la modification de la loi.

Ce que l’on entend par « vorwiegend » (« préponderante »; « prevalentemente ») n’est pas défini plus avant dans la disposition. La juridiction cantonale suppose qu’il s’agit d’une proportion d’« usure ou de maladie » de plus de 50%. Cette opinion est approuvée par le Tribunal fédéral.

Le terme « vorwiegend » (« préponderante »; « prevalentemente ») est également utilisé dans le cadre de la reconnaissance maladies professionnelles (art. 9 al. 1 LAA). Selon la jurisprudence en la matière, une cause « prépondérante » de maladies par des substances nocives ou à certains travaux n’est donnée que si celles-ci pèsent plus que toutes les autres causes en présence, c’est-à-dire si elles représentent plus de 50% de l’ensemble des causes (ATF 119 V 200 consid. 2a p. 200 s. et la référence). Il n’y a aucune raison d’interpréter ce terme différemment dans le cadre de l’art. 6 al. 2 LAA. En conséquence, l’assurance-accidents a fourni une contre-preuve si plus de 50% du diagnostic de la liste est basé sur « l’usure ou la maladie » (cf. KASPAR GEHRING, in: Kieser/Gehring/Bollinger [Hrsg.], KVG UVG Kommentar, 2018, N 11 zu Art. 6 UVG; ANDRÉ NABOLD, in: Hürzeler/Kieser [Hrsg.], Kommentar zum schweizerischen Sozialversicherungsrecht, UVG, 2018, N 44 zu Art. 6 UVG; MARKUS HÜSLER, Erste UVG-Revision, in: SZS 1/2017 p. 34; mais inversement EVALOTTA SAMUELSSON, Neuregelung der unfallähnlichen Körperschädigung, in: SZS 4/2018 S. 348 ss).

La question se pose alors de savoir ce que l’on entend par « Abnützung oder Erkrankung » (« usure ou maladie »; « usura o malattia »).

Selon KASPAR GEHRING, la notion d’usure est assimilée à l’abrasion, à l’usure et, dans la terminologie médicale technique, à l’« Usur » (KASPAR GEHRING, op. cit., N 9 f. ad art. 6 LAA). L’objectif était d’exclure les situations dans lesquelles les lésions corporelles sont causées par des contraintes récurrentes et toujours identiques. Selon les appréciations du législateur, les conséquences de tels événements ne devraient pas être couvertes par une assurance-accidents. La notion de maladie est fondée sur l’art. 3 LPGA, qui définit comme maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident. KASPAR GEHRING précise en outre que l’assurance-maladie n’est tenue de payer pour les lésions de la liste que dans des cas exceptionnels, à savoir uniquement si l’assureur-accidents peut prouver que les lésions corporelles sont de manière prépondérante dues à l’usure ou à la maladie. Selon l’intention claire du législateur, aucun « événement similaire à un accident » n’est requis (KASPAR GEHRING, op. cit., N 5 et N 12 ad Art. 6 LAA).

ANDRÉ NABOLD, en revanche, interprète « l’usure et la maladie » de manière distincte (ANDRÉ NABOLD, op. cit., N 45 ad Art. 6 LAA). Selon l’auteur, ce double terme fait référence à « l’opposé d’un traumatisme médical ». L’obligation de verser des prestations de l’assurance-accidents est donc donnée si une lésion de la liste est médicalement imputable à un traumatisme et donc à un dommage physique aigu avec lésions tissulaires causées par des influences extérieures (ANDRÉ NABOLD, op. cit., N 45 ad Art. 6 LAA ; le même, Sportunfall, in: Kieser/Landolt (Hrsg.), Unfall? Novembertagung 2015 zum Sozialversicherungsrecht, 2016, p. 73).

De même, pour MARKUS HÜSLER, il semble pour le moins peu clair si le législateur a réellement voulu que l’obligation de verser des prestations d’assurance-accidents devait être assumée dès le diagnostic d’une lésion de la liste, indépendamment du fait que la personne assurée ait ou non été en mesure d’identifier un événement. Selon lui, cela serait en contradiction avec la règle relative à la possibilité pour l’assureur accident d’être exonéré de responsabilité. Le droit présumé aux prestations ne peut être contesté par l’assureur que s’il peut prouver au degré de la vraisemblance prépondérante que les lésions corporelles sont dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie.

Toutefois, si l’existence d’un événement n’est plus une condition préalable à l’octroi des prestations, pour quelle autre raison (s’il ne s’agit pas d’un accident) la lésion devrait être attribué principalement à l’usure ou à la maladie. Seule la jurisprudence apportera des précisions sur ce point (MARKUS HÜSLER, op. cit., p. 33).

Selon EVALOTTA SAMUELSSON, la (contre) preuve de la pathogenèse à prédominance pathologique ou dégénérative du diagnostic de liste est apportée s’il y a plus d’indicateurs de plausibilité de lésions du ménisque dégénératives ou pathologiques que pour une « pathogenèse traumatique » (EVALOTTA SAMUELSSON, op. cit., p. 355 s.). A cet égard, l’auteure semble – à l’instar d’ANDRÉ NABOLD – définir les deux termes « usure ou maladie » comme une contrepartie/le pendant [« Gegenstück »] d’une genèse traumatique. D’autres auteurs ne précisent pas explicitement ce qu’ils entendent par usure et maladie. Toutefois, ils estiment qu’en cas de lésions selon la liste, l’assurance-accidents est généralement tenue d’allouer les prestations (cf. FRÉSARD/MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3ème éd., 2016, p. 947 no 147; ANNA BÖHME, Der medizinische Sachverständigenbeweis in der obligatorischen Unfallversicherung, Luzerner Beiträge zur Rechtswissenschaft [LBR], Bd. 125, 2018, S. 29; STEFANIE J. HEINRICH, 1. UVG-Revision, in: Kieser/Lendfers [Hrsg.]: Jahrbuch zum Sozialversicherungsrecht 2017, p. 21 s.; KILIAN RITLER, Die unfallähnliche Körperschädigung, in: Kieser/Landolt [Hrsg.]: Unfall? Novembertagung 2015 zum Sozialversicherungsrecht, 2016, p. 133; David Ionta, Révision de la loi fédérale sur l’assurance-accidents, in : Jusletter 30 janvier 2017, no 33).

Dans la logique de la possibilité prévue à l’art. 6 al. 2 LAA d’apporter à l’assureur-accidents la preuve de l’exonération, il découle que les termes usure et maladie doivent être la contrepartie complémentaire (le « pendant ») d’un événement spécifique.

Il ressort des documents de la première révision LAA que l’existence d’une lésion corporelle assimilée à un accident à charge de l’assureur-accidents ne doit plus dépendre de l’existence d’un facteur extérieur. Dans la pratique, il aurait été très difficile de prouver l’existence de lésions corporelles similaires à celles d’un accident. La jurisprudence en la matière a parfois entraîné des difficultés pour les assureurs-accidents et des incertitudes chez les assurés. C’est la raison pour laquelle une nouvelle réglementation a été proposée, qui renonçait au critère du facteur externe, comme avait été d’ailleurs la volonté du législateur de l’époque, conformément au message du 18 août 1976 relatif à la LAA […]. L’existence d’une lésion corporelle au sens de l’art. 6 al. 2 LAA laisse supposer qu’il s’agit d’une lésion corporelle assimilée à un accident, qui doit être assumé par l’assureur-accidents. Ce dernier pourrait se libérer de l’obligation de verser des prestations s’il prouve que le dommage corporel est principalement imputable à l’usure ou à la maladie (FF 2014, 7934 s. ch. 2.4). Dans son analyse d’impact de la révision LAA, le Conseil fédéral a supposé que le système d’assurance-maladie sociale tendrait à être assoupli par la nouvelle ordonnance sur les lésions corporelles de type accident. Dans le message précité de 1976, il était indiqué que le Conseil fédéral devait être autorisé à traiter comme accidents les lésions corporelles accidentelles, tels que les déchirures des tendons ou les lésions musculaires causées sans influence extérieure (message du 18 août 1976 sur la loi fédérale sur l’assurance accidents, FF 1976 III 165 no 33).

Le procès-verbal de la séance du Conseil national de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS-N) du 16 avril 2015 montre également que la nouvelle réglementation vise l’allocation de prestations par l’assurance-accidents en cas de lésions corporelles de la liste (p. 7 ss). Dans la pratique, cette présomption se traduirait par une simplification substantielle. […] L’article 6 ne parle plus de critères d’accident. En principe, ces lésions corporelles doivent être considérées comme des lésions assimilées à un accident. Cela a éliminé toute discussion sur les éléments de la notion d’accident, à moins, par exemple, qu’il ne s’agisse d’une « pathologie complète du genou » [ein völlig erkranktes Knie], qui a entraîné des lésions correspondantes. Il est donc à nouveau possible à l’assureur de prouver qu’une usure ou une maladie est présente. Dans le cas contraire, l’assureur-accidents est a priori tenu de prendre en charge ces lésions. Cette disposition a été incluse dans la loi parce qu’il était spécial que quelque chose soit inclus dans le catalogue des prestations de l’assureur accident sans que tous les éléments de la notion d’accident doivent être remplis. […] Au cours du débat parlementaire, il a été regretté que la loi ne prévoie pas une distinction plus claire entre maladie et accident dans le domaine des lésions assimilées à un accident afin d’éviter à l’avenir des litiges longs et coûteux (cf. Votum Nationalrat de Courten, BO 2015 p. 878). Le projet du Conseil fédéral a finalement été approuvé par le Conseil national et le Conseil des Etats.

A l’aune de ce qui précède, le législateur s’est efforcé de simplifier la distinction entre maladie et accident. L’objectif principal de la révision est de faciliter la preuve en faveur des personnes assurées au moyen d’une présomption légale : selon ce principe, l’assureur-accidents est tenu de prester en cas de lésions selon la liste, à moins qu’il ne puisse prouver prendre en charge une indemnité en cas de violation de la liste, sauf s’il est en mesure d’apporter la preuve de la « décharge » [= apporter la preuve que la lésion est due de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie].

La notion de lésions corporelles assimilées à un accident a toujours eu pour but d’éviter la distinction souvent difficile entre accident et maladie en faveur de l’assuré (ATFF 139 V 327 consid. 3.1 p. 328 ; 123 V 43 consid. 2b p. 44 s. ; 116 V 145 consid. 6c p. 155 ; voir ALFRED BÜHLER, op. cit., p. 84), d’autant plus qu’en cas de l’une des lésions corporelles énumérées à l’art. 9 al. 2 let. a-h aOLAA, il existe pratiquement toujours des causes de maladie et/ou des causes dégénératives (partielles) en jeu (voir ATF 129 V 466 consid. 2.1 p. 467 et la référence). Les assureurs-accidents sociaux doivent donc assumer un risque qui, selon la définition actuelle des accidents et maladies, serait attribuable à ces dernières (ATF 116 V 145 consid. 6c p. 155 ; 114 V 298 consid. 3c p. 301). La nouvelle teneur de l’art. 6 al. 2 LAA doit – comme il ressort également de l’interprétation historique – aller de pair avec une simplification supplémentaire.

En termes systématiques, il faut tenir compte du fait que les lésions corporelles assimilées à un accident sont désormais inscrites à l’art. 6 al. 2 LAA. L’alinéa 1 réglemente la prise en charge par l’assurance-accidents des accidents professionnels, non professionnels et les maladies professionnelles. Conformément à l’al. 3, l’assurance alloue en outre ses prestations pour les lésions causées à l’assuré victime d’un accident lors du traitement médical. Le système juridique suggère que le paragraphe 1 (accident) et le paragraphe 2 (lésions selon la liste) sont indépendants l’un de l’autre et que, en principe, chaque situation doit être examinée individuellement. En ce qui concerne la cessation des prestations, il convient toutefois de tenir compte des éléments suivants : Alors qu’en cas d’accident au sens de l’art. 4 LPGA, l’obligation de l’assurance-accident de prester ne prend fin que lorsque l’accident ne constitue plus une cause partielle, même mineure, de lésions corporelles, l’assureur-accident est libéré de son obligation de prester dans le cadre d’une lésion assimilée à un accident si cette dernière est attribuable à plus de 50% à une usure ou à la maladie.

Il résulte de l’interprétation que l’application de l’art. 6 al. 2 LAA ne présuppose aucun facteur extérieur et donc aucun événement accidentel ou générant un risque de lésion accru au sens de la jurisprudence sur l’art. 9 al. 2 aOLAA. A cet égard, l’existence même d’une lésion corporelle visée à l’art. 6 al. 2 let. a-h LAA conduit à présumer qu’il s’agit d’une lésion corporelle assimilée à un accident, qui doit être assumé par l’assureur accident. Cependant, la possibilité de « prouver le contraire » au sens de l’art. 6 al. 2 LAA oblige toujours à distinguer la lésion corporelle assimilée à un accident selon la liste, à charge de l’assurance-accidents, d’une lésion due à l’usure et à la maladie, à charge de l’assurance maladie. A cet égard, la question d’un événement initial reconnaissable et identifiable est également pertinente après la révision LAA – notamment en raison de l’importance d’un lien temporel (couverture d’assurance ; compétence de l’assureur accident ; calcul du gain assuré ; questions juridiques intertemporelles ; voir MARKUS HÜSLER, op. cit. p. 36 ; voir également UELI KIESER, Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, 2. Aufl. 2017, S. 240 Fn. 97). […]

Il convient toutefois de souligner que l’assurance-accidents est généralement tenue de verser des prestations en cas de lésions selon la liste [art. 6 al. 2 LAA], pour autant qu’elle ne prouve pas l’existence d’une pathologie prédominante due à l’usure ou à la maladie. Cela suppose que, dans le cadre de son devoir de clarification (cf. art. 43 al. 1 LPGA), l’assureur-accidents clarifie les circonstances exactes à réception de l’annonce d’une lésion selon la liste. Si aucun événement initial ne peut être établi, ou si seul un événement bénin ou anodin peut être établi, cela simplifie de toute évidence la preuve de la libération pour l’assureur accident. Car c’est l’ensemble des causes des atteintes corporelles en question qui doit être pris en compte dans la question de la délimitation, qui doit être évaluée avant tout par des spécialistes de la santé [medizinischen Fachpersonen]. Outre la condition précédente, les circonstances de la première apparition des troubles doivent également être examinées de plus près (par exemple, un bilan traumatologique du genou peut être utilisé pour aider à l’évaluation médicale des blessures au genou, publié dans SÄZ 2016 p. 1742 ss). Les différents indices qui parlent pour ou contre l’usure ou la maladie doivent être pondérés d’un point de vue médical. L’assureur accident doit prouver, sur la base d’évaluations médicales concluantes – au degré de la vraisemblance prépondérante – que la lésion en question est due de manière prépondérante à l’usure ou à la maladie, c’est-à-dire plus de 50% de tous les facteurs en cause. Si la « palette des causes » se compose uniquement d’éléments indiquant une usure ou une maladie, il s’ensuit inévitablement que l’assureur-accidents a apporté la preuve de la « libération » et qu’il n’est pas nécessaire d’apporter des clarifications supplémentaires.

 

En résumé

De ce qui précède, il découle que l’assureur-accidents doit clarifier les circonstances exactes à réception de l’annonce d’une lésion assimilée. Si la lésion de la liste [au sens de l’art. 6 al. 2 LAA] est imputable à un événement accidentel au sens de l’art. 4 LPGA, l’assureur-accidents est tenu de verser des prestations jusqu’à ce que l’accident ne représente plus la cause naturelle et adéquate, c.-à-d. lorsque l’atteinte à la santé repose uniquement sur des causes sans rapport avec l’accident. Si, en revanche, tous les éléments de la notion de l’accident au sens de l’art. 4 LPGA ne sont pas remplis, l’assureur-accidents doit en général prester pour la lésion selon la liste de l’art. 6 al. 2 LAA dans sa version valable depuis le 1er janvier 2017, à moins qu’il ne puisse prouver que la lésion due de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie.

 

Dans le cas d’espèce, l’assurance-accidents a reconnu l’événement du 04.05.2017 comme un accident au sens de l’art. 4 LPGA et a initialement prévu des prestations pour ses conséquences. Les examens médicaux ont toutefois révélé par la suite que la lésion du ménisque diagnostiquée n’était pas due à l’accident du 04.05.2017. L’accident n’a entraîné qu’une ecchymose au genou avec aggravation temporaire d’un état antérieur dégénératif. L’assurance-accidents a démontré que l’accident du 04.05.2017 n’est même pas une cause partielle de la lésion du ménisque. Par ailleurs, l’assurance-accidents a été établi que cette lésion selon la liste est imputable de manière prépondérante, c’est-à-dire à plus de 50%, à l’usure ou à la maladie, d’autant plus qu’il n’y a aucune indication d’un événement survenu après l’accident du 04.05.2017, qui pourrait donner lieu à de nouveaux développements. La présomption de l’obligation de verser des prestations selon l’art. 6 al. 2 LAA a donc été renversée et l’assureur accidents est libéré de son obligation.

En ce sens, le point de vue de l’assurance-accidents et de l’OFSP peut être acceptée, selon laquelle, en l’absence d’un lien de causalité naturel entre un accident au sens de l’art. 4 LPGA et une lésion figurant dans la liste [de l’art. 6 al. 2 LAA], il n’est pas nécessaire d’examiner l’obligation de verser des prestations selon l’art. 6 al. 2 LAA, au moins tant qu’aucun autre événement ne peut être considéré comme la cause de la lésion.

En conclusion, il est manifeste que la lésion du ménisque n’est pas imputable à l’accident du 04.05.2017. Étant donné qu’il n’y a pas non plus d’indication d’un autre événement survenu après l’accident, il n’est pas nécessaire de procéder à un examen à la lumière des lésions corporelles énumérées à l’art. 6 al. 2 LAA dans la version en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_22/2019 consultable ici

ATF 146 V 51 consultable ici

Proposition de citation : ATF 146 V 51 – 8C_22/2019 (d) du 24.09.2019 – Statu quo sine vel ante pour un accident ayant occasionné une lésion assimilée, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2019/10/8c_22-2019-atf-146-v-51)

 

NB : traduction personnelle. Nous vous remercions de bien vouloir nous excuser les éventuelle imprécisions de traduction.

8C_418/2018 (f) du 12.07.2019 – Notion de l’accident – Critère du facteur extérieur – 4 LPGA / « Accident médical » – Notion d’erreur médical niée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_418/2018 (f) du 12.07.2019

 

Consultable ici

 

Notion de l’accident – Critère du facteur extérieur / 4 LPGA

« Accident médical » – Notion d’erreur médical niée

 

Assuré, né en 1986, a subi le 09.01.2013 ostéotomie bi-maxillaire et une génioplastie en raison d’une difformité maxillo-faciale. Cette intervention, prise en charge par l’assurance-maladie, a été effectuée par le docteur C.__, spécialiste en chirurgie maxillo-faciale. Elle a été suivie, dans la nuit du 11.01.2013 au 12.01.2013, d’un arrêt respiratoire qui a nécessité une intubation, un transfert aux soins intensifs puis une mise sous coma barbiturique. A sa sortie de l’hôpital, le 12.04.2013, les médecins ont posé le diagnostic principal d’encéphalopathie anoxique compliquée d’un état de mal épileptique avec syndrome de Lance-Adams, ataxie à la marche avec chutes à répétition sur myoclonies d’action et syndrome d’effrayement avec troubles mixtes de la personnalité.

L’assuré a requis l’octroi de prestations de l’assurance-accidents pour les suites de ces complications post-opératoires. L’assurance-accidents a refusé de prendre en charge l’atteinte à la santé, motif pris qu’à défaut d’une violation grossière et extraordinaire des règles de l’art, l’intervention du 09.01.2013 et ses complications post-opératoires ne constituaient pas un accident.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2018 9 – consultable ici)

La cour cantonale a considéré que, malgré les complications soudaines survenues après l’intervention chirurgicale, en l’espace de quelques heures, dans la nuit du 11.01.2013 au 12.01.2013, la succession des événements ne constitue toutefois pas un facteur extérieur extraordinaire en dépit de son caractère spectaculaire. D’une part, les juges cantonaux sont d’avis que l’opération, qui n’était pas, en soi, particulièrement risquée, s’est déroulée de façon tout à fait satisfaisante. D’autre part, aucun des rapports médicaux versés au dossier ne permet de retenir la commission d’une erreur médicale crasse dans la surveillance et les soins post-opératoires. La cour cantonale considère que les complications survenues dans la phase post-opératoire sont susceptibles de survenir dans les suites de tout acte médical et que l’œdème du visage constitue un aléa thérapeutique qui n’engage pas la responsabilité des médecins. Quant au médecin de l’assurance-accident, il indique que les éléments permettant de suspecter une prise en charge insuffisante du point de vue non médical entre le moment où l’assuré s’est présenté au bureau des infirmières pour recevoir de l’aide et le moment où l’anesthésiste a été appelé n’autorisent pas à retenir une attitude irresponsable ni un comportement violant de manière crasse les règles de l’art, même si l’on peut y voir une considération insuffisante de la gravité de la situation conduisant à la mise en œuvre de mesures inadéquates.

Par jugement du 23.04.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assurance-accidents est en principe tenue d’allouer ses prestations en cas d’accident professionnel ou non professionnel (art. 6 al. 1 LAA). Est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). La notion d’accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés: une atteinte dommageable, le caractère soudain de l’atteinte, le caractère involontaire de l’atteinte, le facteur extérieur de l’atteinte, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l’un d’entre eux fasse défaut pour que l’événement ne puisse pas être qualifié d’accident (ATF 129 V 402 consid. 2.1 p. 404 et les références).

Le point de savoir si un acte médical est comme tel un facteur extérieur extraordinaire doit être tranché sur la base de critères médicaux objectifs. Le caractère extraordinaire d’une telle mesure est une exigence dont la réalisation ne saurait être admise que de manière sévère. Il faut que, compte tenu des circonstances du cas concret, l’acte médical s’écarte considérablement de la pratique courante en médecine et qu’il implique de ce fait objectivement de gros risques (ATF 121 V 35 consid. 1b p. 38; 118 V 283 consid. 2b p. 284). Le traitement d’une maladie en soi ne donne pas droit au versement de prestations de l’assureur-accidents, mais une erreur de traitement peut, à titre exceptionnel, être constitutive d’un accident, dès lors qu’il s’agit de confusions ou de maladresses grossières et extraordinaires, voire d’un préjudice intentionnel, avec lesquels personne ne comptait ni ne devait compter. La notion d’erreur médicale ne saurait en effet être étendue à toute faute du médecin, au risque de faire jouer à l’assurance-accidents le rôle d’une assurance de la responsabilité civile des fournisseurs de prestations médicales (arrêt 8C_234/2008 du 31 mars 2009 consid. 3.2, in SVR 2009 UV n° 47 p. 166). La question de l’existence d’un accident sera tranchée indépendamment du point de savoir si l’infraction aux règles de l’art dont répond le médecin entraîne une responsabilité (civile ou de droit public). Il en va de même à l’égard d’un jugement pénal éventuel sanctionnant le comportement du médecin (ATF 121 V 35 consid. 1b précité p. 39 et les références).

Pour répondre aux conditions de la notion juridique de l’accident, l’atteinte à la santé doit trouver son origine dans un facteur extérieur, c’est-à-dire qu’elle doit résulter d’une cause exogène au corps humain. Cet élément, qui s’oppose à la cause interne qui caractérise la maladie, permet de distinguer ces deux éventualités. La cause extérieure peut être d’origine mécanique (un choc, une chute, etc.), électrique (une électrocution, p. ex.), chimique (l’émanation de vapeurs toxiques, p. ex.), thermique (une explosion, une brûlure provoquée par de l’eau bouillante ou des jets de vapeur, etc.) ou encore ionisante (des radiations, p. ex.) (STÉPHANIE PERRENOUD, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, [Dupont/Moser-Szeless éd.], 2018, n. 19 ad art. 4 LPGA; voir également JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3e éd., n. 88 p. 921; ANDRÉ NABOLD, Kommentar zum schweizerischen Sozialversicherungsrecht, Bundesgesetz über die Unfallversicherung, [Hürzeler/Kieser éd.], 2018, ad art. 6 LAA, n. 20 ss). Un événement qui se produit à l’intérieur du corps (processus biologique, physiologique ou psychique), tel qu’une hémorragie cérébrale, un infarctus du myocarde ou encore la rupture d’une prothèse défectueuse de la hanche qui survient en l’absence de tout événement extérieur anormal (ATF 142 V 219) ne saurait être considéré comme un accident, faute de cause extérieure (STÉPHANIE PERRENOUD, op. cit., n. 22 ad art. 4 LPGA).

 

L’assuré soutient que le spécialiste en chirurgie maxillo-faciale a commis non pas une erreur d’appréciation à la suite d’une subite détérioration de son état de santé, mais bien plutôt qu’il est resté passif durant plus de deux jours face à une situation connue (pression de l’œdème sur les voies aériennes supérieures) et un risque évident (difficulté, gêne, puis détresse respiratoire et, enfin, arrêt). Aussi la cour cantonale devait-elle retenir que l’existence d’une erreur médicale grossière imputable au spécialiste en chirurgie maxillo-faciale ou au personnel infirmier de l’hôpital était établie et que durant la phase post-opératoire, l’assuré avait subi un accident au sens des art. 4 LPGA et 6 al. 1 LAA. Selon l’assuré, devant le risque prévisible d’une augmentation de l’œdème, le médecin aurait dû mettre en place une surveillance constante du patient, voire organiser un transfert dans le secteur des soins continus afin d’instaurer une assistance respiratoire. Se référant à un arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 56/01 du 18 juillet 2003 (RAMA 2003 n° U 492 p. 371), l’assuré invoque une violation des art. 4 LPGA et 6 al. 1 LAA en tant que la cour cantonale a nié qu’une omission pût constituer un accident. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral des assurances a jugé que le critère du caractère extraordinaire de l’atteinte était réalisé dans un cas où, lors du retrait d’un cathéter vésical posé en raison d’une rétention urinaire, le médecin traitant n’avait pas vérifié s’il était complet, de sorte qu’une section d’une longueur importante (19 cm, soit près de la moitié de la longueur totale) était resté dans le corps du patient et avait entraîné des complications sous la forme d’une hématurie douloureuse. L’assuré infère de cette pratique qu’en l’occurrence, l’accident réside dans l’omission du docteur C.__ de mettre en œuvre des mesures médicales devant l’apparition de l’œdème entraînant une compression des voies aériennes supérieures sur une période de plus de cinquante heures.

Selon le TF : En l’occurrence, le parallèle établi par l’assuré entre l’omission reprochée au spécialiste en chirurgie maxillo-faciale durant la phase post-opératoire et l’état de fait ayant conduit à l’arrêt U 56/01 n’est pas pertinent. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral des assurances a jugé que l’omission du médecin traitant de vérifier si le cathéter retiré était complet remplissait les conditions de la notion d’accident, notamment parce que la partie du cathéter restée dans la vessie constituait une cause exogène au corps humain, à l’origine d’une atteinte dommageable sous la forme d’une hématurie douloureuse. Or, en l’espèce, il n’y a pas de motif d’admettre que l’œdème ayant entraîné une compression des voies aériennes supérieures est le résultat d’une violation grossière des règles de l’art médical. En revanche, il est incontestable que ces complications apparues dans la phase post-opératoire sont survenues en l’absence de toute cause exogène au corps humain. A défaut d’un facteur extérieur, elles ne sauraient dès lors être qualifiées d’accident, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les autres conditions posées à l’art. 4 LPGA sont réalisées (voir p. ex. arrêt 8C_235/2018 du 16 avril 2019 consid. 6.3).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_418/2018 consultable ici

 

 

8C_191/2018 (f) du 21.12.2018 – Notion d’accident – Dommage dentaire – 4 LPGA / Olive non dénoyautée dans une salade méditerranéenne prête à la consommation / Caractère extraordinaire de la cause extérieure nié

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_191/2018 (f) du 21.12.2018

 

Consultable ici

 

Notion d’accident – Dommage dentaire / 4 LPGA

Olive non dénoyautée dans une salade méditerranéenne prête à la consommation

Caractère extraordinaire de la cause extérieure nié

 

Assuré, né en 1964, s’est cassé une dent, le 29.11.2016, en croquant dans une olive non dénoyautée se trouvant dans une salade méditerranéenne prête à la consommation, préalablement achetée auprès d’un grand distributeur.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a refusé de prendre en charge le traitement dentaire qui en est résulté, au motif que l’événement ne constituait pas un accident en l’absence d’un facteur extérieur extraordinaire.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2017 137 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont constaté que les olives – dénoyautées ou non – photographiées sur le paquet d’emballage de la salade achetée par l’assuré n’étaient que très peu visibles, de sorte qu’un consommateur moyen était bien en peine d’en déduire que ce produit contenait des olives dénoyautées. Ils ont considéré que la présence d’une olive non dénoyautée dans une salade – même déjà lavée et prête à la consommation – n’avait rien d’exceptionnel, d’autant que la description de l’article ne faisait nullement référence, dans sa composition, à des olives dénoyautées mais uniquement à des « olives vertes et noires ». En l’absence de précisions claires quant à la présence d’olives non dénoyautées, la présence d’une ou de plusieurs d’entre elles dans une salade n’avait rien de singulier.

Par jugement du 23.01.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). Il résulte de la définition même de l’accident que le caractère extraordinaire de l’atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu’il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et des situations que l’on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou d’habituels (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 p. 221; 129 V 402 consid. 2.1 p. 404; 121 V 35 consid. 1a p. 38).

Les lésions dentaires survenant lors de la mastication d’aliments revêtent le caractère d’accident lorsque les aliments contiennent un corps étranger dont la présence est extraordinaire. La dent ne doit pas nécessairement être parfaitement saine mais il suffit qu’elle remplisse normalement sa fonction de mastication (ATF 114 V 169 consid. 3b p. 170). Dans ce contexte, la jurisprudence a admis par exemple que la présence d’un fragment de coquille de noix ou de noisette dans un pain aux noix, un gâteau aux noix, un croissant fourré ou un chocolat aux noisettes est extraordinaire en dépit du fait qu’on ne peut jamais exclure totalement la présence d’un fragment de coquille dans ces aliments (arrêt 8C_53/2016 du 9 novembre 2016 consid. 3.2, in SVR 2017 UV n°18 p. 61 et les références citées). L’existence d’un facteur extérieur extraordinaire a également été admise lorsqu’une personne se brise une dent sur un caillou en consommant une préparation de riz, même lorsque l’incident se produit à l’étranger dans un pays en voie de développement (arrêt U 165/98 du 21 avril 1999 consid. 3a, in RAMA 1999 n° U 349 p. 478) ou dans le cas d’une assurée qui s’est cassée une dent sur un noyau d’olive en mangeant un pain aux olives qu’elle avait confectionné avec des olives provenant d’un sachet indiquant pour contenu des « olives dénoyautées » dès lors qu’elle ne pouvait s’attendre à y trouver un noyau (arrêt 9C_985/2010 du 20 avril 2011 consid. 6.2). Il en va différemment lorsqu’une personne achète dans un magasin une pizza garnie d’olives sans qu’aucune précision ne soit fournie quant à celles-ci (arrêt U 454/04 du 14 février 2006 consid. 3.6). N’est pas non plus un accident le fait de se casser une dent en mangeant une tarte aux cerises non dénoyautées de sa propre confection (ATF 112 V 201 consid. 3c p. 205 s.). Dans ce cas, l’assuré pouvait s’attendre à trouver un noyau dans sa préparation. De même, la seule présence d’une noix ou d’une olive non dénoyautée dans une salade ne peut être considérée comme extraordinaire (arrêts 8C_750/2015 du 18 janvier 2016 consid. 5 et 8C_ 893/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3.5), tout comme le fait de trouver un reste de projectile en mangeant au restaurant de la viande de chasse (arrêt U 367/04 du 18 octobre 2005 consid. 4.3).

Dans le cas d’espèce, si l’on peut distinguer, sur la photo de l’emballage de la salade figurant au dossier, deux olives vertes dénoyautées, on y voit également des olives noires, sans toutefois pouvoir déterminer si ces dernières sont dénoyautées ou non. On ne peut donc retenir que l’image des olives bicolores sur l’emballage reflète l’exact contenu de celui-ci. Aussi doit-on admettre avec la cour cantonale qu’un consommateur, même attentif, ne pouvait présumer à la simple vue de l’emballage que le produit ne contenait que des olives dénoyautées. Il n’est pas déterminant de savoir si celles-ci étaient ou non suffisamment visibles. De plus, il est établi que le produit ne mentionne pas expressément que les olives contenues dans la salade sont dénoyautées. Conformément à la jurisprudence précitée, l’incident du 29.11.2016 ne saurait dès lors être qualifié d’accident, faute de cause extérieure de caractère extraordinaire.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_191/2018 consultable ici

 

 

8C_548/2018 (f) du 07.11.2018 – Morsure de tique – Causalité naturelle / 4 LPGA – 6 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_548/2018 (f) du 07.11.2018

 

Consultable ici

 

Morsure de tique – Causalité naturelle / 4 LPGA – 6 LAA

 

Assurée, née en 1973, greffière, a été victime le 27.06.2014 d’une morsure de tique. Le 04.07.2014, elle a consulté son médecin de famille, spécialiste en médecine interne générale, lequel a constaté un érythème migrant et un méningisme clinique, et a prescrit un traitement antibiotique. Par la suite, divers examens médicaux ont été pratiqués afin de déterminer la nature et l’origine des troubles de l’assurée. Un spécialiste en neurologie a écarté la possibilité d’une neuroborréliose et évoqué une éventuelle maladie démyélinisante. Un second spécialiste en neurologie a exclu également une neuroborréliose, du fait de la négativité des tests sérologiques, sans que cela ne mette en doute la probabilité d’un tableau méningitique après morsure de tique sur un autre agent non identifié à ce stade. Une spécialiste en radiologie et neuroradiologie diagnostique a expliqué qu’il n’y avait pas d’arguments de laboratoire pour une maladie de Lyme. Après avoir soumis le cas à sa division de médecine du travail, l’assurance-accidents a refusé de prendre en charge les suites de l’accident du 27.06.2014, au motif qu’un lien de causalité entre celui-ci et les troubles annoncés n’était pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 65/16 – 68/2018 – consultable ici)

Le dossier de l’AI a été versée à la procédure. Y figurait en particulier un rapport d’expertise pluridisciplinaire du Centre d’Expertises Médicales (CEMed), concluant à un « status après probable méningoencéphalite d’origine indéterminée (juin 2014) avec un tableau post-infectieux persistant ».

Par jugement du 06.06.2018, admission partielle du recours par le tribunal cantonal. Les juges cantonaux ont considéré que le traitement antibiotique administré en raison de la présence d’un érythème migrant et l’incapacité de travail liée au méningisme primaire devaient être pris en charge par l’assurance-accidents. En revanche, l’assureur n’était pas tenu de verser des prestations en raison des symptômes chroniques qui ont persisté à la fin du traitement antibiotique.

 

TF

Dans le rapport du second spécialiste en neurologie, le médecin indique certes que le tableau actuel est compatible avec un syndrome post-infectieux mais il n’est pas en mesure d’en identifier l’agent.

En outre, il n’apparaît pas en soi contradictoire (de la part des médecins du CEMed) de constater l’existence de troubles sur le plan somatique et de considérer qu’il n’incombe pas à l’assurance-accidents de les prendre en charge. Le caractère objectivable d’une atteinte ne signifie pas pour autant qu’il existe assurément un lien de causalité naturelle et adéquate avec un événement accidentel antérieur.

Enfin, même en tenant compte des difficultés liées à l’établissement diagnostique d’une infection par morsure de tique, il n’en reste pas moins qu’aucun des médecins consultés n’a identifié l’agent pathogène à l’origine des troubles de l’assurée malgré les tests et examens pratiqués. Le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu’après la survenance d’un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc »; cf. ATF 119 V 335 consid. 2b/bb p. 341 s.; arrêt 8C_331/2015 du 21 août 2015 consid. 2.2.3.1, in SVR 2016 UV n° 18 p. 55). Dans ces conditions, on ne saurait d’emblée rattacher les symptômes chroniques de l’assurée à une cause accidentelle, en l’espèce la morsure de tique, d’autant moins que le médecin de famille de l’assurée a mentionné une amélioration spectaculaire à la suite du traitement antibiotique initial.

Il n’y a pas non plus lieu d’ordonner une expertise complémentaire. En effet, dans la procédure d’octroi de prestations d’assurance sociale, il existe un droit formel à une expertise médicale qu’en cas de doutes quant à la fiabilité et la pertinence des constatations des médecins internes à l’assurance (cf. ATF 135 V 465 consid. 4 p. 467 ss). En outre, on voit mal quelles autres mesures médicales, qui n’auraient pas déjà été mises en œuvre par les médecins consultés, permettraient d’établir le lien de causalité invoqué par l’assurée.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_548/2018 consultable ici

 

 

8C_832/2017 (f) du 13.02.2018 – Plausibilité de l’accident – 4 LPGA – 6 LAA / Constatations de fait et appréciation du juge pénal ne lient pas le juge des assurances sociales

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_832/2017 (f) du 13.02.2018

 

Consultable ici : http://bit.ly/2G2jizs

 

Plausibilité de l’accident / 4 LPGA – 6 LAA

Constatations de fait et appréciation du juge pénal ne lient pas le juge des assurances sociales

 

Assuré, né en 1955, employé administratif, a déclaré le 02.08.2016, via son employeur, qu’une dame lui avait porté un coup de couteau sur le pectoral droit en juin 2016, occasionnant une coupure du thorax. Après avoir été examiné, les médecins ont fait état d’une contusion thoracique antérieure T4-T5 et constaté un érythème d’environ 3×4 cm avec légère tuméfaction en regard du pectoral droit, bord interne du mamelon et une dermabrasion d’environ 0.5 cm, sans effraction cutanée franche, ni saignement actif.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assureur-accidents a refusé d’allouer ses prestations au motif que l’assuré n’avait pas rendu plausible que les éléments d’un accident étaient réunis.

Parallèlement, l’assuré a déposé une plainte pénale pour voies de fait contre la dame susmentionnée, l’accusant d’être l’auteure du coup de couteau. Le Ministère public a rendu le 15.12.2016 une ordonnance de non-entrée en matière, considérant que l’enquête n’avait pas permis de confirmer les accusations et qu’il n’existait dès lors pas de soupçon suffisant pour une mise en accusation.

 

Procédure cantonale

Les juges cantonaux ont considéré que l’assuré n’avait pas rendu plausible l’événement annoncé à son assureur-accidents. Les faits décrits ne reposaient sur aucun élément concret et étaient en contradiction avec les preuves matérielles récoltées par l’autorité pénale et les premières constatations des médecins. Ils n’ont ainsi pas jugé nécessaire de mener d’autres investigations.

Par jugement du 24.10.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Il incombe à celui qui réclame des prestations de l’assurance-accidents de rendre plausible que les éléments d’un accident sont réunis. S’il ne satisfait pas à cette exigence, en donnant des indications incomplètes, imprécises ou contradictoires, qui ne rendent pas vraisemblable l’existence d’un accident, l’assurance n’est pas tenue de prendre en charge le cas (ATF 116 V 136 consid. 4b p. 140 et les références).

Selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales n’est certes pas lié par les constatations de fait et l’appréciation du juge pénal. Il ne s’en écarte cependant que si les faits établis au cours de l’instruction pénale et leur qualification juridique ne sont pas convaincants, ou s’ils se fondent sur des considérations spécifiques du droit pénal qui ne sont pas déterminantes en droit des assurances sociales (ATF 125 V 237 consid. 6a p. 242; voir aussi les arrêts 8C_392/2017 du 26 octobre 2017 consid. 7.2 et 8C_788/2016 du 20 novembre 2017 consid. 5.1).

Selon le TF, la juridiction précédente était fondée à considérer que l’assuré n’avait pas rendu plausible l’événement annoncé à son assureur-accidents.

Les faits établis au cours de l’instruction pénale s’avèrent convaincants : d’après les éléments recueillis, il n’existait aucun document ni aucun témoin permettant de corroborer les dires de l’assuré. La dame incriminée avait formellement contesté l’entier des allégations de l’intéressé et avait pu expliquer en détail son emploi du temps au moment des faits. Il paraissait en outre invraisemblable que celle-ci ait agressé l’assuré, dès lors que selon un rapport de la section d’identité judiciaire (SIJ), au moins deux coups distincts et perpendiculaires auraient été nécessaires pour reproduire la découpe présente sur la chemise de l’assuré, alors que celui-ci avait indiqué n’en avoir reçu qu’un seul. A ce propos, les explications fournies par l’assuré pour contester l’interprétation de la SIJ sont dénuées de toute pertinence.

De surcroît, ses déclarations lors de son audition du 22.08.2016 apparaissent contradictoires. Il se disait incapable de se souvenir du moindre détail concernant la description de son agresseur, notamment de la main dans laquelle celui-ci aurait tenu le couteau, mais pouvait en revanche certifier que la dame incriminée tenait dans sa main, en plus d’un couteau, une chainette munie de plusieurs crochets. L’assuré avait en outre donné ce jour-là des informations dont il n’avait pas fait mention le jour de sa prétendue agression. D’autre part, comme le relève le Ministère public dans son ordonnance, le constat de coups et blessures du 15.06.2016 ne mettait en évidence aucune lésion qui aurait pu être causée par un couteau, notamment aucune coupure ou blessure sanglante, ce qui n’est pas compatible avec la description que l’intéressé a faite de son agression et jette également le discrédit sur ses déclarations.

Vu ce qui précède, l’existence d’un accident au sens de l’art. 6 al. 1 LAA n’apparaît pas vraisemblable au degré requis par la jurisprudence. C’est à bon droit que la juridiction précédente a nié le droit de l’assuré aux prestations de l’assurance-accidents. Elle pouvait en outre, par appréciation anticipée des preuves, renoncer à procéder à d’autres investigations ou à suspendre la procédure.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_832/2017 consultable ici : http://bit.ly/2G2jizs