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9C_722/2018 (f) du 12.12.2018 – Indemnité journalière maladie – 67 ss LAMal / Expertise médicale – Durée de l’examen pas per se un critère de la valeur probante d’un rapport médical / Libre appréciation des preuves / 61 let. c LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2018 (f) du 12.12.2018

 

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Indemnité journalière maladie / 67 ss LAMal

Expertise médicale – Durée de l’examen pas per se un critère de la valeur probante d’un rapport médical

Libre appréciation des preuves / 61 let. c LPGA

 

Assurée, née en 1980, a travaillé en qualité d’aide-cuisinière du 16.04.2005 au 31.03.2016, date pour laquelle elle a résilié son contrat de travail. Annonce à l’assurance perte de gain maladie (selon la LAMal) le 23.10.2015 par l’employeur que l’assurée est totalement incapable de travailler depuis octobre 2015.

Entre autres mesures d’instruction, l’assurance perte de gain maladie a diligenté une expertise auprès d’une spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. L’experte a posé les diagnostics de trouble anxieux et dépressif mixte (F41.2), existant depuis février 2015 et incapacitant depuis août 2015, et de conflit avec l’employeur (Z 56) ; elle a conclu à une incapacité de travail totale du 17.08.2015 au 01.12.2015, de 50% dès le 02.12.2015, puis à une pleine capacité de travail dans une activité adaptée depuis le 08.01.2016. Par courrier du 17.02.2016, l’assurance perte de gain maladie a reconnu à l’assurée le droit à des indemnités journalières à hauteur de 50% jusqu’au 31.05.2016 au plus tard.

A la suite d’un complément d’expertise réalisé le 02.09.2016 (examen d’une durée entre 45 minutes et une heure), après que l’assurée a invoqué une péjoration de son état de santé et sollicité le réexamen de son droit aux prestations, l’assurance perte de gain maladie a confirmé par décision formelle la suppression du versement des indemnités journalières au 31.05.2016 ; la caisse a maintenu son point de vue par décision sur opposition.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 17.09.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon le Tribunal fédéral, les premiers juges ont dûment examiné les documents médicaux versés au dossier et expliqué les raisons qui leur ont fait suivre le point de vue de l’experte médicale et non celui du médecin-traitant. L’assurée oppose simplement l’avis de son psychiatre traitant à celui de l’experte psychiatre sans mettre en évidence d’élément objectif susceptible de démontrer que l’appréciation de l’experte serait erronée et sans expliquer en quoi les conclusions de l’expertise ou du rapport complémentaire seraient remises en cause, ni exposer les raisons pour lesquelles les premiers juges auraient établi les faits de manière manifestement inexacte. Une telle argumentation appellatoire ne suffit pas pour établir le caractère arbitraire des considérations des premiers juges. Par conséquent, il n’y a pas lieu de s’écarter des constatations de la juridiction cantonale quant à la capacité entière de travail de l’assurée dans une activité adaptée depuis le 08.01.2016.

S’agissant de l’argumentation avancée par l’assurée quant à la durée trop brève du complément d’expertise, elle ne met en évidence aucune irrégularité dans la constatation des faits par la juridiction cantonale. On rappellera que la durée de l’examen – qui n’est pas en soi un critère de la valeur probante d’un rapport médical -, ne saurait remettre en question la valeur du travail de l’expert, dont le rôle consiste notamment à se prononcer sur l’état de santé psychique de l’assuré dans un délai relativement bref (cf. arrêts 9C_133/2012 du 29 août 2012 consid. 3.2.1; 9C_443/2008 du 28 avril 2009 consid. 4.4.2 et les arrêts cités). En l’occurrence, on constate au demeurant que l’expertise et son complément ont été précédés d’entretiens téléphoniques avec les médecins-traitants et d’un entretien personnel avec l’assurée, à chaque fois en présence d’un interprète. Au total, l’experte s’est entretenue avec l’assurée durant trois heures trente (deux heures trente lors de l’expertise du 08.01.2016, respectivement environ une heure dans le cadre du complément de septembre 2016). Dans ces conditions, l’assurée ne peut donc pas être suivie lorsqu’elle affirme que la juridiction cantonale se serait fondée sur des « entretiens lapidaires », et le renvoi qu’elle opère à l’arrêt I 1094/06 du 14 novembre 2007 ne lui est non plus d’aucun secours.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_722/2018 consultable ici

 

 

ATFA A-3548/2018 (d) du 19.03.2019 – Traitement des données par «Helsana+» en partie illicite

Arrêt du Tribunal administratif fédéral ATFA A-3548/2018 (d) du 19.03.2019

 

Communiqué de presse du Tribunal administratif fédéral du 29.03.2019 disponible ici

Arrêt du TAF consultable ici

 

La collecte des données dans le cadre du programme de bonus « Helsana+ », disponible sous forme d’appli, ne satisfait pas complètement les dispositions de la loi sur la protection des données. Mais l’utilisation de données acquises légalement auprès de personnes au seul bénéfice de l’assurance de base est licite. Telle est la décision du Tribunal administratif fédéral.

Le programme de bonus « Helsana+ », sous forme d’appli, est géré par la société Helsana Assurances complémentaires SA. Par le biais de diverses activités, les participants au programme collectent des points Plus qu’ils peuvent ensuite convertir en versements en espèces, prestations concrètes ou bons pour des entreprises partenaires. Seuls les assurés du groupe Helsana, comprenant Helsana Assurances complémentaires SA, Helsana Assurances SA et Progrès Assurances SA, ont droit aux bonus. Les personnes ayant conclu exclusivement l’assurance de base auprès de la caisse-maladie font également partie des bénéficiaires. Pour procéder aux contrôles nécessaires, Helsana Assurances complémentaires SA exige, lors du processus d’inscription sur l’appli, une autorisation des participants lui permettant d’accéder aux données de l’assurance obligatoire des soins.

 

Plainte du PFPDT

Considérant ce procédé comme une violation des dispositions en matière de protection des données, le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) a édicté en avril 2018 des recommandations à l’attention de Helsana Assurances complémentaires SA. Il estime ainsi que la caisse-maladie doit renoncer, dans le cadre du programme « Helsana+ », à saisir et traiter des données issues de l’assurance de base et à demander une autorisation pour ledit traitement. Il conviendrait également qu’elle évite le versement de remboursements en espèces aux personnes couvertes exclusivement par l’assurance de base. Helsana Assurances complémentaires SA a refusé de mettre en œuvre ces recommandations, sur quoi le DFPDT a déposé plainte en mai 2018 auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF).

 

Collecte de données illicite

Dans son arrêt, le TAF constate que l’autorisation obtenue par l’appli pour la collecte de données personnelles auprès des assurances de base du groupe Helsana (Helsana Assurances SA et Progrès Assurances SA) ne répond pas aux prescriptions du droit de la protection des données. En conséquence, Helsana Assurances complémentaires SA n’est pas autorisée à utiliser les données collectées et doit renoncer dès à présent à collecter ces données sous cette forme.

 

Utilisation des données conforme à la loi

Si les données concernant des personnes couvertes uniquement par l’assurance de base sont collectées de manière licite, leur utilisation n’est en soi pas contraire à la loi sur la protection des données. Et quand bien même la caisse-maladie poursuivait ainsi un but illégal, notamment le remboursement indirect des primes de l’assurance obligatoire des soins, son comportement ne s’avérerait contestable au regard du droit de la protection des données que si elle violait une norme visant à protéger la personnalité des débiteurs de prime. Or, les dispositions de la loi sur l’assurance-maladie ne prévoient rien de tel. Dans ce sens, le traitement de données dans le cadre du programme de bonus « Helsana+ » est donc licite du point de vue de la loi sur la protection des données. Compte tenu de cette issue, il n’est plus nécessaire d’examiner la question de savoir si le programme de bonus équivaut à une réduction dissimulée des primes et si, de ce fait, Helsana Assurances complémentaires SA violerait la loi sur l’assurance-maladie.

 

Cet arrêt est susceptible de recours au Tribunal fédéral.

 

 

Arrêt ATFA A-3548/2018 consultable ici

Communiqué de presse du 29.03.2019 du Tribunal administratif fédéral disponible ici

Communiqué de presse du 29.03.2019 du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) disponible ici

 

8F_8/2018 (f) du 07.01.2019 – Demande de révision d’un arrêt du Tribunal fédéral – 123 LTF / Expertise médicale réalisée en son temps par la Clinique Corela

Arrêt du Tribunal fédéral 8F_8/2018 (f) du 07.01.2019

 

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Demande de révision d’un arrêt du Tribunal fédéral / 123 LTF

Expertise médicale réalisée en son temps par la Clinique Corela

 

Assurée, employée administrative, a été victime le 06.11.2014 d’un accident de la circulation qui a entraîné une contracture musculaire cervicale bilatérale et des cervicalgies post-traumatiques, post-AVP avec traumatisme cervical de décélération.

L’assurance-accidents a confié une expertise à la Clinique Corela. Se fondant sur les conclusions de l’expertise, l’assureur-accidents a rendu une décision, confirmée sur opposition, par laquelle il a supprimé le droit de l’assurée aux prestations d’assurance (frais de traitement et indemnité journalière) à compter du 26.11.2014.

Le recours a été rejeté par le tribunal cantonal. Par arrêt du 06.11.2017 (8C_221/2017), le Tribunal fédéral a rejeté le recours en matière de droit public formé par l’assurée contre le jugement cantonal.

Par lettre du 30.04.2018 (timbre postal), l’assurée demande la révision de l’arrêt du 06.11.2017.

 

TF

L’assurée se prévaut de faits constatés par le Tribunal fédéral dans un arrêt 2C_32/2017 rendu le 22.12.2017, dont elle a eu connaissance à la suite d’un article de presse publié par le site internet rts.ch.

Par arrêté du 25.06.2015, le Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé de la République et canton de Genève a retiré à la Clinique Corela l’autorisation d’exploiter une institution de santé pour une durée de trois mois. Ce retrait a été confirmé par le Tribunal fédéral en ce qui concerne du moins les départements « psychiatrie » et « expertise » de cet établissement, par l’arrêt cité du 22.12.2017; il a été effectif du 01.03.2018 au 01.06.2018 (publication de la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève du 21.02.2018). A la suite de cet arrêt, la Cour de justice de la République et canton de Genève a publié un communiqué de presse (consultable sur le lien https://ge.ch/justice/clinique-corela-information-relative-une-demande-de-revision) aux termes duquel les assurés dont le droit à des prestations a été nié sur la base d’une expertise effectuée à la Clinique Corela ont la possibilité de demander la révision – devant l’autorité qui a statué en dernier lieu (Office cantonal de l’assurance-invalidité, CNA ou autre assurance, Chambre des assurances sociales de la Cour de justice ou Tribunal fédéral) – de la décision les concernant – sans garantie quant au succès de cette démarche – dans un délai de 90 jours depuis la connaissance des faits susmentionnés. La presse romande a fait largement état de la sanction en question et relayé le contenu du communiqué de presse de la Cour de justice, notamment le site internet rts.ch le 28.02.2018 (consultable sur le lien https://pages.rts.ch/la-1ere/programmes/on-en-parle/28-02-2018).

En conséquence, en déposant sa demande de révision moins de 90 jours après avoir eu connaissance du retrait de l’autorisation en cause par le biais des informations publiées par le site internet rts.ch le 28.02.2018, l’assurée a respecté le délai prévu par l’art. 124 al. 1 let. d LTF (sur la notion de connaissance suffisante, ATF 143 V 105 consid. 2.4 p. 108 et les arrêts cités). Par ailleurs, elle fonde sa demande sur des motifs prévus par la loi, de sorte que sa demande de révision est recevable.

L’art. 123 al. 2 let. a LTF prévoit que la révision peut être demandée dans les affaires civiles et dans les affaires de droit public, si le requérant découvre après coup des faits pertinents ou des moyens de preuve concluants qu’il n’avait pas pu invoquer dans la procédure précédente, à l’exclusion des faits ou moyens de preuve postérieurs à l’arrêt. La jurisprudence a précisé que ces faits doivent être pertinents, c’est-à-dire de nature à modifier l’état de fait qui est à la base de l’arrêt attaqué et à aboutir à un jugement différent en fonction d’une appréciation juridique correcte (ATF 143 V 105 consid. 2.3 p. 107; 143 III 272 consid. 2.2 p. 275 et les arrêts cités).

Dans l’arrêt dont la révision est demandée, le Tribunal fédéral a considéré que l’appréciation de l’autorité cantonale de recours selon laquelle l’expertise de la Clinique Corela avait valeur probante et pouvait être suivie malgré l’avis divergent des médecins de la Clinique F.__ n’était pas critiquable.

Dans son arrêt 2C_32/2017 cité, le Tribunal fédéral a retenu que les expertises pratiquées auprès du « département expertise » de la Clinique Corela ont un poids déterminant pour de nombreux justiciables, de sorte que l’on doit attendre de ces expertises qu’elles soient rendues dans les règles de l’art. Il existe ainsi un intérêt public manifeste à ce que des acteurs intervenant dans des procédures administratives en tant qu’experts, et qui au demeurant facturent d’importants montants à la charge de la collectivité, rendent des expertises dans lesquelles l’administré et l’autorité peuvent avoir pleine confiance, ceux-ci n’étant le plus souvent pas des spécialistes des domaines en cause. Or de très importants manquements ont été constatés dans la gestion de l’institution de santé et en particulier des graves violations des devoirs professionnels incombant à une personne responsable d’un tel établissement. En particulier, cette personne qui était responsable médical du « département expertise » avait modifié (notamment sur des points non négligeables) et signé des dizaines d’expertises sans avoir vu les assurés et sans l’accord de l’expert, ce qui constituait un comportement inadmissible relevant d’un manquement grave au devoir professionnel. C’est pourquoi le Tribunal fédéral a jugé qu’une mesure de retrait de trois mois de l’autorisation d’exploiter le « département expertise » n’était pas contraire au droit (consid. 6 et 7 de l’arrêt cité).

En droit des assurances sociales, une évaluation médicale effectuée dans les règles de l’art revêt une importance décisive pour l’établissement des faits pertinents (ATF 122 V 157 consid. 1b p. 159). Elle implique en particulier la neutralité de l’expert, dont la garantie vise à assurer notamment que ses conclusions ne soient pas influencées par des circonstances extérieures à la cause et à la procédure (cf. ATF 137 V 210 consid. 2.1.3 p. 231), ainsi que l’absence de toute intervention à l’insu de l’auteur de l’expertise, les personnes ayant participé à un stade ou à un autre aux examens médicaux ou à l’élaboration du rapport d’expertise devant être mentionnées comme telles dans celui-ci. Or les manquements constatés au sein du « département expertise » par le Tribunal fédéral dans la procédure relative au retrait de l’autorisation de la Clinique D.________ soulèvent de sérieux doutes quant à la manière dont des dizaines d’expertises ont été effectuées au sein de cet établissement (arrêt 2C_32/2017 cité consid. 7.1) et portent atteinte à la confiance que les personnes assurées et les organes des assurances sociales sont en droit d’accorder à l’institution chargée de l’expertise (voir aussi arrêts 9F_5/2018 du 16 août 2018 consid. 2.3.2; 8C_657/2017 du 14 mai 2018 consid. 5.2.2). Dès lors, de même que l’assureur-accidents ou le juge ne peut se fonder sur un rapport médical qui, en soi, remplit les exigences en matière de valeur probante (sur ce point, cf. ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352) lorsqu’il existe des circonstances qui soulèvent des doutes quant à l’impartialité et l’indépendance de son auteur, fondés non pas sur une impression subjective mais une approche objective (ATF 137 V 210 consid. 6.1.2 p. 267; 132 V 93 consid. 7.1 p. 109 et la référence; arrêt 9C_104/2012 du 12 septembre 2012 consid. 3.1), il n’est pas admissible de reprendre les conclusions d’une expertise qui a été établie dans des circonstances ébranlant de manière générale la confiance placée dans l’institution mandatée pour l’expertise en cause.

 

En l’occurrence, l’expertise rendue par le spécialiste en neurochirurgie de la Clinique Corela, sur laquelle s’est essentiellement appuyée la juridiction cantonale pour nier le droit de l’assurée à des prestations de l’assurance-accidents à partir du 26.11.2014 et qui a été prise en considération dans la procédure principale par le Tribunal fédéral pour juger de la conformité au droit de l’appréciation des preuves par la cour cantonale, a été réalisée à une époque où le responsable médical du « département expertise » modifiait illicitement le contenu de rapports. En conséquence, cette expertise ne peut pas servir de fondement pour statuer sur le droit de l’assurée aux prestations de l’assurance-accidents. Peu importe le point de savoir si ledit responsable est concrètement intervenu dans la rédaction du rapport du spécialiste en neurochirurgie, voire en a modifié le contenu à l’insu de son auteur, parce qu’il n’est en tout état de cause pas possible d’accorder pleine confiance aux rapports, établis sous l’enseigne de la Clinique Corela. Les exigences liées à la qualité de l’exécution d’un mandat d’expertise médicale en droit des assurances sociales ne pouvaient être considérées comme suffisamment garanties au sein du « département expertise » de celle-ci (sur l’importance de la garantie de qualité de l’expertise administrative, SUSANNE LEUZINGER, Die Auswahl der medizinischen Sachverständigen im Sozialversicherungsverfahren [Art. 44 ATSG], in Soziale Sicherheit – Soziale Unsicherheit, Mélanges à l’occasion du 65ème anniversaire de Erwin Murer, 2010, p. 438). On relèvera à cet égard que les organes de l’assurance-invalidité ont renoncé à confier des mandats d’expertise à la Clinique Corela depuis 2015 (cf. réponse du Conseil fédéral à la question de Madame la Conseillère nationale Rebecca Ruiz 18.5054 « La clinique Corela a-t-elle encore la confiance de l’OFAS? »). Même si, comme le relève l’assurance-accidents dans sa réponse, l’assurée n’a pas contesté les conclusions du spécialiste en neurochirurgie au stade de la procédure de recours et que celles-ci, en soi, satisfont aux exigences en matière de valeur probante, on ne saurait toutefois s’y référer lorsque, comme en l’occurrence, il existe des circonstances qui soulèvent des doutes, fondés sur une approche objective, quant à l’impartialité et l’indépendance de son auteur.

Cela étant, les faits en cause sont de nature à modifier l’état de fait à la base de l’arrêt dont l’assurée demande la révision, dès lors que, eussent-ils été connus du Tribunal fédéral, ils auraient conduit celui-ci à donner une autre issue au litige, singulièrement à nier que l’expertise suivie par la juridiction cantonale pût servir de fondement pour la suppression du droit à prestations. Sur le rescindant, il s’impose dès lors d’annuler l’arrêt rendu le 06.11.2017 par la Ire Cour de droit social dans la cause 8C_221/2017.

 

Le TF admet la demande de révision et l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_221/2017 est annulé. La cause est renvoyée à l’assurance-accidents pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

 

 

Arrêt 8F_8/2018 consultable ici

 

 

9C_586/2018 (f) du 07.01.2019 – Révision procédurale – 53 al. 1 LPGA / Expertise médicale – Trouble factice – Faits nouveaux

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_586/2018 (f) du 07.01.2019

 

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Révision procédurale / 53 al. 1 LPGA

Expertise médicale – Trouble factice – Faits nouveaux

 

Assuré, né en 1963, serrurier de formation, occupait un poste de maître artisan chargé d’entretenir et de réparer le matériel au sein des ateliers d’une société. Le 09.09.2003, il a sollicité des prestations de l’AI en raison d’une atteinte à l’épaule droite qui l’empêchait d’exercer son métier depuis le 29.08.2002.

Après instruction habituelle et compte tenu de l’aggravation de la situation, le SMR a reconnu l’existence de différentes affections (état dépressif sévère, état de stress post-traumatique et retard mental sur le plan psychiatrique ; syndrome parkinsonien et syndrome de Meige sur le plan neurologique; status après opérations de la coiffe des rotateurs sur le plan rhumatologique) totalement incapacitantes depuis le mois de février 2006. Se fondant sur ces conclusions, l’office AI a dès lors alloué à l’assuré une rente entière d’invalidité à compter du 01.02.2007. L’administration a également pris en charge les coûts concernant deux appareils acoustiques (communication du 13.08.2009).

Au terme d’une procédure de révision initiée le 22.11.2012, l’office AI a constaté l’absence d’évolution de la situation médicale de l’assuré et confirmé son droit à une rente entière (communication du 20.12.2013).

Au cours de l’instruction d’une requête d’allocation pour impotent déposée le 28.01.2014, l’intéressé a averti l’administration qu’il avait été incarcéré du 12.05.2014 au 25.07.2014. Vu les informations recueillies auprès du Ministère public, l’office AI a d’abord suspendu le versement de la rente à compter du 30.04.2015 par voie de mesures pré-provisionnelles, puis provisionnelles. Il a ensuite requis un nouvel avis des médecins traitants qui ont pour l’essentiel confirmé leurs précédentes conclusions. Il a également mandaté la Clinique romande de réadaptation (CRR) pour qu’elle réalise une expertise pluridisciplinaire (rhumatologie/médecine interne, neurologie, psychiatrie). Les experts ont diagnostiqué un trouble factice, en plus de la surdité bilatérale et du status post-opératoire de l’épaule, et un possible blépharospasme n’influençant pas la capacité de travail dans une activité adaptée.

Se référant à l’expertise, l’office AI a considéré que l’assuré avait simulé les maladies qui lui avaient permis d’obtenir des prestations, ce qui constituait selon elle un fait nouveau, qui justifiait de revenir sur l’octroi de la prestation ; elle a supprimé la rente entière avec effet rétroactif au 01.02.2007.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 192/16 – 204/2018 – consultable ici)

La juridiction cantonale a considéré que les renseignements médicaux recueillis à l’époque de la décision d’octroi de 2007 et de la communication du 20.12.2013 ne permettaient pas d’exclure que les troubles constatés initialement aient cédé le pas à un contexte de simulation. Dès lors, le trouble factice retenu par les médecins de la CRR ne constituait pas un fait nouveau légitimant une révision au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA. La cour cantonale a aussi relevé que le trouble factice ne justifiait pas plus une reconsidération au sens de l’art. 53 al. 2 LPGA. Elle a encore apprécié le rapport d’expertise et l’a confronté aux autres rapports médicaux récoltés. Elle en a déduit une amélioration notable de l’état de santé de l’assuré au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA et a fixé la survenance de cette amélioration au mois de février 2012 au regard du développement des activités délictueuses.

Par jugement du 12.07.2018, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision en ce sens que la rente entière d’invalidité était supprimée à partir du 01.02.2012.

 

TF

La révision au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA implique la découverte postérieure à la décision principale de faits nouveaux importants ou de nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient pas être produits auparavant. Comme l’a déjà indiqué le Tribunal fédéral, les maladies ne peuvent être différenciées clairement les unes des autres en fonction de leurs symptômes de sorte qu’il ne serait pas judicieux de voir dans chaque modification ou correction a posteriori d’un diagnostic un motif justifiant une révision procédurale au sens de la disposition légale citée (cf. arrêt 9C_955/2012 du 13 février 2013 consid. 3.3.4). Dans ce contexte, les nouveaux résultats d’examen peuvent toutefois constituer un fait nouveau et entrer en considération comme motif de révision s’ils démontrent que, dans la procédure initiale, le médecin examinateur et l’autorité compétente auraient dû exercer leur pouvoir d’appréciation d’une façon nécessairement différente et parvenir à un autre résultat (cf. arrêt 9C_955/2012 du 13 février 2013 consid. 3.1 et 3.3.4; à titre d’exemple de résultats d’examen justifiant une révision procédurale, arrêt 8C_120/2017 du 20 avril 2017 consid. 2).

Or de tels éléments font défaut en l’espèce. Les médecins de la CRR ont certes relevé qu’aucune des hypothèses diagnostiques qui avaient été émises depuis dix ans et justifié l’allocation des prestations n’avait pas résisté au temps ni à l’analyse critique. Ils en ont inféré l’existence d’un trouble factice englobant les plaintes dépressives, les symptômes de l’état de stress post-traumatique, les manifestations théâtrales et histrioniques ainsi que la symptomatologie exprimée sur le versant somatique, au lieu des différents troubles retenus sur les plans psychiatrique ainsi que neurologique. Il s’agit d’une déduction reposant sur une analyse a posteriori de l’absence d’évolution de la situation médicale au regard des diagnostics posés originellement et de l’échec des traitements entrepris. A cet égard, les experts n’ont pas conclu – ou du moins pas expressément – à la présence du trouble factice dans la procédure initiale déjà. On ne retrouve nulle part dans leur rapport des conclusions indiquant clairement que l’assuré n’avait jamais présenté d’atteintes à la santé. Si leur analyse sur le plan neurologique de la composante organique, qui devait être niée ou du moins minimisée selon eux, ou de la production de certains symptômes, qu’ils qualifiaient d’artefactuelle, laisse supposer que des troubles de ce registre n’ont jamais existé, tel n’est manifestement pas le cas de leur analyse des affections psychiatriques. Les médecins de la CRR font effectivement état de leurs observations au moment de la réalisation de l’expertise, qui leur permet de nier l’existence actuelle de troubles de ce registre. Mais ils ne se prononcent aucunement sur l’évolution ou la crédibilité des pathologies diagnostiquées à l’époque (singulièrement, sur l’évolution de la gravité des épisodes dépressifs ou de la crédibilité des symptômes de l’état de stress post-traumatique tels qu’ils avaient été rapportés par les médecins traitants de l’époque).

Compte tenu des conclusions médicales, l’administration ne peut pas être suivie lorsqu’elle fait remonter les effets – ou l’absence d’effet – du trouble factice sur la capacité de travail au moment de la décision initiale déjà. Son point de vue ne trouve pas appui sur une constatation fondée sur des éléments concrets établissant que ladite décision comporterait des défauts objectifs comme l’exige la jurisprudence citée par le tribunal cantonal pour admettre l’application de l’art. 53 al. 1 LPGA (cf. ATF 127 V 353 consid. 5b p. 358).

 

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_586/2018 consultable ici

 

 

6B_52/2019 (f) du 05.03.2019 – proposé à la publication – Condamnation d’un footballeur pour lésions corporelles par négligence confirmée

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_52/2019 (f) du 05.03.2019, proposé à la publication

 

Arrêt consultable ici

Communiqué de presse du Tribunal fédéral du 22.03.2019 disponible ici

 

Condamnation d’un footballeur pour lésions corporelles par négligence confirmée

 

Le Tribunal fédéral confirme la condamnation, pour lésions corporelles par négligence, d’un footballeur amateur ayant pratiqué un tacle dangereux sur un adversaire et ayant, sans intention, cassé sa cheville, cette faute ayant été sanctionnée par un carton jaune. Il rejette le recours formé par le condamné contre l’arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg.

Durant la rencontre de deux équipes amateurs dans le canton de Fribourg, un joueur avait taclé son adversaire, possesseur du ballon, à la hauteur de la cheville avec la jambe tendue, lui causant une fracture de la cheville. L’arbitre avait sanctionné l’action avec un carton jaune ; il avait, à cet égard, considéré que l’auteur du tacle avait – sans agir intentionnellement – joué dangereusement. En novembre dernier, le Tribunal cantonal du canton de Fribourg avait confirmé la condamnation du joueur, prononcée par le Juge de police compétent, pour lésions corporelles simples par négligence, à une peine de 40 heures de travail d’intérêt général avec sursis.

Le Tribunal fédéral rejette le recours du condamné. Se comporte par négligence celui qui ne fait pas montre de la prudence qui aurait été nécessaire compte tenu des circonstances et de sa situation personnelle. S’agissant d’une lésion corporelle infligée lors d’une rencontre sportive, le devoir de prudence et le risque accepté tacitement par le lésé résultent des règles de jeu applicables et de l’interdiction générale de porter atteinte à autrui. Les règles du jeu servent notamment à empêcher les accidents et à protéger les joueurs. Selon les règles du football (Lois du jeu de l’« International Football Association Board »), un joueur doit être averti notamment s’il commet, avec imprudence, une faute au contact sanctionnée par un coup franc. Dans le cas d’espèce, dès lors que l’arbitre a sanctionné l’auteur du tacle par un carton jaune, il a considéré que celui-ci avait commis une violation importante des règles du jeu, sans tenir compte, de plus, du caractère dangereux ou des conséquences de son acte pour son adversaire.

Au vu de la dangerosité du tacle pratiqué, la violation de la règle de jeu visant à protéger les autres joueurs doit être qualifiée de grave. Dans ces conditions, on ne saurait admettre que le lésé aurait accepté la lésion corporelle comme un risque inhérent à la pratique du football. Il n’est pas déterminant que la violation des règles du jeu soit sanctionnée par une exclusion ou un avertissement.

 

 

Arrêt 6B_52/2019 consultable ici

 

 

Arrêt de la CJUE C‑372/18 du 14.03.2019 – Revenus du patrimoine de résidents français affiliés au régime de sécurité sociale suisse ne peuvent pas être soumis à des contributions de sécurité sociale en France

Arrêt de la CJUE C‑372/18 du 14.03.2019

 

Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne consultable ici et communiqué de presse disponible ici

 

Les revenus du patrimoine de résidents français affiliés au régime de sécurité sociale suisse ne peuvent pas être soumis à des contributions sociales visant à financer des prestations de sécurité sociale en France.

M. et Mme Raymond Dreyer sont des résidents fiscaux français affiliés au régime de sécurité sociale suisse, M. Dreyer ayant effectué sa carrière professionnelle en Suisse. En 2016, l’administration fiscale française a assujetti les époux Dreyer, au titre de revenus du patrimoine perçus en France au cours de l’année 2015, à des contributions et prélèvements affectés, notamment, à la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Considérant que les prestations gérées par cet organisme et financées par les contributions et prélèvements en cause sont des prestations de sécurité sociale, les époux Dreyer ont contesté, devant la justice française, leur assujettissement à ces contributions et prélèvements, estimant que, puisqu’ils sont déjà affiliés au régime de sécurité sociale suisse, ils n’ont pas à contribuer au financement du régime de sécurité sociale français. En effet, le règlement de l’Union sur la coordination des systèmes de sécurité sociale 1 dispose que les personnes auxquelles il est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre, la Suisse étant considérée à cet égard comme un État membre.

Saisie du litige opposant les époux Dreyer à l’administration fiscale française, la Cour administrative d’appel de Nancy (France) a exprimé des doutes sur la nature des prestations financées par les contributions et prélèvements affectés à la CNSA. Elle demande donc à la Cour de justice si ces prestations, à savoir l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation compensatoire du handicap (PCH), peuvent être considérées comme des prestations de sécurité sociale.

Dans son arrêt du 14.03.2019, la Cour rappelle qu’une prestation peut être considérée comme une prestation de sécurité sociale dans la mesure où, d’une part, elle est octroyée aux bénéficiaires en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire de leurs besoins personnels, sur la base d’une situation légalement définie (première condition), et où, d’autre part, elle se rapporte à l’un des risques visés par le règlement en cause (seconde condition).

La Cour rappelle également que la prise en compte des ressources du bénéficiaire aux seules fins du calcul du montant effectif des prestations sur la base de critères objectifs et légalement définis n’implique pas une appréciation individuelle des besoins personnels de ce bénéficiaire. Tel est le cas, selon la Cour, de l’APA et de la PCH, étant donné que la prise en compte des ressources du bénéficiaire ne concerne que les modalités de calcul de ces prestations, ces dernières devant être octroyées lorsque le demandeur remplit, indépendamment du niveau de ses ressources, les conditions qui ouvrent le droit aux prestations.

Dans ce contexte, la Cour précise que la nécessité d’évaluer, aux fins de l’octroi de l’APA et de la PCH, le degré de perte d’autonomie ou de handicap du demandeur n’implique pas non plus une appréciation individuelle des besoins personnels de ce demandeur. En effet, l’évaluation de la perte d’autonomie et du handicap est effectuée par un médecin ou un professionnel d’une équipe médico-sociale ou par une équipe pluridisciplinaire au regard de grilles, de listes et de référentiels prédéfinis, c’est à-dire à partir de critères objectifs et légalement définis qui, dès lors qu’ils sont remplis, ouvrent le droit à la prestation correspondante.

Enfin, la Cour considère que, dès lors qu’il résulte à la fois de son arrêt du 14.03.2019 et des constatations de la juridiction de renvoi que les deux conditions précitées sont remplies et que l’APA et la PCH sont des « prestations de sécurité sociale », il n’y a pas lieu de vérifier si ces deux prestations sont des « prestations spéciales en espèces à caractère non contributif » au sens du règlement, la Cour ayant déjà jugé que ces deux notions s’excluent mutuellement.

 

 

Communiqué de presse de la Cour de justice de l’Union européenne du 14.03.2019 disponible ici

Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne C‑372/18 du 14.03.2019 consultable ici

Demande de décision préjudicielle présentée par la cour administrative d’appel de Nancy (France) le 07.06.2018 consultable ici

 

 

8C_239/2018 (f) du 12.02.2019 – destiné à la publication – Envoi de la preuve de recherches d’emploi par courrier électronique admissible / Preuve de la réception du courriel dans la sphère de contrôle de l’ORP incombe à l’expéditeur

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_239/2018 (f) du 12.02.2019, destiné à la publication

 

Arrêt consultable ici

Communiqué de presse du Tribunal fédéral disponible ici

 

L’envoi de la preuve de recherches d’emploi par courrier électronique est admissible. La preuve que le courriel est arrivé dans la sphère de contrôle de l’ORP incombe à l’expéditeur.

 

La preuve des recherches personnelles d’emploi peut aussi être transmise à l’Office régional de placement (ORP) compétent par courrier électronique. Toutefois, en cas de litige, il appartient à l’expéditeur d’apporter la preuve que son e-mail est arrivé à temps dans la sphère de contrôle de l’ORP. Pour cela, une confirmation de réception de l’envoi par le destinataire est suffisante.

Un ORP en Suisse romande avait suspendu en 2017 le droit à l’indemnité de chômage d’un assuré pendant 16 jours, au motif que ce dernier n’avait pas remis ses recherches personnelles d’emploi relatives au mois précédent dans le délai légal. L’intéressé faisait valoir qu’il avait envoyé à temps la preuve de ses recherches d’emploi par courrier électronique. Le Tribunal cantonal du canton de Vaud a admis son recours (arrêt ACH 190/17 – 30/2018 du 06.02.2018). Il est arrivé à la conclusion que la copie de son courriel, auquel était annexé la copie du formulaire « preuves des recherches personnelles en vue de trouver un emploi » ainsi que la copie d’écran attestant l’envoi dudit courriel, suffisaient à démontrer la remise dans le délai légal des preuves de recherches d’emploi. Dès lors que le conseiller en personnel de l’ORP affirmait ne pas avoir reçu le courrier électronique, l’hypothèse d’un problème de communication interne au sein de l’ORP devait être privilégiée, ce dont l’assuré ne répondait pas.

Le Tribunal fédéral admet le recours du Service cantonal de l’emploi. A l’inverse d’autres domaines juridiques, le droit des assurances sociales ne règlemente pas expressément la transmission des écrits par voie électronique. Selon la pratique du Tribunal fédéral, une opposition formée par e-mail contre une décision d’un assureur social n’est pas recevable. A la différence d’une opposition, le formulaire de preuve des recherches d’emploi ne constitue pas un acte de procédure et n’est pas non plus soumis à une forme particulière. Son envoi à l’autorité par la voie électronique est dès lors admissible. Il convient toutefois de souligner le manque de fiabilité du trafic électronique en général, et en particulier les difficultés liées à la preuve de l’arrivée d’un message électronique dans la sphère de contrôle du destinataire. L’expéditeur est dès lors tenu de requérir du destinataire une confirmation de réception de son courriel contenant la preuve de ses recherches d’emploi et, en l’absence de cette confirmation, de procéder par la voie postale. En l’espèce, l’intéressé n’a pas apporté la preuve que son courrier électronique était arrivé à temps dans la sphère d’influence de l’ORP et doit donc en supporter les conséquences.

 

 

Arrêt 8C_239/2018 consultable ici

 

 

8C_46/2018 (f) du 11.01.2019 – Revenu d’invalide selon l’ESS – tableau TA1_skill_levels et non pas TA1_b – 16 LPGA / Niveau de compétences 2 vs 3 et niveau 1 vs 2 – Aptitude concrète de la personne assurée / Abattement lié aux années de service – Différence de raisonnement entre niveau de compétences 1 et niveau de compétences 2

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_46/2018 (f) du 11.01.2019

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide selon l’ESS – tableau TA1_skill_levels et non pas TA1_b / 16 LPGA

Niveau de compétences 2 vs 3 et niveau 1 vs 2 – Aptitude concrète de la personne assurée

Abattement lié aux années de service – Différence de raisonnement entre niveau de compétences 1 et niveau de compétences 2

 

Assuré, né en 1958, au bénéfice d’un CFC de vendeur, travaille depuis 1975 au service d’une société et a été promu gérant du magasin en 2005.

Le 25.08.2009, l’assuré a fait une chute d’une centaine de mètres lors d’une randonnée en montagne. Il en est résulté un polytraumatisme. L’assuré a subi diverses interventions chirurgicales. L’évolution, lentement favorable, a été marquée par un retard de consolidation de la fracture. Le 15.02.2010, l’assuré a repris à 50% son travail de gérant de magasin, mais en raison d’un rendement insuffisant, la direction de la société l’a muté peu après dans un autre établissement à un poste de vendeur avec moins de responsabilités, sans modification de salaire.

L’assurance-accidents a mis sur pied une expertise rhumatologique et psychiatrique. Selon les experts, il existait des limitations fonctionnelles pour toute activité mettant en charge le membre inférieur gauche. Le poste actuel de vendeur en rayon était moins adapté que celui de gérant de magasin. Un travail respectant toutes les limitations décrites était exigible en plein. A la suite de la discussion entre l’assurance-accidents, l’assuré, l’employeur et un conseiller en réadaptation professionnelle de l’AI, l’assuré a été licencié de son poste de gérant au 31.03.2013 et réengagé en qualité de chef de rayon à 100% avec une incapacité de travail de 25% prise en charge par l’assurance-accidents. Après une nouvelle intervention chirurgicale, l’assuré n’a pas pu reprendre son travail de chef de rayon au-delà de 75%. L’employeur lui a alors proposé une modification de son contrat de travail à un taux d’activité réduit de 50% dès le 01.05.2014, ce que le prénommé a accepté.

Entre-temps, à la demande de l’assurance-accidents, l’expert rhumatologue a réexaminé l’assuré. Elle a indiqué que la situation était stabilisée et que, dans le poste actuel de vendeur, non adapté, la capacité de travail de l’assuré ne dépassait pas 50%. Comme gérant de succursale, elle se montait à 80%. Dans un poste de travail en position alternée, ne nécessitant pas de s’agenouiller et de travailler en terrain instable, elle atteignait 90%.

Par décision confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis fin aux indemnités journalières au 30.04.2014. L’assurance-accidents a retenu à titre de revenu d’invalide un montant annuel de 79’667.20. Elle s’est fondée sur le salaire mensuel brut que peuvent réaliser les hommes au niveau 3 dans la branche du commerce de détail (ligne 47) d’après le tableau TA1_b de l’ESS 2012. Après adaptation de ce salaire à la durée hebdomadaire de travail dans les entreprises suisses pour l’année 2014 ainsi qu’à l’évolution des salaires nominaux, elle est parvenue à un montant annualisé de 88’519 fr. 15. Ce montant, rapporté au taux d’activité exigible de 90%, donnait 79’667 fr. 20. L’assurance-accidents n’a effectué aucun abattement sur ce salaire statistique. L’assurance-accidents a refusé d’allouer une rente provisoire compte tenu d’un degré d’invalidité de 9,35%. Elle a retenu en outre qu’en absence de droit à une rente, le traitement médical de soutien dont l’assuré avait besoin au-delà du 30.11.2015 était à charge de l’assureur-maladie.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a considéré que l’on ne pouvait prendre comme référence le salaire statistique correspondant à une position de responsable dans le commerce du détail dès lors que l’assuré n’avait plus été capable de reprendre son poste de gérant du magasin après son accident. L’éventualité d’assumer la gérance d’un magasin plus grand avait également été abandonnée en raison du niveau de compétence insuffisant de l’assuré pour se former à une telle responsabilité. Quant à l’activité actuelle de vendeur en rayon, il était unanimement admis qu’elle était incompatible avec les séquelles de l’accident et ne mettait pas pleinement en valeur la capacité résiduelle de travail raisonnablement exigible. Il convenait bien plutôt de se fonder sur le total de la catégorie des tâches physiques ou manuelles simples, à savoir le niveau de compétence 1, du tableau TA1_skill_level de l’ESS 2012 qui comprenait un large panel d’activités assez variées et accessibles à l’assuré sans formation particulière. La cour cantonale a en outre opéré un abattement de 5% sur le salaire statistique retenu afin de tenir compte du fait que l’assuré avait travaillé depuis 1975 auprès du même employeur. Elle a abouti, après tous les ajustements nécessaires, à un revenu d’invalide de 56’621 fr. 40.

Par jugement du 28.11.2017, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision et reconnaissant le droit de l’assuré à une rente d’invalidité de 36% dès le 01.05.2014 ainsi qu’à la prise en charge du traitement médical après cette date.

 

TF

Tableau ESS

Le Tribunal fédéral relève et rappelle qu’en cas de référence aux statistiques de l’ESS dans leur version révisée à partir de 2012, il y a lieu d’appliquer le tableau TA1_skill_levels et non pas TA1_b (ATF 142 V 178; arrêt 8C_228/2017 du consid. 4.2.2). C’est donc à juste titre que la cour cantonale ne s’est pas référée au tableau TA1_b à l’instar de l’assurance-accidents. Le fait qu’elle ne s’est pas fondée sur le salaire statistique d’une branche économique particulière n’est pas non plus critiquable.

 

Niveau de compétences

La version 2012 de l’ESS a introduit quatre niveaux de compétences définis en fonction du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l’expérience professionnelle (MARGIT MOSER-SZELESS, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 35 ad art. 16 LPGA). Le niveau 1 est désormais le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs/trices, les cadres de direction et les gérant[e]s, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l’utilisation de machines et d’appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (voir les pages 11 et 12 de l’ESS 2012). L’accent est donc mis sur le type de tâches que l’assuré est susceptible d’assumer en fonction de ses qualifications mais pas sur les qualifications en elles-mêmes (voir arrêt 9C_901/2017 du 28 mai 2018 consid. 3.3).

En l’occurrence, le type de travail encore à la portée de l’assuré en fonction de son niveau de formation justifie qu’il soit placé au niveau de compétence 2. En effet, on ne saurait exiger de lui qu’il effectue des tâches pratiques complexes du niveau 3 qu’il n’a jamais fait et pour lesquelles il ne possède au demeurant pas les qualifications. Par ailleurs, la seule circonstance que l’assuré n’a pas été en mesure de poursuivre son activité de gérant de magasin après son accident ne signifie pas que le champ des activités exigibles de sa part serait désormais restreint à des tâches manuelles simples relevant du niveau de compétence 1, soit à des emplois non qualifiées. Au vu de sa formation et de son parcours professionnel dans le domaine de la vente, ainsi que du résultat de l’expertise psychiatrique – d’après laquelle il n’y a pas de perturbation des fonctions cognitives liée à l’accident -, on ne voit pas ce qui imposerait de retenir une telle limitation dans le type de travail qui lui reste accessible. Il s’ensuit que le salaire de référence est celui que peuvent prétendre des hommes au niveau de compétence 2, soit 5’633 fr. par mois (TA1_skill_level, ligne Total, ESS 2012, p. 35). Après les adaptations usuelles, on aboutit à un revenu d’invalide annuel de 64’441 fr. 40 en 2014 pour un taux d’activité de 90%.

 

Abattement

En ce qui concerne la prise en compte d’un abattement de 5% lié aux années de service, il est vrai qu’elle ne se justifierait pas dans le cadre du choix du niveau de compétence 1 de l’ESS 2012, l’influence de la durée de service sur le salaire étant peu importante dans cette catégorie d’emplois qui ne nécessitent ni formation ni expérience professionnelle spécifique (voir 8C_103/2018 du 25 juillet 2018 consid. 5.2). Il en va toutefois différemment à partir du niveau de compétence 2 s’agissant d’emplois qualifiés dans lesquels l’expérience professionnelle accumulée auprès d’un même employeur est davantage valorisée. Il y a donc lieu d’admettre que l’assuré subit un désavantage salarial à ce titre par rapport aux autres employés qualifiés du niveau de compétence 2 dans la mesure où il se trouve en situation de réintégration professionnelle après plus de 35 ans de service auprès du même employeur. Un abattement de 5% à ce titre apparaît approprié. Cela donne un revenu d’invalide annuel de 61’219 fr. 30.

L’assuré a donc droit, à compter du 01.05.2014, à une rente d’invalidité LAA fondée sur un taux d’incapacité de gain de 31%.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_46/2018 consultable ici

 

 

6B_1131/2018 (f) du 21.01.2019 – Notion de voie publique – 1 LCR – 1 OCR / Place publique lors d’un jour de marché

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1131/2018 (f) du 21.01.2019

 

Consultable ici

 

Notion de voie publique / 1 LCR – 1 OCR

Place publique lors d’un jour de marché

 

 

Né en 1973, X.__ travaille comme commerçant indépendant sur les marchés. Il tient en particulier un stand de service traiteur et de vente de fromages sur la place A.__. Il bénéficie d’une autorisation de circuler sur cette place.

Son casier judiciaire fait état de diverses condamnations depuis 2011, dont deux pour conduite d’un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l’interdiction de l’usage du permis. Le fichier ADMAS de X.__ fait état de sept retraits du permis de conduire, prononcés entre 2002 et 2014, le dernier pour une durée indéterminée.

Le 10.05.2017, X.__ s’est rendu au marché A.__ afin de tenir son stand. Plus tard dans la journée, à 15h, son activité terminée, il a pris le volant de son véhicule automobile, qui tractait une remorque, avant d’être interpellé tandis qu’il circulait sur la place A.__. Il était alors sous le coup d’une mesure de retrait du permis de conduire.

Par jugement du 27.02.2018, le Tribunal de police a condamné X.__, pour conduite d’un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l’interdiction de l’usage du permis (art. 95 al. 1 let. b LCR), à une peine privative de liberté de 90 jours.

Par jugement du 27.08.2018, la Cour d’appel pénale a partiellement admis l’appel formé par le prénommé contre ce jugement et a réformé celui-ci en ce sens que X.__ est condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 30 fr. le jour (arrêt AM17.010149-GALN/VFE – consultable ici).

 

TF

Selon l’article premier LCR, cette loi régit la circulation sur la voie publique ainsi que la responsabilité civile et l’assurance pour les dommages causés par des véhicules automobiles, des cycles ou des engins assimilés à des véhicules (al. 1). Les conducteurs de véhicules automobiles et les cyclistes sont soumis aux règles de la circulation sur toutes les routes servant à la circulation publique ; les autres usagers de la route ne sont soumis à ces règles que sur les routes ouvertes entièrement ou partiellement aux véhicules automobiles ou aux cycles (al. 2). L’art. 1 al. 2 OCR précise que sont publiques les routes qui ne servent pas exclusivement à l’usage privé.

Selon la jurisprudence, il y a lieu de retenir une conception large de la notion de route publique. Ainsi, les places, les ponts, les tunnels, etc. sont à considérer comme routes au sens de la LCR (ATF 86 IV 29 consid. 2 p. 31). Le facteur déterminant n’est pas de savoir si la surface de la route est en propriété privée ou publique, mais si elle est utilisée pour la circulation générale et si son usage est possible pour un groupe indéterminé de personnes, même si son utilisation est limitée (ATF 104 IV 105 consid. 3 p. 108; 101 IV 173 p. 175; arrêt 6B_1219/2016 du 9 novembre 2017 consid. 1.2).

Pour déterminer si une voie doit être qualifiée de publique au sens de la LCR – et par conséquent si cette loi y trouve application -, il convient de tenir compte de son utilisation effective. La voie est publique dès qu’elle peut être parcourue par un cercle indéterminé de personnes, cela même si son utilisation est réservée à certains buts déterminés – par exemple l’accès à une école ou à une église – puisque, même dans un tel cas, le cercle d’usagers reste indéterminé (cf. ATF 86 IV 29 consid. 2 p. 30 s.). Doit ainsi être qualifié de voie publique le parking d’un immeuble comprenant des places pour visiteurs, dès lors que celui-ci est accessible à un nombre indéterminé de personnes (cf. arrêts 6B_507/2012 du 1er novembre 2012 consid. 2.1; 6S.286/2003 du 26 septembre 2003 consid. 3.2), de même qu’une route qui, par sa situation, ne serait fréquentée que par des chasseurs, des promeneurs, des employés communaux ou des propriétaires privés, ceux-ci constituant également un cercle indéterminé de personnes (cf. arrêt 6B_847/2011 du 21 août 2012 consid. 2.5). En revanche, une voie interdite à la circulation et dont l’utilisation est subordonnée à l’obtention d’une autorisation écrite ne saurait être qualifiée de publique, dès lors qu’elle n’est accessible qu’à un cercle déterminé de personnes (cf. arrêt 6S.411/2005 du 21 mars 2006 consid. 2).

Selon la cour cantonale, il est notoire que la place A.__ est une place publique, où la circulation est interdite sauf pour les véhicules dûment autorisés, s’agissant notamment des commerçants exerçant leur activité les jours de marché.

Il n’est pas contesté que la place A.__ doive être qualifiée de « route » au sens de l’art. 1 al. 1 OCR. Une telle qualification est possible même s’agissant d’un espace destiné et réservé aux piétons (cf. BUSSY/RUSCONI/JEANNERET/KUHN/MIZEL/MÜLLER, Code suisse de la circulation routière, commentaire, 4e éd. 2015, n° 1 ad art. 1 OCR).

L’art. 1 al. 2 OCR énonce clairement que sont publiques toutes les routes, sauf celles servant exclusivement à l’usage privé. Cette norme doit conduire à considérer qu’une place publique, librement accessible aux piétons et dont l’usage n’est nullement privé, constitue une route publique au sens de la LCR, quand bien même seul un cercle déterminé d’usagers automobiles pourrait l’emprunter. Le fait que le règlement de police de la ville de B.__ évoque l’existence de zones qui ne seraient pas soumises à la LCR mais sur lesquelles pourraient circuler des véhicules autorisés ne change rien à cette acception de la « route publique » selon l’OCR.

Partant, la cour cantonale n’a pas violé le droit fédéral en considérant que les règles de la LCR trouvaient application en l’espèce.

 

Le TF rejette le recours de X.__.

 

 

Arrêt 6B_1131/2018 consultable ici

 

 

9C_553/2018 (f) du 22.01.2019 – Notions d’invalidité – 8 LPGA – 4 LAI / Troubles post-TCC sans preuve d’un déficit organique / Evaluation de l’incapacité de travail relative aux troubles somatoformes douloureux et les affections psychosomatiques assimilées, étendus à l’ensemble des affections psychiques

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_553/2018 (f) du 22.01.2019

 

Consultable ici

 

Notions d’invalidité / 8 LPGA – 4 LAI

Troubles post-TCC sans preuve d’un déficit organique

Evaluation de l’incapacité de travail relative aux troubles somatoformes douloureux et les affections psychosomatiques assimilées (ATF 141 V 281), étendus à l’ensemble des affections psychiques (ATF 143 V 418)

 

Assurée, médecin spécialiste en dermatologie et vénéréologie et en médecine interne, a travaillé dans le service de médecine interne d’un l’hôpital depuis 2008 en qualité de cheffe de clinique à 80%, puis à 100% dès novembre 2010. Le 22.03.2011, elle a été heurtée par une voiture dans un rond-point alors qu’elle circulait à bicyclette. L’accident a entraîné une contusion du genou gauche et du genou droit, une contusion thoracique gauche, ainsi qu’un traumatisme crânio-cérébral (TCC). L’assurée s’est ensuite installée comme dermatologue indépendante à temps partiel.

Expertise médicale conjointe (entre l’assureur-accidents et l’office AI) confiée à un spécialiste en neurologie, avec volets psychiatrique et neuropsychologique. Le spécialiste en psychiatrie et psychothérapie n’a retenu aucun diagnostic psychiatrique avec ou sans effet sur la capacité de travail, celle-ci étant entière. De son côté, en se fondant notamment sur l’examen neuropsychologique, le spécialiste en neurologie a conclu que la capacité de travail de l’assurée dans son activité habituelle de dermatologue était de 50% depuis 2011 en raison de troubles de la lignée attentionnelle et de la gestion de tâches multiples, très nettement modulés par le stress et la fatigue. Le neurologue avait aussi constaté que l’évolution neurologique était normale, n’avait fait état d’aucune lésion organique, respectivement d’aucune atteinte reposant sur un substrat organique démontrable. L’office AI a encore réalisé une enquête économique pour les indépendants.

L’office AI a nié le droit de l’assurée à des prestations de l’assurance-invalidité, motif pris de l’absence d’atteinte à la santé objectivement insurmontable et propre à se répercuter sur la capacité de gain.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 281/17 – 165/2018 – consultable ici)

La juridiction cantonale a constaté que l’assurée présente un status après TCC avec commotion cérébrale (survenu le 22.03.2011), sans lésion organique objectivable (aucune anomalie au cerveau, ni de lésion neurologique), et ne souffre d’aucune atteinte psychique.

Dans le cadre de l’examen du degré de gravité fonctionnel de l’atteinte à la santé, les juges cantonaux ont constaté que l’assurée ne bénéficiait pas d’un suivi psychothérapeutique et ne prenait pas de médication. Par ailleurs, elle disposait de très bonnes ressources et avait pu développer une activité indépendante au taux de 40-50%, ce qui lui avait permis de réaliser un chiffre d’affaires de 130’000 fr. en 2013, de 236’000 fr. en 2014, puis de plus de 300’000 fr. en 2015. Parallèlement à son activité indépendante, elle conservait un emploi à 10% auprès de l’hôpital comme médecin agréé. Elle était aussi directrice de la campagne G.__ en 2016, et figurait sur le site de la Société suisse de dermatologie et vénéréologie comme membre. Dès lors que l’assurée était intégrée professionnellement et socialement et qu’il n’existait pas d’éléments plaidant en faveur d’une limitation d’activité, que ce soit dans la vie professionnelle, sociale ou familiale, la demande de prestations avait été rejetée à juste titre.

Par jugement du 07.06.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Sous l’angle du droit des assurances sociales, la jurisprudence admet qu’une atteinte subie lors d’un accident au niveau de la colonne cervicale ou de la tête puisse entraîner des troubles durables limitant la capacité de travail et de gain, même sans preuve d’un déficit fonctionnel organique (soit objectivable). De telles atteintes sont caractérisées par un tableau clinique complexe et multiple (ATF 119 V 335 consid. 1 p. 338; 117 V 359 consid. 4b p. 360), avec des plaintes de nature physique et psychique étroitement imbriquées qui ne peuvent guère être différenciées (ATF 134 V 109 consid. 7.1 p. 118). Ces principes développés dans le domaine de l’assurance-accidents obligatoire – et en particulier en relation avec la causalité adéquate entre l’accident et l’atteinte à la santé (cf. ATF 134 V 109; 117 V 363) – sont également déterminants pour l’assurance-invalidité. Dans ce domaine également une atteinte particulière de la colonne cervicale – ou de la tête – sans preuve d’un déficit fonctionnel organique objectivable, avec le tableau clinique complexe et multiple, typique pour ce genre de troubles, peut influencer la capacité de travail et de gain (arrêt 8C_437/2008 du 30 juillet 2009 consid. 6.3). Dans de tels cas, on ne saurait déduire directement une capacité de travail illimitée du défaut d’éléments médicaux objectivables (ATF 136 V 279 consid. 3.1 p. 280 s.). Le fait de savoir si l’atteinte en cause, qui se caractérise par l’absence de déficit fonctionnel organique objectivable, entraîne une incapacité de travail et est invalidante, se juge à l’aune de la jurisprudence relative aux troubles somatoformes douloureux et affections psychosomatiques assimilées (ATF 136 V 279 consid. 3.2.3 p. 283, qui renvoie à l’ATF 130 V 352 [aujourd’hui cf. ATF 141 V 281] et a été confirmé par l’ATF 139 V 547 consid. 7.1.2 p. 560).

Le fait que les tests neuropsychologiques effectués ont mis en évidence des troubles de cet ordre ne permet pas de retenir qu’elle souffre d’un déficit fonctionnel organique objectivable. Les différents médecins consultés n’ont pas diagnostiqué de lésion organique. La seule constatation de troubles neuropsychologiques apparus à la suite d’un TCC (« post TCC ») ne suffit pas pour établir la présence d’une atteinte organique (cf. arrêt 8C_427/2013 du 19 mars 2014 consid. 5.2). De même, la constatation médicale selon laquelle le neurologue-expert a indiqué ne pas trouver une autre cause susceptible d’expliquer la symptomatologie que l’accident du 22.03.2011 ne permet pas d’établir un substrat organique aux troubles en cause.

Les troubles sans preuve d’un déficit organique – dont font partie, sous l’angle du droit de l’assurance-invalidité, une atteinte de la colonne cervicale (traumatisme de type « coup du lapin ») ou une atteinte de la tête après un traumatisme crânio-cérébral sans déficit organique – sont attribués, en relation avec leurs effets invalidants, aux atteintes psychosomatiques sans étiologie claire pour des raisons qui tiennent à l’égalité de traitement, respectivement qu’ils sont évalués selon les règles valables par analogie pour celles-ci (cf. arrêt 8C_170/2018 du 12 septembre 2018 consid. 4.2.7).

En ce qui concerne ensuite l’appréciation de la capacité de travail de l’assurée effectuée par la juridiction cantonale à l’aune des indicateurs prévus par la jurisprudence (ATF 141 V 281 consid. 4.1.3 p. 297), l’assurée ne la critique pas concrètement. Elle se contente de soutenir que si les premiers juges ne trouvaient pas convaincantes les expertises diligentées par l’intimé, il leur appartenait « à tout le moins d’ordonner une nouvelle expertise, répondant aux nouveaux critères ou indicateurs définis en la matière, même si ceux-ci ne sont guère adaptés aux TCC ». Avec cette argumentation, elle perd cependant de vue que

La juridiction cantonale s’est fondée sur les éléments ressortant des expertises respectives des spécialistes en neurologie et psychiatrie pour suivre le schéma d’évaluation applicable en l’espèce. Dès lors qu’elle en a tiré des indications suffisantes pour se prononcer, les juges cantonaux n’avaient aucun motif d’ordonner une nouvelle expertise. Le tribunal cantonal a mis en évidence les éléments prépondérants (avant tout l’insertion tant professionnelle [activité indépendante en développement, activité accessoire et autres activités liées à la profession de dermatologue] que sociale et familiale, à laquelle on peut ajouter l’absence de tout indice d’une limitation uniforme du niveau d’activités dans tous les domaines comparables de la vie) qui conduisent à nier, du point de vue juridique, tout effet limitatif des troubles en cause sur la capacité de travail, malgré l’avis concordant du neurologue-expert et de la cheffe du Service de neuropsychologie et de neuroréhabilitation, sur une incapacité de travail de 50% dans l’activité exercée.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_553/2018 consultable ici