Archives par mot-clé : Jurisprudence

9C_553/2018 (f) du 22.01.2019 – Notions d’invalidité – 8 LPGA – 4 LAI / Troubles post-TCC sans preuve d’un déficit organique / Evaluation de l’incapacité de travail relative aux troubles somatoformes douloureux et les affections psychosomatiques assimilées, étendus à l’ensemble des affections psychiques

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_553/2018 (f) du 22.01.2019

 

Consultable ici

 

Notions d’invalidité / 8 LPGA – 4 LAI

Troubles post-TCC sans preuve d’un déficit organique

Evaluation de l’incapacité de travail relative aux troubles somatoformes douloureux et les affections psychosomatiques assimilées (ATF 141 V 281), étendus à l’ensemble des affections psychiques (ATF 143 V 418)

 

Assurée, médecin spécialiste en dermatologie et vénéréologie et en médecine interne, a travaillé dans le service de médecine interne d’un l’hôpital depuis 2008 en qualité de cheffe de clinique à 80%, puis à 100% dès novembre 2010. Le 22.03.2011, elle a été heurtée par une voiture dans un rond-point alors qu’elle circulait à bicyclette. L’accident a entraîné une contusion du genou gauche et du genou droit, une contusion thoracique gauche, ainsi qu’un traumatisme crânio-cérébral (TCC). L’assurée s’est ensuite installée comme dermatologue indépendante à temps partiel.

Expertise médicale conjointe (entre l’assureur-accidents et l’office AI) confiée à un spécialiste en neurologie, avec volets psychiatrique et neuropsychologique. Le spécialiste en psychiatrie et psychothérapie n’a retenu aucun diagnostic psychiatrique avec ou sans effet sur la capacité de travail, celle-ci étant entière. De son côté, en se fondant notamment sur l’examen neuropsychologique, le spécialiste en neurologie a conclu que la capacité de travail de l’assurée dans son activité habituelle de dermatologue était de 50% depuis 2011 en raison de troubles de la lignée attentionnelle et de la gestion de tâches multiples, très nettement modulés par le stress et la fatigue. Le neurologue avait aussi constaté que l’évolution neurologique était normale, n’avait fait état d’aucune lésion organique, respectivement d’aucune atteinte reposant sur un substrat organique démontrable. L’office AI a encore réalisé une enquête économique pour les indépendants.

L’office AI a nié le droit de l’assurée à des prestations de l’assurance-invalidité, motif pris de l’absence d’atteinte à la santé objectivement insurmontable et propre à se répercuter sur la capacité de gain.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 281/17 – 165/2018 – consultable ici)

La juridiction cantonale a constaté que l’assurée présente un status après TCC avec commotion cérébrale (survenu le 22.03.2011), sans lésion organique objectivable (aucune anomalie au cerveau, ni de lésion neurologique), et ne souffre d’aucune atteinte psychique.

Dans le cadre de l’examen du degré de gravité fonctionnel de l’atteinte à la santé, les juges cantonaux ont constaté que l’assurée ne bénéficiait pas d’un suivi psychothérapeutique et ne prenait pas de médication. Par ailleurs, elle disposait de très bonnes ressources et avait pu développer une activité indépendante au taux de 40-50%, ce qui lui avait permis de réaliser un chiffre d’affaires de 130’000 fr. en 2013, de 236’000 fr. en 2014, puis de plus de 300’000 fr. en 2015. Parallèlement à son activité indépendante, elle conservait un emploi à 10% auprès de l’hôpital comme médecin agréé. Elle était aussi directrice de la campagne G.__ en 2016, et figurait sur le site de la Société suisse de dermatologie et vénéréologie comme membre. Dès lors que l’assurée était intégrée professionnellement et socialement et qu’il n’existait pas d’éléments plaidant en faveur d’une limitation d’activité, que ce soit dans la vie professionnelle, sociale ou familiale, la demande de prestations avait été rejetée à juste titre.

Par jugement du 07.06.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Sous l’angle du droit des assurances sociales, la jurisprudence admet qu’une atteinte subie lors d’un accident au niveau de la colonne cervicale ou de la tête puisse entraîner des troubles durables limitant la capacité de travail et de gain, même sans preuve d’un déficit fonctionnel organique (soit objectivable). De telles atteintes sont caractérisées par un tableau clinique complexe et multiple (ATF 119 V 335 consid. 1 p. 338; 117 V 359 consid. 4b p. 360), avec des plaintes de nature physique et psychique étroitement imbriquées qui ne peuvent guère être différenciées (ATF 134 V 109 consid. 7.1 p. 118). Ces principes développés dans le domaine de l’assurance-accidents obligatoire – et en particulier en relation avec la causalité adéquate entre l’accident et l’atteinte à la santé (cf. ATF 134 V 109; 117 V 363) – sont également déterminants pour l’assurance-invalidité. Dans ce domaine également une atteinte particulière de la colonne cervicale – ou de la tête – sans preuve d’un déficit fonctionnel organique objectivable, avec le tableau clinique complexe et multiple, typique pour ce genre de troubles, peut influencer la capacité de travail et de gain (arrêt 8C_437/2008 du 30 juillet 2009 consid. 6.3). Dans de tels cas, on ne saurait déduire directement une capacité de travail illimitée du défaut d’éléments médicaux objectivables (ATF 136 V 279 consid. 3.1 p. 280 s.). Le fait de savoir si l’atteinte en cause, qui se caractérise par l’absence de déficit fonctionnel organique objectivable, entraîne une incapacité de travail et est invalidante, se juge à l’aune de la jurisprudence relative aux troubles somatoformes douloureux et affections psychosomatiques assimilées (ATF 136 V 279 consid. 3.2.3 p. 283, qui renvoie à l’ATF 130 V 352 [aujourd’hui cf. ATF 141 V 281] et a été confirmé par l’ATF 139 V 547 consid. 7.1.2 p. 560).

Le fait que les tests neuropsychologiques effectués ont mis en évidence des troubles de cet ordre ne permet pas de retenir qu’elle souffre d’un déficit fonctionnel organique objectivable. Les différents médecins consultés n’ont pas diagnostiqué de lésion organique. La seule constatation de troubles neuropsychologiques apparus à la suite d’un TCC (« post TCC ») ne suffit pas pour établir la présence d’une atteinte organique (cf. arrêt 8C_427/2013 du 19 mars 2014 consid. 5.2). De même, la constatation médicale selon laquelle le neurologue-expert a indiqué ne pas trouver une autre cause susceptible d’expliquer la symptomatologie que l’accident du 22.03.2011 ne permet pas d’établir un substrat organique aux troubles en cause.

Les troubles sans preuve d’un déficit organique – dont font partie, sous l’angle du droit de l’assurance-invalidité, une atteinte de la colonne cervicale (traumatisme de type « coup du lapin ») ou une atteinte de la tête après un traumatisme crânio-cérébral sans déficit organique – sont attribués, en relation avec leurs effets invalidants, aux atteintes psychosomatiques sans étiologie claire pour des raisons qui tiennent à l’égalité de traitement, respectivement qu’ils sont évalués selon les règles valables par analogie pour celles-ci (cf. arrêt 8C_170/2018 du 12 septembre 2018 consid. 4.2.7).

En ce qui concerne ensuite l’appréciation de la capacité de travail de l’assurée effectuée par la juridiction cantonale à l’aune des indicateurs prévus par la jurisprudence (ATF 141 V 281 consid. 4.1.3 p. 297), l’assurée ne la critique pas concrètement. Elle se contente de soutenir que si les premiers juges ne trouvaient pas convaincantes les expertises diligentées par l’intimé, il leur appartenait « à tout le moins d’ordonner une nouvelle expertise, répondant aux nouveaux critères ou indicateurs définis en la matière, même si ceux-ci ne sont guère adaptés aux TCC ». Avec cette argumentation, elle perd cependant de vue que

La juridiction cantonale s’est fondée sur les éléments ressortant des expertises respectives des spécialistes en neurologie et psychiatrie pour suivre le schéma d’évaluation applicable en l’espèce. Dès lors qu’elle en a tiré des indications suffisantes pour se prononcer, les juges cantonaux n’avaient aucun motif d’ordonner une nouvelle expertise. Le tribunal cantonal a mis en évidence les éléments prépondérants (avant tout l’insertion tant professionnelle [activité indépendante en développement, activité accessoire et autres activités liées à la profession de dermatologue] que sociale et familiale, à laquelle on peut ajouter l’absence de tout indice d’une limitation uniforme du niveau d’activités dans tous les domaines comparables de la vie) qui conduisent à nier, du point de vue juridique, tout effet limitatif des troubles en cause sur la capacité de travail, malgré l’avis concordant du neurologue-expert et de la cheffe du Service de neuropsychologie et de neuroréhabilitation, sur une incapacité de travail de 50% dans l’activité exercée.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_553/2018 consultable ici

 

 

9C_597/2018 (f) du 18.01.2019 – Notion d’invalidité – Marché équilibré du travail – 16 LPGA / Capacité de travail exigible reconnue pour un assuré âgé d’environ 60 ans malgré de nombreuses limitations fonctionnelles mais ne visant que les mouvements répétés ou physiquement lourds

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_597/2018 (f) du 18.01.2019

 

Consultable ici

 

Notion d’invalidité – Marché équilibré du travail / 16 LPGA

Capacité de travail exigible reconnue pour un assuré âgé d’environ 60 ans malgré de nombreuses limitations fonctionnelles mais ne visant que les mouvements répétés ou physiquement lourds

 

 

Assuré, né en 1956, a exercé les métiers de chauffeur poids lourds, livreur ou machiniste. Le 18.10.2012, il a requis des prestations de l’office AI en raison des problèmes totalement incapacitants qui affectaient son membre supérieur droit.

Entre autres mesures d’instruction, l’administration a recueilli l’avis des médecins traitants. Le SMR en a déduit l’existence d’une radiculopathie C5/6 droite, déficitaire sur le plan moteur, évoluant dans le cadre de troubles dégénératifs du rachis depuis juillet 2012 et prohibant la pratique de toute activité nécessitant l’usage du bras dominant, dont celle de chauffeur. En raison cependant de doutes et d’incohérences quant à l’étiologie et l’évolution de la maladie retenue par les médecins traitants, le SMR a préconisé la mise en place d’une surveillance de l’intéressé. Les résultats obtenus l’ont amené à exclure l’existence de tout diagnostic incapacitant.

Après procédure contentieuse, l’office AI a confié la réalisation d’une expertise pluridisciplinaire. Les experts ont conclu que les divers troubles interdisent l’exercice de l’activité habituelle de chauffeur depuis juillet 2012 mais autorisant la pratique à plein temps de toute activité adaptée depuis le début 2013. Le SMR ayant entériné les conclusions des experts, l’administration a rejeté une nouvelle fois la demande.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 28.06.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assuré reproche, entre autres, au tribunal cantonal d’avoir violé le droit fédéral en niant que, âgé de soixante ans et un mois révolus (au lieu de soixante ans et deux mois à cinq jours près), il avait atteint l’âge à partir duquel la jurisprudence considère généralement qu’il n’existe plus de possibilité réaliste de mise en valeur de la capacité résiduelle de travail sur le marché équilibré du travail.

L’invalidité est une notion économique (ATF 110 V 273 consid. 4a p. 275 s.) qui s’analyse en fonction du marché équilibré du travail qui est une notion théorique et abstraite impliquant notamment un équilibré entre l’offre et la demande de main d’œuvre ainsi qu’un marché du travail structuré de telle sorte qu’il offre un éventail d’emplois diversifiés tant au regard des exigences professionnelles et intellectuelles qu’au niveau des sollicitations physiques (cf. notamment arrêt 9C_326/2018 du 5 octobre 2018 consid. 6.2 et les références).

Il n’est pas irréaliste d’admettre qu’un tel marché équilibré, et non concret, offre à un assuré âgé d’environ soixante ans disposant d’une pleine capacité de travail de réelles possibilités d’embauche dans une activité adaptée ne nécessitant pas l’utilisation répétitive du bras droit en élévation et en force, les mouvements itératifs contraignants pour le rachis dorso-lombaire en flexion/extension/ inclinaison/rotation, de travail avec des engins émettant des vibrations, le port répété de charges supérieures à quinze kilo, un engagement physique lourd, de positions agenouillées et permettant l’alternance des positions. D’autant plus que, si les limitations fonctionnelles mentionnées par les médecins du CEMed peuvent sembler nombreuses, il convient de les relativiser dans la mesure où elles ne visent que les mouvements répétés ou physiquement lourds.

 

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_597/2018 consultable ici

 

 

6B_1255/2018 (f) du 22.01.2019 – Escroquerie en matière d’assurances et d’aide sociale – Tromperie astucieuse – Définition générale de l’astuce – 146 CP / Bénéficiaire du revenu d’insertion n’annonçant pas des revenus tirés d’une activité lucrative

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1255/2018 (f) du 22.01.2019

 

Consultable ici

 

Escroquerie en matière d’assurances et d’aide sociale – Tromperie astucieuse – Définition générale de l’astuce / 146 CP

Bénéficiaire du revenu d’insertion n’annonçant pas des revenus tirés d’une activité lucrative

 

X.__, née en 1976, ressortissante de Pologne, s’est installée en Suisse en 2005, a bénéficié du revenu d’insertion (ci-après : RI), tout en travaillant de manière épisodique et en connaissant plusieurs périodes de chômage. Cette prestation a été versée par le Centre social régional (ci-après : CSR).

Alors qu’elle était au bénéfice du RI, X.__ a reçu sur son compte no xxx, dont l’existence avait été annoncée aux services sociaux, plusieurs montants dont elle n’a pas annoncé la perception aux services sociaux. Entre mai 2011 et décembre 2012, X.__ a omis d’annoncer aux services sociaux les revenus qu’elle tirait de l’activité lucrative exercée dans une pizzeria. Entre septembre 2013 et décembre 2013, la prénommée a omis d’annoncer aux services sociaux les revenus qu’elle réalisait en exerçant une activité auprès d’une société.

Par jugement du 16.05.2018, le Tribunal de police a condamné X.__, pour escroquerie, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 10 fr. le jour, avec sursis durant deux ans, ainsi qu’à une amende de 600 francs.

 

Procédure cantonale (arrêt PE17.014894-LGN – consultable ici)

La cour cantonale a exposé que X.__ avait, entre le 29.06.2009 et décembre 2013, perçu des salaires, des indemnités de l’assurance-chômage, des pensions alimentaires et autres revenus. Versées sur son compte, ces sommes représentaient un montant total de 7’405 fr. 95. Dès lors que le compte en question avait été annoncé au CSR, les services sociaux pouvaient aisément avoir connaissance des revenus concernés en consultant les relevés bancaires. Il aurait été loisible à l’autorité administrative de demander à X.__ la production de ces extraits de compte. Pour la cour cantonale, il s’agissait de vérifications élémentaires que l’on pouvait attendre du CSR au vu des circonstances, de sorte qu’il n’y avait pas eu tromperie astucieuse.

Par jugement du 11.09.2018, la cour d’appel pénale a partiellement admis l’appel formé par X.__ et a réformé celui-ci en ce sens que la prénommée est condamnée, pour escroquerie, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 10 fr. le jour, avec sursis durant deux ans. La cour cantonale a libéré X.__ d’une partie des faits fondant le chef de prévention d’escroquerie.

 

TF

Aux termes de l’art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d’escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers. L’escroquerie consiste à tromper la dupe par des affirmations fallacieuses, par la dissimulation de faits vrais ou par un comportement qui la conforte dans son erreur. Pour qu’il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas. Il faut encore qu’elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l’art. 146 CP, lorsque l’auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu’il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n’est pas possible, ne l’est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l’auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu’elle renoncera à le faire en raison d’un rapport de confiance particulier (ATF 142 IV 153 consid. 2.2.2 p. 154 s.; 135 IV 76 consid. 5.2 p. 79 s.). L’astuce n’est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence que l’on pouvait attendre d’elle. Il n’est cependant pas nécessaire qu’elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu’elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d’être trompée. L’astuce n’est exclue que si elle n’a pas procédé aux vérifications élémentaires que l’on pouvait attendre d’elle au vu des circonstances. Une co-responsabilité de la dupe n’exclut toutefois l’astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 142 IV 153 consid. 2.2.2 p. 155; 135 IV 76 consid. 5.2 p. 80 s.).

La définition générale de l’astuce est également applicable à l’escroquerie en matière d’assurances et d’aide sociale. L’autorité agit de manière légère lorsqu’elle n’examine pas les pièces produites ou néglige de demander à celui qui requiert des prestations les documents nécessaires afin d’établir ses revenus et sa fortune, comme par exemple sa déclaration fiscale, une décision de taxation ou des extraits de ses comptes bancaires. En revanche, compte tenu du nombre de demandes d’aide sociale, une négligence ne peut être reprochée à l’autorité lorsque les pièces ne contiennent pas d’indice quant à des revenus ou à des éléments de fortune non déclarés ou qu’il est prévisible qu’elles n’en contiennent pas. En l’absence d’indice lui permettant de suspecter une modification du droit du bénéficiaire à bénéficier des prestations servies, l’autorité d’assistance n’a pas à procéder à des vérifications particulières (arrêts 6B_392/2016 du 10 novembre 2016 consid. 2.1.2; 6B_117/2015 du 11 février 2016 consid. 23.2 et les références citées).

L’infraction d’escroquerie se commet en principe par une action. Tel est le cas lorsqu’elle est perpétrée par actes concluants (ATF 140 IV 11 consid. 2.3.2 p. 14). L’assuré qui a l’obligation de communiquer toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation, ne respecte pas cette obligation et continue à percevoir les prestations allouées initialement à juste titre, n’adopte pas un comportement actif de tromperie. Le fait de continuer à percevoir les prestations allouées ne saurait être interprété comme la manifestation positive – par acte concluant – du caractère inchangé de la situation. Il convient en revanche d’analyser la situation de façon différente lorsque la perception de prestations est accompagnée d’autres actions permettant objectivement d’interpréter le comportement de l’assuré comme étant l’expression du caractère inchangé de la situation. Tel sera le cas lorsque l’assuré ne répond pas ou pas de manière conforme à la vérité aux questions explicites de l’assureur destinées à établir l’existence de modification de la situation personnelle, médicale ou économique; il n’est en effet plus question alors d’une escroquerie par omission, mais d’une tromperie active (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.1.3 p. 209 et les références citées).

 

En l’espèce, le dossier cantonal comprend divers formulaires, complétés par X.__ durant les périodes où les sommes litigieuses ont été versées sur le compte bancaire concerné. L’existence de ces documents avait d’ailleurs été prise en compte par le tribunal de première instance. On ne comprend pas, à la lecture du jugement attaqué, si et de quelle manière les formulaires en question ont été considérés par la cour cantonale. On ne saisit pas davantage quelles « circonstances » auraient dû pousser le CSR à procéder à des vérifications particulières s’agissant du compte bancaire que possédait X.__.

Ainsi, l’état de fait de l’autorité précédente ne permet pas de comprendre si et dans quelle mesure X.__ a pu adopter un comportement non seulement passif, mais aussi actif en ne répondant pas – ou pas de manière conforme à la vérité – aux questions qui lui ont été posées par les services sociaux concernant sa situation économique au fil des mois. On rappellera, à cet égard, que le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de confirmer – dans une affaire vaudoise – que le prévenu qui perçoit l’aide sociale et, mois après mois, remplit et signe les formules du CSR en s’abstenant de signaler des revenus, adopte un comportement actif (cf. arrêt 6B_117/2015 du 11 février 2016 consid. 23.3.2).

 

 

Le TF admet le recours du Ministère public, annule le jugement attaqué et renvoie la cause à l’autorité cantonale pour nouvelle décision.

 

 

Arrêt 6B_1255/2018 consultable ici

 

 

8C_405/2018 (f) du 22.01.2019 – Libération des conditions relatives à la période de cotisation – 14 LACI / Emplois exercés par un détenu en prison pas considérés comme activité lucrative – Rémunération non soumise à cotisation à l’assurance-chômage / Statut de travailleur salarié vs personne considérée comme sans activité lucrative

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_405/2018 (f) du 22.01.2019

 

Consultable ici

 

Libération des conditions relatives à la période de cotisation / 14 LACI

Emplois exercés par un détenu en prison pas considérés comme activité lucrative – Rémunération non soumise à cotisation à l’assurance-chômage

Statut de travailleur salarié vs personne considérée comme sans activité lucrative

 

Assuré, né en 1969, a été détenu en prison du 08.02.2013 au 19.03.2016, date à laquelle il a été transféré dans un établissement fermé, où il a séjourné jusqu’en début mars 2017.

Le 07.03.2017, il s’est inscrit en tant que demandeur d’emploi à plein temps. Il a requis l’allocation de l’indemnité de chômage à partir du 02.03.2017, en indiquant, dans le formulaire de demande, que son dernier employeur était la commune de U.__, au service de laquelle il avait travaillé de 1998 à 2004.

La caisse de chômage a ouvert un délai-cadre d’indemnisation à partir du 07.03.2017, pour le versement de 90 indemnités journalières, compte tenu de la libération des conditions relatives à la période de cotisation en relation avec la détention de l’intéressé. L’assuré a requis de la caisse de chômage qu’elle tienne compte des activités exercées en prison puis dans l’établissement fermé pour le calcul de son droit à l’indemnité de chômage. Il a produit diverses attestations émanant de ces deux établissements.

Par décision, confirmée sur opposition, la caisse de chômage a rejeté la demande, au motif que la rémunération relative aux emplois occupés pendant son incarcération n’était pas soumise aux cotisations sociales.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/360/2018 – consultable ici)

La cour cantonale a retenu que les activités en cause n’étaient pas assimilées à un emploi ordinaire, bien qu’elles fussent rémunérées, dès lors que la rétribution versée n’équivalait pas à un salaire. Elle a relevé en particulier que le travail carcéral avait pour objectif de garantir notamment l’ordre et la gestion économique des établissements pénitentiaires et que les conditions de travail en prison étaient particulières (système fermé, temps moins long, types d’activité limités). En outre, la rémunération était insaisissable (art. 83 al. 2 CP), contrairement au salaire perçu par les travailleurs dans la vie extérieure. De l’avis des juges cantonaux, le détenu ne pouvait donc pas être considéré comme un travailleur ordinaire, pas plus qu’un établissement pénitentiaire ne pouvait être qualifié d’employeur privé ou public ordinaire. Par ailleurs, étant donné que les emplois exercés par les détenus en prison n’étaient pas considérés comme une activité lucrative et que la rémunération ne correspondait pas à un salaire, aucune cotisation à l’assurance-chômage n’était déduite de cette rémunération.

Par jugement du 26.04.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 8 al. 1 let. e LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (art. 13 et 14 LACI).

Aux termes de l’art. 13 al. 1 LACI, celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 [LACI]), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation. Selon l’art. 14 al. 1 let. c LACI, sont libérées des conditions relatives à la période de cotisation les personnes qui, dans les limites du délai-cadre et pendant plus de douze mois au total, n’étaient pas parties à un rapport de travail et, partant, n’ont pu remplir les conditions relatives à la période de cotisation, notamment en raison d’un séjour dans un établissement suisse de détention ou d’éducation au travail, ou dans une institution suisse de même nature.

Il ressort des directives DIN (directives de l’OFAS sur les cotisations des travailleurs indépendants et des personnes sans activités lucratives dans l’AVS, AI et APG) que sont réputés personnes sans activité lucrative, s’ils ont leur domicile civil en Suisse, les détenus (inculpés et condamnés) et les personnes internées en exécution d’une mesure prévue par le code pénal ou d’une décision administrative qui, durant leur séjour dans l’établissement, n’ont aucun revenu d’activité lucrative, ni au service d’un tiers, ni au service de l’établissement lui-même ; la rémunération au sens de l’art. 83 CP n’est pas considérée comme le produit d’un travail.

Après analyse, le Tribunal fédéral conclut que l’assuré ne peut se prévaloir des directives DIN pour fonder son droit à des indemnités de chômage calculées sur la base d’une période de cotisation suffisante selon l’art. 13 LACI.

Pour qu’un assuré remplisse les conditions relatives à la période de cotisation au sens de l’art. 13 al. 1 LACI, il faut notamment qu’il ait eu le statut de travailleur (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 8 ad art. 13 LACI). Le statut de travailleur salarié est défini à l’art. 2 al. 1 let. a LACI comme le travailleur (art. 10 LPGA) obligatoirement assuré selon la LAVS et devant payer des cotisations sur le revenu d’une activité dépendante en vertu de cette loi. Aussi, la notion de travailleur (salarié) dans l’assurance-chômage est-elle étroitement liée à l’exercice d’une activité dépendante au sens de la LAVS. Or, sous réserve de cas particuliers relevant des régimes en partie ouverts, comme la semi-détention (cf. ATF 141 V 466 consid. 4.3 p. 469), les personnes en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, purgeant une peine de privation de liberté, ou en exécution d’une mesure prévue par le Code pénal, sont considérées comme des personnes sans activité lucrative selon la LAVS (cf. Message du 24 mai 1946 sur le projet de loi sur l’assurance-vieillesse et survivants, FF 1946 II 513; FELIX FREY, in AHVG/IVG Kommentar, 2018, n° 2 ad art. 10 LAVS; MICHEL VALTERIO, Droit de l’assurance-vieillesse et survivants [AVS] et de l’assurance-invalidité [AI], 2011, p. 154 n. 502 et p. 824 n. 3028 s.). En particulier, l’obligation du détenu de travailler en vertu de l’art. 81 al. 1 CP ne relève pas de l’exercice d’une activité lucrative (ATF 139 I 180 consid. 1.8 p. 184; 138 V 281 consid. 3.2 p. 283; arrêts 8C_139/2007 du 30 mai 2008 consid. 3.1, in SVR 2008 EL n° 5 p. 19; 8C_176/2007 du 25 octobre 2007 consid. 4.2, in SVR 2008 IV n° 32 p. 104); la rémunération versée aux détenus sur la base de l’art. 83 CP ne constitue donc pas un revenu provenant d’une activité dépendante (FELIX FREY, op. cit.; STEFAN KELLER, Lücken und Tücken der Deckung der Sozialversicherung und Sozialhilfe im Freiheitsentzug, Revue Suisse de Criminologie (RSC) I/2017 p. 77; MEIER/PÄRLI, Sozialversicherungsrechtliche Fragen bei Beschäftigungsverhältnissen unter sozialhilferechtlichen Bedingungen, RSAS I/2018 p. 24).

Il s’ensuit que l’assuré doit être considéré comme une personne sans activité lucrative, quand bien même il a travaillé pendant sa détention et perçu une rémunération au sens des art. 81 al. 1 et 83 CP. L’impossibilité, pendant la détention, d’être partie à un rapport de travail sur le marché ordinaire de l’emploi découle d’ailleurs de l’art. 14 LACI qui conçoit la privation de liberté comme un motif de libération des conditions relatives à la période de cotisation.

Selon le Tribunal fédéral, les premiers juges ont retenu à juste titre que l’assuré ne remplissait pas les conditions de l’art. 13 al. 1 LACI mais bel et bien celles de l’art. 14 al. 1 let. c LACI.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_405/2018 consultable ici

 

 

9C_678/2018 (f) du 28.11.2018 – Obligation d’organiser des débats publics – 6 § 1 CEDH / Droit d’être entendu – 29 al. 2 Cst.

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2018 (f) du 28.11.2018

 

Consultable ici

 

Assurance-invalidité – Procédure cantonale

Obligation d’organiser des débats publics / 6 § 1 CEDH

Droit d’être entendu / 29 al. 2 Cst.

 

Assurée, née en 1975, travaillant à temps partiel en dernier lieu comme caissière, a déposé une demande AI en mars 2013. Entre autres mesures d’instruction, l’office AI a diligenté une expertise pluridisciplinaire. En se fondant sur les conclusions des experts, selon lesquels l’assurée n’avait jamais présenté une incapacité durable de travail, l’office AI a rejeté la demande de prestations.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2017 27 – consultable ici)

Par jugement du 21.08.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Obligation d’organiser des débats publics

L’obligation d’organiser des débats publics au sens de l’art. 6 par. 1 CEDH suppose une demande formulée de manière claire et indiscutable de l’une des parties au procès ; de simples requêtes de preuves, comme des demandes tendant à une comparution ou à une interrogation personnelle, à un interrogatoire des parties, à une audition des témoins ou à une inspection locale, ne suffisent pas pour fonder une semblable obligation (ATF 136 I 279 consid. 1 p. 281 et les arrêts cités).

En l’espèce, dans la procédure cantonale, l’assurée n’a pas formulé de demande claire et indiscutable pour la tenue de débats publics. Dans son recours, elle a seulement requis « qu’un deuxième échange d’écritures soit ordonné et que ses médecins traitants soient entendus en séance publique ». A la suite des premiers juges, il faut admettre que cette requête correspond à une proposition de preuve tendant à l’audition des médecins de l’assurée. La juridiction cantonale n’a dès lors commis aucune violation de l’art. 6 par. 1 CEDH.

Compte tenu de l’absence d’une requête tendant à l’organisation de débats publics, l’argumentation de l’assurée selon laquelle « en cas de rejet des moyens de preuve offerts, les débats publics (plaidoiries et possibilité donnée au justiciable de se prononcer), doivent être ordonnés à moins que le recourant y renonce expressément », est également mal fondée.

 

Droit d’être entendu

Les garanties minimales en matière de droit d’être entendu découlant de l’art. 29 al. 2 Cst. ne comprennent en principe pas le droit d’être entendu oralement (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 p. 76; arrêt 8C_72/2018 du 13 novembre 2018 consid. 2.2 et les références). La jurisprudence a en revanche déduit de ces garanties, le droit pour le justiciable de s’exprimer dans le cadre de la procédure, avant qu’une décision soit prise à son détriment, ce qui suppose que la possibilité lui soit concrètement offerte de faire entendre son point de vue (droit à la réplique ; ATF 138 I 484 consid. 2.1 p. 485 et les arrêts cités). Pour sauvegarder le droit à la réplique, il suffit cependant, en principe, que les prises de position ou pièces versées à la procédure soient transmises aux parties pour information, lorsqu’on peut attendre de leur part, notamment des personnes représentées par un avocat ou disposant de connaissances en droit, qu’elles prennent position sans y être invitées ; dès lors, si une partie considère qu’il est nécessaire de répliquer à une prise de position qui lui est notifiée, elle doit sans retard soit requérir l’autorisation de se déterminer, soit adresser sa réplique au tribunal (ATF 138 I 484 consid. 2.2 p. 486 et les arrêts cités). Si elle n’agit pas dans un certain laps de temps (cf. arrêts 2C_560/2012 et 2C_561/2012 du 21 janvier 2013 consid. 4.4), elle est réputée avoir renoncé à se prononcer.

En l’espèce, la juridiction cantonale a transmis à l’assurée les observations déposées par l’office AI, en l’informant qu’elle n’estimait pas nécessaire d’ordonner un second échange d’écritures, par un courrier daté du 06.09.2017. Au regard du dossier cantonal, l’assurée ne s’est pas manifestée à la suite de cette correspondance, et la cause a été jugée le 21.08.2018. Elle a donc renoncé à se prononcer notamment sur les observations de l’intimé. Dans ces circonstances, en n’entendant pas personnellement l’assurée, ni son avocat, les premiers juges n’ont pas violé le droit d’être entendue de l’assurée.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_678/2018 consultable ici

 

 

9C_835/2018 (f) du 24.01.2019 – Enfant devenue majeure reconnue débitrice des primes LAMal impayées avant sa majorité / Pas de revirement de la jurisprudence à ce sujet selon le TF

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_835/2018 (f) du 24.01.2019

 

Consultable ici

 

Enfant devenue majeure reconnue débitrice des primes LAMal impayées avant sa majorité

Pas de revirement de la jurisprudence à ce sujet selon le TF

 

L’assurée et sa sœur sont respectivement nées en 1995 et en 1998. Mineures, elles ont été affiliées par leur mère auprès d’une caisse-maladie pour l’assurance obligatoire des soins à partir du mois de janvier 2009.

Les nombreuses poursuites engagées contre la mère pour l’encaissement notamment des primes relatives à l’assurance obligatoire des soins des deux filles pour la période comprise entre les mois de janvier 2009 et juillet 2014 ont abouti à des actes de défaut de biens. Les filles étant cependant devenues majeures, la caisse-maladie a entrepris de recouvrer ses créances directement auprès de celles-ci, les conviant à acquitter le montant de la totalité des factures impayées, ainsi que des frais et intérêts y relatifs. A défaut de paiement dans le délai imparti, elle a requis les poursuites de l’assurée, pour un montant de 9’412 fr. 90, ainsi que de sa sœur, pour une somme de 6’795 fr. 35. Par décision, confirmée sur opposition, la caisse-maladie a levé l’opposition formée par l’assurée au commandement de payer notifié dans la poursuite n° xxx à hauteur de 9’486 fr. 20 (9’412 fr. 90 auxquels s’ajoutaient les frais de poursuite de 73 fr. 30).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/967/2018 – consultable ici)

Le tribunal cantonal a considéré que l’assurée était débitrice – personnellement – des arriérés de primes d’assurance résultant du contrat conclu en sa faveur par sa mère alors qu’elle était encore mineure. Pour parvenir à cette conclusion, il a rappelé qu’il ne lui appartenait pas de modifier la jurisprudence du Tribunal fédéral, particulièrement l’arrêt 9C_660/2007 du 25 avril 2008 selon lequel les assureurs-maladie étaient libres de poursuivre l’enfant majeur pour les coûts échus alors qu’il était encore mineur. Il a en outre précisé que les différentes interventions parlementaires traitant de cette problématique n’importaient pas dans la mesure où elles n’avaient pas conduit à une modification de la loi. Il a par ailleurs constaté que le montant des primes dues s’élevait à 8’289 fr. 25 et que le droit d’en réclamer le paiement n’était pas périmé. Il a toutefois relevé que certains frais de rappels, sommations ou poursuites n’étaient pas dus dans la mesure où ce n’était pas l’assurée qui en avait personnellement fait l’objet mais sa mère.

Par jugement du 23.10.2018, le tribunal cantonal a réformé la décision administrative litigieuse en ce sens que la mainlevée définitive de l’opposition au commandement de payer dans la poursuite n° xxx était prononcée à concurrence de 8’362 fr. 85 avec intérêts à 5% à compter du 9 novembre 2016.

 

TF

L’assurée sollicite le réexamen de l’arrêt 9C_660/2007 du 25 avril 2008. Elle invoque à cet égard le fardeau que représente le transfert de dettes à de jeunes adultes en se fondant sur un rapport du Conseil fédéral relatif à la situation d’endettement des personnes dans les ménages suisses, la faiblesse de l’argumentation sur laquelle repose l’arrêt 9C_660/2007 et le manque de coordination ou cohérence avec d’autres domaines du droit, la nouvelle teneur de l’art. 64a al. 1 LAMal (en vigueur depuis le 01.01.2012) ainsi que les contradictions qui existeraient dans la jurisprudence. Elle déduit de ces différents éléments que la situation actuelle cause une situation injuste d’endettement pour les jeunes adultes que le législateur ne peut avoir voulu et qui, compte tenu du déroulement de débats parlementaires sur l’exonération des enfants du paiement des primes, mérite d’être corrigée par le Tribunal fédéral.

Un revirement de jurisprudence peut se justifier lorsqu’il apparaît que les circonstances ou les conceptions juridiques ont évolué ou qu’une autre pratique respecterait mieux la volonté du législateur. Les motifs du changement doivent être objectifs et d’autant plus sérieux que la jurisprudence est ancienne afin de ne pas porter atteinte sans raison à la sécurité du droit (ATF 139 V 307 consid. 6.1 p. 312 s.).

Ces conditions ne sont en l’occurrence pas remplies. En effet, l’arrêt 9C_660/2007 critiqué expose clairement les bases légales spéciales – ou, autrement dit, la volonté du législateur – qui régissent la conclusion des contrats d’assurance pour l’assurance obligatoire des soins pour des enfants ainsi que la solidarité de ceux-ci avec leurs parents pour le paiement des primes ou des coûts de participation sans qu’apparaisse une contradiction avec les dispositions relevant d’autres domaines spécifiques du droit citées par l’assurée. Par ailleurs, il n’apparaît pas que les circonstances ni que les conceptions juridiques aient évolué de façon significative. D’une part, si l’art. 64a al. 1 LAMal, en relation avec l’art. 105b OAMal, a bien été modifié à compter du 01.01.2012 par l’introduction de la procédure de sommation, cette modification n’a aucune incidence sur le droit de l’assureur-maladie de poursuivre l’enfant devenu majeur pour ses dettes échues avant sa majorité dès lors qu’auparavant, l’existence d’un seul rappel écrit adressé à un parent les y autorisait déjà. D’autre part, les débats parlementaires invoqués dans le recours et concernant l’exonération du paiement des primes d’assurance-maladie pour les enfants ou d’autres sujets similaires n’ont abouti à aucune modification législative.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_835/2018 consultable ici

 

Sur ce sujet, cf. également l’avis du Conseil fédéral du 13.02.2019 (postérieur au présent arrêt du TF) à la motion Brand 18.4176 « LAMal. Les parents restent débiteurs des primes des enfants à charge »

 

 

8C_163/2018 (d) du 28.01.2019 – proposé à la publication – Nouvelle réadaptation des bénéficiaires de rente AI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_163/2018 (d) du 28.01.2019, proposé à la publication

 

Consultable ici

Communiqué de presse du TF du 22.02.2019 disponible ici

 

Nouvelle réadaptation des bénéficiaires de rente AI / 7 al. 2 LAI – 8a LAI

 

Les bénéficiaires de rentes AI présentant un potentiel de réadaptation n’ont pas seulement un droit, mais également un devoir de participer à des mesures de nouvelle réadaptation raisonnables. La volonté de participer à de telles mesures n’est pas une condition préalable. Un motif de révision n’est pas non plus nécessaire afin d’ordonner des mesures de réadaptation.

En 2017, l’office AI du canton d’Uri a supprimé le droit à la rente d’une assurée, après que celle-ci eut interrompu une mesure de réadaptation, sous la forme d’un entraînement à l’endurance, et qu’elle ne l’eut pas repris, malgré une mise en demeure avec délai de réflexion. La Cour suprême du canton d’Uri a rejeté le recours formé contre cette décision.

Le Tribunal fédéral rejette à son tour le recours formé contre ce jugement. Il arrive à la conclusion que les bénéficiaires de rentes AI avec un potentiel de réadaptation ont non seulement un droit, mais également un devoir de participer activement à des mesures raisonnables, même en l’absence d’un motif de révision. La participation à des mesures de nouvelle réadaptation n’est dès lors pas une option pour la personne bénéficiaire d’une rente. Selon l’art. 7 al. 2 LAI, la personne assurée doit participer activement à la mise en œuvre de toutes les mesures raisonnablement exigibles contribuant à sa réadaptation à la vie professionnelle. Jusque-là, la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant les mesures de réadaptation a toujours concerné la revendication de telles mesures par la personne assurée. Le Tribunal fédéral n’a pas encore eu à décider si, depuis l’entrée en vigueur de la 6ème révision de l’AI, notamment de l’article 8a LAI, la personne au bénéfice d’une rente a également un devoir de collaborer lorsque l’office AI l’exige. La conclusion à laquelle arrive le Tribunal fédéral va dans le sens des 5ème et 6ème révisions de l’AI. L’assurance-invalidité doit passer d’une assurance de rentes à une assurance de réadaptation (« la rente, passerelle vers la réinsertion »). Si la 5ème révision de l’AI avait essentiellement pour but d’éviter l’octroi de nouvelles rentes inutiles, la 6ème révision de l’AI devait quant à elle permettre de réduire le nombre de rentes existantes.

Dans le cas d’espèce, la perspective d’améliorer nettement, respectivement de rétablir la capacité de gain grâce à des mesures de nouvelle réadaptation existe. Ni la durée de la rente, ni l’âge ne rendent les mesures de nouvelle réadaptation inexigibles. Le Tribunal fédéral n’a pas eu à se prononcer sur la question de savoir si la rente pouvait, le cas échéant, être à nouveau versée dès que la personne assurée prendrait part aux mesures de nouvelle réadaptation.

 

 

Arrêt 8C_163/2018 consultable ici

 

 

8C_755/2017 (f) du 11.12.2018 – Révision procédurale – Faits nouveaux – 53 al. 1 LPGA / Cahier des charges et description du poste de travail fournis ultérieurement / Force probante de l’appréciation médicale du médecin de l’assurance-accidents

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2017 (f) du 11.12.2018

 

Consultable ici

 

Révision procédurale – Faits nouveaux / 53 al. 1 LPGA

Cahier des charges et description du poste de travail fournis ultérieurement

Force probante de l’appréciation médicale du médecin de l’assurance-accidents

 

Assuré, né en 1975, engagé le 23.01.2015 par une entreprise dont le but social est notamment la pose de parquet, moquette, linoléum, carrelage. L’épouse de l’assuré en est l’administratrice avec signature individuelle.

Le 06.02.2015, l’assuré a glissé sur une plaque de glace. Il a consulté une semaine plus tard son médecin traitant qui a retenu le diagnostic de contusions sur tout le côté droit du corps (bras, épaule, coude et hanche) et prescrit une incapacité de travail de 100% depuis l’accident. L’employeur a annoncé cet accident le 09.03.2015. Sur ladite déclaration d’accident, il était indiqué que la profession exercée par l’assuré était contremaître et qu’il était rémunéré sur la base d’un salaire annuel brut de 108’000 fr.

L’assurance-accidents a, par courrier du 11.03.2015, informé l’assuré qu’elle prenait en charge les suites de l’accident et que le montant de l’indemnité journalière à laquelle il avait droit dès le 09.02.2015 se montait à 236 fr. 75 par jour. Elle est toutefois revenue sur sa position en versant une indemnité de 161 fr. 55. L’employeur a alors transmis à l’assurance-accidents le contrat de travail et les bulletins de salaires des mois de janvier et février 2015 concernant l’assuré, en la priant de verser la différence. Par décision du 16.06.2015, l’assurance-accidents a confirmé le paiement d’un montant de 161 fr. 55. Elle estimait que la preuve du versement du salaire indiqué dans la déclaration d’accident n’avait pas été apportée et qu’il n’était pas crédible que l’assuré fût engagé à un poste de contremaître avec de telles conditions salariales, retenant en lieu et place un salaire annuel de 73’697 fr. correspondant à celui prévu pour cette fonction par la convention collective. Alors que l’assuré n’a pas formé opposition contre cette décision, l’employeur s’est adressé à nouveau à l’assurance-accidents en lui confirmant que le salaire de son employé était bien de 108’000 fr.

Par lettre du 19.10.2015, l’assurance-accidents a invité l’assuré à lui faire parvenir certains documents (fiches de salaire, extraits de compte bancaire, taxations fiscales etc.) et lui a fait savoir qu’elle suspendait immédiatement le versement de l’indemnité journalière dans cette attente.

Le 29.01.2016, l’assuré a été examiné par le médecin d’arrondissement. Tout en estimant que la situation n’était pas encore stabilisée, ce médecin lui a reconnu une capacité de travail à 50% à partir du 01.03.2016, ce que l’assurance-accidents a confirmé à l’intéressé par lettre du 03.02.2016.

Début février 2016, un entretien a eu lieu entre un inspecteur de l’assurance-accidents et l’assuré, au cours duquel ce dernier a expliqué avoir été engagé « pour reprendre une partie de la gestion de l’entreprise mais que l’accident était intervenu tôt après l’engagement ». Par lettre du 24.03.2016, l’assurance-accidents a dès lors sollicité de l’employeur un complément d’information sur les tâches dévolues à l’assuré. L’entreprise a fourni un cahier des charges mentionnant les tâches suivantes : gestion de documents administratifs de toutes sortes (35%); déplacement sur les lieux de travail (15%); rendez-vous professionnels avec les clients (10%); pose de sols et pose de parquets spéciaux (20%); recherche de nouveaux collaborateurs (5%); gestion RH (15%). Par la suite, la société a toutefois spécifié que ce cahier des charges valait seulement à partir du 01.04.2016 et qu’il n’y en avait pas eu pour la période précédente.

Le 11.05.2016, l’assurance-accidents a décidé ce qui suit: au vu des renseignements obtenus relativement au salaire de l’assuré, elle annulait la décision du 16.06.2015 et levait la suspension des prestations d’assurance; par ailleurs, eu égard aux nouveaux éléments apportés quant à la nature de l’activité du prénommé auprès l’entreprise, elle revenait également sur les termes de son courrier du 03.02.2016 ; selon un nouvel avis de son service médical du 19.04.2016, il aurait été exigible de l’assuré de reprendre le travail à 80% quatre mois après l’accident, puis totalement dans un délai de 15 mois après celui-ci; par conséquent, elle allouait des indemnités journalières sur la base d’une incapacité de travail de 100% du 06.02.2015 au 07.06.2015, respectivement de 20% du 08.06.2015 au 05.07.2016, ces prestations étant calculées sur le salaire annuel annoncé dans la déclaration d’accident.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 91/16 – 97/2017 – consultable ici)

La juridiction cantonale a retenu que l’assurance-accidents, par ses communications à l’assuré des 11.03.2015 et 03.02.2016 ainsi que par ses décomptes d’indemnités journalières des mois de février à août 2015, avait reconnu de manière informelle les taux et périodes d’incapacité de travail annoncés, et que ces prises de position étaient entrées matériellement en force dans la mesure où leur destinataire ne les avaient pas contestées. En conséquence, l’assurance-accidents ne pouvait revenir sur ces décisions (matérielles) qu’à la condition de pouvoir se fonder sur un motif de révision au sens de l’art. 53 LPGA. Tel était bien le cas selon les juges cantonaux, le cahier des charges transmis par l’employeur constituant un fait nouveau propre à justifier un réexamen de l’incapacité de travail de l’assuré.

Par jugement du 20.09.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Bien que cela n’ait pas véritablement d’incidence sur l’issue du litige, il convient de distinguer la période durant laquelle l’assurance-accidents a octroyé ses prestations de celle, postérieure, où elle n’a rien versé en attendant de se prononcer définitivement sur le droit aux prestations de l’assuré. En effet, si c’est à juste titre que la cour cantonale a considéré que l’assurance-accidents ne pouvait revenir sur l’octroi des indemnités journalières sans un motif de révocation au sens de l’art. 53 LPGA, il n’en va pas de même en ce qui concerne la période suivant la suspension des prestations. Pour cette période, l’assurance-accidents n’est pas tenue d’invoquer un tel motif puisqu’elle a expressément réservé sa position quant à l’étendue de ses obligations (sur la nature provisoire d’une suspension des prestations voir l’arrêt 9C_248/2017 du 15 février 2018 consid. 7.3).

En l’occurrence, le cahier des charges remis par l’employeur met en évidence que les tâches de l’assuré ne se limitaient pas à la conduite d’une équipe d’ouvriers – qui constitue la responsabilité principale d’un contremaître -, et que ce dernier était censé assumer plus largement, dès son engagement, une fonction de direction au sein de l’entreprise. On ne saurait considérer que cet aspect de son travail était déjà connu de l’assurance-accidents au vu des éléments qui lui avaient été soumis, notamment la déclaration d’accident. Certes, l’assuré avait un salaire important. C’est ce qui a d’ailleurs conduit l’assurance-accidents à éprouver des doutes sur la réalité de ce salaire, le montant indiqué à ce titre par l’employeur lui apparaissant trop élevé par rapport à la rémunération usuelle de la branche pour une fonction de contremaître.

Or lorsque l’assurance-accidents a réduit le montant de l’indemnité journalière en raison du caractère non réaliste du salaire annoncé, ni l’assuré ni l’employeur n’ont apporté la moindre indication lui permettant de savoir que la rémunération convenue était liée à des responsabilités plus étendues que la conduite d’une équipe de poseurs de sol. En particulier, le contrat de travail non daté et non signé produit par l’employeur en réaction à la réduction de l’indemnité ne faisait que rappeler que l’assuré était engagé en tant que contremaître et ne contenait aucun descriptif des tâches et responsabilités confiées à l’assuré. L’assurance-accidents ne disposait ainsi d’aucun indice de nature à la faire douter de la nature exacte de l’activité de ce dernier et de sa position dans l’entreprise, et n’avait pas non plus de raison d’orienter ses recherches en sens. Par conséquent, c’est à juste titre que la cour cantonale est parvenue à la conclusion que la véritable fonction de l’assuré au sein de l’entreprise telle qu’elle ressort dudit cahier des charges constitue un fait nouveau au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA, dont l’assurance-accidents n’avait ni ne pouvait avoir connaissance précédemment.

Toutefois, selon le Tribunal fédéral, la brève appréciation du médecin d’arrondissement du 19.04.2016 est insuffisamment motivée pour retenir que l’assuré était apte à travailler à 80% dès le mois de juin 2015. Cela étant, on ne peut pas non plus s’en tenir aux certificats d’arrêt de travail délivrés en leur temps par le médecin-traitant. Le point de savoir si et dans quelle mesure, compte tenu de l’atteinte diagnostiquée, l’assuré aurait été capable d’exécuter les tâches décrites dans le cahier des charges doit dès lors faire l’objet d’une instruction complémentaire.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et la décision et renvoie la cause à l’assurance-accidents pour nouvelle décision.

 

 

Arrêt 8C_755/2017 consultable ici

 

 

8C_282/2018 (f) du 14.11.2018 – Aptitude au placement pour un chômeur devenant indépendant / 8 LACI – 15 LACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_282/2018 (f) du 14.11.2018

 

Consultable ici

 

Aptitude au placement pour un chômeur devenant indépendant / 8 LACI – 15 LACI

Position comparable à celle d’un indépendant

 

Assuré, ayant travaillé en qualité de responsable marketing stratégique à partir du 20.08.2012, a conclu le 14.05.2013 une convention de « partenaire d’exécution certifié et de marketing » avec une société sise à l’étranger. Par lettre du 21.06.2013, son employeur helvétique a résilié les rapports de travail avec effet au 31.12.2013 et a libéré l’employé de son obligation de travailler à compter du 01.08.2013 afin de lui faciliter la recherche d’un emploi. L’intéressé a requis l’allocation d’indemnités de chômage à partir du 01.01.2014 en indiquant rechercher un emploi à plein temps.

Au mois de décembre 2013 la société (en formation) D.__ Sàrl, agissant par l’épouse de l’assuré, a établi un business plan à l’intention du Bureau cantonal du développement économique (ci-après: BDE) en vue d’obtenir une contribution financière pour la création d’un poste d’encadrement. L’assuré et son épouse y sont mentionnés en tant que fondateurs de la société en formation. Leur objectif est de devenir le prestataire incontournable dans le développement du neuromarketing en partenariat avec la société sise à l’étranger. Pour ce faire, il était notamment prévu d’engager l’assuré en qualité de « coach/consultant/formateur marketing » dès le mois d’avril 2014, une fois obtenue sa certification de la société étrangère. Le 10.01.2014 l’assuré a informé le BDE que la société en cours de formation porterait le nom de F.__ Sàrl (ci-après: F.__). La société, dont le but est notamment le conseil en neuromarketing et en tous genres, a été inscrite au registre du commerce en 2014. L’épouse est associée et gérante, avec signature individuelle. Elle détient la totalité du capital social de 20’000 fr.

Au cours d’entretiens de suivi avec l’office régional de placement (ORP), les 18.02.2014 et 20.03.2014, l’assuré a indiqué qu’il continuait à développer son propre projet d’activité d’indépendant dans le domaine du neuromarketing. Il a sollicité le soutien de l’assurance-chômage en vue d’entreprendre son activité indépendante sous la raison « A.__ Consulting ». Le 30.06.2014 il a été certifié par la société sise à l’étranger en tant que « Delivery Partner ». Le Service cantonal de l’économie et de l’emploi (SEE) a mis l’assuré au bénéfice d’une mesure de soutien à l’activité indépendante sous la forme de 88 indemnités journalières durant la phase d’élaboration de son projet, entre le 01.09.2014 et le 31.12.2014.

En réponse à une demande de l’assuré tendant à la prolongation de cette mesure au-delà du 31.12.2014, le SEE a indiqué qu’aucune prolongation n’était possible mais qu’il pourrait continuer à percevoir l’indemnité de chômage dès le 01.01.2015 à la condition qu’il abandonne définitivement son projet et se consacre exclusivement à la recherche d’un emploi. Le 01.01.2015 l’intéressé a informé le SEE qu’il souhaitait bénéficier de l’indemnité de chômage et reprendre ses recherches d’emploi. Lors d’un entretien de suivi avec l’ORP le 20.02.2015, il a indiqué avoir eu des contacts avec F.__, société pour laquelle il travaillait sans rémunération afin de trouver des clients, mais qu’il ne serait engagé que si le volume des affaires augmentait. La Caisse publique de chômage a alors soumis le dossier au SEE pour qu’il examine l’aptitude au placement de l’intéressé. Celui-ci a obtenu son affiliation à partir du 01.04.2015 en tant que personne de condition indépendante auprès de la caisse cantonale de compensation. Le 30.04.2015 il a passé avec F.__ un contrat de travail aux termes duquel il était engagé à plein temps, à partir du 04.05.2015 pour une durée indéterminée, en qualité de Chief neuromarketing Officer.

Par décision, le SEE a constaté l’inaptitude au placement de l’assuré à partir du 01.01.2014. Saisi d’une opposition, il l’a partiellement admise en ce sens qu’il a reconnu l’aptitude au placement pour la période du 01.01.2014 au 31.05.2014 et a constaté l’inaptitude à compter du 01.06.2014.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a constaté que l’assuré était, avec son épouse, l’un des fondateurs de la société F.__ et qu’il avait été prévu, lors de la phase d’élaboration du projet, qu’il gérerait les activités de neuromarketing après l’obtention de sa certification. En outre la création de cette société et la prise d’une activité indépendante étaient des objectifs visés par l’intéressé avant même qu’il demande des prestations de l’assurance-chômage. L’activité de l’assuré en relation avec F.__ n’a donc pas été entreprise en réaction au chômage. En raison du rôle central qu’il jouait dans cette société, l’intéressé y occupait une position comparable à celle d’un employeur.

Dans la mesure où l’assuré n’avait pas coupé tous ses liens avec F.__ à la fin du mois de mai 2014, sa position était comparable à celle d’un employeur, de sorte qu’il n’avait pas droit à une indemnité de chômage dès le 01.06.2014, indépendamment de son aptitude au placement éventuelle. Au demeurant celle-ci était totalement incontrôlable postérieurement au 31.05.2014, dès lors que l’intéressé n’a pas rendu vraisemblable qu’il aurait été disposé à prendre un autre emploi que celui qu’il occupait au sein de F.__.

Par jugement du 20.02.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assuré n’a droit à l’indemnité de chômage que s’il est apte au placement (art. 8 al. 1 let. f LACI). Est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d’intégration et qui est en mesure et en droit de le faire (art. 15 al. 1 LACI). L’aptitude au placement comprend ainsi deux éléments: la capacité de travail d’une part, c’est-à-dire la faculté de fournir un travail – plus précisément d’exercer une activité lucrative salariée – sans que l’assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sa personne, et d’autre part la disposition à accepter un travail convenable au sens de l’art. 16 LACI, ce qui implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s’il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante quant au temps que l’assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF 125 V 51 consid. 6a p. 58; 123 V 214 consid. 3 p. 216; DTA 2004 n°18 p. 186 [C 101/03] consid. 2.2).

Est notamment réputé inapte au placement l’assuré qui n’a pas l’intention ou qui n’est pas à même d’exercer une activité salariée, parce qu’il a entrepris – ou envisage d’entreprendre – une activité lucrative indépendante, cela pour autant qu’il ne puisse plus être placé comme salarié ou qu’il ne désire pas ou ne puisse pas offrir à un employeur toute la disponibilité normalement exigible. L’aptitude au placement doit par ailleurs être admise avec beaucoup de retenue lorsque, en raison de l’existence d’autres obligations ou de circonstances personnelles particulières, un assuré désire seulement exercer une activité lucrative à des heures déterminées de la journée ou de la semaine. Un chômeur doit être en effet considéré comme inapte au placement lorsqu’une trop grande limitation dans le choix des postes de travail rend très incertaine la possibilité de trouver un emploi (ATF 112 V 326 consid. 1a p. 327 et les références; DTA 2003 n° 14 p. 128 [C 234/01] consid. 2.1).

Selon la jurisprudence, l’assuré qui exerce une activité indépendante pendant son chômage n’est apte au placement que s’il peut exercer cette activité indépendante en dehors de l’horaire de travail normal. L’assuré, qui après avoir perdu son travail, exerce une activité indépendante à titre principal n’est pas apte au placement. Il en va autrement, lorsque selon les circonstances, l’activité indépendante est peu importante et qu’elle peut être exercée en dehors du temps de travail ordinaire (DTA 2009 p. 339 [8C_79/2009] consid. 4.1; arrêt 8C_721/2009 du 27 avril 2010 consid. 3).

 

Selon le Tribunal fédéral, l’inscription au registre du commerce de l’épouse en tant qu’associée et gérante, avec signature individuelle, et détentrice de la totalité du capital social ne suffit pas pour nier l’importance du rôle joué par son conjoint dans la société. En effet, lorsqu’il s’agit de déterminer quelle est la possibilité effective d’un dirigeant ou de son conjoint occupé dans l’entreprise d’influencer le processus de décision de celle-ci, il convient de prendre en compte les rapports internes existant dans l’entreprise et d’établir l’étendue du pouvoir de décision en fonction des circonstances concrètes (DTA 1996/1997 n° 41 p. 224 [C 42/97] consid. 1b et 2; SVR 1997 ALV n° 101 p. 309 [C 102/96] consid. 5c). Or, l’ensemble des faits constatés par la cour cantonale établissent à satisfaction de droit le pouvoir de l’assuré d’influencer les décisions de F.__. A cet égard il suffit de relever que les activités exercées par l’assuré dans le cadre de son projet d’activité d’indépendant dans le domaine du neuromarketing sous la raison « A.__ Consulting » sont liées à celles de F.__ sur les plans économique et organisationnel (mêmes locaux, même genre d’opérations, mêmes buts sociaux, clientèle semblable et même aire géographique de prospection). Par ailleurs, il n’est absolument pas vraisemblable que l’assuré ait eu l’intention, par son projet d’activité indépendante, de faire directement concurrence à la société fondée par lui et son épouse.

En raison du rôle qu’il jouait dans la société F.__, l’assuré y occupait une position comparable à celle d’un indépendant. En outre, il y a lieu d’admettre que sa disponibilité sur le marché de l’emploi à partir du mois de juin 2014 n’était pas contrôlable et qu’au surplus il était peu vraisemblable, voire totalement exclu, que l’intéressé eût été disposé à prendre un emploi en dehors de la société F.__ s’il en avait eu l’occasion, ce qui le rendait inapte au placement.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_282/2018 consultable ici

 

 

8C_870/2017 (f) du 30.11.2018 – Hernie discale – Causalité naturelle – Statu quo sine 9 mois après l’accident – 6 LAA / Valeur probante du rapport d’expertise – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_870/2017 (f) du 30.11.2018

 

Consultable ici

 

Hernie discale – Causalité naturelle – Statu quo sine 9 mois après l’accident / 6 LAA

Valeur probante du rapport d’expertise / 44 LPGA

 

Assuré, né en 1959, ostéopathe de profession, a subi l’événement suivant : le 12.02.2015, au moment où il chargeait deux sacs de courses dans le coffre de sa voiture, il a glissé sur une plaque de verglas et a chuté en arrière avec réception sur la région sacrée du côté gauche. Il a immédiatement ressenti des douleurs dans le bas du dos. Malgré ces douleurs et grâce à la prise d’analgésiques, il a continué à travailler dans son cabinet. La situation allant en s’aggravant, il a consulté le 23.02.2015 les urgences où le médecin a posé le diagnostic de sciatique trajet S1 et prescrit une incapacité de travail totale. Par la suite, l’assuré a été suivi par son médecin traitant.

Une IRM lombaire réalisée le 02.03.2015 a révélé la présence d’une hernie discale L5-S1 avec fragment dirigé vers le bas du côté gauche entraînant un clair conflit radiculaire S1, un syndrome facettaire intéressant les 3 derniers niveaux lombaires, un petit élément de déchirure de l’anneau fibreux au niveau du disque intersomatique L2-L3 sans conflit associé, ainsi que des modifications à composante inflammatoire des plateaux vertébraux adjacents à l’espace intersomatique L5-S1, mais aucun tassement vertébral ou lésion osseuse récents.

Le médecin traitant a préconisé un traitement conservateur et attesté une incapacité de travail à 100% jusqu’au 31.05.2015 puis une reprise progressive jusqu’au 10.05.2016.

Entre-temps, l’assurance-accidents a confié une expertise à un spécialiste en neurologie. Dans son rapport du 17.07.2015, le médecin-expert a posé le diagnostic de lombosciatalgies gauches non déficitaires sur hernie discale L5-S1 paramédiane gauche luxée vers le bas. Il a retenu que « la hernie discale [était] survenue à la faveur d’un état dégénératif du disque intervertébral sous-jacent évoluant vraisemblablement depuis longtemps et dont l’influence en termes relatifs [était] nettement supérieure à l’influence de l’événement accidentel », mais que l’on pouvait admettre une « influence causale partielle » de celui-ci vu les douleurs immédiates et l’absence d’antécédent. Il a fixé le statu quo sine au 12.11.2015.

Une nouvelle IRM du 05.11.2015 a permis de constater la disparition totale de la volumineuse hernie paramédiane gauche L5-S1 par rapport à l’IRM du mois de mars 2015 ; le reste de l’examen était superposable. Selon un rapport de consultation du service de neurochirurgie du 26.11.2015, l’évolution clinique et radiologique était favorable.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis fin à ses prestations avec effet au 12.11.2015, date au-delà de laquelle elle a retenu, en se fondant sur les conclusions du médecin-expert, que la persistance des troubles douloureux et l’incapacité de travail ne se trouvaient plus en lien de causalité avec l’événement assuré (statu quo sine).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 06.11.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le jugement entrepris expose de manière exacte et complète les principes jurisprudentiels concernant les notions de causalité naturelle et adéquate, la jurisprudence particulière applicable en cas de hernie discale (voir RAMA 2000 n° U 378 p. 190 consid. 3; arrêts 8C_373/2013 du 11 mars 2014 consid. 3.3; 8C_1003/2010 du 22 novembre 2011 consid. 1.3), ainsi que l’étendue de la prise en charge du cas par l’assureur-accidents lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident (art. 36 LAA; statu quo ante / statu quo sine) (voir RAMA 1994 n° U 206 p. 326 consid. 3b et 1992 n° U 142 p. 75; arrêts 8C_1003/2010 précité consid. 1.2; 8C_552/2007 du 19 février 2008 consid. 2). Il suffit donc d’y renvoyer.

Selon le Tribunal fédéral, on doit convenir que la manière dont le médecin-expert a formulé ses conclusions prête à confusion. Toutefois, une lecture d’ensemble du document montre que l’expert est d’avis que la hernie discale est survenue à la faveur d’un état dégénératif sous-jacent – constitué par les troubles dégénératifs au niveau facettaire sur les disques sus-jacents à L5-S1 – dont l’influence est nettement supérieure à celle de l’accident, auquel il reconnaît cependant un rôle causal partiel pour une période de 9 mois au plus après l’événement. Il n’y a donc pas de contradiction intrinsèque dans son appréciation. Si le médecin-expert n’a certes pas explicité son point de vue quant aux effets des phénomènes dégénératifs qu’il a constatés sur le disque concerné par la hernie, comme cela aurait été souhaitable, la critique de l’assuré à cet égard n’est pas de nature à lui en ôter toute valeur probante. Le seul avis médical fourni par l’assuré et émanant de son médecin traitant ne contient aucun élément objectif permettant de remettre en cause la pertinence médicale des considérations du médecin-expert. Or, pour faire douter de la fiabilité d’une appréciation médicale d’un expert – au demeurant ici externe à l’assureur -, il ne suffit pas de lui opposer le seul désaccord d’un médecin traitant, dépourvu de toute explication circonstanciée et convaincante. On peut encore ajouter que la date du statu quo sine fixé par le médecin-expert correspond au moment où la hernie a disparu. De plus, selon le rapport de consultation du service de neurochirurgie du 26.11.2015, il n’y avait alors plus de syndrome radiculaire irritatif ni de syndrome vertébral franc et la mobilisation du rachis était possible. Le pronostic favorable effectué par le médecin-expert en se référant à son expérience médicale s’est donc avéré correct.

Il s’ensuit que la juridiction cantonale était fondée à s’en tenir aux conclusions de l’expert, selon lequel le statu quo sine était atteint le 12.11.2015 et, sur cette base, à confirmer la décision de l’assurance-accidents de limiter ses prestations à cette date.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_870/2017 consultable ici