Arrêt du Tribunal fédéral 8C_186/2020 (i) du 26.06.2020
NB : traduction personnelle, seul l’arrêt original fait foi
Révision d’une rente d’invalidité – Revenu d’invalide / 17 LPGA – 16 LPGA
Rappel relatif à l’utilisation de l’ESS – TA1_tirage_skill_level
Conditions pour s’écarter du tableau TA1 et pour appliquer la table T17
Assurée, née en 1954, serveuse dans un hôtel-restaurant, a fait une chute en skiant le 28.01.1991, entraînant une fracture des vertèbres D8 et D9 et nécessitant une spondylodèse D7-D10 en novembre 1991. L’assurance-accidents a octroyé une rente d’invalidité au taux de 50% depuis le 01.11.1993. De 1995 à 2007, l’assuré a suivi un traitement intensif de physiothérapie en stationnaire ou en « Day Hospital » pendant 2 à 3 semaines consécutives par an. Ce traitement a été pris en charge par l’assurance-accidents.
Le 26.01.2017, l’assureur-accidents a procédé à la révision de la rente d’invalidité et mis en œuvre une expertise médicale. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a réduit le degré d’invalidité à 26% à compter du 01.08.2018.
Procédure cantonale (arrêt 35.2019.12 – consultable ici)
Le tribunal cantonal a relevé que l’assureur-accidents a appliqué le tableau T17 2014, secteur des activités de bureau/administratives, indexé à 2018. Le tribunal cantonal a constaté que l’assurée avait été serveuse du 01.04.1976 jusqu’à l’accident du 28.01.1991. De 1992 à 2008, elle a travaillé dans un grotto dirigé par sa sœur. L’assurée a déclaré que ses horaires de travail ne correspondaient pas à ceux d’une serveuse normale, mais comprenaient des tâches administratives. Sa sœur ayant cessé son activité entrepreneuriale, elle a été inscrite au chômage à partir du 01.01.2009 ; à partir du 01.04.2009, elle a également travaillé comme « secrétaire auxiliaire » dans une boucherie et comme « réceptionniste auxiliaire » dans un hôtel à Locarno. Sans activité lucrative depuis l’automne 2015, l’assuré a perçu des indemnités de chômage de 2009 à 2017 [pour la période 2009-2015 : gain intermédiaire].
Le Tribunal cantonal a rappelé qu’en l’absence d’un revenu effectivement réalisé le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques du tableau TA1 [de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS)]. Il existe des exceptions à ce principe lorsque le revenu d’invalide peut être déterminer plus précisément et lorsque le secteur public est ouvert à l’assuré en plus du secteur privé.
Compte tenu des antécédents professionnels de l’assurée, le tribunal cantonal n’a pas accepté l’application de la ligne 4 [« Employé(e)s de type administratif »] du tableau T17, car il a considéré que le secteur public n’était pas ouvert à l’assurée en plus du secteur privé dans le domaine du travail administratif. Tout en prenant en considération l’expérience professionnelle de l’assurée, la cour cantonale a conclu que le revenu de l’invalide pouvait être établi de manière plus précise en appliquant les données statistiques du secteur économique 77-82 (« Activités de services admin. et de soutien »), niveau de qualification 2, du tableau TA1.
Par jugement du 05.02.2020, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, fixant le degré d’invalidité à 43% dès le 01.08.2018.
TF
L’application correcte des tableaux des ESS, à savoir le choix du tableau applicable et du niveau de compétence, est une question de droit que le Tribunal fédéral réévalue librement (ATF 143 V 295 consid. 2.4 p. 297 ; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399). L’ESS s’appuie à son tour sur la Nomenclature générale des activités économiques (NOGA) pour classer les activités en fonction des activités économiques (arrêt 9C_480/2016 du 10 novembre 2016 consid. 5.2).
Lorsque les tableaux ESS sont applicables, les salaires mensuels contenus dans le tableau TA1, total secteur privé, sont généralement utilisés ; il s’agit de la statistique des salaires bruts standardisés, valeur moyenne ou centrale (ATF 124 V 321 consid. 3b), et à partir de l’ESS 2012 le tableau TA1_tirage_skill_level doit être utilisé au lieu de TA_b (ATF 143 V 295 consid. 4.2.2 p. 302 ss ; 142 V 178 consid. 2.5.3.1 p. 184 ss).
Dans certains cas, cependant, il peut être nécessaire de se référer aux revenus statistiques réalisé dans un secteur de l’économie (secteur 2 [production] ou 3 [services]) ou même à une branche économique en particulier. Tel sera le cas s’il est plus objectif de tenir compte dans le cas concret d’une exploitation de la capacité de travail exigible, notamment pour les assurés qui, avant l’atteinte à la santé, travaillaient dans un domaine pendant de nombreuses années et qu’une activité dans un autre domaine n’entre pas en ligne de compte.
Lorsque les circonstances du cas concret le justifient, on peut s’écarter de la table TA1 pour se référer à la table TA7 (anciennement TA7 ; « Secteur privé et secteur public ensemble »), si cela permet de fixer plus précisément le revenu d’invalide (ou sans invalidité) et que le secteur en question est adapté et exigible (arrêts 8C_66/2020 du 14 avril 2020 consid. 4.2.2 et 4.3, 8C_212/2018 du 13 juin 2018 consid. 4.4.1 et les références et 9C_237/2007 du 24 août 2007 consid. 5.1, non publié dans ATF 133 V 545). Par exemple, il est justifié de s’écarter du tableau TA1 lorsque l’activité précédente n’est plus exigible de la part de l’assuré et qu’il est tenu de chercher un nouveau domaine d’activité, seulement si on pense qu’en principe tout le champ d’action du marché du travail est disponible (cf. 9C_237/2007 consid. 5.2).
Dans le cas d’espèce, l’assurée était, au moment de l’accident, serveuse dans un restaurant-hôtel. Elle a transmis le contrat de travail avec la boucherie (valable du 01.04.2009 au 31.12.2011) le 22.05.2018. Elle a déclaré que « mon travail consistait à recueillir les commandes par téléphone ou oralement, à préparer les livraisons de marchandises, à contrôler les factures des fournisseurs, à encaisser ou payer en espèces les factures et à gérer le courrier et la correspondance en attendant l’arrivée de la secrétaire. Je travaillais du lundi au samedi uniquement sur appel et selon les horaires comme attesté à l’assurance chômage du 01.04.2009 au 31.12.2011 ». Des attestations, il résulte un temps de travail mensuel compris entre 11,50 heures et 36 heures. L’assurée a également transmis ses contrats de travail avec l’hôtel de 2009 à 2015. Elle a décrit son activité comme suit : « Le travail de secrétaire de réception et de petit-déjeuner comprenait la notification et l’enregistrement dans le PC de l’arrivée et du départ des clients, la facturation ou le paiement en espèces ou par carte de crédit, la préparation du plan quotidien pour les petits-déjeuners et le rangement des chambres, la commande de produits divers pour le petit-déjeuner et le nettoyage, le contrôle des chambres, la réponse au téléphone ou par e-mail des demandes et réservations des chambres, le traitement général de la correspondance, l’ouverture de l’hôtel pour les petits-déjeuners ou la fermeture le soir à 20h00/21h00. Je remplaçais mes employeurs pendant leur absence. » Les relevés des salaires annuels font mention de 157.5h en 2009, 160.2h en 2010, 198.5h en 2011, 168.5h en 2012, 640.0h en 2013, 640.0h en 2014 et 517.4h en 2015.
Tout d’abord, il n’est pas possible d’accorder un poids spécifique au fait que l’assuré a fréquenté un gymnase. En effet, il est bien connu que dans le canton du Tessin, le gymnase n’était pas une école secondaire, mais seulement l’un des deux choix (gymnase ou école secondaire) prévus par la scolarité obligatoire au Tessin après la cinquième année (voir aussi le règlement scolaire cantonal, dans Scuola ticinese, année I, n° 4, série III, avril 1972, page 4 ; disponible sur https://www4.ti.ch/decs/ds/pubblicazioni/edizioni-precedenti/1972-1980/). Il ne peut pas non plus être soutenu que l’assurée a assumé des tâches de « grande responsabilité » chez ses employeurs. Elle n’a jamais exercé de fonctions de direction : elle a d’abord débuté son activité professionnelle comme serveuse dans un restaurant, puis a effectué, à temps partiel, des tâches principalement administratives, mais toujours sous la supervision d’autres personnes, dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration ou du commerce de détail. L’assureur-accidents n’a pas démontré que les conditions pour s’écarter de la règle selon laquelle il faut en principe utiliser le tableau TA1 pour l’application des salaires statistiques sont réunies.
Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.
Arrêt 8C_186/2020 consultable ici
Proposition de citation : 8C_186/2020 (i) du 26.06.2020 – Revenu d’invalide – Conditions pour s’écarter du tableau TA1 et pour appliquer la table T17, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/04/8c_186-2020)