5A_917/2020 (f) du 12.02.2021 – Retard à statuer du premier juge sur la requête d’assistance judiciaire – Caractère raisonnable du délai dans lequel la cause doit être traitée / Décision relative à l’assistance judiciaire gratuite relève matériellement du droit administratif

Arrêt du Tribunal fédéral 5A_917/2020 (f) du 12.02.2021

 

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Retard à statuer du premier juge sur la requête d’assistance judiciaire – Caractère raisonnable du délai dans lequel la cause doit être traitée

Décision relative à l’assistance judiciaire gratuite relève matériellement du droit administratif

 

Procédure oppose depuis le 04.12.2019 leurs parents non mariés B.__ et A.__ devant le Président du Tribunal civil de l’arrondissement de la Gruyère. Dans sa réponse du 16.12.2019, le père a requis l’assistance judiciaire totale, avec effet au 09.10.2019 ; le 24.01.2020, il a produit des pièces complémentaires à l’appui de cette requête.

Le Président du tribunal a tenu deux audiences, les 24.01.2020 et 20.05.2020. Le 21.05.2020, le conseil du père a produit sa liste de frais au titre de l’assistance judiciaire ; le lendemain, ce magistrat lui a répondu qu’il procéderait à leur fixation une fois que le jugement serait définitif et exécutoire.

Le 09.06.2020, le Président du tribunal a prononcé son jugement sous forme d’un dispositif ; il a homologué une convention conclue lors de la dernière audience, qui prévoit notamment que chaque partie assume la moitié des frais judiciaires ainsi que ses propres dépens, sous réserve de l’assistance judiciaire.

 

Procédure cantonale (arrêt 101 2020 347 + 348 – consultable ici)

Le 29.08.2020, le père a formé un recours pour « retard injustifié/déni de justice » ; il a conclu à l’octroi de l’assistance judiciaire totale pour la procédure au fond – son conseil étant désigné comme avocat d’office -, avec effet au 09.10.2019, ainsi que pour la procédure de recours.

Statuant le 28.09.2020, la Ie Cour d’appel civil du Tribunal cantonal a rejeté le recours, en invitant « cependant » le premier juge à statuer, « sans délai et prioritairement », sur les requêtes d’assistance judiciaire des deux parties (ch. I) ; en outre, elle a rejeté la requête d’assistance judiciaire totale du recourant pour la procédure de recours cantonale (ch. II).

 

TF

Dans l’appréciation du caractère raisonnable du délai dans lequel la cause doit être traitée, il faut tenir compte, entre autres éléments, du comportement du justiciable ; il incombe à celui-ci d’entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l’autorité fasse diligence, « que ce soit en l’invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié » (ATF 130 I 312 consid. 5.2; récemment, parmi d’autres : arrêts 2C_341/2020 du 19 janvier 2021 consid. 5.2; 2C_227/2020 du 21 août 2020 consid. 9.2, in : Pra 2021 n° 2; 1B_122/2020 du 20 mars 2020 consid. 3.1; 5D_205/2018 du 24 avril 2019 consid. 4.3.1). Il s’agit là de conditions alternatives (« ou »), et non cumulatives ; autrement dit, le justiciable n’est pas tenu de s’adresser d’abord au juge qui diffère indument sa décision, le recours pour déni de justice étant précisément l’un des moyens d’accélérer la procédure (cf. récemment :  ordonnance 5A_573/2020 du 10 septembre 2020 consid. 3.2).

En outre, le comportement du justiciable doit être apprécié avec moins de rigueur en procédure pénale et administrative que dans un procès civil, où les parties doivent faire preuve d’une « diligence normale » pour activer la procédure (ATF 130 I 312 consid. 5.2 et les références). Or, la requête sur laquelle le premier juge a tardé à statuer d’une manière injustifiée concerne une procédure opposant directement le justiciable à l’État (ATF 140 III 501 consid. 4.1.2; 139 III 334 consid. 4.2), et non un procès civil ordinaire entre deux particuliers ; même lorsqu’elle s’inscrit dans un procès civil, la décision relative à l’assistance judiciaire gratuite relève ainsi matériellement du droit administratif (arrêt 5P.489/1997 du 13 février 1998 consid. 2b, in : RDAF 1998 I 322 = Pra 1998 n° 80).

 

Pour le surplus, l’inaction que la juridiction précédente impute au recourant n’est nullement avérée.

Certes, l’intéressé n’a rien « entrepris » lorsque le premier juge a accusé réception, le 22.05.2020, de sa liste de frais ; il n’avait cependant pas à le faire, puisque ce magistrat lui avait répondu qu’il procéderait « à la fixation une fois que le jugement serait devenu définitif et exécutoire », étant ajouté que l’avis de dispositif du 09.06.2020 se prononce sur les frais et dépens de la procédure au fond, « sous réserve de l’assistance judiciaire ». Sous cet angle, le reproche de l’autorité précédente heurte manifestement le principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.). Enfin, on ne discerne pas la pertinence d’une « intervention spontanée » du recourant aux observations déposées le 01.09.2020 par le Président du tribunal, alors que le recours pour retard injustifié était pendant.

Vu ce qui précède, le refus de l’assistance judiciaire pour la procédure de recours cantonale ( cf. supra, consid. 2.1 in fine) repose sur le même motif erroné. Le chiffre II du dispositif de l’arrêt entrepris doit dès lors être annulé.

 

Le TF admet partiellement le recours.

 

 

Arrêt 5A_917/2020 consultable ici

 

 

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