8C_587/2020 (d) du 05.02.2021 – Causalité naturelle – Statu quo sine – Cause aléatoire ou occasionnelle – 6 LAA / Divergences des médecins – Expertise médicale judiciaire nécessaire

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_587/2020 (d) du 05.02.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt du TF fait foi

 

Causalité naturelle – Statu quo sine – Cause aléatoire ou occasionnelle / 6 LAA

Divergences des médecins – Expertise médicale judiciaire nécessaire

 

Assuré, né en 1989, électricien, est victime le 03.02.2017 d’une chute en faisant du snowboard. Le médecin traitant, spécialiste FMH en médecine interne générale, a diagnostiqué un traumatisme abdominal contondant.

Le 23.03.2017, l’assuré a subi une « révision de l’aine avec réparation d’une hernie inguinale gauche ». Sur la base des documents médicaux obtenus et de l’appréciation de son spécialiste en chirurgie, l’assurance-accidents a refusé la demande de garantie concernant l’opération du 23.03.2017. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a confirmé qu’elle n’était pas tenue de verser des prestations, motif pris que les hernies inguinales n’étaient pas prises en charge par l’assurance-accidents, se référant à l’avis médicale de son médecin d’arrondissement.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 12.08.2020, admission du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assuré aux prestations pour l’opération du 23.03.2017 et ses suites immédiates.

 

TF (consid. 6)

Divergences des médecins – Expertise externe

La cour cantonale a douté du rapport du médecin de l’assurance-accidents, raison pour laquelle elle ne s’est pas fondée sur celle-ci. Il est vrai que les avis divergents des médecins de l’assuré peuvent au moins jeter un léger doute sur l’évaluation du médecin de l’assureur. Cependant, ces opinions ne sont également pas exemptes de contradictions.

Dès lors que les effets de l’accident sur le lipome préexistant ou sur les plaintes qui ont rendu nécessaire l’opération du 23.03.2017 sont discutés de manière controversée entre les médecins, il est nécessaire de procéder à une expertise externe, contrairement à l’avis de la cour cantonale. Une telle expertise est également nécessaire parce que tous les médecins impliqués n’ont pas suffisamment abordé le fait que la raison de l’opération du 23.03.2017 était les douleurs existant depuis l’accident du 03.02.2017. La question de savoir si le lipome est devenu symptomatique à la suite de la chute de snowboard ou si une intervention chirurgicale aurait été nécessaire au même moment sans l’accident ne peut être tranchée sur la base des documents médicaux disponibles.

 

Causalité naturelle

Selon la jurisprudence, l’exigence d’un lien de causalité naturelle est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que l’atteinte à la santé ne serait pas survenue au même moment, sans l’accident. Un événement accidentel à l’origine de l’atteinte à la santé a pour effet de donner droit à des prestations même si l’atteinte en question se serait probablement produite tôt ou tard même sans l’événement assuré, de sorte que l’accident n’était qu’une condition sine qua non en ce qui concerne le moment où l’atteinte est survenue.

La situation est différente si l’accident n’est qu’une cause aléatoire ou occasionnelle (« Gelegenheits- oder Zufallsursache ») qui permet à un état antérieur de se manifester, dont la réalisation aurait pu s’activer en tout temps spontanément, l’accident n’ayant aucune signification indépendante sous l’angle du lien de cause à effet (SVR 2012 UV Nr. 8 S. 27, 8C_380/2011 consid. 4.2.1; ANDREAS TRAUB, Natürlicher Kausalzusammenhang zwischen Unfall und Gesundheitsschädigung bei konkurrierender pathogener Einwirkung: Abgrenzung der wesentlichen Teilursache von einer anspruchshindernden Gelegenheits- oder Zufallsursache, in: SZS 2009 S. 479).

Un événement a donc le caractère d’une cause partielle donnant droit aux prestations si le risque résultant de la cause globale pathogène potentielle n’était pas auparavant présent à un point tel que le facteur déclenchant apparaîtrait comme étant, en quelque sorte, arbitraire et interchangeable. En revanche, l’effet lié à l’accident – si le contexte déclencheur a été établi – correspond à une cause aléatoire ou occasionnelle (faisant obstacle à l’indemnisation) s’il rencontre un état antérieur si instable et précaire que la survenue d’une atteinte (organique) aurait pu être attendue à tout moment, que cela soit en raison du processus de l’état maladif antérieur ou en raison de toute autre cause aléatoire. Si un autre facteur de perturbation (« Belastungsfaktor ») alternatif quotidien aurait pu causer la même atteinte à la santé presque au même moment, l’accident n’apparaît pas comme un élément causal significatif, mais comme une cause interchangeable (« austauschbarer Anlass ») ; l’assurance-accidents n’a pas à intervenir (arrêt 8C_669/2019 du 25 mars 2020 consid. 4.2 et la référence à SVR 2012 UV Nr. 8 S. 27, 8C_380/2011 consid. 4.2.2).

Si nous devons arriver à la conclusion que l’évaluation du médecin interne à l’assurance n’est pas fiable, il doit procéder à des clarifications supplémentaires. En retenant, sur la base des appréciations des médecins traitant, que le lien de causalité naturelle entre l’accident du 03.02.2017 et l’intervention chirurgicale du 23.03.2017, sans procéder à une nouvelle appréciation médicale, la cour cantonale a violé le droit fédéral.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annulant le jugement cantonal et renvoie la cause au tribunal cantonal pour mise en œuvre d’une expertise médicale judiciaire.

 

 

Arrêt 8C_587/2020 consultable ici

 

 

Remarques : nous sommes conscients que notre traduction est imparfaite ; il a été difficile de trouver les mots adéquats en français. Nous sommes à l’écoute de toute proposition de meilleure traduction.

 

L’arrêt 8C_380/2011 n’a été cité qu’une fois en français (8C_867/2014 consid. 4.2) ; quant à l’arrêt 8C_669/2019, il n’a été repris dans aucune affaire en français.

 

Proposition de citation : 8C_587/2020 (d) du 05.02.2021 – Causalité naturelle – Statu quo sine – Cause aléatoire ou occasionnelle, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/05/8c_587-2020)

Règles spéciales pour assainir les assurances surendettées

Règles spéciales pour assainir les assurances surendettées

 

Communiqué de presse du Parlement du 03.05.2021 consultable ici

 

Les compagnies d’assurances qui rencontrent des difficultés financières ne devraient pas être automatiquement mises en faillite, mais devraient pouvoir être assainies. Le Conseil national a donné son feu vert lundi sans opposition à une large révision de la loi sur la surveillance des assurances qui vise notamment à protéger les assurés.

La loi date de 2006. Depuis, le secteur a beaucoup changé et a besoin d’adaptations. La révision tient compte de l’évolution du marché, a expliqué Céline Amaudruz (UDC/GE) au nom de la commission. Les dispositions proposées s’inspirent de celles qui s’appliquent aux banques, avec quelques adaptations spécifiques aux assurances.

Ce projet permet de garantir la compétitivité du secteur de l’assurance en Suisse, a relevé Beat Walti (PLR/ZH). Celui-ci représente plus de 3,3 milliards de recettes fiscales au niveau fédéral, cantonal et communal. « Nous avons donc tout intérêt à cette révision », a dit le chef du groupe libéral-radical.

A son instar, tous les partis ont reconnu la nécessité d’adapter la législation. Mais la gauche craint que certaines modifications n’entravent la protection des assurés. Elles risquent de réduire le champ d’application de la loi, a estimé Samuel Bendahan (PS/VD). « Il faut éviter d’ouvrir la boîte de Pandore », a ajouté Sophie Michaud Gigon (Verts/VD).

 

Mesures d’assainissement

Actuellement, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) est obligée d’ordonner l’ouverture de la faillite dès qu’une entreprise d’assurances se trouve en situation d’insolvabilité. A l’avenir, elles devraient être assainies au lieu d’être liquidées.

La révision définit les mesures d’assainissement, comme le transfert du portefeuille d’assurance à une autre compagnie ou le maintien de ce portefeuille dans l’entreprise en difficulté. Dans ces deux cas, les assureurs pourraient modifier des contrats et supprimer des prestations sans baisse de primes.

Pour la gauche, cette mesure va trop loin. Elle a plaidé pour que la modification du contrat ne soit utilisée qu’en dernier recours. Sans succès. Par 122 voix contre 66, le National a rejeté cette condition.

Le camp rose-vert aurait aussi souhaité que les courtiers transmettent les informations aux assurés de manière transparente. Un client d’assurance a un niveau d’information inférieur à celui qui lui vend le produit. Il risque de prendre des risques qu’il ne connaît pas, a expliqué Samuel Bendahan.

 

Surveillance allégée

Le Conseil national a apporté plusieurs assouplissements au projet élaboré par le Conseil fédéral, au grand dam du ministre des finances Ueli Maurer, pour qui ces propositions risquent de ne pas obtenir l’aval du Conseil des Etats.

La Chambre du peuple a ainsi introduit le principe d’une surveillance réduite pour les compagnies de réassurance. Il en irait de même pour les réassureurs étrangers, s’ils font déjà l’objet d’une surveillance à l’étranger.

Cette mesure est dans l’intérêt de la compétitivité de la place financière helvétique, a estimé le camp bourgeois. Elle favorisera l’installation de succursales de réassureurs internationaux, a expliqué Céline Amaudruz. La proposition est impraticable et inutile, a répondu Roland Fischer (PVL/LU).

 

Modèles innovants favorisés

Malgré l’opposition de la gauche et des Vert’libéraux, le National a encore décidé que les assureurs qui travaillent exclusivement avec des clients professionnels, des grandes entreprises par exemple, bénéficient eux aussi d’une surveillance réduite. Même si le preneur d’assurance est un professionnel, en bout de chaîne se trouvent des privés, a fait valoir en vain Sophie Michaud Gigon.

Le National a également exempté de la surveillance les compagnies d’assurances ayant des modèles d’affaires particulièrement innovants. Le PS, les Verts et le PVL auraient voulu limiter la réglementation aux petits assureurs.

Dans son projet, le Conseil fédéral propose encore la création d’un organe de médiation destiné à régler les problèmes liés aux courtiers indépendants. Une proposition trop contraignante, selon le camp bourgeois qui a biffé cet article. Le système actuel fonctionne bien depuis cinquante ans et le changer n’apportera aucune valeur ajoutée, a argumenté Leo Müller (Centre/LU).

Le dossier passe au Conseil des Etats.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 03.05.2021 consultable ici

Objet du Conseil fédéral 20.078 « Surveillance des assurances. Modification » consultable ici

Message concernant la modification de la loi sur la surveillance des assurances (LSA), publié in FF 2020 8637

 

 

Progression des salaires nominaux de 0,8% en 2020 et hausse des salaires réels de 1,5%

Progression des salaires nominaux de 0,8% en 2020 et hausse des salaires réels de 1,5%

 

Communiqué de presse de l’OFS du 30.04.2021 consultable ici

 

L’indice suisse des salaires nominaux a augmenté en moyenne de 0,8% en 2020 par rapport à 2019. Il s’est ainsi établi à 103,4 points (base 2015 = 100). Compte tenu d’un taux d’inflation annuel moyen de –0,7%, les salaires réels ont augmenté de 1,5% (102,6 points, base 2015 = 100), selon les calculs de l’Office fédéral de la statistique (OFS).

 

 

 

Communiqué de presse de l’OFS du 30.04.2021 consultable ici

Tableau « T1.15 Indice des salaires nominaux, 2016-2020 » disponible ici (format XLSX ; site de l’OFS)

 

 

AVS 21 : des compensations plus généreuses pour les femmes

AVS 21 : des compensations plus généreuses pour les femmes

 

Communiqué de presse de la CSSS-N du 30.04.2021 consultable ici

 

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) propose des mesures de compensation plus généreuses que celles qui sont proposées par le Conseil fédéral et le Conseil des États pour les six premières cohortes de femmes pour lesquelles l’âge de la retraite sera relevé.

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) s’est penchée sur le projet de stabilisation de l’AVS (AVS 21 ; 19.050), mais attend encore de disposer de calculs sur les conséquences financières avant de procéder au vote sur l’ensemble. À l’instar du Conseil fédéral et du Conseil des États, la majorité de la commission souhaite relever l’âge de référence pour les femmes à 65 ans en quatre étapes (par 17 voix contre 8). Toutefois, pour les six premières cohortes de femmes pour lesquelles l’âge de la retraite sera relevé, elle prévoit des mesures de compensation plus généreuses (par 18 voix contre 7) que celles qui sont proposées par le Conseil fédéral et le Conseil des États, qui tiennent compte des neuf premières cohortes. Selon le modèle de la CSSS-N, les femmes qui souhaitent retirer leur rente jusqu’à trois ans plus tôt que l’âge de référence devront, dans la plupart des cas, accepter des réductions encore moins importantes que ce que proposait le Conseil fédéral. De même, les femmes qui exercent une activité lucrative jusqu’à l’âge de référence légal devront recevoir un supplément de rente : 150 francs par mois si leur revenu annuel moyen déterminant est inférieur ou égal à 57 360 francs, 100 francs par mois s’il est inférieur ou égal à 71 700 francs et 50 francs par mois s’il est supérieur à cette dernière somme. Selon la majorité de la commission, ce modèle est plus généreux et plus juste, et privilégie les femmes à bas revenu. Il correspond à un volume de compensation de 40 %, alors que celui du Conseil fédéral est de 33 % et celui du Conseil des États, de 22 % (cf. annexe).

S’agissant de la flexibilisation du versement de la rente, la majorité de la commission souhaite, à l’instar du Conseil des États, autoriser généralement une anticipation du versement de la rente à partir de 63 ans (par 15 voix contre 8 et 1 abstention), alors que le Conseil fédéral prévoyait une anticipation à partir de 62 ans. Par contre, la majorité de la commission a rejeté l’augmentation, adoptée par le Conseil des États, de la franchise en faveur des retraités actifs (par 14 voix contre 11) ; en lieu et place, les retraités concernés devront avoir la possibilité de renoncer à cette franchise pour améliorer leur rente même si leur revenu est modeste (par 17 voix contre 8).

Enfin, la commission propose de réduire le délai d’attente applicable aux allocations pour impotents d’un an à 90 jours, afin d’augmenter les chances des personnes concernées de rester à la maison (par 14 voix contre 11).

Pour garantir le financement de l’AVS d’ici 2030, la majorité de la commission propose d’augmenter la TVA de 0,4 point de pourcentage (par 15 voix contre 10). Selon elle, l’augmentation de 0,3 point de pourcentage adoptée par le Conseil des États n’est pas suffisante, alors que l’augmentation de 0,7 point de pourcentage proposée par le Conseil fédéral servirait à constituer des provisions.

 

À noter que 30 propositions de minorité ont été déposées concernant ce projet, qui sera prêt à être examiné par le Conseil national à la session d’été. Par 16 voix contre 8, la commission a décidé d’élaborer une motion (21.3462) chargeant le Conseil fédéral de soumettre au Parlement, d’ici au 31 décembre 2026, un projet de stabilisation de l’AVS pour la période 2030 à 2040.

 

 

Communiqué de presse de la CSSS-N du 30.04.2021 consultable ici

 

 

8C_405/2020 (f) du 03.02.2021 – Péremption du droit de demander la restitution – 25 al. 2 LPGA / Versement de prestations (in casu : allocations familiales) indues reposant sur une erreur de l’administration / Bonne foi

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_405/2020 (f) du 03.02.2021

 

Consultable ici

 

Péremption du droit de demander la restitution / 25 al. 2 LPGA

Versement de prestations (in casu : allocations familiales) indues reposant sur une erreur de l’administration

Bonne foi

 

A.__, née en 1978 et de nationalité thaïlandaise, a épousé en 2007 un ressortissant helvétique. Ensuite d’une demande de regroupement familial, son fils B.__, né en 1998, l’a rejointe en Suisse en 2009. L’intéressée a perçu des allocations familiales de la part de la Caisse de compensation (ci-après: CCC) pour son fils dès l’arrivée de celui-ci en Suisse. En août 2013, elle a informé la CCC que son fils avait terminé sa scolarité obligatoire fin juin 2013 et qu’il avait décidé de retourner en Thaïlande pour y poursuivre sa formation; elle sollicitait le versement des allocations jusqu’aux 16 ans de son fils. La CCC lui a fait savoir le 26.08.2013 qu’à défaut de convention internationale entre la Suisse et la Thaïlande, elle ne pouvait pas prétendre à une allocation pour enfant ni à une allocation de formation professionnelle pour son fils vivant en Thaïlande.

En janvier 2014, la CCC a interpellé A.__ en vue de déterminer l’ayant-droit prioritaire dès le 01.01.2014. Après lui avoir fait remplir un questionnaire et avoir requis et obtenu de sa part une attestation d’études (en Thaïlande) de son fils, la CCC lui a, par décision du 21.10.2014, octroyé des allocations familiales pour son fils dès le 01.01.2014. Par décision du 05.01.2015, des allocations du même type lui ont été accordées à compter du 01.11.2014. Ensuite de la sollicitation en juin 2015 et de la production en septembre 2015 d’une nouvelle attestation d’études, une nouvelle décision d’octroi d’allocations familiales, prenant effet le 01.07.2015, a été rendue le 24.09.2015.

Après avoir obtenu sur requête une nouvelle attestation d’études en août 2016, la CCC a demandé à A.__ une attestation de domicile récente de son fils, le 22.09.2016, puis lui a demandé le 03.10.2016 depuis quand ce dernier ne vivait plus en Valais. Le mari de la prénommée a répondu, pour le compte de son épouse, que B.__ avait entamé ses études en Thaïlande en octobre 2013; une attestation de domicile de celui-ci dans ce pays a été envoyée à la CCC le 27.10.2016. Le 16.11.2016, la CCC a indiqué à A.__ avoir constaté que son fils n’était plus domicilié en Suisse depuis le 13.07.2013 et a requis les certificats de son assurance-maladie. L’intéressée a répondu le 12.12.2016 que son fils ne disposait plus d’assurance-maladie en Suisse depuis le 01.08.2013.

Par décision du 17.01.2017, confirmée sur opposition, la CCC a exigé de A.__ la restitution d’un montant de 12’762 fr., correspondant aux allocations familiales versées à tort entre le 01.01.2014 et le 30.06.2016, au motif que son fils n’était plus domicilié en Suisse depuis juillet 2013. Dans sa décision sur opposition, la CCC a relevé qu’il n’existait pas de convention internationale entre la Suisse et la Thaïlande fondant en l’espèce un droit à des allocations familiales. En outre, il n’y avait pas eu de violation de l’obligation d’informer l’opposante et la bonne foi dont celle-ci se prévalait serait examinée dans le cadre de la demande de remise, une fois la décision de restitution entrée en force.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a retenu que la décision d’octroi d’allocations familiales du 21.10.2014 était manifestement erronée, au vu du domicile de B.__ en Thaïlande qui faisait obstacle à la perception d’allocations par A.__, faute de convention entre cet État et la Suisse. S’agissant de la restitution des prestations versées, on ne pouvait pas fixer le départ du délai de péremption relatif d’une année de l’art. 25 al. 2 LPGA à la date de la décision erronée; il fallait plutôt se demander à quel moment la caisse de compensation aurait dû se rendre compte de son erreur, en faisant preuve de l’attention nécessaire. A ce titre, les juges cantonaux ont considéré que l’on ne pouvait pas reprocher à la caisse de compensation – qui avait continué à allouer des allocations en se fondant uniquement sur les attestations de poursuite d’études produites par la recourante pour son fils – de ne pas avoir procédé durant la période en cause à un contrôle de tous les éléments déterminants du dossier, reproduisant son erreur initiale. En rendant sa décision de restitution le 05.01.2017, elle avait agi en temps utile dès lors qu’elle avait requis des renseignements supplémentaires sous la forme d’une attestation de domicile le 03.10.2016. Par ailleurs, la recourante ne pouvait pas se prévaloir d’un renseignement ou d’une décision erronés de la caisse de compensation qui obligerait celle-ci, en vertu du principe de la protection de la bonne foi, à lui consentir un avantage contraire à la réglementation en vigueur.

Par jugement du 20.05.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

En ce qui concerne la question de la péremption du droit de demander la restitution, l’art. 25 al. 2 LPGA prévoit que ledit droit s’éteint un an après le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Il s’agit de délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d’office (ATF 146 V 217 consid. 2.1 p. 219; 140 V 521 consid. 2.1 p. 525).

Selon la jurisprudence, le délai de péremption relatif d’une année commence à courir dès le moment où l’administration aurait dû connaître les faits fondant l’obligation de restituer, en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle. L’administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde – quant à son principe et à son étendue – la créance en restitution à l’encontre de la personne tenue à restitution (ATF 146 V 217 consid. 2.1 précité p. 219 s.; 140 V 521 consid. 2.1 précité). Si l’administration dispose d’indices laissant supposer l’existence d’une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires. Si elle omet de le faire, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où elle aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle. En revanche, lorsqu’il résulte d’ores et déjà des éléments au dossier que les prestations en question ont été versées indûment, le délai de péremption commence à courir sans qu’il y ait lieu d’accorder à l’administration du temps pour procéder à des investigations supplémentaires (arrêt 8C_799/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.4; 9C_454/2012 du 18 mars 2013 consid. 4 non publié in ATF 139 V 106 et les références).

Lorsque le versement de prestations indues repose sur une erreur de l’administration, le délai de péremption relatif d’un an n’est pas déclenché par le premier acte incorrect de l’office en exécution duquel le versement est intervenu. Au contraire, selon la jurisprudence constante, il commence à courir le jour à partir duquel l’organe d’exécution aurait dû, dans un deuxième temps – par exemple à l’occasion d’un contrôle des comptes ou sur la base d’un indice supplémentaire – reconnaître son erreur en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger de lui (ATF 146 V 217 précité consid. 2.2 p. 220 et les références; arrêt 9C_877/2010 du 28 mars 2011 consid. 4.2.1). En effet, si l’on plaçait le moment de la connaissance du dommage à la date du versement indu, cela rendrait souvent illusoire la possibilité pour l’administration de réclamer le remboursement de prestations allouées à tort en cas de faute de sa part (ATF 124 V 380 consid. 1 p. 383; arrêt 8C_799/2017 précité consid. 5.4).

Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de préciser, dans un cas où une caisse de compensation avait fait une erreur lors de l’octroi des prestations complémentaires à un assuré, que l’on ne pouvait pas déduire de la circonstance que ces prestations étaient fixées pour la durée d’une année et recalculées annuellement que les services chargés de les fixer et de les verser devaient avoir raisonnablement connaissance de leur caractère erroné dans le cadre de leur examen périodique; en revanche, tel était le cas au moins tous les quatre ans lors du contrôle des conditions économiques des bénéficiaires au sens de l’art. 30 OPC-AVS/AI (RS 831.301). En effet, il ne pouvait pas être exigé des services compétents qu’ils procèdent à un contrôle annuel de chaque élément du calcul des prestations complémentaires de l’ensemble des bénéficiaires, ce pour quoi d’ailleurs l’art. 30 OPC-AVS/AI prévoyait un contrôle tous les quatre ans au moins (ATF 139 V 570 consid. 3.1 p. 572 s. et les références). Cela vaut mutatis mutandis pour le régime des allocations familiales, qui est également une administration de masse (arrêt 8C_799/2017 précité consid. 5.6).

 

Il n’est pas contesté que les allocations litigieuses ont été indûment perçues par la recourante en raison d’une erreur de la caisse de compensation. Au vu de la jurisprudence précitée, le délai de péremption d’un an ne saurait toutefois commencer à courir au moment où la caisse de compensation a rendu par erreur sa première décision d’octroi de prestations le 21.10.2014, bien que la caisse de compensation ait posé les jalons de son erreur dès janvier 2014 et que la recourante lui ait rappelé que son fils vivait et étudiait en Thaïlande.

Par la suite, une deuxième décision d’octroi d’allocations a été rendue le 05.01.2015, sans qu’il ressorte des faits constatés par l’instance cantonale qu’un quelconque renseignement ou document aurait été exigé de la recourante ou plus généralement qu’un contrôle aurait été effectué. En juin 2015, une nouvelle attestation d’études a été demandée par la caisse de compensation, fondant une troisième décision d’octroi de prestations le 24.09.2015. Dès lors que la caisse de compensation s’est contentée de requérir une nouvelle attestation d’études, comme tel avait déjà été le cas en 2014, on ne peut pas en déduire qu’elle aurait procédé à cette occasion à un nouveau contrôle des conditions d’octroi des allocations. Ce n’est qu’en septembre 2016 qu’elle a mis en œuvre un tel contrôle, de nature à déclencher le délai de péremption d’une année, en demandant à la recourante des informations complémentaires sur le domicile de son fils et en sollicitant la production d’une attestation de domicile ainsi que de certificats de l’assurance-maladie. Sur la base des indices supplémentaires ainsi obtenus fin 2016, elle a rendu sa décision de restitution le 17.01.2017, respectant ainsi le délai de péremption relatif fixé à l’art. 25 al. 2 LPGA. On notera encore qu’au vu de la présomption prévue par l’art. 7 al. 1bis OAFam – selon lequel il est présumé que les enfants quittant la Suisse afin de suivre une formation conservent leur domicile en Suisse pendant cinq ans au plus -, il n’est pas exclu qu’un enfant étudiant à l’étranger conserve son domicile en Suisse, de sorte que l’on ne peut pas conclure à une erreur manifeste de la caisse de compensation.

 

Selon l’art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées (première phrase); la restitution ne peut pas être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile (deuxième phrase). Aux termes de la jurisprudence (arrêt 8C_799/2017 précité consid. 6 et les références), le destinataire d’une décision de restitution qui entend la contester dispose en réalité de deux moyens qu’il convient de distinguer de façon claire: s’il prétend qu’il avait droit aux prestations en question, il doit s’opposer à la décision de restitution dans un délai de 30 jours; en revanche, s’il admet avoir perçu indûment des prestations, mais qu’il invoque sa bonne foi et des difficultés économiques qu’il rencontrerait en cas de remboursement, il doit présenter une demande de remise. La demande de remise ne peut être traitée sur le fond que si la décision de restitution est entrée en force, la remise et son étendue faisant l’objet d’une procédure distincte (voir l’art. 4 al. 2 OPGA). On précisera encore que selon l’art. 4 al. 4 OPGA, une telle demande doit être déposée au plus tard 30 jours à compter de l’entrée en force de la décision de restitution.

En l’espèce, même à admettre que la caisse de compensation ait pu induire en erreur la recourante, cela ne justifierait pas que l’on renonce à la restitution des prestations versées à tort en application de la jurisprudence précitée relative à l’art. 27 LPGA. L’autorité précédente a retenu que la décision d’envoyer le fils de la recourante poursuivre ses études en Thaïlande avait été prise indépendamment de la question des allocations familiales et préalablement à tout contact à ce propos avec la caisse de compensation. Elle en a déduit à bon droit que la recourante n’aurait pas agi autrement si elle avait été consciente du fait que le droit à des allocations s’éteindrait en cas de départ de son fils en Thaïlande. Pour le reste, le seul fait d’avoir dépensé des prestations pécuniaires perçues de bonne foi ne constitue pas, en soi, un acte de disposition irrévocable dont pourrait se prévaloir un assuré en invoquant le droit constitutionnel à la protection de sa bonne foi (arrêt 8C_689/2016 du 5 juillet 2017 consid. 6.1 et la référence).

Quant à la bonne foi en tant que condition de la remise de l’obligation de restituer, elle n’est pas litigieuse à ce stade et sera examinée lors d’une éventuelle demande de remise, qu’il appartiendra à la recourante de présenter. Il s’ensuit que le recours doit être rejeté.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

 

Arrêt 8C_405/2020 consultable ici

 

 

 

Primes d’assurance-maladie impayées : le Conseil fédéral veut protéger les enfants

Primes d’assurance-maladie impayées : le Conseil fédéral veut protéger les enfants

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 28.04.2021 consultable ici

 

Le Conseil fédéral estime que les enfants ne doivent pas être tenus pour responsables des primes d’assurance-maladie impayées par leurs parents. Il souhaite également supprimer les listes d’assurés en retard de paiement. Lors de sa séance du 28 avril 2021, il a pris position sur le rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats (CSSS-E) concernant l’exécution de l’obligation de payer les primes d’assurance-maladie. Le Parlement devra se prononcer.

Le rapport de la CSSS-E fait suite à l’initiative du canton de Thurgovie déposée en 2016 qui demande d’adapter la loi sur l’assurance-maladie (LAMal) concernant la prise en charge des primes impayées. Dans sa prise de position, le Conseil fédéral salue les propositions de la commission concernant les mineurs, qui ne seront plus tenus pour responsables des primes impayées par leurs parents et qui ne pourront plus figurer sur les listes d’assurés en retard de paiement. Le Conseil fédéral propose en plus d’inscrire dans la loi la nullité des poursuites à l’encontre des mineurs pour les primes d’assurance-maladie et les participations aux coûts.

Le Conseil fédéral soutient aussi la proposition de la commission de limiter le nombre de poursuites à deux par année, dans le but de réduire les frais à la charge des assurés et des cantons. Il souhaite également limiter les montants des frais de rappel et de sommations des assureurs, qui devraient refléter uniquement les frais effectifs des assureurs.

 

Contre les listes d’assurés en retard de paiement

Contrairement à la majorité de la commission, le Conseil fédéral souhaite en revanche abolir les listes d’assurés en retard de paiement. Il estime en effet que ces listes peuvent compromettre les soins médicaux de base des personnes les plus modestes et que leur utilité n’a jamais été prouvée.

Actuellement, seuls les cantons d’Argovie, Lucerne, Tessin, Zoug et Thurgovie utilisent les listes d’assurés en retard de paiement. Le parlement du canton de Saint-Gall a récemment voté leur abolition. Depuis le début de l’année 2021, plus aucun canton n’inclut les mineurs dans les listes.

 

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 28.04.2021 consultable ici

Avis du Conseil fédéral du 28 avril 2021 sur le Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États du 27 janvier 2021 paru in FF 2021 1058

 

 

 

Articles et ouvrages – Sélection Janvier 2021 – Mars 2021

Voici une sélection (personnelle et subjective) des divers articles, contributions et ouvrages parus récemment :

 

  • Jacques-André Schneider/Thomas Geiser/Thomas Gächter (éd.), LPP et LFLP : lois fédérales sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité et sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, 2e éd., Stämpfli Editions, 2020

 

  • Rechtsprechung des Bundesgerichts zum AHVG, 4. Aufl., vollständig überarbeitete und ergänzte Auflage, Schulthess, 2020

 

  • Peter Gauch, Schweizerisches Obligationenrecht : allgemeiner Teil, Schulthess, 2020

 

  • Camille Perrier Depeursinge, Lésé, victime et action civile au pénal : questions choisies, in : 10 ans de Code de procédure pénale, p. 97 ss, 2020

 

  • Florian Egger, L’équilibre inachevé du régime juridique du tatouage, du piercing et des pratiques associées en droit public, Collection Genevoise, Schulthess Verlag, 2021

 

  • Alexandre Massard, Les contrats d’assurances-vie individuelles, Helbing Lichtenhahn, 2021

 

  • Bénédict Winiger, L’illicéité en droit civil suisse, Helbing Lichtenhahn, 2021

 

  • Yves Donzallaz, Traité de droit médical, Stämpfli RMS Editions Médecine & hygiène, 2021

 

  • Yves Donzallaz, La technique de rédaction des jugements au regard des finalités de la motivation, in : Ecriture des décisions, p. 73-88, Paris, 2019

 

  • Silvia Bucher, Zur europarechtlichen Qualifikation von Hilfsmitteln der schweizerischen Invalidenversicherung : wie sind IVG-Hilfsmittel europarechtlich einzuordnen bei UVG-versicherten Personen, die einen Arbeitsunfall erlitten oder sich eine Berufskrankheit zugezogen haben?, in : Allegro con moto Festschrift zum 65. Geburtstag von Ueli Kieser, Dike, 2020, p. 23-25

 

  • Basile Cardinaux, Die sozialversicherungsrechtliche Observation von Versicherten im Ausland, in : Allegro con moto Festschrift zum 65. Geburtstag von Ueli Kieser, Dike, 2020, p. 37-74

 

  • Thomas Flückiger, Die Parallelisierung der Vergleichseinkommen : müssen niedrige Löhne zu niedrigen Invalidität führen?, in : Allegro con moto Festschrift zum 65. Geburtstag von Ueli Kieser, Dike, 2020, p. 91-111

 

  • Ghislaine Frésard-Fellay, La coordination des prestations d’assurances sociales avec les prestations de l’assurance en faveur des occupants d’un véhicule automobile : (ou d’une assurance-accidents privée financée par le responsable au profit de la victime), in : Allegro con moto Festschrift zum 65. Geburtstag von Ueli Kieser, Dike, 2020, p. 113-127

 

  • Susanne Friedauer, Rechts(irr)wege in der beruflichen Vorsorge : wer die Wahl hat, hat die Qual – oder verwirkt seinen Rechtsanspruch, in : Allegro con moto Festschrift zum 65. Geburtstag von Ueli Kieser, Dike, 2020, p. 129-140

 

  • Philipp Geertsen, Gedanken zur Validität im Sinn von Art. 7, 8 Abs. 1 und 16 ATSG : ein Beitrag zum rentenversicherten Gut im Sozialversicherungsrecht, in : Allegro con moto Festschrift zum 65. Geburtstag von Ueli Kieser, Dike, 2020, p. 159-170

 

  • Kaspar Gehring, Von Homeoffice und anderen modernen Arbeitsformen – Herausforderungen für die Sozialversicherungen : wohin des Weges, wenn es keinen Arbeitsweg mehr gibt?, in : Allegro con moto Festschrift zum 65. Geburtstag von Ueli Kieser, Dike, 2020, p. 171-190

 

  • Jörg Jeger, Konsonanz oder Dissonanz? : Gedanken eines Mediziners zum Begriff der « Parallelüberprüfung » in BGE 141 V 281, in : Allegro con moto Festschrift zum 65. Geburtstag von Ueli Kieser, Dike, 2020, p. 215-237

 

  • Bettina Kahil-Wolff Hummer, Le droit des assurances sociales dans la perspective de l’expert médical, in : Allegro con moto Festschrift zum 65. Geburtstag von Ueli Kieser, Dike, 2020, p. 239-256

 

  • Hardy Landolt, Vergütung von ambulanten Pflegekosten gemäss Art. 25a KVG : ein systemwidriger Dreiklang: Beitrag des Krankenversicherers – Pflegekostenselbstbehalt – Restkostenfinanzierung, in : Allegro con moto Festschrift zum 65. Geburtstag von Ueli Kieser, Dike, 2020, p. 257-275

 

  • Miriam Lendfers, Rechtsgutachten im Sozialversicherungsrecht, in : Allegro con moto Festschrift zum 65. Geburtstag von Ueli Kieser, Dike, 2020, p. 277-288

 

  • Susanne Leuzinger, Zur Bedeutung der Lehre in der sozialversicherungsrechtlichen Rechtsprechung des Bundesgerichts, in : Allegro con moto Festschrift zum 65. Geburtstag von Ueli Kieser, Dike, 2020, p. 301-328

 

  • Markus Moser, Teilerwerbstätigkeit und (Teil-)Invalidität – Tücken in der beruflichen Invalidenvorsorge, in : Allegro con moto Festschrift zum 65. Geburtstag von Ueli Kieser, Dike, 2020, p. 349-373

 

  • Stéphanie Perrenoud, La rente de conjoint survivant à l’épreuve de l’égalité entre les sexes : valse-hésitation et musique d’avenir, in : Allegro con moto Festschrift zum 65. Geburtstag von Ueli Kieser, Dike, 2020, p. 443-478

 

  • Kaspar Saner, Der Anwaltspraktikant als Versicherter im Sozialversicherungsrecht : Risikodeckung bei Invalidität und Tod in 1. und 2. Säule, in : Allegro con moto Festschrift zum 65. Geburtstag von Ueli Kieser, Dike, 2020, p. 537-547

 

  • Andreas Traub, Berichte behandelnder Ärzte und versicherungsmedizinische Begutachtung der Arbeitsfähigkeit, in : Allegro con moto Festschrift zum 65. Geburtstag von Ueli Kieser, Dike, 2020, p. 563-575

 

  • Mathias Kaufmann/Alain Griffel, Das Trottoir : eine « Hybridverkehrsfläche » zwischen Strasse und Fussweg, in : Schweizerische Juristen-Zeitung, Jg. 116(2020), H. 23, S. 755-762

 

 

Maîtrise des coûts de la santé : le Conseil fédéral décide des prochaines étapes

Maîtrise des coûts de la santé : le Conseil fédéral décide des prochaines étapes

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 28.04.2021 consultable ici

 

En 2018, le Conseil fédéral a lancé un programme visant à freiner la hausse des coûts et contenant deux volets de mesures. Lors de sa séance du 28 avril 2021, il a décidé d’adopter d’ici novembre 2021 l’introduction d’un objectif de maîtrise des coûts, qui faisait partie de la consultation relative au deuxième volet, pour en faire un contre-projet indirect à l’initiative populaire proposant un frein aux coûts. Le message concernant le deuxième volet de mesures sera adopté au premier trimestre 2022.

L’introduction d’un objectif de maîtrise des coûts dans l’assurance obligatoire des soins (AOS) constitue une mesure essentielle pour freiner la hausse des coûts de la santé. Lors de sa séance, le Conseil fédéral a décidé d’extraire cet objectif du deuxième volet de mesures et de l’utiliser comme unique contre-projet indirect à l’initiative populaire « Pour des primes plus basses. Frein aux coûts dans le système de santé (initiative pour un frein aux coûts) » lancée par Le Centre. Initialement, c’était l’ensemble du deuxième volet de mesures qui devait servir de contre-projet indirect à cette initiative.

L’objectif de maîtrise des coûts prévoit que la Confédération et les cantons définissent chaque année dans quelle mesure les coûts peuvent augmenter, par exemple pour les soins hospitaliers stationnaires, les traitements médicaux ambulatoires ou les médicaments. À cette fin, ils impliquent les principaux acteurs. Ce sont eux qui déterminent en premier lieu les mesures à prendre lorsque les objectifs sont dépassés. Toutefois, les patients ont en tout temps accès à toutes les prestations de l’AOS. À l’heure actuelle, des réflexions systématiques sur la croissance des coûts appropriée dans chaque domaine font défaut. L’objectif de maîtrise des coûts améliore la transparence, renforce la responsabilité et réduit les prestations inutiles d’un point de vue médical.

L’objectif de maîtrise des coûts répond aux demandes formulées dans l’initiative du Centre pour un frein aux coûts ; elle indique en outre comment atteindre les objectifs de croissance fixés sans devoir rationner les prestations nécessaires d’un point de vue médical.

 

Prendre en compte les retours des cantons et des acteurs concernés

Sur la base du rapport de consultation, le Conseil fédéral a décidé de séparer la proposition d’un objectif de maîtrise des coûts du deuxième volet de mesures, de l’approfondir et de l’adopter séparément. Il s’agit d’examiner de manière approfondie les possibilités de décharger les cantons lors de la mise en œuvre des mesures et d’optimiser les procédures visant à définir des objectifs en matière de coûts.

Les autres mesures contenues dans le deuxième volet seront également réexaminées en tenant compte des avis formulés dans le cadre de la consultation. Elles concernent les points suivants : soins coordonnés, prix des médicaments, tarifs de référence pour les traitements hospitaliers dans un établissement hors canton choisi par l’assuré et obligation de transmettre les factures par voie électronique. Le Conseil fédéral adoptera le message concernant le deuxième volet de mesures au premier trimestre 2022.

Le premier volet de mesures, sur lequel le Parlement est en train de débattre, prévoit notamment l’introduction d’un article relatif aux projets pilotes, la création d’une organisation tarifaire nationale et un système de prix de référence pour les médicaments dont le brevet a expiré. Le potentiel d’économies s’élève à plusieurs centaines de millions de francs.

 

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 28.04.2021 consultable ici

Page internet « Maîtrise des coûts » de l’OFSP consultable ici

 

 

9C_241/2020 (f) du 10.03.2021 – Droit aux moyens auxiliaires simples et adéquats / 8 LAI – 21 LAI – 21bis LAI – 14 RAI – OMAI / Installation d’un système de domotique – Octroi d’appareils de contrôle de l’environnement / ch. 15.05 OMAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_241/2020 (f) du 10.03.2021

 

Consultable ici

 

Droit aux moyens auxiliaires simples et adéquats / 8 LAI – 21 LAI – 21bis LAI – 14 RAI – OMAI

Installation d’un système de domotique – Octroi d’appareils de contrôle de l’environnement / ch. 15.05 OMAI

 

Assuré, né en 1967, souffre d’une amyotrophie spinale de type III caractérisée par une parésie musculaire progressive qui a entraîné de nombreuses limitations fonctionnelles au cours du temps et justifié l’octroi de différentes prestations de l’assurance-invalidité (mesures médicales et d’ordre professionnel, divers moyens auxiliaires, allocation pour impotent, rente d’invalidité et contribution d’assistance). Le 14.03.2015, il requiert à titre de nouveau moyen auxiliaire la prise en charge des frais d’automatisation de certains dispositifs mécaniques et électriques (portes, stores et éclairage) de la nouvelle maison qu’il projetait de faire construire.

Se basant sur un premier rapport établi le 26.10.2015 par la Fédération suisse de consultation en moyens auxiliaires pour personnes handicapées (FSCMA), l’office AI a accepté d’assumer le coût de l’automatisation d’une porte reliant la maison et le garage et a informé l’assuré qu’elle refusait de prendre en charge les mêmes coûts concernant la porte de la terrasse ou une installation de contrôle à distance des stores et des lumières. L’assuré a contesté ce refus. Sur la base de rapports complémentaires établis par la FSCMA les 04.11.2016 et 27.03.2018, l’office AI a refusé la prise en charge des frais afférents à l’automatisation de la porte de la terrasse mais a accepté celle d’un surcoût de 5582 fr. 70 concernant l’automatisation de certains appareils de contrôle de l’environnement (4322 fr. 70 pour sept points lumineux et 1260 fr. pour une installation laser commandant l’ouverture de la porte du garage).

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2018 290 – consultable ici)

Se basant sur le dernier rapport établi par la FSCMA, la cour cantonale a d’abord constaté que les 4322 fr., que l’office AI avait accepté d’assumer à titre de moyen auxiliaire, comprenaient les frais de matériel, d’installation, de programmation et de mise en service de sept points lumineux répartis dans la nouvelle maison de l’assuré. Les juges cantonaux ont relevé que les 16’276 fr. 65, dont l’assuré revendiquait la prise en charge, correspondaient pour partie au coût de l’installation d’un système de domotique. Ils ont considéré que, si la domotique permettait certes de faire fonctionner les points lumineux évoqués, elle faisait toutefois partie de l’installation électrique de base d’un logement, optimale, allant bien au-delà de ce qui était nécessaire et suffisant pour permettre le contrôle à distance des points lumineux jugés indispensables au déplacement de l’assuré dans sa maison. Ils ont encore précisé que la domotique ne pouvait pas être assimilée à un appareil de contrôle de l’environnement au sens du ch. 2173 CMAI (qui mentionnait à ce titre les émetteurs adaptés à l’invalidité, les récepteurs permettant de transmettre les impulsions reçues aux dispositifs de commande et les dispositifs de commande au moyen desquels les actions désirées étaient déclenchées). Ils ont conclu que c’était à juste titre que l’office AI avait refusé d’assumer le montant litigieux.

Par jugement du 20.02.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assuré fait en substance grief au tribunal cantonal d’avoir fait preuve d’arbitraire en retenant que le montant litigieux de 11’954 fr. 65 faisait partie des coûts du système électrique de base d’une maison qui ne pouvait pas être assimilé à des récepteurs ou à des dispositifs de commande qui, seuls, pouvaient être pris en charge par l’assurance-invalidité à titre de moyens auxiliaires. Il soutient qu’il ressort du devis/facture n° 23119376 et du courrier du 22.05.2018 de la société B.__ SA (qui s’est occupée des installations électriques chez l’assuré) que les 16’276 fr. 65 litigieux correspondent aux frais d’installation de la domotique qui est nécessaire au fonctionnement des sept points lumineux dont la prise en charge était admise par l’office AI et qui n’a rien à voir avec le système électrique de base d’une maison. Il fait en outre grief à la juridiction cantonale de ne pas avoir exposé les motifs qui lui permettaient d’assimiler la domotique au système électrique de base d’une maison ou d’affirmer qu’il existait une alternative moins onéreuse à la domotique.

 

Selon le TF : l’argumentation de l’assuré est fondée. Les considérants du jugement entrepris ne permettent effectivement pas d’en comprendre les conclusions. Les juges cantonaux ont suggéré – sans réellement l’affirmer ni dûment le constater – que les 16’276 fr. 65 litigieux (ou du moins une partie de ce montant [6160 fr. 05 + 9364 fr. 95]) correspondaient au coût de l’installation de la domotique qu’ils semblaient assimiler au système électrique de base d’une maison, optimal, allant au-delà de ce qui était indispensable pour permettre à l’assuré de se déplacer dans sa maison. Pour ce faire, ils se sont référés au rapport établi le 27.03.2018 par la FSCMA qui, sur la base du devis/facture n° 23119376, dressait la liste des points lumineux nécessaires au déplacement de l’assuré dans sa maison et décrivait le reste des positions du devis/facture comme étant lié à la construction de base ou comme étant optimal dans la situation de l’assuré. Comme le relève toutefois l’assuré, ce rapport, par lequel la FSCMA proposait à l’office AI de prendre en charge notamment un montant de 4322 fr. 70 pour certains appareils de contrôle de l’environnement relatifs à l’éclairage, semble contradictoire avec celui établi le 04.11.2016 par la même institution, selon lequel la prise en charge d’un montant de 17’090 fr. 45 pour les « frais électriques liés au handicap de l’assuré » était proposée. Pourtant, ces deux rapports reposent sur le même devis/facture. Or on ne trouve dans l’acte attaqué – pas plus que dans le rapport de la FSCMA du 27.03.2018 d’ailleurs – aucune explication justifiant un tel changement d’avis concernant le montant à charge de l’office AI à titre de moyen auxiliaire. On y cherche en outre en vain des explications permettant de comprendre les motifs qui ont conduit le tribunal cantonal à considérer que 751 fr. 65 des 16’276 fr. 65 litigieux correspondaient au prix d’un bouton-poussoir dans le séjour ainsi que de sa programmation déjà compris dans le montant pris en charge pour l’installation des sept points lumineux alors que le rapport de la FSCMA du 27.03.2018 retenait un coût de 613 fr. 45 pour le point lumineux du séjour. On peine d’autant plus à comprendre la conclusion de la juridiction cantonale, qui assimilait la domotique au système électrique de base d’une maison, que, selon ses propres constatations, le devis/facture de la société B.__ SA comportait deux versions qui faisaient toutes deux la différence entre les frais d’une installation électrique sans domotique, qualifiée de traditionnelle, et les frais d’installation de la domotique qui s’y ajoutaient.

De surcroît, en considérant que l’assuré avait raison lorsqu’il faisait valoir que les boutons-poussoirs, dont l’office AI avait accepté la prise en charge, n’étaient qu’un élément du système permettant le fonctionnement des appareils de contrôle de l’environnement, les juges cantonaux ont admis que la domotique était un élément nécessaire au fonctionnement dudit système. Ils ont toutefois jugé qu’un système de contrôle de l’environnement au moyen de la domotique était un moyen auxiliaire optimal – ou, autrement dit, qui n’était pas simple et adéquat au sens de la jurisprudence (cf. ATF 146 V 233 consid. 2.2 et les références) – dont les coûts n’avaient pas à être assumés par l’assurance-invalidité. Ils ont en outre suggéré qu’il existait d’autres systèmes alternatifs de commande à distance permettant d’allumer et d’éteindre la lumière, moins onéreux que la domotique, mais n’ont pas précisé lesquels. Ce raisonnement est lacunaire et ne permet pas d’établir si le moyen auxiliaire dont la prise en charge est requise à hauteur de 16’276 fr. 65 au total est adéquat dans la situation de l’assuré. On ignore d’abord – et rien ne l’indique dans le dossier – s’il existe effectivement un système moins onéreux que la domotique permettant d’actionner à distance les sept points lumineux dont la prise en charge est admise. L’existence d’un tel système conduirait à nier le caractère simple et adéquat de la domotique en tant que moyen auxiliaire. Dans l’hypothèse ensuite où un tel système n’existerait pas, on peine à déduire des constatations cantonales si la domotique est nécessaire au fonctionnement à distance du système de contrôle de l’environnement ou si elle ne constitue qu’un élément de l’installation électrique de base de la maison. Le courrier du 22.03.2018 de la société B.__ SA ne fournit aucune réponse à cet égard. Or ces points sont essentiels pour trancher le litige. En l’absence de système alternatif et si la domotique se révélait nécessaire pour activer à distance les sept points lumineux, l’assuré aurait droit selon le ch. 15.05 de l’annexe à l’OMAI à la prise en charge par l’assurance-invalidité de la domotique à titre de moyen auxiliaire dans la mesure où, contrairement à l’interprétation que fait le tribunal cantonal du ch. 2173 CMAI, les appareils de contrôle de l’environnement, qui comprennent des émetteurs, des récepteurs et des dispositifs de commande, doivent concrètement permettre de déclencher les actions désirées.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et revoie la cause à l’autorité cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considérants.

 

 

Arrêt 9C_241/2020 consultable ici

 

 

4A_5/2021 (f) du 09.03.2021 – Résiliation du contrat de travail avec effet immédiat d’une avocate-stagiaire – 337 CO / Conséquences pécuniaires pour l’employeur du congé injustifié – 337c CO

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_5/2021 (f) du 09.03.2021

 

Consultable ici

 

Résiliation du contrat de travail avec effet immédiat d’une avocate-stagiaire / 337 CO

Conséquences pécuniaires pour l’employeur du congé injustifié / 337c CO

 

A.__ exerce la profession d’avocat inscrit au Barreau à Genève. Il est associé avec C.__ dans un rapport de société simple au sein de l’Etude d’avocats Z.__ (ci-après: l’Etude).

B.__, titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise universitaires en droit, a effectué un stage au Tribunal des mineurs de Genève du 01.02.2017 au 31.07.2017. Cette juridiction a salué la qualité du travail de la stagiaire et lui a délivré un certificat de travail élogieux [faits du jugement cantonal]. B.__ a effectué une mission de courte durée entre le 09.08.2017 et le 14.08.2017 au sein de l’Etude. Les associés de l’Etude ont établi un certificat de travail élogieux.

Par contrat de travail du 03.11.2017, B.__ a été engagée par A.__ en qualité d’avocate stagiaire à plein temps, dès le 06.11.2017, pour une rémunération brute de 3’500 fr. versée treize fois l’an. Le contrat prévoyait qu’il prendrait fin « à l’obtention du brevet d’avocat ». Selon l’accord intervenu entre les parties, B.__ présenterait cet examen à la session du 28.11.2018, soit au terme de douze mois de stage en l’Etude. Le contrat précisait qu’en principe, A.__, en tant que maître de stage, corrigerait et signerait toute correspondance ou écriture rédigée par sa stagiaire. Le contrat renvoyait au surplus à la Charte du stage de l’Ordre des avocats genevois, laquelle stipule les obligations du maître de stage en matière de formation (art. 7) et de suivi régulier du stage (art. 8) ainsi que les obligations du stagiaire en matière de travail consciencieux et de respect scrupuleux des règles de la profession (art. 9).

Le 30.05.2018, une altercation a eu lieu entre B.__ et D.__, administrateur de l’Etude. Selon B.__, un nouveau différend l’a opposée à D.__ le 31.05.2018. B.__ a ensuite envoyé un SMS à C.__, l’informant qu’elle se trouvait dans un café à côté de l’Etude car elle ne se sentait pas en sécurité seule avec D.__. Elle lui demandait de l’appeler à son arrivée à l’Etude. Par la suite, elle lui a écrit qu’elle n’était pas en état de revenir travailler. La Dresse E.__ a certifié que le 31.05.2018, B.__ s’était présentée à son cabinet en état de stress psychique intense provoqué par une altercation sur son lieu de travail.

D’après B.__, elle a eu un nouveau différend avec D.__ le 05.06.2018.

Le 06.06.2018, en fin de journée, au cours d’une réunion entre A.__, C.__ et B.__, un avertissement écrit a été remis à cette dernière. Ce document, signé par les deux associés, faisait état, en accord avec plusieurs communications orales antérieures, de leur mécontentement relatif à la qualité du travail de B.__, situation qui ne s’était pas améliorée depuis le début du stage. Le texte se terminait ainsi: « Sans une […] amélioration [sensible et immédiate de la qualité de votre travail] il sera mis fin à votre stage en l’Etude sans autre avertissement. » B.__ a signé ce document en y apposant la mention « Reçu mais contesté ».

Le 07.06.2018, B.__ a travaillé jusqu’à midi. Elle a affirmé s’être assurée par téléphone qu’aucune permanence n’avait été attribuée par le Tribunal administratif de première instance à C.__. Elle a averti F.__, secrétaire, qu’elle rentrait chez elle pour se soigner car elle ne se sentait pas bien. Celui-ci lui a assuré qu’il en informerait A.__.

A 14h52, B.__ a envoyé à A.__ un SMS à la teneur suivante: « Hello A.__, je suis rentrée comme te l’a dit F.__ car je ne suis pas en état de travailler. » Aucun dossier de permanence n’a été confié à un des associés de l’Etude ce jour-là.

Le même jour, dans l’après-midi, le secrétariat de l’Etude a adressé une lettre de licenciement à B.__ par courriel et envoi postal. Elle faisait état de ce qui suit: « […] Suite à l’avertissement qui vous a été remis hier soir, nous avons discuté, avec vous et Me C.__, des éléments qu’il comporte. Aujourd’hui, vous avez quitté l’Etude sans autorisation ni demande de votre part, avant midi, alors que j’étais en entretien avec un client et que Me C.__ était en audience au titre de la permanence de la première heure. Vous saviez que nous avions en plus, cet après-midi, deux audiences concurrentes et une permanence des mesures de contraintes au Tribunal administratif de première instance. Nos instructions étaient que vous restiez disponible pour nous suppléer à l’Etude. Me C.__ vous avait donné pour instruction de vérifier avec le greffe du Tribunal administratif de première instance si des cas pouvaient se présenter. Vous ne lui avez pas fourni de réponse. Or, à 14h15, nous n’avons plus de nouvelles de votre part et ne savons pas où vous vous trouvez. Votre comportement est incompatible avec les obligations fondamentales de l’exercice de notre profession, notamment en ce qui concerne la diligence requise. Votre abandon de poste, dans les circonstances actuelles, constitue une faute particulièrement grave qui touche votre aptitude même à exercer la profession pour laquelle vous vous formez. Pour ce motif, votre contrat de stage à l’Etude prend fin avec effet immédiat. Vous êtes sommée de nous restituer les clés de l’Etude d’ici ce jour, 19h00, à défaut de quoi des mesures devront être prises pour changer les serrures, à votre charge […]. »

Ce même 07.06.2018, B.__ a adressé à A.__, par courrier recommandé, une copie d’un certificat médical du 06.06.2018, attestant une incapacité totale de travailler du 07.06.2018 au 30.06.2018 pour cause de maladie.

A partir du 02.08.2018, B.__ a été engagée dans l’enseignement obligatoire. Du 01.10.2018 au 22.05.2019, elle a poursuivi son stage d’avocate auprès de l’étude de Me G.__, lequel lui a délivré un certificat de travail élogieux.

 

Procédure cantonale

Entendu comme témoin, C.__ a déclaré qu’il avait su le 06.06.2018 déjà qu’il n’aurait pas d’audience l’après-midi du 07.06.2018 auprès du Tribunal administratif de première instance. Il était toutefois possible qu’une procédure écrite lui soit attribuée, ce dont B.__ devait s’enquérir par téléphone le matin même. Elle ne l’avait pas informé des résultats de son appel, pour autant qu’elle l’ait effectué.

Par jugement du 07.04.2020, le Tribunal des prud’hommes a condamné A.__ à verser à B.__ la somme brute de 10’835 fr. 55 avec intérêts moratoires au taux de 5% l’an dès le 08.06.2018, en invitant la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles, et la somme nette de 10’000 fr. avec intérêts moratoires au taux de 5% l’an dès le 08.06.2018. Le premier montant était dû à titre de différence de salaire et le second à titre d’indemnité pour licenciement immédiat injustifié.

Statuant le 19.11.2020 sur appel de A.__, la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice a confirmé le jugement attaqué (arrêt CAPH/204/2020).

La cour cantonale a constaté que B.__ avait quitté l’Etude le 07.06.2018 en milieu de journée pour des raisons médicales, en ayant averti le secrétaire. Quelques heures plus tard, elle avait envoyé un message à son maître de stage. Cela reflétait sa volonté de reprendre le travail ultérieurement et de permettre à l’Etude de pallier son absence. Il apparaissait ainsi que c’était sans se donner le temps de la réflexion et sans même contacter sa stagiaire, que A.__ avait impulsivement résilié avec effet immédiat le contrat de travail d’une personne dont il devait assurer la formation et ce pour un motif futile. A.__ ne pouvait raisonnablement considérer que celle-ci avait abandonné son emploi. Enfin, selon la cour cantonale, l’avertissement écrit portait essentiellement sur de prétendues déficiences rédactionnelles et juridiques, mais n’avait aucun rapport avec les faits invoqués à l’appui du licenciement. L’avertissement ne jouait dès lors pas de rôle dans l’examen des motifs du licenciement immédiat. La cour cantonale a jugé que A.__ ne disposait pas de justes motifs pour licencier B.__ avec effet immédiat.

 

TF

L’art. 337 CO autorise l’employeur à résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs (al. 1). Sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (al. 2).

Selon la jurisprudence, la résiliation immédiate pour « justes motifs » est une mesure exceptionnelle qui doit être admise de manière restrictive (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1). Seul un manquement particulièrement grave peut justifier une telle mesure (ATF 142 III 579 consid. 4.2). Par manquement du travailleur, on entend généralement la violation d’une obligation découlant du contrat de travail, mais d’autres incidents peuvent aussi justifier une telle mesure (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1; 130 III 28 consid. 4.1; 129 III 380 consid. 2.2; arrêt 4A_393/2020 du 27 janvier 2021 consid. 4.1.1).

Ce manquement doit être objectivement propre à détruire le rapport de confiance essentiel au contrat de travail ou, du moins, à l’atteindre si profondément que la continuation des rapports de travail ne peut raisonnablement pas être exigée; de surcroît, il doit avoir effectivement abouti à un tel résultat. Lorsqu’il est moins grave, le manquement ne peut entraîner une résiliation immédiate que s’il a été répété malgré un avertissement (ATF 142 III 579 consid. 4.2; 130 III 213 consid. 3.1).

Déterminer les motifs du congé est une question de fait. En revanche, ressortit au droit le point de savoir si le congé est fondé sur de justes motifs (arrêts 4A_246/2020 du 23 juin 2020 consid. 3.2; 4A_35/2017 du 31 mai 2017 consid. 4.1 et les références citées).

Le juge apprécie librement s’il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO); il applique les règles du droit et de l’équité (art. 4 CC). Savoir si le comportement incriminé atteint la gravité nécessaire dépend des circonstances du cas concret (ATF 142 III 579 consid. 4.2 et les arrêts cités). Dans son appréciation, le juge doit notamment tenir compte de la position et de la responsabilité du travailleur, du type et de la durée des rapports contractuels, de la nature et de l’importance des manquements (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1; 130 III 28 consid. 4.1; 127 III 351 consid. 4a), ou encore du temps restant jusqu’à l’échéance ordinaire du contrat (ATF 142 III 579 consid. 4.2). La position du travailleur, sa fonction et les responsabilités qui lui sont confiées peuvent entraîner un accroissement des exigences quant à sa rigueur et à sa loyauté (ATF 127 III 86 consid. 2c; arrêt 4A_393/2020 précité consid. 4.1.1).

Le Tribunal fédéral ne revoit qu’avec réserve la décision d’appréciation prise en dernière instance cantonale. Il n’intervient que lorsque l’autorité précédente s’est écartée sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation, lorsqu’elle s’est appuyée sur des faits qui ne devaient jouer aucun rôle ou, à l’inverse, a méconnu des éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; il sanctionnera en outre les décisions rendues en vertu d’un pouvoir d’appréciation lorsqu’elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1; 130 III 213 consid. 3.1; 130 III 28 consid. 4.1; 129 III 380 consid. 2 et les arrêts cités).

 

Selon les constatations de la cour cantonale, B.__ a quitté son travail pour des raisons médicales, en ayant pris soin d’avertir le secrétaire de l’Etude puis, quelques heures plus tard, son maître de stage. La cour cantonale a considéré que cela reflétait notamment la volonté de B.__ de permettre à l’Etude de pallier son absence. Si B.__ n’avait pas réussi à démontrer qu’elle avait pris contact avec l’autorité susceptible de confier une affaire à C.__, il était établi qu’il n’y avait effectivement pas eu de cas de permanence ce jour-là. Dans ces circonstances, les juges cantonaux étaient fondés à juger que B.__ n’avait pas violé ses obligations professionnelles, notamment s’agissant de la diligence requise. Il ne peut leur être reproché de ne pas avoir suffisamment tenu compte de la réglementation spécifique de l’activité d’avocat, respectivement d’avocat stagiaire.

La cour cantonale a considéré que B.__ avait la volonté de reprendre son travail ultérieurement et qu’il ne s’agissait pas d’un abandon d’emploi pouvant fonder un juste motif de licenciement immédiat. Certes, B.__ n’a pas pu assurer la permanence durant l’après-midi du 07.06.2018. Ce seul élément n’est toutefois pas suffisant pour justifier une résiliation immédiate des rapports de travail, ce d’autant plus que B.__ a pris des mesures en vue de pallier son absence.

Enfin, A.__ fait grief à l’autorité cantonale d’avoir retenu que l’avertissement du 06.06.2018 était sans rapport avec le motif invoqué à l’appui du licenciement et, partant, de ne pas en avoir tenu compte dans son appréciation. A.__ soutient que le comportement reproché à B.__ dans cet avertissement mettait en évidence des violations des règles professionnelles et avait ainsi un lien direct avec le motif du licenciement immédiat. Déterminer le contenu d’un avertissement est une question de fait. La cour cantonale a considéré que l’avertissement portait essentiellement sur de prétendues déficiences rédactionnelles et juridiques. Sur ce point, A.__ se limite à substituer son appréciation à celle de la cour cantonale, sans démontrer qu’elle aurait sombré dans l’arbitraire en ne retenant pas que cet avertissement concernait des violations des règles professionnelles. A.__ n’amène aucun autre élément pouvant fonder un lien entre le motif du licenciement immédiat et le contenu de l’avertissement précité. La cour cantonale n’a donc pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en ne prenant pas en compte cet avertissement dans son raisonnement.

 

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

 

Arrêt 4A_5/2021 consultable ici