Meilleurs voeux pour les fêtes de fin d’année

Chères abonnées, Chers abonnés,
Chères lectrices, Chers lecteurs,

À l’approche de cette fin d’année 2024, je souhaite vous exprimer ma profonde gratitude pour votre fidélité et votre intérêt constant envers les résumés d’arrêts du Tribunal fédéral que je publie régulièrement sur ce site. Votre présence assidue est une source de motivation inestimable qui me pousse à maintenir la qualité et la régularité de mes publications.

Cette plateforme, au-delà d’être un espace de partage de connaissances juridiques, est également le reflet de mon engagement professionnel. À ce titre, je tiens à adresser mes sincères remerciements à tous mes clients pour la confiance qu’ils m’ont accordée tout au long de cette année. Votre soutien et votre collaboration ont été précieux et m’ont permis de continuer à exercer ma passion pour le domaine des assurances sociales avec enthousiasme et détermination.

En cette période festive, je vous souhaite à toutes et à tous de joyeuses fêtes de fin d’année. Que ces moments soient empreints de chaleur, de partage et de sérénité. Puisse la nouvelle année 2025 vous apporter santé, bonheur et réussite dans vos projets personnels et professionnels.

Je vous donne rendez-vous l’année prochaine pour continuer à explorer ensemble les subtilités et les évolutions du droit, en particulier dans le domaine passionnant de la sécurité sociale.

Mes meilleurs vœux vous accompagnent pour cette nouvelle année.

Bien cordialement

David Ionta

8C_736/2023 (f) du 02.10.2024 – Objet de la contestation vs objet du litige / Procédure simplifiée – Montant de l’indemnité journalière / Formalisme excessif / Obligation du mandataire professionnel

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_736/2023 (f) du 02.10.2024

 

Consultable ici

 

Objet de la contestation vs objet du litige / 49 LPGA – 52 LPGA – 56 LPGA

Procédure simplifiée – Montant de l’indemnité journalière / 51 LPGA

Formalisme excessif / 29 al. 1 Cst.

Obligation du mandataire professionnel

 

Le 30.08.2018, un assuré né en 1978, travaillant comme ferrailleur, s’est fracturé l’extrémité distale du radius droit en tombant sur son avant-bras sur un chantier. L’assurance-accidents l’a informé le 12.10.2018 qu’il avait droit à une indemnité journalière de CHF 64.25, calculée sur la base d’un salaire horaire de CHF 26 et d’un taux d’occupation de 50%, selon la déclaration de sinistre de l’employeur.

Le 16.04.2021, l’assurance-accidents a annoncé au premier mandataire de l’assuré la clôture du cas au 31.05.2021, mettant fin aux soins médicaux et à l’indemnité journalière. Le 08.07.2021, elle a rendu une décision refusant une rente d’invalidité mais octroyant une IPAI de 15%.

L’assuré, représenté par un nouveau mandataire, a fait opposition à cette décision, contestant notamment le montant de l’indemnité journalière. Il a présenté un jugement du Tribunal des prud’hommes du 05.01.2021 établissant un salaire annuel net de CHF 50’112.25 pour la période de juillet 2017 à juillet 2018, bien supérieur au salaire de CHF 29’292.50 utilisé pour le calcul des indemnités. L’assuré a demandé une adaptation des calculs et le versement de la différence.

L’assurance-accidents a rejeté l’opposition, déclarant irrecevable la demande de correction des indemnités journalières, au motif que cette question ne faisait pas partie de la décision contestée. Elle a maintenu sa décision initiale concernant le refus de rente et l’octroi de l’IPAI de 15%.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/774/2023 – consultable ici)

Le 31.01.2022, l’assuré a contesté la décision de l’assurance-accidents auprès du tribunal cantonal. Ce dernier a rendu un arrêt le 12.10.2023, déclarant irrecevables les demandes de l’assuré concernant un complément d’indemnités journalières pour la période du 07.09.2018 au 31.05.2021, ainsi que la prise en charge d’une mesure de réinsertion. Le tribunal a rejeté le reste du recours. Parallèlement, le 01.02.2022, le représentant de l’assuré a sollicité l’assurance-accidents pour réexaminer le montant de l’indemnité journalière en dehors de la procédure de recours, en se basant sur le jugement du Tribunal des prud’hommes du 05.01.2021. L’assurance-accidents a refusé cette demande le 09.03.2023, arguant que ce point avait déjà été soulevé par l’assuré dans ses écritures devant le Tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.2
Au vu de l’arrêt entrepris, l’objet de la contestation porte uniquement sur la recevabilité, en instance cantonale, des conclusions tendant au versement d’un complément d’indemnités journalières pour la période du 07.09.2018 au 31.05.2021. Dans la mesure où l’assuré conclut, à titre principal, à ce que l’assurance-accidents soit condamnée à lui verser des indemnités journalières de 120’416 fr. 40 sous déduction des montants déjà versés à ce titre jusqu’au 31.05.2021, ses conclusions sont irrecevables parce qu’elles vont au-delà de l’objet de la contestation. La conclusion subsidiaire de l’assuré est recevable.

Consid. 4 [résumé]
La juridiction cantonale a considéré que la communication du 12.10.2018 de l’assurance-accidents, fixant l’indemnité journalière à CHF 64.25, était une décision sous forme simplifiée selon l’art. 51 al. 1 LPGA. Elle a estimé qu’il n’était pas de son ressort de déterminer si cette décision était entrée en force ou si l’assuré pouvait invoquer un motif de révision ou de reconsidération, car elle n’avait pas été saisie d’un recours à ce sujet. La cour cantonale a jugé que le montant de l’indemnité journalière était une question distincte de celle de la cessation de cette prestation, et qu’elle n’avait donc pas à être traitée dans la décision sur opposition du 22.12.2021. Comme l’assurance-accidents ne s’était pas prononcée sur cette question dans sa décision sur opposition, la conclusion de l’assuré visant à corriger le montant de l’indemnité journalière a été déclarée irrecevable par la cour cantonale.

Consid. 5.2.1
Selon l’art. 49 al. 1 LPGA, l’assureur doit rendre par écrit les décisions qui portent sur des prestations, créances ou injonctions importantes ou avec lesquelles l’intéressé n’est pas d’accord. L’art. 52 al. 1 LPGA prévoit que les décisions peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d’opposition auprès de l’assureur qui les a rendues, à l’exception des décisions d’ordonnancement de la procédure. Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l’opposition n’est pas ouverte sont sujettes à recours (art. 56 al. 1 LPGA). La procédure d’opposition est obligatoire et constitue une condition formelle de validité de la procédure de recours de droit administratif subséquente (arrêt 9C_777/2013 du 13 février 2014 consid. 5.2.1; arrêt C 279/03 du 30 septembre 2005 consid. 2.2.2, in SVR 2006 ALV n° 13 p. 43; cf. aussi ATF 130 V 388). L’opposition est un moyen de droit permettant au destinataire d’une décision d’en obtenir le réexamen par l’autorité administrative, avant qu’un juge ne soit éventuellement saisi (cf. ATF 125 V 118 consid. 2a et les références). La procédure d’opposition porte sur les rapports juridiques qui, d’une part, font l’objet de la décision initiale de l’autorité et à propos desquels, d’autre part, l’opposant manifeste son désaccord, implicitement ou explicitement (cf. ATF 119 V 350 consid. 1b et les références). L’autorité valablement saisie d’une opposition devra se prononcer une seconde fois sur tous les aspects du rapport juridique ayant fait l’objet de sa décision initiale, quand bien même la motivation de la nouvelle décision portera principalement sur les points critiqués par l’opposant. La décision sur opposition remplace la décision initiale et devient, en cas de recours à un juge, l’objet de la contestation de la procédure judiciaire (cf. ATF 125 V 413 consid. 2).

Consid. 5.2.2
En procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent en principe être examinés et jugés que les rapports juridiques à propos desquels l’autorité administrative compétente s’est prononcée préalablement, d’une manière qui la lie sous la forme d’une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l’objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d’un recours (MEYER/VON ZWEHL, L’objet du litige en procédure de droit administratif fédéral, in Mélanges Pierre Moor, Berne 2005, n° 8 p. 439). Le juge n’entre donc pas en matière, sauf exception, sur des conclusions qui vont au-delà de l’objet de la contestation.

L’objet du litige dans la procédure de recours est le rapport juridique réglé dans la décision attaquée, dans la mesure où, d’après les conclusions du recours, il est remis en question par la partie recourante. L’objet de la contestation (Anfechtungsgegenstand) et l’objet du litige (Streitgegenstand) sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, les rapports juridiques non litigieux sont compris dans l’objet de la contestation, mais pas dans l’objet du litige (ATF 144 II 359 consid. 4.3; 144 I 11 consid. 4.3). L’objet du litige peut donc être réduit par rapport à l’objet de la contestation. Il ne peut en revanche pas, sauf exception (cf. consid. 6.2.3 infra), s’étendre au-delà de celui-ci (ATF 144 II 359 consid. 4.3 précité; 136 II 457 consid. 4.2).

Consid. 5.3.1 [résumé]
Dans son opposition du 08.09.2021, l’assuré a contesté la fin des indemnités journalières et demandé leur reprise. Il a également remis en question le montant de ces indemnités, réclamant que le gain assuré soit basé sur un salaire annuel net de CHF 50’112.25 au lieu de CHF 29’292.50. L’assurance-accidents, par sa décision sur opposition du 22.12.2021, a refusé d’accorder des indemnités journalières ou une rente après le 31.05.2021. Comme l’assurance-accidents n’avait pas statué sur les bases de calcul des indemnités journalières dans sa décision initiale du 08.07.2021, elle n’était pas tenue de se prononcer sur ce point, notamment sur le gain assuré, dans sa décision sur opposition. L’assuré ne peut invoquer ni le principe inquisitoire de l’art. 43 al. 1 LPGA, ni l’art. 22 al. 3 et 4 OLAA pour contester cette approche.

Consid. 5.3.2
Dans le même sens, dès lors que l’assurance-accidents avait déclaré irrecevable sa conclusion relative au calcul des indemnités journalières, les conclusions de l’assuré devant les juges cantonaux, tendant au paiement d’un montant de CHF 120’416.40 à titre d’indemnités journalières pour la période courant jusqu’au 31.05.2021, sous déduction des indemnités déjà versées, allaient au-delà de l’objet de la contestation pouvant être soumis à l’examen de la juridiction cantonale. Elles étaient donc irrecevables. L’assuré pouvait prendre pour seule conclusion à ce propos, devant les juges cantonaux, le renvoi de la cause à l’assurance-accidents pour qu’elle entre en matière sur sa contestation. L’assuré ne peut rien déduire, dans ce contexte, de l’obligation d’instruire la cause d’office découlant de l’art. 61 let. c LPGA. Enfin, contrairement à ce que soutient l’assuré, l’assurance-accidents n’avait pas « intégré » dans la décision sur opposition la question du calcul des indemnités journalières en déclarant irrecevable sa demande sur ce point, mais avait précisément refusé de le faire. Le grief de violation de l’art. 56 LPGA est donc manifestement infondé.

Consid. 6.2.1
Aux termes de l’art. 51 al. 1 LPGA, les prestations, créances ou injonctions qui ne sont pas visées à l’art. 49 al. 1 peuvent être traitées selon une procédure simplifiée. Les indemnités journalières de l’assurance-accidents peuvent faire l’objet d’une telle procédure simplifiée (cf. art. 124 OLAA a contrario; arrêt 8C_ 99/2008 du 26 novembre 2008 consid. 3.2 in SVR 2009 UV n° 21 p. 78). La prise de position de l’assureur selon cette procédure informelle n’est pas susceptible d’opposition ou de recours. Les droits de l’assuré sont garantis par la possibilité d’exiger qu’une décision formelle soit rendue (art. 51 al. 2 LPGA) (cf. VALÉRIE DÉFAGO GAUDIN, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, [Dupont/Moser-Szeless éd.], 2018, n° 9 ad. art. 51 LPGA). Une communication effectuée conformément au droit sous la forme simplifiée de l’art. 51 al. 1 LPGA peut produire les mêmes effets qu’une décision entrée en force si l’assuré n’a pas, dans un délai d’examen et de réflexion convenable, manifesté son désaccord avec la solution adoptée par l’assureur social et exprimé sa volonté que celui-ci statue sur ses droits dans un acte administratif susceptible de recours (cf. ATF 134 V 145 consid. 5.2; 129 V 110 consid. 1.2.2). En présence d’une telle réaction de l’assuré, l’assureur a l’obligation de statuer par une décision formelle selon l’art. 49 (cf. art. 51 al. 2 LPGA). Si ce dernier ne rend pas de décision, le recours pour déni de justice est ouvert (art. 56 al. 2 LPGA).

Consid. 6.2.2
Le recours devant le tribunal cantonal des assurances est une voie de droit ordinaire possédant un effet dévolutif: un recours présenté dans les formes requises a pour effet de transférer à la juridiction cantonale la compétence de statuer sur la situation juridique objet de la décision attaquée. L’administration perd la maîtrise de l’objet du litige, en particulier celle des points de fait susceptibles de fonder la décision attaquée. Conformément à la maxime inquisitoire applicable, il appartient à l’autorité de recours d’établir d’office les faits déterminants pour la solution du litige et d’administrer les preuves nécessaires (art. 61 let. c LPGA). Si l’état de fait doit être complété, elle est libre de procéder elle-même aux mesures d’instruction nécessaires ou d’annuler la décision attaquée et de renvoyer le dossier à l’administration pour qu’elle s’en charge. Après le dépôt d’un recours, il n’est en principe plus permis à l’administration d’ordonner de nouvelles mesures d’instruction qui concerneraient l’objet du litige et tendraient à une éventuelle modification de la décision attaquée (ATF 136 V 2 consid. 2.5; 127 V 228 consid. 2b/aa et les références; arrêts 8C_81/2017 du 2 mars 2017 consid. 6.2 in SVR 2017 UV n° 25 p. 83; 9C_403/2010 du 31 décembre 2010 consid. 3). Le principe de l’effet dévolutif du recours connaît une exception, en tant que l’administration peut reconsidérer sa décision jusqu’à l’envoi de son préavis à l’autorité de recours (art. 53 al. 3 LPGA).

Consid. 6.2.3
Selon une jurisprudence constante rendue dans le domaine des assurances sociales, la procédure juridictionnelle administrative peut être étendue pour des motifs d’économie de procédure à une question en état d’être jugée qui excède l’objet de la contestation, c’est-à-dire le rapport juridique visé par la décision, lorsque cette question est si étroitement liée à l’objet initial du litige que l’on peut parler d’un état de fait commun et à la condition que l’administration se soit exprimée à son sujet dans un acte de procédure au moins (ATF 130 V 501 consid. 1.2 et les références; 122 V 34 consid. 2a; arrêt 8C_124/2022 du 3 août 2022 consid. 3.2.2).

Consid. 6.2.4
Le formalisme excessif, que la jurisprudence assimile à un déni de justice contraire à l’art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque des règles de procédure sont appliquées avec une rigueur que ne justifie aucun intérêt digne de protection, au point que la procédure devient une fin en soi et empêche ou complique de manière insoutenable l’application du droit (cf. ATF 148 I 271 consid. 2.3; 132 I 246 consid. 5). De jurisprudence constante, l’exigence d’allégation est une condition légale de recevabilité (art. 42 al. 1 et 2 LTF), dont le défaut conduit à l’irrecevabilité du recours; une telle sanction n’est pas excessivement formaliste (parmi d’autres: arrêt 5A_761/2021 du 10 décembre 2021 consid. 5). Dès lors, si la validité d’un moyen de droit présuppose, en vertu d’une règle légale expresse, une motivation – même minimale -, en exiger une ne saurait constituer une violation du droit d’être entendu, ni d’ailleurs de l’interdiction du formalisme excessif (ATF 134 II 244 consid. 2.4.2).

Consid. 6.3.1
Au vu de la contestation relative au montant des indemnités journalières, soulevée par l’assuré dans l’opposition à la décision du 08.07.2021, l’assurance-accidents avait la possibilité de rendre une décision formelle sur cette question, puis en cas de nouvelle contestation, de traiter dans une seule décision sur opposition tous les aspects litigieux du droit aux prestations. Si elle estimait qu’une décision sur ce point avait déjà été rendue en procédure simplifiée et était entrée en force sans que l’assuré puisse se prévaloir d’un motif de reconsidération ou de révision, elle pouvait le constater dans une décision formelle, éventuellement dans la décision sur opposition du 22.12.2021. L’assurance-accidents s’est toutefois limitée à déclarer l’opposition irrecevable sur la question du montant des indemnités journalières, sans autre indication sur ses intentions quant à la manière de traiter la demande de nouveau calcul. Par la suite, informée du recours interjeté devant la juridiction cantonale, l’assurance-accidents a conclu à l’irrecevabilité des conclusions relatives au calcul des indemnités journalières et a refusé de statuer pendente litis sur ce point, mais toujours sans indiquer si elle envisageait ou non, ultérieurement, de statuer sur la demande de nouveau calcul. En revanche, contrairement à ce que laisse entendre l’assuré, elle n’a jamais formellement refusé de statuer au motif que la demande de nouveau calcul n’aurait pas été présentée dans une écriture distincte de l’opposition à la décision du 08.07.2021.

Consid. 6.3.2
Il aurait certainement été préférable que l’assurance-accidents précise dans la décision sur opposition qu’elle statuerait ultérieurement sur la demande de nouveau calcul des indemnités journalières pour la période courant jusqu’au 31.05. 2021. Il aurait également été souhaitable, pendant la procédure cantonale de recours, qu’elle précise ses intentions dans ce sens, dans l’hypothèse où la juridiction cantonale confirmerait l’irrecevabilité du recours sur ce point. Ces indications auraient certainement clarifié la situation procédurale pour l’assuré et évité des démarches inutiles. Par ailleurs, il est effectivement clair qu’il appartiendra à l’assurance-accidents de se prononcer sur cette demande à l’issue de la présente procédure. Il n’en reste pas moins que dans son mémoire de recours en instance cantonale, l’assuré a exclusivement pris des conclusions tendant à la condamnation de l’assurance-accidents au paiement de diverses prestations et qu’il n’a pas soulevé le grief de déni de justice. Dans cette mesure, et dès lors que l’assuré était représenté par un mandataire professionnel, il n’était pas excessivement formaliste de la part de la juridiction cantonale de se limiter à déclarer irrecevables les conclusions qu’il avait formellement prises sur le droit aux indemnités journalières litigieuses pour la période courant jusqu’au 31.05.2021, sans examiner la question d’un éventuel déni de justice. La juridiction cantonale pouvait, à ce stade, se limiter à observer qu’elle n’avait pas à se prononcer sur le montant des indemnités journalières litigieuses, ni sur le point de savoir si une décision précédente à ce propos était entrée en force, ni sur la question d’un éventuel motif de révision ou de reconsidération. On pouvait en effet attendre d’un mandataire professionnel qu’il soulève expressément le grief de déni de justice, ce qu’il admet lui-même avoir renoncé à faire au motif que son sort « aurait été incertain compte tenu du fait que la Cour cantonale était déjà saisie de la question du montant des indemnités journalières ». Par ailleurs, l’assuré ne peut tirer aucun argument de la possibilité laissée à une autorité administrative de rendre une nouvelle décision « pendente litis » sur un objet qui fait l’objet de conclusions dans un recours de droit administratif, en application de l’art. 53 al. 3 LPGA, ni de la possibilité, pour une juridiction cantonale, d’étendre l’objet du litige dont elle est saisie. Ni l’autorité administrative, ni la juridiction cantonale n’ont l’obligation d’en faire usage, l’assurance-accidents s’étant au demeurant, en l’espèce, expressément opposée à une extension de la procédure.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_736/2023 consultable ici

 

Le Conseil fédéral souhaite permettre le remboursement des moyens et appareils médicaux provenant de l’Espace économique européen

Le Conseil fédéral souhaite permettre le remboursement des moyens et appareils médicaux provenant de l’Espace économique européen

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 13.12.2024 consultable ici

 

Le Conseil fédéral propose que l’assurance obligatoire des soins (AOS) prenne à l’avenir en charge les coûts de certains moyens et appareils médicaux achetés par les assurés à titre privé dans l’Espace économique européen. Les prix à l’étranger étant en partie inférieurs, cette mesure permettrait de maîtriser les coûts et de favoriser la concurrence. Lors de sa séance du 13 décembre 2024, le Conseil fédéral a mis en consultation une modification correspondante de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal).

L’AOS prend en charge les moyens et appareils prescrits par un médecin et servant à diagnostiquer ou à traiter une maladie et ses séquelles. Il s’agit par exemple du matériel de pansement, de bandelettes de test de la glycémie, ou encore d’orthèses. Tous les produits de ce type couverts par l’AOS figurent dans la liste des moyens et appareils (LiMA). Après consultation de la Commission fédérale des analyses, moyens et appareils (CFAMA), le Département fédéral de l’intérieur (DFI) décide si une prestation est ajoutée à la LiMA et remboursée.

Actuellement, les moyens et appareils qu’une personne assurée en Suisse acquiert à titre privé à l’étranger ne sont en règle générale pas remboursés par l’AOS. C’est le principe dit de territorialité. Les assureurs et l’AOS ne peuvent donc profiter qu’exceptionnellement (p. ex. en cas d’urgence) de prix plus bas pratiqués à l’étranger.

Le Conseil fédéral propose maintenant une adaptation permettant la prise en charge par l’AOS de certains produits achetés dans l’Espace économique européen. Cette catégorie comprendrait en particulier le matériel à usage unique, qui représente un peu plus de 50 % du volume des coûts des moyens et appareils remboursés par l’AOS. En 2021, le volume des coûts liés à la LiMA était d’environ 630 millions de francs. La proposition du Conseil fédéral se fonde sur un rapport qu’il a fait élaborer en réponse à une motion sur la mise en place d’une obligation de remboursement pour les moyens et appareils achetés à l’étranger (motion 16.3169 Heim « Faire obligation aux caisses-maladie de rembourser les moyens et appareils médicaux achetés à l’étranger »).

 

Une adaptation pour mieux maîtriser les coûts

La prise en charge des produits achetés à l’étranger peut aider à maîtriser les coûts des moyens et appareils à la charge de l’AOS, tout en favorisant la concurrence. Le Conseil fédéral fixerait des règles de mise en œuvre à l’échelon réglementaire et définirait concrètement les moyens et appareils remboursables en cas d’acquisition dans l’Espace économique européen. Le Conseil fédéral a envoyé la modification correspondante en consultation lors de sa séance du 13 décembre 2024. La consultation dure jusqu’au 31 mars 2025.

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 13.12.2024 consultable ici

Rapport explicatif du 13.12.2024 relatif à l’ouverture de la procédure de consultation disponible ici

Projet mis en consultation disponible ici

 

Rejet des recours contre la votation relative à la réforme AVS 21

Rejet des recours contre la votation relative à la réforme AVS 21 – Arrêt du 12 décembre 2024 (1C_487/2024, 1C_491/2024, 1C_496/2024, 1C_497/2024, 1C_504/2024)

 

Communiqué de presse du TF du 12.12.2024 consultable ici

Communiqué de presse de l’OFAS du 12.12.2024 consultable ici

 

Lors de sa délibération publique du 12 décembre 2024, le Tribunal fédéral rejette les recours en lien avec la votation du 25 septembre 2022 relative à la réforme AVS 21. Une annulation de la votation n’entre pas en considération en raison de la sécurité du droit et de la protection de la bonne foi. La question de savoir s’il y a eu une information erronée du corps électoral peut ainsi demeurer indécise.

Le 25 septembre 2022, le peuple suisse et les cantons se sont exprimés sur la réforme de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS 21). Cette réforme était constituée de deux objets, liés entre eux : d’une part, le financement additionnel de l’AVS par le biais d’un relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et, d’autre part, la modification de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS), comprenant notamment l’augmentation de l’âge de la retraite pour les femmes de 64 à 65 ans. La modification de la LAVS a été acceptée par 50,5 % des voix et l’augmentation de la TVA par 55,1 %. Il ressortait des explications fournies par le Conseil fédéral (et reprises par les acteurs politiques et les médias) avant la votation que le besoin de financement de l’AVS s’élevait à environ 18,5 milliards de francs pour la période allant de 2022 à 2032. Dans un communiqué de presse daté du 6 août 2024, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a informé avoir constaté que la projection des dépenses à long terme de l’AVS semblait trop élevée : il avait chargé deux instituts de recherche de développer chacun son propre modèle autonome de calcul. Plusieurs personnes privées et un parti politique ont alors formé des recours au Tribunal fédéral et demandé l’annulation de la votation relative à la modification de la LAVS.

Lors de sa délibération publique du 12 décembre 2024, le Tribunal fédéral rejette les recours. Il convient tout d’abord de noter que l’évaluation du besoin de financement de l’AVS sur les dix prochaines années constitue une prévision. Les prévisions sont par essence incertaines et le corps électoral en est conscient. Ensuite, le message principal véhiculé par les explications de vote indiquant que la situation financière de l’AVS était mauvaise, qu’elle se détériorait de plus en plus et que des mesures d’assainissement étaient nécessaires était correct. Le résultat de la votation était toutefois très serré. La question de savoir s’il y a eu une information erronée du corps électoral et partant une violation grave de la liberté de vote au sens de l’article 34 de la Constitution fédérale peut en définitive, toutefois, demeurer indécise.

Une annulation de la votation n’entre pas en considération en raison de la sécurité du droit et de la protection de la confiance, respectivement de la protection de la bonne foi. Selon la jurisprudence, on ne doit pas revenir à la légère sur une procédure de vote achevée dont le résultat a été validé. Le projet de réforme AVS 21 était indissociablement lié au relèvement de la TVA. Il ne serait dès lors pas possible de n’annuler que la votation relative à la réforme AVS 21. Annuler également le projet de relèvement de la TVA aurait des conséquences considérables. Les consommatrices et consommateurs auraient payé trop de TVA depuis un an désormais. Un retour en arrière serait impossible. Quand bien même le relèvement de l’âge de la retraite des femmes n’entrera en vigueur qu’en janvier prochain, il est probable que de nombreuses femmes ainsi que les employeurs s’y soient déjà préparés. Cela vaut également pour les personnes concernées par d’autres modifications qui sont d’ores et déjà entrées en vigueur.

 

Communiqué de presse du TF du 12.12.2024 consultable ici

Communiqué de presse de l’OFAS du 12.12.2024 consultable ici

 

 

9C_241/2024 (f) du 21.10.2024 – Indemnité journalière LAMal / Epuisement partiel du droit aux prestations, surindemnisation et montant des primes d’assurance encore dues

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_241/2024 (f) du 21.10.2024

 

Consultable ici

 

Indemnité journalière LAMal / 67 ss LAMal

Epuisement partiel du droit aux prestations, surindemnisation et montant des primes d’assurance encore dues / 72 al. 4 LAMal – 72 al. 5 LAMal

 

Assurée, née en 1972, employée agricole pour le compte de l’Association B.__ du 01.01.2014 au 31.10.2020. À ce titre, elle était assurée dans le cadre d’un contrat d’assurance collective, pour des indemnités journalières en cas de maladie. À compter du 01.11.2020, elle a été assurée auprès du même assureur, à titre individuel. La prime mensuelle a été fixée à CHF 178.45, puis à CHF 190.35 dès le 01.01.2021.

L’assurée a connu deux périodes d’incapacité de travail : du 13.06.2019 au 21.07.2019, puis à partir du 07.01.2020. L’assureur-maladie a versé des indemnités journalières jusqu’au 15.12.2021, date à laquelle il a résilié la couverture d’assurance, estimant que l’assurée avait épuisé son droit aux prestations (730 indemnités journalières sur 900 jours ; décision du 16.12.2021).

Le 09.08.2022, l’office AI a accordé à l’assurée une rente entière d’invalidité à compter du 01.12.2020. En raison d’une surindemnisation, l’office AI a versé CHF 26’047.35 à l’assureur-maladie pour la période du 01.12.2020 au 15.12.2021.

A la suite de ce remboursement, l’assureur-maladie a révisé sa décision du 16.12.2021, « réactivant » la couverture d’assurance à partir du 16.12.2021 et reportant la date d’épuisement du droit aux prestations au 16.10.2027, sous réserve de modifications ultérieures de la situation de l’assurée (décision de révision du 21.11.2022, confirmée sur opposition).

 

Procédure cantonale (arrêt AM 17/23 – 8/2024 – consultable ici)

Par jugement du 19.03.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
L’assurée fait en substance valoir qu’elle ne bénéficie plus d’une couverture d’assurance « au sens strict », étant donné qu’elle est en « incapacité de travail complète » et qu’elle s’est déjà intégralement acquittée de la prime d’assurance pour la période de perception des indemnités journalières de 730 jours prévue par l’art. 7 ch. 1 des CGA applicables (ouverte jusqu’au 15.12.2021 à la suite de son incapacité de travail survenue le 10.06.2019, puis le 07.01.2020). L’instance cantonale ne pouvait dès lors pas considérer qu’elle était tenue de s’acquitter d’une prime entière jusqu’à l’épuisement de son droit aux indemnités journalières, le 16.10.2027. Selon l’assurée, pareille conclusion reviendrait à ne pas respecter les règles d’équivalence prévues à l’art. 72 al. 5 LAMal, car les primes seraient complètement disproportionnées par rapport au montant des prestations et donc sans lien avec un risque assuré; autrement dit, l’assureur serait ainsi autorisé à facturer des primes sans contre-prestation adéquate.

Consid. 3.2.1
L’argumentation de l’assurée est mal fondée. Quoi qu’elle en dise, en cas d’épuisement partiel du droit aux prestations selon l’art. 72 al. 4 et 5 LAMal, la loi ne prévoit pas le droit de l’assuré de payer des primes réduites (cf. arrêt 9C_790/2018 du 9 avril 2019 consid. 3.4.4), comme l’a dûment exposé la juridiction cantonale. Certes, en cas de réduction des indemnités journalières pour cause d’incapacité partielle de travail (art. 72 al. 4 LAMal) et de surindemnisation (art. 72 al. 5 LAMal), la durée de l’indemnisation doit être prolongée jusqu’au moment où la personne assurée a perçu l’équivalent des indemnités journalières auxquelles elle aurait eu droit durant la période minimale de 720 jours (selon l’art. 72 al. 3 LAMal, respectivement de 730 jours selon les CGA applicables en l’occurrence), en fonction du taux de l’incapacité partielle de travail et à défaut de surindemnisation (cf. ATF 127 V 88 consid. 1d; 125 V 106 consid. 2b et 2c). Cela étant, la prolongation des délais relatifs à l’octroi des indemnités journalières en fonction de la réduction (conformément à l’art. 72 al. 4-5 LAMal) ne signifie pas que le montant des primes doit être diminué, voire qu’aucune prime ne doit plus être prélevée. Comme le fait valoir l’assureur-maladie, le rapport d’équivalence doit en effet être réalisé entre le montant de la prime (en l’occurrence CHF 190.35 dès le 01.01.2021) et le montant assuré (correspondant à 730 indemnités journalières complètes d’un montant de CHF 74.35 chacune).

Consid. 3.2.2
Dans ce contexte, on rappellera que le droit aux prestations d’un assureur-maladie est lié à l’affiliation (ATF 125 V 106 consid. 3) et que l’indemnité journalière n’est versée que si la prime a aussi été payée pour la période correspondante (cf. Évaluation du système d’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie et propositions de réforme, Rapport du Conseil fédéral du 30 septembre 2009 en réponse au postulat 04.3000 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national, du 16 janvier 2004, p. 12). Par ailleurs si le législateur a adopté des dispositions légales minimales impératives qui encadrent la pratique de l’assurance facultative d’une indemnité journalière (cf. art. 67 à 77 LAMal), notamment quant à la durée du droit à l’indemnité (art. 72 al. 3 LAMal), à la réduction de la prestation en cas d’incapacité partielle de travail (art. 72 al. 4 LAMal) et à la surindemnisation (art. 72 al. 5 LAMal), la réglementation d’autres aspects relève de la liberté contractuelle des parties (cf. arrêt K 74/02 du 16 avril 2004 consid. 2.1 et les références). Or s’agissant des primes des assurés, l’art. 76 LAMal prévoit que l’assureur en fixe le montant (al. 1 LAMal) et qu’une réduction doit intervenir si un délai d’attente est applicable au versement de l’indemnité journalière (art. 76 al. 2 LAMal). Une obligation de l’assureur de réduire le montant des primes d’assurance dans une hypothèse autre que celle visée à l’art. 76 al. 2 LAMal, notamment en cas de prolongation du versement des indemnités journalières par suite de surindemnisation selon l’art. 72 al. 5 LAMal, n’est ainsi pas prévue par la loi. Une telle obligation ne découle par ailleurs pas des CGA applicables en l’espèce. Sur ce point, on constate que l’art. 24 ch. 1 des CGA donne la possibilité à l’assureur d’adapter annuellement le taux des primes en fonction de l’évolution des sinistres, sans prévoir une telle adaptation dans le cas de la réactivation du versement d’indemnités journalières à la suite de surindemnisation. À cet égard, l’assurée ne saurait rien tirer en sa faveur de l’art. 24 ch. 2 des CGA. S’il réserve une adaptation immédiate du taux de prime lors de l’entrée en vigueur de nouvelles circonstances, celles-ci englobent les cas de fusion, de scission ou d’absorption, soit des circonstances qui concernent l’assureur. Ne sont donc pas visés les « cas de diminution importante du risque » comme il en va, selon l’assurée, lorsque la durée de versement des indemnités journalières a été prolongée conformément à l’art. 72 al. 5 LAMal.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_241/2024 consultable ici

 

9C_77/2024 (f) du 10.10.2024 – Partage entre les époux de prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage et jusqu’à l’introduction de la procédure de divorce / Maxime inquisitoire

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_77/2024 (f) du 10.10.2024

 

Consultable ici

 

Partage entre les époux de prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage et jusqu’à l’introduction de la procédure de divorce / 122-124e CC – 22, 22a et 25a LFLP – 8a OLP

Maxime inquisitoire / 25 LFLP – 73 al. 2 LPP

 

Par jugement du 25.06.2021, le Tribunal de première instance a prononcé le divorce des époux A.__ et B.__, mariés depuis le 23.12.2006. Sous le ch. 12 du dispositif du jugement, il a donné acte aux prénommés de leur accord de partager par moitié leurs avoirs accumulés au titre de la prévoyance professionnelle pendant le mariage. Le jugement est devenu définitif le 01.09.2021 et a été transmis d’office à la Chambre des assurances sociales le 22.09.2021, pour exécution du partage.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/963/2023 – consultable ici)

La Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève a alors contacté les institutions de prévoyance concernées pour obtenir les montants des avoirs à partager, accumulés par A.__ et B.__ entre le 23.12.2006 et le 17.07. 2018, date à laquelle la demande de divorce a été introduite.

Une audience de comparution personnelle a eu lieu le 27.04.2023. Le 08.06.2023, elle a informé les parties que les prestations de libre passage à partager s’élevaient respectivement à CHF 35’037. 0 pour B.__ et à CHF 96’188.44 pour A.__, indiquant qu’elle rendrait un arrêt sur cette base en l’absence d’observations. Le 19 juin 2023, A.__ a contesté le calcul effectué par la juridiction cantonale. Par la suite, la cour cantonale a demandé des informations complémentaires à une autre institution de prévoyance, où B.__ avait été affilié du 01.06.2014 au 31.03.2020.

Dans un arrêt rendu le 07.12.2023, rectifié le 12.01.2024, la juridiction cantonale a ordonné à l’institution supplétive LPP de transférer un montant de CHF 30’575.60 du compte de A.__ à la caisse de pension en faveur de B.__, ainsi que des intérêts compensatoires depuis le 17.07.2018 jusqu’au moment du transfert.

 

TF

Consid. 4.1 [résumé]
La cour cantonale a constaté que le Tribunal de première instance avait ordonné le partage par moitié des prestations de sortie acquises durant le mariage entre A.__ et B.__, avec comme dates déterminantes le 23.12.2006, date du mariage, et le 17.07.2018, date de dépôt de la demande en divorce. Selon l’accord entre les ex-conjoints, il a été décidé de réintégrer dans les avoirs de prévoyance de B.__ l’équivalent en francs suisses du montant de 45’000 euros retiré par A.__ pour indemniser sa précédente épouse. Lors de l’audience du 27.04.2023, les parties ont convenu d’appliquer un taux de conversion au 09.06.2022, soit 1 euro = 0,9704 franc suisse, ce qui a permis de déterminer que la somme à réintégrer s’élevait à CHF 43’668. Après cette réintégration, la prestation acquise par B.__ pendant le mariage était de CHF 35’037.20 ([43’668 + 189’447,20] – 198’078). En parallèle, la prestation acquise par A.__ s’élevait à CHF 96’188.44 (88’146,19 + 3’348 + 4’694.25). Ainsi, B.__ devait à son ex-épouse un montant de CHF 17’518.60 (35’037,20 : 2), tandis qu’A.__ devait à son ex-époux un montant de CHF 48’094.20 (96’188,44 : 2). Il en résultait que la prénommée devait à B.__ la somme de 30’575 fr. 60 (48’094,20 – 17’518,60).

Consid. 4.2. [résumé]
Dans le cadre de son recours, A.__ soutient que l’établissement des faits par la juridiction précédente était arbitraire et contraire à la maxime d’instruction. Elle reproche aux juges de ne pas avoir déduit des avoirs de prévoyance de B.__ au 23.12.2006 le montant de CHF 43’753 versé à sa première épouse pour le partage des avoirs accumulés durant leur mariage, assimilant à tort ce montant à la somme de CHF 43’668 qui devait être réintégrée aux avoirs de son ex-époux. Cette omission aurait conduit à une augmentation de CHF 21’876.50 du montant qu’elle recourante devait payer. De plus, A.__ critique la juridiction cantonale pour avoir fondé le partage des avoirs de prévoyance sur des chiffres qu’elle considère comme « insuffisamment établis et potentiellement faux », ce qui constituerait une violation de la maxime inquisitoire. Elle estime que les avoirs accumulés par B.__ entre le 23.12.2006 et le 17.07.2018 devraient être fixés à CHF 111’537.27, et réclame que la caisse de pension transfère la somme de CHF 7’674 du compte de son ex-époux à l’institution supplétive en sa faveur.

Consid. 4.3 [résumé]
Pour sa part, B.__ soutient que la cour cantonale n’a pas violé l’interdiction de l’arbitraire en ne déduisant pas le montant versé à sa première épouse de ses avoirs au 23.12.2006, car l’accord trouvé lors de l’audience du 27.04.2023 ne concernait pas cette déduction. Concernant le grief d’A.__ sur la violation de la maxime inquisitoire, B.__ argue qu’il n’est pas fondé, affirmant que ses avoirs de prévoyance à la date du mariage avec A.__ et à celle du dépôt de la demande en divorce ont été correctement établis grâce à des certificats de prévoyance.

Consid. 5.1
Le jugement de divorce entré en force lie en principe le juge compétent selon l’art. 73 al. 1 LPP en ce qui concerne le partage à exécuter (ATF 134 V 384 consid. 4.2; cf. aussi arrêt 9C_780/2013 du 18 février 2014 consid. 4.2). En l’occurrence, conformément au jugement du Tribunal de première instance du 25.06.2021, qui est entré en force, afin de tenir compte d’un retrait anticipé pour l’accession à la propriété effectué au mois de novembre 2008 par B.__ (d’un montant de CHF 124’000), ainsi que du prix de cession convenu entre les ex-époux de la part de copropriété du prénommé sur le bien immobilier en question (EUR 45’000), seul un montant de EUR 45’000 devait être réintégré dans les avoirs de prévoyance de B.__ au 17.07.2018. À cet égard, les constatations de la cour cantonale quant à l’accord intervenu entre les parties, selon lequel il y avait lieu de réintégrer dans les avoirs de prévoyance de B.__ l’équivalent en francs suisses du montant de EUR 45’000 retiré par le prénommé « pour indemniser sa précédente épouse » sont manifestement inexactes. Le montant de EUR 45’000 à réintégrer dans les avoirs de prévoyance de B.__ doit permettre de tenir compte du retrait anticipé effectué pour l’accession à la propriété.

Consid. 5.2 [résumé]
Le jugement du Tribunal de première instance du 25.06.2021 précise que les avoirs accumulés au titre de la prévoyance professionnelle par A.__ et B.__ pendant leur mariage doivent être partagés par moitié, avec la détermination des montants à effectuer par la Chambre des assurances sociales. En l’absence d’une convention conforme à l’article 280 CPC, le Tribunal de première instance a déféré l’affaire au tribunal compétent pour établir le montant des avoirs à partager. Lors de l’audience, B.__ a affirmé que le montant de CHF 43’753, qu’il devait verser à son épouse précédente, devait être soustrait de ses avoirs avant le mariage. Il a reconnu qu’il était juste de déduire ce montant des avoirs au moment du mariage.

Cependant, en instance cantonale, il n’a pas contesté cette déduction, mais a critiqué la volonté de son ex-épouse d’ajouter des intérêts. La juridiction cantonale a ensuite confondu le montant de CHF 43’753 avec celui de EUR 45’000 devant être pris en compte selon l’accord ratifié par le Tribunal de première instance. Elle a indiqué que le montant à réintégrer était en fait la conversion des EUR 45’000, soit CHF 43’668, et a reproché à la demanderesse d’avoir additionné les deux montants, ce qui aurait entraîné une double prise en compte, soit une première fois en francs suisses et une deuxième fois en euro. Cette confusion s’est poursuivie dans l’arrêt final, où la juridiction cantonale a admis que les EUR 45’000 correspondaient au montant retiré pour indemniser la précédente épouse. L’attestation de l’institution de prévoyance a confirmé l’existence de deux montants distincts : un versement anticipé et un versement divorce, qui doivent tous deux être pris en compte pour le partage.

En conséquence, l’erreur manifeste de la juridiction cantonale doit être corrigée et le montant de CHF 43’753 doit être déduit des avoirs de prévoyance de B.__ au 23.12.2006 (consid. 5.3.4 infra). Le recours est bien fondé sur ce point.

 

Consid. 5.3
Pour le reste, l’argumentation de la recourante à l’appui d’une violation de la maxime inquisitoire (art. 25 LFLP, art. 73 al. 2 LPP) et de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.) en relation avec le montant des avoirs de prévoyance accumulés par B.__ est en revanche mal fondée, pour les raisons qui suivent.

Consid. 5.3.1
Contrairement à ce que soutient B.__, on rappellera que ce n’est pas la maxime des débats, mais bien la maxime inquisitoire qui s’applique lorsque, comme en l’occurrence, le juge compétent au sens de l’art. 73 al. 1 LPP exécute d’office, après que l’affaire lui a été transmise (art. 281 al. 3 CPC), le partage de la prévoyance professionnelle sur la base de la clé de répartition déterminée par le juge du divorce (cf. art. 25a al. 1 LFLP, art. 73 al. 2 LPP).

Consid. 5.3.2
En l’espèce, en se fondant sur les documents dont elle avait requis la production auprès des institutions de prévoyance auxquelles B.__ avait été affilié, la cour cantonale a arrêté le montant des avoirs de prévoyance du prénommé comme il suit: CHF 198’078 à la date de son mariage avec la recourante (correspondant à CHF 164’243.40, intérêts au 17.07.2018 non compris); CHF 189’447. 20 au jour de l’introduction de la procédure de divorce, intérêts compris à ce jour. Il en résultait que la prestation acquise pendant la durée du mariage (du 23.12.2006 au 17.07.2018) par B.__ était, après réintégration du montant de CHF 43’668 (destiné, comme on vient de le voir, à tenir compte d’un retrait anticipé pour l’accession à la propriété effectué au mois de novembre 2008 ; consid. 4.1 supra), de CHF 35’037.20 (soit [43’668 + 189’447 fr. 20] – 198’078).

Consid. 5.3.3
À l’inverse de ce qu’allègue A.__, les pièces figurant au dossier permettent de déterminer le montant des avoirs accumulés par B.__ durant son mariage avec elle et celui des intérêts sur le montant des avoirs de prévoyance dont disposait le prénommé à la date du mariage (le 23.12.2006), jusqu’à l’introduction de la requête de divorce (le 17.07.2018).

Pour arrêter le montant des avoirs de prévoyance de B.__ à CHF 198’078 à la date de son mariage avec la recourante et à CHF 189’447.20 au jour de l’introduction de la procédure de divorce, la juridiction cantonale s’est fondée sur les décomptes établis par la caisse de pension. L’institution de prévoyance auprès de laquelle le prénommé avait été affilié du 01.06.2014 au 31.03.2020 avait en effet fait état d’une prestation de libre passage à l’introduction de la procédure de divorce (le 17.07.2018) de CHF 189’447.20 et d’une prestation de sortie à la conclusion du mariage (le 23.12.2006) de CHF 198’078, en précisant que ce dernier montant correspondait à une prestation de sortie de CHF 164’243.40, majorée des intérêts composés au taux minimum LPP jusqu’à l’introduction de la demande en divorce. Or il n’était pas arbitraire pour la juridiction cantonale de se fonder sur ces chiffres pour établir le montant des avoirs de prévoyance de B.__; ces chiffres résultaient en effet des attestations de l’institution de prévoyance et les juges précédents s’étaient assurés des montants attestés par celle-ci en lui demandant de lever une incertitude liée à un courrier du 19.01.2023. A.__ conteste certes ces montants. Cela étant, en présentant une addition des cotisations que son ex-époux aurait effectuées avec son employeur pendant la période déterminante, la recourante ne met pas en évidence que l’institution de prévoyance n’aurait pas correctement pris en compte les cotisations au cours des années d’assurance de B.__ dans les certificats de prévoyance que l’institution de prévoyance a établis pour chaque année d’affiliation.

Par ailleurs, aucun document ne met en évidence que les intérêts selon l’art. 22a al. 1 LFLP n’auraient pas été pris en compte. En ce qu’elle se limite à affirmer que la question du calcul des intérêts demeure à ce jour « totalement opaque », A.__ n’établit pas que les deux retraits effectués par son ex-époux en 2008 et 2009 (retrait anticipé pour l’accession à la propriété de CHF 124’000, puis retrait d’un montant de CHF 43’753 destiné à la première épouse de l’intimé au titre du partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés durant leur mariage) n’auraient pas été assortis d’intérêts équivalents ou auraient porté à tort des intérêts, vu la prise en considération des déductions au moment du divorce. Elle n’établit pas non plus que les intérêts sur ces deux montants – l’un déduit, l’autre ajouté – n’auraient pas été à peu près équivalents. La recourante n’allègue du reste pas que les documents produits par son ex-mari ne confirmeraient pas les attestations de l’institution de prévoyance.

Consid. 5.3.4
En définitive, le montant de la prestation acquise pendant la durée du mariage par B.__ doit être fixé à CHF 78’790.20 (soit CHF 233’115.20 – [198’078 + 43’753]). Ce montant correspond à la différence entre le montant de la prestation de libre passage du prénommé lors de l’introduction de la procédure de divorce de CHF 189’447.20, auquel il y a lieu de réintégrer le montant de CHF 43’668 destiné à tenir compte d’un retrait anticipé pour l’accession à la propriété effectué en 2008 (soit un montant total de CHF 233’115.20 [43’668 + 189’447.20]), et le montant de la prestation de sortie de B.__ à la date de la conclusion de son mariage avec A.__ de CHF 198’078 fr. (consid. 5.3.2 supra), duquel il y a lieu de déduire le montant de CHF 43’753 (correspondant au montant que l’intimé devait à sa précédente épouse à titre du partage de la prévoyance professionnelle; consid. 5.2 supra).

Le montant de la prestation acquise par B.__ pendant la durée du mariage ainsi déterminé, de CHF 78’790.20, correspond du reste au montant allégué par la recourante en lien avec l’erreur de la juridiction cantonale quant à la somme à réintégrer dans le calcul. Au vu du montant de la prestation acquise par la recourante (CHF 96’188.44), celle-ci doit à B.__ la somme de CHF 8’699.10 (48’094,20 [soit 96’188,44 : 2] – 39’395,10 [soit 78’790,20 : 2]). L’arrêt entrepris doit être réformé en ce sens.

 

Le TF admet partiellement le recours de A.__.

 

 

Arrêt 9C_77/2024 consultable ici

 

Rapport sur la protection sociale des indépendants

Rapport sur la protection sociale des indépendants

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 06.12.2024 consultable ici

Les indépendants ne bénéficient pas de la même protection sociale que les salariés. Toutefois, mettre en place un régime obligatoire visant à améliorer leur couverture sociale serait difficilement réalisable, tant sur le plan technique que financier. Tel est le constat que dresse le Conseil fédéral dans un rapport adopté lors de sa séance du 6 décembre 2024. Il salue donc les initiatives privées qui encouragent les indépendants à se constituer des réserves.

La couverture sociale des indépendants diffère de celle des salariés. Les indépendants ne sont pas soumis à la prévoyance professionnelle obligatoire (caisse de pension) ni à l’assurance-accidents obligatoire. S’ils souhaitent disposer d’une couverture maladie, ils doivent prendre leurs propres dispositions, par exemple en souscrivant une assurance d’indemnités journalières. Les salariés, en revanche, ont dans ce cas droit au maintien de leur salaire pendant un certain temps. De plus, les indépendants n’ont jusqu’à présent aucune possibilité de se couvrir contre la perte d’activité (baisse de mandats ou commandes) ou contre le chômage.

 

Des solutions techniquement complexes et très coûteuses

Dans son rapport en réponse au postulat 20.4141 (Benjamin Roduit), le Conseil fédéral a analysé comment améliorer la protection sociale des indépendants. Il a ainsi examiné trois modèles : la création d’une assurance facultative destinée aux indépendants dans le cadre de l’assurance-chômage (AC), l’intégration d’une telle assurance dans le régime des allocations pour perte de gain (APG) et la constitution d’une réserve obligatoire.

Après examen, le Conseil fédéral est parvenu à la conclusion que l’intégration n’est réalisable ni dans l’AC ni dans le régime des APG. La mise en œuvre serait techniquement complexe et pourrait entraîner des coûts élevés. Une assurance-chômage facultative pour les indépendants serait peu attrayante. Comme ce sont surtout les personnes présentant un risque élevé qui chercheraient à s’assurer, les cotisations seraient donc également élevées. Une assurance obligatoire ne ferait pas disparaître les incitations inopportunes et nécessiterait un aménagement plus que restrictif. Il serait difficile de définir des critères clairs pour déterminer si la personne est en situation de sous-emploi de façon «délibérée» (par ex. efforts insuffisants pour obtenir des mandats) ou non. Il faut également éviter un subventionnement croisé par les salariés au profit des indépendants, qui constituerait un obstacle supplémentaire à l’intégration de cette couverture dans les systèmes préexistants.

Le Conseil fédéral salue les initiatives privées qui encouragent les indépendants à se constituer des réserves, à l’exemple du modèle développé par le syndicat Syndicom. En effet, il est indispensable pour les indépendants de disposer de réserves pour résister à des périodes d’activité ralentie (carnet de commandes en berne) et à des pertes temporaires. Instaurer un régime obligatoire réservé aux seuls indépendants présenterait toutefois de nombreux inconvénients. En cas d’introduction d’une épargne obligatoire des indépendants, il serait notamment difficile de l’imposer et d’exercer un contrôle.

Le postulat a été déposé pendant la pandémie de COVID-19. Alors que les employeurs avaient pu faire valoir leur droit aux indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail pour leurs salariés, il n’y avait, au début de la crise, aucune couverture équivalente pour les indépendants. C’est pourquoi le Conseil fédéral avait mis en place, en mars 2020, l’allocation pour perte de gain COVID-19 visant à compenser en partie la diminution du revenu des indépendants à la suite des mesures prises par les autorités.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 06.12.2024 consultable ici

Rapport du Conseil fédéral du 06.12.2024 donnant suite au postulat 20.4141 Roduit disponible ici

Article de Stella Boleki, Une assurance contre le risque du chômage des indépendants n’est pas réalisable, in Sécurité sociale CHSS du 06.12.2024, disponible ici

 

8C_271/2024 (f) du 11.10.2024 – Capacité de travail exigible de 100% mais exercice de l’ancienne activité (non adaptée) à 60% – Détermination du revenu d’invalide

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_271/2024 (f) du 11.10.2024

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide pour un assuré ayant subi une amputation transtibiale / 16 LPGA

Obligation de réduire le dommage / 21 al. 4 LPGA

Capacité de travail exigible de 100% mais exercice de l’ancienne activité (non adaptée) à 60% – Détermination du revenu d’invalide

 

Assuré, né en 1962, disposant d’un CFC de ramoneur, travaillait depuis 1989 comme agent d’exploitation spécialisé auprès de l’entreprise B.__ SA. Le 03.07.2019, il a subi une chute en montagne pendant son travail, entraînant une fracture ouverte du pilon tibial de la jambe droite. Malgré plusieurs interventions chirurgicales, son état s’est détérioré, menant à une amputation transtibiale droite le 30.04.2020 en raison d’un retard de consolidation, avec pseudarthrose septique et insuffisance vasculaire.

L’assuré a été hospitalisé pour réadaptation à deux reprises, d’abord du 04.03.2020 au 30.04.2020, puis du 05.05.2020 au 07.08.2020. Une évaluation médicale effectuée le 01.10.2020 a objectivé une bonne évolution à presque cinq mois de l’amputation. Il a été relevé les limitations fonctionnelles suivantes : pas de position prolongée debout, pas de marche en terrain irrégulier ou en pente, pas de montée ou descente d’escaliers de manière fréquente, pas de port de charges de plus de 10 kg de manière fréquente et montée ou descente d’échelle très occasionnellement seulement. La marche sur les échafaudages devait être évitée et l’assuré devait pouvoir utiliser des bâtons de marche pour la marche prolongée.

Le 17.02.2021, l’employeur a proposé un poste à 65%, mais l’assurance-accidents a exprimé des doutes quant à la prise en charge des 35% restants. Le médecin-conseil a confirmé, le 01.03.2021, qu’une activité adaptée à plein temps était exigible, sous réserve de pauses régulières (minimum quatre par jour) afin de soigner le moignon.

L’assuré a commencé un travail à temps partiel le 24.05.2021 pour trois semaines, prolongé ensuite pour évaluation. À la suite de cette période, son rendement a été fixé à 40% puis à 50%.

L’état de santé de l’assuré étant stabilisé, l’assurance-accidents a mis fin au paiement des soins médicaux et des indemnités journalières avec effet au 30.09.2021 (sous réserve de contrôles médicaux et des traitements symptomatiques). Par décision du 17.09.2021, confirmée sur opposition, elle a reconnu à l’assuré le droit à une rente d’invalidité d’un taux de 25% dès le 01.10.2021. Elle a notamment déterminé le revenu d’invalide sur la base des données statistiques issues de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS). En outre, elle lui a accordé une IPAI de 35%.

L’assuré a été engagé à un taux d’activité de 60% auprès de l’entreprise B.__ SA dès le 01.10.2021.

L’office AI a accordé à l’assuré une rente entière d’invalidité du 01.07.2020 au 31.12.2020, au motif que, dès le 16.09.2020, toute activité légère et adaptée à son état de santé était exigible de sa part, à 100%, avec un rendement normal; dès lors, elle a fixé le taux d’invalidité à 32%.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 04.04.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.2
Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. Lorsque l’activité exercée après la survenance de l’atteinte à la santé repose sur des rapports de travail particulièrement stables, qu’elle met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et que le gain obtenu correspond au travail effectivement fourni et ne contient pas d’éléments de salaire social, c’est le revenu effectivement réalisé qui doit être pris en compte pour fixer le revenu d’invalide (ATF 139 V 592 consid. 2.3; 135 V 297 consid. 5.2). En l’absence d’un revenu effectivement réalisé, soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’ESS (ATF 148 V 419 consid. 5.2; 148 V 174 consid. 6.2; 139 V 592 consid. 2.3; 135 V 297 consid. 5.2). Aux fins de déterminer le revenu d’invalide, le salaire fixé sur cette base peut à certaines conditions faire l’objet d’un abattement de 25% au plus (ATF 148 V 174 consid. 6.3; 129 V 472 consid. 4.2.3; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc).

Consid. 6.2
L’assuré soutient que, durant toute la procédure administrative, l’assurance-accidents n’aurait proposé aucune autre démarche de réinsertion que celle chez son ancien employeur. Il serait donc contraire à la bonne foi de lui reprocher indirectement cette réinsertion, en lui imposant un autre emploi. À ce propos, il sied de rappeler que la réadaptation professionnelle incombe en principe aux organes de l’assurance-invalidité (cf. art. 19 al. 1 LAA et art. 15 ss LAI). En l’espèce, l’office AI a constaté qu’un droit théorique à un reclassement (art. 17 LAI) existait, dès lors que l’activité exercée auparavant n’était plus réalisable à 100%; toutefois, les conditions subjectives du droit à cette mesure n’étaient pas réalisées, parce que l’assuré souhaitait conserver son activité habituelle adaptée à 60%. Le grief soulevé par l’assuré est ainsi infondé. La cour cantonale a en outre exposé à juste titre que le principe général de l’obligation de diminuer le dommage valable en droit des assurances sociales, ancré notamment à l’art. 21 al. 4 LPGA, exige de l’assuré de mettre en œuvre tout ce qu’on peut raisonnablement attendre de lui pour atténuer les conséquences de son accident (ATF 134 V 109 consid. 10.2.7; 129 V 460 consid. 4.2).

Consid. 6.3.1
Il ressort des constatations de l’arrêt attaqué et des protocoles d’entretien que l’assuré ne peut pas reprendre l’activité qu’il avait exercé auprès de B.__ SA avant l’accident à cause des limitations fonctionnelles qu’il présente. L’employeur a fait un effort pour lui attribuer des travaux qui sont adaptées à ces limitations et qu’il est encore en mesure d’accomplir. Cependant, l’employeur a souligné qu’il n’a pas la possibilité de regrouper certaines activités pour en faire une occupation à 100% en raison de l’organisation du travail et qu’il ne pourra pas toujours assurer une occupation durable de 65 à 70%. Finalement, il a engagé l’assuré dès le 01.10.2021 à un taux de 60%. Ce taux d’occupation est ainsi dû principalement à l’impossibilité pour l’employeur d’offrir à l’assuré un taux d’activité supérieur.

Consid. 6.3.2
Si une augmentation du taux d’occupation n’est pas possible selon les indications de l’employeur, le revenu correspondant à la capacité de travail résiduelle (dépassant le taux d’activité effectivement mis en œuvre), peut être déterminé, selon la jurisprudence, en fonction des donnés statistiques, pour autant qu’une telle possibilité de gain puisse être réalistement envisagée au regard du marché du travail équilibré (arrêts 9C_140/2017 du 18 août 2017 consid. 5.4; 8C_7/2014 du 10 juillet 2014 consid. 7 et 8, in SVR 2014 IV n° 37 p. 130; MARGIT MOSER-SZELESS, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n° 30 ad art. 16 LPGA).

Consid. 6.3.3
En l’espèce l’employeur n’a pas pu proposer un taux d’occupation supérieur à 60%. Le maintien de cet emploi est par ailleurs justifié au vu des circonstances. En ce qui concerne le salaire exact dès le 01.10.2021, il ne figure pas au dossier, mais l’assuré admet que sa perte de gain, s’il travaille à 60% exclusivement pour B.__ SA, est de 40%. On peut ainsi partir du principe que son revenu effectif se situe à 60% du salaire de 87’075 fr. qu’il gagnait avant l’accident, soit autour de 52’245 fr. Compte tenu de l’éventail d’emplois diversifiés disponibles sur le marche équilibré du travail, la nature et l’importance des troubles présentés par l’assuré ne constituent pas des obstacles irrémédiables à la reprise d’une activité professionnelle à 40%.

Consid. 6.3.4
Par conséquent, il sied de déterminer le revenu d’invalidité sur la base du salaire que réalise l’assuré pour son activité de 60% auprès de B.__ SA et d’y ajouter un salaire hypothétique, qui est pris en compte à raison de 40%. Ce dernier se détermine sur la base de l’ESS 2018 (tableau TA1_tirage_skill_level, total homme, niveau de compétence 1, en tenant compte de l’horaire normal de travail de la branche économique et de l’évolution des salaires nominaux, soit 68’761 fr. 80, selon le calcul de l’assurance-accidents qui n’est pas remis en question par l’assuré). Pour une activité à 40%, il correspond à un montant de 27’504 fr. 70. Même en prenant en considération, par hypothèse, un abattement maximal de 25%, le revenu à prendre en considération (20’628 fr. 50), additionné à celui réalisé auprès de B.__ SA (52’245 fr.), exclurait un taux d’invalidité supérieur à celui constaté par l’assurance-accidents. Il n’en va pas différemment en prenant en considération une diminution de rendement de 10% pour tenir compte de la nécessité de faire des pauses. Il s’ensuit que le recours est mal fondé.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_271/2024 consultable ici

 

9C_528/2023 (f) du 09.10.2024 – Reconsidération de décomptes de prestations / 51 LPGA – 53 al. 2 LPGA / Allocation Covid-19 pour une personne au bénéfice d’une rente vieillesse ordinaire de l’AVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_528/2023 (f) du 09.10.2024

 

Consultable ici

 

Reconsidération de décomptes de prestations / 51 LPGA – 53 al. 2 LPGA

Allocation Covid-19 pour une personne au bénéfice d’une rente vieillesse ordinaire de l’AVS / Ordonnance sur la perte de gain COVID-19 – 11 LAPG

Revenu moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation – Déduction de la franchise pour rentiers

 

Assurée, née en décembre 1955, exploite à titre indépendant l’entreprise individuelle « Hôtel B.__ ». Depuis le 01.01.2020, elle bénéficie d’une rente ordinaire de l’assurance-vieillesse.

À la suite des mesures officielles prises pour endiguer la propagation de la pandémie de coronavirus (COVID-19) en mars 2020, l’assurée a dû fermer temporairement son hôtel. À sa demande, elle a perçu une allocation pour perte de gain en cas de coronavirus destinée aux personnes exerçant une activité indépendante du 17.03.2020 au 16.09.2020. Les 01.03.2021 et 03.03.2021, la caisse de compensation a rectifié les décomptes de prestations, au motif qu’elle avait omis de déduire la franchise de revenu pour les retraités actifs. Par décision, confirmée sur opposition le 30.11.2021, elle a réclamé à l’assurée la restitution de la somme de 7’250 fr. 80 pour la période du 17.03.2020 au 16.09.2020.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 10.08.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon la jurisprudence, les décomptes de prestations adressées sous la forme simplifiée de l’art. 51 al. 1 LPGA peuvent produire les mêmes effets qu’une décision entrée en force. En particulier, l’administration ne peut demander la répétition des prestations allouées selon la procédure simplifiée après un laps de temps correspondant au délai de recours qu’aux conditions de la reconsidération ou de la révision procédurale (ATF 129 V 110 consid. 1.2). À l’échéance de ce délai, le décompte de prestations non contesté produit pour l’administration les mêmes effets qu’une décision entrée en force (s’agissant de la situation de la personne assurée, voir ATF 134 V 145 consid. 5.2), étant précisé que l’entrée en force s’étend également au montant du gain assuré figurant sur le décompte (cf. arrêt 8C_82/2020 du 12 mars 2021 consid. 5.3 et la référence).

Consid. 3.2
Le principe et les conditions de la reconsidération d’une décision entrée en force sont prévus à l’art. 53 al. 2 LPGA, aux termes duquel l’assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable. Dès lors, la reconsidération est soumise à deux conditions: l’importance notable de la rectification et l’existence d’une erreur manifeste. L’erreur manifeste signifie qu’il n’existe aucun doute raisonnable sur l’irrégularité initiale de la décision, cette conclusion étant la seule envisageable (ATF 148 V 195 consid. 5.3; 138 V 324 consid. 3.3). Le vice peut résulter de l’application des mauvaises bases légales, de la non-application ou de la mauvaise application des normes déterminantes (ATF 147 V 167 consid. 4.2; 144 I 103 consid. 2.2; 140 V 77 consid. 3.1). Pour juger s’il est admissible de reconsidérer une décision pour le motif qu’elle est manifestement erronée (art. 53 al. 2 LPGA), il faut se fonder sur les faits et la situation juridique existant au moment où cette décision a été rendue, compte tenu de la pratique en vigueur à l’époque (ATF 141 V 405 consid. 5.2 et la référence).

Consid. 5.1
Dans le cadre des mesures destinées à lutter contre le coronavirus, l’indemnité journalière est égale à 80% du revenu moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation (art. 5 al. 1 de l’ordonnance sur la perte de gain COVID-19). Pour déterminer le montant du revenu, la caisse de compensation doit partir du revenu communiqué par les autorités fiscales, tel qu’il ressort de la clôture du dernier exercice comptable. Selon les directives de l’OFAS sur les cotisations des travailleurs indépendants et des personnes sans activité lucrative dans l’AVS, AI et APG (DIN) du 1er janvier 2008, dans leur version en vigueur du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020, elle doit considérer le revenu communiqué par l’autorité fiscale comme un revenu net après déduction des cotisations (n° 1170.2 DIN). Elle ne peut déroger à cette règle que lorsqu’il ressort clairement, expressément et sans réserve des indications données par les autorités fiscales qu’aucune déduction n’a été ou ne sera opérée. Dans ce cas, aucun rajout en pour-cent ne doit être effectué (n° 1170.3 DIN).

Ensuite, pour fixer le revenu déterminant, les caisses de compensation rajoutent les cotisations AVS/AI/APG au revenu communiqué et apuré de l’intérêt sur le capital propre investi dans l’entreprise selon les n° 1172 ss (art. 9 al. 4 LAVS) et de l’éventuelle franchise pour rentiers selon le n° 3006.2 de la Circulaire de l’OFAS concernant les cotisations dues à l’AVS, AI et APG par les personnes exerçant une activité lucrative qui ont atteint l’âge ouvrant le droit à une rente de vieillesse (CAR; n° 1170 DIN).

Consid. 5.2
En l’espèce, l’assurée a sollicité le versement de prestations du 17.03.2020 au 16.09.2020. La caisse de compensation devait dès lors prendre en compte la situation de fait prévalant durant cette période. Le revenu moyen de l’activité lucrative de l’assurée a certes été déterminé sur la base des données fiscales d’un exercice comptable antérieur (en l’espèce celui de l’année 2017). En se fondant sur les données fiscales disponibles (de 2017), la caisse de compensation a toutefois fixé le revenu censé avoir été perçu par l’assurée immédiatement avant l’interruption de son activité lucrative indépendante en mars 2020. Pour évaluer le revenu déterminant, la caisse de compensation aurait donc dû constater que l’assurée avait déjà atteint l’âge de retraite de référence fixé à l’ancien art. 21 al. 1 LAVS (64 ans révolus pour les femmes). Dès lors, elle aurait dû déduire du montant communiqué par les autorités fiscales la franchise pour rentiers (16’600 fr; art. 4 al. 2 let. b LAVS et 6quater RAVS; arrêt 9C_37/2021 du 23 juin 2021 consid. 4.2), puis ajouter les cotisations AVS/AI/APG (n os 1170 DIN et 3006.2 CAR). Le raisonnement de l’autorité cantonale, confirmant que la caisse était en droit de corriger le revenu déterminant 2020 en conséquence, ne prête pas le flanc à la critique. Partant, le grief, mal fondé, doit être rejeté.

Consid. 6
C’est finalement en vain que l’assurée soutient que les conditions de la reconsidération (au sens de l’art. 53 al. 2 LPGA) n’étaient pas réunies, parce que la caisse aurait appliqué correctement les art. 5 de l’ordonnance sur la perte de gain COVID-19 et 11 al. 1 LAPG. Au moment des décomptes de prestations, il n’existait en effet aucun doute sur le fait que la franchise pour rentiers aurait dû être déduite. Dès lors, le vice est manifeste, car il résulte d’une non-application d’une disposition univoque (art. 6quater RAVS, en lien avec les nos 1170 DIN et 3006.2 CAR). L’assurée ne présente par ailleurs aucun argument concret pour étayer son affirmation selon laquelle la caisse de compensation aurait changé de pratique en 2021. Elle ne prétend en particulier pas que la caisse de compensation lui aurait garanti en 2020 qu’elle ne procéderait pas à la déduction de la franchise pour rentiers (à ce sujet, cf. ATF 138 V 258 consid. 6).

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_528/2023 consultable ici

 

9C_33/2024 (d) du 24.06.2024 – Notion d’indemnités forfaitaires de dérangement en cas d’urgence (Tarmed 00.2505) / Restitution par le fournisseur de soins des prestations indues

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_33/2024 (d) du 24.06.2024

 

Consultable ici

 

Notion d’indemnités forfaitaires de dérangement en cas d’urgence (Tarmed 00.2505) / 43 LAMal – Tarmed

Principe de restitution par le fournisseur de soins des prestations indues

 

La permanence A.__ SA gère un centre d’urgence et de santé ou un cabinet d’urgence et de médecine générale. Celui-ci peut être consulté sans rendez-vous tous les jours (365 jours par an) de 7 à 22 heures en cas de problèmes médicaux urgents.

Le 12.07.2021, vingt-cinq assureurs-maladie ont entamé une procédure contre la permanence A.__ devant le tribunal arbitral en matière de litiges d’assurances sociales, en demandant que celui-ci soit condamné à leur verser un montant total d’au moins CHF 1’177’038.62. Ils ont motivé leur demande en substance par le fait que la permanence A.__ a facturé à tort l’indemnité forfaitaire de dérangement en cas de consultation ou visite pressante F selon TARMED pour les traitements qu’elle a effectués durant la période du 01.01.2016 au 30.04.2021.

Par jugement du 04.12.2023 (arrêt SR.2021.00006), le tribunal arbitral a rejeté la demande dans son intégralité.

 

TF

Consid. 3.1
Conformément à l’art. 43 al. 1 LAMal, les fournisseurs de prestations établissent leurs factures sur la base de tarifs ou de prix. Conformément à l’art. 44 al. 1 LAMal (protection tarifaire), ils doivent s’en tenir aux tarifs et aux prix fixés par contrat ou par les autorités et ne peuvent pas facturer de rémunérations plus élevées pour les prestations fournies en vertu de la LAMal. La protection tarifaire, dans une acception large, englobe l’obligation pour les fournisseurs de prestations et les assureurs de respecter les tarifs et les prix applicables, tant dans leurs relations mutuelles que dans leurs rapports avec les assurés (ATF 144 V 138 consid. 2.1 ; 131 V 133 consid. 6). Dans le cadre du contrôle des factures – à distinguer du contrôle de l’économicité – les assureurs-maladie vérifient l’exactitude des notes d’honoraires des fournisseurs de prestations, notamment en ce qui concerne le respect des règles tarifaires et des limitations particulières de prestations (arrêt 9C_201/2023 du 3 avril 2024 consid. 3.1).

 

Consid. 3.2
Le droit tarifaire vise – par l’obligation faite aux fournisseurs de prestations de s’en tenir aux tarifs et aux prix fixés par contrat ou par les autorités (art. 44 al. 1 LAMal) – à garantir une rémunération contrôlée des prestations dans l’assurance-maladie obligatoire et à contribuer à la maîtrise des coûts. Il a ainsi également pour but d’assurer l’économicité des prestations, respectivement d’empêcher des prestations non économiques et/ou inappropriées (arrêt précité 9C_201/2023 du 3 avril 2024 consid. 3.6).

Consid. 3.3
Des sanctions sont prises à l’encontre des fournisseurs de prestations qui contreviennent aux exigences d’économicité et de qualité prévues par la loi (art. 56, 58a et 58h LAMal) ou aux accords contractuels (art. 42 LAMal) ainsi qu’aux dispositions relatives à la facturation (art. 59 al. 1 LAMal). Outre les sanctions prévues dans les contrats de qualité, elles comprennent notamment le remboursement total ou partiel des honoraires perçus pour des prestations inappropriées (art. 59 al. 1 let. b LAMal).

Consid. 3.4
Depuis le 01.01.2004, les prestations médicales fournies en ambulatoire dans le cadre de l’assurance obligatoire des soins (AOS) sont facturées de manière uniforme via le système tarifaire TARMED. La base en est notamment la convention-cadre TARMED conclue le 13.05.2002 entre les parties contractantes (santésuisse, FMH, H+, CTM) représentant les assureurs et les fournisseurs de prestations et – en tant que partie intégrante de cette convention – la structure tarifaire TARMED.

Consid. 3.5
Selon la position tarifaire TARMED 00.2505, le forfait d’urgence F peut être facturé en cas de consultations ou visites urgentes en dehors des heures de consultation régulières, ainsi que du lundi au vendredi de 19 à 22 heures, le samedi de 7 à 19 heures et le dimanche de 7 à 19 heures. Les critères tarifaires d’urgence définis dans cette position tarifaire doivent être remplis. De plus, la disposition de cette position tarifaire précise qu’elle ne peut pas être facturée « dans le cadre d’une consultation régulière (consultation en soirée, consultation régulière le dimanche) ».

Consid. 3.6
Le point de départ de toute interprétation est le libellé de la norme applicable. Si le texte n’est pas tout à fait clair et que différentes interprétations sont possibles, il convient de rechercher la véritable portée de la disposition, en tenant compte de tous les éléments d’interprétation (pluralisme des méthodes). Il faut alors tenir compte de l’objectif de la réglementation, des valeurs sous-jacentes au texte ainsi que du contexte dans lequel la norme s’insère. Les travaux préparatoires ne sont certes pas directement déterminants, mais servent d’instrument pour cerner le sens de la norme. Ces travaux préparatoires revêtent une importance particulière, notamment pour l’interprétation de textes récents qui se heurtent encore à des circonstances et à une compréhension du droit qui n’ont guère évolué. Il est possible de s’écarter du texte lorsqu’il existe des raisons valables de penser qu’il ne reflète pas le véritable sens de la réglementation. Si plusieurs interprétations sont possibles, il faut choisir celle qui correspond le mieux à la Constitution. Cependant, une interprétation conforme à la Constitution trouve aussi ses limites dans le libellé clair et le sens d’une disposition légale (ATF 141 V 221 consid. 5.2.1 et les références ; 140 V 449 consid. 4.2 et les références ; concernant l’interprétation de la structure tarifaire TARMED, cf. également l’arrêt 9C_664/2023 du 24 juin 2024 consid. 4).

Consid. 4.1
Il est établi et non contesté que la permanence A.__ exploite un cabinet d’urgence qui peut être consulté sans rendez-vous tous les jours (365 jours par an) de 7 à 22 heures en cas de problèmes médicaux urgents. Selon les constatations du tribunal arbitral cantonal, aucun rendez-vous n’est pris pour ce cabinet d’urgence. Par ailleurs, la permanence A.__ exploite dans les mêmes locaux un cabinet de médecine générale où des consultations peuvent être programmées pendant les horaires habituels les jours ouvrables. En l’espèce, seule la facturation des traitements effectués par le cabinet d’urgence entre 19 et 22 heures du lundi au vendredi et entre 7 et 22 heures le samedi et le dimanche (ci-après : heures litigieuses) est contestée.

Consid. 4.2
Le tribunal arbitral cantonal a considéré en substance que la permanence A.__ fonctionnait avec une double structure. D’une part, elle gère un cabinet de médecine générale, dans lequel des consultations peuvent être convenues aux heures habituelles. D’autre part, elle exploite un cabinet d’urgence au même endroit ; les traitements litigieux en l’espèce ont été facturés pour ce cabinet. Ce cabinet d’urgence était exploité exclusivement comme une structure « walk-in », pour lequel il n’est pas possible de convenir à l’avance des heures de consultation. Le cabinet d’urgence n’a donc pas d’heures de consultation régulières, ce qui l’autorise en principe à facturer le forfait d’urgence F pour les traitements effectués pendant les heures litigieuses. Les longues heures d’ouverture publiées n’y changeaient rien, puisqu’elles n’auraient pas été choisies volontairement, mais seraient dues à l’accomplissement d’une obligation légale (assurer les soins d’urgence pour la ville et la région de U.__).

Consid. 4.3
Selon le texte du TARMED, l’indemnité forfaitaire de dérangement en cas de consultation ou visite pressante F ne peut être facturée que pour des traitements qui ne sont pas effectués pendant une heure de consultation régulière. Or, un traitement pendant les plages horaires litigieuses n’est pas automatiquement considéré comme se déroulant en dehors des heures régulières ; ainsi, le TARMED réserve expressément les heures de consultation du soir ou les heures de consultation régulières du dimanche. La réglementation ne distingue cependant pas si ces horaires sont proposés volontairement ou pour remplir des obligations légales ou contractuelles. Ce qui compte, c’est uniquement si ces horaires constituent des «heures régulières de consultation». Il n’est donc pas nécessaire en l’espèce de se prononcer sur la question de savoir si la permanence A.__ pouvait choisir librement les heures d’ouverture de son cabinet de garde ou si elle était tenue de maintenir une certaine offre en raison de directives des autorités ou d’accords contractuels avec le corps médical de la région U.__. La question de savoir si les heures d’ouverture des cabinets de garde sont des heures régulières ou non est donc sans objet.

Consid. 4.4
La question se pose donc de savoir ce qu’il faut entendre par heure de consultation «régulière» au sens du TARMED – qui exclut la facturation du forfait litigieux en l’espèce. Le tribunal arbitral cantonal a considéré à ce sujet que seules les heures durant lesquelles il est possible de convenir d’heures de consultation doivent être considérées comme des heures régulières de consultation.

Toutefois, le tribunal arbitral cantonal part toutefois d’une notion trop étroite des heures de consultation «régulières» : le forfait litigieux vise à compenser l’inconvénient subi par un médecin contraint de traiter un patient de manière urgente en dehors de ses heures de travail normales. À l’inverse, un médecin ne subit aucun inconvénient digne d’être indemnisé au sens de cette position tarifaire lorsqu’il effectue un traitement pendant des plages horaires où il est, de toute façon, présent dans son cabinet. Ainsi, un traitement effectué pendant les heures d’ouverture publiées est considéré comme effectué pendant les heures «régulières» de consultation. Si un cabinet propose de longues heures d’ouverture, en fait la publicité et oriente ainsi en quelque sorte son modèle économique vers le traitement de patients en dehors des heures habituelles, il en résulte qu’il n’est pas autorisé à facturer le forfait litigieux pour les traitements effectués pendant durant ces horaires.

Consid. 4.5
En résumé, il faut retenir que la permanence A.__ n’était pas autorisée à facturer les indemnités forfaitaires de dérangement en cas de consultation ou visite pressante F (position tarifaire TARMED 00.2505) pour les traitements effectués pendant les heures d’ouverture qu’elle a rendues publiques. Par conséquent, le recours doit être admis en ce sens qu’il faut admettre le principe d’une obligation de remboursement. Le jugement de l’instance précédente doit être annulé dans la mesure où il concerne les recourantes et l’affaire doit être renvoyée au tribunal arbitral pour qu’il fixe le montant du remboursement. Le recours est rejeté pour le surplus.

 

Le TF admet le recours des caisses-maladies.

 

 

Arrêt 9C_33/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 9C_33/2024 (d) du 24.06.2024, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2024/12/9c_33-2024)