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9C_523/2022 (f) du 30.03.2023 – Révision d’une rente d’invalidité / Obligation d’annonce de l’assuré – 31 LPGA – 77 RAI / Détermination du revenu sans invalidité selon la table ESS TA1 et non T1_b / Niv. de comp. 2 pour le revenu sans invalidité pour un carrossier indépendant

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_523/2022 (f) du 30.03.2023

 

Consultable ici

 

Révision d’une rente d’invalidité / 17 LPGA

Obligation d’annonce de l’assuré / 31 LPGA – 77 RAI

Détermination du revenu sans invalidité selon la table ESS TA1 et non T1_b / 16 LPGA

Niveau de compétences 2 pour le revenu sans invalidité pour un carrossier indépendant

Frais d’expertise privée à charge de l’office AI / 45 LPGA

 

Assuré, né en 1973, a travaillé depuis 1998 comme carrossier à titre indépendant. Par décision du 19.03.2012, l’office AI lui a reconnu le droit à un quart de rente d’invalidité du 01.08.2006 au 31.08.2010, puis à une rente entière dès le 01.09.2010. Le droit à la rente a été confirmé par communication du 06.09.2013.

En 2015, après avoir eu connaissance de l’inscription au registre du commerce, en date du 18.06.2013, de la société B.__ SA, dont l’administrateur unique avec signature individuelle était l’assuré, l’office AI a initié une révision du droit à la rente. L’office AI a notamment soumis l’assuré à une expertise auprès d’un spécialiste en médecine interne générale et en rhumatologie. Il a ensuite supprimé la rente d’invalidité de l’assuré avec effet rétroactif au 01.06.2013 (décisions des 18.04.2017 et 12.05.2017).

Saisie d’un recours de l’assuré contre la décision du 18.04.2017, la juridiction cantonale l’a admis, après avoir notamment diligenté une expertise bidisciplinaire (médecine interne générale et en rhumatologie et psychiatrie et psychothérapie). Elle a annulé la décision litigieuse et renvoyé la cause à l’office AI pour qu’il procède au calcul du taux d’invalidité de l’assuré en 2013, puis rende une nouvelle décision sur le droit à des prestations de l’assurance-invalidité dès le 01.06.2013. Par décisions des 03.07.2020 et 28.07.2020, l’administration a reconnu le droit de l’assuré à trois quarts de rente à partir du 01.06.2013.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 224/20 & AI 272/20 – 300/2022 – consultable ici)

Par jugement du 03.10.2022, rejet par le tribunal cantonal du recours formé par l’assuré contre ces décisions.

 

TF

Consid. 4

Dans l’arrêt entrepris du 03.10.2022, les juges cantonaux ont examiné si le calcul du taux d’invalidité de l’assuré opéré par l’office AI était ou non critiquable. Ils ont d’abord confirmé le revenu d’invalide arrêté par l’office AI, dans sa décision du 03.07.2020, à 26’499 fr. 46 (en se référant aux salaires statistiques de l’Enquête suisse sur la structure des salaires [ESS] 2012, tableau TA1, niveau de compétence 1, après adaptation à la durée hebdomadaire moyenne usuelle dans les entreprises en 2013 [41,7 heures] et compte tenu d’une capacité de travail de 50% avec une baisse de rendement moyenne de 15% et d’un abattement de 5%). Ensuite, ils ont fixé le revenu de valide à 70’781 fr. 94 (et non à 73’508 fr., comme l’avait fait l’office AI en application de la méthode extraordinaire à la suite de sa décision du 19 mars 2012). Pour ce faire, la juridiction cantonale s’est fondée sur le tableau TA1 de l’ESS 2012, niveau de compétence 2 dans le secteur du commerce de gros et de la réparation d’automobiles (lignes 45-46 du TA1_skill_level, secteur privé), soit un salaire mensuel de 5’539 fr., qu’elle a adapté à la durée hebdomadaire moyenne usuelle de la branche considérée en 2013 [42,3 heures] et indexé à l’année 2013. Après comparaison des revenus avec et sans invalidité, il en résultait un taux d’invalidité de 63%, ouvrant le droit à trois quarts de rente depuis juin 2013.

 

Consid. 5.4
Le grief de l’assuré tiré de la « soi-disant » violation de son devoir d’informer l’office AI en lien avec l’inscription d’une société au registre du commerce en 2013 n’est pas davantage fondé. On rappellera qu’en vertu des art. 31 LPGA et 77 RAI, les assurés sont tenus de communiquer les activités exercées, en tout temps. Chaque assuré doit annoncer immédiatement toute modification de la situation susceptible d’entraîner la suppression, une diminution ou une augmentation de la prestation allouée, singulièrement une modification du revenu de l’activité lucrative, de la capacité de travail ou de l’état de santé lorsqu’il est au bénéfice d’une rente d’invalidité. Pareille obligation était d’ailleurs mentionnée dans la décision d’octroi de rente du 19.03.2012, ainsi que dans la communication du 06.09.2013 confirmant le droit de l’assuré à une rente entière d’invalidité.

En l’espèce, il n’appartenait pas à l’assuré de choisir les activités qu’il devait annoncer à l’office AI. Il ne pouvait en effet pas ignorer que l’exercice d’une activité, quelle qu’elle fût, était susceptible d’entraîner une nouvelle appréciation de ses capacités de travail et de gain, pouvant aboutir le cas échéant à une modification de la rente, ce qui s’est d’ailleurs produit à l’issue de l’instruction du cas. Le fait de créer une société anonyme, d’en être l’administrateur unique et de s’impliquer dans son fonctionnement, même à titre « occupationnel » et sans en retirer « un quelconque revenu » comme le soutient l’assuré, constituait des circonstances qui devaient être annoncées à l’office AI, dans la mesure où elles étaient susceptibles d’avoir une influence sur son droit aux prestations (cf. arrêts 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 7; 9C_107/2017 du 8 septembre 2017 consid. 5.1). Partant, en retenant que l’assuré avait contrevenu à son obligation de renseigner en n’informant pas l’office AI de la création de B.__ SA, avec pour conséquence qu’elle a confirmé, dans l’arrêt incident du 10.11.2016, qu’une éventuelle suppression ou diminution du droit à la rente pouvait prendre effet de manière rétroactive au 01.06.2013, en application de l’art. 88bis al. 2 let. b RAI, la juridiction cantonale n’a pas violé le droit.

Consid. 5.5
Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de s’écarter des considérations de l’instance précédente, selon lesquelles l’assuré dispose d’une capacité de travail de 50% avec une diminution de rendement de 10 à 20% depuis 2013 et qu’une éventuelle suppression ou diminution du droit à la rente pourrait, selon le taux d’invalidité de l’assuré en 2013, prendre effet de manière rétroactive au 01.06.2013 (art. 88bis al. 2 let. b RAI), au vu de la violation de l’obligation de renseigner. Le recours est mal fondé sur ce point.

 

Consid. 6.2
Concernant d’abord le grief de l’assuré relatif au « Choix du tableau ESS« , on rappellera que selon la jurisprudence, les statistiques du tableau TA1, secteur privé, salaires bruts standardisés sont en principe déterminantes (ATF 126 V 75 consid. 7a; 124 V 321 consid. 3b/aa; arrêt 8C_128/2022 du 15 décembre 2022 consid. 6.2.1). En l’occurrence, les juges cantonaux ont considéré il n’y avait pas lieu d’appliquer la table T1_b, qui regroupe les données salariales des secteurs privés et publics confondus. En ce qu’il se limite à affirmer, en citant des extraits de jurisprudence, que « [t]out indique » qu’il faut appliquer le tableau T1_b, branche 45-47 « commerce, réparation d’automobiles », de l’ESS 2012, en tenant compte du niveau de compétence maximal, avec pour conséquence, selon lui, que le revenu de valide devait être fixé à 119’553 fr., l’assuré ne fait pas état de circonstances qui justifieraient de ne pas appliquer le TA1 de l’ESS 2012 en l’espèce. Il ne conteste en particulier pas les constatations cantonales selon lesquelles, avant ses problèmes de santé, il n’avait été actif que dans le secteur privé. Partant, le grief de l’assuré est mal fondé.

Consid. 6.3
L’assuré reproche également à la juridiction de première instance d’avoir pris comme référence le niveau de compétence 2 du TA1 de l’ESS 2012, dans le secteur du commerce de gros et de la réparation d’automobiles (lignes 45-46 du TA1_skill_level, secteur privé). Il soutient, en se référant à sa fonction de « chef d’entreprise avec deux employés », qu’un niveau de compétence plus élevé devait être retenu.

Consid. 6.3.1
Le choix du niveau de compétence est une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 143 V 295 consid. 2.4). A la suite des juges cantonaux, on rappellera que depuis la dixième édition de l’ESS 2012, les emplois sont classés par l’Office fédéral de la statistique (OFS) par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. Les critères de base utilisés pour définir le système des différents groupes de profession sont les niveaux et la spécialisation des compétences requis pour effectuer les tâches inhérentes à la profession (arrêt 8C_444/2021 du 29 avril 2022 consid. 4.2.3 et les arrêts cités). Quatre niveaux de compétence ont été définis en fonction de neuf grands groupes de professions (voir tableau T17 de l’ESS 2012 p. 44) et du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l’expérience professionnelle (voir tableau TA1_skill_level de l’ESS 2012; ATF 142 V 178 consid. 2.5.3). Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs/trices, les cadres de direction et les gérant[e]s, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l’utilisation de machines et d’appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (arrêt 8C_444/2021 précité consid. 4.2.3 et les arrêts cités).

Consid. 6.3.2
Selon les constatations de la juridiction cantonale, non contestées par l’assuré, il est titulaire d’un CFC de tôlier en carrosserie, effectuait tous types de travaux de carrosserie dans son entreprise, s’occupait des contacts, ainsi que des devis et factures, et avait deux employés. Cette activité coïncide avec la définition du niveau de compétence 2 (comp. arrêt 8C_444/2021 précité consid. 4.2.4). En ce qui concerne l’expérience professionnelle de plusieurs années dont peut se prévaloir l’assuré – sans formation commerciale ni autres qualifications particulières acquises pendant l’exercice de la profession -, elle ne justifie pas à elle seule un classement supérieur au niveau de compétence 2 (cf. arrêts 8C_581/2021 du 19 janvier 2022 consid. 4.4; 9C_148/2016 du 2 novembre 2016 consid. 2.2), comme l’ont dûment rappelé les juges cantonaux. Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter du revenu sans invalidité qu’ils ont arrêté à 70’781 fr. 94. Le recours est mal fondé sur ce point également.

 

Consid. 7.1
L’assuré se plaint finalement d’une violation de l’art. 45 LPGA, en ce que la juridiction cantonale n’a pas mis les frais d’établissement de l’expertise du docteur G.__ du 18.07.2016 (1’500 fr.) à la charge de l’office AI. Il fait valoir à cet égard que l’expertise privée « a joué un rôle déterminant dans la résolution du litige », puisque le docteur G.__ aurait démontré que les conclusions du docteur C.__ étaient en contradiction avec la doctrine médicale, et affirme que sans celle-ci, le Tribunal cantonal n’aurait pas mis en œuvre l’expertise judiciaire bidisciplinaire.

Consid. 7.2
Aux termes de l’art. 45 al. 1 LPGA, les frais de l’instruction sont pris en charge par l’assureur qui a ordonné les mesures; à défaut, l’assureur rembourse les frais occasionnés par les mesures indispensables à l’appréciation du cas ou comprises dans les prestations accordées ultérieurement. Selon la jurisprudence, les frais d’expertise font partie des frais de procédure. Les frais d’expertise privée peuvent être inclus dans les dépens mis à la charge de l’assureur social lorsque cette expertise était nécessaire à la résolution du litige (ATF 115 V 62 consid. 5c; arrêt 9C_519/2020 du 6 mai 2021 consid. 2.2 et les arrêts cités).

Consid. 7.3
En l’espèce, dans l’arrêt du 02.12.2019, la juridiction cantonale a rejeté la demande de l’assuré au motif que le rapport du docteur G.__ du 18.07.2016 n’avait pas permis d’établir de manière concluante l’état de fait médical en palliant un défaut d’instruction de la part de l’office AI. Or dans la mesure où elle a considéré qu’une expertise judiciaire « s’avérait nécessaire afin de départager l’avis du [docteur] G.__ de celui du [docteur] C.__ », il convient d’admettre que le rapport du docteur G.__ a joué un rôle déterminant dans la résolution du litige. Par conséquent, les frais relatifs à cette expertise doivent être imputés à l’office AI. Le recours est bien fondé sur ce point.

Etant donné l’issue de la procédure, qui repose sur une situation juridique claire et dans laquelle l’assuré obtient gain de cause sur un point très accessoire, il convient de renoncer à un échange d’écritures (art. 102 al. 1 LTF; cf. arrêt 9C_474/2021 du 20 avril 2022 consid. 6.4 et la référence).

 

Le TF admet très partiellement le recours de l’assuré, réformant le jugement cantonal réformé en ce sens que les frais de l’expertise du docteur G.__ du 18 juillet 2016 (1’500 fr.) sont mis à la charge de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_523/2022 consultable ici

 

8C_501/2021 (d) du 14.07.2022 – Révision d’une rente d’invalidité – 17 LPGA / L’exploitation de photos accessibles au public dans les médias sociaux pas considérée comme une violation de la sphère privée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_501/2021 (d) du 14.07.2022

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Révision d’une rente d’invalidité / 17 LPGA

L’exploitation de photos accessibles au public dans les médias sociaux pas considérée comme une violation de la sphère privée

 

Assuré, né en 1963, a déposé une nouvelle demande AI en juin 2003, après une première demande infructueuse. Après instruction et expertise pluridisciplinaire, l’office AI a octroyé à l’assuré, par décision du 18.09.2007, une rente d’invalidité entière dès octobre 2003 en raison de troubles psychiques et de problèmes de dos (degré d’invalidité : 84 %). La rente a été maintenue après révision en décembre 2012.

Début février 2015, l’office AI a engagé une nouvelle procédure de révision. A cette occasion, il a demandé au SMR de procéder à des examens orthopédiques et psychiatriques (rapports de juillet 2017). Après avoir reçu une information téléphonique anonyme selon laquelle l’assuré percevait une rente d’invalidité sans être limité en conséquence, l’office AI a demandé une conservation de la preuve sur place (Beweissicherung vor Ort ci-après : BvO). L’office AI a soumis les résultats au SMR pour appréciation (prises de position octobre et novembre 2017) et a ensuite donné à l’assuré la possibilité de s’exprimer à ce sujet. Par décision du 19.10.2018, l’office AI a supprimé la rente d’invalidité au 30.06.2017, étant donné qu’il avait été établi, au vu de l’observation et des évaluations médicales complémentaires, qu’il n’y avait plus de restrictions psychiques au plus tard à partir de juillet 2017 (taux d’invalidité : 10 %). En conséquence, la restitution des prestations de rente perçues du 01.07.2017 au 28.02.2018 (total : CHF 16’820) a été exigée (décision du 24.10.2018).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 10.06.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Les résultats d’une observation, combinés à une évaluation médicale du dossier, peuvent en principe constituer une base suffisante pour établir les faits concernant l’état de santé et la capacité de travail de la personne assurée (ATF 140 V 70 consid. 6.2.2 avec référence ; arrêt 8C_54/2020 du 26 mai 2020 consid. 2).

Consid. 4.1
L’instance cantonale a qualifié la BvO d’indispensable et ses résultats d’exploitables. Elle a ensuite considéré comme probantes les évaluations du dossier faites par le SMR en octobre et novembre 2017, selon lesquelles il existait chez l’assuré une pleine capacité de travail pour des activités adaptées au plus tard dès juillet 2017. Au vu de ce qui précède, la cour cantonale a considéré qu’il existait un motif de révision au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA. […] Pour la comparaison des revenus (art. 16 LPGA), l’instance cantonale a utilisé la même valeur statistique pour le revenu sans invalidité et d’invalide (ESS 2016, tableau TA1, niveau de compétence 1, total, hommes). Après avoir procédé à un abattement de 10%, elle a confirmé la suppression de la rente – ainsi que la demande de restitution des prestations de rente perçues du 01.07.2017 au 28.02.2018. Le tribunal cantonal a nié un droit à des mesures de réadaptation.

Consid. 5.1
En ce qui concerne les griefs en lien avec la BvO, il convient de se référer à la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 143 I 377), correctement citée par le tribunal cantonal, concernant la mise en œuvre, dans le droit de l’assurance-invalidité, de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 18 octobre 2016 (dans la cause Vukota-Bojic c. Suisse [61838/10]). Selon cette jurisprudence, il est certes établi que l’observation de l’assuré était en soi inadmissible au moment de sa mise en œuvre, en l’absence d’une base légale suffisamment claire et détaillée (pour la situation juridique depuis le 01.10.2019 : art. 43a et 43 b LPGA). Comme l’a justement considéré l’instance cantonale, la jurisprudence ne prévoit toutefois pas d’interdiction de principe d’exploiter les données. Au contraire, les éléments recueillis sur la base d’une observation illicite peuvent être exploitables sur la base d’une pesée minutieuse des intérêts privés et publics (cf. art. 152 al. 2 CPC) (ATF 143 I 377 consid. 5 ; idem : arrêt 6B_428/2018 du 31 juillet 2019 consid. 1.4). Le tribunal cantonal a procédé à une telle évaluation. On ne voit pas en quoi les constatations qu’il a faites à ce sujet sont manifestement inexactes (arbitraires) et en quoi les conclusions qu’il en a tirées – selon lesquelles les intérêts privés de l’assuré n’auraient été que faiblement touchés par l’observation et que, par conséquent, les résultats de celle-ci seraient exploitables – seraient entachées d’une erreur de droit.

Si le recourant conteste en outre le caractère exploitable des photos qui ont été sauvegardées sur Facebook, il existe également une pratique bien établie à ce sujet, selon laquelle l’exploitation de telles publications accessibles au public dans les médias sociaux ne doit pas être considérée comme une violation de la sphère privée (cf. parmi d’autres : arrêts 8C_292/2019 du 27 août 2019 consid. 3.2.3 ; 8C_909/2017 du 26 juin 2018 consid. 6.2). La cour cantonale ayant également correctement reproduit et appliqué ces principes, les objections soulevées à leur encontre dans le recours ne sont pas suffisantes.

 

Consid. 5.2
Les arguments relatifs au soupçon initial ne sont pas non plus d’une grande aide, pour autant qu’ils aient encore une importance décisive au vu de ce qui précède (cf. arrêt 8C_54/2020 du 26 mai 2020 consid. 8.1 et les références). Dans ce contexte, la cour cantonale a constaté que l’assuré n’avait plus consulté ses médecins traitants depuis l’année 2014, respectivement 2015. De plus, il n’était pas souvent joignable par écrit ou par téléphone. Ensuite, selon les indications de sa caisse-maladie, il ne se procurait pas régulièrement les médicaments prescrits, ce que l’examen de laboratoire effectué lors de l’exploration par le SMR a confirmé. Lors de son examen du 4 juillet 2017, l’orthopédiste du SMR a relevé des différences entre la mobilité active et la mobilité passive. Le psychiatre du SMR a conclu, sur la base du comportement théâtral, des indications vagues et des plaintes subjectives prononcées de l’assuré, qu’il existait des indices d’une aggravation des troubles, qui ne pouvaient toutefois pas être prouvés sur la base du seul examen (rapport d’examen du 27 juillet 2017).

En d’autres termes, contrairement à ce qu’affirme l’assuré, il existait, en dehors de la dénonciation téléphonique anonyme, des indices tout à fait valables et concrets qui justifiaient au moins le soupçon d’une perception illégale de la rente d’invalidité. Par conséquent, l’observation effectuée semble tout à fait justifiée (à ce sujet, cf. entre autres : ATF 143 I 377 consid. 5.1.2 ; 137 I 327 consid. 5.4.2.1 ; SVR 2017 IV Nr. 89 S. 277, 8C_69/2017 E. 5.1 ; arrêt 9C_294/2018 du 28 novembre 2018 consid. 3.3).

Consid. 5.3
Dans ce contexte, une violation de la CEDH, du droit fédéral ou de droits constitutionnels cantonaux (cf. art. 95 let. a-c LTF) est exclue.

 

Consid. 6.3
L’argument de l’assuré – le fait que le psychiatre traitant n’est consulté qu’à des intervalles de plusieurs mois ne change rien à l’incapacité durable de travail – tombe à faux. En effet, pour déterminer le droit à une rente, il est en principe déterminant, indépendamment du diagnostic et sans tenir compte de l’étiologie, de savoir si et dans quelle mesure il existe une atteinte à la capacité de travail ou de gain (ATF 143 V 409 consid. 4.2.1 ; arrêt 8C_465/2019 du 12 novembre 2019 consid. 6.2.3 ; cf. en outre ATF 148 V 49 consid. 6.2.2). Il ressort clairement de la prise de position du psychiatre du SMR que, compte tenu des résultats de la BvO, il n’est pas possible, au degré de la vraisemblance prépondérante, de poser un diagnostic ayant un effet durable sur la capacité de travail d’un point de vue psychiatrique. Ainsi, des explications plus détaillées sur la fréquence du traitement s’avèrent en soi superflues (cf. ATF 143 V 409 consid. 4.5.3 ; arrêt 8C_270/2019 du 5 septembre 2019 consid. 4.2.2).

 

Consid. 8.1
[…] Dans les cas où la réduction ou la suppression, par révision du droit à la rente concerne une personne assurée qui est âgée de 55 ans révolus ou qui a bénéficié d’une rente pendant quinze ans au moins, des mesures de réadaptation doivent en règle générale être prises (cf. ATF 145 V 209 consid. 5.1 et les références). Le droit à des mesures de réadaptation avant la suppression de la rente présuppose toutefois la volonté de réadaptation ou l’aptitude subjective à la réadaptation. En l’absence de celle-ci, le droit à des mesures de réadaptation est refusé sans qu’il soit nécessaire de procéder d’abord à une procédure de mise en demeure et de réflexion (SVR 2019 IV Nr. 3 S. 6, 8C_145/2018 consid. 7 et les références; arrêts 8C_285/2021 du 25 août 2021 consid. 5.4.1; 8C_233/2021 du 7 juin 2021 consid. 2.3 et les références).

Consid. 8.3
[…] La question de savoir si la limite d’âge de 55 ans ou la durée minimale de 15 ans de perception de la rente doit être fixée au moment de la suppression de la rente compte tenu de la présente violation de l’obligation d’annoncer (ceci à la différence de la constellation traitée dans l’arrêt 8C_104/2021 du 27 juin 2022 destiné à la publication) peut rester ouverte.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_501/2021 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_501/2021 (d) du 14.07.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/01/8c_501-2021)

 

9C_522/2021 (f) du 29.06.2022 – Révision de prestations complémentaires – 17 LPGA / Obligation de restituer des prestations (complémentaires) perçues indûment – Dies a quo du délai de péremption – 25 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_522/2021 (f) du 29.06.2022

 

Consultable ici

 

Révision de prestations complémentaires / 17 LPGA

Obligation de restituer des prestations (complémentaires) perçues indûment – Dies a quo du délai de péremption / 25 LPGA

 

Assurée, née en 1976, s’est vu octroyer un quart de rente AI depuis le 01.12.2002, puis une demi-rente depuis le 01.03.2003. Par décisions de la caisse de compensation des 13.03.2009 et 04.12.2009, confirmées sur opposition, elle a été de plus mise au bénéfice de prestations complémentaires AVS/AI depuis le 01.05.2003. La caisse de compensation a régulièrement procédé à l’adaptation des prestations. Par décision du 06.07.2018, elle a mis un terme au droit de l’assurée à des prestations complémentaires avec effet au 01.08.2018.

Lors d’un entretien téléphonique du 11.07.2018, l’assurée a mentionné à une collaboratrice de la caisse de compensation qu’elle possédait un bien immobilier à l’étranger. Par une première décision du 06.05.2019, la caisse de compensation a mis fin aux prestations complémentaires versées en faveur de l’assurée avec effet rétroactif au 01.06.2012. Le même jour, elle a réclamé à l’assurée un montant de 101’119 fr. 05, correspondant aux prestations complémentaires versées entre le 01.06.2012 et le 30.05.2019. Saisie d’une opposition, la caisse de compensation a repris l’instruction de la cause et rendu de nouvelles décisions le 18.10.2019, par lesquelles elle a confirmé la fin du droit aux prestations complémentaires avec effet rétroactif dès le 01.06.2012. Par décisions du 29.01.2020, la caisse de compensation a partiellement admis la nouvelle opposition formée par l’assurée et réduit le montant soumis à restitution à 77’096 fr. 85, correspondant aux prestations versées entre le 01.06.2012 et le 31.12.2019.

 

Procédure cantonale (arrêt PC 8/20 – 21/2021 – consultable ici)

Par jugement du 26.08.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.2
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral dans le domaine du droit privé, il incombe à celui qui fait valoir un droit soumis à un délai de péremption de prouver qu’il a observé celui-ci, l’observation du délai ayant un caractère constitutif de droit et étant une condition de l’exercice de l’action. Lorsque le délai de péremption commence à courir au moment où celui qui intente l’action a connaissance de certains faits, il appartient au demandeur d’établir quand et comment il a eu connaissance de ces faits. Le défendeur, de son côté, peut apporter la contre-preuve que le demandeur a connu les faits pertinents déjà à une date antérieure à celle qu’il invoque et qu’il s’est écoulé, entre cette date antérieure et l’introduction de l’action, un laps de temps dépassant le délai de péremption, de sorte que l’action serait périmée. Ainsi, lorsque le début du délai de péremption dépend de la connaissance de certains faits, il incombe au défendeur d’établir que le délai de péremption n’est pas respecté (arrêt 9C_632/2012 du 10 janvier 2013 consid. 6.2.3 et la référence).

Consid. 3.1
La juridiction cantonale a, en se fondant sur la procédure de révision quadriennale de l’année 2018, retenu que la décision de restitution de la caisse de compensation du 06.05.2019 se fondait sur la découverte d’éléments de fortune mobilière et immobilière nouveaux. L’assurée avait en effet sciemment dissimulé qu’elle possédait un bien immobilier à l’étranger jusqu’en 2018. Elle avait de plus omis de signaler l’existence de comptes bancaires à l’étranger et l’activité accessoire de son époux. En présence de tels faits nouveaux importants, découverts en 2018, la caisse avait à juste titre recalculé à nouveau le droit de l’assurée à des prestations complémentaires. Dès lors que l’assurée avait violé son obligation de renseigner, la caisse de compensation avait par ailleurs étendu correctement la restitution des prestations indues aux sept années antérieures à la décision du 06.05.2019 (art. 25 al. 2 LPGA).

Consid. 4.1
Les prestations complémentaires accordées en vertu de décisions qui ont formellement passé en force doivent être restituées si les conditions d’une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) ou d’une révision (art. 53 al. 1 LPGA) sont remplies (ATF 130 V 318 consid. 5.2 et les références). S’agissant plus particulièrement de cette dernière, l’administration procède à la révision d’une décision entrée en force formelle lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve, susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 122 V 134 consid. 2b et la référence). L’obligation de restituer les prestations complémentaires indûment perçues vise à rétablir l’ordre légal, après la découverte d’un fait nouveau (arrêt 8C_120/2008 du 4 septembre 2008 consid. 3.1).

Consid. 4.2
A l’inverse de ce que soutient l’assurée, le délai (relatif) d’un an de l’art. 25 al. 2 LPGA ne peut commencer à courir qu’à partir du moment où la caisse de compensation aurait dû connaître les faits fondant l’obligation de restituer, en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle. Admettre que les prétentions de la caisse de compensation puissent commencer à se prescrire avant la découverte des faits nouveaux à l’origine de la reconsidération ou de la révision reviendrait à considérer que des prétentions non encore nées, puisque fondées sur des faits que l’administration n’était pas en mesure de connaître, pourraient se périmer.

La caisse de compensation a demandé la restitution des prestations en raison de l’existence de biens à l’étranger. A cet égard, l’assurée ne prétend pas que la caisse de compensation disposait avant l’entretien téléphonique du 11.07.2018, à tout le moins, d’un faisceau d’indices laissant supposer l’existence de son bien immobilier à l’étranger, de ses avoirs bancaires à l’étranger et de l’activité accessoire de son époux. En procédant à la révision du droit de l’assurée à des prestations complémentaires AVS/AI le 06.05.2019 et en demandant la restitution des prestions perçues indûment le même jour, la caisse de compensation a par conséquent agi dans le délai (relatif) d’une année de l’art. 25 al. 2 LPGA, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020. Dans ce contexte, la référence, dont se prévaut l’assurée, au salaire erroné de l’époux, qui aurait pu justifier également la restitution des prestations, n’a pas d’influence sur l’issue de la cause. La juridiction cantonale a par conséquent retenu à juste titre que l’assurée est tenue de restituer le montant intégral de toutes les prestations de l’assurance touchées indûment du 01.06.2012 au 31.07.2018.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_522/2021 consultable ici

 

9C_452/2021 (f) du 14.04.2022 – Invalide de naissance ayant bénéficié d’une FPI (maîtrise universitaire) – Rente d’invalidité – Nouvelle demande AI / 26 al. 1 RAI – 17 LPGA – 87 RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_452/2021 (f) du 14.04.2022

 

Consultable ici

 

Invalide de naissance ayant bénéficié d’une FPI (maîtrise universitaire) – Rente d’invalidité – Nouvelle demande AI / 26 al. 1 RAI – 17 LPGA – 87 RAI

 

En relation avec une diplégie spastique congénitale dans le contexte d’une naissance prématurée, l’assurée, née en 1983, a bénéficié de différentes prestations de l’assurance-invalidité, sous la forme notamment d’une formation professionnelle initiale, jusqu’à l’obtention d’une maîtrise universitaire ès Sciences en psychologie au mois d’août 2012. Considérant qu’à l’issue des mesures professionnelles, l’assurée était en mesure d’obtenir des gains au moins équivalents à ceux que percevrait un adulte du même âge, l’office AI a refusé l’octroi d’une rente d’invalidité (décision du 04.03.2013).

Au mois de mai 2014, l’assurée a présenté une nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité. Entre autres mesures d’instruction, l’office AI a sollicité des renseignements auprès des médecins traitants de l’assurée. Il les a ensuite soumis à la doctoresse C.__, spécialiste en pédiatrie et en oncologie-hématologie pédiatrique et médecin au SMR, qui a conclu à une capacité de travail entière dans l’activité de psychologue. Par décision du 07.06.2018, l’administration a rejeté la demande de prestations. En bref, elle a considéré que l’état de santé de l’assurée ne s’était pas aggravé depuis la décision du 04.03.2013, de sorte que sa capacité de travail demeurait entière.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 216/18 – 195/2021 [arrêt non disponible sur le site du TC])

Par jugement du 02.07.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Selon l’art. 26 al. 1 RAI, dans sa teneur applicable au moment des faits déterminants [jusqu’au 31 décembre 2021], lorsque la personne assurée n’a pu acquérir de connaissances professionnelles suffisantes à cause de son invalidité, le revenu qu’elle pourrait obtenir si elle n’était pas invalide correspond en pour-cent, selon son âge, aux fractions mentionnées par la disposition de la médiane, actualisée chaque année, telle qu’elle ressort de l’enquête de l’Office fédéral de la statistique sur la structure des salaires (ESS). La fixation du revenu sans invalidité théoriquement, selon un barème objectif, conformément à l’art. 26 al. 1 RAI – et non de manière hypothétique, en tenant compte notamment de l’activité exercée avant la survenance de l’invalidité et des aptitudes professionnelles -, constitue un cas particulier d’application de la méthode générale de la comparaison des revenus (art. 28 LAI; arrêt I 134/96 du 23 mars 1998 consid. 1).

Consid. 4.2
Selon la jurisprudence, dûment rappelée par la juridiction de première instance, les invalides de naissance ou précoces au sens de l’art. 26 al. 1 RAI (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021) sont des assurés qui présentent une atteinte à la santé depuis leur naissance ou leur enfance et n’ont pu, de ce fait, acquérir des connaissances professionnelles suffisantes. Entrent dans cette catégorie toutes les personnes qui, en raison de leur invalidité, n’ont pu terminer aucune formation professionnelle, ainsi que les assurés qui ont commencé, voire achevé, une formation professionnelle mais qui étaient déjà invalides au début de cette formation et qui, de ce fait, ne peuvent prétendre aux mêmes possibilités de salaire qu’une personne ne présentant pas de handicap ayant la même formation. L’élément décisif n’est alors pas que l’assuré ait acquis des connaissances professionnelles, mais qu’il puisse aussi les utiliser économiquement (arrêts 8C_236/2021 du 8 septembre 2021 consid. 3.2; 9C_233/2018 du 11 avril 2019 consid. 1.2 et 3.1 et les références).

Consid. 4.3
En l’espèce,
il ressort des constatations cantonales qu’elle a présenté une capacité de travail de 60% dans l’activité habituelle de psychologue, adaptée aux limitations fonctionnelles, ainsi que dans toute activité adaptée, depuis l’entrée dans la vie professionnelle, et qu’elle n’a pas trouvé d’emploi après l’obtention de sa maîtrise universitaire en psychologie en août 2012, mais effectué des stages à l’occasion desquels s’est immédiatement révélée l’incapacité à œuvrer à plein temps et durant lesquels elle a réalisé des revenus très limités. Force est ainsi de constater que l’assurée n’a pas pu réaliser un gain pratiquement égal à celui d’une personne non invalide au bénéfice de la même formation, ce que l’intéressée ne conteste du reste pas. Partant, il n’y a pas lieu de s’écarter des considérations des premiers juges, selon lesquelles l’invalidité de l’assurée devait être évaluée en application de l’art. 26 al. 1 RAI. Il convient néanmoins de préciser qu’on ne saurait suivre l’appréciation de l’office AI, fondée sur le rapport de la doctoresse C.__ du 1er mars 2016, selon lequel l’assurée présentait déjà depuis 2012, date de sa maîtrise universitaire, une capacité de travail entière dans l’activité de psychologue. Cette appréciation ne résiste pas à l’examen.

Pour le surplus, l’assurée ne remet en cause ni le revenu d’invalide (déterminé par la juridiction cantonale en se fondant sur les données statistiques de l’ESS), ni la période déterminante (à savoir depuis le moment où l’assurée avait pris conscience des répercussions de ses atteintes à la santé sur sa capacité de travail, soit au début de l’année 2014, jusqu’à la date de la décision administrative du 07.06.2018). Compte tenu d’un taux d’invalidité de 31% en 2014, 35% en 2015 et 2016, et 34% en 2017 et 2018, obtenu au terme de la comparaison des revenus de valide et d’invalide, c’est à bon droit que la juridiction cantonale a nié le droit de l’assurée à une rente de l’assurance-invalidité.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_452/2021 consultable ici

 

8C_45/2022 (f) du 03.08.2022 – Révision de la rente d’invalidité – 16 LPGA – 22 LAA / Evolution du revenu sans invalidité – Possibilités théoriques de développement professionnel ou d’avancement niées

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_45/2022 (f) du 03.08.2022

 

Consultable ici

 

Révision de la rente d’invalidité / 16 LPGA – 22 LAA

Evolution du revenu sans invalidité – Possibilités théoriques de développement professionnel ou d’avancement niées

 

A.__, né en 1963, travaillait depuis 2002 pour l’entreprise C.__ SA en tant que maçon. Le 13.12.2007, il a chuté d’une échelle d’une hauteur de trois à quatre mètres sur son lieu de travail et s’est blessé à la cheville gauche. Après avoir repris le travail à titre occupationnel en avril 2010, il a été licencié par son employeur pour le 31.07.2010, dès lors que son état de santé ne lui permettait pas de reprendre son poste habituel.

Par décision du 21.05.2012, l’assurance-accidents lui a accordé une IPAI sur la base d’un taux de 15% ainsi qu’une rente d’invalidité fondée sur un taux de 20%, après comparaison entre le gain mensuel réalisable en 2012 sans accident auprès de l’ancien employeur, soit 5765 fr. (13e salaire inclus), et le salaire mensuel moyen réalisable dans un poste adapté, soit 4635 fr. (13e salaire inclus). Avec l’aide du service de placement de l’office de l’assurance-invalidité, l’assuré a trouvé par la suite un emploi adapté de chauffeur à plein temps auprès de l’entreprise D.__ SA dès le 01.09.2013 pour un salaire mensuel de 4650 fr. (versé 13 fois l’an).

Le 29.08.2018, l’assurance-accidents a mis en œuvre une procédure de révision d’office de la rente. Selon les informations obtenues de D.__ SA, l’assuré a perçu en 2018 un salaire annuel brut de 62’075 fr. (4775 fr. par mois, 13 fois l’an). L’ancien employeur C.__ SA a attesté que sans atteinte à la santé, l’assuré aurait gagné en 2018 un salaire annuel brut de 69’810 fr. (5370 fr. par mois, 13 fois l’an) s’il était resté à son service. Par décision du 10.04.2019, l’assurance-accidents a réduit la rente d’invalidité à 11% pour l’avenir, soit à partir du 01.05.2019.

Sur opposition de l’assuré, l’assurance-accidents a recueilli des informations complémentaires auprès des deux employeurs. Selon C.__ SA, l’assuré aurait reçu en 2019 un salaire annuel de 70’850 fr. (5450 fr. par mois, 13 fois l’an), tandis que le salaire qu’il gagnait auprès de D.__ SA restait inchangé. Par conséquent, l’assurance-accidents a, par décision sur opposition du 27.06.2019, admis partiellement l’opposition, fixant le taux d’invalidité à 12%.

 

Procédure cantonale

Les juges cantonaux ont retenu que le salaire de l’assuré n’était pas soumis à des fluctuations importantes ni n’était supérieur à la moyenne. En outre, aucun élément objectif du dossier ne permettait de retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assuré n’aurait pas continué à travailler pour son employeur indépendamment de la survenance de l’accident. Ainsi, il ressortait des multiples comptes rendus d’entretien que l’assuré espérait fortement poursuivre ses relations de travail avec C.__ SA [employeur au moment de l’accident], même à un autre poste que celui de maçon. En plus, rien ne permettait d’affirmer qu’il aurait eu très probablement plus de responsabilités professionnelles. Au contraire, dûment questionné sur ce point, l’ex-employeur avait affirmé que l’assuré n’aurait pas exercé un travail avec plus de responsabilités s’il avait pu continuer à travailler en pleine possession de ses moyens. Devaient être écartées également ses allégations sur son potentiel de formation, sa nature de « leader » et sa volonté de prendre des responsabilités. En effet, les formations de cariste et machiniste étaient intervenues après l’accident et le service de réadaptation de l’OAI n’avait pas retenu de formation de type CFC ou AFP envisageable, compte tenu du fait que l’assuré n’avait suivi que la scolarité obligatoire primaire. Ainsi, ces affirmations n’étaient que des simples déclarations ne reposant sur aucun indice concret qui aurait permis de tenir pour très vraisemblable que des possibilités théoriques de développement professionnels se seraient réalisées. Enfin, même si l’assuré relevait une évolution assez importante de son salaire entre 2007 et 2012, rien n’indiquait que le montant du salaire aurait en réalité augmenté dans une proportion supérieure à celle attestée par l’ancien employeur, dont la quotité reposait sur une convention collective de travail. Dans ces circonstances, l’assurance-accidents était fondée à retenir un revenu présumable sans invalidité pour l’année 2019 de 70’850 fr.

 

Par jugement du 02.12.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Selon la jurisprudence, le revenu que pourrait réaliser l’assuré sans invalidité est en principe établi sans prendre en considération les possibilités théoriques de développement professionnel (lié en particulier à un complément de formation) ou d’avancement, à moins que des indices concrets rendent très vraisemblable qu’elles se seraient réalisées (arrêt 9C_439/2020 du 18 août 2020 consid. 4.4). Cela pourra être le cas lorsque l’employeur a laissé entrevoir une telle perspective d’avancement ou a donné des assurances en ce sens. En revanche, de simples déclarations d’intention de l’assuré ne suffisent pas; l’intention de progresser sur le plan professionnel doit s’être manifestée par des étapes concrètes, telles que la fréquentation d’un cours, le début d’études ou la passation d’examens (arrêts 8C_778/2017 du 25 avril 2018 consid. 4.2; 9C_221/2014 du 28 août 2014 consid. 3.2; 8C_380/2012 du 2 mai 2013 consid. 2; 8C_839/2010 du 22 décembre 2010 consid. 2.2.2.2). Ces principes s’appliquent aussi dans le cas de jeunes assurés (arrêt 8C_550/2009, 8C_677/2009 du 12 novembre 2009 consid. 4.2, in: SVR 2010 UV n° 13 p. 52). Le point de savoir si le salaire réel aurait augmenté grâce à un développement des capacités professionnelles individuelles, notamment un changement de profession, doit être établi au degré de la vraisemblance prépondérante (arrêts 8C_380/2012 du 2 mai 2013 consid. 2; U 87/05 du 13 septembre 2005 consid. 2, in: RAMA 2006 n° U 568 p. 67).

Consid. 4.3.1
L’assuré réitère qu’entre 2008 et 2012, le salaire annuel qu’il aurait pu réaliser auprès de C.__ SA aurait évolué de 64’805 fr. à 69’180 fr. (soit une augmentation de 4375 fr.), tandis qu’entre 2012 et 2018 ce salaire n’aurait augmenté que de 630 fr., ce qui équivaudrait à une progression de 0.91% seulement en six ans. Pendant cette période, il n’aurait ainsi reçu quasiment aucune augmentation salariale, de sorte qu’il serait tout à fait invraisemblable qu’il n’aurait pas changé d’emploi entretemps. De surcroît, dans ce même intervalle, l’indice des salaires nominaux des métiers de la construction serait passé de 101.7 à 103.8 – soit une augmentation de 2.06% – selon l’indice des salaires nominaux établi par l’OFS (tableau T1.10), ce qui rendrait hautement vraisemblable soit une augmentation de salaire plus conséquente chez son employeur de l’époque, soit un changement d’employeur.

Consid. 4.3.2
Selon l’arrêt U 66/02 du 2 novembre 2004 qu’invoque l’assuré à ce propos, le fait que l’employeur n’augmente pas le salaire à cause de sa situation économique ne constitue en général pas un motif pour l’employé de chercher un nouvel emploi, au moins durant les premières années. Dans un premier temps, il convient donc toujours de s’appuyer sur les renseignements salariaux de l’employeur pour déterminer le revenu sans invalidité. Toutefois, si une telle stagnation du salaire persiste pendant plusieurs années, celui-ci s’écarte de plus en plus des salaires usuels dans la branche, offerts ailleurs. Dans de telles circonstances, l’hypothèse que l’employé n’aurait toujours pas changé d’emploi ne peut plus être considérée comme réaliste, de sorte qu’il est justifié de prendre en compte au moins l’évolution des salaires nominaux ressortant des statistiques de l’OFS (consid. 4.1.1 de l’arrêt mentionné, publié in: RAMA 2005 n° U 538 p. 112).

Consid. 4.3.3
En l’espèce, rien n’indique que la situation économique de l’ancien employeur C.__ SA ne lui aurait pas permis d’augmenter le salaire de l’assuré dans une mesure usuelle. En tous les cas, cela ne saurait être déduit de l’allégué de l’assuré que C.__ SA aurait cessé d’exister, car cette société a uniquement changé sa raison sociale et son siège selon les indications figurant au registre du commerce, qui sont accessibles par internet et constituent des faits notoires que le Tribunal fédéral peut librement prendre en compte (ATF 143 IV 380 consid. 1.1.1; 138 II 557 consid. 6.2 et les références). Comme l’employeur a attesté une augmentation du salaire, on ne peut pas non plus partir d’une stagnation du salaire selon la jurisprudence mentionnée, même si l’évolution salariale a été plus lente que dans la période précédente de 2008 à 2012. La cour cantonale a d’ailleurs constaté que la quotité de l’augmentation reposait sur une convention collective de travail. Il n’est dès lors pas possible de conclure que l’assuré aurait changé d’activité et obtenu des revenus plus élevés. Par conséquent, il n’y a pas non plus lieu de s’écarter du principe que sont déterminants les renseignements concrets du dernier employeur et de s’appuyer au lieu de ceux-ci sur les valeurs statistiques, plus concrètement sur la statistique concernant l’évolution des salaires nominaux. Au demeurant, cette statistique regroupe plusieurs branches économiques et ne reflète ainsi pas forcément la réalité d’une branche d’activité concrète (arrêt 9C_414/2011 du 11 juillet 2011 consid. 4.3).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_45/2022 consultable ici

 

Lettre circulaire AI no 415 – Révision en cas d’invalidité de naissance ou d’invalidité précoce

Lettre circulaire AI no 415 – Révision en cas d’invalidité de naissance ou d’invalidité précoce (valable à partir du 18.03.2022)

 

LCAI no 415 du 18.03.2022 consultable ici

 

Selon la disposition transitoire du RAI relative à la modification du 03.11.2021, le droit à la rente d’un assuré ne disposant pas de connaissances professionnelles suffisantes et n’ayant pas encore atteint l’âge de 30 ans au 01.01.2022 doit être révisé dans un délai d’un an conformément aux nouvelles dispositions.

Sont principalement concernées par cette disposition les personnes qui n’ont pas pu commencer ou achever une formation professionnelle en raison de leur invalidité (cf. nouvel art. 26 al. 6 RAI). Cette disposition transitoire a été adoptée afin de ne pas désavantager ce groupe de personnes par rapport aux assurés pour lesquels un droit à la rente correspondant prend naissance sous le nouveau droit. À défaut, en l’absence des conditions de révision prévues à l’art. 17 al. 1 LPGA, le droit à la rente continuerait d’être basé, à l’âge de 30 ans révolus, sur le revenu sans invalidité réduit jusqu’ici en raison des classes d’âge. L’intention du législateur était donc d’obtenir une amélioration pour ces assurés (des précisions à ce sujet se trouvent aussi dans le rapport explicatif du 03.11.2021).

Une adaptation du droit à la rente en cours n’a cependant lieu que si les cinq points de pourcentage prévus à l’art. 17 al. 1 LPGA sont atteints. Si cette condition est remplie, le droit à la rente est augmenté au 01.01.2022 et la rente est simultanément transférée dans le système de rentes linéaire. Demeure réservée la let. b, al. 2, de la disposition transitoire du 19.06.2020 relative à la LAI.

Le groupe des assurés sans connaissances professionnelles suffisantes comprenait dans certains cas aussi des personnes titulaires d’une attestation fédérale de formation professionnelle ou d’un certificat fédéral de capacité, mais pour lesquelles le revenu sans invalidité était tout de même calculé selon l’art. 26 al. 1 RAI dans la version en vigueur jusqu’au 31.12.2021, en raison de la valorisation réduite de leurs qualifications professionnelles due à leur invalidité.

Les premiers cas issus de la pratique ont soulevé la question de savoir si le droit à la rente de cette catégorie de personnes est également couvert par la disposition transitoire. En effet, par une adaptation aux nouvelles dispositions (cf. art. 26 al 4 et 5 RAI), la situation de ces assurés serait le plus souvent moins favorable. Or, comme expliqué ci-dessus, l’intention du législateur était d’améliorer la situation des bénéficiaires de rentes atteints d’une invalidité de naissance ou précoce. C’est pourquoi les assurés qui disposent d’une attestation fédérale de formation professionnelle ou d’un certificat fédéral de capacité, mais dont le revenu a été pris en compte selon l’art. 26 al. 1 RAI dans la version en vigueur jusqu’au 31.12.2021 ne sont pas concernés par la disposition transitoire relative à la modification du RAI du 03.11.2021. Les ch. 9300 ss CIRAI seront adaptés et précisés dans le cadre de la prochaine révision de la CIRAI.

 

 

LCAI no 415 du 18.03.2022 consultable ici

Lettera circolare AI n. 415 : Revisione della rendita per gli invalidi dalla nascita e gli invalidi precoci (valida dal 18.03.2022)

IV-Rundschreiben Nr. 415 : Revision bei Geburts- und Frühinvaliden (gültig ab 18.03.2022)

 

9C_653/2020 (f) du 03.09.2021 – Suppression par révision d’une allocation pour impotence grave – 42 LAI – 37 RAI – 17 LPGA / Déroulement de l’enquête à domicile non critiquable / Percevoir d’une API de longue date – Pas de violation des règles de la bonne foi

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_653/2020 (f) du 03.09.2021

 

Consultable ici

 

Suppression par révision d’une allocation pour impotence grave / 42 LAI – 37 RAI – 17 LPGA

Déroulement de l’enquête à domicile non critiquable

Percevoir d’une API de longue date – Pas de violation des règles de la bonne foi

Difficultés dans la tenue du ménage n’entrent pas en considération au titre des actes ordinaires de la vie dont il faut tenir compte pour évaluer l’impotence

 

Assuré, né en 1966, a été victime d’un accident de la circulation, à l’âge de 4 1/2 ans, qui a provoqué un TCC avec coma, un hémisyndrome moteur gauche, une paralysie totale du plexus brachial gauche avec luxation sternoclaviculaire gauche et une fracture de la 1ère côte gauche. En raison des séquelles de cet accident, il a bénéficié d’une rente entière de l’assurance-invalidité depuis le 01.11.1992, ainsi que d’une allocation pour impotent de degré faible dès le 01.12.1987, puis de degré moyen depuis le 01.07.1992. Par décision du 09.03.2000, l’office AI lui a reconnu le droit à une allocation pour impotence grave depuis le 01.03.1998.

Le 07.12.2016, l’assuré a déposé une demande de contribution d’assistance. L’office AI a mis en œuvre une enquête à domicile ainsi qu’un examen neuropsychologique.

Par décision du 29.03.2019, l’office AI a supprimé l’allocation pour impotent dès la fin du mois suivant la notification de la décision. Par une autre décision du même jour, l’administration a refusé l’octroi d’une contribution d’assistance.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2019 105 + 106  – consultable ici)

Les juges cantonaux ont comparé la situation qui prévalait au moment de la décision d’octroi de l’allocation pour impotent de degré grave, le 09.03.2000, avec celle qui se présentait au moment de la décision de suppression du 29.03.2019. Ils ont mis en évidence que les constatations faites lors de la visite domiciliaire étaient corroborées par les conclusions de l’expertise neuropsychologique, selon lesquelles l’assuré parvient désormais à effectuer seul et sans surveillance les actes ordinaires de la vie quotidienne, au prix d’une certaine lenteur. Ils ont constaté que nonobstant l’apparition de problèmes respiratoires, l’assuré avait, par la force des choses, réussi à se passer de l’aide quotidienne de ses proches, puisqu’il vivait seul depuis le décès de son père en février 2016. Ils ont retenu que les problèmes et difficultés rencontrés par l’assuré notamment dans la gestion de ses affaires administratives ou de son ménage constituaient des éléments qui ne faisaient pas partie des actes ordinaires de la vie susceptibles de justifier une allocation pour impotent.

Quant au besoin d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie (art. 38 RAI), les juges cantonaux l’ont exclu compte tenu des constatations figurant dans le rapport d’enquête domiciliaire. En particulier, ils ont relevé que l’assuré pouvait communiquer sans aide, qu’il disposait d’une vie sociale et était en mesure de se déplacer aisément, alors que le risque d’isolement n’était pas avéré. Dès lors, les conditions d’une allocation pour impotent n’étaient plus justifiées.

Par jugement du 09.09.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.2

L’assuré se plaint ensuite du déroulement de l’enquête à domicile. Il soutient que l’office AI aurait dû demander à sa sœur, propriétaire de la maison familiale dans laquelle il habite, d’être présente lors de la visite des enquêteurs. A défaut, il s’est retrouvé seul face à deux fonctionnaires masculins de l’office AI, dont il présume qu’ils ne connaissaient rien à la gestion des tâches ménagères.

Cette argumentation n’est pas pertinente. D’une part, l’assuré invoque en vain une violation de la protection de la sphère privée de sa sœur (art. 13 al. 1 Cst.), dès lors que c’est lui seul qui est domicilié dans la maison familiale. D’autre part, le grief relatif aux compétences professionnelles de l’enquêteur et du collaborateur de l’office AI qui l’avait accompagné relève d’un simple parti pris à leur encontre, mais ne porte aucunement sur les critères objectifs posés par la jurisprudence (cf. ATF 140 V 543 consid. 3.2.1) qui ne sont pas abordés. Les juges cantonaux pouvaient donc se fonder sur les conclusions retenues dans le rapport d’enquête du 12 décembre 2017, aucun élément concret ne permettant de remettre en cause sa validité.

 

Consid. 5.3

L’assuré reproche ensuite à l’intimé d’avoir violé les règles de la bonne foi à son égard, car la qualité d’impotent qui lui avait été reconnue durant de très nombreuses années ne l’a subitement plus été, quand bien même son état de santé s’était aggravé.

Par ce grief, l’assuré semble plutôt invoquer une violation de l’art. 17 al. 2 LGPA. L’argumentation qu’il développe à ce sujet en énumérant les atteintes à la santé dont il souffre ne lui est toutefois d’aucun secours. En effet, en ce qui concerne le besoin d’aide de la part de tiers pour accomplir les actes ordinaires de la vie, le besoin d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie, le besoin d’une surveillance personnelle et de soins continus (cf. art. 37 et 38 RAI), l’assuré oppose sa propre appréciation de la situation pour évaluer l’impotence à celle des juges cantonaux, sans dire en quoi ceux-ci auraient administré et apprécié les preuves, puis établi les faits déterminants de manière arbitraire (cf. art. 97 al. 1 LTF). En particulier, il n’expose pas en quoi les constatations de l’instance cantonale seraient manifestement erronées, en tant qu’elle a admis qu’il avait réussi à se passer de l’aide quotidienne de ses proches, vivant seul depuis février 2016.

Du rapport d’enquête domiciliaire du 12.12.2017, il ressort que l’assuré est en mesure d’accomplir seul les actes ordinaires de la vie, certes parfois avec lenteur, mais en tout cas dans une mesure qui ne justifie plus le maintien de l’allocation pour impotent. Ces conclusions été corroborées par le rapport d’expertise neuropsychologique, selon lequel l’assuré nécessitait seulement l’aide ponctuelle de sa sœur pour certains soins du corps et la préparation de repas élaborés. Quant aux difficultés observées dans la tenue du ménage, elles n’entrent pas en considération au titre des actes ordinaires de la vie dont il faut tenir compte pour évaluer l’impotence. De plus, en tant qu’il se limite à invoquer le « chaos total » régnant dans son habitat, l’assuré ne remet pas sérieusement en cause les constatations de la juridiction cantonale sur l’absence de besoin d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_653/2020 consultable ici

 

 

9C_662/2020 (f) du 16.09.2021 – Révision procédurale niée – 53 al. 1 LPGA / Expertises médicales – Faits nouveaux vs Appréciation divergente d’un même état de fait

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_662/2020 (f) du 16.09.2021

 

Consultable ici

 

Révision procédurale niée / 53 al. 1 LPGA

Expertises médicales – Faits nouveaux vs Appréciation divergente d’un même état de fait

 

Assurée, née en 1957, a requis des prestations de l’assurance-invalidité en raison de différents troubles somatiques et psychiques le 14.05.2004. L’office AI lui a accordé une rente entière d’invalidité à partir du 01.10.2003. Sa décision reposait sur une expertise psychiatrique du docteur B.__. Dans son rapport du 16.03.2004, l’expert avait fait état d’un trouble dépressif majeur et d’un trouble de la personnalité dépendante à l’origine d’une incapacité totale de travail à compter du mois d’août 2002.

En juillet 2006, l’office AI a entrepris une procédure de révision, à l’issue de laquelle il a supprimé la rente avec effet au 01.01.2010 (décision du 18.11.2009). Sa décision se fondait sur un examen clinique rhumato-psychiatrique des docteurs C.__ et D.__, médecins de son Service médical régional (SMR). Ces médecins avaient observé une amélioration de l’état de santé, avec un trouble dépressif en rémission complète ainsi qu’un trouble mixte non décompensé de la personnalité (avec des traits dépendants) autorisant la reprise à plein temps, depuis le 01.12.2005, d’une activité adaptée à des limitations fonctionnelles dues à des douleurs rachidiennes (rapport du 02.11.2007). La décision du 18.11.2009 est entrée en force après que le Tribunal cantonal vaudois a déclaré irrecevable le recours formé par l’assurée (arrêt du 13.10.2011, confirmé par arrêt 9C_893/2011 du Tribunal fédéral du 30.04.2012).

L’intéressée a de nouveau sollicité des prestations le 03.09.2013. L’administration n’est pas entrée en matière sur cette requête (décision du 12.02.2015).

L’assurée s’est à nouveau annoncée à l’assurance-invalidité le 21.07.2015. L’office AI est entré en matière sur la nouvelle demande de prestations et a fait réaliser une nouvelle expertise. Les experts E.__ et F.__, spécialistes en psychiatrie et psychothérapie, ont retenu un trouble de la personnalité paranoïaque totalement incapacitant dès 2002 mais autorisant la reprise à mi-temps d’une activité impliquant un minimum d’interactions sociales dès 2006 (rapport du 04.12.2017). Considérant cependant que les circonstances personnelles de l’intéressée rendaient inexploitable une quelconque capacité de travail depuis le mois de janvier 2016, l’administration a reconnu le droit de l’assurée à une rente entière d’invalidité depuis le 01.01.2017 (décision du 12.09.2018).

 

Le 12.10.2018, l’assurée a sollicité de l’office AI la révision procédurale et/ou la reconsidération des décisions des 18.11.2009 et 12.02.2015. L’office AI n’est pas entré en matière sur la demande de reconsidération (courrier du 21.01.2019). Il a rejeté la demande de révision procédurale de la décision du 18.11.2009 (décision du 10.02.2020).

 

Procédure cantonale (arrêt AI 307/18 & 86/20 – 313/20 – consultable ici)

Le 12.10.2018, l’assurée a déféré la décision du 12.09.2018 et, le 16.03.2020, la décision du 10.02.2020 au tribunal cantonal. Les causes ont été jointes.

Par jugement du 15.09.2020, la cour cantonale a rejeté le recours contre la décision du 10.02.2020 et admis partiellement celui contre la décision du 12.09.2018, qu’il a réformée en ce sens que la rente entière d’invalidité était octroyée à l’assurée dès le 01.01.2016.

 

TF

Etant donné les motifs et les conclusions recevables du recours, selon lesquels seule la période de novembre 2009 à décembre 2015 est litigieuse sous l’angle de la révision procédurale de la décision du 18.11.2009, seule reste à trancher la question de savoir si la juridiction cantonale pouvait confirmer le rejet de cette demande.

 

Le tribunal cantonal a retenu que les conditions d’une révision procédurale au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA n’étaient pas remplies en l’occurrence. Il a admis que les experts E.__ et F.__ avaient posé un nouveau diagnostic (trouble de la personnalité paranoïaque) mais considéré que ce diagnostic reposait sur une nouvelle appréciation d’un état de fait connu depuis la décision d’octroi de rente du 08.11.2005. Selon les juges cantonaux, la différence de qualification du trouble de la personnalité (paranoïaque en 2017 par rapport à dépendante en 2004 et 2007) se fondait essentiellement sur des symptômes (plus particulièrement sur les difficultés à gérer les relations interpersonnelles) décrits par le docteur G.__de l’Institut für Medizinisch-Psychiatrische Expertise dans son rapport du 18.08.2003, qui avait certes été écarté dans la mesure où il avait été jugé confus mais dont de larges extraits avaient été repris par le docteur B.__. Les juges cantonaux ont par ailleurs considéré sous l’angle de l’art. 17 al. 1 LPGA que les rapports produits par les médecins traitants et les experts établissaient au degré de la vraisemblance prépondérante une modification notable de l’état de santé de l’assurée (décompensation psychique) qui justifiait l’incapacité de travail constatée par les docteurs E.__ et F.__ à compter du mois de janvier 2015. Ils ont dès lors fixé la naissance du droit à la rente au 01.01.2016.

 

Contrairement à ce que fait valoir l’assurée, le tribunal cantonal ne s’est pas interdit d’examiner la situation antérieure à 2016 ou ne s’est pas trompé d’approche dans son analyse. En effet, il s’est dans un premier temps attaché à déterminer si le trouble de la personnalité paranoïaque diagnostiqué par les docteurs E.__ et F.__ en 2017 constituait un fait nouveau qui pouvait justifier la modification de la qualification de l’affection retenue dans la décision initiale du 08.11.2005 et si l’incapacité de travail engendrée par cette affection à partir de 2002 d’après les médecins cités pouvait justifier la révision procédurale de la décision de suppression de rente du 18.11.2009. Ce n’est que dans un second temps que les juges cantonaux ont restreint leur examen aux événements postérieurs à la dernière décision entrée en force du 12.02.2015 pour déterminer sous l’angle de l’art. 17 al. 1 LPGA et à la lumière des informations transmises par les docteurs E.__ et F.__ si l’état de santé de l’assurée s’était éventuellement aggravé.

On relèvera ensuite que conformément à ce qu’a retenu la juridiction cantonale, si le trouble diagnostiqué par les docteurs E.__ et F.__ est différent de celui retenu par les docteurs B.__ ou C.__ et D.__ auparavant, il résulte d’une appréciation divergente d’un même état de fait. Tous ont fait état d’un « trouble spécifique de la personnalité » (F 60 de la CIM-10). Seule la qualification de ce trouble diffère selon les médecins. Les docteurs B.__ ainsi que C.__ et D.__ ont considéré que l’assurée présentait une « personnalité dépendante » (F 60.7 CIM-10) tandis que les docteurs E.__ et F.__ qu’elle présentait une « personnalité paranoïaque » (F 60.0 CIM-10).

De plus, la qualification spécifique du trouble de la personnalité (F….0 ou F….7) dépend des symptômes observés concrètement. Or, à ce propos, le tribunal cantonal a à juste titre nié l’existence de faits nouveaux au motif que les docteurs E.__ et F.__ s’étaient fondés sur des éléments constatés par le docteur G.__ (notamment les difficultés à gérer les relations interpersonnelles) et connus du docteur B.__ pour qualifier rétrospectivement différemment le trouble de la personnalité unanimement admis. Le fait pour l’assurée d’affirmer péremptoirement que les docteurs B.__, C.__ et D.__ avaient totalement omis de tenir compte dans leur appréciation des difficultés qu’elle avait rencontrées dans son enfance, dans la mesure où ils avaient focalisé leur attention sur la problématique dépressive, ne remet pas valablement en cause l’arrêt cantonal et ne démontre pas la découverte de faits nouveaux. En effet, l’assurée se contente ainsi d’alléguer l’existence de difficultés sans en préciser la nature. En tout état de cause, on constate à la lecture des rapports des docteurs B.__, C.__ et D.__ ainsi que E.__ et F.__ que les éléments anamnestiques concernant les difficultés rencontrées durant l’enfance sont décrits d’une manière foncièrement identique, ce qui relativise en outre la portée des propos du docteur H.__ quant à la superficialité de l’anamnèse du rapport des docteurs C.__ et D.__. L’argument y relatif tombe donc à faux.

Il est aussi erroné de prétendre, comme le fait l’assurée, que l’attention des experts et médecins examinateurs avait initialement été concentrée sur la problématique dépressive. Le docteur B.__ décrivait effectivement le trouble dépressif comme étant en rémission partielle et de gravité actuelle mineure. En revanche, il liait la reprise d’une activité lucrative avant tout à l’amendement du fort aspect dépendant du trouble de la personnalité. Les docteurs C.__ et D.__ s’étaient certes exprimés sur la problématique dépressive (en rémission complète) mais avaient également déduit de leurs investigations que le trouble de la personnalité n’était pas décompensé.

Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que le tribunal cantonal n’a pas fait preuve d’arbitraire (sur cette notion, cf. ATF 137 I 58 consid. 4.1.2) ni violé l’art. 53 al. 1 LPGA en concluant que les docteurs E.__ et F.__ avaient procédé rétrospectivement à une appréciation divergente d’un état de fait connu et n’avaient pas mis en évidence de faits nouveaux justifiant une appréciation différente de l’évolution de la capacité de travail de l’assurée depuis 2002.

Les autres éléments critiqués par l’assurée (la référence des juges cantonaux à l’avis de ses médecins traitants et à l’instauration d’une curatelle en 2014) ne laissent pas non plus apparaître l’existence de tels faits.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_662/2020 consultable ici

 

 

8C_186/2020 (i) du 26.06.2020 – Révision d’une rente d’invalidité – Revenu d’invalide – 17 LPGA – 16 LPGA / Rappel relatif à l’utilisation de l’ESS – TA1_tirage_skill_level / Conditions pour s’écarter du tableau TA1 et pour appliquer la table T17

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_186/2020 (i) du 26.06.2020

 

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt original fait foi

Consultable ici

 

Révision d’une rente d’invalidité – Revenu d’invalide / 17 LPGA – 16 LPGA

Rappel relatif à l’utilisation de l’ESS – TA1_tirage_skill_level

Conditions pour s’écarter du tableau TA1 et pour appliquer la table T17

 

Assurée, née en 1954, serveuse dans un hôtel-restaurant, a fait une chute en skiant le 28.01.1991, entraînant une fracture des vertèbres D8 et D9 et nécessitant une spondylodèse D7-D10 en novembre 1991. L’assurance-accidents a octroyé une rente d’invalidité au taux de 50% depuis le 01.11.1993. De 1995 à 2007, l’assuré a suivi un traitement intensif de physiothérapie en stationnaire ou en « Day Hospital » pendant 2 à 3 semaines consécutives par an. Ce traitement a été pris en charge par l’assurance-accidents.

Le 26.01.2017, l’assureur-accidents a procédé à la révision de la rente d’invalidité et mis en œuvre une expertise médicale. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a réduit le degré d’invalidité à 26% à compter du 01.08.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt 35.2019.12 – consultable ici)

Le tribunal cantonal a relevé que l’assureur-accidents a appliqué le tableau T17 2014, secteur des activités de bureau/administratives, indexé à 2018. Le tribunal cantonal a constaté que l’assurée avait été serveuse du 01.04.1976 jusqu’à l’accident du 28.01.1991. De 1992 à 2008, elle a travaillé dans un grotto dirigé par sa sœur. L’assurée a déclaré que ses horaires de travail ne correspondaient pas à ceux d’une serveuse normale, mais comprenaient des tâches administratives. Sa sœur ayant cessé son activité entrepreneuriale, elle a été inscrite au chômage à partir du 01.01.2009 ; à partir du 01.04.2009, elle a également travaillé comme « secrétaire auxiliaire » dans une boucherie et comme « réceptionniste auxiliaire » dans un hôtel à Locarno. Sans activité lucrative depuis l’automne 2015, l’assuré a perçu des indemnités de chômage de 2009 à 2017 [pour la période 2009-2015 : gain intermédiaire].

Le Tribunal cantonal a rappelé qu’en l’absence d’un revenu effectivement réalisé le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques du tableau TA1 [de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS)]. Il existe des exceptions à ce principe lorsque le revenu d’invalide peut être déterminer plus précisément et lorsque le secteur public est ouvert à l’assuré en plus du secteur privé.

Compte tenu des antécédents professionnels de l’assurée, le tribunal cantonal n’a pas accepté l’application de la ligne 4 [« Employé(e)s de type administratif »] du tableau T17, car il a considéré que le secteur public n’était pas ouvert à l’assurée en plus du secteur privé dans le domaine du travail administratif. Tout en prenant en considération l’expérience professionnelle de l’assurée, la cour cantonale a conclu que le revenu de l’invalide pouvait être établi de manière plus précise en appliquant les données statistiques du secteur économique 77-82 (« Activités de services admin. et de soutien »), niveau de qualification 2, du tableau TA1.

Par jugement du 05.02.2020, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, fixant le degré d’invalidité à 43% dès le 01.08.2018.

 

TF

L’application correcte des tableaux des ESS, à savoir le choix du tableau applicable et du niveau de compétence, est une question de droit que le Tribunal fédéral réévalue librement (ATF 143 V 295 consid. 2.4 p. 297 ; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399). L’ESS s’appuie à son tour sur la Nomenclature générale des activités économiques (NOGA) pour classer les activités en fonction des activités économiques (arrêt 9C_480/2016 du 10 novembre 2016 consid. 5.2).

Lorsque les tableaux ESS sont applicables, les salaires mensuels contenus dans le tableau TA1, total secteur privé, sont généralement utilisés ; il s’agit de la statistique des salaires bruts standardisés, valeur moyenne ou centrale (ATF 124 V 321 consid. 3b), et à partir de l’ESS 2012 le tableau TA1_tirage_skill_level doit être utilisé au lieu de TA_b (ATF 143 V 295 consid. 4.2.2 p. 302 ss ; 142 V 178 consid. 2.5.3.1 p. 184 ss).

Dans certains cas, cependant, il peut être nécessaire de se référer aux revenus statistiques réalisé dans un secteur de l’économie (secteur 2 [production] ou 3 [services]) ou même à une branche économique en particulier. Tel sera le cas s’il est plus objectif de tenir compte dans le cas concret d’une exploitation de la capacité de travail exigible, notamment pour les assurés qui, avant l’atteinte à la santé, travaillaient dans un domaine pendant de nombreuses années et qu’une activité dans un autre domaine n’entre pas en ligne de compte.

Lorsque les circonstances du cas concret le justifient, on peut s’écarter de la table TA1 pour se référer à la table TA7 (anciennement TA7 ; « Secteur privé et secteur public ensemble »), si cela permet de fixer plus précisément le revenu d’invalide (ou sans invalidité) et que le secteur en question est adapté et exigible (arrêts 8C_66/2020 du 14 avril 2020 consid. 4.2.2 et 4.3, 8C_212/2018 du 13 juin 2018 consid. 4.4.1 et les références et 9C_237/2007 du 24 août 2007 consid. 5.1, non publié dans ATF 133 V 545). Par exemple, il est justifié de s’écarter du tableau TA1 lorsque l’activité précédente n’est plus exigible de la part de l’assuré et qu’il est tenu de chercher un nouveau domaine d’activité, seulement si on pense qu’en principe tout le champ d’action du marché du travail est disponible (cf. 9C_237/2007 consid. 5.2).

Dans le cas d’espèce, l’assurée était, au moment de l’accident, serveuse dans un restaurant-hôtel. Elle a transmis le contrat de travail avec la boucherie (valable du 01.04.2009 au 31.12.2011) le 22.05.2018. Elle a déclaré que « mon travail consistait à recueillir les commandes par téléphone ou oralement, à préparer les livraisons de marchandises, à contrôler les factures des fournisseurs, à encaisser ou payer en espèces les factures et à gérer le courrier et la correspondance en attendant l’arrivée de la secrétaire. Je travaillais du lundi au samedi uniquement sur appel et selon les horaires comme attesté à l’assurance chômage du 01.04.2009 au 31.12.2011 ». Des attestations, il résulte un temps de travail mensuel compris entre 11,50 heures et 36 heures. L’assurée a également transmis ses contrats de travail avec l’hôtel de 2009 à 2015. Elle a décrit son activité comme suit : « Le travail de secrétaire de réception et de petit-déjeuner comprenait la notification et l’enregistrement dans le PC de l’arrivée et du départ des clients, la facturation ou le paiement en espèces ou par carte de crédit, la préparation du plan quotidien pour les petits-déjeuners et le rangement des chambres, la commande de produits divers pour le petit-déjeuner et le nettoyage, le contrôle des chambres, la réponse au téléphone ou par e-mail des demandes et réservations des chambres, le traitement général de la correspondance, l’ouverture de l’hôtel pour les petits-déjeuners ou la fermeture le soir à 20h00/21h00. Je remplaçais mes employeurs pendant leur absence. » Les relevés des salaires annuels font mention de 157.5h en 2009, 160.2h en 2010, 198.5h en 2011, 168.5h en 2012, 640.0h en 2013, 640.0h en 2014 et 517.4h en 2015.

 

Tout d’abord, il n’est pas possible d’accorder un poids spécifique au fait que l’assuré a fréquenté un gymnase. En effet, il est bien connu que dans le canton du Tessin, le gymnase n’était pas une école secondaire, mais seulement l’un des deux choix (gymnase ou école secondaire) prévus par la scolarité obligatoire au Tessin après la cinquième année (voir aussi le règlement scolaire cantonal, dans Scuola ticinese, année I, n° 4, série III, avril 1972, page 4 ; disponible sur https://www4.ti.ch/decs/ds/pubblicazioni/edizioni-precedenti/1972-1980/). Il ne peut pas non plus être soutenu que l’assurée a assumé des tâches de « grande responsabilité » chez ses employeurs. Elle n’a jamais exercé de fonctions de direction : elle a d’abord débuté son activité professionnelle comme serveuse dans un restaurant, puis a effectué, à temps partiel, des tâches principalement administratives, mais toujours sous la supervision d’autres personnes, dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration ou du commerce de détail. L’assureur-accidents n’a pas démontré que les conditions pour s’écarter de la règle selon laquelle il faut en principe utiliser le tableau TA1 pour l’application des salaires statistiques sont réunies.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_186/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_186/2020 (i) du 26.06.2020 – Revenu d’invalide – Conditions pour s’écarter du tableau TA1 et pour appliquer la table T17, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/04/8c_186-2020)

 

8C_145/2020 (f) du 04.02.2021 – destiné à la publication – Reconsidération d’une rente d’invalidité (53 al. 2 LPGA) après une révision ayant procédé un examen matériel du droit à une rente d’invalidité (17 LPGA) – Précision de la jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_145/2020 (f) du 04.02.2021, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Reconsidération d’une rente d’invalidité (53 al. 2 LPGA) après une révision ayant procédé un examen matériel du droit à une rente d’invalidité (17 LPGA)

 

Assurée, née en 1965, serveuse, a subi un accident de la circulation routière le 22.07.1993. Polytraumatisme sévère touchant en particulier les deux membres inférieurs ainsi que le poignet droit, engendrant de nombreuses interventions chirurgicales.

Se fondant sur le rapport d’expertise du 11.04.1997, établi dans le cadre d’une procédure d’assurance-invalidité, ainsi que sur le rapport d’expertise du 23.04.1999, l’assurance-accidents a rendu le 04.01.2002 une décision par laquelle elle a reconnu à l’assurée, outre une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 50%, le droit à une rente complémentaire d’invalidité avec effet au 01.01.2002 sur la base d’un taux invalidité de 100%.

Ensuite d’une première procédure de révision initiée en février 2008, lors de laquelle un mandat d’expertise a été confié à un spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, l’assurance-accidents a informé l’assurée par avis du 25.06.2008 que son taux d’invalidité n’avait pas changé.

Dans le cadre d’une deuxième procédure de révision entamée en septembre 2017, l’assurance-accidents a confié un mandat d’expertise à un spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur et spécialiste de la colonne vertébrale. Sur la base des conclusions contenues dans le rapport d’expertise, et après avoir recueilli les déterminations de l’assurée, l’assurance-accidents a rendu le 19.03.2018 une décision par laquelle elle a supprimé le droit à une rente d’invalidité avec effet au 31.05.2018. Elle a motivé cette décision par le fait que le médecin-expert avait mis en évidence des éléments objectivement vérifiables, de nature notamment clinique et diagnostique, qui avaient été ignorés dans le cadre des appréciations médicales précédentes. En tenant compte des seules séquelles accidentelles, l’assurée serait immédiatement à même d’effectuer à temps plein et sans perte de rendement une activité sédentaire adaptée à ses limitations. Cette décision a été confirmée sur opposition le 20.05.2019.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a d’abord exclu une modification du droit à une rente d’invalidité complémentaire en constatant, au titre de la révision matérielle (art. 17 al. 1 LPGA), que les considérations du nouveau médecin-expert, sur lesquelles se fondait la décision litigieuse, n’exprimaient en réalité qu’une autre appréciation d’une situation médicale demeurée pour l’essentiel inchangée depuis l’expertise ayant fait l’objet de la décision sur révision du 25.06.2008.

Les constatations de la nouvelle expertise ne constituaient pas non plus des faits nouveaux au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA, pouvant donner lieu à une révision procédurale de la décision initiale de rente du 04.01.2002.

Examinant ensuite si la décision initiale de rente du 04.01.2002 pouvait être reconsidérée au motif qu’elle était manifestement erronée, compte tenu de la problématique rachidienne préexistante à l’accident du 22.07.1993 et qui a été rendue symptomatique par celui-ci, la cour cantonale a retenu que c’était manifestement à tort que l’assurance-accidents s’était abstenue d’instruire la question du retour à un statu quo sine vel ante, question de fait qui aurait dû être éclaircie par les médecins. Finalement, c’était au mépris de la loi, en particulier de l’art. 16 LPGA, que, contrairement aux appréciations médicales, l’assurance-accidents avait reconnu l’assurée totalement incapable de travailler et avait fixé son taux d’invalidité à 100% sans avoir procédé préalablement à la comparaison du revenu que celle-ci aurait pu obtenir si elle n’avait pas été invalide avec celui qu’elle aurait pu réaliser en exerçant l’activité adaptée décrite par les médecins.

Par jugement du 17.01.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Révision de la rente d’invalidité – 17 al. 1 LPGA

Si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée (art. 17 al. 1 LPGA).

Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 144 I 103 consid. 2.1 p. 105; 134 V 131 consid. 3 p. 132). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s’améliore grâce à l’accoutumance ou à une adaptation au handicap. En revanche, une simple appréciation différente d’un état de fait qui, pour l’essentiel, est demeuré inchangé n’appelle pas une révision au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA (ATF 144 I 103 consid. 2.1 p. 105; 141 V 9 consid. 2.3 p. 10 s. et les références).

La base de comparaison déterminante dans le temps pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une révision de la rente est constituée par la dernière décision entrée en force qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit (ATF 133 V 108).

 

Reconsidération – 53 al. 2 LPGA

Aux termes de l’art. 53 al. 2 LPGA, l’assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable.

Pour juger s’il est admissible de reconsidérer une décision pour le motif qu’elle est manifestement erronée, il faut se fonder sur les faits et la situation juridique existant au moment où cette décision a été rendue, compte tenu de la pratique en vigueur à l’époque (ATF 140 V 77 consid. 3.1 p. 79; cf. 138 V 147 consid. 2.1 p. 149; 125 V 383 consid. 3 p. 389 et les références). Par le biais de la reconsidération, on corrigera une application initiale erronée du droit (arrêt 8C_706/2019 du 28 août 2020 consid. 4.2, destiné à la publication). Un changement de pratique ou de jurisprudence ne saurait en principe justifier une reconsidération (ATF 117 V 8 consid. 2c p. 17; 115 V 308 consid. 4a/cc p. 314). L’exigence du caractère manifestement erroné de la décision est en règle générale réalisée lorsque le droit à des prestations d’assurance a été admis en application des fausses bases légales ou que les normes déterminantes n’ont pas été appliquées ou l’ont été de manière incorrecte (ATF 140 V 77 précité consid. 3.1 p. 79; 138 V 147 consid. 2.1 p. 149; 125 V 383 consid. 3 p. 389 et les références).

 

La juridiction cantonale semble partir du principe que la décision initiale du 04.01.2002 pouvait être reconsidérée nonobstant l’avis rendu le 25.06.2008, par lequel l’assurance-accidents avait confirmé, à l’issue d’une procédure de révision, le droit de l’assurée à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 100%.

Certes, la jurisprudence admet que l’administration peut revenir en tout temps sur une décision manifestement erronée, même si les conditions pour une révision ne sont pas remplies (ATF 105 V 29 consid. 1c p. 30; 99 V 103 consid. 2 p. 103 s.; 98 V 100 consid. 5 p. 104; arrêt I 859/05 du 10 mai 2006 consid. 2.2). Dans plusieurs arrêts, le Tribunal fédéral a en outre considéré que le fait qu’une rente d’invalidité ait été confirmée dans le cadre de procédures de révision effectuées périodiquement n’empêchait pas la reconsidération d’une décision (initiale) de rente manifestement erronée (arrêt 9C_401/2014 du 26 novembre 2014 consid. 4.1 avec renvoi à l’arrêt I 859/05 du 10 mai 2006 consid. 2.2 qui renvoie lui-même à l’ATF 105 V 29 précité; confirmé en dernier lieu par arrêt 8C_680/2017 du 7 mai 2018 consid. 4.1.1, publié in SVR 2018 IV 59 p. 190). Dans l’arrêt 9C_125/2013 du 12 février 2014 (consid. 4.4 avec renvoi au consid. 4.1 in fine, non publiés aux ATF 140 V 15), le Tribunal fédéral a explicitement laissé ouverte la question de savoir s’il fallait maintenir l’ancienne jurisprudence selon laquelle les titres de révocation (reconsidération; révision) devaient être examinés séparément pour chaque décision (arrêt I 130/05 du 10 novembre 2005 consid. 3), ou si, à la lumière de l’ATF 133 V 108 et des arrêts subséquents (arrêts 9C_101/2011 du 21 juillet 2011 consid. 5.2 par renvoi à 9C_562/2008 du 3 novembre 2008 consid. 6.2.1), il fallait admettre que la décision initiale restait sans effet nonobstant la reconsidération de la décision sur révision (cf. ég. MEYER/REICHMUTH, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], 3e éd. 2014, n° 45 ad art. 30-31).

A l’ATF 140 V 514, le Tribunal fédéral a tranché cette question. Dans ce cas, l’office de l’assurance-invalidité avait initialement reconnu à l’assuré le droit à une demi-rente d’invalidité, laquelle a été augmentée dans le cadre d’une révision à une rente entière, ce qui s’est avéré manifestement erroné et a entraîné la reconsidération de la décision sur révision. Le Tribunal fédéral a considéré que si une rente d’invalidité était révisée à la hausse ou à la baisse (art. 17 al. 1 LPGA), la décision sur révision remplaçait la décision révisée (ATF 140 V 514 consid. 5.2 p. 520). Il a précisé qu’il en allait de même lorsque la rente allouée était confirmée après un examen matériel du droit à une rente d’invalidité (cf. ATF 133 V 108). Si, par la suite, la décision sur révision était à son tour révisée ou reconsidérée, la décision initiale ne renaissait pas, sous réserve de la nullité de la décision sur révision. Par conséquent, le droit à une rente devait être examiné librement pour le futur (« ex nunc et pro futuro »), même dans le cas où aucun titre de révocation n’existait en relation avec cette décision antérieure (ATF 140 V 514 précité consid. 5.2 p. 520; cf. ég. arrêts 8C_117/2019 du 21 mai 2019 consid. 5.1, publié in SVR 2020 UV n°1 p. 1; 8C_288/2016 du 14 novembre 2016 consid. 3.3).

 

En l’espèce, l’assurance-accidents a rendu le 04.01.2002 une décision par laquelle elle a reconnu à l’assurée le droit à une rente complémentaire d’invalidité sur la base d’un taux invalidité de 100%. A l’issue d’une première procédure de révision, elle a informé l’assurée, par avis du 25.06.2008, que son taux d’invalidité n’avait pas changé et qu’elle continuait dès lors de bénéficier de la même rente perçue jusque-là. Cette décision se fondait sur une expertise où le médecin-expert était parvenu à la conclusion qu’à l’exclusion du spondylolisthésis avec lyse L5/S1 préexistant à l’accident, tous les autres troubles avaient un lien de causalité naturelle certain avec l’accident et qu’aucune activité lucrative n’était raisonnablement exigible.

A l’aune des principes jurisprudentiels cités ci-avant, il y a lieu de constater que la décision sur révision du 25.06.2008, qui reposait sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents et une appréciation des preuves au sens de l’ATF 133 V 108, s’est substituée à la décision initiale de rente du 04.01.2002. Par conséquent, seule la seconde décision pouvait faire l’objet d’une révision ou d’une reconsidération, à l’exclusion de la première. Si une pratique différente a été admise par le passé, il sied désormais de considérer qu’à la suite des ATF 133 V 108 et 140 V 514, une telle pratique est dépassée.

 

Le TF admet le recours de l’assuré et renvoie la cause au tribunal cantonal afin qu’il l’examine également sous l’aspect d’une éventuelle reconsidération et qu’elle rende ensuite une décision sur le droit de l’assurée à une rente complémentaire d’invalidité au-delà du 31.05.2018

 

 

Arrêt 8C_145/2020 consultable ici