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Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne C-389/20 du 24.02.2022 / La législation espagnole qui exclut les employés de maison des prestations de chômage alors qu’il s’agit presque exclusivement de femmes est contraire au droit de l’Union

Arrêt de la CJUE C-389/20 (f) du 24.02.2022 dans l’affaire CJ c. TGSS

 

Arrêt C-389/20 consultable ici

Communiqué de presse n° 37/22 du 24.02.2022 disponible ici

 

Égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière de sécurité sociale / Prohibition de toute discrimination fondée sur le sexe / Protection contre le chômage / Objectifs légitimes de politique sociale / Proportionnalité

 

La législation espagnole qui exclut les employés de maison des prestations de chômage alors qu’il s’agit presque exclusivement de femmes est contraire au droit de l’Union.

La protection octroyée par le système spécial de sécurité sociale applicable aux employés de maison prévu par la législation espagnole ne comprend pas la protection contre le chômage.

Une travailleuse, employée de maison qui travaille pour une personne physique, est affiliée à ce système spécial depuis le mois de janvier 2011. En novembre 2019, elle a adressé à la Tesorería General de la Seguridad Social (TGSS) (trésorerie générale de la sécurité sociale, Espagne) une demande de cotisation au titre de la protection contre le risque de chômage afin d’acquérir le droit à ces prestations sociales. La TGSS a rejeté cette demande au motif que la possibilité de cotiser audit système spécial en vue d’obtenir une protection contre le risque de chômage est expressément exclue par la législation espagnole.

La travailleuse a alors formé un recours devant le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo nº 2 de Vigo (tribunal administratif au niveau provincial no 2 de Vigo, Espagne), en faisant valoir, en substance, que la législation nationale place les employés de maison dans une situation de détresse sociale lorsque leur emploi cesse pour des raisons qui ne leur sont pas imputables. En effet, cela les empêcherait d’accéder non seulement à la prestation de chômage, mais également aux autres aides sociales subordonnées à l’extinction du droit à cette prestation.

Dans ce contexte, le juge espagnol souligne que la catégorie de travailleurs en cause est constituée presque exclusivement de femmes, raison pour laquelle il demande à la Cour d’interpréter la directive sur l’égalité en matière de sécurité sociale 1, afin de déterminer s’il existe ici une discrimination indirecte fondée sur le sexe, interdite par cette directive.

Dans son arrêt du 24.02.2022, la Cour dit pour droit que la directive sur l’égalité en matière de sécurité sociale s’oppose à une disposition nationale qui exclut les prestations de chômage des prestations de sécurité sociale accordées aux employés de maison par un régime légal de sécurité sociale, dès lors que cette disposition désavantage particulièrement les travailleurs féminins par rapport aux travailleurs masculins, et qu’elle n’est pas justifiée par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

La Cour rappelle d’emblée que constitue une discrimination indirecte fondée sur le sexe la situation dans laquelle une disposition apparemment neutre désavantage particulièrement des personnes d’un sexe par rapport à des personnes de l’autre sexe, à moins que cette disposition ne soit objectivement justifiée et proportionnée.

Tout en soulignant qu’il appartient au juge espagnol de vérifier si tel est le cas en l’occurrence, la Cour lui donne des indications à cet effet.

La Cour observe que, conformément à la législation espagnole, tous les travailleurs salariés soumis au régime général de la sécurité sociale, dans lequel le système spécial applicable aux employés de maison est intégré, ont en principe droit aux prestations de chômage. En Espagne, la proportion d’hommes et de femmes salariés serait plus ou moins similaire. En revanche, cette proportion diffèrerait grandement dans le groupe des employés de maison, car les femmes représenteraient plus de 95 % de ce groupe. La proportion des travailleurs salariés de sexe féminin affectés par la différence de traitement découlant de l’exclusion en cause serait donc significativement plus élevée que celle des salariés de sexe masculin. Par conséquent, la législation nationale désavantagerait particulièrement les travailleurs féminins et comporterait ainsi une discrimination indirecte fondée sur le sexe contraire à la directive, à moins qu’elle ne réponde à un objectif légitime de politique sociale et soit apte et nécessaire pour atteindre cet objectif.

Le gouvernement espagnol et la TGSS font valoir que l’exclusion de la protection contre le chômage des employés de maison est liée aux spécificités de ce secteur professionnel, dont le statut des employeurs, et répond à des objectifs de sauvegarde des niveaux d’emploi et de lutte contre le travail illégal et la fraude sociale. La Cour confirme que les objectifs mentionnés sont légitimes du point de vue de la politique sociale. Toutefois, elle considère que la législation espagnole n’apparaît pas apte à atteindre ces objectifs, car elle n’apparaît pas être mise en œuvre de manière cohérente et systématique au regard de ces objectifs.

En effet, la Cour relève que la catégorie de travailleurs exclue de la protection contre le chômage ne se distinguerait pas de manière pertinente d’autres catégories de travailleurs qui ne le sont pas. Elle souligne que ces autres catégories de travailleurs, dont la relation de travail se déroule à domicile pour des employeurs non professionnels, ou dont le domaine de travail présente les mêmes spécificités en termes de taux d’occupation, de qualification et de rémunération que celui des employés de maison, posent des risques analogues en termes de réduction des niveaux d’emploi, de fraude sociale et de recours au travail illégal, mais sont toutes couvertes par la protection contre le chômage. En outre, la Cour ajoute que l’affiliation au système spécial des employés de maison ouvre, en principe, droit à toutes les prestations accordées par le régime général de sécurité sociale espagnol à l’exclusion de celles de chômage. Ce système couvre notamment les risques relatifs aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Il y aurait aussi un manque de cohérence à cet égard, dans la mesure où ces autres prestations présenteraient les mêmes risques de fraude sociale que celles de chômage.

La Cour estime enfin que la législation espagnole apparaît aller au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs mentionnés. L’exclusion de la protection contre le chômage comporterait en effet l’impossibilité d’obtenir d’autres prestations de sécurité sociale auxquelles les employés de maison auraient droit et dont l’octroi est subordonné à l’extinction du droit aux prestations de chômage. Cette exclusion entraînerait ainsi un plus grand manque de protection sociale se traduisant par une situation de détresse sociale.

 

 

Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire C-389/20 CJ c. Tesorería General de la Seguridad Social (TGSS) consultable ici

Communiqué de presse n° 37/22 du 24.02.2022 disponible ici

 

8C_527/2021 (f) du 16.12.2021 – Droit à l’indemnité de chômage – (in)aptitude au placement d’une assurée étudiante – 8 LACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_527/2021 (f) du 16.12.2021

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité de chômage – (in)aptitude au placement d’une assurée étudiante / 8 LACI – 15 LACI

 

Assurée commençant en août 2017 une formation (25 périodes de cours et 15 périodes de travail personnel à domicile par semaine).

L’assurée a travaillé comme vendeuse auxiliaire auprès de C.__ SA du 23.03.2018 au 20.06.2018; son contrat lui garantissait 10 heures de travail par semaine. Elle a ensuite été engagée comme auxiliaire administrative pour l’association D.__ du 22.08.2018 au 22.11.2018; une durée hebdomadaire de 8 heures de travail lui était assurée.

Le 22.11.2018, l’assurée s’est inscrite en tant que demandeuse d’emploi à 50% auprès de l’ORP. Éprouvant des doutes quant à l’aptitude au placement de l’assurée, la caisse cantonale de chômage a soumis le dossier au Service de l’industrie, du commerce et du travail (ci-après: SICT). Ayant été invitée à se déterminer sur cette question, l’assurée a expliqué qu’elle avait à sa disposition trois après-midi libres en semaine ainsi que la journée du samedi, ce qui devait correspondre à un taux de 50%.

Par décision du 25.01.2019, confirmée sur opposition, le SICT a nié l’aptitude au placement de l’assurée à partir du 23.11.2018.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a entre autres considéré que la disponibilité de l’assurée ne suffisait pas à admettre son aptitude au placement ; d’après son programme d’études hebdomadaire, l’assurée terminait ses cours le mercredi à 13h40, ce qui ne lui permettait pas de commencer une activité en début d’après-midi. De plus, des oraux étaient prévus le jeudi après-midi dès la quatrième semaine de cours. Enfin, un cours était également planifié le vendredi dès 13h, sans que l’on en connût l’heure de fin. Par conséquent, l’assurée n’était véritablement disponible sans contrainte que la journée du samedi. La cour cantonale a retenu que sa disponibilité était encore restreinte eu égard à ses déplacements quotidiens entre son domicile et le lieu de sa formation, les trajets excédant deux heures par jour.

Par jugement du 14.06.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assuré n’a droit à l’indemnité de chômage que s’il est apte au placement (art. 8 al. 1 let. f LACI). Est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d’intégration et qui est en mesure et en droit de le faire (art. 15 al. 1 LACI). L’aptitude au placement comprend ainsi deux éléments: le premier est la capacité de travail, c’est-à-dire la faculté de fournir un travail – plus précisément d’exercer une activité lucrative salariée – sans que l’assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sa personne; le deuxième élément est la disposition à accepter un travail convenable au sens de l’art. 16 LACI, laquelle implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s’il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante quant au temps que l’assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF 125 V 51 consid. 6a; 123 V 214 consid. 3; DTA 2004 n° 18 p. 186 [C 101/03] consid. 2.2).

L’aptitude au placement doit être admise avec beaucoup de retenue lorsque, en raison de l’existence d’autres obligations ou de circonstances personnelles particulières, un assuré désire seulement exercer une activité lucrative à des heures déterminées de la journée ou de la semaine. Un chômeur doit être en effet considéré comme inapte au placement lorsqu’une trop grande limitation dans le choix des postes de travail rend très incertaine la possibilité de trouver un emploi (ATF 112 V 326 consid. 1a et les références; DTA 2003 n° 14 p. 128 [C 234/01] consid. 2.1).

Partant de ces principes, le Tribunal fédéral a jugé qu’un étudiant est apte à être placé s’il est disposé et en mesure d’exercer de manière durable, tout en poursuivant ses études, une activité à plein temps ou à temps partiel. En revanche, il faut nier la disponibilité au placement d’un étudiant qui ne désire exercer une activité lucrative que pour de brèves périodes ou sporadiquement, notamment pendant les vacances (ATF 120 V 385 consid. 4, 392 consid. 2a et les références; cf. aussi BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2e éd., 2014, n° 32 ad art. 15 LACI p. 156).

Lors de son inscription le 22.11.2018 auprès de l’ORP, l’assurée avait fait mention d’une disponibilité équivalant à un taux de 50%. Elle a expliqué plus tard avoir trois après-midi libres, soit le mercredi, le jeudi et le vendredi, ainsi que la journée du samedi.

S’il est vrai que l’assurée n’a pas apporté la preuve qu’elle avait travaillé à 50% au moins avant de s’annoncer au chômage, il est cependant établi que dans son poste de vendeuse chez C.__ SA puis dans son dernier emploi auprès de l’association D.__, respectivement 10 heures et 8 heures de travail hebdomadaire lui étaient garanties, soit l’équivalent d’un taux de travail d’au moins 20%. Le fait d’avoir des doutes quant au taux auquel l’assurée était non seulement disposée mais également en mesure de travailler – à savoir 50% – ne permettait pas à l’administration, respectivement à la juridiction cantonale, de conclure à un manque de disponibilité suffisante quant au temps que l’assurée pourrait consacrer à un emploi, ni donc de conclure à son inaptitude au placement. Dès lors qu’elle avait apporté la preuve qu’avant la survenance du chômage, elle était disposée et en mesure d’exercer une activité professionnelle sinon à 50%, du moins dans une mesure suffisante – selon la jurisprudence – pour admettre l’aptitude au placement d’au moins 20% d’une activité à plein temps (art. 5 OACI; ATF 115 V 434 consid. 2c), les juges cantonaux ne pouvaient pas nier purement et simplement son aptitude au placement.

Par ailleurs, au regard des postes recherchés (secteur administratif, vente, nettoyage) et des disponibilités invoquées par l’assurée (trois après-midi consécutifs ainsi que la journée entière du samedi), la possibilité de trouver un travail à temps partiel, avec, le cas échéant, des engagements à l’heure à différents moments de la journée ne pouvait pas être qualifiée d’incertaine.

Le fait d’avoir retrouvé un emploi dès le 15.03.2019 démontre en définitive que l’assurée était disposée à accepter durablement, au sens de la jurisprudence sur l’aptitude au placement des étudiants, une activité lucrative parallèlement à sa formation. Dans de telles circonstances, l’aptitude au placement de l’assurée doit être reconnue pour la période du 23.11.2018 au 14.03.2019 et le recours se révèle ainsi bien fondé.

 

Le TF admet le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_527/2021 consultable ici

 

 

Réduction de l’horaire de travail : après la décision du Tribunal fédéral, la procédure de décompte a été adaptée

Réduction de l’horaire de travail : après la décision du Tribunal fédéral, la procédure de décompte a été adaptée

 

Communiqué de presse du Seco du 27.01.2022 consultable ici

 

Dans son arrêt du 17 novembre 2021 [8C_272/2021], le Tribunal fédéral (TF) indique qu’en procédure de décompte sommaire, une part du salaire afférente aux vacances et aux jours fériés doit être prise en compte dans le calcul de l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) des employés percevant un salaire mensuel. Le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) a créé les bases nécessaires afin que les caisses de chômage puissent verser les indemnités en cas de RHT conformément à l’arrêt du TF dès janvier 2022. Le Conseil fédéral décidera ultérieurement de la procédure conforme au TF à suivre s’agissant des périodes de décompte des années 2020 et 2021.

À la suite de la décision du Tribunal fédéral (TF), le SECO a adapté le formulaire de décompte pour l’indemnité en cas de RHT de telle sorte que les entreprises peuvent répartir leurs collaborateurs en employés payés au mois et en employés payés à l’heure. Ainsi, l’indemnité en cas de RHT pourra-t-elle être versée de manière conforme à l’arrêt du TF dès janvier 2022. Le formulaire de décompte corrigé et l’eService correspondant seront disponibles sur www.travail.swiss à partir de fin janvier 2022.

La décision du TF n’a aucune incidence sur les paiements des salaires aux employés. Par ailleurs, ces derniers n’ont subi aucune perte due à la méthode de calcul appliquée jusqu’à présent. Selon la loi, pendant la réduction de l’horaire de travail, les employés ont droit à au moins 80% de leur salaire; de décembre 2020 à décembre 2022, chez les personnes à bas revenu, l’indemnité en cas de RHT peut atteindre 100% du salaire.

L’indemnité supplémentaire en question correspond à une part du salaire en pour cent afférente aux vacances et aux jours fériés des employés payés au mois. Elle revient à l’employeur, qui est tenu de verser le salaire intégral de ses collaborateurs payés au mois lorsque ceux-ci prennent effectivement des vacances. Seuls les décomptes de la procédure de décompte sommaire sont concernés. De plus, il n’y a évidemment toujours aucun droit à l’indemnité en cas de RHT durant la prise de vacances et les jours fériés.

Concernant les périodes de décompte des années 2020 et 2021, le Conseil fédéral décidera ultérieurement de la procédure à suivre. Des clarifications juridiques et techniques approfondies sont actuellement en cours afin de trouver une solution qui soit conforme à la décision du TF. Les entreprises concernées seront informées en temps voulu. Avant une communication officielle du SECO, il est inutile d’adresser des demandes à ce sujet aux caisses de chômage.

La procédure de décompte sommaire a été introduite au début de la pandémie en vertu du droit de nécessité, dans le but d’alléger la charge administrative tant des entreprises concernées que des caisses de chômage. Cette procédure a permis, malgré le pic du nombre de demandes de RHT, de garantir des paiements rapides de l’indemnité. Aussi a-t-on pu assurer la liquidité des entreprises touchées et sauver de nombreux postes. La bonne santé actuellement affichée par le marché du travail – le taux de chômage s’élevait à 2,6% en décembre 2021 – montre de manière frappante que l’instrument de l’indemnité en cas de RHT atteint son objectif.

 

 

Communiqué de presse du Seco du 27.01.2022 consultable ici

Arrêt 8C_397/2014 (d) du 17.11.2021 – proposé à la publication – consultable ici

 

 

8C_99/2021 (f) du 27.10.2021 – Droit à l’indemnité chômage – Suspension des indemnités / 30 LACI – 44 OACI / Résiliation du contrat de travail par l’employée – Mobbing possible – Pas de résiliation sans respecter le délai de congé ordinaire – Obligation de réduire le dommage (en LACI)

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_99/2021 (f) du 27.10.2021

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité chômage – Suspension des indemnités / 30 LACI – 44 OACI

Résiliation du contrat de travail par l’employée – Mobbing possible – Pas de résiliation sans respecter le délai de congé ordinaire – Obligation de réduire le dommage (en LACI)

 

Assurée, née en 1980, travaillait comme collaboratrice de vente au service de B.__ SA depuis le 30.09.2008. Par lettre du 28.09.2018, elle a résilié son contrat de travail pour la fin du mois, en invoquant des raisons de santé et en joignant un certificat médical daté du 24.09.2018. Le 01.10.2018, elle s’est inscrite à l’office régional de placement et a revendiqué le droit à l’indemnité de chômage à compter de cette date.

Par décision du 14.11.2018, confirmée sur opposition le 05.04.2019, la caisse de chômage a suspendu le droit de l’intéressée aux indemnités de chômage pour une période de 31 jours à compter du 01.10.2018, au motif que celle-ci n’avait pas respecté le délai de congé contractuel de trois mois.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1199/2020 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont constaté que l’assurée avait interrompu plusieurs fois son travail pour raison de santé dès le mois de juillet 2018. L’audition de celle-ci et des témoins avait montré qu’elle subissait objectivement des actes qui, sur la base d’un faisceau d’indices convergents, pouvaient être qualifiés de mobbing. En outre, dans l’attestation médicale produite à l’appui de la résiliation, le médecin traitant de l’assurée avait attesté d’un syndrome d’épuisement professionnel, de somatisations de son angoisse et de symptômes dépressifs dus à des comportements répétés de mobbing depuis plusieurs mois; il n’y avait pas d’antécédent psychiatrique et les conséquences négatives sur la santé d’une reprise de travail y étaient exposées. Se référant en particulier à l’arrêt 8C_66/2017 du 9 juin 2017, les juges cantonaux ont relevé que « même si la mauvaise ambiance de travail et les divergences d’opinion avec des supérieurs ou des collègues ne pouvaient en principe pas rendre déraisonnable la poursuite de la relation de travail, il fallait généralement partir du principe qu’il n’était pas raisonnable de continuer à travailler lorsqu’un certificat médical clair l’attestait pour des raisons de santé ». En conclusion, ils ont considéré que la résiliation du 28 septembre 2018 avec effet (quasi) immédiat était justifiée et ne saurait représenter une faute au sens de l’art. 44 al. 1 let. b OACI, dès lors qu’il ne pouvait pas être exigé de l’assurée qu’elle conservât son emploi au vu de l’ensemble des circonstances et des troubles de la santé établis par un certificat médical détaillé.

Par jugement du 10.12.2020, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 30 al. 1 LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu notamment lorsqu’il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre faute (let. a). Est notamment réputé sans travail par sa propre faute l’assuré qui a résilié lui-même le contrat de travail sans avoir été préalablement assuré d’obtenir un autre emploi, sauf s’il ne pouvait pas être exigé de lui qu’il conservât son ancien emploi (art. 44 al. 1 let. b OACI).

Le droit de l’assuré à l’indemnité est également suspendu lorsque celui-ci a renoncé à faire valoir des prétentions de salaire ou d’indemnisation envers son dernier employeur, cela au détriment de l’assurance (art. 30 al. 1 let. b LACI).

Le comportement du salarié qui consiste à accepter un congé donné par un employeur en violation du délai contractuel ou légal, à consentir à la résiliation anticipée des rapports de travail ou à refuser la continuation du contrat jusqu’à son terme est susceptible de tomber sous le coup de l’art. 30 al. 1 let. a LACI (ATF 112 V 323 consid. 2b). En effet, dans le cas où, par exemple, le congé a été donné sans respecter le délai légal ou contractuel, l’employé n’est pas fondé à élever des prétentions de salaire ou en dommages-intérêts pour la période allant jusqu’au terme régulier du contrat lorsqu’il l’accepte sans opposition. Or, en l’absence de droit à un salaire, il ne peut pas y avoir renonciation à faire valoir des prétentions au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LACI (arrêts C 135/02 du 10 février 2003 consid. 1.3.1; C 276/99 du 11 juin 2001 consid. 3c; C 76/00 du 10 mai 2001 consid. 2a; BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 45 ad art. 30 LACI; THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol XIV, 3e éd. 2016, p. 2517 n. 842).

Le point de savoir si l’assurée était fondée à résilier son contrat de travail avec effet (quasi) immédiat, soit sans respecter le délai de congé ordinaire, impliquait forcément d’examiner d’abord si l’on pouvait exiger d’elle qu’elle le conservât. On ne saurait donc reprocher aux juges cantonaux d’avoir instruit les allégations de mobbing et de s’être référés aux conditions de résiliation immédiate de l’art. 337 CO. En effet, d’après la jurisprudence développée en matière d’assurance-chômage, on ne peut en règle générale pas exiger de l’employé qu’il conserve son emploi lorsque les manquements d’un employeur à ses obligations contractuelles atteignent un degré de gravité justifiant une résiliation immédiate au sens de l’art. 337 CO (arrêts 8C_285/2013 du 11 février 2014 consid. 6.2.2; C 185/04 du 12 avril 2005 consid. 3.2; C 68/02 du 29 janvier 2003 consid. 4; voir aussi CHARLES MUNOZ, La fin du contrat individuel de travail et le droit aux indemnités de l’assurance-chômage, 1992, p. 182; BORIS RUBIN, op. cit., n° 37 ad art. 30 LACI).

En l’espèce, il n’est pas contesté que l’assurée, en incapacité de travail pour des raisons de santé liées à son environnement professionnel, était fondée à résilier son contrat de travail. Cela dit, il y a lieu d’admettre, avec la caisse de chômage recourante, qu’au regard du principe général de l’obligation de diminuer le dommage valable en droit des assurances sociales (ATF 134 V 109 consid. 10.2.7; 117 V 275 consid. 2b et les références), on pouvait attendre de l’assurée qu’elle respectât le délai de préavis de trois mois (cf. Convention collective de travail du commerce de détail du canton de Genève applicable au cas d’espèce). En effet, compte tenu du certificat médical joint à la lettre de résiliation, une reprise effective du travail durant ce délai n’entrait pas en ligne de compte et, au vu de la durée des rapports de travail et de son incapacité de travail, le droit au salaire en cas d’empêchement non fautif de travailler était garanti jusqu’à la fin du délai de congé (cf. art. 324a CO et la CCT précitée). Il ressort certes des déclarations faites par l’assurée lors de l’audience qu’elle voulait une coupure nette avec l’entreprise dont elle ne voulait « plus rien connaître ». Il n’en reste pas moins qu’il n’a pas été établi sur le plan médical que son état de santé ne lui aurait pas même permis de rester formellement liée à l’employeur jusqu’à la fin du délai de congé. Dans ces conditions, il se justifie que l’assurée contribue de manière appropriée à supporter le dommage occasionné par la résiliation anticipée des rapports de travail alors qu’elle n’avait pas déjà obtenu un autre emploi. En effet, il n’appartient pas à l’assurance-chômage de se substituer à l’obligation de l’employeur ou de l’assureur perte de gain de continuer à verser le salaire, respectivement les indemnités perte de gain maladie, jusqu’à la fin des rapports de travail. Il y a ainsi lieu de retenir que du 01.10.2018 au 31.12.2018, l’assurée était sans travail par sa propre faute au sens de l’art. 30 al. 1 let. a LACI.

Compte tenu de la solution à laquelle ils sont parvenus, les juges cantonaux n’ont pas examiné la question de la quotité de la suspension du droit à l’indemnité de chômage, laquelle était également critiquée par l’assurée en instance cantonale. La cause sera donc renvoyée à la cour cantonale pour qu’elle se prononce sur la gravité de la faute et la durée de la suspension du droit à l’indemnité de chômage de l’assurée.

 

Le TF admet le recours de la caisse de chômage et annule le jugement cantonal.

 

 

Arrêt 8C_99/2021 consultable ici

 

 

Partage de collaborateurs dans l’hôtellerie-restauration – un essai-pilote de l’assurance-chômage

Partage de collaborateurs dans l’hôtellerie-restauration – un essai-pilote de l’assurance-chômage

 

Communiqué de presse du Seco du 20.12.2021 consultable ici

 

L’essai-pilote de partage de collaborateurs a été lancé en 2019 pour relever les défis du chômage saisonnier et de la pénurie de main- d’œuvre qualifiée dans l’hôtellerie-restauration. Le 16 décembre 2021, le SECO et la commission de surveillance de l’assurance-chômage ont pris connaissance du rapport final d’évaluation. L’essai-pilote a été réalisé et évalué sur mandat du SECO sous l’égide de l’association Mitarbeiter-Sharing et en collaboration avec les cantons des Grisons et du Tessin. Il prendra fin le 31 décembre 2021.

L’essai-pilote de partage de collaborateurs, dont la devise était « En été au bord du lac, en hiver à la neige », visait à créer des perspectives pour toute l’année pour les collaborateurs saisonniers de l’hôtellerie-restauration et à décharger ainsi l’assurance-chômage (AC). Grâce à de telles mesures, l’assurance-chômage permet aux cantons de tester et de déployer de nouvelles idées dans le but d’éviter le chômage ou d’en raccourcir la durée. Le SECO a accompagné l’essai-pilote en étroite collaboration avec les cantons.

 

Un potentiel plus faible qu’attendu

Le modèle du partage de collaborateurs est judicieux sur le principe et mérite d’être salué. L’évaluation de l’essai-pilote au cours des trois dernières années a toutefois montré que les entreprises ne se sont engagées dans le projet qu’avec hésitation. En outre, le nombre de personnes qui ont saisi l’opportunité de conclure un contrat de travail avec deux entreprises pour deux saisons consécutives sur la plateforme jobs2share.ch a été moins important que prévu. Le faible nombre de participants a entraîné pour l’AC des coûts supérieurs aux économies. C’est pourquoi l’essai-pilote s’achèvera fin 2021.

 

L’interconnexion des entreprises se poursuit

L’association Mitarbeiter-Sharing poursuivra, avec l’association HotellerieSuisse, certains éléments du projet, comme les journées des carrières, l’échange d’expériences et l’échange direct de collaborateurs entre des entreprises des Grisons et du Tessin. L’association Mitarbeiter-Sharing a été créée par la haute école spécialisée des Grisons et plus de 20 entreprises membres en 2016. La cinquantaine de sites des entreprises membres se situent pour la plupart dans les cantons des Grisons et du Tessin.

 

 

Communiqué de presse du Seco du 20.12.2021 consultable ici

Rapport d’évaluation du 02.12.2021 (Evaluation Pilotversuch Mitarbeiter-Sharing, Schlussbericht) de BSS Volkswirtschaftliche Beratung AG disponible ici (uniquement en allemand)

 

 

Réduction de l’horaire de travail (RHT) : le Tribunal fédéral rejette le recours de la caisse de chômage de Lucerne concernant l’indemnisation des jours de vacances et des jours fériés

Réduction de l’horaire de travail (RHT) : le Tribunal fédéral rejette le recours de la caisse de chômage de Lucerne concernant l’indemnisation des jours de vacances et des jours fériés

 

Communiqué de presse du SECO du 10.12.2021 consultable ici

Arrêt 8C_272/2021 (d) du 17.11.2021 consultable ici

 

Le Tribunal fédéral a décidé qu’il convient de prendre en compte les jours de vacances et les jours fériés s’agissant des employés percevant un salaire mensuel dans le calcul de l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT). Le jugement en question du Tribunal fédéral, tombé le 17.11.2021, est parvenu au SECO le 09.12.2021.

Le 26.02.2021, la caisse de chômage de Lucerne, avec le soutien du SECO, avait déposé un recours au Tribunal fédéral contre une décision du Tribunal cantonal de Lucerne concernant l’indemnisation des jours de vacances et des jours fériés des employés en réduction de l’horaire de travail (RHT) dans la procédure de décompte sommaire. Le Tribunal fédéral a maintenant rejeté ce recours. Dans son jugement, le Tribunal fédéral indique que les jours de vacances et les jours fériés pour les employés percevant un salaire mensuel doivent être pris en compte dans le calcul de l’indemnité en cas de RHT.

Le SECO a pris acte de la décision du Tribunal fédéral et en analysera de manière approfondie les effets sur l’exécution de l’indemnité en cas de RHT. Les conséquences d’une procédure de décompte conforme à la décision du Tribunal fédéral devront être esquissées le plus rapidement possible. Le SECO mettra tout en œuvre pour se conformer aux exigences du Tribunal fédéral et pouvoir soumettre au Conseil fédéral début 2022 des propositions à ce propos.

La procédure de décompte sommaire pour l’indemnité en cas de RHT a été introduite au printemps 2020, au début de la pandémie, en vertu du droit de nécessité, afin de minimiser la charge administrative des entreprises touchées et de permettre des paiements rapides malgré le nombre inédit de demandes de RHT – avec pour objectif premier de garantir le maintien des places de travail et la liquidité des entreprises dans cette situation extraordinaire.

La bonne santé actuellement affichée par le marché du travail – avec un taux de chômage de 2,5% en novembre 2021 – montre de manière frappante que l’instrument de l’indemnité en cas de RHT a atteint son objectif. Depuis de début de la pandémie du coronavirus au printemps 2020, l’assurance-chômage a en effet versé près de 15 milliards de francs d’indemnités en cas de RHT aux entreprises. Lors de la première vague, au seul mois d’avril 2020, la RHT a été décomptée à 154’000 entreprises, soit à 1,4 million d’employés. Ce qui correspond à plus d’un quart (26%) de toutes les personnes actives en Suisse.

 

 

Communiqué de presse du SECO du 10.12.2021 consultable ici

Arrêt 8C_272/2021 (d) du 17.11.2021 consultable ici

 

 

Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat Cramer 19.3748 « Réglementer le travail sur appel »

Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat Cramer 19.3748 « Réglementer le travail sur appel »

 

Rapport du 17.11.2021 disponible ici

 

Résumé

Le postulat Cramer 19.3748 charge le Conseil fédéral d’établir un rapport qui examine si le travail sur appel est réglé de façon satisfaisante sous l’angle du code des obligations (CO) et sous l’angle de la loi fédérale sur l’assurance-chômage (LACI).

Le présent rapport dresse un état des lieux et étudie quelques perspectives envisageables. Notamment, il se penche sur les avantages et les inconvénients d’une réglementation sous l’angle du CO et sur les possibles améliorations du régime juridique de l’assurance-chômage (AC).

Après examen, il apparaît que le droit en vigueur, qu’il s’agisse du CO ou de la LACI autorise le travail sur appel et garantit son indemnisation mais pose des limites à cette forme de travail. Ces limites s’additionnent et se complètent si bien que la protection globale peut être considérée comme satisfaisante, car elle n’interdit pas de facto cette forme de travail flexible tout en corrigeant le déséquilibre en défaveur du travailleur.

Certes, le régime juridique actuel qui assure la protection des personnes employées sur appel est relativement complexe et sa mise en œuvre est exigeante pour l’ensemble des acteurs. Cependant, ce système fonctionne dans l’ensemble de manière satisfaisante et le rapport montre qu’il n’existe pour l’heure aucune nécessité impérieuse de modifier le CO ou la LACI en ce qui concerne le seul travail sur appel.

A cet égard, une réflexion plus large est indiquée. La numérisation conduit en effet à la création d’emplois atypiques, qui remettent en cause la qualification du rapport de travail salarié, qui est une condition préalable à l’application de la protection du droit du travail et de l’AC. Le Conseil fédéral examine actuellement l’évolution des formes d’emploi atypiques dans plusieurs rapports sur des questions concernant la numérisation.

 

 

Rapport du 17.11.2021 du Conseil fédéral donnant suite au postulat Cramer 19.3748 « Réglementer le travail sur appel » consultable ici

Postulat Cramer 19.3748 « Réglementer le travail sur appel » consultable ici

 

 

8C_365/2021 (f) du 23.09.2021 – Indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) – 31 ss LACI – Ordonnance COVID-19 assurance-chômage / Employeur sans siège social en Suisse – Existence de structures opérationnelles en Suisse niée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_365/2021 (f) du 23.09.2021

 

Consultable ici

 

Indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) / 31 ss LACI – Ordonnance COVID-19 assurance-chômage

Employeur sans siège social en Suisse – Existence de structures opérationnelles en Suisse niée

 

Assuré, directeur avec signature individuelle de B.__. Le 21.12.2018, il a signé un contrat de travail avec la société C.__ sise à l’étranger, dont il est le fondateur et le directeur. Ce contrat de travail prévoit notamment que la majeure partie du travail de l’employé est effectuée à partir de son domicile (en Suisse) ou de tout autre endroit à distance. Selon une convention jointe au contrat de travail, l’employé est soumis à la législation sur la sécurité sociale suisse.

Le 06.05.2020, la société C.__ a déposé un préavis de réduction de l’horaire de travail (RHT) pour son seul employé, à savoir A.__.

Par décision, confirmée sur opposition, le service cantonal refusé d’octroyer l’indemnité en cas de RHT à la société C.__ pour son employé, motif pris que l’employeur n’avait pas de siège social en Suisse et que l’horaire de travail de l’employé n’était pas contrôlable.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a relevé que selon la procédure applicable, l’employeur devait adresser son préavis de RHT à l’autorité cantonale de son siège local ; or la société C.__ – qui employait l’assuré – avait son siège social à l’étranger. Par ailleurs, l’assuré occupait une fonction dirigeante dans cette entreprise et son horaire de travail n’était pas contrôlable, à l’instar de celui des personnes exerçant leur activité principalement à l’étranger pour le compte d’une entreprise installée en Suisse. Son contrat de travail ne mentionnait aucun objectif, que ce soit en nombre d’heures hebdomadaires à effectuer ou de mandats à décrocher. Les juges cantonaux en ont conclu que même s’il payait ses cotisations sociales en Suisse, l’assuré ne remplissait pas les conditions d’octroi de l’indemnité en cas de RHT.

Par jugement du 12.04.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Pour les personnes qui sont ou qui ont été soumises à la législation sur la sécurité sociale suisse ou d’un ou de plusieurs États de l’Union européenne et qui sont des ressortissants suisses ou des ressortissants de l’un des États de l’Union européenne, le Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 19 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO L 166 du 30 avril 2004 p. 1) ainsi que le Règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du Règlement (CE) n° 883/2004 (JO L 284 du 30 octobre 2009 p. 1) sont applicables aux prestations comprises dans le champ d’application de la LACI (cf. art. 121 al. 1 let. a et b LACI; cf. ATF 147 V 225 consid. 3.1).

Dans un cas dans lequel les Règlements (CE) n° 883/2004 et 987/2009 trouvaient application, le Tribunal fédéral s’est récemment prononcé sur le droit à l’indemnité en cas de RHT en l’absence de siège social en Suisse. Dans un tel cas de figure, il a retenu que si l’activité économique de l’employeur n’est pas liée à des structures opérationnelles permanentes en Suisse, il n’y a pas de droit à l’indemnité en cas de RHT fondée sur le droit suisse, quand bien même l’employé exerce une activité salariée en Suisse et est soumis à la législation sur la sécurité sociale suisse. Le Tribunal fédéral a jugé que dans le cas particulier, l’activité de l’employé – qui était le seul salarié en Suisse d’une entreprise installée à l’étranger – n’était pas liée à des structures opérationnelles permanentes en Suisse, de sorte qu’il ne pouvait pas prétendre à l’octroi d’une indemnité en cas de RHT (ATF 147 V 225 consid. 5).

 

En l’espèce, il n’est pas contesté que l’employeur de l’assuré, à savoir la société C.__, a son siège social à l’étranger et que l’assuré, à teneur du contrat de travail, exerce son activité pour cette entreprise à partir de son domicile en Suisse ou de tout autre endroit à distance. Par ailleurs, il ne ressort pas des faits constatés par la juridiction cantonale que la société C.__ disposerait en Suisse de structures opérationnelles. Le seul fait que l’assuré dirige cette société depuis un poste de travail situé en Suisse lorsqu’il travaille à domicile n’est pas suffisant pour reconnaître l’existence de structures opérationnelles en Suisse au sens de la jurisprudence précitée. Dans ces conditions, l’assuré n’a pas droit à l’indemnité en cas de RHT, bien qu’il paie ses cotisations sociales en Suisse.

Les points de savoir si son horaire de travail est contrôlable et si sa fonction de dirigeant l’autoriserait à percevoir l’indemnité requise, si les autres conditions de son octroi étaient réunies, peuvent rester indécis.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_365/2021 consultable ici

 

 

Développement continu de l’AI : entrée en vigueur le 01.01.2022

Développement continu de l’AI : entrée en vigueur le 01.01.2022

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 03.11.2021 consultable ici
(version italienne / allemande)

 

Le Développement continu de l’AI entrera en vigueur le 01.01.2022. Le Conseil fédéral l’a décidé lors de sa séance du 03.11.2021. Cette révision de loi apporte des améliorations en particulier en faveur des enfants, des jeunes et des personnes atteintes de troubles psychiques. Les expertises médicales feront l’objet de mesures visant à garantir la qualité et à améliorer la transparence. La mise en œuvre de la révision implique d’importantes modifications au niveau réglementaire, lesquelles ont été soumises à consultation. Le Conseil fédéral a pris connaissance des résultats et adapté quelques dispositions en conséquence.

Le Développement continu de l’AI vise notamment à soutenir, de façon encore plus ciblée, les enfants et les jeunes en situation de handicap ainsi que les personnes atteintes dans leur santé psychique, ceci afin de renforcer leur potentiel de réadaptation et d’améliorer leur aptitude au placement. À cette fin, l’AI intensifiera la collaboration avec les acteurs impliqués, en particulier les médecins traitants et les employeurs. En outre, les mesures en faveur des jeunes seront coordonnées et davantage orientées vers le marché primaire du travail. Les prestations de conseil et de suivi seront étoffées et consolidées pour profiter tant aux jeunes assurés qu’aux professionnels de l’enseignement et de la formation. Les instruments de détection précoce et les mesures de réinsertion socioprofessionnelles qui ont fait leurs preuves auprès des adultes seront étendus aux jeunes.

 

Expertises médicales : amélioration de la qualité et de la transparence

Dans le cadre du Développement continu de l’AI, les mesures d’instruction et la procédure liée aux expertises médicales seront uniformisées pour toutes les assurances sociales. Lors de l’attribution des mandats d’expertise, l’assurance et la personne assurée devront se mettre d’accord sur un mandataire. En outre, les expertises deviendront plus transparentes : les entretiens entre experts et assurés feront désormais l’objet d’un enregistrement sonore, qui sera joint au dossier. En ce qui concerne l’AI en particulier, les offices AI tiendront une liste publique contenant des informations sur les experts auxquels ils font appel (nombre d’expertises effectuées, remboursements, incapacités de travail attestées, appréciation des expertises dans le cadre de décisions de justice).

 

Les expertises bidisciplinaires seront confiées exclusivement et de manière aléatoire à des centres agréés ou à des binômes d’experts, comme c’était le cas pour les seules expertises pluridisciplinaires (trois disciplines ou plus) jusqu’ici. Une commission extraparlementaire indépendante sera instituée pour veiller à la qualité des expertises. Ses tâches et compétences seront réglées par voie d’ordonnance. À la demande des participants à la consultation, le nombre de représentants du corps médical au sein de la commission diminue au profit de celui des organisations de patients et d’aide aux personnes handicapées. Par ailleurs, des exigences relatives aux qualifications professionnelles des experts médicaux seront définies.

 

Évaluation du taux d’invalidité : une réglementation plus claire

Un système de rentes linéaire est introduit pour les nouveaux bénéficiaires de rente, afin de les inciter à augmenter le taux de leur activité lucrative. Dans le système actuel à quatre échelons, de nombreux bénéficiaires de rente AI n’ont pas intérêt à travailler davantage, car cela n’augmenterait pas leur revenu disponible en raison d’effets de seuil. Une rente entière sera octroyée, comme aujourd’hui, à partir d’un taux d’invalidité de 70%.

Avec l’introduction d’un système de rentes linéaire, l’exactitude du taux d’invalidité revêtira une plus grande importance. En effet, dans ce nouveau système, chaque point de pourcentage sera déterminant pour le calcul du montant de la rente. Afin d’accroître la sécurité juridique et l’uniformité, les principes essentiels de l’évaluation du taux d’invalidité seront désormais définis au niveau d’une ordonnance et non plus par voie de directive. La réforme clarifie en outre les dispositions applicables aux cas suivants : personnes travaillant à temps partiel, comparaison du revenu réalisé avant la survenance de l’invalidité avec celui réalisable après, personnes sans diplôme professionnel, invalides précoces ou de naissance et revenus particulièrement bas avant la survenance de l’invalidité. Ces modifications devraient profiter aux personnes assurées à différents égards. Les participants à la consultation ont en particulier critiqué la réglementation sur l’abattement en raison d’une atteinte à la santé et l’application des tableaux de l’Enquête suisse sur la structure des salaires pour la détermination d’un revenu réalisable. Le Conseil fédéral a décidé de s’en tenir à cette pratique tout en chargeant l’Office fédéral des assurances sociales d’examiner la possibilité de développer de nouvelles bases spécifiques à l’AI.

[NB : le communiqué de presse ne mentionne pas l’abandon de l’abattement sur les salaires statistiques utilisés pour le revenu avec invalidité (nouvelle appellation du revenu d’invalide). Cf. à ce sujet les commentaires de l’art. 26bis al. 3 P-RAI dans le rapport explicatif pour la situation dès le 01.01.2022 et les prises de position dans le rapport sur les résultats de la consultation (p. 48).]

 

Infirmités congénitales : mise à jour de la liste

L’AI finance le traitement médical de certaines infirmités congénitales qui touchent les enfants et les jeunes. La réforme prévoit d’inscrire dans la loi des critères clairs pour déterminer si une maladie est assimilée à une infirmité congénitale, et donc si l’AI prend en charge les coûts de son traitement. La liste des infirmités congénitales sera mise à jour. Les affections qui peuvent être traitées facilement seront désormais prises en charge par l’assurance-maladie. À l’inverse, de nouvelles maladies, en particulier des maladies rares, seront prises en charge par l’AI. La tenue de la liste des infirmités congénitales sera confiée au Département fédéral de l’intérieur (DFI). L’ordonnance actuelle du Conseil fédéral sera donc remplacée par une ordonnance départementale, ce qui facilitera la mise à jour régulière de la liste.

 

Prise en charge de médicaments : création d’un centre de compétences

Pour les infirmités congénitales reconnues, l’AI prend aussi en charge les coûts des médicaments. Afin de simplifier la procédure et de concentrer les compétences techniques, une liste des spécialités sera créée pour l’AI (liste des spécialités en matière d’infirmités congénitales, LS IC). Elle recensera les médicaments pris en charge par l’AI ainsi que leur prix maximal. Pour être admis sur la liste, les médicaments devront faire l’objet d’un examen selon les critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité, sur le modèle de la procédure appliquée dans l’assurance-maladie. La nouvelle LS IC remplacera l’actuelle liste des médicaments destinés au traitement des infirmités congénitales. Lorsqu’une personne assurée atteint l’âge de 20 ans, les médicaments remboursés par l’AI seront pris en charge dans la même mesure par l’assurance obligatoire des soins.

Un centre de compétences sera créé auprès de l’Office fédéral de la santé publique pour la procédure d’admission et la tenue de la LS IC. En effet, cet office étant responsable de la liste des spécialités de l’assurance-maladie, il dispose déjà de l’expérience nécessaire en la matière.

 

Aides financières de l’AI : ajournement de l’ordre de priorité

Les organisations faîtières de l’aide privée aux personnes en situation de handicap peuvent recevoir des aides financières de l’AI. Dans le cadre du Développement continu de l’AI, il était prévu que le Conseil fédéral détermine un ordre de priorité suivant lequel répartir ces aides dans les limites du montant fixé. S’étant heurtée à une vive opposition lors de la consultation, cette réglementation est pour l’heure abandonnée. Un éventuel ajustement sera envisagé de concert avec les organisations concernées pour la prochaine période contractuelle 2024-2027.

 

Nouvelle ordonnance du département sur les prestations de soins

Le DFI met en vigueur une nouvelle ordonnance sur les prestations de soins au 01.01.2022. Celle-ci désigne les prestations de soins ambulatoires (par exemple soins prodigués par des organisations d’aide et de soins à domicile) fournies aux enfants et aux adolescents qui seront prises en charge par l’AI. En faisant édicter une ordonnance du ressort du DFI, le Conseil fédéral répond à un mandat découlant du Développement continu de l’AI.

 

 

Quelques précisions (données issues du rapport explicatif)

 

Optimisation de la réadaptation

  • Formation professionnelle initiale

Pour que la formation professionnelle initiale (FPI) puisse être menée à bien et déboucher sur une intégration au marché du travail (primaire) aussi durable que possible, il est important qu’elle corresponde aux aptitudes et au niveau de développement de l’assuré (cf. art. 8, al. 1bis, LAI).

Avec le Développement continu de l’AI (DC AI), l’art. 16 LAI a été complété de sorte que la FPI vise si possible l’insertion professionnelle sur le marché du travail primaire et soit mise en œuvre sur ce dernier. La norme de délégation de l’al. 4 donnera au Conseil fédéral la compétence de fixer les conditions d’octroi de mesures de formation pratiques et à bas seuil en ce qui concerne leur nature, leur durée et leur étendue.

La réglementation de la FPI doit également être concrétisée au niveau de l’ordonnance. Les points suivants seront inscrits dans le RAI : Définition du recoupement avec l’art. 15 LAI (Orientation professionnelle) (art. 5, al. 2, PRAI) ; Définition de la réussite d’une FPI (art. 5, al. 3, P-RAI) ; Précision de la norme de délégation donnée au Conseil fédéral (art. 5, al. 4 et 5, P-RAI) ; Définition du recoupement avec l’art. 17 LAI (Reclassement) (art. 5bis, al. 1, P-RAI).

 

  • Indemnité journalière de l’AI

La nouvelle réglementation de la LAI relative aux indemnités journalières vise à mettre les jeunes atteints dans leur santé sur un pied d’égalité financière avec les personnes du même âge en bonne santé. Elle permet d’éviter que, pendant la formation, les premiers ne reçoivent des indemnités journalières plus élevées que le salaire perçu par les seconds. Le droit aux indemnités journalières sera ouvert dès le début de la formation, et cela même en l’absence d’une perte de gain et avant l’âge de 18 ans. Ce modèle permettra à l’assuré de percevoir un vrai salaire, directement versé par l’employeur en contrepartie du travail fourni.

Le RAI doit être modifié en conséquence, en particulier en ce qui concerne les modalités d’octroi des indemnités journalières durant l’instruction (art. 17, al. 2, P-RAI) et durant le délai d’attente (art. 18 P-RAI) et les bases de calcul du montant des indemnités journalières (art. 21octies, al. 3, et 22, P-RAI).

 

  • Couverture accidents

L’assurance-accidents de personnes bénéficiant de mesures de l’AI (AA AI), introduite par le Développement continu de l’AI (DC AI), offre une sécurité juridique à toutes les personnes concernées, ce qui favorisera la réadaptation. Les nouvelles dispositions permettent à l’AI de prendre en charge les coûts et obligations notamment des employeurs, dans l’optique d’inciter ces derniers à proposer des mesures de réadaptation.

En 2018, le Tribunal fédéral a, pour la première fois, jugé (ATF 144 V 411) qu’une mesure de réadaptation de l’AI (concrètement, un placement à l’essai au sens de l’art. 18a LAI) était assujettie à la couverture accidents selon la loi fédérale sur l’assurance-accidents (LAA). Les dispositions relatives à la couverture accidents contenues dans le message relatif au DC AI ont donc été adaptées à la nouvelle jurisprudence.

La mise en œuvre de l’AA AI nécessite plusieurs modifications dans le RAI et l’OLAA (notamment les art. 88sexies ss P-RAI ainsi que le titre 8a P-OLAA [art. 132 ss P-OLAA]]). Ces adaptations concernent principalement la procédure relative à la nouvelle branche d’assurance. Au vu de la situation spécifique des assurés bénéficiant de mesures de réadaptation, il est également nécessaire de préciser certaines modalités (notamment calcul des prestations en cas d’accident).

 

Mesures médicales

  • Mesures médicales de réadaptation

Dans le DC AI, la limite d’âge pour les mesures médicales de réadaptation de l’art. 12 LAI a été relevée. Les assurés participant à une mesure de réadaptation d’ordre professionnel bénéficieront désormais de mesures médicales de réadaptation jusqu’à 25 ans. Les modalités de l’enchaînement de mesures de réadaptation d’ordre professionnel doivent être réglées dans le RAI (art. 2bis P-RAI). En outre, les conditions régissant la prise en charge des coûts doivent être concrétisées de sorte qu’une mesure médicale de réadaptation doit être demandée avant le début du traitement (art. 2, al. 3, P-RAI). Cette modification entend alléger la charge administrative liée à la procédure de délimitation des compétences entre les assureurs-maladie et l’AI.

 

Système de rentes

  • Système de rentes linéaire

Avec l’introduction du système de rentes linéaire dans l’AI, le montant du droit aux prestations sera fixé en pourcentage d’une rente complète, et non plus par paliers d’un quart de rente. La disparition du système de paliers entraîne des adaptations formelles du RAI et du RAVS (art. 33bis, al. 2, et art. 38, al. 2, P-RAI ; art. 51, al. 5, RAVS) ; une disposition transitoire portant sur la diminution des deux rentes d’un couple sera également nécessaire. Par ailleurs, les tables de rentes seront remplacées par des prescriptions relatives au calcul du montant des rentes (art. 53, al. 1, P-RAVS).

Comme le nouvel échelonnement du droit à la rente s’appliquera également aux prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire, les art. 4 et 15 P-OPP 2 ainsi que l’art. 3 de l’ordonnance sur la prévoyance professionnelle obligatoire des chômeurs seront modifiés.

 

  • Évaluation du taux d’invalidité

La norme de délégation accordée au Conseil fédéral par le DC AI pour le calcul du revenu déterminant a été précisée (art. 28a, al. 1, LAI). Celui-ci pourra donc régler par voie d’ordonnance le revenu avec et sans invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables.

Le nouveau système de rentes linéaire revalorisera les prestations au pourcentage près du taux d’invalidité. Pour un taux d’invalidité compris entre 40% et 70%, chaque pour cent modifiera le montant de la rente. La pratique actuelle, fondée principalement sur les directives et tirée en grande partie de la jurisprudence, sera inscrite dans la législation par voie d’ordonnance dans le cadre de la norme de délégation accordée au Conseil fédéral. L’objectif est de créer la plus grande sécurité juridique possible afin de prévenir autant que possible les litiges relatifs au calcul du taux d’invalidité.

Dans un premier temps, il s’agira de déterminer le statut de l’assuré, à savoir si ce dernier exerce une activité lucrative, n’exerce pas d’activité lucrative ou exerce une activité lucrative à temps partiel (art. 24septies P-RAI). Ensuite, les principes généraux applicables à la comparaison des revenus, et en particulier à la date déterminante et à l’application des valeurs statistiques, seront fixés (art. 25 P-RAI).

L’art. 25 al. 2 P-RAI dispose que la situation et les salaires sur le marché suisse du travail sont déterminants pour le calcul du taux d’invalidité. Dans des cas particuliers dûment motivés, l’office AI pour les assurés résidant à l’étranger peut également établir les revenus à comparer sur la base du marché du travail étranger, notamment quand les revenus effectifs sur ce marché sont connus et qu’ils ne peuvent pas être convertis sans autres sur le marché suisse du travail. Cela suppose toutefois que les deux revenus à comparer sont déterminés sur le même marché du travail étranger.

Le revenu avec et sans invalidité sera défini, si possible sur la base du revenu effectif, sinon, sur la base de valeurs statistiques (art. 26 et 26bis P-RAI). En principe, il faut utiliser à cet effet les tableaux de l’ESS ; d’autres valeurs statistiques peuvent être utilisées lorsque le revenu en question n’est pas représenté dans l’ESS.

Pour le calcul du taux d’invalidité, il est prévu d’appliquer les principes généraux aux invalides précoces ou de naissance et de renoncer à l’actuel classement par groupe d’âge jusqu’à 30 ans (art. 26, al. 5 et 6, P-RAI). L’inégalité de traitement sera ainsi supprimée. Les jeunes assurés en possession d’une attestation de formation professionnelle ou d’un certificat fédéral de capacité selon la LFPr doivent être considérés comme les autres jeunes du même âge sans atteinte à la santé.

Une parallélisation sera effectuée pour les revenus sans invalidité, lorsque le salaire de l’assuré est inférieur de plus de 5% au salaire usuel dans la branche (art. 26, al. 2, P-RAI). La nouvelle réglementation est plus avantageuse que la réglementation actuelle pour les assurés, parce qu’il n’est plus nécessaire d’examiner quels sont précisément les facteurs à l’origine d’un revenu inférieur à la moyenne ou si, éventuellement, l’assuré ne se serait pas satisfait d’un revenu aussi modeste. On part plutôt du principe qu’un salarié n’aurait vraisemblablement pas accepté volontairement un revenu aussi faible. La parallélisation doit par conséquent être systématiquement effectuée lorsque le revenu effectivement réalisé selon l’al. 1 est inférieur de 5%, voire davantage au revenu médian usuel dans la branche selon l’ESS. Contrairement à la pratique du Tribunal fédéral, une parallélisation est ici aussi pratiquée lorsque l’assuré réalise le salaire minimum prévu par convention collective de travail (CCT) ou contrat-type de travail (CTT) mais que celui-ci reste néanmoins inférieur de 5 %, voire davantage au revenu médian usuel dans la branche selon l’ESS. Une CCT ou un CTT ne réglemente que le salaire minimum, généralement pas le revenu usuel. Enfin, de nombreuses CCT et CTT ne s’appliquent que régionalement. Le travail des organes d’exécution serait considérable s’il fallait vérifier dans chaque cas qu’une CCT ou un CTT s’applique. Avec l’application automatique de la parallélisation pour les salariés, tous les facteurs économiques pouvant être pris en considération pour un abattement en raison d’une atteinte à la santé sont déjà pris en compte.

Pour les assurés qui sont invalides de naissance ou invalides précoces, le revenu sans invalidité est fixé sur la base de valeurs statistiques non spécifiques au sexe (cf. art. 26, al. 6, P-RAI). Pour éviter toute distorsion, le revenu avec invalidité doit donc lui aussi être déterminé sur la base de valeurs indépendantes du sexe.

S’agissant du revenu avec invalidité, l’abattement en raison d’une atteinte à la santé n’est désormais plus appliqué (cf. commentaires de l’art. 26bis al. 3 P-RAI).

Les règles s’appliquant au calcul du taux d’invalidité des assurés exerçant une activité lucrative à temps partiel ou n’exerçant pas d’activité lucrative resteront largement inchangées (art. 27 et 27bis P-RAI). Toutefois, le calcul applicable au temps partiel sera uniformisé et égalitaire du point de vue juridique. Les activités lucratives et les travaux habituels seront désormais considérés comme complémentaires, de sorte que tout ce qui n’est pas réputé activité lucrative relèvera des travaux habituels (art. 27bis, al. 1, P-RAI).

 

Procédure et expertises

La procédure d’instruction menée d’office vise à garantir un traitement aussi simple et rapide que possible des procédures en matière d’assurances sociales. Les droits de participation des assurés ainsi que les rôles et les compétences des organes d’exécution seront réglés dans la LPGA pour toutes les assurances sociales. De plus, les mesures en matière de procédure d’instruction sont clarifiées et uniformisées, notamment s’agissant des expertises médicales :

  • si un assureur et un assuré ne parviennent pas à s’entendre sur un expert, l’assureur communique sa conclusion par décision incidente (art. 44, al. 4, LPGA). Pour que l’expert puisse être choisi de manière consensuelle, les parties doivent, si possible, parvenir à un accord avant la décision. La procédure de consensus est précisée dans l’OPGA (art. 7j P-OPGA). La possibilité d’une recherche de consensus ne prive pas l’assureur de sa compétence s’agissant de la désignation de l’expert. La jurisprudence actuelle selon laquelle l’assuré ne peut se prévaloir d’aucun droit à la désignation d’un expert de son choix continue de s’appliquer.
  • S’agissant de l’attribution des mandats d’expertise, le Conseil fédéral peut édicter des règles pour chaque domaine des assurances sociales (art. 44, al. 7, LPGA). Les règles s’appliquant au domaine de l’AI méritent d’être révisées. Ainsi, en vue de garantir la qualité et à l’instar des expertises multidisciplinaires, les expertises bidisciplinaires sont attribuées uniquement, et de manière aléatoire, à des centres d’expertises ou à des binômes d’experts autorisés (art. 72bis, al. 1bis, P-RAI). De plus, les exigences relatives à la qualification professionnelle des experts médicaux désireux de travailler sur mandat d’une assurance sociale sont définies au plan fédéral (art. 7l P-OPGA).
  • Les entretiens entre l’expert et l’assuré sont enregistrés (enregistrement sonore) et joints au dossier. Le terme «entretien» est employé dans la loi (art. 44, al. 6, LPGA), mais n’y est pas défini. Il doit donc être précisé dans le règlement (art. 7k P-OPGA). Par entretien, on entend l’anamnèse et la description par l’assuré de l’atteinte à sa santé. Les explications et déclarations personnelles de l’assuré sont placées au premier plan. L’enregistrement sonore doit garantir que les déclarations de l’assuré sont saisies correctement et reprises avec exactitude dans le rapport de l’expert. La partie consacrée à l’évaluation psychologique dans les expertises psychiatriques, neurologiques et neuropsychologiques ne peut pas être enregistrée. Lorsque l’assuré souhaite renoncer à l’enregistrement sonore de l’entretien, il doit en aviser par écrit l’assureur. La renonciation ne peut être communiquée qu’à l’organe d’exécution. Si l’assuré décide seulement après coup qu’il ne souhaite pas d’enregistrement, il doit demander à l’organe d’exécution, dans les dix jours qui suivent l’entretien, la destruction de l’enregistrement (art. 7k al. 3 lit. b P-OPGA). En règle générale, l’expertise n’est pas encore terminée à ce stade, ce qui signifie que l’expert n’enverra que son rapport écrit à l’organe d’exécution.
  • Les offices AI géreront une liste publique en vue d’assurer un maximum de transparence en matière de répartition des mandats d’expertise (art. 57, al. 1, let. n, LAI). Ces deux nouveautés sont précisées par voie d’ordonnance (art. 7k et 7l P-OPGA ; art. 41b P-RAI).
  • En vue de l’établissement d’expertises, les médecins doivent avoir suivi une formation postgrade en tant que spécialiste, mais aussi dans le domaine des expertises médicales. L’exigence relative à la possession d’une certification de l’association Médecine d’assurance suisse (Swiss Insurance Medicine, SIM) garantit que les médecins spécialistes qui réalisent des expertises pour les assurances sociales en tant qu’experts ont suivi une formation proposée en Suisse dans le domaine des expertises médicales (art. 7m al. 2 P-OPGA). Le respect de cette condition professionnelle peut également être vérifié sur Internet et dans un registre librement accessible. La qualification en médecine des assurances est requise uniquement pour les disciplines médicales les plus demandées (spécialistes en médecine interne générale, en psychiatrie et en psychothérapie, en neurologie, en rhumatologie, en orthopédie ou en chirurgie orthopédique et en traumatologie de l’appareil locomoteur).
  • Par ailleurs, une commission extra-parlementaire indépendante chargée de veiller à la qualité des expertises est créée (art. 44, al. 7, let. c, LPGA ; art. 7o ss P-OPGA). Ses tâches et compétences sont réglées par voie d’ordonnance. Concrètement, il est prévu qu’elle élabore et contrôle des directives et des instruments en la matière (accréditation des centres d’expertises, normes de qualité pour les expertises, outils standardisés de contrôle de la qualité des expertises, formation de base et formation continue des experts, etc.), qu’elle émette des recommandations et en assure la surveillance (art. 7p P-OPGA).

Plusieurs de ces mesures prises aux niveaux de la loi et de l’ordonnance, comme la création d’une commission indépendante, la fixation de critères d’admission pour les experts médicaux et l’attribution aléatoire des mandats d’expertise bidisciplinaires, correspondent aux recommandations du rapport d’experts sur les expertises médicales dans l’AI, publié à l’automne 2020. L’étude a été rédigée par l’entreprise Interface Politikstudien Forschung Beratung, en collaboration avec le service de psychiatrie forensique de l’Université de Berne. Elle a été faite sur demande du DFI datant de fin 2019 et analyse le système de l’activité d’expert et l’attribution des mandats.

 

Autres mesures du Développement continu de l’AI

  • Indemnité journalière de l’assurance-chômage

Actuellement, les bénéficiaires d’une rente AI dont la rente a été réduite ou supprimée suite à une révision (art. 17 LPGA ou art. 8a LAI) ont droit à 90 indemnités journalières de l’assurance-chômage au plus (art. 27, al. 4, de la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité ; LACI). Les nouveaux art. 68septies LAI et 27, al. 5, et 94a, LACI étendent ce droit à 180 indemnités journalières et autorisent l’AI à prendre en charge les indemnités journalières dès le 91e jour. Le nouvel art. 120a P-OACI réglera la procédure de décompte des coûts entre l’AI et l’assurance-chômage débutant le 91e jour des indemnités journalières.

 

Mesures sans lien avec le Développement continu de l’AI

  • Contribution d’assistance

L’évaluation de la contribution d’assistance (2012 à 2019) a mis en évidence que les forfaits de nuits étaient insuffisants. L’urgence d’un ajustement dans ce domaine est devenue encore plus marquée avec le modèle complétant les contrats-types de travail (CTT) cantonaux pour les travailleurs de l’économie domestique mis à la disposition des cantons par le Secrétariat d’État à l’économie (SECO). Le modèle CTT a pour objectif d’améliorer la situation des personnes qui s’occupent 24 heures sur 24 de personnes âgées ou en situation de handicap. Les actuels forfaits de nuit de la contribution d’assistance ne permettent pas de rémunérer les assistants conformément à ces dispositions.

Afin de trouver une solution à cette problématique, un groupe de travail, constitué de représentants de l’OFAS, de la COAI, des organisations pour personnes en situation de handicap, de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) et de la Conférence des chefs des départements cantonaux de l’économie publique (CDEP), a analysé plusieurs possibilités et retenu une variante. Celle-ci prévoit, conformément aux recommandations du SECO, de relever le montant du forfait de nuit de 88 fr. 55 à 160 fr. 50 (art. 39f, al. 3, P-RAI).

Il est également prévu de supprimer la limitation du droit à des prestations de conseil, actuellement fixée à une seule fois. Cette modification découle des discussions menées avec les organisations pour personnes en situation de handicap suite à l’évaluation de la contribution d’assistance. Certes, les prestations de conseil sont surtout demandées en début de contrat, et servent à organiser la prestation (engager du personnel, établir des contrats de travail, souscrire des assurances perte de gain, etc.). Toutefois, la pratique montre qu’elles s’avèrent aussi nécessaires par la suite, contrairement à ce qui était attendu, et ceci dans une mesure qui dépasse les quelques heures qui avaient été estimées.

 

Dispositions transitoires (selon le texte actuellement disponible)

a. Indemnités journalières

Le début effectif de la mesure est déterminant pour la détermination du droit aux indemnités journalières.

b. Évaluation du taux d’invalidité

Si une rente AI a été octroyée avant l’entrée en vigueur de la modification du … à un assuré qui, en raison de son invalidité, n’a pas pu acquérir de connaissances professionnelles suffisantes et si cet assuré n’avait pas encore 30 ans au moment de l’entrée en vigueur de la modification, le droit à la rente AI doit être révisé selon les nouvelles dispositions dans l’année qui suit. En sont exclus les assurés qui perçoivent déjà une rente entière. Une éventuelle augmentation de la rente a lieu au moment de l’entrée en vigueur de la modification du ….

c. Système de rentes

Si les let. b et c des dispositions transitoires de la modification du 19 juin 2020 de la LAI34 sont applicables à un conjoint, la réduction des deux rentes AI du couple en vertu de l’art. 37, al. 1bis, LAI s’effectue, en dérogation à l’art. 32, al. 2, en fonction du droit du conjoint dont la rente AI équivaut au pourcentage le plus élevé d’une rente entière.

d. Révision du montant de la contribution d’assistance pour les prestations de nuit

Le montant des contributions d’assistance allouées pour les prestations de nuit auxquelles les assurés avaient droit au moment de l’entrée en vigueur de la modification du … est adapté conformément à la modification. L’adaptation du montant déploie ses effets au moment de l’entrée en vigueur de la modification en question.

e. Conventions existantes concernant le remboursement de médicaments par l’assurance-invalidité

Les conventions existantes entre l’OFAS et les titulaires d’autorisation qui ont été conclues avant l’entrée en vigueur de la modification du… restent applicables jusqu’à l’inscription du médicament sur la liste des spécialités ou sur la liste des spécialités en matière d’infirmités congénitales.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 03.11.2021 consultable ici

Modification du RAI – Rapport explicatif (après la procédure de consultation) consultable ici

Modification de la LAI publié au RO 2021 705 et du RAI publié in RO 2021 706

Rapport explicatif RAI (après la procédure de consultation) disponible ici 

Rapport sur les résultats de la consultation consultable ici

Ordonnance du DFI concernant les infirmités congénitales (OIC-DFI) et rapport explicatif consultables ici et la publication au RO 2021 708

Ordonnance du DFI sur les prestations de soins fournies sous forme ambulatoire et rapport explicatif consultables ici et la publication au RO 2021 707

 

Cf. également le communiqué de presse d’Inclusion Handicap du 03.11.2021 consultable ici (version allemande ici)

 

Version italienne :

 

Version allemande :

 

 

8C_283/2021 (f) du 25.08.2021 – Suspension du droit à l’indemnité en cas de refus d’un travail convenable – Ne pas donner suite à une assignation à un travail réputé convenable – 30 al. 1 LACI – 16 LACI / Des lacunes en informatique ne constituent pas un motif valable susceptible d’alléger la faute

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_283/2021 (f) du 25.08.2021

 

Consultable ici

 

Devoirs de l’assuré / 17 LACI

Suspension du droit à l’indemnité en cas de refus d’un travail convenable – Ne pas donner suite à une assignation à un travail réputé convenable / 30 al. 1 LACI – 16 LACI

Interprétation de la notion juridique indéterminée « sans motif valable » – Des lacunes en informatique ne constituent pas un motif valable susceptible d’alléger la faute

 

Le 12.02.2019, l’assuré s’est annoncé à l’Office cantonal genevois de l’emploi (OCE) et a sollicité l’octroi de l’indemnité de chômage à compter du 01.03.2019, date à laquelle prendrait fin son activité de chauffeur-livreur sur des véhicules poids lourd auprès d’une société de transport et de logistique.

Par courriel du 29.01.2020, l’OCE a assigné l’assuré à postuler pour un poste de chauffeur poids lourd à plein temps de durée indéterminée. L’intéressé devait postuler en ligne jusqu’au 31.01.2020. Le 29.01.2020, sa conseillère lui a en outre envoyé un message SMS afin d’attirer son attention sur le fait qu’une offre d’emploi par courriel lui avait été adressée. A une date indéterminée, l’employeur concerné a signalé à l’OCE que l’assuré ne lui avait pas fait parvenir de dossier de candidature. Invité par sa conseillère à lui faire part de ses commentaires à ce propos, l’assuré ne s’est pas manifesté.

Par décision, , confirmée sur opposition, l’OCE a suspendu le droit de l’assuré à l’indemnité de chômage pour une durée de 31 jours, au motif qu’il avait commis une faute grave en ne donnant pas suite à une assignation qui lui aurait permis de quitter l’assurance-chômage de façon durable.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/247/2021 – consultable ici)

La cour cantonale a retenu que l’emploi assigné à l’assuré devait être qualifié de convenable et que celui-ci n’avait pas transmis sa candidature au potentiel employeur. Ce faisant, l’intéressé avait violé son obligation de diminuer le dommage et une suspension du droit à l’indemnité de chômage devait être prononcée à son encontre en application de l’art. 30 al. 1 let. c et d LACI.

L’instance cantonale a toutefois relevé que l’assuré avait pris au sérieux ses obligations de chômeur, dès lors qu’il n’avait pas commis d’autres manquements. Il avait en outre toujours répondu à toutes les exigences de son statut de demandeur d’emploi, en effectuant activement ses recherches d’emploi et en suivant les formations requises par l’OCE. Enfin, il prenait dorénavant connaissance des courriels qui lui étaient adressés et il avait retrouvé un emploi à partir du 01.10.2020 pour une durée de six mois. Dans ces conditions, sa faute était de gravité moyenne et la suspension de son droit à l’indemnité de chômage devait être réduite à 16 jours.

Par jugement du 23.03.2021, admission partielle du par le tribunal cantonal, réduisant la durée de la suspension à 16 jours.

 

TF

Lorsque l’assuré refuse, sans motif valable, un emploi réputé convenable, il y a faute grave (art. 45 al. 4 let. b OACI). Par motif valable, il faut entendre un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il peut s’agir, dans le cas concret, d’un motif lié à la situation subjective de la personne concernée ou à des circonstances objectives (ATF 141 V 365 consid. 4.1; 130 V 125 consid. 3.5). Si des circonstances particulières le justifient, il est donc possible, exceptionnellement, de fixer un nombre de jours de suspension inférieur à 31 jours. Toutefois, les motifs de s’écarter de la faute grave doivent être admis restrictivement (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 117 ad art. 30 LACI et les références).

L’interprétation de la notion juridique indéterminée « sans motif valable » (art. 30 al. 1 let. d LACI) est une question de droit relevant, en principe, du plein pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, contrairement à la question de l’exercice du pouvoir d’appréciation (cf. pour l’art. 45 al. 4 OACI: arrêt 8C_756/2020 du 3 août 2021 consid. 3.2.2 et les références).

En tant qu’autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l’intention des organes d’exécution. Quand bien même de telles directives ne sauraient lier les tribunaux, elles constituent un instrument précieux pour ces organes d’exécution lors de la fixation de la sanction et contribuent à une application plus égalitaire dans les différents cantons (ATF 141 V 365 consid. 2.4; arrêt 8C_40/2019 du 30 juillet 2019 consid. 5.4). Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d’apprécier le comportement de l’assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier de celles qui ont trait au comportement de l’intéressé au regard de ses devoirs généraux d’assuré qui fait valoir son droit à des prestations. Elles pourront le cas échéant aller en dessous du minimum prévu par le barème indicatif (arrêt 8C_756/2020 précité consid. 3.2.3 et les références). Le barème du SECO prévoit une suspension d’une durée de 31 à 45 jours en cas de premier refus d’un emploi convenable d’une durée indéterminée (Bulletin LACI IC, ch. D79/2.B/1).

Il ressort des faits constatés par la juridiction cantonale que l’assuré a été assigné à postuler pour un emploi par courriel de l’OCE du 29.01.2020 et que sa conseillère a attiré son attention sur ce point par message SMS du même jour. Les juges cantonaux n’ont à ce titre pas retenu que le courriel et le message SMS en question n’auraient pas été acheminés jusqu’à leur destinataire, de telle sorte que celui-ci n’aurait pas été en mesure d’en prendre connaissance en consultant sa boîte de messagerie électronique et son portable. Selon la cour cantonale, la conseillère de l’assuré a par ailleurs indiqué qu’elle communiquait avec lui par courriel et par téléphone. Il résulte en outre des déclarations faites par l’assuré lors de sa comparution personnelle – telles que reproduites dans l’arrêt attaqué – que ses deux fils vivaient encore avec lui et son épouse et que l’un d’eux lui avait créé son adresse électronique et avait écrit pour lui des courriels en février 2019 et en janvier 2020. On peut donc en déduire que l’assuré bénéficiait de l’assistance d’au moins une personne partageant son ménage pour ses échanges électroniques avec l’OCE et sa conseillère, lesquels n’avaient pas un caractère exceptionnel. Il s’est du reste engagé à consulter quotidiennement sa boîte de messagerie électronique en signant un plan d’actions le 25.02.2019 et a indiqué disposer de son propre téléphone mobile. Dans ces conditions, ses lacunes en informatique ne constituent pas un motif valable au sens de l’art. 45 al. 4 OACI, susceptible d’alléger sa faute, comme l’a implicitement retenu l’autorité cantonale.

En réalité, la cour cantonale a jugé que la faute de l’assuré était seulement de gravité moyenne sur la seule base de son comportement général en tant que chômeur, compte tenu notamment du fait qu’il n’avait pas commis d’autre manquement à ses obligations. Or de tels éléments ne sauraient constituer un motif valable tel que visé par l’art. 45 al. 4 OACI, puisqu’ils sont étrangers aux circonstances ayant conduit au manquement reproché à l’assuré. Le raisonnement des juges cantonaux reviendrait à conditionner la reconnaissance d’une faute grave – qui est la règle en cas de refus d’un travail convenable ou de manquement assimilé – à l’existence d’autres manquements de l’assuré, en violation de l’art. 45 al. 4 OACI. Il convient encore de noter que l’OCE, en prononçant une suspension du droit à l’indemnité de chômage d’une durée de 31 jours, a infligé à l’assuré la sanction minimale prévue par la loi et le barème du SECO.

Il résulte de ce qui précède que c’est en violation du droit fédéral que la juridiction cantonale a admis une faute moyennement grave (au lieu d’une faute grave) et a réduit la durée de la suspension du droit à l’indemnité à 16 jours.

 

Le TF admet le recours du SECO, annule le jugement cantonal et confirme la décision litigieuse.

 

 

Arrêt 8C_283/2021 consultable ici