Enquête suisse sur la structure des salaires en 2018: premiers résultats

Enquête suisse sur la structure des salaires en 2018: premiers résultats

 

Communiqué de presse de l’OFS du 21.04.2020 consultable ici

Tableau TA1_skill_level (utilisé dans le domaine des assurances sociales) de l’ESS 2018 est disponible ici

 

Pour l’ensemble de l’économie (secteurs privé et public ensemble), le salaire médian était en 2018 de 6538 francs bruts par mois pour un poste à plein temps. Les écarts salariaux sont toujours marqués entre les branches économiques et aussi selon les régions. Entre le haut et le bas de la pyramide des salaires, les différences sont restées relativement stables entre 2008 et 2018. En Suisse, près d’un tiers des salariés touche des boni. C’est ce qu’indiquent les premiers résultats de l’enquête suisse sur la structure des salaires de l’Office fédéral de la statistique (OFS).

Le salaire médian en 2018 s’est élevé à 6538 francs bruts par mois. Les 10% des salariés les moins bien rémunérés ont tous gagné moins de 4302 francs par mois alors que les 10% les mieux payés gagnent tous plus que 11 698 francs.

En Suisse, le paysage salarial présente de fortes disparités selon les branches économiques. Les niveaux de rémunération sont clairement supérieurs au salaire médian dans les activités économiques à forte valeur ajoutée telles que les activités informatiques et services d’information (9000 francs), l’industrie pharmaceutique (9747 francs) ou encore les services financiers (9921 francs). Au bas de l’échelle des salaires, on retrouve l’industrie textile et de l’habillement (5095 francs), le commerce de détail (4875 francs), l’hébergement et la restauration (4412 francs) et les services personnels (4144 francs).

 

Les écarts salariaux restent relativement stables entre 2008 et 2018

La fourchette générale des salaires, à savoir l’écart global entre les salaires les plus élevés et ceux les plus bas, est restée relativement stable entre 2008 et 2018. Durant cette même période, les 10% des personnes les mieux payées ont vu leur rémunération augmenter de 9,1%. Les salariés appartenant à la « classe moyenne » ont connu une augmentation salariale de 7,3% alors que la hausse des salaires pour les 10% des personnes les moins bien payées s’est montée à 9,6%.

 

La valeur des boni a continué d’augmenter en 2018

En 2018, près de 1 salarié sur 3 (32,8%) a reçu des boni, c’est-à-dire un paiement irrégulier annuel qui vient s’ajouter au salaire de base. De 2008 à 2014, la valeur monétaire moyenne des boni attribués a diminué, passant de 11 698 francs en 2008 à 7939 francs en 2014. La valeur moyenne annuelle des boni a connu une première hausse en 2016 (9033 francs). En 2018, le montant des boni a continué à augmenter pour s’établir à 9913 francs. La valeur des boni varie considérablement selon les branches économiques et selon le niveau de responsabilité occupé au sein de l’entreprise. Ainsi, pour les cadres supérieurs, la valeur monétaire des boni atteint par exemple 16 138 francs en moyenne annuelle dans le commerce de détail, 21 432 francs dans la construction, 79 989 francs dans l’industrie pharmaceutique, 89 028 francs dans les services financiers. Les personnes n’occupant pas de fonction dirigeante perçoivent également des boni mais leur valeur monétaire moyenne sur une année est bien plus basse (4137 francs). Dans la grande majorité des branches économiques, les boni représentent une composante à la fois flexible et pleinement intégrée au système global de rémunération du travail salarié.

 

La part des postes à bas salaires a légèrement augmenté entre 2016 et 2018

En Suisse, le nombre de postes à bas salaires (équivalent à un niveau de rémunération inférieur à 4359 francs bruts par mois pour un temps plein) a légèrement augmenté en 2018 pour atteindre 353 000 contre 329 000 en 2016. Les branches économiques qui présentent un taux élevé de postes à bas salaires sont les suivantes : le commerce de détail (24,4%), la restauration (44,7%), l’industrie de l’habillement (56%) ou encore les services personnels (57,3%). En 2018, plus de 480 000 personnes perçoivent un bas salaire, soit 12,1% des salariés. Parmi ces salariés 64,4% sont des femmes (2016: 66,4%).

 

Les inégalités salariales entre les femmes et les hommes diminuent progressivement

Dans l’ensemble de l’économie, l’écart de salaire entre les femmes et les hommes a atteint 11,5% en 2018 contre 12,0% en 2016 et 12,5% en 2014. Dans le secteur privé, les femmes ont gagné en 2018 14,4% de moins que les hommes alors que dans le secteur public, cette différence globale est de 11,4%. Ce différentiel des niveaux de rémunération entre les sexes s’explique en partie par des profils structurels et des activités exercées différentes (notamment le niveau de responsabilité du poste occupé ou la branche économique). Ces écarts salariaux mettent en évidence l’insertion professionnelle inégale qui existe entre le personnel féminin et masculin sur le marché du travail.

Le différentiel salarial entre les sexes est d’autant plus marqué que la position dans la hiérarchie est élevée. Ainsi, les femmes occupant les postes à haute responsabilité gagnent 8872 francs bruts alors que la rémunération de leurs collègues masculins – occupant le même niveau de responsabilité – se monte à 10 893 francs, soit une différence de 18,6%. L’écart salarial en défaveur du personnel féminin est moins marqué pour les postes de travail exigeant des niveaux plus bas de responsabilité (9,4%) et de 7,6% pour les femmes sans fonction de cadre.

En 2018, la répartition des femmes et des hommes en fonction des classes salariales était la suivante: 58,3% des postes dont le niveau de salaire est inférieur à 4500 francs bruts par mois sont occupés par des femmes. A l’inverse, 82,4% des emplois dont la rémunération dépasse 16 000 francs bruts mensuels sont occupés par des hommes.

 

Main-d’œuvre étrangère: disparités salariales selon les permis de séjour

Au niveau de l’ensemble de l’économie, on constate que la rémunération des personnes salariées de nationalité suisse reste en moyenne plus élevée que celle versée à leurs collègues de nationalité étrangère, soit respectivement 6873 francs contre 5886 francs. Globalement, ce différentiel salarial en faveur des salariés suisses par rapport au personnel étranger se retrouve quelle que soit la catégorie de permis de séjour.

En revanche, pour les postes exigeant un haut niveau de responsabilité, la main-d’œuvre étrangère gagne des salaires plus élevés que ceux versés aux salariés de nationalité suisse. Ainsi, les frontaliers occupant des postes à haut niveau de responsabilité gagnent 10 750 francs, les bénéficiaires d’une autorisation de séjour 12 510 francs contre 10 138 francs pour les salariés suisses.

Cette situation s’inverse lorsque l’on considère les postes de travail n’exigeant pas de responsabilité hiérarchique. Avec 6260 francs, la rémunération des salariés de nationalité suisse n’occupant pas de fonction de cadre est supérieure aux salaires versés à la main-d’œuvre étrangère, soit 5699 francs pour les frontaliers et 5189 francs pour les salariés disposant d’une autorisation de séjour.

 

Hiérarchie régionale des salaires: Zürich toujours en tête

Le paysage des salaires en Suisse diffère significativement selon les espaces considérés. Pour les emplois les plus qualifiés, les niveaux de rémunération sont régulièrement plus élevés dans les régions de Zürich (9221 francs) et du Nord-Ouest (BS, BL, AG) avec 8874 francs. A l’autre bout de l’échelle régionale des salaires, on retrouve le Tessin, qui connaît les plus bas niveaux de rémunération, que ce soit pour les emplois les plus qualifiés (7367 francs) ou pour ceux qui exigent le moins de qualification (4222 francs). Cette hiérarchie régionale des salaires s’explique en grande partie par la concentration de branches économiques à forte valeur ajoutée dans certains espaces ainsi qu’aux spécificités structurelles des marchés régionaux du travail.

 

 

Commentaire/Remarques

Pro memoria, pour fixer le revenu d’invalide, il y a lieu de se fonder au moment de la décision sur les données les plus récentes (arrêts du Tribunal fédéral 8C_520/2016 du 14 août 2017 consid. 4.3.1 et la référence ; 9C_767/2015 du 19 avril 2016 consid. 3.4).

S’agissant de l’indexation des salaires nominaux, les chiffres pour 2019 paraîtront normalement d’ici une à deux semaines.

 

 

Communiqué de presse de l’OFS du 21.04.2020 consultable ici

Tableau TA1_skill_level (utilisé dans le domaine des assurances sociales) de l’ESS 2018 en français, italien et allemand

Les autres tableaux de l’ESS 2018 parfois utilisés dans le domaine des assurances sociales :

 

 

1B_235/2016 (f) du 20.07.2016 – Excès de vitesse de 25 km/h dans une zone 60 km/h / Surveillance téléphonique rétroactive – Données accessoires destinées à permettre la localisation des appareils – 273 CPP – 269 CPP / Indice important quant à l’identité de l’auteur de l’infraction

Arrêt du Tribunal fédéral 1B_235/2016 (f) du 20.07.2016

 

Consultable ici

 

Excès de vitesse de 25 km/h dans une zone 60 km/h – Délit / 90 al. 2 LCR

Surveillance téléphonique rétroactive – Données accessoires destinées à permettre la localisation des appareils – 273 CPP – 269 CPP

Indice important quant à l’identité de l’auteur de l’infraction

 

Le 09.09.2015, le ministère public a ouvert une instruction pénale contre A.__ pour violation grave des règles de la circulation routière. Il lui est reproché d’avoir circulé le 26.05.2015, à 15h03, sur la route du Landar, à La Conversion, au volant de son véhicule à une vitesse de 85 km/h, marge de sécurité déduite, sur un tronçon limité à 60 km/h.

A.__ a indiqué ne pas être en mesure de désigner le conducteur au moment des faits car le véhicule contrôlé était utilisé régulièrement par des personnes différentes.

Par ordonnance du 24.11.2015, le Tribunal des mesures de contrainte a autorisé la surveillance rétroactive du raccordement téléphonique dont A.__ est le détenteur, pour le 26.05.2015, avec les données de géolocalisation, et a dit que les résultats de cette surveillance lui seraient communiqués pour procéder au tri exigé par l’art. 271 al. 1 CPP. Il a considéré que cette mesure se justifiait au regard de la gravité de l’infraction et du fait que les recherches destinées à identifier le conducteur du véhicule au moment de l’infraction seraient rendues excessivement difficiles en l’absence de cette surveillance.

 

Procédure cantonale (arrêt consultable ici)

La Chambre des recours pénale considère qu’au vu de la mesure de l’excès de vitesse, le cas peut objectivement être qualifié de grave au sens de l’art. 90 al. 2 LCR et constitue dès lors un délit au sens de l’art. 273 al. 1 CPP. Cette appréciation correspond à la pratique constante qui considère comme tel un dépassement de la vitesse autorisée dans une localité supérieur ou égal à 25 km/h (ATF 132 II 234 consid. 3.2 p. 238), étant rappelé qu’une limitation à 60 km/h au lieu de 50 km/h ne justifie pas de s’écarter du seuil de 25 km/h à partir duquel un dépassement de la vitesse autorisée doit être considéré comme une violation objectivement grave des règles de la circulation (arrêt 6B_3/2014 du 28 avril 2014 consid. 1.2).

La Chambre des recours pénale a confirmé cette décision sur recours de l’intéressé au terme d’un arrêt rendu le 19.05.2016.

 

TF

La surveillance rétroactive du téléphone portable du recourant a été autorisée en application de l’art. 273 al. 1 CPP qui prévoit que lorsque de graves soupçons laissent présumer qu’un crime, un délit ou une contravention au sens de l’art. 179septies CP a été commis et que les conditions visées à l’art. 269 al. 1 let. b et c CPP, sont remplies, le ministère public peut exiger que lui soient fournies les données indiquant quand et avec quelles personnes ou quels raccordements la personne surveillée a été ou est en liaison par poste ou télécommunication (let. a) ainsi que les données relatives au trafic et à la facturation (let. b).

L’art. 269 al. 1 let. b et c CPP, auquel renvoie l’art. 273 al. 1 CPP, autorise le ministère public à ordonner la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication pour autant que cette mesure se justifie au regard de la gravité de l’infraction et que les mesures prises jusqu’alors dans le cadre de l’instruction sont restées sans succès ou les recherches n’auraient aucune chance d’aboutir ou seraient excessivement difficiles en l’absence de surveillance.

Ainsi, pour être autorisée, la mesure de surveillance doit se justifier au regard de la gravité de l’infraction et les investigations doivent être restées sans succès, n’avoir aucune chance d’aboutir ou être excessivement difficiles à mener (ATF 142 IV 34 consid. 4.3 p. 38).

 

Les limites fixées par la jurisprudence ont été déterminées en partant de l’hypothèse que les conditions de circulation sont favorables et que le conducteur jouit d’une bonne réputation en tant qu’automobiliste. Les circonstances invoquées (configuration particulière des lieux, bonnes conditions de circulation, absence de mise en danger concrète) ne sont pas de celles qui permettraient de considérer objectivement le cas comme étant de moindre gravité (ATF 124 II 475 consid. 2a p. 477; arrêts 1C_585/2008 du 14 mai 2009 consid. 2.2 et 1C_83/2008 du 16 octobre 2008 consid. 2.2). Le fait que l’excès de vitesse se situe à la limite inférieure fixée pour le cas grave à l’intérieur des localités n’est pas davantage pertinent à cet égard (ATF 124 II 475 consid. 2a p. 478). La question de savoir si ces circonstances pourraient être prises en considération dans l’examen de l’élément subjectif de l’infraction peut demeurer indécise car cette question relève de l’appréciation du juge du fond et échappe au contrôle de l’autorité chargée d’autoriser la surveillance téléphonique (arrêt 1B_206/2016 du 5 juillet 2016 consid. 4.2).

Cela étant, la cour cantonale n’a pas fait une mauvaise application de l’art. 273 al. 1 CPP en considérant que la mesure de surveillance téléphonique se justifiait au regard de la gravité de l’infraction. Pour le surplus, le recourant ne soutient pas avec raison que les autres conditions auxquelles l’art. 273 al. 1 CPP fait dépendre l’autorisation de la surveillance rétroactive de son téléphone portable ne seraient pas réalisées (cf. ATF 142 IV 34 consid. 4.3 précité).

 

Le TF rejette le recours.

 

 

Arrêt 1B_235/2016 consultable ici

 

 

1B_206/2016 (f) du 05.07.2016 – Excès de vitesse de 29 km/h dans une zone 50 km/h / Surveillance téléphonique rétroactive – Données accessoires destinées à permettre la localisation des appareils – 273 CPP – 269 CPP / Indice important quant à l’identité de l’auteur de l’infraction

Arrêt du Tribunal fédéral 1B_206/2016 (f) du 05.07.2016

 

Consultable ici

 

Excès de vitesse de 29 km/h dans une zone 50 km/h – Délit / 90 al. 2 LCR – 10 al. 3 CP

Surveillance téléphonique rétroactive – Données accessoires destinées à permettre la localisation des appareils / 273 CPP – 269 CPP

Indice important quant à l’identité de l’auteur de l’infraction

 

Le 15.09.2015, le ministère public a ordonné la surveillance téléphonique rétroactive (données accessoires seulement) des appareils utilisés par B.__, épouse de A.__, et par leurs filles C.__ et D.__, pour la journée du 23.04.2015. Cette surveillance avait pour but de localiser les intéressés, dans le cadre d’une enquête relative à un excès de vitesse (29 km/h de dépassement dans une zone limitée à 50 km/h) commis le jour en question au Mont-sur-Lausanne. Le véhicule appartenait à A.__ mais celui-ci, en déplacement à l’étranger au moment des faits, avait refusé de communiquer l’identité du conducteur. Le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud a autorisé les mesures de surveillance par décisions du 18.09.2015. Ces mesures ont été communiquées aux trois intéressées le 15.01.2016.

 

Procédure cantonale (arrêt consultable ici)

Par arrêt du 04.03.2016, la Chambre des recours pénale a rejeté le recours. S’agissant d’une simple localisation, la mesure de surveillance était soumise aux conditions de l’art. 273 CPP. L’infraction à l’art. 90 al. 2 LCR présentait une gravité suffisante.

 

TF

Les mesures de surveillance litigieuses ne portent pas sur les communications proprement dites, mais sur les données accessoires destinées à permettre la localisation des appareils. Ces mesures tombent sous le coup de l’art. 273 CPP, lequel suppose l’existence de graves soupçons de commission d’un crime, d’un délit ou d’une contravention portant sur l’utilisation abusive d’une installation de télécommunication, et renvoie aux conditions posées à l’art. 269 al. 1 let. b et c CPP. La mesure doit donc se justifier au regard de la gravité de l’infraction, et les investigations doivent être restées sans succès, n’avoir aucune chance d’aboutir ou être excessivement difficiles à mener (ATF 142 IV 34 consid. 4.3 p. 38).

L’arrêt attaqué considère que l’infraction poursuivie tomberait sous le coup de l’art. 90 al. 2 LCR, et constituerait dès lors un délit au sens de l’art. 10 al. 3 CP. Cette appréciation correspond à la pratique constante qui considère comme cas grave un dépassement de plus de 25 km/h de la vitesse autorisée dans une localité (ATF 132 II 234). Les recourants objectent que rien ne permettait d’affirmer que l’infraction aurait eu lieu dans une localité. Ils méconnaissent que le rapport de police constate que le véhicule circulait en direction du centre de la localité et ne respectait pas la vitesse maximale prescrite par des signaux à l’intérieur des localités. Cela suffit pour admettre l’existence de soupçons de commission d’un délit au sens de l’art. 273 al. 1 CPP. L’élément subjectif n’a pas à être examiné à ce stade.

En vertu du principe de proportionnalité (art. 197 al. 1 let. c et d et 269 al. 1 let. b CPP), la mesure de surveillance doit encore être adéquate et poursuivre un intérêt public; elle doit ainsi être susceptible d’obtenir des résultats concrets (ATF 141 IV 459 consid. 4.1 p. 461 s.). Une surveillance ne peut par ailleurs être autorisée que si elle respecte le principe de subsidiarité (art. 269 al. 1 let. c CPP). Cela présuppose notamment que l’autorité examine d’abord si une autre mesure moins incisive peut atteindre le résultat recherché (ultima ratio ; ATF 141 IV 459 consid. 4.1 p. 462).

Les mesures litigieuses sont destinées à trouver l’auteur d’un délit routier. L’infraction ne procède certes pas du projet criminel. Toutefois, même si, comme le soutiennent les recourants, il n’en aurait résulté aucune mise en danger, il existe un intérêt public important à ce que ce type d’infraction ne demeure pas impuni. En outre, l’atteinte à la sphère publique est limitée puisque seule la localisation des appareils à une date précise intéresse l’enquête ; le contenu des conversations n’est en rien concerné. La localisation des appareils est susceptible de fournir, dans la perspective de l’enquête, un indice important quant à l’identité de l’auteur de l’infraction. Les recourants relèvent à juste titre qu’une mesure de surveillance plus efficace au sens de l’art. 269 CPP ne pourrait pas être mise en œuvre, mais ils n’indiquent pas quelle mesure moins incisive serait à même de faire avancer l’enquête sur ce point. Les membres de la famille ont déjà été entendus et se sont tous largement prévalus du droit de ne pas répondre. La mesure apparaît ainsi proportionnée et adéquate.

 

Le TF rejette le recours (sur le fond).

 

 

Arrêt 1B_206/2016 consultable ici

 

 

8C_99/2019 (f) du 08.10.2019 – Troubles psychiques – Causalité adéquate – 6 LAA / Casuistique des accidents motocyclistes percutés par une automobile – Catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu / Capacité de travail exigible dans l’activité habituelle – Pas de nécessité de procéder à une comparaison des revenus

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_99/2019 (f) du 08.10.2019

 

Consultable ici

 

Accident de la circulation (auto contre scooter) à 60 km/h

Troubles psychiques – Causalité adéquate / 6 LAA

Casuistique des accidents impliquant des motocyclistes percutés par un véhicule automobile – Catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu

Examen des critères du caractère particulièrement impressionnant [nié], de la durée anormalement longue du traitement médical [nié] et du degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques [critère laissé indécis]

Capacité de travail exigible dans l’activité habituelle – Pas de nécessité de procéder à une comparaison des revenus – Distinction entre les cas ressortant de l’assurance-chômage de ceux qui relèvent de la LAA

 

Assuré, né en 1972, a été victime d’un accident de la circulation le 02.09.2011 : alors qu’il roulait sur une route limitée à 60 km/h, l’arrière gauche d’une voiture a heurté l’avant droit de son scooter, ce qui a provoqué sa chute sur le côté droit et a engendré une fracture du plateau tibial droit, type Schatzker VI. Il a été emmené aux urgences, où les médecins ont pratiqué une réduction ouverte et ostéosynthèse du plateau tibial droit. A l’époque de l’accident, l’assuré travaillait en qualité de polisseur.

L’assuré a repris son activité à 50% dès le 02.01.2012, avant de subir une incapacité de travail entière du 18.01.2012 au 22.01.2012. Il a pu reprendre son activité à 50% le 23.01.2012, mais a une nouvelle fois été totalement incapable de travailler du 27.01.2012 au 07.05.2012. Il a repris son activité à 100% le 08.05.2012. Le 06.11.2012, le spécialiste en chirurgie orthopédique a attesté une nouvelle incapacité de travail totale du 16.10.2012 au 20.11.2012, au motif que l’assuré ne pouvait pas supporter une journée de travail soutenue. Ce dernier a déposé le 27.11.2012 une demande de prestations auprès de l’office AI compétent. Il a par ailleurs été licencié avec effet au 31.01.2013.

Dans un rapport du 22.01.2013, le spécialiste en chirurgie orthopédique a fait état d’une évolution défavorable avec une tentative de reprise du travail qui avait échoué en raison de la persistance de douleurs à l’effort; il a prolongé l’incapacité de travail de manière successive jusqu’au 04.11.2013. De son côté, se fondant sur l’appréciation de son médecin-conseil, spécialiste en chirurgie orthopédique, l’assurance-accidents a fixé la capacité de travail de l’assuré à 60% dès le 15.10.2013. Ce dernier s’est inscrit à l’office cantonal de l’emploi à 60%.

Le 13.12.2013, l’assuré a glissé sur la neige et a chuté, ce qui a causé une entorse à la cheville gauche. Une nouvelle incapacité de travail de 100% a été attestée. Dans son appréciation, le médecin-conseil a précisé que l’incapacité de travail actuelle était liée à l’accident du 13.12.2013. Il a estimé qu’une reprise à 60% était exigible à compter du 15.02.2014 et à 100% après l’AMO.

Le 17.06.2014, l’assuré a glissé et a chuté en descendant d’un bus, ce qui a engendré une forte contusion du genou et de la cheville droits. Il a subi une nouvelle incapacité totale de travail.

Le 19.12.2014, l’AMO a été réalisée. Une incapacité totale de travail a été attestée jusqu’au 31.01.2015, que le chef de clinique au service de chirurgie de l’hôpital E.__ a prolongée jusqu’au 01.03.2015. Il a ensuite attesté une capacité de travail de 50% du 02.03.2015 au 31.03.2015, puis de 100% à partir du 01.04.2015. Dès le 02.03.2015, les médecins du centre G.__ ont délivré des arrêts de travail à 100%; ils ont évoqué des douleurs quotidiennes au genou droit depuis l’accident du 17.06.2014 qui empêchaient l’assuré de marcher plus de 100 m.

Sur mandat de l’office AI, un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie a procédé à une expertise. Dans son rapport du 22.10.2016, il a posé comme diagnostic ayant une incidence sur la capacité de travail un « trouble de la personnalité, sans précision », présent depuis le début de l’âge adulte. Le 31.10.2016, la doctoresse I.__, spécialiste en médecine interne au centre J.__ de l’hôpital E.__, a informé l’assurance-accidents que l’assuré était suivi depuis le 11.05.2016 en raison d’une décompensation anxio-dépressive dans le contexte d’un conflit de couple et d’un sevrage d’opiacés; elle a diagnostiqué un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques et a précisé que l’assuré avait été hospitalisé à trois reprises à l’hôpital K.__, en 2001, 2012 et 2013.

Le 06.01.2017, le médecin-conseil a procédé à un examen final. Il a retenu que pour les seules suites de l’accident, l’assuré possédait une capacité de travail entière, sans baisse de rendement, dans une activité professionnelle adaptée à ses limitations fonctionnelles. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité. Elle a considéré, en particulier, que les séquelles de l’accident ne réduisaient pas sa capacité de gain de manière importante et que les troubles non organiques n’engageaient pas la responsabilité de l’assureur-accidents sous l’angle de la causalité adéquate.

L’office AI a octroyé à l’assuré une rente entière à compter du 01.06.2013.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1153/2018 – consultable ici)

Sans se prononcer sur la question de la causalité naturelle, les juges cantonaux ont nié l’existence d’un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques de l’assuré et l’accident du 02.09.2011. Ils ont classé celui-ci dans la catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu et ont considéré que seul le critère des douleurs physiques persistantes était rempli. Celui-ci ne revêtait toutefois pas une intensité suffisante pour admettre l’existence d’un lien de causalité adéquate.

En se fondant sur les conclusions du médecin-conseil, les juges cantonaux ont considéré que l’assuré disposait d’une capacité de travail entière dans son activité habituelle et qu’il n’était dès lors pas invalide au sens de l’art. 8 LPGA. Une comparaison des revenus n’apparaissait donc pas nécessaire.

Par jugement du 12.12.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Troubles psychiques – Causalité adéquate

Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle; cette exigence est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou ne serait pas survenu de la même manière (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181; 402 consid. 4.3.1 p. 406; 119 V 335 consid. 1 p. 337; 118 V 286 consid. 1b p. 289 et les références). Le droit à des prestations de l’assurance-accidents suppose en outre l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et l’atteinte à la santé; la causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de manière générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 p. 181; 402 consid. 2.2 p. 405; 125 V 456 consid. 5a p. 461 et les références).

En présence de troubles psychiques consécutifs à un accident, la jurisprudence a dégagé des critères objectifs qui permettent de juger du caractère adéquat du lien de causalité. Elle a tout d’abord classé les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les accidents insignifiants, ou de peu de gravité ; les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. En présence d’un accident de gravité moyenne, il faut prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants :

  • les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident;
  • la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques;
  • la durée anormalement longue du traitement médical;
  • les douleurs physiques persistantes;
  • les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident;
  • les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes;
  • le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques.

Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa et bb p. 140 s., 403 consid. 5c/aa et bb p. 409; arrêt 8C_890/2012 du 15 novembre 2013consid. 5.2). De manière générale, lorsque l’on se trouve en présence d’un accident de gravité moyenne, il faut un cumul de trois critères sur les sept, ou au moins que l’un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante pour l’accident (SVR 2010 UV n° 25 p. 100 [8C_897/2009] consid. 4.5; arrêt 8C_196/2016 du 9 février 2017 consid. 4). Par ailleurs, un seul critère peut être suffisant pour admettre l’existence d’une relation de causalité adéquate lorsque l’accident considéré apparaît comme l’un des plus graves de la catégorie intermédiaire, à la limite de la catégorie des accidents graves (ATF 134 V 109 consid. 10.1 p. 126; arrêt 8C_584/2010 du 11 mars 2011 consid. 4.3.1, in SVR 2011 UV n° 10 p. 35 et les références).

 

Casuistique – Accident de gravité moyenne

En l’espèce, si l’on se réfère à la casuistique des accidents impliquant des motocyclistes percutés par un véhicule automobile, les cas classés dans la catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu ont en commun le choc d’un motocycliste roulant à une vitesse comprise entre 50 km/h et 70 km/h avec un automobiliste en train de bifurquer (cf. arrêts 8C_902/2010 du 6 avril 2011; 8C_726/2007 du 16 mai 2008; U 78/07 du 17 mars 2008; U 115/05 du 14 septembre 2005). Le déroulement des événements et les forces en présence apparaissent en l’occurrence comparables à ceux de l’accident ici en cause, contrairement au cas d’une collision entre une moto qui remontait une file dans un virage à droite et un tracteur avec une remorque, où le Tribunal fédéral avait qualifié l’accident de gravité moyenne à la limite des cas graves (arrêt 8C_484/2007 du 3 septembre 2008). L’accident du 02.09.2011 n’est pas non plus comparable à ceux ayant fait l’objet des arrêts 8C_134/2015 du 14 septembre 2015 et 8C_917/2010 du 28 septembre 2011 cités par l’assuré. Dans le premier cas, le motocycliste avait été projeté à une dizaine de mètres du point d’impact après avoir été percuté par un véhicule automobile, tandis que dans le deuxième, une collision frontale violente s’était produite entre un scooter et une camionnette. Or, en l’espèce, l’assuré n’a pas été projeté après l’impact, ni été victime d’une collision frontale. C’est donc à juste titre que les juges cantonaux ont rangé l’événement du 02.09.2011 parmi les accidents de gravité moyenne stricto sensu.

 

Critère du caractère particulièrement impressionnant

Eu égard à la casuistique du Tribunal fédéral en cas d’accident de la circulation (cf. arrêts 8C_257/2008 du 4 septembre 2008 consid. 3.3.3; 8C_623/2007 du 22 août 2008 consid. 8.1; U 18/07 du 7 février 2008), il convient de se rallier à l’avis des juges cantonaux selon lequel le critère du caractère particulièrement impressionnant de l’accident n’est pas réalisé. Le fait que l’assuré a expliqué au docteur H.__, lors de l’expertise psychiatrique, qu’il s’est vu mourir à la suite de la collision n’est pas de nature à conduire à une appréciation différente. L’examen se fait en effet sur la base d’une appréciation objective des circonstances de l’espèce et non en fonction du ressenti subjectif de l’assuré, en particulier de son sentiment d’angoisse. Il faut observer qu’à tout accident de gravité moyenne est associé un certain caractère impressionnant, lequel ne suffit pas pour admettre l’existence du critère en question (cf. arrêts 8C_96/2017 du 24 janvier 2018 consid. 5.1 et 8C_1007/2012 du 11 décembre 2013 consid. 5.4.1).

 

Durée anormalement longue du traitement médical

En ce qui concerne le critère de la durée anormalement longue du traitement médical, l’appréciation du Tribunal cantonal selon laquelle celui-ci n’a été en l’espèce ni lourd ni continu – dès lors qu’excepté les deux opérations, il a été purement conservateur (physiothérapie et prise d’antalgie) – n’est pas critiquable. L’argument de l’assuré selon lequel l’AMO a eu lieu près de trois ans et demi après l’accident n’est pas pertinent. En effet, le temps écoulé entre l’ostéosynthèse et l’AMO ne consiste pas en un « traitement médical » et n’a pas à être pris en considération à ce titre. L’assuré ne se prévaut par ailleurs d’aucun traitement médical consécutif à l’accident.

 

Degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques

Enfin, si plusieurs périodes d’incapacité de travail – oscillant entre 50 et 100% – ont certes été attestées après l’accident du 02.09.2011, l’assuré a toutefois pu reprendre son activité à plein temps du 08.05.2012 au 15.10.2012. Quant aux périodes d’incapacité de travail subséquentes, elles étaient dues, dans une large mesure, aux deux accidents successifs dont il a été victime après le 02.09.2011. En tout état de cause, même si le critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques était rempli, seuls deux critères seraient réalisés en l’espèce, ce qui ne suffirait pas pour reconnaître un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques de l’assuré et l’accident du 02.09.2011, d’autant moins que ces deux critères ne se sont pas manifestés d’une manière particulièrement marquante.

 

Il s’ensuit que la juridiction cantonale était fondée à nier le droit de l’assuré à des prestations de l’assurance-accidents en raison des troubles psychiques.

 

Capacité de travail exigible dans l’activité habituelle

Selon l’art. 18 al. 1 LAA, l’assuré a droit à une rente d’invalidité s’il est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d’un accident. Est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée (art. 8 al. 1 LPGA). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d’activité, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1); seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain; de plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

En l’espèce, l’assuré n’a pas contesté disposer d’une capacité de travail entière dans son activité habituelle. Or, s’il a certes très probablement perdu son emploi en raison de son atteinte à la santé et n’a pas retrouvé d’activité professionnelle après son inscription à l’office cantonal de l’emploi, il faut toutefois faire la distinction entre les cas tombant sous le coup de l’assurance-chômage et ceux qui relèvent de l’assurance-accidents. En effet, le caractère irréaliste des possibilités de travail doit découler de l’atteinte à la santé – puisqu’une telle atteinte est indispensable à la reconnaissance de l’invalidité (art. 7 et 8 LPGA) – et non de facteurs étrangers à la définition juridique de l’invalidité (arrêts 8C_303/2018 du 26 novembre 2018 consid. 5.1; 8C_175/2017 du 30 octobre 2017 consid. 4.2; 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et les références). En l’occurrence, si l’assuré n’a concrètement pas retrouvé d’activité lucrative, c’est très vraisemblablement pour des motifs conjoncturels, soit parce que le marché du travail ne comprenait pas suffisamment de postes relevant de ce domaine, ce que l’assuré n’a par ailleurs pas remis en cause. Il s’agit donc d’une situation liée au chômage et non à une éventuelle incapacité de gain au sens de l’art. 7 LPGA. Cela étant, la cour cantonale était fondée à retenir que l’assuré n’était pas invalide au sens de l’art. 8 LPGA et à ne pas procéder à une comparaison des revenus.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_99/2019 consultable ici

 

 

9C_470/2019 (f) du 02.03.2020 – Revenu sans invalidité chez une jeune avant apprentissage mais après son choix de métier – 16 LPGA – 28a al. 1 LAI – 26 RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_470/2019 (f) du 02.03.2020

 

Consultable ici

 

Revenu sans invalidité chez une jeune avant apprentissage mais après son choix de métier / 16 LPGA – 28a al. 1 LAI – 26 RAI

Vraisemblance prépondérante de la formation qui aurait été entreprise

 

Assurée, née en 1995, était en 9e année du cursus scolaire en voie secondaire générale (VSG) et envisageait une formation d’éducatrice de la petite enfance, lorsqu’elle a été victime d’un accident de la circulation routière, le 24.10.2010, qui a notamment entraîné un TCC sévère avec des difficultés neuropsychologiques séquellaires et une parésie cubitale traumatique.

Avec l’aide de l’AI, qui lui a accordé des mesures de réadaptation professionnelle, l’assurée a entrepris un apprentissage en septembre 2012 qui a abouti à l’obtention d’un CFC d’employée de commerce en été 2016. L’assurée a ensuite bénéficié d’une mesure d’aide au placement, sous la forme notamment de deux stages comme employée de commerce durant l’année 2017. A la suite du second stage, elle a été engagée en qualité de secrétaire, à un taux d’occupation de 40%, pour un salaire mensuel de 1746 fr. 65, versé treize fois l’an.

L’office AI a reconnu le droit de l’assurée à un quart de rente d’invalidité (taux d’invalidité de 46%) dès le 01.08.2016, sous déduction des indemnités journalières octroyées du 03.04.2017 au 30.09.2017.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 226/18 – 173/2019 – consultable ici)

La juridiction cantonale a procédé à l’évaluation du niveau de l’assurée et a nié qu’il fût possible d’établir que l’intéressée aurait pu obtenir un diplôme d’une école supérieure (ES) dans la filière « éducation de l’enfance » ou un diplôme d’une Haute école spécialisée (HES) dans la filière de formation « travail social » sans la survenance de l’accident. Dès lors qu’au moment de l’accident, celle-ci suivait un cursus scolaire, non pas en voie baccalauréat, mais en voie secondaire générale (VSG), dont le débouché naturel n’est pas l’entrée au gymnase, mais en apprentissage, les juges cantonaux ont constaté que le chemin pour obtenir un diplôme ES/HES aurait été long et parsemé de raccordements. Leurs constatations à cet égard font en effet état d’une durée de formation allant de six à dix ans pour l’obtention d’un diplôme auprès d’une HES ou ES. La cour cantonale a considéré qu’une projection sur une durée de cinq à dix ans depuis l’accident apparaissait « pour le moins aléatoire », ce d’autant plus qu’il n’était en particulier pas établi que l’assurée avait les capacités pour entrer au gymnase, puis, dans l’affirmative, également pour suivre ensuite avec succès une formation dans une HES ou ES.

Le revenu sans invalidité a été fixé à 65’552 fr. 40, correspondant au salaire obtenu par les femmes travaillant dans le secteur « Santé humaine et action sociale », niveau de compétence 2, femmes, selon l’ESS 2016 (T1_skill_level, 86-88).

Par jugement du 29.05.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Conformément à la jurisprudence, l’art. 26 al. 2 RAI est également applicable lorsque l’assuré n’a pas été en mesure, en raison de la survenance de l’atteinte à la santé, de commencer la formation auquel il se destinait et par rapport à laquelle il avait eu des projets concrets (arrêt 9C_163/2017 précité consid. 4.1). En conséquence, il n’y a pas lieu de revenir sur l’application en tant que telle de cette disposition, contestée à tort par l’office AI.

Contrairement à ce que soutient l’assurée, le fait qu’elle a « manifesté, à de nombreuses reprises sa volonté de se former par le biais du gymnase, suivi d’une formation ultérieure en tant qu’éducatrice de l’enfance » ne suffit pas pour admettre que le gymnase en voie diplôme n’était pas « qu’une éventualité, conditionnée à l’obtention d’un certain nombre de points », comme l’ont retenu les juges cantonaux. On ne saurait en effet inférer de la circonstance que la voie gymnasiale constituait, pour reprendre les termes de l’assurée, « son premier choix », qu’elle aurait eu les capacités pour suivre un tel cursus. Le fait que les médecins et autres professionnels ayant suivi l’intéressée l’aient décrite comme une personne volontaire, s’investissant pleinement dans ses études, et capable de passer beaucoup de temps pour apprendre ses cours ne permet pas non plus d’établir qu’elle aurait obtenu les points nécessaires pour entrer au gymnase sans la survenance de l’accident en octobre 2010. En l’espèce, au moment de l’accident, l’assurée était en 9e année VSG, soit un cursus scolaire dont le débouché naturel est l’entrée en apprentissage. Or, sous l’angle de l’art. 26 al. 2 RAI, il importe que la formation à laquelle se destinait la personne assurée apparaisse réaliste compte tenu de ses capacités avant la survenance de l’atteinte à la santé, comme c’est le cas lors de l’évaluation du revenu sans invalidité d’une jeune personne ayant subi une atteinte à la santé au moment où elle débutait son parcours professionnel (cf. arrêt 8C_612/2014 du 28 avril 2015 consid. 4.2.2.2). Partant, en considérant que l’entrée au gymnase en voie de diplôme n’était qu’une éventualité parmi d’autres, pas suffisamment certaine pour retenir l’obtention d’une maturité, les juges cantonaux n’ont pas fait preuve d’arbitraire.

L’argumentation de l’assurée, selon laquelle si même à admettre que sans la survenance de l’accident, la seule voie envisageable pour elle aurait été un apprentissage d’assistante socio-éducative, on ne saurait en déduire qu’elle n’aurait pas complété celui-ci par « une formation ES de deux ans ou par une maturité professionnelle, puis un diplôme HES », ne peut pas non plus être suivie. Il ne suffit en effet pas d’affirmer qu’elle « a été entravée dans sa formation et a dû opter pour une formation inférieure à celle qu’elle entendait effectuer » pour établir, selon le degré de la vraisemblance prépondérante, qu’elle aurait commencé et terminé avec succès une formation dans une HES ou une ES en complément de son CFC d’ASE si elle n’avait pas été victime d’un accident en 2010. L’application de l’art. 26 al. 2 RAI présuppose en effet qu’il y ait des indications concrètes que l’assuré aurait effectivement achevé sa formation sans l’atteinte à la santé ; de simples déclarations d’intention ou spéculations ne suffisent pas (arrêt I 318/94 du 22 juin 1995 consid. 1b et les arrêts cités).

Au demeurant, on ajoutera dans ce contexte que selon la jurisprudence, la notion de formation professionnelle à laquelle se réfère l’art. 26 al. 2 RAI correspond à la formation professionnelle de base (« berufliche Grundausbildung »), et non à une formation ultérieure (« entsprechende Weiterbildung » ; arrêt I 104/96 du 10 mars 1997 consid. 2a, confirmé par l’arrêt 8C_550/2009 du 12 novembre 2009 consid. 4.2), sans qu’il apparaisse nécessaire d’examiner l’argumentation de l’assurée sous cet angle.

En conclusion, il n’y a pas lieu de s’écarter du résultat de l’évaluation du taux d’invalidité effectuée par la juridiction cantonale.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_470/2019 consultable ici

 

 

Remarque : un élément m’échappe. Même en lisant le consid. 4/cc de l’arrêt de la juridiction cantonale, la question de l’utilisation du T1_skill_level au lieu du TA1_skill_level se pose. Ce d’autant plus que la cour cantonale précise que « les deux [arrêts] plus récents ont été rendus sur la base du tableau TA1_skill_level de l’ESS 2012 ». L’office AI a fixé le revenu sans invalidité sur la base du tableau TA1.

Pour rappel, il convient en règle générale de se référer à la table TA1 « secteur privé » ; la table T1 valable pour l’ensemble du secteur privé et public est généralement utilisé lorsque l’assuré a exercé sa dernière activité dans le secteur public (cf. par exemple l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3).

Dans le cas d’espèce, prendre le tableau T1 est à l’avantage de l’assurée, le tableau TA1_skill_level donnant généralement des revenus légèrement inférieurs (in casu, 5’156 francs pour le TA1 et 5’240 francs pour le T1).

 

 

 

Rapport de recherche no 1/20 « Conditions pour réduire le dommage dans l’assurance-invalidité »

Rapport de recherche « Conditions pour réduire le dommage dans l’assurance-invalidité »

 

Rapport complet disponible ici (en allemand avec des résumés en français, italien et anglais)

 

Avant-propos de l’Office fédéral des assurances sociales

Depuis la 5e révision de la loi sur l’assurance-invalidité (LAI), cette assurance suit le principe selon lequel « la réadaptation prime la rente » ; elle applique donc une approche résolument axée sur la réadaptation. Une telle approche est également attendue des assurés : en vertu de la LAI, l’assuré doit en effet entreprendre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui pour réduire la durée et l’étendue de son incapacité de gain et pour empêcher la survenance d’une invalidité ; c’est ce que la jurisprudence désigne par le terme d’obligation de réduire le dommage. Pour garantir que ces efforts soient faits, l’office AI peut assortir la prestation octroyée, par exemple une mesure de réadaptation ou une rente, d’une ou plusieurs conditions. Si l’assuré ne les respecte pas, l’office AI peut prononcer une sanction, sous forme de réduction ou de suspension des prestations.

Aucun état des lieux systématique n’a été réalisé jusqu’ici sur les conditions relatives à cette obligation. Ni leur mise en œuvre ni leurs effets n’ont fait non plus l’objet d’une analyse détaillée. C’est ce que s’attache à faire le présent rapport. Il aborde la question sous plusieurs angles et répond notamment aux questions suivantes : À quelle fréquence, selon quels principes et à l’égard de quels assurés les offices AI émettent-ils des conditions pour réduire la durée et l’étendue de l’incapacité de gain ? Comment ces conditions sont-elles perçues par les différents acteurs, y compris par les assurés concernés ? Quels sont les effets de ces conditions ?

Le rapport montre que cet instrument n’est que rarement utilisé. Cependant, la pratique des offices AI en la matière est très variable et les modalités de mise en œuvre sont réglées différemment d’un office AI à l’autre. Les offices ont tendance à ne poser des conditions que lorsque des moyens plus modérés pour encourager l’assuré à participer activement à une mesure de réadaptation ou à suivre un traitement médical (par exemple, des accords oraux et écrits ou des plans d’intégration) n’ont pas porté leurs fruits. L’examen du profil des assurés montre que ce sont avant tout des jeunes atteints dans leur santé psychique qui se voient imposer de telles conditions : il est généralement exigé d’eux qu’ils participent activement à une mesure de réadaptation ou qu’ils suivent un traitement psychiatrique ou une psychothérapie. De plus, la participation à des mesures de réadaptation implique souvent l’abstinence totale de toute substance addictive.

Les résultats obtenus et les connaissances acquises grâce au présent rapport de recherche constituent une première base de discussion pour l’OFAS et les offices AI, en vue d’optimiser la pratique en matière de conditions relatives à l’obligation de réduire le dommage, et de l’appliquer.

 

 

Résumé en français

Le droit suisse des assurances sociales oblige l’assuré à entreprendre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui pour réduire la durée et l’étendue de son incapacité de travail et pour empêcher la survenance d’une invalidité (art. 21, al. 4, LPGA ; art 7, al. 1, LAI). Le principe de l’obligation de réduire le dommage se concrétise notamment dans le fait que l’office AI peut assortir l’octroi d’une prestation (rente, mesure de réinsertion par ex.) de conditions. Il oblige donc l’assuré à adopter un certain comportement, que l’office AI juge propre à réduire le dommage relevant du droit des assurances (par ex. suivre un traitement médical). Le comportement imposé à l’assuré doit être proportionné et raisonnablement exigible. Les conditions émises à l’octroi de prestations de l’AI dans le cadre de l’obligation de réduire le dommage sont formulées sous la forme d’une injonction écrite, qui en décrit les termes, fixe un délai adéquat et signale les suites juridiques de leur non-observation (mise en demeure et délai de réflexion). Si l’assuré ne respecte pas les conditions qui lui sont imposées, l’office AI peut le sanctionner en réduisant ou refusant la prestation. La décision correspondante est susceptible de recours, l’injonction écrite ne l’est pas.

 

Questions et méthodologie de l’étude

Les auteurs de la présente étude, conduite à la demande de l’OFAS, ont examiné la question de savoir à quelle fréquence, dans quelles situations et comment les offices AI recourent à pareilles conditions pour réduire le dommage, et quels effets cet instrument déploie.

Pour avoir une vue d’ensemble de la situation à l’échelle de la Suisse, ils se sont fondés d’une part sur un sondage réalisé en ligne auprès des offices AI cantonaux, de l’autre sur une analyse statistique de la fréquence des conditions visant à réduire le dommage et de la caractérisation des groupes cibles. Les auteurs ont utilisé pour ce faire des données du registre AI et – dans la mesure où elles existaient – des données individuelles des offices AI sur les conditions. Partant de là, ils ont sélectionné quatre offices AI afin de procéder à des examens plus poussés. Ces derniers ont consisté dans une analyse quantitative du déroulement de 206 cas dans lesquels des conditions visant à réduire le dommage avaient été imposées aux assurés. En complément, les auteurs de l’étude ont interrogé par écrit une partie de ces assurés. Enfin, dernier volet, ils ont examiné plus précisément la manière dont les quatre offices AI mettent les conditions en œuvre au moyen d’une analyse documentaire, d’échanges d’information et d’un entretien en groupe avec chacun d’entre eux, et discuté des modes opératoires qui ont prouvé leur efficacité.

 

État des lieux

  • Les conditions visant à réduire le dommage sont rares : les offices AI imposent rarement des conditions, leur part dans le total des versements de prestations AI dans le domaine des rentes ou de la réadaptation (mesures d’ordre professionnel MOP, mesures de réinsertion MR) s’élève à 1,9% par an. La proportion varie toutefois considérablement d’un canton à l’autre, de 0,1% à 3,5%. Comme une personne peut se voir imposer plusieurs conditions, la part des personnes percevant une prestation AI qui sont concernées est légèrement inférieure, avec 1,7%. Selon les estimations des cantons, jusqu’à un tiers des conditions sont fixées avant même qu’une prestation ne soit accordée, mais il n’existe aucune donnée sur le sujet. Mesurée à l’aune des bénéficiaires de prestations, la part des personnes soumises à condition pourrait atteindre 2,5%.
  • Les conditions portent souvent sur la participation active à la réadaptation ou à un traitement psychiatrique ou psychologique : les termes des conditions imposées dans le cadre de rentes ou de mesures de réadaptation se distinguent considérablement les uns des autres. Dans le domaine de la réadaptation, plus de deux tiers des conditions visent une participation active à la mesure de réadaptation. Il s’agit le plus souvent d’assurer que l’intéressé participera bel et bien à la mesure. En deuxième position, on trouve les conditions relatives à un traitement psychiatrique ou psychologique. Environ 1/5e des conditions fixées dans le domaine de la réadaptation concerne le comportement en matière de santé. L’objectif est souvent l’abstinence. Dans le domaine des rentes, les conditions portent dans les trois quarts des cas sur des traitements psychiatriques ou psychologiques. Il s’agit le plus souvent de thérapies ambulatoires, sans prise de médicaments, suivies de thérapies ambulatoires associées à la prise de médicaments. Les thérapies dispensées en institution sont plus rares. Les autres conditions médicales telles que traitement médicamenteux indépendante du traitement psychiatrique ou psychologique ou de la chirurgie, représentent une part d’un pour cent de toutes les conditions et sont donc très rares.
  • Des conditions sont surtout imposées aux personnes les plus jeunes atteintes dans leur santé psychique : les troubles psychiques sont la cause la plus fréquente des conditions imposées. 77% des personnes concernées dans le domaine des rentes et 54% de celles qui le sont dans le domaine de la réadaptation sont atteintes dans leur santé psychique, alors que ces personnes représentent respectivement 46% et 45% de tous les bénéficiaires de prestations dans les deux domaines. Ce sont les personnes souffrant d’un handicap psychique qui se voient le plus fréquemment imposer des conditions. La fréquence des handicaps psychiques ayant augmenté ces dernières années, l’inclusion des conditions dans les études qui seront réalisées dans ce domaine pourraient être riches d’enseignements. En deuxième position, on trouve comme cause d’imposition de conditions les handicaps physiques (25% des conditions pour les MOP/MR, 11% des conditions pour les rentes). Ces proportions se situent toutefois au-dessous des parts des handicaps physiques parmi les bénéficiaires de prestations (30% pour les bénéficiaires de MOP/MR, 24% pour les bénéficiaires de rente).

Les personnes les plus touchées par des conditions sont âgées de 25 à 44 ans : 47% des personnes concernées dans le domaine des rentes et 39% de celles qui le sont dans le domaine de la réadaptation appartiennent à ce groupe d’âges. En comparaison, sur le total des bénéficiaires de MOP/MR, 24% sont âgés de 25 à 44 ans, et ils sont 36% chez les bénéficiaires d’une rente. Dans le domaine de la réadaptation, les jeunes adultes (18 à 24 ans) sont aussi légèrement surreprésentés par des conditions avec une part de 35%. Leur groupe d’âges représente 32% de l’ensemble des bénéficiaires de MOP/MR.

Les hommes sont légèrement plus souvent visés par des conditions que les femmes dans le domaine de la réadaptation en comparaison de la part qu’ils représentant dans le total des bénéficiaires (66% vs. 60%). Dans le domaine des rentes, les deux sexes sont à peu près à égalité. Les étrangers par une condition sont légèrement surreprésentés par rapport à leur proportion dans l’ensemble, aussi bien dans le domaine des rentes (28% vs. 22%) que dans celui de la réadaptation (26% vs. 23%).

 

Mise en œuvre et méthodes éprouvées

  • Les conditions visant à réduire le dommage ne sont pas faciles à appliquer : la grande majorité des offices AI qualifient de plutôt exigeant, pour le moins, d’apprécier à l’avance si telle ou telle condition apportera une amélioration substantielle (par ex. une amélioration de la capacité de travailler qui influe sur la rente). Ils ressentent pour la plupart comme exigeant d’assurer un maniement uniforme et adapté, de fixer comme condition un degré de concrétisation adéquat et de contrôler si une condition est respectée, tout comme d’associer l’assuré ou le médecin traitant.
  • Différences notables dans la mise en œuvre : il existe de grandes différences entre les offices AI et entre le domaine de la réadaptation et celui des rentes dans la manière de mettre en œuvre les conditions. C’est particulièrement vrai pour l’association de l’assuré, du médecin traitant dans le cas des conditions médicales ou du partenaire chargé de l’exécution dans celui des mesures de réadaptation. Quelques offices AI fixent parfois des conditions visant à réduire le dommage avant même d’accorder une prestation à un assuré, d’autres l’excluent explicitement.
  • Mesures visant à assurer la qualité, en particulier lors de l’estimation de l’exigibilité raisonnable et de la proportionnalité : les quatre offices AI examinés appliquent une série de mesures pour assurer une bonne qualité du maniement de l’obligation de réduire les dommages. Il s’agit en particulier d’outils écrits d’aide à la décision, de formations spécifiques pour les collaborateurs ou de l’application du principe du double contrôle. Un (grand) office AI délègue les cas dans lesquels il en va de l’obligation de réduire les dommages à des spécialistes spécialement formés à cet effet.
  • Stratégies de « convaincre de l’assuré », en particulier dans la réadaptation : dans le domaine de la réadaptation, il existe plusieurs méthodes pour « convaincre » l’assuré de suivre une mesure visant à réduire le dommage. Mise en demeure et délai de réflexion n’ont tendance à être utilisés que si les moyens plus « doux » d’encourager la participation active à une mesure de réadaptation ont échoué. Il s’avère être un avantage d’associer au processus le partenaire chargé de l’exécution et le médecin traitant. Cette manière de faire a aussi prouvé son utilité dans le domaine des rentes dans l’un des quatre offices AI examinés.
  • Contrôle adapté du respect des conditions : il est possible d’adapter au cas par cas la souplesse ou la sévérité du contrôle de l’observation d’une condition lorsqu’on a bien observé le comportement passé de l’assuré et qu’on sait précisément ce dont il souffre. Trouver le bon équilibre entre confiance et contrôle est un facteur important pour le succès de la réduction du dommage. Les formes de contrôle appliquées dépendent largement de la nature de la condition. Le contrôle a tendance à être étroit dans le cas de conditions liées à l’abstinence (alcool ou drogues illégales), il est plus limité dans le cas des traitements psychiatriques ou psychologiques.

 

Effets

  • Les assurés comprennent les conditions, mais sont parfois surpris : le sondage des assurés montre qu’une grande majorité d’entre eux comprend en principe les termes de la condition. Un quart des personnes interrogées ont toutefois été surprises de se voir imposer une condition visant à réduire le dommage. Plus de la moitié des personnes interrogées se sont senties mises sous pression. Elles ont en effet un avis partagé sur le délai fixé par l’office AI pour l’observation de la condition.
  • Les conditions sont respectées par la moitié des assurés : l’analyse des dossiers a abouti au résultat que les conditions visant à réduire le dommage ont été respectées dans environ la moitié des cas examinés, même s’il existe des différences considérables entre le domaine de la réadaptation et le domaine des rentes. Dans le domaine de la réadaptation, les conditions sont plus ou moins observées dans quelque 57% des cas en moyenne. Dans le domaine des rentes, elles le sont bien plus, avec environ les trois quarts des cas, plus ou moins intensément là aussi.

Dans l’ensemble, les offices AI ont pris des sanctions pour environ les trois quarts des assurés qui ne respectaient pas ou que partiellement une condition. Dans le domaine de la réadaptation, 81% des personnes dans ce cas ont été sanctionnées, elles ont été 57% dans le domaine des rentes. Six assurés ont fait recours contre la sanction décidée. Seul l’un d’entre eux a obtenu gain de cause.

  • Les conditions sont surtout efficaces dans le domaine de la réadaptation : l’analyse des dossiers a montré que l’observation de la condition déploie surtout des effets dans le domaine de la réadaptation. Plus de la moitié des personnes (57%) ayant respecté tout ou partie de la condition qui leur était imposée ont poursuivi leur formation ou l’ont terminée. Dans le domaine des rentes, par contre, on a constaté une réduction du degré d’invalidité chez seulement 12% des assurés.

Du point de vue des assurés interrogés par écrit, les effets des conditions sont plutôt faibles. Plus que deux cinquièmes d’entre eux sont d’avis que la condition n’a servi à rien. Ils indiquent en second lieu avoir vécu la condition comme une charge psychique. Il est aussi frappant de noter que les personnes interrogées évoquent plus souvent une dégradation qu’une amélioration de leur état de santé en raison de la condition.

 

Bilan

Les offices AI ne fixent des conditions visant à réduire le dommage que dans de rares cas. L’application de cet instrument est exigeante, mais les offices AI parviennent tout à fait à y recourir efficacement. Il existe des différences notables entre les offices AI dans la fréquence, la manière de mettre en œuvre et les effets des conditions. La comparaison entre le domaine de la réadaptation et celui des rentes montre que si le but des conditions varie, leur mise en œuvre et leurs effets diffèrent tout autant.

  • Dans le domaine de la réadaptation, la réduction des dommages vise une participation active, motivée, aux mesures de réadaptation qui ont été prises. Bien connaitre l’assuré permet d’adapter le degré de son association et du contrôle quand il en va d’obtenir le comportement exigé. L’office AI n’a tendance à recourir à la mise en demeure et au délai de réflexion, avec condition formelle, que lorsque les stratégies plus « douces » n’ont pas permis d’obtenir le comportement visé. En comparaison, la condition n’est alors que rarement observée. Lorsqu’elle l’est, il assez probable que l’assuré poursuivra la mesure de réadaptation, voir la mènera jusqu’à son terme.
  • Dans le domaine des rentes, les conditions telles que, de manière typique, un traitement psychiatrique ou psychologique, visent un meilleur état de santé et un degré d’invalidité plus faible de l’assuré. Les tentatives faites auparavant pour fidéliser ce dernier à la mesure envisagée sont rares et le contrôle de la mise en œuvre plutôt faible ; le SMR ou l’office AI fait parfois appel au médecin traitant. Il est certes relativement fréquent que les assurés respectent les conditions, mais l’amélioration espérée par l’office AI se produit beaucoup plus rarement que dans le cas des conditions imposées lors de mesures de réadaptation.

Les données réunies au sujet des conditions, dans le cadre de ce projet de recherche, pourront peut-être servir dans quelques années pour mesurer les effets à long terme de la perception de prestations et de la participation au marché de l’emploi. Les différences d’application existant entre les cantons sont considérables et évoluent avec le temps. Le fait qu’une partie des conditions ne peut être identifiée, parce qu’elles sont imposées avant même qu’une prestation ne soit accordée, tend à indiquer qu’une saisie uniforme des conditions simplifierait les futures analyses faites dans ce domaine.

 

 

Rapport « Auflagen zur Leistungsgewährung im Rahmen der Schadenminderungspflicht der Invalidenversicherung »  disponible ici (en allemand avec des résumés en français, italien et anglais)

 

 

LAA et AI : Couverture des coûts des prestations pendant la pandémie COVID-19

LAA et AI : Couverture des coûts des prestations pendant la pandémie COVID-19

 

Information du Service central des tarifs médicaux SCTM consultable ici

 

La CTM et le SCTM ont reçu des demandes relatives à la prise en charge des coûts par l’assurance accident obligatoire pour les prestations ambulatoires et hospitalières. Afin de clarifier le plus rapidement possible les questions ouvertes, la SCTM participe à des groupes de travail hebdomadaires avec l’OFSP et les deux associations d’assureurs-maladie (santésuisse et curafutura).

Les fiches d’information ci-jointes contiennent une liste des options de facturation des consultations téléphoniques qui s’appliquent actuellement aux groupes de fournisseurs de prestations concernés.

Les recommandations de l’OFSP et du CTM décrivent également des solutions temporaires pour la facturation des consultations à distance au lieu des consultations au cabinet ou au domicile du patient.

La fiche d’information de l’OFSP « Prise en charge des coûts des traitements stationnaires dans le cadre de la pandémie COVID-19 » réglemente le remboursement des prestations stationnaires pour les cas COVID-19 fournies dans les hôpitaux de soins aigus, les cliniques de réadaptation et les maisons de repos. Les cas de COVID-19 dans les hôpitaux de soins aigus sont facturés selon SwissDRG. Les cliniques de réadaptation et les maisons de repos sont soumises à une taxe spécifique.

En coordination avec l’OFAS et l’AI, une fiche d’information pour le remboursement des moyens auxiliaires a été élaborée.

Les recommandations de l’OFSP et de la CTM ont pour but de garantir une pratique uniforme dans toute la Suisse.

Les écarts tarifaires spécifiques par rapport aux tarifs de la CTM sont indiqués séparément.

 

 

Information du Service central des tarifs médicaux SCTM consultable ici

Fiche d’information du SCTM pour les prestations médicales ambulatoires pendant la pandémie COVID-19 (uniquement en allemand) disponible ici

Fiche d’information pour les prestations paramédicales ambulatoires pendant la pandémie COVID-19 (uniquement en allemand) disponible ici

Fiche d’information pour les moyens auxiliaires pendant la pandémie COVID-19 (uniquement en allemand) disponible ici

Fiche d’information de l’OFSP « Prise en charge des coûts des traitements stationnaires dans le cadre de la pandémie COVID-19 » (en français) disponible ici

 

 

9C_537/2019 (f) du 25.02.2020 – Revenu d’invalide selon ESS – 16 LPGA / Abattement de 15% pour une atteinte au membre supérieur droit et une capacité de travail de 60% (baisse de rendement de 40% sur un 100%)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_537/2019 (f) du 25.02.2020

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide selon ESS / 16 LPGA

Abattement de 15% pour une atteinte au membre supérieur droit et une capacité de travail de 60% (baisse de rendement de 40% sur un 100%)

 

Assurée, née en 1960, a travaillé en dernier lieu en qualité de tenancière d’une épicerie tea-room.

Dans le contexte d’une demande de prestations de l’assurance-invalidité (déposée le 28.02.2012), l’office AI a été enjoint de se prononcer à nouveau sur le droit à la rente en fonction d’une capacité résiduelle de travail de 60% dans une activité adaptée, fondée sur les conclusions du professeur B.__ et de la doctoresse C.__ (arrêt du Tribunal fédéral du 23 janvier 2017 [9C_422/2016]). Les deux spécialistes en neurologie avaient posé le diagnostic de tremblement psychogène et de trouble moteur dissociatif, concluant à une limitation du rendement en raison de l’impotence fonctionnelle du membre supérieur droit. Par décision, l’office AI a alloué à l’assurée un quart de rente d’invalidité à partir du 01.01.2013, fondé sur un taux d’invalidité de 47%. En bref, il a notamment pris en considération dans la comparaison des revenus déterminants un abattement de 10% sur le revenu d’invalide en raison de l’âge de l’assurée et du fait que seules des activités légères restaient possibles.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/556/2019 – consultable ici)

En ce qui concerne l’abattement sur le salaire statistique, les juges cantonaux se sont référés à la casuistique du Tribunal fédéral relative aux déductions pratiquées pour des assurés qui ont une main partiellement ou complètement non fonctionnelle. Ils ont admis que la déduction de 10% retenue par l’office AI était inférieure à la quotité généralement admise pour ce motif, de sorte qu’elle s’avérait problématique pour des questions d’égalité de traitement entre assurés. A cela, il fallait tenir compte de l’âge de l’assurée, également susceptible de réduire son revenu d’invalide. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, la déduction de 10% apparaissait insuffisante, tandis qu’un abattement de 15% était plus approprié.

Par jugement du 06.06.2019, admission du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assurée à une demi-rente d’invalidité dès le 01.01.2013. La cour cantonale a considéré que l’abattement sur le salaire statistique devait être fixé à 15%, ce qui entraînait un taux d’invalidité de 50%.

 

TF

En ce qui concerne la fixation du revenu d’invalide (cf. art. 16 LPGA) sur la base des statistiques salariales, il est notoire, selon la jurisprudence, que les personnes atteintes dans leur santé, qui présentent des limitations même pour accomplir des activités légères, sont désavantagées sur le plan de la rémunération par rapport aux travailleurs jouissant d’une pleine capacité de travail et pouvant être engagés comme tels; ces personnes doivent généralement compter sur des salaires inférieurs à la moyenne (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb p. 323). La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent par conséquent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité, autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79).

Le point de savoir s’il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou à d’autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral; en revanche, l’étendue de l’abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si celle-ci a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci, notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399; 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).

 

L’assurée présente une capacité de travail de 60% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles du membre supérieur droit. Le professeur B.__ a indiqué que la main droite, malgré le tremblement, était encore utilisable en appui à la gauche, que les travaux de précision et les gestes fins étaient impossibles, que le port d’objets de plus de 5 kg était à proscrire, et que l’écriture restait possible, bien que difficile. Or ce sont précisément ces limitations qui ont justifié aux yeux des experts la diminution de la capacité de travail à 60%, la baisse de rendement de 40% étant due aux stratégies que l’assurée devait mettre en place pour fonctionner en utilisant « ce qu’il reste de son bras et sa main droite » dans un milieu professionnel.

Il n’y a pas lieu dans le cadre de l’abattement sur le revenu d’invalide de tenir compte une seconde fois de limitations qui ont été prises en considération lors de l’évaluation de la capacité de l’assurée sous l’angle médical (voir par ex. arrêts 9C_273/2019 du 18 juillet 2019 consid. 6.1 et 9C_847/2018 du 2 avril 2019 consid. 6.2.3).

Ce nonobstant, la juridiction cantonale n’a pas violé le droit ni abusé ou excédé de son pouvoir d’appréciation en fixant à 15% l’abattement sur le revenu d’invalide. En effet, au regard des activités citées par les experts neurologues puis l’office AI, il apparaît que le spectre des activités légères adaptées pouvant entrer en considération dans le cas d’espèce est fortement réduit. On ne voit ainsi pas que les activités de « patrouilleuse » scolaire ou surveillante scolaire soient exigibles d’une assurée dont le bras droit est atteint de tremblements pratiquement constants, au regard de la responsabilité inhérente aux postes cités. A l’inverse par ailleurs de ce que prétend l’office AI, l’égalité de traitement fait partie des principes de droit constitutionnel qui régissent l’activité de l’administration et des autorités judiciaires, de sorte qu’on ne saurait reprocher aux juges cantonaux d’avoir pris en considération la pratique du Tribunal fédéral concernant la déduction sur le salaire statistique dans le cas de personnes assurées privées partiellement ou complètement de l’usage d’un membre supérieur (cf. arrêt 8C_58/2018 du 7 août 2018 consid. 5.3 et les arrêts cités).

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_537/2019 consultable ici

 

 

9C_546/2019 (f) du 13.01.2020 – Responsabilité de l’employeur – Comportement fautif de l’employeur – Négligence grave / 52 LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_546/2019 (f) du 13.01.2020

 

Consultable ici

 

Responsabilité de l’employeur – Comportement fautif de l’employeur – Négligence grave / 52 LAVS

 

B.__ Sàrl (ci-après : la société), inscrite au registre du commerce de Genève en novembre 2008, a été dissoute par suite de faillite prononcée par jugement du 24.08.2017 et radiée du registre du commerce en janvier 2018. A.__ en était l’associée gérante, avec signature individuelle.

Par décision, confirmée sur opposition, la caisse de compensation a réclamé à A.__, en sa qualité d’associée gérante de la société, la somme de 107’882 fr. 96 à titre de réparation pour le dommage subi à la suite du non-paiement de cotisations sociales entre le 01.01.2016 et le 30.11.2016.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/570/2019 – consultable ici)

Par jugement du 25.06.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon la jurisprudence, commet notamment une faute ou une négligence grave au sens de l’art. 52 al. 1 LAVS, l’employeur qui verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlent de par la loi ne sont pas couvertes (cf. arrêts 9C_848/2018 du 21 janvier 2019 consid. 4.2; 9C_713/2013 du 30 mai 2014 consid. 4.2.3 et les références). En conséquence, si les ressources financières de la société ne lui permettaient pas de payer les cotisations paritaires dans leur intégralité, il eût appartenu à l’employeur – soit à A.__ en sa qualité d’associée gérante de la société – de ne verser que les salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlaient de par la loi pouvaient être couvertes.

 

Selon la jurisprudence, il existe certains motifs de nature à justifier ou à excuser le comportement fautif de l’employeur au sens de l’art. 52 LAVS (ATF 108 V 183 consid. 1b p. 186; arrêts H 28/88 du 21 août 1985 consid. 2, in RCC 1985 p. 603 et H 8/85 du 30 mai 1985 consid. 3a, in RCC 1985 p. 647). Cependant, s’il peut arriver qu’un employeur parvienne à maintenir son entreprise en vie, par exemple lors d’une passe délicate dans la trésorerie, en retardant le paiement de cotisations, il faut encore, pour qu’un tel comportement ne tombe pas ultérieurement sous le coup de l’art. 52 LAVS, que l’on puisse admettre que celui-ci avait, au moment où il a pris sa décision, des raisons sérieuses et objectives de penser qu’il pourrait s’acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable (ATF 108 V 183 consid. 2 p. 188, confirmé dans ATF 121 V 243; cf. aussi arrêt 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1). En l’occurrence, ces conditions ne sont pas remplies.

Le fait d’avoir procédé à des restructurations, en réduisant le nombre d’employés de 31 en début 2015 à 19 en 2016, ne constitue pas un motif d’exculpation suffisant. Si ces démarches étaient susceptibles de conduire à l’assainissement de la société, il n’en demeure pas moins, au vu de l’importance du retard accumulé par la société dans le versement des cotisations sociales, qu’elles ne constituent pas des éléments suffisamment concrets et objectifs pour admettre que la situation économique de la société allait se stabiliser dans un laps de temps déterminé. L’associée gérante ne prétend par ailleurs pas qu’au moment où elle a pris la décision de retarder le paiement des cotisations sociales dues, elle avait des raisons sérieuses et objectives de penser qu’elle pourrait s’acquitter de celles-ci dans un délai raisonnable. Les difficultés financières rencontrées par la société n’étaient du reste pas passagères, dès lors qu’il ressort des constatations cantonales que B.__ Sàrl a fait l’objet de divers rappels, sommations et poursuites s’agissant du paiement des cotisations sociales depuis 2012.

En conséquence, il n’y a pas lieu de s’écarter des conclusions des juges cantonaux selon lesquelles, en laissant en souffrance, pendant plus d’une année, les créances de la caisse de compensation, A.__ a commis une négligence qui doit, sous l’angle de l’art. 52 LAVS, être qualifiée de grave.

 

Le TF rejette le recours de l’employeur.

 

 

Arrêt 9C_546/2019 consultable ici

 

 

1C_470/2019 (f) du 31.01.2020 – Retrait du permis de conduire – Faute moyennement grave – 16b LCR / Méconnaissance de la langue allemande (alléguée lors du recours au TF) non retenue

Arrêt du Tribunal fédéral 1C_470/2019 (f) du 31.01.2020

 

Consultable ici

 

Retrait du permis de conduire – Faute moyennement grave / 16b LCR

Méconnaissance de la langue allemande (alléguée lors du recours au TF) non retenue

 

Le 14.05.2018, à Berne, non loin du centre commercial Westside, A.__ a été impliqué dans un accident de la circulation, la voiture qu’il conduisait étant entrée en collision, après qu’il avait tenté une manœuvre de dépassement, avec la voiture qui le précédait.

Par ordonnance pénale du 01.06.2018, le ministère public l’a condamné pour violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR), en relation avec les art. 34 al. 3 et 4 et 35 al. 2 et 3 LCR et l’art. 10 al. 1 OCR, à une amende de 300 francs. Aucune opposition n’a été formée contre cette ordonnance pénale.

Le 13.06.2018, l’Office de la circulation routière et de la navigation (OCRN) a informé A.__ de l’ouverture d’une procédure administrative à la suite de l’infraction commise le 14.05.2018. L’intéressé a pris position le 25.06.2018.

Par décision, l’OCRN a ordonné le retrait du permis de conduire de A.__ pour une durée d’un mois en raison d’une infraction moyennement grave aux règles de la circulation routière.

 

Procédure cantonale

Par arrêt du 21.11.2018, la Commission de recours du canton de Berne contre les mesures LCR a rejeté le recours formé par A.__ contre la décision.

 

TF

A ses art. 16a à 16c, la LCR distingue les infractions légères, moyennement graves et graves. Selon l’art. 16a al. 1 LCR, commet une infraction légère la personne qui, en violant les règles de la circulation routière, met légèrement en danger la sécurité d’autrui et à laquelle seule une faute bénigne peut être imputée. Commet en revanche une infraction grave selon l’art. 16c al. 1 let. a LCR la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation routière, met sérieusement en danger la sécurité d’autrui ou en prend le risque. Entre ces deux extrêmes, se trouve l’infraction moyennement grave, soit celle que commet la personne qui, en violant les règles de la circulation routière, crée un danger pour la sécurité d’autrui ou en prend le risque (art. 16b al. 1 let. a LCR). Le législateur conçoit cette dernière disposition comme l’élément dit de regroupement: elle n’est ainsi pas applicable aux infractions qui tombent sous le coup des art. 16a al. 1 let. a et 16c al. 1 let. a LCR. Dès lors, l’infraction est toujours considérée comme moyennement grave lorsque tous les éléments constitutifs qui permettent de la privilégier comme légère ou au contraire de la qualifier de grave ne sont pas réunis. Tel est par exemple le cas lorsque la faute est grave et la mise en danger bénigne ou, inversement, si la faute est légère et la mise en danger grave (ATF 136 II 447 consid. 3.2 p. 452).

En principe, l’autorité administrative statuant sur un retrait du permis de conduire ne peut pas s’écarter des constatations de fait d’un jugement pénal entré en force. La sécurité du droit commande en effet d’éviter que l’indépendance du juge pénal et du juge administratif ne conduise à des jugements opposés, rendus sur la base des mêmes faits (ATF 137 I 363 consid. 2.3.2 p. 368 et les références). L’autorité administrative ne peut s’écarter du jugement pénal que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou qui n’ont pas été prises en considération par celui-ci, s’il existe des preuves nouvelles dont l’appréciation conduit à un autre résultat, si l’appréciation à laquelle s’est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si le juge pénal n’a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (ATF 139 II 95 consid. 3.2 p. 101 s. et les références). Cela vaut non seulement lorsque le jugement pénal a été rendu au terme d’une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés, mais également, à certaines conditions, lorsque la décision a été rendue à l’issue d’une procédure sommaire, même si la décision pénale se fonde uniquement sur le rapport de police. Il en va notamment ainsi lorsque la personne impliquée savait ou aurait dû prévoir, en raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés, qu’il y aurait également une procédure de retrait de permis. Dans cette situation, la personne impliquée est tenue, en vertu des règles de la bonne foi, de faire valoir ses moyens dans le cadre de la procédure pénale, le cas échéant en épuisant les voies de recours à sa disposition. Elle ne peut pas attendre la procédure administrative pour exposer ses arguments (ATF 123 II 97 consid. 3c/aa p. 104; 121 II 214 consid. 3a p. 217 s.).

 

Se référant à l’ordonnance pénale du 01.06.2018, rédigée en allemand, la cour cantonale a retenu qu’en date du 14.05.2018, vers 19h35, A.__ avait alors entamé une manœuvre de dépassement du véhicule qui le précédait et avait déboité à gauche. Alors qu’il s’était aperçu qu’un véhicule arrivait en sens inverse, il s’était rabattu à droite et, ce faisant, était entré en collision avec le véhicule circulant devant lui.

A.__ ne démontre pas avoir invoqué un grief tiré d’une méconnaissance de la langue allemande lors de la procédure cantonale de recours. Il ne soutient pas, du reste, que l’autorité précédente aurait commis un déni de justice en ne l’examinant pas. En procédant de la sorte, A.__ agit d’une manière contraire à la bonne foi en procédure qui interdit de saisir les juridictions supérieures d’un éventuel vice qui aurait pu être invoqué dans une phase antérieure du procès (cf. ATF 143 IV 397 consid. 3.4.2 p. 406; ATF 143 V 66 consid. 4.3 p. 69; ATF 135 III 334 consid. 2.2 p. 336).

A.__ s’est abstenu, durant la procédure pénale, de toute critique quant à des difficultés liées à la langue utilisée par les policiers qui l’ont interrogé à la suite des faits du 14.05.2018, aucun élément ne permettant par ailleurs de déduire que le rapport de police puisse constituer une preuve absolument inexploitable. Il ressort ainsi de ce rapport, rédigé certes en allemand, que le recourant avait été interrogé en français (cf. page de garde: « Verhandlungssprache: Französisch ») et qu’il avait été informé de ses droits de prévenu (cf. procès-verbal du recourant, « Aussagen der befragten Person nach Belehrung gem. BBK für BP [Beschuldigte] »), alors que le rapport ne faisait pas état de réserves quant à des problèmes de compréhension, que ce soit de la part de A.__ ou des policiers. Du reste, il apparaît que les déclarations consignées lors de l’interrogatoire de A.__, qui avait duré plus de 30 minutes, correspondaient à la version présentée ultérieurement par A.__ dans sa prise de position du 25.06.2018 adressée à l’OCRN, à savoir que sa manœuvre de dépassement avait dû être avortée en raison d’un véhicule venant en sens inverse, qui roulait à une vitesse inadaptée.

D’autres éléments sont par ailleurs propres à illustrer que A.__, qui a allégué exercer la profession de juriste, avait bien compris les termes contenus dans l’ordonnance pénale et les conséquences sur la procédure administrative d’une absence d’opposition dans le délai légal. Il ressort en effet du dossier cantonal, en particulier de la prise de position précitée du 25.06.2018, qu’il avait été informé, en français, de l’ouverture d’une procédure administrative en date du 15.06.2018. Dans ses déterminations, alors qu’il avait allégué que l’ordonnance pénale du 01.06.2018 lui avait été notifiée le 13.06.2018 et que le délai d’opposition courait partant jusqu’au 25.06.2018, il avait indiqué ne pas s’être opposé à l’ordonnance pénale précitée « d’une part puisque les frais d’une procédure seraient exagérés en regard à l’amende, et d’autre part, parce [qu’il n’avait] aucune nouvelle de la police concernant la voiture responsable de l’accident, soit le véhicule inconnu qui roulait à une vitesse totalement inadaptée et imprévisible », de sorte « [qu’il] ne dispos[ait] pas de preuves suffisantes du déroulement de l’événement pour [se] disculper totalement ». Au reste, alors qu’il alléguait dans cette écriture « [ne pas avoir] mandaté de représentant judiciaire (avocat), ni annoncé le sinistre à l’assurance de protection juridique », A.__ – ressortissant suisse alors domicilié à Wohlen bei Bern (Hinterkappelen), soit une commune du canton de Berne dont l’allemand est la seule langue officielle – faisait référence à « une excellente contribution de Christophe A. Herzig, sous le titre Abgrenzung zwischen einfacher und grober Verkehrsregelverletzung, parue dans Strassenverkehr 2/2016 ».

Pour le surplus, on ne voit pas que la cour cantonale aurait versé dans l’arbitraire en omettant de prendre en considération une méconnaissance du recourant de la langue allemande, qui l’aurait empêché de faire valoir ses droits dans la suite de la procédure pénale. Les différents éléments évoqués ci-dessus tendent au contraire à conforter le sentiment que le grief est invoqué au mépris des règles de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.).

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

 

Arrêt 1C_470/2019 consultable ici