Archives de catégorie : Jurisprudence

8C_109/2018 (d) du 08.11.2018 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Obligation de réduire le dommage – Exigibilité / Revenu d’invalide effectif vs Revenu d’invalide selon ESS

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_109/2018 (d) du 08.11.2018

 

NB : Traduction personnelle ; seul le texte de l’arrêt fait foi.

Consultable ici

 

Revenu d’invalide / 16 LPGA

Obligation de réduire le dommage – Exigibilité

Revenu d’invalide effectif vs Revenu d’invalide selon ESS

 

Assuré, né en 1951, travaillant comme chef de cuisine depuis le 01.07.1997 au restaurant B.__, est tombé en travaillant le 28.06.2011. Il a notamment souffert d’une rupture de la coiffe des rotateurs droite. Par décision du 16.02.2016, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis fin aux indemnités journalières et aux frais médicaux avec effet rétroactif au 01.03.2012, octroyé une IPAI de 20% et refusé le droit à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale

Sur la d’une expertise réalisée par un spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, bien que la capacité exigible de travail dans l’activité habituelle de cuisinier soit de 50%, une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée à l’état de santé de l’assuré est exigible. L’assuré peut travailler dans une activité physiquement légère à moyennement lourde, effectuée en position assise ou debout, permettant le port de charges jusqu’à 10 kg avec un bras et avec des activités occasionnelles au-dessus de la tête.

Étant donné que l’assuré a été de nouveau employé par son ancien employeur, le restaurant B.__ de la mi-janvier 2012 à la fin mars 2012, puis par une boulangerie en tant que vendeur de mai 2012 à février 2013 et derechef employé par le restaurant B.__ dès décembre 2013 – en fait, seulement 50 % de sa charge de travail tout au long de la période –, il n’a pas pleinement mis à profit sa capacité de travail restante. L’assurance-accidents était ainsi autorisé à déterminer le revenu d’invalide sur la base des ESS, les conditions pour la prise en compte des revenus effectifs n’étant pas remplies.

Par jugement du 24.11.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. La prise en compte du revenu effectivement réalisé est toutefois subordonnée à certaines conditions cumulatives, à savoir : des rapports de travail particulièrement stables, une activité mettant pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et le gain obtenu correspondant au travail effectivement fourni et ne contenant pas d’éléments de salaire social. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible –, le revenu d’invalide peut être évalué soit sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’ESS, soit sur la base des DPT (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301 ; arrêt 8C_749/2013 du 6 mars 2014 consid. 4.1).

Pour déterminer le revenu d’invalide, le revenu réel sert de base si, entre autres, l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que l’assuré utilise pleinement sa capacité de travail restante. Ce n’est pas le cas si, sur le marché équilibré du travail, il pourrait gagner un salaire plus élevé que celui qu’il reçoit réellement. Sur ce marché du travail hypothétique, un changement d’emploi est également exigible s’il est très difficile, voire impossible, pour l’assuré de trouver un emploi correspondant, en raison des conditions économiques du marché du travail réel. La prise en compte de ce revenu hypothétique plus élevé se fonde moins sur l’obligation de réduire le dommage que sur le fait que l’assurance-accidents ne doit compenser que la perte de salaire causée par l’atteinte à la santé en lien avec l’accident (SVR 2017 UV n° 45 p. 155, 8C_13/2017 consid. 3.3). Lors de l’évaluation de l’invalidité, l’assuré doit tenir compte, comme revenu d’invalide, le salaire qu’il pourrait gagner sur le marché général du travail dans un poste exigible ; même s’il s’abstient de changer de profession ou d’emploi en raison de perspectives favorables au poste qu’il a eu jusqu’à présent, il ne peut pas s’attendre à ce que l’assurance-accidents indemnise la perte de salaire en raison de la renonciation à un revenu raisonnablement exigible (arrêt 8C_475/2017 du 5 décembre 2017 consid. 6.1).

Selon le Tribunal fédéral, il ne peut être donner suite aux griefs de l’assuré. Dans la mesure où il souhaite baser le calcul du taux d’invalidité sur les revenus actuels de son emploi de cuisinier (sous-chef) à 50%, il néglige le fait qu’il n’épuise pas sa capacité de travail restante. En effet, dans un emploi adapté à son état de santé, il pourrait travailler à 100% et obtenir des revenus qui ne lui donneraient pas droit à une rente. Aucune réadaptation n’étant nécessaire à cette fin, l’assurance-accidents a déterminé le revenu d’invalide sur la base du tableau TA1 de l’ESS 2012 (Total, hommes, niveau de compétence 1). Les activités selon le niveau de compétences 1 ne requièrent ni formation, ni expérience professionnelle spécifique. Ainsi, lors de la détermination du revenu d’invalide, ce revenu hypothétiquement plus élevé doit être pris en compte, ce d’autant plus qu’on pouvait raisonnablement attendre de l’assuré à ce qu’il change d’emploi. En ce qui concerne l’exigibilité définie par le médecin, il est également clair qu’un large éventail de possibilités d’emploi est encore ouvert à l’assuré sur le marché du travail équilibré.

Par ailleurs, l’assuré ne peut pas tirer profit du fait qu’il perçoit une rente de l’AI (et de la LPP) sur la base d’un taux d’invalidité de 50%. Comme l’a rappelé la juridiction cantonale, l’évaluation de l’invalidité par les organes de l’assurance-invalidité n’a pas de force contraignante pour l’assureur-accidents (ATF 131 V 362 consid. 2.2 p. 366 s). En revanche, les offices AI et les assureurs-accidents doivent évaluer l’invalidité de manière indépendante dans chaque cas individuel (ATF 133 V 549 consid. 6.1 p. 553). Par ailleurs, les rentes de l’AI et de la LPP ne peuvent pas être additionnées avec le revenu actuel provenant de l’activité en tant que sous-chef à 50% pour la détermination du revenu d’invalide.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_109/2018 consultable ici

 

 

9C_479/2018 (d) du 22.02.2019 – Revenu d’invalide effectif vs Revenu d’invalide selon ESS – 16 LPGA / Différence de salaire d’un peu moins de CHF 700 entre le revenu effectif et le revenu selon ESS ne suffit pas pour conclure que la capacité de travail n’est pas utilisée de manière optimale

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_479/2018 (d) du 22.02.2019

 

NB : Traduction personnelle ; seul le texte de l’arrêt fait foi.

Consultable ici

 

Revenu d’invalide effectif vs Revenu d’invalide selon ESS / 16 LPGA

Différence de salaire d’un peu moins de CHF 700 entre le revenu effectif et le revenu selon ESS ne suffit pas pour conclure que la capacité de travail n’est pas utilisée de manière optimale

 

Assurée, née en 1968, a adressé une demande AI en avril 2014 (statut mixte 80%-20% [comme ménagère]). Précédemment, l’office AI avait refusé le droit à une rente d’invalidité (décision du 25.01.2011). L’administration a mis en œuvre une expertise psychiatrique, concluant à une capacité de travail de 60% dans une activité adaptée. L’assurée a été placée chez C.__ et D.__ dans le cadre d’un stage. Dès le 01.01.2017, elle a pu travailler en tant qu’employée à 30 % chacun. L’office AI a déterminé un degré d’invalidité total de 39% en utilisant la méthode mixte et a rejeté la demande de prestations.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a constaté que l’assurée a perçu un revenu brut total de CHF 28’354,00 de son emploi à temps partiel de 30% chez C.__ et D.__ (janvier à octobre 2017), calculé sur l’ensemble de l’année 2017. En revanche, le revenu d’invalidité selon l’ESS, en tenant compte de la capacité de travail exigible de 60% s’élève à CHF 32’275.80 ; avec un abattement de 10%, cela donnerait un minimum de CHF 29’048.20. Comme le revenu effectivement perçu est inférieur au revenu statistique, il faut supposer que l’assurée n’utilise pas de manière optimale sa capacité de travail. Sur cette base, le tribunal cantonal a déterminé le revenu d’invalide sur la base de l’ESS.

Par jugement du 06.06.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. La prise en compte du revenu effectivement réalisé est toutefois subordonnée à certaines conditions cumulatives, à savoir : des rapports de travail particulièrement stables, une activité mettant pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et le gain obtenu correspondant au travail effectivement fourni et ne contenant pas d’éléments de salaire social. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible –, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 p. 296 ; 139 V 592 consid. 2.3 p. 593 s.).

Au vu des diagnostics retenus (phobie sociale [F40.1] ; trouble de la personnalité combiné avec des traits de personnalité schizoïdes, impulsifs et narcissiques [F60.0] ; Trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger [F33.0]), l’expert psychiatre que l’assurée ne devait pas être exposée à la pression de la performance et de la prestation et ne devrait pas travailler par roulement/par équipe [« Schichtarbeit »]. En raison de la phase dépressive matinale et des troubles du sommeil bien connus, il faut lui donner la possibilité de commencer le travail plus tard dans la matinée. Ces constatations doivent être complétées, dans la mesure où l’expert psychiatre a également souligné explicitement que les emplois encadrés par le Job Coach Placement représentaient des activités adaptées qui étaient appropriées à la psychopathologie en question. L’assurée aurait certainement des difficultés à être et à rester employée dans un autre domaine non adapté de l’économie libre. D’un point de vue médico-théorique, on ne pouvait pas s’attendre à une guérison compte tenu de l’évolution à long terme, de la maladie profonde [« tiefgreifenden »] et de la chronicisation du trouble ; le pronostic était défavorable et grave.

Par conséquent, il a été établi par un médecin que les deux activités spécifiquement exercées sont adaptées à l’assurée. En outre, les relations de travail sont stables, puisque l’assuré travaille déjà pour C.__ depuis mars 2010. Le fait qu’il existe une différence de salaire (relativement faible) d’un peu moins de CHF 700 entre le revenu effectivement gagné (CHF 28’354) et le revenu d’invalide déterminé selon l’ESS (CHF 29’048.20) ne suffit pas pour conclure que la capacité de travail n’est pas utilisée de manière optimale. En outre, il n’apparaît pas que le salaire annuel déterminé sur la base des fiches de salaire de janvier à octobre 2017 ne correspondrait pas travail effectivement fourni ou devrait être considéré comme un salaire social. Ainsi, la situation professionnelle concrète reste pertinente. Ainsi, le revenu d’invalide doit être déterminé sur la base des revenus effectivement obtenus.

 

Le TF admet le recours de l’assurée, annule le jugement cantonal et la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_479/2018 consultable ici

 

 

8C_13/2017 (d) du 21.06.2017 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Obligation de réduire le dommage – Exigibilité – Retraite anticipée en cas de maintien d’emploi vs Changement d’emploi exigible

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_13/2017 (d) du 21.06.2017

 

NB : Traduction personnelle ; seul le texte de l’arrêt fait foi.

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Revenu d’invalide / 16 LPGA

Obligation de réduire le dommage – Exigibilité – Retraite anticipée en cas de maintien d’emploi vs Changement d’emploi exigible

 

Assuré, né en 1958, maçon, a été victime d’une blessure à l’œil le 20.12.2012 causée par une blessure par balle lors de la chasse aux lapins au Portugal (blessure par balle pénétrante à droite). Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents octroie, en plus d’une IPAI de de 28%, une rente d’invalidité de 31% à compter du 01.05.2015.

 

Procédure cantonale

Selon l’exigibilité posée par l’ophtalmologue-conseil, l’assuré serait en mesure de travailler à 100% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. Néanmoins, malgré sa blessure à l’œil, il est resté employé comme maçon par son employeur précédent. Le tribunal cantonal n’a pas considéré comme exigible un changement d’emploi, adapté au handicap. La cour cantonale a ainsi retenu le salaire encore perçu dans son activité de maçon auprès de son employeur actuel comme revenu d’invalidité.

La cour cantonale inférieure a pris en considération la durée de l’emploi existant depuis 2007 et la volonté de l’employeur de continuer à employer l’assuré jusqu’à la retraite anticipée à l’âge de 60 ans. En raison de l’atteinte à la santé et de la réduction des performances qui en a résulté, la rémunération a été réduite en conséquence à 60% du salaire qui aurait été versé sans dite atteinte. Le tribunal cantonal a conclu qu’il fallait partir du principe qu’il s’agissait d’une relation de travail particulièrement stable et qu’aucun salaire social n’était versé. Dans un autre emploi, il ne s’attendait pas à une augmentation significative du revenu du travail pour la période d’activité restante de plus de trois ans jusqu’à la retraite anticipée. En ce qui concerne la possibilité de prendre une retraite anticipée et le soutien prévu à cet effet sous la forme d’une rente de transition, la cour cantonale a estimé qu’il n’était pas raisonnable d’abandonner l’activité antérieure au profit d’une activité adaptée, compte tenu des difficultés pour trouver un nouvel emploi en raison de l’invalidité existante.

Par jugement du 15.11.2016, admission du recours par le tribunal cantonal, portant le taux d’invalidité à 40%.

 

TF

Avant de requérir des prestations, entreprendre de son propre chef tout ce qu’on peut raisonnablement attendre d’elle pour atténuer le mieux possible les conséquences de son invalidité. C’est pourquoi un assuré n’a pas droit à une rente lorsqu’il serait en mesure, au besoin en changeant de profession, d’obtenir un revenu excluant une invalidité ouvrant droit à une rente. Le point de savoir si une mesure peut être exigée d’un assuré doit être examiné au regard de l’ensemble des circonstances objectives et subjectives du cas concret. Cela vaut également lorsqu’il s’agit de passer d’une activité rémunérée exercée depuis des années à un emploi sur le marché général du travail qui peut être plus approprié compte tenu des limitations fonctionnelles, ou même de renoncer à une activité exercée en tant qu’indépendant avec sa propre entreprise. Par circonstances subjectives, il faut entendre en premier lieu l’importance de la capacité résiduelle de travail ainsi que les facteurs personnels tels que l’âge, la situation professionnelle concrète ou encore l’attachement au lieu de domicile. Parmi les circonstances objectives doivent notamment être pris en compte l’existence d’un marché du travail équilibré et la durée prévisible des rapports de travail (SVR 2010 IV Nr. 11 S. 35, 9C_236/2009 consid. 4.1 et 4.3; 2007 IV Nr. 1 S. 1, arrêts I 750/04 du 5 avril 2006 consid. 5.3 ; 9C_834/2011 du 2 avril 2012 consid 2 et 8C_482/2010 du 27 septembre 2010 consid. 4.2).

Sur la base des salaires statistiques (ESS) et avec un abattement de 10% pour les troubles oculaires, l’assuré pourrait obtenir un revenu d’invalide de CHF 60’090 s’il exerçait une activité adaptée à son handicap. Comparé au revenu sans invalidité de CHF 86’550, le taux d’invalidité est de 31%. Si l’on prend le revenu d’invalide celui effectivement perçu dans l’activité de maçon, le degré d’invalidité est de 40%.

 

Le marché du travail équilibré offre un éventail d’emplois diversifiés, ce qui permet de trouver un emploi approprié même avec le handicap de l’assuré. Le fait que ce dernier ait – selon ses propres dires – toujours travaillé pendant 31 ans comme maçon et n’ait aucune formation professionnelle ne l’empêche pas de s’orienter vers une nouvelle profession et de procéder aux nécessaires recherches d’emploi. Les difficultés qui peuvent se présenter et qui peuvent entraîner certains inconvénients sont des circonstances qui ne rendent pas un tel changement inexigible. Ils doivent être acceptés dans le cadre de l’obligation de diminuer le dommage qui incombe à l’assuré ayant droit à des prestations d’assurance.

Le refus de l’assuré de changer de profession est compréhensible compte tenu de la possibilité d’une retraite anticipée à l’âge de 60 ans. Toutefois, l’assuré ne peut pas s’attendre à ce que l’assurance-accidents prenne en charge la baisse de salaire par le fait qu’il s’abstienne d’exercer une activité exigible. Cela conduirait à une situation inéquitable par rapport aux assurés qui n’ont pas la possibilité de prendre une retraite anticipée.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_13/2017 consultable ici

 

 

8C_475/2017 (d) du 05.12.2017 – Revenu d’invalide effectivement réalisé après mesures AI inférieur au revenu d’invalide exigible possible sur le marché du travail (salaire usuel de la branche) – 16 LPGA / Marché équilibré du travail – Obligation de réduire le dommage

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_475/2017 (d) du 05.12.2017

 

NB : Traduction personnelle ; seul le texte de l’arrêt fait foi.

Consultable ici

 

Revenu d’invalide effectivement réalisé après mesures AI inférieur au revenu d’invalide exigible possible sur le marché du travail (salaire usuel de la branche) / 16 LPGA

Marché équilibré du travail – Obligation de réduire le dommage

 

Assurée, née en 1964, employée de l’hôpital B.__ à partir du 01.04.2001, a annoncé le 04.11.2008 un problème avec un désinfectant, entraînant incapacité totale de travail dès le 29.09.2008. Le 23.11.2009, une décision d’inaptitude a été établie, déclarant l’assurée inapte à effectuer des travaux impliquant une exposition au désinfectant Terralin Protect avec effet rétroactif au 01.11.2009. L’AI a pris en charge un cours de base « Codage médical » et un cours pour débutants, que l’assurée a suivi avec succès. L’office AI a nié le droit à une rente d’invalidité. Le 15.09.2014, l’assurée est entrée en fonction chez C.__. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit à une indemnité pour changement d’occupation dès le 01.03.2014 ainsi qu’à une rente d’invalidité, mais a accordé une IPAI de CHF 9’450.

 

Procédure cantonale

Selon la cour cantonale, il faut tenir compte du revenu perçu dans l’accomplissement du travail actuel, car on peut supposer qu’il s’agit d’une relation de travail stable (emploi d’un an et demi) et que l’assurée met pleinement à profit sa capacité de travail restant ; il n’y a en outre pas d’indication à un salaire sociale. Pour la juridiction cantonale, le fait que le salaire effectif est inférieur au revenu exigible selon l’ESS et que l’assurée obtenir un revenu plus élevé auprès de son ancien employeur ou un autre emploi ne change rien. Étant donné qu’il n’est pas certain que l’assurée puisse actuellement augmenter son pensum à 100%, l’affaire doit être renvoyée à l’assurance-accidents afin qu’elle clarifie ce point et, s’il est possible d’augmenter le pensum, qu’elle prenne en compte le salaire actuel à 100% ; dans la négative, l’assurance-accidents doit déterminer le revenu pour une activité exercée à 30% conformément au tableau T17 de l’ESS et détermine ensuite le droit à la rente.

Par jugement du 17.05.2017, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition de l’assurance-accidents et renvoyant la cause pour instruction et pour déterminer le droit à la rente au sens des considérants.

 

TF

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée à condition, entre autres, que l’activité mette pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible. Ce n’est pas le cas si l’assuré pourrait gagner, sur le marché du travail équilibré, un revenu plus élevé que celui effectivement perçu. Sur ce marché du travail hypothétique, un changement d’emploi est également exigible s’il est très difficile, voire impossible, pour l’assuré de trouver un emploi correspondant, en raison des conditions économiques du marché du travail réel. La prise en compte de ce revenu hypothétique plus élevé se fonde moins sur l’obligation de réduire le dommage que sur le fait que l’assurance-accidents ne doit compenser que la perte de salaire causée par l’atteinte à la santé en lien avec l’accident (SVR 2012 UV Nr. 3 p. 9 consid. 2.3, 8C_237/2011 ; cf. aussi Ueli Kieser, ATSG-Kommentar, 3. Aufl. 2015, N. 52 zu Art. 16 ATSG).

La référence par la cour cantonale à l’arrêt 9C_721/2010 du 15 novembre 2010 (publié dans le SVR 2011 IV Nr. 37 p. 109) ne change pas cette situation juridique ; en effet, le consid. 4.1.2 précise que les revenus réels ne peuvent servir de base comme revenu d’invalide que s’ils sont habituels dans l’industrie. Il convient plutôt de rappeler le consid. 3.3 de l’arrêt 8C_13/2017 du 21 juin 2017, selon lequel l’assuré doit tenir compte, comme revenu d’invalide, le salaire qu’il pourrait gagner sur le marché général du travail dans un poste exigible lors de l’évaluation de l’invalidité ; même s’il s’abstient de changer de profession ou d’emploi en raison de perspectives favorables au poste qu’il a eu jusqu’à présent, il ne peut pas s’attendre à ce que l’assurance-accidents indemnise la perte de salaire en raison de la renonciation à un revenu raisonnablement exigible.

Dans son poste actuel exercé à plein temps, l’assuré obtiendrait un salaire de CHF 72’000. Des investigations de l’assurance-accidents auprès de l’ancien employeur (hôpital B.__), il ressort que l’assuré pourrait percevoir un salaire annuel de CHF 95’900 pour le travail qu’elle effectue, sur la base du salaire de départ d’un codeur médical de la tranche salariale 15 avec une fourchette de salaire de CHF 75’893 à CHF 109’276, compte tenu de son expérience professionnelle, ce qui correspond à près de 88% du maximum de la fourchette de salaire. D’autres précisions apportées par l’assurance-accidents ont confirmé ce montant. Par exemple, dans les hôpitaux bernois, la réglementation salariale prévoit une fourchette de salaire de CHF 68’935 à CHF 110’296 pour les femmes débutant comme codeuses médicales et le contrat collectif de travail de l’hôpital de Zoug prévoit une fourchette de salaire de CHF 74’061 à CHF 113’620 pour les femmes. Ainsi, compte tenu des nombreuses années d’expérience professionnelle des assurés dans le système de santé, on peut supposer que ces deux grands employeurs potentiels (comme l’hôpital B.__ et par conséquent les autres hôpitaux cantonaux du canton de Zurich) fixeront également des salaires du même ordre de grandeur. L’hôpital B.__ a indiqué le salaire réalisable précisément en connaissance des limitations fonctionnelles spécifiques.

A l’aune de ce qui précède, il existe un tel écart entre le salaire du poste actuel et le revenu que l’assuré pourrait obtenir sur le marché du travail équilibré compte tenu de sa formation et de sa longue expérience que l’on ne peut pas dire que ce dernier ait un salaire habituel dans le secteur. L’assurée ne fait pas un usage exigible de sa capacité de travail restante, de sorte que le salaire de son employeur actuel ne peut servir pas de base à la détermination du revenu d’invalide. La décision en première instance n’est pas conforme au droit fédéral à cet égard.

En l’espèce, la seule raison pour laquelle le revenu effectivement gagné n’est pas pris en compte est que l’assuré n’utilise pas pleinement sa capacité de travail restante, en ce sens qu’elle exerce l’activité raisonnablement exigible, mais dans un emploi où elle ne gagne pas un salaire usuel dans la branche, se contentant d’un revenu très inférieur. Dans ces circonstances, l’utilisation du salaire normal de la branche de CHF 95’900 tel que calculé par l’assurance-accident n’est pas contestable. En particulier, cela répond également au principe selon lequel le revenu d’invalide doit être déterminée de la manière la plus concrète possible.

Si l’on compare le revenu sans invalidité de CHF 103’887 avec le revenu d’invalide raisonnablement exigible de CHF 95’900, on obtient un degré d’invalidité de 7,7%. Sur la base des éléments obtenus dans les cantons de Berne ou de Zoug, le taux d’invalidité serait encore plus faible. L’assuré n’a pas droit à une rente d’invalidité, le seuil de 10% n’étant pas atteint.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents et annule le jugement cantonal.

 

 

Arrêt 8C_475/2017 consultable ici

 

 

8C_585/2019 (f) du 18.10.2019 – Délai-cadre d’indemnisation et délai-cadre de cotisation – 9 LACI – 27 LACI / Nombre maximum des indemnités journalières / Prestations volontaires versées par l’employeur – 11a LACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_585/2019 (f) du 18.10.2019

 

Consultable ici

 

Délai-cadre d’indemnisation et délai-cadre de cotisation / 9 LACI – 27 LACI

Date du début de la perte de travail à prendre en considération – Nombre maximum des indemnités journalières

Prestations volontaires versées par l’employeur couvrent la perte de revenu résultant de la résiliation des rapports de travail / 11a LACI

 

Assuré, né en 1960, licencié par son employeur par lettre du 21.02.2017 avec effet au 31.05.2017. Il lui a versé un montant total de 153’006 fr. à raison de 21’858 fr. mensuellement pendant 7 mois, soit jusqu’au 31.12.2017, conformément à la convention conclue le jour de la notification du congé intitulée « Separation Agreement ».

L’assuré s’est inscrit auprès de l’office régional de placement (ORP) le 19.12.2017 ; un délai-cadre d’indemnisation lui a été ouvert du 01.01.2018 au 31.12.2019. Le 08.01.2018, il a déposé une demande d’indemnités de chômage auprès de la caisse de chômage, dès le 01.01.2018. Par courrier du 23.03.2018, l’assuré, qui avait constaté que le nombre maximum d’indemnités journalières était fixé à 260, a demandé à la caisse de chômage de revoir sa position et d’ajuster son droit à 520 indemnités. Par décision, confirmée sur opposition, la caisse de chômage a maintenu le nombre d’indemnités journalières à 260, sur la base de 17 mois de cotisation (du 01.01.2016 au 31.05.2017).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/645/2019 – consultable ici)

La cour cantonale a considéré que la fin des rapports de travail entre l’assuré et l’employeur était intervenue le 31.05.2017. Quant à la nature des prestations versées par l’employeur après la résiliation des rapports de travail, jusqu’au 31.12.2017, elle a retenu qu’il s’agissait d’une indemnité de départ assimilable à une prestation volontaire de l’employeur au sens de l’art. 11a LACI. Cela étant, les juges cantonaux ont considéré que l’assuré avait subi une perte de travail entrant en considération pour la détermination du droit aux prestations de chômage le 01.06.2017 et qu’il aurait dû s’adresser à la caisse de chômage à cette date. Comme il s’était inscrit au chômage le 19.12.2017, c’était à juste titre qu’un délai-cadre d’indemnisation lui avait été ouvert dès le 01.01.2018. Ne pouvant pas justifier d’une période de cotisation de 22 mois au moins pendant le délai-cadre applicable à la période de cotisation (du 01.01.2016 au 31.12.2017), il ne pouvait pas prétendre à 520 indemnités journalières.

Par jugement du 08.07.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’art. 9 LACI prévoit que des délais-cadres de deux ans s’appliquent aux périodes d’indemnisation et de cotisation, sauf disposition contraire de la loi (al. 1) ; le délai-cadre applicable à la période de l’indemnisation commence à courir le premier jour où toutes les conditions dont dépend le droit à l’indemnité sont réunies (al. 2) ; le délai-cadre applicable à la période de cotisation commence à courir deux ans plus tôt (al. 3). Selon l’art. 27 al. 2 LACI, l’assuré a droit à 260 indemnités journalières au plus s’il justifie d’une période de cotisation de douze mois au total (let. a) ; 400 indemnités journalières au plus s’il justifie d’une période de cotisation de 18 mois au total (let. b) ; 520 indemnités journalières au plus s’il justifie d’une période de cotisation de 22 mois au moins et remplit au moins une des conditions suivantes : être âgé de 55 ans ou plus ou toucher une rente d’invalidité correspondant à un taux d’invalidité de 40% (let. c, ch. 1 et 2).

Aux termes de l’art. 8 al. 1 let. b LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il a subi une perte de travail à prendre en considération. La perte de travail n’est pas prise en considération tant que des prestations volontaires versées par l’employeur couvrent la perte de revenu résultant de la résiliation des rapports de travail (art. 11a al. 1 LACI). Ces prestations volontaires de l’employeur ne sont toutefois prises en compte que pour la part qui dépasse le montant maximum visé à l’art. 3 al. 2 LACI (art. 11a al. 2 LACI). Ce montant maximum est actuellement de 148’200 fr. (art. 3 al. 2 LACI en corrélation avec l’art. 22 al. 1 OLAA). Lorsqu’elles dépassent ce montant, les prestations volontaires repoussent donc dans le temps le délai-cadre d’indemnisation, ouvrant ainsi une période de carence (ATF 145 V 188 consid. 3.4).

 

En l’espèce, l’assuré se contente d’opposer sa propre appréciation à celle de la cour cantonale quant à la date de fin des rapports de travail, sans démontrer qu’en retenant celle du 31.05.2017, celle-ci aurait établi les faits de manière arbitraire. Pour le surplus, en tant qu’il invoque implicitement la violation du principe de la bonne foi et semble ainsi soutenir que le début du délai-cadre d’indemnisation devrait être fixé au 01.06.2017, il ne remet pas valablement en cause l’appréciation convaincante de la juridiction cantonale. Celle-ci a en effet considéré que l’assuré qui s’était uniquement fié au guide du chômeur figurant sur le site Internet de l’Etat de Genève ne pouvait pas reprocher aux autorités de chômage, responsables de la publication de ces informations générales, de ne pas l’avoir informé de façon suffisamment précise sur son cas particulier. Ainsi, compte tenu du fait qu’il n’avait reçu aucun renseignement erroné ou incomplet, l’assuré ne pouvait pas se prévaloir du principe de la bonne foi et, par voie de conséquence, ne pouvait pas percevoir d’indemnités rétroactivement au 01.06.2017.

Vu ce qui précède, la caisse de chômage était fondée à fixer à 260 le nombre maximum des indemnités journalières de chômage auxquelles pouvait prétendre l’assuré.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_585/2019 consultable ici

 

 

6B_1114/2018 (d) du 29.01.2020 – destiné à la publication – Diffamation par « like » ou partage d’une publication Facebook – 173 CP

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1114/2018 (d) du 29.01.2020, destiné à la publication

 

Arrêt 6B_1114/2018 consultable ici

Communiqué de presse du Tribunal fédéral disponible ici

 

Diffamation par « like » ou partage d’une publication Facebook / 173 CP

 

Activer le bouton « j’aime » ou « partager » d’une publication attentatoire à l’honneur sur Facebook peut constituer une infraction si la publication est ainsi communiquée à un tiers. Le Tribunal fédéral confirme sur ce point un jugement du Tribunal cantonal du canton de Zurich. Ce dernier devra réexaminer si, en l’espèce, ce sont bien des propos diffamatoires que l’accusé a propagés.

En 2018, le Tribunal cantonal du canton de Zurich a condamné un homme à une peine pécuniaire avec sursis pour diffamation répétée. On lui avait tout d’abord reproché de s’être exprimé de manière attentatoire à l’honneur d’un tiers dans un courrier électronique qu’il avait lui-même rédigé ainsi que dans un commentaire personnel sur Facebook ; il aurait aussi activé la fonction « j’aime » ou « partager » au pied de publications d’autres personnes, dans lesquelles il était reproché au tiers en question des idées de droite, « brunes » et antisémites. Il aurait ainsi « propagé » des propos diffamatoires. Le condamné a recouru au Tribunal fédéral.

Selon l’arrêt du Tribunal fédéral, la propagation de propos diffamatoires au sens de l’article 173 chiffre 1 alinéa 2 du Code pénal (CP) constitue un délit à part entière. L’activation dans Facebook des boutons tant « j’aime » que « partager » peut améliorer la visibilité et, partant, contribuer à la diffusion au sein du réseau social du contenu marqué. La réalité d’une telle propagation doit toutefois être appréciée au cas par cas. La loi exige, à cet égard, que le contenu partagé ou « liké » soit communiqué à un tiers ; le délit n’est consommé qu’une fois que le reproche propagé est devenu visible pour un tiers et a été perçu par ce dernier. Cela dépend, d’une part, de la maintenance du fil d’actualité respectivement de l’algorithme des services du réseau social et, d’autre part, des paramètres de l’utilisatrice ou de l’utilisateur. En l’espèce, il est établi que les contenus « likés » et partagés ont atteint des personnes ne faisant pas partie du cercle des abonnés de l’auteur initial. Le Tribunal cantonal est ainsi parti à bon droit que l’élément constitutif de la propagation était en principe réalisé. En définitive, le Tribunal fédéral admet toutefois le recours et renvoie la cause au Tribunal cantonal afin qu’il se prononce à nouveau, parce qu’il a jusque-là refusé à tort à l’accusé la possibilité de prouver la réalité des reproches litigieux.

Le Tribunal fédéral n’a pas été amené, dans le cadre de ce recours, à préciser si Facebook constitue un « média » au sens de l’article 28 CP. Conformément à cette norme, en principe, seul l’auteur est punissable lorsqu’une infraction a été commise sous forme de publication par un média (« privilège des médias »).

 

 

Arrêt 6B_1114/2018 consultable ici

Communiqué de presse du Tribunal fédéral disponible ici

 

 

8C_523/2019 (d) du 21.01.2020 – destiné à la publication – Surindemnisation – Genèse et interprétation de l’art. 69 al. 2 LPGA / Notion des frais supplémentaires et des éventuelles diminutions de revenu subies par les proches

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_523/2019 (d) du 21.01.2020, destiné à la publication

 

NB : traduction personnelle, seul le texte de l’arrêt fait foi.

Consultable ici

 

Surindemnisation – Genèse et interprétation de l’art. 69 al. 2 LPGA

Notion des frais supplémentaires et des éventuelles diminutions de revenu subies par les proches / 69 al. 2 LPGA

 

En résumé

Le Tribunal fédéral a procédé à une interprétation de l’art. 69 LPGA selon sa lettre (interprétation littérale). Il a également recherché la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique).

Des documents relatifs à l’art. 69 al. 2 LPGA, il ressort que le législateur avait à l’esprit les pertes de revenus des proches résultant des soins médicalement nécessaires prodigués à l’assuré. Le Tribunal fédéral conclut qu’il faut exclure que le législateur ait voulu inclure dans le calcul de la surindemnisation toute perte de revenus des proches causée par l’accident et ait voulu une réglementation similaire au droit de la responsabilité. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner si la perte de revenus de l’épouse de l’assuré doit être traitée comme un « dommage par choc » (« Schockschaden ») en vertu du droit de la responsabilité civile et incluse dans le calcul de la surindemnisation. En outre, il ressort clairement des documents que le législateur a délibérément voulu s’écarter de la méthode de la congruence prévue à l’article 69 al. 1, 2e phrase, LPGA, en ce qui concerne la « congruence personnelle » des pertes de revenus des proches en litige ici, en ce sens que les pertes de revenus peuvent également être prises en compte comme des frais supplémentaires qui ne sont pas survenus pour l’assuré lui-même. Compte tenu de la percée du législateur en matière de « congruence personnelle « , qui est contraire au système, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin dans l’interprétation. Enfin, il n’y a aucun élément pour une compréhension différente, même dans le contexte d’une interprétation systématique, historique ou téléologique.

 

 

En détail

Assuré, né en 1962, mécanicien a été victime d’un accident du travail le 22.04.2010. A la suite d’une explosion de gaz et d’une chute de 8 mètres de haut, il a subi des brûlures sur environ 60% de sa surface corporelle, une fracture du bassin, des côtes et de vertèbres et diverses blessures internes. L’assurance-accidents a octroyé les prestations d’assurance. Le 28.03.2013, l’office AI a accordé une rente entière d’invalidité dès le 01.04.2011. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a octroyé une rente d’invalidité de 100% et une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 87,5%.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a déterminé que, compte tenu de ses prestations et de celles de l’assurance-invalidité, il restait un droit (rétroactif) à l’indemnité journalière de CHF 2’569.65, en raison d’une surindemnisation de CHF 185’537.70.

 

Procédure cantonale

Selon le tribunal cantonal, il fallait examiner si la perte de revenus de l’épouse de l’assuré avait été causée par l’accident du 22.04.2010. L’épouse n’avait pas assisté à l’accident, c’est pourquoi les dommages directs causés par l’accident lui-même ou la vue de l’accident doivent être refusés. En ce qui concerne le lien de causalité, l’assuré invoque la jurisprudence relative aux « dommages par choc » [Schockschaden]. La perte de revenus de l’épouse était basée sur son incapacité à travailler, causée entre autres par un trouble de stress post-traumatique. Aucun autre traumatisme suffisamment grave autre que l’accident de l’assuré n’a pu être déduit du dossier AI de l’épouse, de sorte qu’un lien de causalité naturelle a pu être retenu. Toutefois, un lien de causalité adéquate doit également exister pour que la responsabilité soit admise. L’incapacité de travail de la femme n’est pas due à l’accident, mais à l’expérience quotidienne de la lutte de l’assuré pour survivre ainsi qu’aux multiples charges de son entreprise et des soins familiaux et ménagers.

Selon le tribunal cantonal, il n’y a pas eu de choc soudain, mais un développement au long cours du trouble psychique. La perte de revenus de l’épouse au sens de l’art. 69 al. 2 LPGA a été refusée.

Par jugement des 26.06.2019 et 15.07.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 69 LPGA, le concours de prestations des différentes assurances sociales ne doit pas conduire à une surindemnisation de l’ayant droit. Ne sont prises en compte dans le calcul de la surindemnisation que des prestations de nature et de but identiques qui sont accordées à l’assuré en raison de l’événement dommageable (al. 1). Il y a surindemnisation dans la mesure où les prestations sociales légalement dues dépassent, du fait de la réalisation du risque, à la fois le gain dont l’assuré est présumé avoir été privé, les frais supplémentaires et les éventuelles diminutions de revenu subies par les proches (al. 2).

L’art. 69 al. 2 LPGA que des « frais supplémentaires et les éventuelles diminutions de revenu subies par les proches » (« durch den Versicherungsfall verursachten Mehrkosten und allfälliger Einkommenseinbussen von Angehörigen » ; « incluse le spese supplementari provocate dallo stesso evento ed eventuali diminuzioni di reddito subite da congiunti »). La formulation est relativement ouverte. Cela ne signifie pas nécessairement que la perte de revenus des proches doit avoir été causée par la prise en charge des soins et de l’entretien ou par d’autres dépenses en faveur de l’assuré.

Les documents relatifs à l’art. 69 al. 2 LPGA (correspondant à l’art. 76 al. 2 du projet de la LPGA [ci-après : P-LPGA]) montrent que la question de la surindemnisation a subi des modifications au cours des délibérations parlementaires (cf. par exemple BBl 1999 IV 4639 [en allemand ; pour la version française : FF 1999 IV 4290]). Lors de la réunion de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats (CSSS-CE) du 20.02.1989, il a été déclaré que le revenu de l’assuré doit être ajouté au revenu de la famille proche pour le calcul des prestations d’assurance. Il arrivait souvent que des membres de la famille de personnes invalides quittent leur emploi et restent à la maison pour prodiguer des soins. Cette disposition visait à en tenir compte (procès-verbal de la séance du 20 février 1989, p. 38).

Le rapport de la CSSS-CE du 27.09.1990 indiquait que, pour évaluer la surindemnisation, il convient, comme le prévoit l’art. 76 al. 2 P-LPGA – et comme il en va dans la plupart des branches des assurances sociales – de se fonder sur le gain dont l’assuré est présumé avoir été privé. Pour la détermination de ce gain, le revenu obtenu avant la réalisation du risque assuré constitue naturellement un indice important. Il a été renoncé à calculer le revenu global, y compris celui des proches faisant ménage commun avec l’assuré. C’est seulement lorsque les proches subissent une diminution de revenu, parce qu’ils doivent, par exemple, soigner un invalide, que le montant de cet amoindrissement du gain sera, à l’instar des frais supplémentaires éventuels dus au traitement ou à la surveillance dont l’assuré a besoin, ajouté au gain dont ce dernier a été privé et pris en compte aux fins de voir si la limite de surindemnisation a ou n’a pas été atteinte (BBl 1991 II 267 [en allemand ; pour la version française : FF 1991 II 263]).

Dans sa avis approfondi du 17.08.1994, le Conseil fédéral a estimé qu’une personne qui s’occupe uniquement des travaux ménagers et qui dispense des soins à des proches, une épouse ou un époux qui sacrifie ses vacances pour assurer des soins, quelqu’un qui utilise un moment de ses loisirs pour transporter des proches en voiture auprès d’un médecin dont le cabinet est situé à une distance assez éloignée ont également droit à ce que l’on tienne compte du temps consacré à cette tâche même s’ils ne subissent pas une diminution de revenu. Leur travail décharge en effet aussi les hôpitaux. En conséquence, le Conseil fédéral a demandé l’ajout suivant à l’alinéa 2 : « Les prestations de travail apportées par les proches sont considérées comme des frais supplémentaires même si elles n’entraînent pas de diminution de revenu » (BBI 1994 V 955 [en allemand ; pour la version française : FF 1994 V 933 s.]).

Lors des réunions de la sous-commission LPGA de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-CN), il a toujours été question des soins et soutiens fournis par les proches pour ces services. La question a été abordée de savoir si, dans le cadre de l’art. 76 al. 2 P-LPGA, le travail effectué par les proches dans le cadre des soins et de l’assistance à la personne assurée devait être inclus dans la surindemnisation. Le rapport entre la responsabilité et le droit de la sécurité sociale a également été discuté (procès-verbal du 15 août 1995, p. 21 ss). Il a également été souligné que le Conseil des États n’avait voulu prendre en compte que les pertes de revenus réelles (procès-verbal du 12 septembre 1995, p. 53 ss). La CSSS-CN a déclaré que l’alinéa 2 portait sur la question de savoir quels services de soins et d’assistance fournis par les proches devraient donner droit à une indemnisation (procès-verbal du 17 novembre 1995, p. 32). Enfin, il a été expliqué qu’il s’agissait principalement de services fournis gratuitement par des femmes. S’elles n’étaient plus en mesure de travailler en raison de l’événement assuré, elles subiraient une perte de revenus ou devraient s’organiser différemment. En ce qui concerne la prise en compte des pertes de revenus des proches, il a été fait référence à la réglementation en matière d’assurance militaire et d’assurance maladie (procès-verbal du 15 janvier 1999, p. 33 ss).

Selon le rapport de la CSSS-CN du 26.03.1999, la majorité de la Commission a suivi le Conseil des États. Il a rejeté la proposition du Conseil fédéral selon laquelle le travail effectué par les proches qui n’entraîne pas de perte de revenus doit être considéré comme des frais supplémentaires. Une minorité est d’avis que les pertes de revenus des proches causées par l’événement assuré ne doivent pas être prises en compte.

Comme la formulation étendue proposée par le Conseil fédéral n’a pas été retenue, il est clair que les prestations de travail des proches ne sont pas à prendre-en considération dans la mesure où elles n’ont pas pour conséquence une diminution de revenu (exemple : transports d’un invalide pendant les loisirs, soins prodigués pendant les vacances des proches). La prise en compte des diminutions de revenu des proches trouve déjà son application dans le droit actuel dans l’art 29 al. 1 OAM [Ordonnance sur l’assurance militaire]. La question de savoir quelles diminutions de revenu subies par les proches sont à prendre en considération dans le calcul de la surindemnisation devra trouver sa réponse dans l’application du droit. Il importe ici de citer, dans le rapport du Conseil des Etats, la prise en charge des soins et des diminutions de revenu qui en découlent à titre d’exemple de prise en compte (BBl 1999 IV 4641 ss [en allemand ; pour la version française : FF 1999 IV 4292 s.).

Au Conseil national, il a été expliqué que la minorité des membres de la Commission a demandé que les pertes de revenus des proches ne soient pas incluses dans le calcul de la surindemnisation. Toutefois, la majorité a souhaité qu’il soit pris en compte, ce qui constituerait une extension matérielle du niveau des prestations. Actuellement, les pertes de revenus des proches ne sont prises en compte que dans la loi fédérale sur l’assurance militaire. Avec cette motion sur l’art. 76 al. 2 P-LPGA, la majorité a violé le principe de la méthode de la congruence (AB 1999 N 1250 Votum Hochreutener). Le rapporteur de la Commission a expliqué que la différence à traiter était celle entre le Conseil des Etats, le Conseil fédéral et la majorité de la Commission d’une part, et la minorité de la Commission d’autre part. Conformément aux dispositions du droit de la responsabilité, le Conseil fédéral a voulu inclure le travail effectué par les proches même s’il n’entraîne pas de perte de revenus. La majorité de la Commission avait suivi la version du Conseil des États, selon laquelle seules les pertes de revenus effectivement réalisées par les proches devaient être prises en compte. Il s’agit d’une réglementation modérée, qui correspond à celle de l’assurance militaire (AB 1999 N 1250 Votum Rechsteiner). Le rapporteur francophone a indiqué qu’il pourrait s’agir de pertes de revenus subies par les proches en raison des soins apportés à la personne invalide. Il a cité l’exemple du mari qui s’est abstenu d’exercer un emploi rémunéré afin de s’occuper de sa femme invalide. Des solutions comparables ont déjà été trouvées dans le domaine de l’assurance maladie et de l’assurance militaire (AB 1999 N 1251, Votum Suter). Par la suite, la motion de la majorité a été acceptée (AB 1999 N 1252, vote Suter).

Lors de la séance de la CSSS-CE, il a également été précisé qu’il s’agit de cas dans lesquels les proches de l’assuré renoncent à un emploi en tout ou en partie afin de prendre soin de l’assuré. Le travail effectué par les proches doit être pris en compte si cela entraîne une perte de revenus (procès-verbal de la réunion du 6 septembre 1999, p. 23).

Au Conseil des États, le rapporteur a expliqué que le Conseil fédéral avait voulu établir une réglementation « large » ; le travail effectué par les proches aurait dû être considéré comme des frais supplémentaires, même sans perte de revenus. D’autre part, le milieu économique des assurances, et avec lui une minorité de la Commission du Conseil national, avait exigé que toute perte de revenus des proches causée par l’événement assuré ne soit pas incluse dans le calcul de la surindemnisation. Cette motion minoritaire avait quelque chose à dire d’elle-même en ce sens que le règlement maintenant adopté par le Conseil national enfreignait la méthode de congruence consacrée par l’art. 76 al. 1 P-LPGA. Les représentants de la motion de la minorité au Conseil national avaient également souligné le danger de l’insécurité juridique qui en résultait. Cependant, le Conseil national avait suivi la motion de la majorité de la commission et donc la décision du Conseil des États (AB 2000 S 186 Votum Schiesser). Par la suite, le Conseil des États a approuvé la résolution du Conseil national (AB 2000 S 186).

Les documents montrent également que le législateur a voulu suivre les dispositions de l’assurance militaire et de l’assurance maladie. L’art. 72 al. 3 aLAM (abrogé au 01.01.2003 par le ch. 13 de l’annexe à la LPGA ; RO 2002 3437 [en allemand ; pour la version française : RO 2002 3434]), était libellé comme suit « Les prestations de l’assurance militaire sont réduites jusqu’à concurrence du montant constituant la surindemnisation. La réduction peut être diminuée dans la mesure où le cas d’assurance entraîne un surcroît de frais pour l’assuré ou une perte de revenu pour ses proches. Le Conseil fédéral règle les détails. »

Le commentateur Jürg Maeschi explique, sur la base de la norme de délégation de l’art. 72 al. 3, 3e phrase, aLAM, le Conseil fédéral a édicté les dispositions à l’art. 29 OAM : « La réduction opérée suite une surindemnisation selon l’article 72, 3e alinéa, de la loi est diminuée jusqu’à concurrence du montant constituant la surindemnisation, dans la mesure où le cas d’assurance entraîne un surcroît de frais résultant d’un traitement et de soins pour l’assuré ou d’une perte de revenu pour ses proches et pour autant que ces frais et cette perte ne soient pas déjà couverts par d’autres prestations de l’assurance militaire ».

En ce qui concerne la réglementation dans le domaine de l’assurance maladie, le Tribunal fédéral a précisé que dans le cadre de l’art. 122 al. 1 let. b OAMal, les pertes de revenu effectives des proches aidants pouvaient également être prises en compte comme « frais non couverts dus à la maladie » si et dans la mesure où elles étaient dues à un traitement et à des soins. Toutefois, l’art. 69 al. 2 LPGA exige une perte de revenus effective, c’est pourquoi le travail effectué par les proches qui n’entraîne pas de perte de revenus ne doit pas être pris en compte lors de la « répartition » de la surindemnisation sur les frais supplémentaires non couverts (SVR 2013 KV Nr. 3 S. 6, 9C_43/2012 consid. 4.2, avec référence à l’arrêt 9C_332/2007 du 29 mai 2008 consid. 8 und FRANZ SCHLAURI, Die Leistungskoordination im neuen Krankenversicherungsrecht, in: LAMal – KVG : Recueil des travaux en l’honneur de la Société suisse de droit des assurances, 1997, p. 655).

Conformément au ch. 2.4 de la recommandation n° 3/92 de la Commission ad hoc Sinistres LAA, en cas de surindemnisation, il n’est possible de tenir compte que des diminutions de revenu subies en raison de l’événement assuré de par le traitement et les soins nécessaires au plan médical, dans la mesure où il n’existe pas de couverture afférente de l’assurance sociale (par exemple, allocation pour impotent). . Certes, il s’agit d’une simple recommandation administrative, qui n’est pas contraignante pour le Tribunal fédéral (ATF 139 V 108 consid. 5.3 p. 112 et les références). Néanmoins, il peut être utilisé dans le cas présent pour étayer l’interprétation présentée.

 

Il ressort donc des documents relatifs à l’art. 69 al. 2 LPGA que le législateur avait à l’esprit les pertes de revenus des proches résultant des soins médicalement nécessaires prodigués à l’assuré. Sur la base des éléments cités, il faut exclure que le législateur ait voulu inclure dans le calcul de la surindemnisation toute perte de revenus des proches causée par l’accident et ait voulu une réglementation similaire au droit de la responsabilité. Cela s’applique d’autant plus que la relation entre la sécurité sociale et le droit de la responsabilité est abordée dans cette question, mais que la perspective du droit de la responsabilité n’a pas été adoptée. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner si la perte de revenus de l’épouse de l’assuré doit être traitée comme un « dommage par choc » (« Schockschaden ») en vertu du droit de la responsabilité civile et incluse dans le calcul de la surindemnisation. En outre, il ressort clairement des documents que le législateur a délibérément voulu s’écarter de la méthode de la congruence prévue à l’article 69 al. 1, 2e phrase, LPGA, en ce qui concerne la « congruence personnelle » des pertes de revenus des proches en litige ici, en ce sens que les pertes de revenus peuvent également être prises en compte comme des frais supplémentaires qui ne sont pas survenus pour l’assuré lui-même. Compte tenu de la percée du législateur en matière de « congruence personnelle », qui est contraire au système, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin dans l’interprétation. Enfin, il n’y a aucun élément pour une compréhension différente, même dans le contexte d’une interprétation systématique, historique ou téléologique.

 

Cette interprétation est conforme à l’opinion de la doctrine. Selon ADRIAN ROTHENBERGER, le calcul de la surindemnisation tient compte de toute perte de revenus des proches qui survient à la suite des soins et de l’assistance fournis à la personne blessée et qui n’est pas déjà couverte par d’autres prestations de sécurité sociale – en particulier l’allocation pour impotent. Un manque à gagner réel était requis (Das Spannungsfeld von Überentschädigungsverbot und Kongruenzgrundsatz, 2015, Rz. 198). GHISLAINE FRÉSARD-FELLAY/JEAN-MAURICE FRÉSARD déclarent que le législateur a examiné la situation dans laquelle une proche réduit son occupation pour s’occuper de l’assuré. Ils se réfèrent à la genèse de la norme pour souligner que la perte de revenus à prendre en compte doit être liée au traitement et aux soins prodigués à l’assuré (in: Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, N. 45 s. ad Art. 69 LPGA ; cf. également GHISLAINE FRÉSARD-FELLAY, Le recours subrogatoire de l’assurance-accidents sociale contre le tiers responsable ou son assureur, 2007, Rz. 1448, où il est indiqué que le législateur avait prévu des pertes de revenus pour les proches résultant de la renonciation à l’exercice d’une activité lucrative afin de fournir à l’assuré les soins nécessaires. Ces coûts sont connus sous le nom de « frais d’assistance » [Betreuungskosten]). Selon GABRIELA RIEMER-KAFKA, il s’agit également de la perte de revenus des proches qui s’occupent de l’assuré (Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, 6. Aufl. 2018, Rz. 5.369). En outre, on peut se référer à l’opinion exprimée par UELI KIESER, selon laquelle toute perte de revenus doit être prise en compte si elle est liée au travail effectué par des proches, ce qui implique une perte de revenus réelle. À cet égard, il existe un parallèle avec la considération du droit de la responsabilité, selon laquelle le manque à gagner réel doit être compensé si la personne concernée a renoncé à une activité rémunérée afin de s’occuper de la personne nécessitant des soins. Dans la mesure où les prestations prévues par la législation sur la sécurité sociale couvraient déjà les pertes de revenus ou compensaient le travail en question (par exemple, l’allocation pour impotent), elles ne pouvaient pas être prises en compte à nouveau dans le cadre d’une surindemnisation (ATSG-Kommentar, 3. Aufl. 2015, N. 47 ff. zu Art. 69 ATSG). En outre, KIESER souligne que le législateur s’est écarté du principe de la « congruence personnelle » lorsqu’il a examiné la perte de revenus des proches (op. cit., N. 23 zu Art. 69 ATSG). JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS indiquent que la principale préoccupation du législateur était la renonciation par le proche à l’exercice d’une activité lucrative afin de prodiguer à l’assuré les soins nécessaires (L’assurance-accidents obligatoire in: Soziale Sicherheit, SBVR Bd. XIV, 3. Aufl. 2016, S. 1056 Rz. 571).

 

L’ATF 139 V 108 traite des frais d’avocat qui servent à faire valoir la propre créance de l’assuré et non des pertes de revenus qui touchent les proches de l’assuré et donc un tiers. Cet arrêt n’est donc pas pertinent, puisqu’il s’agissait d’évaluer un préjudice direct subi par l’assuré, alors que la présente affaire concerne un préjudice indirect. C’est pourquoi ce qui est dit dans l’ATF 139 V 108 concernant les frais d’avocat ne peut être appliqué à la perte de revenus des proches. Comme expliqué ci-dessus, la perte de revenus des proches a été examinée séparément lors de la consultation législative et non pas en même temps que les frais supplémentaires affectant directement la personne assurée.

 

En résumé, en référence à l’art. 69 al. 2 LPGA, il convient de procéder à une interprétation réservée de la perte de revenus en ce sens qu’elle ne couvre que la perte de revenus des proches qui réduisent ou abandonnent leur activité lucrative afin de prodiguer des soins à la personne assurée.

Dans son courriel à l’assurance-accidents du 26 mars 2018, le représentant légal a expressément indiqué que la perte de revenus de l’épouse n’était pas due au traitement et aux soins de l’assuré. Il est donc clair qu’en l’espèce, la perte de revenus de l’épouse de l’assuré n’a pas été causée par la prise en charge de soins et d’assistance fournis à l’assuré ou par d’autres dépenses en sa faveur. Elle a plutôt renoncé à un emploi rémunéré en raison de sa maladie. Pour cette raison, sa perte de revenus ne peut pas être prise en compte dans la surindemnisation prévue à l’art. 69 al. 2 LPGA.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_523/2019 consultable ici

 

 

9C_460/2018 (f) du 21.01.2020 – destiné à la publication – Droit des réfugiés à des rentes pour enfant de l’AI : le domicile et la nationalité des enfants ne sont pas déterminants

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_460/2018 (f) du 21.01.2020, destiné à la publication

 

Arrêt consultable ici

Communiqué de presse du Tribunal fédéral du 14.02.2020 disponible ici

 

Les réfugiés reconnus, au bénéfice d’une rente de l’AI, ont en principe aussi droit à des prestations accessoires pour enfant (rentes pour enfant d’invalide) qui ne vivent pas en Suisse. La Convention de Genève sur les réfugiés garantit à cet égard les mêmes droits aux réfugiés qu’aux ressortissants suisses. Une solution nationale divergente ne saurait être appliquée, car il n’existe pas d’indices permettant d’admettre que le législateur aurait eu l’intention de s’écarter de ladite convention.

Un ressortissant tchadien avait obtenu un statut de réfugié en Suisse en 1994. Depuis 2005, il perçoit une rente ordinaire de l’AI. En 2016, il a requis de l’Office AI Canton de Berne le versement de rentes pour enfant (soit des prestations accessoires pour enfant jusqu’à leur 18e anniversaire, ou au plus tard jusqu’à l’âge de 25 ans révolus s’ils accomplissent une formation) en faveur de ses deux filles nées hors mariage, qu’il avait reconnues en France en 2012 et qui y vivent avec leur mère. L’office AI a rejeté la demande présentée en 2016, car les enfants sont de nationalité tchadienne et vivent à l’étranger. En 2018, le Tribunal administratif du canton de Berne a admis le recours de l’assuré, reconnu le principe du droit aux rentes pour enfant de l’AI, et renvoyé la cause à l’office AI pour l’examen des autres conditions pour avoir droit à la prestation.

Le Tribunal fédéral rejette le recours interjeté par l’office AI contre ce jugement. Selon l’article 24 de la Convention de Genève sur les réfugiés (que la Suisse a ratifiée en 1955), les Etats contractants accordent aux réfugiés résidant légalement sur leur territoire le même traitement qu’aux nationaux en ce qui concerne la sécurité sociale. Pour les citoyennes et citoyens suisses, le versement de rentes pour enfant n’est pas subordonné à l’existence d’un domicile ou d’une résidence habituelle en Suisse des enfants. Cela est en revanche exigé pour les enfants des réfugiés en vertu de l’article 1 de l’Arrêté fédéral concernant le statut des réfugiés et des apatrides dans l’assurance-vieillesse et survivants et dans l’assurance-invalidité. La réglementation de l’Arrêté fédéral contrevient ainsi au principe d’égalité de traitement avec les nationaux garanti par la Convention sur les réfugiés. En cas de conflit entre le droit international liant la Suisse et le droit interne, le droit international a en principe la primauté, à moins que le législateur ait consciemment voulu s’en écarter par une règle de droit interne. Il n’existe pas d’indices permettant d’admettre que le législateur aurait eu l’intention de déroger à la Convention sur les réfugiés par le biais de l’Arrêté fédéral. Le versement de rentes pour enfant à un réfugié reconnu en Suisse ne saurait ainsi dépendre du domicile et de la nationalité des enfants. L’intéressé a donc en principe droit à l’allocation des rentes pour enfant. L’Office AI devra compléter l’instruction et examiner si les autres conditions sont réalisées, en particulier si l’assuré n’a pas renoncé à son statut de réfugié et si les reconnaissances de paternité auxquelles il a procédé en France déploient des effets en Suisse.

 

 

Arrêt 9C_460/2018 consultable ici

 

 

9C_214/2019 (f) du 12.12.2019 – Connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l’invalidité ultérieure / Taux d’intérêt moratoire – 1% vs 5%

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_214/2019 (f) du 12.12.2019

 

Consultable ici

 

Suppression par voie de révision d’une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle

Connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l’invalidité ultérieure

Taux d’intérêt moratoire – 1% vs 5%

 

Assuré, né en 1969, s’est vu octroyer par l’office AI une rente entière d’invalidité du 01.06.1996 au 31.12.2004. Il a ensuite notamment travaillé à 100% auprès de la société B.__ SA du 8 janvier 2007 au 30 avril 2009. A ce titre, il a été affilié auprès d’une caisse de pension (ci-après : la caisse de pension).

Le 02.08.2007, il a déposé une nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité. En se fondant sur une incapacité de travail totale survenue dès le 19.06.2007, l’office AI a octroyé à l’assuré une rente entière de l’assurance-invalidité dès le 01.06.2007 [sic]. La caisse de pension a ensuite alloué à l’assuré une rente entière d’invalidité de la prévoyance professionnelle dès le 18.06.2009.

L’assuré a repris une activité d’employé administratif et aide-comptable à 50% dès le 15.07.2010. Il a augmenté son taux d’activité à 80% dès le 01.01.2015. A ce titre, il a été affilié auprès d’une nouvelle institution de prévoyance.

Par correspondance du 18.06.2015, la caisse de pension a suspendu à titre provisoire le versement en faveur de l’assuré d’une rente entière d’invalidité de la prévoyance professionnelle. En se fondant sur un degré d’invalidité de 28%, elle a ensuite constaté que l’assuré n’avait plus droit à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle au-delà du 01.06.2015. Après un échange de correspondance, elle a maintenu sa position, puis remis à l’assuré un décompte de sortie avec effet au 31.12.2014.

Parallèlement, l’office AI a révisé le droit de l’assuré à des prestations de l’assurance-invalidité et octroyé un quart de rente d’invalidité dès le 01.04.2016. Il a ensuite pris acte que l’assuré était en arrêt de travail à 100% depuis le 10.10.2016 et accordé une prestation transitoire dès le 01.11.2016.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/133/2019 – consultable ici)

L’assuré a ouvert une action en paiement contre la caisse de pension.

Le tribunal cantonal a constaté que l’assuré avait augmenté son taux d’activité de 50 à 80% dès le 01.01.2015 avant d’être à nouveau en incapacité de travail à 100% dès le 10.10.2016. L’assuré avait ainsi disposé d’une capacité de travail de 80% au moins dans une activité adaptée de comptable pendant une période de temps supérieure à trois mois. Les juges cantonaux ont retenu que la connexité temporelle entre l’incapacité de travail et l’invalidité (survenue dès le 10.10.2016) avait été interrompue à partir du 01.04.2015. La caisse de pension n’avait dès lors en principe pas à prester au-delà du 31.05.2015 (cf. art. 88a al. 1 et 88bis al. 2 let. a RAI). Dans la mesure où la nouvelle incapacité de travail de 100% (dès le 10.10.2016) était survenue durant la période de protection de trois ans instaurée par l’art. 26a al. 1 LPP, la juridiction cantonale a considéré que les droits de l’assuré aux prestations de la caisse de pension étaient cependant conservés. L’assuré avait droit à une rente entière de la prévoyance professionnelle dès le 1er jour du mois suivant la survenance de sa nouvelle incapacité de travail, soit du 01.11.2016 au 31.08.2017 (mois au cours duquel l’action en paiement a été déposée).

Par jugement du 19.02.2019, admission partielle par le tribunal cantonal, octroyant à l’assuré un montant de 11’788 fr. 35 (pour la période du 01.11.2016 au 31.08.2017), avec intérêts à 5% l’an dès le 18.08.2017, rejetant la demande pour le surplus.

 

TF

Les constatations de la juridiction cantonale relatives à l’incapacité de travail résultant d’une atteinte à la santé relèvent d’une question de fait et ne peuvent être examinées par le Tribunal fédéral que sous un angle restreint, dans la mesure où elles reposent sur une appréciation concrète des circonstances du cas d’espèce. Les conséquences que tire l’autorité précédente des constatations de fait quant à la connexité temporelle sont en revanche soumises, en tant que question de droit, au plein pouvoir d’examen du Tribunal fédéral (arrêt 9C_691/2016 du 7 mars 2017 consid. 1.3 et la référence).

 

Selon l’art. 26 al. 3, 1ère phrase, LPP, le droit aux prestations s’éteint au décès du bénéficiaire ou, sous réserve de l’art. 26a LPP, à la disparition de l’invalidité. L’art. 26a al. 1 et 2 LPP prévoit que, si la rente de l’assurance-invalidité versée à un assuré est réduite ou supprimée du fait de l’abaissement de son taux d’invalidité, le bénéficiaire reste assuré avec les mêmes droits durant trois ans auprès de l’institution de prévoyance tenue de lui verser des prestations d’invalidité, pour autant qu’il ait, avant la réduction ou la suppression de sa rente de l’assurance-invalidité, participé à des mesures de nouvelle réadaptation destinées aux bénéficiaires de rente au sens de l’art. 8a LAI, ou que sa rente ait été réduite ou supprimée du fait de la reprise d’une activité lucrative ou d’une augmentation de son taux d’activité (al. 1). L’assurance et le droit aux prestations sont maintenus aussi longtemps que l’assuré perçoit une prestation transitoire fondée sur l’art. 32 LAI (al. 2).

 

Dans l’arrêt 9C_147/2017 du 20 février 2018, publié aux ATF 144 V 58, le Tribunal fédéral a précisé que la connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l’invalidité ultérieure est interrompue lorsque la personne concernée dispose d’une capacité de travail de plus de 80% dans une activité adaptée pendant plus de trois mois et que celle-ci lui permet de réaliser un revenu excluant le droit à une rente (ATF 134 V 20 consid. 5.3 p. 27; arrêts 9C_465/2018 du 30 janvier 2019 consid. 3.2; 9C_98/2013 du 4 juillet 2013 consid. 4.1, in SVR 2014 BVG n° 1 p. 2 et les références). Une capacité de travail de 80% ne suffit pas pour interrompre le lien de connexité temporelle (ATF 144 V 58 consid. 4.5 p. 63; arrêt 9C_533/2017 du 28 mai 2018 consid. 2.1.2).

Contrairement à la thèse défendue par la caisse de pension, le taux d’occupation de l’assuré de 80% pendant plus de trois mois, constaté par les premiers juges, n’était pas suffisant pour interrompre le lien de connexité temporelle entre l’incapacité de travail survenue dès le 19.06.2007 et l’invalidité survenue après le 10.10.2016. L’assuré est par conséquent resté assuré auprès de la caisse de pension après l’augmentation de son taux d’activité dès le 01.01.2015, faute d’interruption du lien de connexité temporelle, et a conservé tous les droits attachés à sa qualité d’assuré au-delà du 01.06.2015. Les premiers juges ont retenu à juste titre que la rente entière de la prévoyance professionnelle versée par la caisse de pension devait être réactivée dès le début du mois au cours duquel l’assuré a présenté une incapacité de travail d’au moins 50% pendant une période de plus de 30 jours après l’augmentation de son taux d’occupation (art. 26a al. 2 LPP, en lien avec l’art. 32 al. 1 let. a et b et al. 2 LAI). En ce qui concerne le droit de l’assuré à une rente entière d’invalidité de la prévoyance professionnelle pour la période du 01.11.2016 au 31.08.2017, les conclusions principales et subsidiaires de la caisse de pension doivent par conséquent être rejetées.

 

En matière de rente de la prévoyance professionnelle, l’institution de prévoyance est tenue de verser un intérêt moratoire à partir du jour de la poursuite ou du dépôt de la demande en justice sur le montant dû (cf. art. 105 al. 1 CO; ATF 137 V 373 consid. 6.6 p. 382; 119 V 131 consid. 4c p. 135). A défaut de disposition réglementaire topique, le taux d’intérêt moratoire est de 5% (art. 104 al. 1 CO; ATF 130 V 414 consid. 5.1 p. 421 et les références).

Selon le chiffre 4.8.3, alinéa 6, des dispositions générales sur le règlement de prévoyance (dans sa version en vigueur dès le 01.01.2007), si la fondation accuse du retard, l’intérêt moratoire correspond au taux d’intérêt minimal LPP, au maximum 5%, pour autant qu’aucune convention spéciale ne soit applicable ou que le présent règlement de prévoyance ne contienne aucune autre réglementation. Contrairement aux considérations de la juridiction cantonale, le règlement de prévoyance contient par conséquent une disposition topique sur le taux d’intérêt moratoire (cf. arrêt 9C_41/2019 du 26 mars 2019 consid. 5). Il y a dès lors lieu de fixer le taux de l’intérêt moratoire à 1% l’an, conformément à l’art. 12 let. j OPP 2.

 

Le TF admet partiellement le recours de la caisse de pension, réforme le jugement du tribunal cantonal en ce sens que le taux d’intérêt moratoire est fixé à 1% l’an dès le 18.08.2017.

 

 

Arrêt 9C_214/2019 consultable ici

 

 

9C_159/2019 (f) du 31.10.2019 – Devoir pour les institutions de prévoyance de renseigner chaque année les assurés sur leurs droits aux prestations – 86b LPP / Pas de violation du principe de la protection de la bonne foi

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_159/2019 (f) du 31.10.2019

 

Consultable ici

 

Devoir pour les institutions de prévoyance de renseigner chaque année les assurés sur leurs droits aux prestations / 86b LPP

Pas de violation du principe de la protection de la bonne foi

 

Assuré affilié à la Caisse de pensions du personnel communal de la Ville de La Chaux-de-Fonds (ci-après : la CPC) depuis le 01.02.2005. Il a apporté une prestation de libre passage de 17’104 fr. lors de son affiliation. Cette prestation a été affectée à l’achat d’années d’assurance. Il a obtenu un retrait anticipé de 60’000 fr. le 27.11.2009 pour financer l’acquisition d’un logement.

La Caisse de pensions de l’Etat de Neuchâtel et celle du personnel communal de la Ville de Neuchâtel ainsi que la CPC se sont regroupées et ont constitué à partir du 01.01.2010 la Caisse de pensions de la fonction publique du canton de Neuchâtel (ci-après : la caisse de pensions). Ce regroupement a notamment donné lieu au versement d’un supplément temporaire aux assurés d’une catégorie spéciale dont faisait partie l’assuré.

Sur demande de l’employeur en 2016, la caisse de pensions a expliqué directement à l’assuré pourquoi le montant de l’attribution unique versée à l’époque du regroupement des institutions de prévoyance sur le compte individuel de prévoyance avait été fixé à 1245 fr. 05. L’assuré a contesté les bases de calcul, réclamant essentiellement que le montant du supplément temporaire fût déterminé sans prendre en compte le versement anticipé de 60’000 francs. L’institution de prévoyance a maintenu sa position.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 24.01.2019, rejet de l’action par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 115 al. 1 Règlement d’assurance de la Caisse de pensions de la fonction publique du canton de Neuchâtel (dans sa teneur en vigueur du 01.01.2010 au 31.12.2013 [aRACPFPub], tous les assurés actifs, présents au 31.12.2009, de la catégorie A de la Caisse de pensions du personnel communal de la Ville de La Chaux-de-Fonds auront eu droit à un capital équivalant à trois rentes annuelles de retraites de l’AVS au prorata des années d’assurance révolues au 31.12.2009 dans leur ancienne caisse.

La perte de tout ou partie de la compensation visée par la disposition réglementaire litigieuse pour les assurés ayant retiré de manière anticipée tout ou partie de leur avoir de prévoyance ne saurait par ailleurs être qualifiée d’injuste ou d’arbitraire par rapport aux autres assurés n’ayant pas effectué un tel retrait dans la mesure où l’art. 71 aRACPFPub (de même que l’art. 62 du règlement de la CPC) prévoit explicitement qu’un retrait anticipé engendre la suppression ou la diminution du nombre d’années d’assurance. La seule utilisation de la notion d' »années d’assurance révolues » au lieu de la notion de « durée d’assurance » ne permet enfin pas en soi d’admettre que l’intention de l’auteur du règlement ait été d’exclure les effets d’un retrait anticipé dans le calcul du supplément temporaire (diminution/suppression d’un nombre d’années d’assurance). Les termes utilisés font référence aux années d’assurance révolues dans l’ancienne caisse, soit celles qui résultent de la prise en considération tant des années d’assurance rachetées que celles perdues à la suite notamment d’un retrait anticipé.

 

Le fait de donner des renseignements inexacts peut engager la responsabilité d’une institution de prévoyance en application du principe de la protection de la bonne foi (ATF 136 V 331 consid. 4.2.1 p. 335; arrêt 9C_132/2019 du 3 juillet 2019 consid. 6.3 et les références; voir aussi ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 636 s.). Dans la mesure où le Tribunal fédéral a assimilé l’absence de renseignement et le renseignement inexact du point de vue de la responsabilité (ATF 131 V 472 consid. 5 p. 480 s.), il convient en l’occurrence de déterminer si la CPC, soit pour elle aujourd’hui la caisse de pensions, a engagé sa responsabilité en n’avertissant pas l’assuré des conséquences de son retrait anticipé sur le montant du supplément temporaire auquel il avait droit.

L’art. 86b LPP invoqué par l’assuré institue notamment le devoir pour les institutions de prévoyance de renseigner chaque année les assurés sur leurs droits aux prestations (let. a). Sont visées par cette disposition toutes les prestations légales et réglementaires entrant en considération en cas de sortie de l’institution ou de survenance d’un cas d’assurance (vieillesse, invalidité ou mort; cf. arrêt 9C_339/2013 du 29 janvier 2014 consid. 5.1 in: SVR 2014 BVG n° 33 p. 123). En l’espèce, l’art. 115 al. 1 aRACPFPub ne concerne pas une prestation en tant que telle, mais un apport (unique) en capital venant augmenter les avoirs de prévoyance, ce qui conduit en principe à une augmentation de la prestation future. Cet apport ne fait pas partie des prestations énumérées par l’art. 25 aRACPFPub.

L’art. 11 de l’ordonnance sur l’encouragement à la propriété du logement au moyen de la prévoyance professionnelle (OEPL), en lien avec l’art. 30g let. e LPP, dont l’application pourrait aussi être envisagée dans le présent contexte, prévoit une obligation de renseigner particulière en relation avec l’encouragement à la propriété du logement. Le devoir d’information se rapporte également aux « prestations consécutives à des versements anticipés », singulièrement à leur diminution.

Le point de savoir si l’art. 86b LPP, voire l’art. 11 OEPL, sont applicables en l’espèce, dans une situation où ce n’est pas une prestation qui est concernée mais un apport en capital augmentant les avoirs de prévoyance, peut toutefois rester indécis. En tout état de cause, les conditions d’application du principe de la bonne foi ne sont pas réalisées. En effet, on ne saurait retenir, selon le degré de la vraisemblance prépondérante (à ce propos, cf. ATF 138 V 218 consid. 6 p. 221 s.), que l’assuré n’aurait pas pris les dispositions en cause s’il avait disposé de l’information en question. Il se limite à cet égard à affirmer qu’il aurait attendu un mois et demi pour retirer son capital de libre passage après le 1er janvier 2010, en indiquant que le retrait anticipé ne « souffra[it] d’aucune urgence particulière ». Ces allégations, qui ne sont étayées par aucun document sur les circonstances de l’acquisition du logement, ne suffisent pas pour établir, selon le degré de la vraisemblance prépondérante, que la conclusion du contrat de vente respectivement le versement du montant retiré de manière anticipée auraient pu être effectués à une date ultérieure, au début de l’année 2010 seulement. On ignore en particulier si la partie venderesse aurait consenti à attendre quelques temps. Le grief tiré d’une violation du principe de la protection de la bonne foi est par conséquent mal fondé.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_159/2019 consultable ici