Archives par mot-clé : Dessaisissement de fortune

9C_493/2022 (f) du 28.09.2023 – Prestations complémentaires – Dessaisissement de fortune et capacité de discernement – Diminution de patrimoine causée par une infraction pénale

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_493/2022 (f) du 28.09.2023

 

Consultable ici

 

Prestations complémentaires – Condition de la fortune / 9a LPC – 11a LPC

Notion de dessaisissement de fortune (17b OPC-AVS/AI) et capacité de discernement (16 CC) – Prêt sans condition de CHF 585’000

Acte déraisonnable indice d’un défaut de discernement

Diminution de patrimoine causée par une infraction pénale

 

Par ordonnance du 06.07.2021, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après: le TPAE) a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de l’assurée, née en 1941, et désigné Maître X.__ aux fonctions de curateur.

Le 13.10.2021, l’assurée a déposé une demande de prestations complémentaires à sa rente de l’assurance-vieillesse et survivants, par l’intermédiaire de son curateur. Dans le courrier accompagnant la demande, le curateur indiquait que la santé psychique de la prénommée était très inquiétante et qu’une admission dans un lieu de vie sécurisé était urgente; il y précisait également que l’assurée avait prêté, sans aucune garantie, la quasi-totalité de son disponible financier à B.__, domiciliée en Espagne, et qu’il ignorait si les prêts seraient remboursés. Par décision, confirmée sur opposition, le Service des prestations complémentaires (ci-après: le SPC) a rejeté la demande. En bref, il a considéré que la fortune nette de l’assurée était évaluée à 599’992 fr. 60, une fois pris en compte les prêts octroyés à hauteur de 585’000 fr., et que l’intéressée n’avait pas démontré avoir été victime de tromperie lors de l’octroi des prêts successifs, ni que la créance était irrécupérable; en tout état de cause, même si la créance ne pouvait pas effectivement être récupérée, elle devait être prise en compte sous l’angle d’un dessaisissement de fortune.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/818/2022 – consultable ici)

L’assurée a, par l’intermédiaire de son curateur, interjeté recours le 19.11.2021. Le 14.01.2022, le curateur a informé la juridiction cantonale du dépôt, le jour même, d’une plainte pénale à l’encontre de B.__. Après avoir notamment requis des renseignements auprès de la médecin traitante de l’assurée et tenu des audiences d’enquêtes au cours desquelles elle a entendu deux témoins, la cour cantonale a rejeté le recours (arrêt du 19.09.2022).

 

TF

Consid. 4.2
La capacité de discernement doit être présumée et que celui qui en allègue l’absence doit prouver l’incapacité de discernement au degré de la vraisemblance prépondérante (cf. art. 16 CC; ATF 124 III 5 consid. 1b; arrêts 9C_28/2021 du 4 novembre 2021 consid. 5.2; 5A_914/2019 du 15 avril 2021 consid. 3.2). En revanche, lorsque l’expérience de la vie conduit à présumer (par exemple pour les jeunes enfants, en présence de certaines affections psychiques ou pour les personnes affaiblies par l’âge) que la personne en cause, en fonction de sa constitution, ne doit pas être jugée capable de discernement, la preuve est considérée comme suffisamment rapportée et la présomption renversée. L’autre partie peut alors tenter de prouver un intervalle de lucidité (cf. ATF 124 III 5 consid. 1b; arrêt 6B_869/2010 du 16 septembre 2011 consid. 4.2).

La présomption d’incapacité de discernement concerne, selon la jurisprudence, les cas dans lesquels la personne en cause se trouve, au moment d’agir, diminuée psychiquement de manière durable en raison de l’âge ou de la maladie, comme cela est notoirement le cas en présence de démences séniles (syndrome psycho-organique avec pour cause une artériosclérose sénile, trouble délirant persistant ou démence sénile de type Alzheimer, p. ex.; cf. arrêt 5A_951/2016 du 14 septembre 2017 consid. 3.1.3.1 et les arrêts cités; arrêt 5A_926/2021 du 19 mai 2021 consid. 3.1.1.1). L’incapacité de discernement n’est, en revanche, pas présumée et doit, partant, être prouvée, par exemple chez une personne d’un âge avancé qui n’est que faible, atteinte dans sa santé et confuse par moment, chez une personne qui ne souffre que d’absences sporadiques ensuite d’une apoplexie ou encore qui ne souffre que de trous de mémoire liés à l’âge (arrêt 5A_951/2016 cité consid. 3.1.3.1 et les références). Un simple doute sur l’état mental ne suffit pas à renverser la présomption de capacité de discernement (arrêt 6B_869/2010 précité consid. 4.5).

Consid. 4.3
Les juges cantonaux n’ont pas déduit « une prétendue absence de troubles du seul fait que la Dre C.__ a[va]it indiqué qu’elle ne pouvait pas se prononcer sur les troubles de sa patiente en 2017, vu les rendez-vous médicaux plus espacés ». Selon leurs constatations, le médecin traitant n’avait pas observé, lors des consultations durant la période des prêts, une incapacité de sa patiente à gérer ses propres affaires. A la suite de la juridiction cantonale, force est d’admettre que la Dre C.__ n’a mis en évidence aucun élément objectif permettant de remettre en cause la capacité de discernement de l’assurée durant les années 2017 à 2019, même si elle a indiqué qu’elle ne pouvait se prononcer sur la capacité de sa patiente à gérer ses affaires. Elle a fait état d’une « situation se détériorant rapidement » durant la période postérieure, à compter de 2021, voire déjà 2020, qui l’a conduite à signaler sa patiente auprès du TPAE le 17 mai 2021. La Dre C.__ a en effet rapporté qu’elle avait observé objectivement en consultation une perte rapide dans l’autogestion en janvier 2021, qui était probablement déjà présente en 2020, selon l’anamnèse établie à l’époque, même si cela ne ressortait pas à ce moment à l’occasion des consultations. Partant, l’argumentation de l’assurée ne démontre pas en quoi les constatations de fait des juges cantonaux, fondées sur le rapport du médecin traitant, en relation avec sa capacité de discernement entre 2017 et 2019, soit à l’époque du dessaisissement de fortune, seraient manifestement inexactes ou arbitraires.

Consid. 4.4
L’assurée ne peut pas davantage être suivie lorsqu’elle affirme que les témoignages de D.__ et de E.__, qui la connaissent depuis de nombreuses années, démontrent son « incapacité de discernement claire » en 2017 déjà. Si D.__ a certes indiqué que, selon elle, A.__ « n’avait pas toute sa capacité de discernement au moment d’octroyer les prêts », elle ne l’a pas vue durant la période en cause, puisqu’elle s’est occupée d’elle uniquement à partir de l’année 2021, voire 2020. Dès lors déjà que les constatations de D.__ concernent une période postérieure à celle des prêts, c’est sans arbitraire, ni violation du droit, que la juridiction cantonale a considéré que son témoignage ne permettait pas de remettre en question la capacité de discernement de l’assurée entre 2017 et 2019.

Quant à E.__, qui a rendu visite à A.__ à raison d’une fois par semaine entre 2017 et 2019, elle a mentionné s’être aperçue dès 2018 que son amie était confuse, que celle-ci mélangeait les choses et qu’elle se trompait de dates, en précisant également que, selon elle, si l’assurée avait été en pleine santé, elle n’aurait jamais octroyé un prêt si important. Ces éléments ne suffisent cependant pas pour admettre, au moment des prêts, un état durable d’altération mentale lié à l’âge ou à la maladie, en présence duquel la personne en cause est en principe présumée dépourvue de la capacité d’agir raisonnablement (cf. consid. 4.2 supra). Les considérations de personnes proches quant à l’ampleur et au caractère peu raisonnable des prêts que l’assurée a accordés ne sauraient du reste l’emporter sur les constatations médicales figurant au dossier, en l’occurrence celles de la Dre C.__, qui ne fait pas mention d’un état durable d’altération mentale ni d’une incapacité de discernement pour la période antérieure à 2021, voire à 2020.

Consid. 4.5
C’est également en vain que l’assurée affirme que « la remise des fonds en elle-même est déjà un signe évident d’incapacité de discernement ». Elle allègue à ce propos que tout simplement personne, à part quelqu’un qui n’a plus sa faculté d’agir raisonnablement, « aurait remis l’entier de sa fortune, soit plus de 500’000 fr., à une brève connaissance, pour des activités en Espagne, sans aucune garantie ». Cette argumentation est mal fondée, dès lors qu’une personne peut agir de manière déraisonnable sans être dépourvue de la capacité de discernement. Une personne n’est en effet privée de discernement au sens de la loi que si sa faculté d’agir raisonnablement est altérée, en partie du moins, par l’une des causes énumérées à l’art. 16 CC (ATF 117 II 231 consid. 2a; cf. aussi arrêt 8C_916/2011 du 8 janvier 2013 consid. 2.2). Or une telle cause n’est pas établie à l’époque déterminante à laquelle les prêts ont été accordés, au vu des indications médicales au dossier (consid. 4.3 supra).

Il est vrai que les juges cantonaux ont retenu qu’« il y a lieu d’admettre qu’aucune personne raisonnable n’aurait, dans la même situation et les mêmes circonstances octroyé, un tel prêt ». Si un acte déraisonnable peut dans certaines circonstances constituer un indice d’un défaut de discernement (arrêt 5A_910/2021 du 8 mars 2023 consid. 6.2.3 et les arrêts cités), en l’occurrence, cet indice est insuffisant à lui seul. L’appréciation de la juridiction cantonale se rapporte du reste au caractère déraisonnable du prêt octroyé par l’assurée, en relation avec la jurisprudence selon laquelle si l’octroi d’un prêt ne saurait être assimilé à un dessaisissement de fortune, dès lors qu’il fonde un droit au remboursement, il faut cependant réserver l’hypothèse où, au regard des circonstances concrètes du cas d’espèce, il apparaît dès le départ que ce prêt ne sera pas remboursé (arrêts 9C_333/2016 du 3 novembre 2016 consid. 4.3.3; 9C_180/2010 du 15 juin 2010 consid. 5.2 et les arrêts cités). Le recours est mal fondé sur ce point.

Consid. 5
Le grief de l’assurée tiré d’un établissement inexact des faits et d’une violation des art. 11a LPC et 17 OPC-AVS/AI, en ce que la juridiction cantonale n’a pas examiné la « problématique de diminution de patrimoine causée par une infraction pénale », est en revanche bien fondé.

Selon la jurisprudence, une diminution du patrimoine due à des actes punissables (p. ex. escroquerie) ne peut en effet pas être qualifiée de dessaisissement de fortune, étant donné que le propre d’une telle diminution du patrimoine est précisément que la victime de l’acte punissable n’est pas consciente de l’ampleur du risque de l’investissement réalisé ou qu’elle est trompée astucieusement à ce sujet (arrêts 9C_180/2010 précité consid. 5.2; 8C_567/2007 du 2 juillet 2008 consid. 6.5). Or en l’espèce, bien que dûment informés par le curateur de l’assurée du dépôt d’une plainte pénale à l’encontre de B.__, le 14 janvier 2022, les juges cantonaux n’ont pas tenu compte de ce fait, qui avait pourtant une importance décisive pour l’issue du litige. La plainte semble comprendre des éléments suffisamment concrets pour justifier un examen des faits invoqués sous l’angle pénal. En conséquence, la cause doit leur être renvoyée afin qu’ils instruisent le point de savoir si la diminution de patrimoine de l’assurée a été provoquée par un acte punissable, en se fondant, le cas échéant, sur l’issue de la procédure pénale.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_493/2022 consultable ici

 

9C_329/2023 (f) du 21.08.2023 – Dessaisissement de fortune / 9a LPC – 11a LPC (nouveau droit entré en vigueur le 01.01.2021) – Dispositions transitoires

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_329/2023 (f) du 21.08.2023

 

Consultable ici

 

Dessaisissement de fortune / 9a LPC – 11a LPC (nouveau droit entré en vigueur le 01.01.2021) – Dispositions transitoires

 

Par décision du 11.11.2013, le Service des prestations complémentaires (ci-après: le SPC) a rejeté la demande de prestations complémentaires présentée par les époux A.__ en septembre 2013, compte tenu d’un montant de biens dessaisis de 492’904 fr. Le SPC a par la suite nié le droit des prénommés à des prestations complémentaires fédérales et cantonales à leurs rentes de vieillesse pour l’année 2022, compte tenu d’un montant de biens dessaisis de 402’904 fr., par décision du 01.12.2021.

Par décision du 20.12.2021 – annulant et remplaçant la précédente – et décision sur opposition du 18.05.2022, le SPC a confirmé sa décision de refus de prestations complémentaires fédérales et cantonales et a supprimé le droit à l’aide sociale pour 2022.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/212/2023 – consultable ici)

Par jugement du 28.03.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
A la suite des juges cantonaux, on rappellera que depuis l’entrée en vigueur de la modification du 22 mars 2019 (Réforme des PC; RO 2020 585 et 599), le 1er janvier 2021, les couples dont la fortune nette est égale ou supérieure à 200’000 fr. n’ont pas droit à des prestations complémentaires (art. 9a al. 1 let. b LPC).

Conformément à l’al. 1 des dispositions transitoires de ladite modification, l’ancien droit reste applicable pendant trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son l’ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle. A contrario, le nouvel art. 9a LPC est applicable aux personnes qui n’ont pas bénéficié de prestations complémentaires avant l’entrée en vigueur de la Réforme des PC.

Consid. 4.2
Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC). Selon l’art. 11 al. 1 let. c LPC, ceux-ci comprennent, notamment, un dixième de la fortune nette, pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse 30’000 fr. pour les personnes seules, respectivement 50’000 fr. pour les couples.

L’art. 17a al. 1 OPC-AVS/AI (RS 831.301; RO 2007 5823), en relation avec l’art. 11 al. 1 let. g LPC (dans leur teneur respective en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020), pose le principe de la réduction, chaque année de 10’000 fr., du montant de la fortune qui a fait l’objet d’un dessaisissement et qui doit être pris en compte dans le calcul de la prestation complémentaire.

La Réforme des PC a introduit un nouvel art. 11a LPC, relatif à la renonciation à des revenus ou parts de fortune, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2021. Conformément à celui-ci, les parts de fortune auxquelles l’ayant droit a renoncé sans obligation légale et sans contre-prestation adéquate doivent être pris en compte dans les revenus déterminants comme s’il n’y avait pas renoncé (al. 2). Un dessaisissement de fortune est également pris en compte si, à partir de la naissance d’un droit à une rente de survivant de l’AVS ou à une rente de l’AI, plus de 10% de la fortune est dépensée par année sans qu’un motif important ne le justifie, étant précisé que si la fortune est inférieure ou égale à 100’000 fr., la limite est de 10’000 fr. par année, et que le Conseil fédéral règle les modalités, en définissant en particulier la notion de « motif important » (art. 11a al. 3 LPC). L’al. 3 s’applique aux bénéficiaires d’une rente de vieillesse de l’AVS également pour les dix années qui précèdent la naissance du droit à la rente (art. 11a al. 4 LPC). L’art. 17e al. 1 OPC-AVS/AI, également entré en vigueur le 1er janvier 2021, prévoit que le montant de la fortune qui a fait l’objet d’un dessaisissement au sens de l’art. 11a al. 2 et 3 LPC et qui doit être pris en compte dans le calcul de la prestation complémentaire est réduit chaque année de 10’000 fr.

Selon l’al. 3 des dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019, l’art. 11a al. 3 et 4 LPC ne s’applique qu’à la fortune qui a été dépensée après l’entrée en vigueur de la présente modification (al. 3).

 

Consid. 5.1
La juridiction cantonale a considéré, en se fondant sur l’al. 1 des dispositions transitoires de la Réforme des PC, que l’ancien droit n’était pas applicable aux époux A.__, dès lors qu’ils n’avaient jamais bénéficié d’une prestation complémentaire, ni fédérale, ni cantonale. Elle a toutefois laissé ouverte la question de savoir si la limite de fortune, prévue par le nouvel art. 9a al. 1 LPC depuis le 1er janvier 2021 pour bénéficier de prestations complémentaires, pouvait s’appliquer à la fortune effective ou également aux valeurs dont la personne requérante s’est dessaisie. En effet, les juges cantonaux ont considéré que le droit des époux A.__ à des prestations complémentaires fédérales et cantonales pour 2022 devait en l’occurrence de toute manière être nié, parce que leurs revenus déterminants dépassaient largement leurs dépenses reconnues.

Consid. 5.2
Les époux A.__ reprochent à la juridiction de première instance d’avoir utilisé un « mode de calcul qui ne prend en compte qu’un amortissement de CHF 10’000.00 par année » en cas de dessaisissement de la fortune pour calculer le montant de la fortune nette à prendre en considération dans leurs revenus déterminants. Ils font en substance valoir que la « consommation » effective des montants dessaisis doit être appréciée de manière conforme à la réalité.

Consid. 5.3
L’argumentation des époux A.__ est mal fondée, dès lors déjà qu’ils ne satisfont pas aux conditions relatives à la fortune, prévues par le nouvel art. 9a al. 1 LPC depuis le 1er janvier 2021. Conformément à cette disposition, qui leur est applicable – étant donné qu’ils ne sont pas bénéficiaires de prestations complémentaires (cf. al. 1 des dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019, a contrario) -, les couples dont la fortune nette est égale ou supérieure à 200’000 fr. n’ont pas droit à des prestations complémentaires (art. 9a al. 1 let. b LPC). Le ch. 2512.02 des Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC) de l’OFAS, valables dès le 1er avril 2011 (état au 1er janvier 2023) prévoit à cet égard que les éléments auxquels une personne a renoncé font également partie de la fortune. Or en l’espèce, il ressort des constatations cantonales que le montant de la fortune à prendre en compte pour l’année 2022 s’élève à 407’634 fr. (402’904 fr. [montant de la fortune dessaisi à prendre en considération] + 4’730 fr. [épargne]). Même en tenant compte d’une déduction de 10’000 fr. depuis les dix dernières années, leur fortune atteint ainsi un montant largement supérieur à la limite de 200’000 fr. prévue par l’art. 9a al. 1 let. b LPC, au vu des montants de la fortune dessaisis à prendre en considération en 2005 (562’904 fr.) et 2013 (492’904 fr.).

Pour cette raison déjà, il n’y a pas lieu d’examiner plus avant l’affirmation des époux A.__ selon laquelle la « pratique administrative qui se fonde sur l'[…] OPC-AVS/AI […] n’a pas été adaptée aux exigences de la nouvelle LPC ». On précisera toutefois que le principe de la réduction, chaque année de 10’000 fr., du montant de la fortune qui a fait l’objet d’un dessaisissement et qui doit être pris en compte dans le calcul de la prestation complémentaire, jadis posé par l’art. 17a al. 1 OPC-AVS/AI (RO 2007 5823), en relation avec l’art. 11 al. 1 let. g LPC (dans leur teneur respective en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020), a été repris à l’art. 17e al. 1 OPC-AVS/AI, avec effet au 1er janvier 2021 (RO 2020 599). La Réforme des PC, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2021 (RO 2020 585 et 599) et à laquelle les époux A.__ se réfèrent, n’a en effet pas modifié ce principe. Il ressort à cet égard du Message relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires (Réforme des PC) du 16 septembre 2016 que les limites fixées (à l’art. 17a al. 1 OPC-AVS/AI, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020) permettent de déterminer si la fortune a été dépensée trop rapidement ou non et que dans la mesure où l’organe d’exécution constate l’existence d’un dessaisissement de fortune, le montant de 10’000 fr. doit continuer à être pris en compte sous l’empire du nouveau droit entré en vigueur le 1er janvier 2021 (FF 2016 7249 [7323]).

 

Le TF rejette le recours des époux A.__.

 

Arrêt 9C_329/2023 consultable ici

 

9C_422/2021 (f) du 23.03.2022 – Prestations complémentaires – Dessaisissement de fortune – 17 OPC-AVS/AI (dans sa teneur jusqu’au 31.12.2020) / Détermination de la part de l’assurée sur les immeubles cédé aux enfants

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_422/2021 (f) du 23.03.2022

 

Consultable ici

 

Prestations complémentaires – Dessaisissement de fortune – 17 OPC-AVS/AI (dans sa teneur jusqu’au 31.12.2020)

Détermination de la part de l’assurée sur les immeubles cédé aux enfants

 

Assurée, née en 1938, a présenté une demande de prestations complémentaires à sa rente AVS, en novembre 2018. Par décisions du 01.03.2019, la caisse de compensation (ci-après: la caisse) a rejeté la demande. En bref, elle a considéré que pour la période courant dès le 01.11.2018, les revenus déterminants étaient supérieurs aux dépenses reconnues, en prenant notamment en considération que l’assurée s’était dessaisie sans contrepartie de biens immobiliers au profit de ses deux fils.

Le 26.09.2019, la caisse a rejeté l’opposition de l’assurée. Dans ses calculs, elle a fixé respectivement à 117’260 fr. (pour 2018) et 107’260 fr. (pour 2019) les montants de la fortune dessaisie, après déduction des dettes hypothécaires, en fonction des informations données par la commission de taxation de la commune, qui avait estimé la valeur des biens cédés en mars et septembre 2007 à 323’120 fr. et 433’400 fr. Selon la caisse, les immeubles cédés constituaient des acquêts, de sorte que la part de dessaisissement de l’assurée correspondait à la moitié de la valeur des biens.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 14.07.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Il y a dessaisissement lorsque la personne concernée a renoncé à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique et sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente, ces deux conditions étant alternatives (ATF 140 V 267 consid. 2.2; 134 I 65 consid. 3.2; 131 V 329 consid. 4.4). Aux termes de l’art. 17 OPC-AVS/AI (RS 831.301), dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31.12.2020, la fortune prise en compte doit être évaluée selon les règles de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton du domicile (al. 1). Lorsque des immeubles ne servent pas d’habitation au requérant ou à une personne comprise dans le calcul de la prestation complémentaire, ils seront pris en compte à la valeur vénale (al. 4).

Consid. 4.1
L’assurée ne conteste pas les constatations de la juridiction cantonale selon lesquelles feu son époux était inscrit au registre foncier comme propriétaire des deux parcelles objets des libéralités et qu’elle avait cédé sa part dans l’hoirie de son conjoint à ses deux fils, singulièrement à B.__ selon l’acte notarié du 03.03.1997 et à D.__ selon l’acte notarié du 05.09.2007. Elle ne s’en prend pas non plus aux considérations de la juridiction cantonale selon lesquelles pour déterminer le montant de la fortune nette dont elle s’était dessaisie, il convenait de fixer non seulement la quote-part découlant de sa participation à l’hoirie, mais également sa participation à la liquidation du régime matrimonial, laquelle précédait celle de la succession. L’assurée s’en prend uniquement à la quotité de la part sur les biens cédés à ses fils, que la juridiction cantonale a fixée à deux tiers au lieu de la moitié retenue par la caisse. Elle se limite cependant à contester la modification de la répartition effectuée par le Tribunal cantonal et retenir dans ses propres calculs la « répartition validée par la caisse (…), soit 1/2 », sans faire valoir d’élément concret à l’encontre du raisonnement de la juridiction cantonale.

Toutefois, les considérations cantonales, fondées sur les règles du code civil relatives à la liquidation du régime matrimonial en vigueur jusqu’au 31.121987 (soit avant l’entrée en vigueur de la modification du Code civil suisse du 05.10.1984 [Effets généraux du mariage, régime matrimonial et successions; RO 1986 122]), en fonction de la date du décès de l’époux de l’assurée (en 1984), ainsi que sur les règles sur le partage successoral (dont en particulier l’art. 462 ch. 1 CC), reposent sur une application erronée du droit. Les premiers juges ont d’abord correctement tenu compte des (anciennes) règles sur l’union des biens, applicables à défaut de contrat de mariage ou de situation soumise au régime matrimonial extraordinaire (art. 178 aCC, en relation avec l’art. 9a al. 2 des dispositions transitoires du CC). Conformément aux art. 213 et 214 al. 1 aCC, au décès du mari, le bénéfice restant après le prélèvement de ses apports par la femme appartient pour un tiers à celle-ci ou à ses descendants et, pour le surplus, au mari ou à ses héritiers. En revanche, la juridiction cantonale a perdu de vue que selon l’art. 462 al. 1 aCC, qui a été modifié au 01.01.1988 (RO 1986 122, p. 143), le conjoint survivant peut réclamer à son choix, si le défunt laisse des descendants, l’usufruit de la moitié ou la propriété du quart de la succession. La part de l’assurée à la succession de son époux s’élevait dès lors à un quart au décès de celui-ci, moment de l’ouverture de la succession (art. 537 al. 1 CC; cf. STEINAUER, Le droit des successions, 2e éd. 2015, N 62, 104 et 852 ss). La part de l’assurée sur les immeubles cédés à ses fils s’élevait dès lors à 1/2 (1/3 [résultant de la dissolution du régime matrimonial] + [1/4 x 2/3 résultant du partage de la succession]). Par conséquent, c’est bien la quotité d’une demie prise en considération par la caisse qui se révèle conforme au droit. Ce résultat ne modifie cependant pas l’issue de la cause, comme il ressort des considérations suivantes.

Consid. 4.3
L’assurée invoque finalement en vain une violation de l’art. 17c OPC-AVS/AI, selon lequel le montant du dessaisissement en cas d’aliénation correspond à la différence entre la valeur de la prestation et la valeur de la contre-prestation. Cette disposition est entrée en vigueur au 01.01.2021 (RO 2020 599) et n’est par conséquent pas applicable en l’occurrence. Au demeurant, contrairement à ce que soutient l’assurée, les dettes hypothécaires « en vigueur en mars 1997 » ne constituent pas une contre-prestation au sens de la règle d’exécution.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_422/2021 consultable ici

 

9C_28/2021 (f) du 04.11.2021 – Droit aux prestations complémentaires à l’AVS / Dessaisissement de fortune – Pas de preuve d’une incapacité de discernement lors du dessaisissement d’éléments de fortune

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_28/2021 (f) du 04.11.2021

 

Consultable ici

 

Droit aux prestations complémentaires à l’AVS

Dessaisissement de fortune / 11 al. 1 let. g LPC – 17a OPC-AVS/AI (dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31.12.2020)

Pas de preuve d’une incapacité de discernement lors du dessaisissement d’éléments de fortune / 16 CC

 

Assuré, né en 1950, a pris sa retraite le 01.03.2012. Cette année-là, la caisse de pensions B.__ lui a versé deux prestations en capital de la prévoyance professionnelle pour un montant total de 517’256 fr.

Le 14.02.2018, l’assuré a déposé une demande de prestations complémentaires à l’AVS. La caisse cantonale de compensation a nié le droit de l’assuré à des prestations complémentaires en raison d’un excédent net de revenus résultant notamment de la prise en compte d’un dessaisissement de fortune de 280’000 fr.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a retenu que l’assuré avait perçu en 2012 des prestations en capital de la prévoyance professionnelle en lien avec son départ à la retraite. Afin d’expliquer la diminution de la fortune importante, l’assuré avait exposé qu’il s’était départi de son capital LPP en réglant diverses dettes et en procédant à d’importantes libéralités en faveur de ses ex-épouses, sans obligation ou contreprestations équivalentes. Pour les juges cantonaux, les explications étaient restées vagues et inconsistantes. On ignorait ainsi tout des dettes prétendument réglées et des donations effectuées en faveur des ex-épouses, le dossier ne contenant aucun élément de preuve à ce sujet.

L’instance cantonale a par ailleurs constaté que l’assuré avait été hospitalisé cinq ans après son départ à la retraite, en septembre 2017. Les médecins de l’Hôpital C.__ avaient établi qu’il souffrait notamment de troubles psychiques chroniques à l’origine d’une désorganisation du comportement avec une négligence de ses affaires et de sa personne ainsi que d’angoisses interpersonnelles invalidantes. Ces renseignements ne permettaient toutefois pas d’établir que l’assuré avait été privé de sa capacité de discernement lorsqu’il avait procédé aux prétendues donations, d’autant moins que le jugement de divorce de juillet 2013 ne mentionnait pas de tels troubles et que l’assuré avait obtenu la garde de son fils alors âgé de 14 ans compte tenu de ses capacités parentales qualifiées d’adéquates. Il n’était donc pas possible de retenir qu’il avait été privé de sa capacité de discernement lorsqu’il s’était dessaisi d’éléments de fortune.

Par jugement du 23.11.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5

L’assuré ne conteste pas les constatations de la juridiction cantonale sur le dessaisissement de fortune de 280’000 fr., en tant que telles, mais celles sur la capacité de discernement dont il disposait au moment où sa fortune a diminué.

La capacité de discernement doit être présumée et celui qui prétend qu’elle fait défaut doit le prouver (cf. art. 16 CC; ATF 124 III 5 consid. 1b; arrêt 5A_914/2019 du 15 avril 2021 consid. 3.2). L’assuré ne démontre toutefois pas en quoi les constatations de fait des juges cantonaux relatives à son état de santé psychique et à sa capacité de discernement en 2012, soit à l’époque du dessaisissement de fortune, seraient inexactes, ni en quoi elles résulteraient d’une violation du principe de l’instruction d’office et de son droit d’être entendu.

En effet, en plus du jugement de divorce de l’assuré rendu en juillet 2013, d’un rapport de l’Hôpital C.__ du 14 mai 2019, l’instance cantonale disposait de la décision de l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte du 27 mars 2019. Or il ne ressort pas de cette décision que l’assuré avait besoin d’une assistance avant son hospitalisation en septembre 2017, ni d’éléments dont on pourrait inférer l’existence d’une incapacité de discernement antérieurement à 2017. Il en va de même du rapport médical du 14 mai 2019. Les médecins de l’Hôpital C.__, qui ont diagnostiqué notamment des troubles exécutifs précoces au moment de l’hospitalisation de l’assuré en août 2018, ont indiqué que les troubles psychiques et les difficultés d’autonomie du patient étaient plus manifestes depuis sa retraite. Toutefois ces éléments ne suffisent pas à admettre une incapacité de discernement en 2012, ni un état durable d’altération mentale lié à l’âge ou à la maladie, en présence duquel la personne en cause est en principe présumée dépourvue de la capacité d’agir raisonnablement (cf. arrêt 5A_951/2016 du 14 septembre 2017 consid. 3.1.3.1).

En d’autres termes, l’appréciation anticipée des preuves à laquelle a procédé la juridiction cantonale n’était pas arbitraire. Elle a à juste titre qualifié de superfétatoires les mesures probatoires complémentaires portant sur l’état de santé psychique de l’assuré au moment du dessaisissement (interrogatoire des deux médecins de l’Hôpital C.__, de la fille de l’assuré et de lui-même). La « perception directe de l’état mental » de l’assuré par les médecins, dont l’assuré se prévaut ne peut porter que sur « les défaillances observées » à partir de son hospitalisation et non sur la période de plus de cinq ans antérieure, ici déterminante.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_28/2021 consultable ici

 

 

9C_787/2020+9C_22/2021 (f) du 14.04.2021 – Décision incidente – Dommage irréparable pour l’administration mais pas pour l’assuré – 93 LTF / Dessaisissement de fortune – 11 al. 1 let. g LPC – 17a OPC-AVS/AI (teneur jusqu’au 31.12.2020)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_787/2020+9C_22/2021 (f) du 14.04.2021

 

Consultable ici

 

Décision incidente – Dommage irréparable pour l’administration mais pas pour l’assuré / 93 LTF

Dessaisissement de fortune / 11 al. 1 let. g LPC – 17a OPC-AVS/AI (teneur jusqu’au 31.12.2020)

 

A.__, ouvrier agricole né en 1959, est marié et père de deux enfants (nés en 1993 et 2000). Il est au bénéfice d’une rente entière de l’assurance-invalidité depuis le 01.01.1996 et de prestations complémentaires cantonales et fédérales depuis le 01.03.2004.

Au cours d’une révision périodique du dossier, le Service des prestations complémentaires (ci-après: le SPC) a constaté que A.__ était propriétaire d’un bien immobilier non déclaré au Portugal, dont il avait fait donation à ses deux enfants en 2012. Par décisions, le SPC a procédé à un nouveau calcul du droit de A.__ à des prestations complémentaires et requis le remboursement d’un montant global de 113’163 fr. 40. Par décision sur opposition, le SPC a partiellement admis les oppositions de l’intéressé et réduit à 97’421 fr. le montant réclamé en restitution pour la période du 1 er octobre 2010 au 31 octobre 2017 (plus 2062 fr. de subsides de l’assurance-maladie et plus 97 fr. 65 de frais médicaux).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1112/2020 – consultable ici)

La juridiction cantonale a retenu qu’il était établi au degré de la vraisemblance prépondérante que l’assuré avait cherché à dissimuler l’existence d’un bien immobilier au Portugal, en cachant d’abord au SPC l’existence de ce bien, puis en organisant sa donation à ses enfants en 2012. Dès lors, elle a considéré qu’il se justifiait de prendre en compte dans le calcul du droit de l’assuré à des prestations complémentaires la valeur et les revenus hypothétiques de ce bien au titre de fortune pour les années 2010 et 2011, puis à titre de bien dessaisi à compter de 2012. Dans le plan de calcul des prestations complémentaires établi par le SPC, certains montants paraissaient cependant erronés.

Par jugement du 19.11.2020, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et renvoyant la cause au SPC pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

TF

Décision incidente – Dommage irréparable – 93 LTF

Dans un arrêt ATF 133 V 477, le Tribunal fédéral a précisé les notions de décisions finales, partielles, préjudicielles et incidentes au sens des art. 90 à 93 LTF. Il a considéré qu’un jugement de renvoi ne met pas fin à la procédure, de sorte qu’il ne constitue pas une décision finale au sens de la LTF. Les jugements de renvoi qui tranchent une question de droit matériel ne sont pas non plus des décisions partielles au sens de l’art. 91 let. a LTF car il ne s’agit pas de décisions qui statuent sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause. Ils constituent bien plutôt des décisions incidentes qui peuvent être attaquées séparément aux conditions prévues à l’art. 93 al. 1 LTF (ATF 133 V 477 consid. 4.2 p. 481 et les références).

En tant que la juridiction cantonale renvoie la cause au SPC pour procéder à de nouveaux calculs dans la prise en compte des biens dessaisis et de la fortune immobilière de l’assuré conformément aux considérants, son jugement constitue une décision incidente au sens de l’art. 93 LTF (ATF 144 V 280 consid. 1.2 p. 283; 139 V 99 consid. 1.3 p. 101 et la référence).

Dans son écriture, A.__, qui considère à tort que la décision attaquée est finale, n’expose nullement que la décision incidente litigieuse lui causerait un préjudice irréparable ou qu’une décision finale immédiate permettrait d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. Faute d’un préjudice irréparable allégué ou manifeste au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 142 V 26 consid. 1.2 p. 28 et les références), le recours déposé par l’assuré contre le jugement du 19 novembre 2020 est irrecevable (cause 9C_22/2021).

Le renvoi de la cause pour instruction complémentaire et nouvelle décision cause en revanche un dommage irréparable au SPC dans la mesure où le jugement comporte des instructions contraignantes sur la manière dont l’administration devra trancher certains aspects du rapport litigieux, restreignant de manière importante sa latitude, et qu’elle ne peut plus, en conséquence, s’en écarter (ATF 145 V 266 consid. 1.3 p. 269; 145 I 239 consid. 3.3 p. 242; 144 V 280 consid. 1.2 p. 283). A ce titre, le recours du SPC contre le jugement du 19 novembre 2020 est recevable au regard de l’art. 93 LTF (cause 9C_787/2020).

 

Dessaisissement de fortune – 11 al. 1 let. g LPC – 17a OPC-AVS/AI

Il y a dessaisissement lorsque la personne concernée a renoncé à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique et sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente, ces deux conditions étant alternatives (ATF 140 V 267 consid. 2.2 p. 269; 134 I 65 consid. 3.2 p. 70; 131 V 329 consid. 4.2 p. 332). Aux termes de l’art. 17a de l’ordonnance du 15 janvier 1971 sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (OPC-AVS/AI), dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, la part de fortune dessaisie à prendre en compte (art. 11 al. 1 let. g LPC) est réduite chaque année de 10’000 francs (al. 1); la valeur de la fortune au moment du dessaisissement doit être reportée telle quelle au 1er janvier de l’année suivant celle du dessaisissement, pour être ensuite réduite chaque année (al. 2); est déterminant pour le calcul de la prestation complémentaire annuelle le montant réduit de la fortune au 1er janvier de l’année pour laquelle la prestation est servie (al. 3).

A.__ a procédé à la donation de son bien immobilier à ses enfants en juillet 2012. Il s’ensuit que la valeur de ce bien au moment de la donation (120’179 fr. 57) devait être reporté telle quelle au 01.01.2013, pour être ensuite réduite chaque année de 10’000 fr. En retenant que le montant du bien dessaisi s’élevait à 117’996 fr. 95 en 2013, la juridiction cantonale a violé l’anc. art. 17a al. 2 OPC-AVS/AI.

 

En ce qui concerne la part de fortune des enfants dont il n’est pas tenu compte dans le calcul des prestations complémentaires (au sens de l’anc. art. 8 OPC-AVS/AI), le SPC ne prétend pas qu’il serait contraint par les instructions de la juridiction cantonale de statuer dans un sens contraire au droit fédéral. Même si le SPC conteste la nécessité de reprendre ses calculs, car ceux-ci seraient selon lui déjà corrects, il n’y a pas lieu d’ouvrir la possibilité d’un recours immédiat uniquement pour améliorer ou compléter le cas échéant un considérant cantonal. En tout état de cause, le SPC dispose d’une latitude suffisante pour exposer dans la nouvelle décision qu’il est appelé à rendre la manière selon laquelle il exclut la part de fortune de l’enfant mineur dont il n’est pas tenu compte dans le calcul des prestations complémentaires. Le grief est ainsi irrecevable en l’état.

 

 

Le TF rejette le recours de l’assuré et admet partiellement le recours du Service des prestations complémentaires, annulant le jugement cantonal et la décision sur opposition du SPC, renvoyant la cause à ce dernier pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

 

Arrêt 9C_787/2020+9C_22/2021 consultable ici