9C_422/2021 (f) du 23.03.2022 – Prestations complémentaires – Dessaisissement de fortune – 17 OPC-AVS/AI (dans sa teneur jusqu’au 31.12.2020) / Détermination de la part de l’assurée sur les immeubles cédé aux enfants

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_422/2021 (f) du 23.03.2022

 

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Prestations complémentaires – Dessaisissement de fortune – 17 OPC-AVS/AI (dans sa teneur jusqu’au 31.12.2020)

Détermination de la part de l’assurée sur les immeubles cédé aux enfants

 

Assurée, née en 1938, a présenté une demande de prestations complémentaires à sa rente AVS, en novembre 2018. Par décisions du 01.03.2019, la caisse de compensation (ci-après: la caisse) a rejeté la demande. En bref, elle a considéré que pour la période courant dès le 01.11.2018, les revenus déterminants étaient supérieurs aux dépenses reconnues, en prenant notamment en considération que l’assurée s’était dessaisie sans contrepartie de biens immobiliers au profit de ses deux fils.

Le 26.09.2019, la caisse a rejeté l’opposition de l’assurée. Dans ses calculs, elle a fixé respectivement à 117’260 fr. (pour 2018) et 107’260 fr. (pour 2019) les montants de la fortune dessaisie, après déduction des dettes hypothécaires, en fonction des informations données par la commission de taxation de la commune, qui avait estimé la valeur des biens cédés en mars et septembre 2007 à 323’120 fr. et 433’400 fr. Selon la caisse, les immeubles cédés constituaient des acquêts, de sorte que la part de dessaisissement de l’assurée correspondait à la moitié de la valeur des biens.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 14.07.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Il y a dessaisissement lorsque la personne concernée a renoncé à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique et sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente, ces deux conditions étant alternatives (ATF 140 V 267 consid. 2.2; 134 I 65 consid. 3.2; 131 V 329 consid. 4.4). Aux termes de l’art. 17 OPC-AVS/AI (RS 831.301), dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31.12.2020, la fortune prise en compte doit être évaluée selon les règles de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton du domicile (al. 1). Lorsque des immeubles ne servent pas d’habitation au requérant ou à une personne comprise dans le calcul de la prestation complémentaire, ils seront pris en compte à la valeur vénale (al. 4).

Consid. 4.1
L’assurée ne conteste pas les constatations de la juridiction cantonale selon lesquelles feu son époux était inscrit au registre foncier comme propriétaire des deux parcelles objets des libéralités et qu’elle avait cédé sa part dans l’hoirie de son conjoint à ses deux fils, singulièrement à B.__ selon l’acte notarié du 03.03.1997 et à D.__ selon l’acte notarié du 05.09.2007. Elle ne s’en prend pas non plus aux considérations de la juridiction cantonale selon lesquelles pour déterminer le montant de la fortune nette dont elle s’était dessaisie, il convenait de fixer non seulement la quote-part découlant de sa participation à l’hoirie, mais également sa participation à la liquidation du régime matrimonial, laquelle précédait celle de la succession. L’assurée s’en prend uniquement à la quotité de la part sur les biens cédés à ses fils, que la juridiction cantonale a fixée à deux tiers au lieu de la moitié retenue par la caisse. Elle se limite cependant à contester la modification de la répartition effectuée par le Tribunal cantonal et retenir dans ses propres calculs la « répartition validée par la caisse (…), soit 1/2 », sans faire valoir d’élément concret à l’encontre du raisonnement de la juridiction cantonale.

Toutefois, les considérations cantonales, fondées sur les règles du code civil relatives à la liquidation du régime matrimonial en vigueur jusqu’au 31.121987 (soit avant l’entrée en vigueur de la modification du Code civil suisse du 05.10.1984 [Effets généraux du mariage, régime matrimonial et successions; RO 1986 122]), en fonction de la date du décès de l’époux de l’assurée (en 1984), ainsi que sur les règles sur le partage successoral (dont en particulier l’art. 462 ch. 1 CC), reposent sur une application erronée du droit. Les premiers juges ont d’abord correctement tenu compte des (anciennes) règles sur l’union des biens, applicables à défaut de contrat de mariage ou de situation soumise au régime matrimonial extraordinaire (art. 178 aCC, en relation avec l’art. 9a al. 2 des dispositions transitoires du CC). Conformément aux art. 213 et 214 al. 1 aCC, au décès du mari, le bénéfice restant après le prélèvement de ses apports par la femme appartient pour un tiers à celle-ci ou à ses descendants et, pour le surplus, au mari ou à ses héritiers. En revanche, la juridiction cantonale a perdu de vue que selon l’art. 462 al. 1 aCC, qui a été modifié au 01.01.1988 (RO 1986 122, p. 143), le conjoint survivant peut réclamer à son choix, si le défunt laisse des descendants, l’usufruit de la moitié ou la propriété du quart de la succession. La part de l’assurée à la succession de son époux s’élevait dès lors à un quart au décès de celui-ci, moment de l’ouverture de la succession (art. 537 al. 1 CC; cf. STEINAUER, Le droit des successions, 2e éd. 2015, N 62, 104 et 852 ss). La part de l’assurée sur les immeubles cédés à ses fils s’élevait dès lors à 1/2 (1/3 [résultant de la dissolution du régime matrimonial] + [1/4 x 2/3 résultant du partage de la succession]). Par conséquent, c’est bien la quotité d’une demie prise en considération par la caisse qui se révèle conforme au droit. Ce résultat ne modifie cependant pas l’issue de la cause, comme il ressort des considérations suivantes.

Consid. 4.3
L’assurée invoque finalement en vain une violation de l’art. 17c OPC-AVS/AI, selon lequel le montant du dessaisissement en cas d’aliénation correspond à la différence entre la valeur de la prestation et la valeur de la contre-prestation. Cette disposition est entrée en vigueur au 01.01.2021 (RO 2020 599) et n’est par conséquent pas applicable en l’occurrence. Au demeurant, contrairement à ce que soutient l’assurée, les dettes hypothécaires « en vigueur en mars 1997 » ne constituent pas une contre-prestation au sens de la règle d’exécution.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_422/2021 consultable ici

 

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