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Rémunération des proches aidants : le Conseil fédéral veut assurer la qualité et l’économicité des prestations

Rémunération des proches aidants : le Conseil fédéral veut assurer la qualité et l’économicité des prestations

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 15.10.2025 consultable ici

 

Lors de sa séance du 15 octobre 2025, le Conseil fédéral a adopté le rapport «Prestations de soins fournies par les proches aidants dans le cadre de l’assurance obligatoire des soins» qui relève que l’implication des proches est un pilier important des soins de santé. La possibilité pour les proches aidants d’être engagés et rémunérés aux frais de l’assurance maladie devrait être maintenue, pour autant que les exigences en matière d’économicité et de qualité prévues par la LAMal soient respectées. Le Conseil fédéral charge l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) d’accompagner et de soutenir les acteurs responsables (fournisseurs de prestations, cantons et assureurs) dans la mise en œuvre des mesures recommandées dans le rapport.

 

Depuis un arrêt du Tribunal fédéral des assurances en 2006, les proches de personnes nécessitant des soins peuvent être indemnisés pour les soins de base qu’ils leur prodiguent, s’ils sont employés par une organisation d’aide et de soins à domicile. Cette pratique s’est considérablement développée ces dernières années et certaines organisations emploient presque exclusivement des proches aidants. Cette évolution a suscité des critiques, notamment en raison des bénéfices potentiellement élevés de ces organisations qui grèvent l’assurance-maladie, les cantons et les communes de coûts supplémentaires. C’est cette tendance qu’analyse le rapport «Prestations de soins fournies par les proches aidants dans le cadre de l’assurance obligatoire des soins», en réponse à plusieurs interventions parlementaires.

 

Un rôle essentiel dans le domaine des soins

Le rapport relève que les proches aidants jouent un rôle essentiel pour le système de santé et contribuent à atténuer les effets de la pénurie de personnel qualifié dans le domaine des soins. Dans ce contexte, la Confédération évalue de manière positive la possibilité de se faire engager par une organisation de soins et d’aide à domicile pour prodiguer des soins à des proches, pour autant que les exigences en matière d’économicité et de qualité prévues par la loi sur l’assurance maladie (LAMal) soient garanties.

La rémunération des prestations de soins fournies par des proches employés par une organisation de soins et d’aide à domicile est régie par les dispositions de la LAMal. Le rapport arrive à la conclusion que ces prestations sont suffisamment définies et limitées par la jurisprudence et les dispositions légales. Les organisations qui emploient des proches aidants sont tenues de respecter les exigences en matière d’économicité et de qualité. Les cantons et les assureurs disposent d’instruments pour garantir que ces organisations satisfont aux exigences légales y relatives. Dans le cadre de l’autorisation d’exercer à la charge de l’AOS, les cantons peuvent par exemple exiger que tous les employés aient la formation nécessaire ou que les organisations de soins et d’aide à domicile disposent du personnel requis pour accompagner et superviser les proches aidants engagés. Les associations des organisations de soins et d’aide à domicile peuvent fixer, notamment dans le cadre de la convention de qualité prévue par la loi, des règles uniformes pour toutes les organisations actives en Suisse. Les assureurs maladie doivent notamment vérifier si les prestations ont été fournies de manière économique.

Par ailleurs, le fait que de telles organisations réalisent des bénéfices n’est en principe pas contraire à la LAMal, pour autant que leurs prestations soient efficaces, économiques et de qualité adéquate. Dans le cadre actuel du financement des soins, les cantons peuvent limiter la rémunération des prestations de soins fournies par les proches, pour empêcher la réalisation de profits indûment élevés et garantir une rémunération appropriée et économique qui ne crée pas de fausses incitations financières.

 

L’OFSP accompagnera cantons et acteurs responsables

Si les acteurs responsables disposent d’instruments suffisants pour contrer les effets indésirables de l’engagement de proches aidants, ces instruments ne sont pas encore mis en œuvre de manière suffisamment systématique et cohérente afin d’assurer la qualité et l’économicité des prestations. Le Conseil fédéral propose ainsi aux acteurs différentes mesures pour y remédier. Il recommande par exemple aux cantons d’édicter des directives précises pour l’engagement de proches aidants, notamment de prévoir un nombre suffisant de personnes soutenant les proches-aidants. Les organisations de soins à domicile devraient également systématiquement déclarer dans leurs factures si des prestations ont été fournies par des proches aidants. Le Conseil fédéral charge l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) d’accompagner et de soutenir les acteurs responsables (fournisseurs de prestations, cantons et assureurs) dans la mise en œuvre des mesures recommandées dans le rapport.

 

 

Résumé

Le rapport du Conseil fédéral du 15 octobre 2025 rappelle le cadre légal et les compétences des acteurs: l’assurance-maladie finance les soins de base selon les règles de la LAMal et de son ordonnance, tandis que les cantons autorisent et surveillent les organisations de soins et d’aide à domicile; les assureurs, de leur côté, disposent d’instruments pour contrôler l’économicité et la qualité. Aucune révision matérielle des bases fédérales n’est jugée nécessaire; l’accent est mis sur une meilleure utilisation des marges de manœuvre existantes au niveau cantonal, conventionnel et assurantiel.

Sur la base d’une enquête nationale menée au printemps 2025 auprès des organisations de soins et d’aide à domicile (OSAD), le Conseil fédéral constate une hausse marquée des engagements de proches aidants salariés, en particulier depuis 2023, avec une poursuite attendue de cette tendance. Ces conclusions s’appuient sur le rapport BASS mandaté par l’OFSP, qui documente l’ampleur du phénomène, les volumes de travail et les mécanismes de supervision clinique mis en place.

Depuis 2006, puis à la faveur d’évolutions plus récentes, il est admis que les proches peuvent fournir des soins de base à la charge de l’AOS lorsqu’ils sont employés par une organisation autorisée, pour autant qu’une surveillance et une instruction adéquates par du personnel diplômé soient garanties, ce que confirment les analyses reprises par l’étude BASS. Cette exigence de supervision constitue l’un des piliers de la garantie de qualité.

Sur le plan de l’économicité, le Conseil fédéral relève que certaines organisations se sont spécialisées presque exclusivement dans l’emploi de proches aidants, ce qui a suscité des critiques liées au niveau des rémunérations et à la charge financière pour l’assurance-maladie et les collectivités. Le Conseil fédéral ne propose pas d’interdire ce modèle, mais insiste sur l’usage systématique des instruments existants pour prévenir des effets indésirables, y compris des exigences d’admission, de contrôle des prestations facturées et de convention de qualité. En particulier, il conviendrait, selon le Conseil fédéral, d’exiger que lorsqu’un employé d’une OSAD ne soigne que des personnes proches, l’efficacité, l’adéquation et le caractère économiques des prestations, selon l’art. 32 al. 1 LAMal, soient, le cas échéant, examinés de plus près par le médecin-conseil au sens de l’art. 57 LAMal.

Le thème de la qualité est développé en détail. Il comprend la définition des prestations de soins de base admissibles, la formation minimale attendue des personnes employées, l’obligation d’accompagnement et d’évaluation par des professionnels diplômés, ainsi que la traçabilité des actes. Le Conseil fédéral invite les associations faîtières et les cantons à formaliser ces exigences, notamment dans le cadre de la convention de qualité prévue par la loi et lors des procédures d’autorisation à pratiquer à la charge de l’AOS.

Le rapport du Conseil fédéral aborde également le thème du « devoir d’assistance et obligation de réduire le dommage ». Le principe selon lequel il est possible de ne pas facturer à la charge de l’AOS les soins pouvant être raisonnablement demandés au titre de l’obligation de réduire le dommage et du devoir d’assistance est apparemment largement admis dans la pratique. Le Conseil fédéral suggère que l’étendue de l’obligation de réduire le dommage et du devoir d’assistance soit définie au cas par cas en tenant compte de la situation particulière où le devoir d’assistance devrait concerner en premier lieu les prestations d’accompagnement et d’aide, les prestations de soins venant ensuite.

Le Conseil fédéral met en avant la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches. L’emploi auprès d’une organisation peut sécuriser des revenus lorsque la personne – surtout les femmes – a réduit ou interrompu son activité habituelle, mais il suppose aussi un accompagnement pour éviter la surcharge, une formation adaptée et un soutien dans la durée. Les mesures recommandées visent à professionnaliser l’engagement des proches sans nier la spécificité de leur relation de soins.

Les recommandations du Conseil fédéral sont essentiellement opérationnelles. Le DFI/l’OFSP est chargé d’accompagner et de soutenir les cantons, les assureurs et les organisations dans la mise en œuvre, en veillant à ce que les exigences de qualité et d’économicité soient concrétisées dans les autorisations, les conventions et les pratiques de contrôle. Le message politique transmis est qu’une réglementation fédérale plus poussée n’est pas opportune à ce stade si les acteurs utilisent pleinement les outils déjà disponibles.

En résumé, le Conseil fédéral entérine la possibilité d’employer et de rémunérer des proches aidants à la charge de l’AOS, appelle à une mise en œuvre plus systématique des exigences de qualité et d’économicité, et rappelle que ces rapports d’emploi ne dérogent ni au droit du travail ni aux standards professionnels applicables aux soins. La mise en œuvre, sous l’égide de l’OFSP et des cantons, devra faire la preuve de son efficacité dans les prochains mois sur la base des constats empiriques dressés par l’étude BASS.

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 15.10.2025 consultable ici

Rapport du Conseil fédéral du 15.10.2025 consultable ici

Rapport de recherche « Umfrage bei den Organisationen der Krankenpflege und Hilfe zu Hause (Spitex) zu angestellten Angehörigen », Büro BASS, 26.05.2025, disponible ici

 

 

 

9C_275/2025 (f) du 07.08.2025 – Affiliation à l’assurance-maladie obligatoire d’un pensionné AVS domicilié en France – Devoir d’information relatif au droit d’option

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_275/2025 (f) du 07.08.2025

 

Consultable ici

 

Affiliation à l’assurance-maladie obligatoire d’un pensionné AVS domicilié en France – Droit d’option / 2 al. 6 OAMal – 11 Règl. n° 883/2004 – 24 Règl. n° 883/2004

Devoir d’information relatif au droit d’option

 

Résumé
Un rentier AVS de nationalité suisse domicilié en France a demandé son exemption de l’assurance-maladie obligatoire en Suisse plusieurs années après son départ. L’Institution commune LAMal a refusé sa demande au motif qu’il n’avait pas exercé son droit d’option dans le délai de trois mois prévu et qu’aucun défaut d’information ne pouvait être reproché à l’assureur, l’assuré n’ayant pas signalé son changement de domicile. Les griefs formulés contre les organismes français sont sans pertinence, le devoir d’information sur le droit d’option relevant uniquement des assureurs et des cantons suisses.  Le Tribunal fédéral a confirmé ce refus et rejeté le recours.

 

Faits
Au bénéfice d’une rente de vieillesse de l’AVS suisse depuis le mois de mai 2009, l’assuré ressortissant suisse né en 1943, a sollicité la résiliation de son contrat d’assurance-maladie suisse, le 13 juillet 2020, pour la fin de ce mois. Il faisait en substance valoir qu’il était désormais affilié au système général d’assurance-maladie français, indiquant une adresse en France.

Le 10.08.2020, la caisse-maladie a répondu à son assuré, qu’en sa qualité de bénéficiaire d’une rente de l’AVS suisse, il était soumis à l’obligation d’assurance en Suisse, mais qu’il avait la possibilité de faire usage du « droit d’option » afin de s’affilier au système de sécurité sociale de son pays de résidence (la France). La caisse-maladie a joint à son courrier une demande d’exemption à l’assurance-maladie suisse, ainsi que le formulaire « Choix du système d’assurance-maladie ». Elle a précisé que ces documents devaient être adressés à l’Institution commune LAMal (ci-après: l’institution commune), accompagnés d’une preuve de l’affiliation en France, et que la résiliation du contrat d’assurance deviendrait effective dès réception de l’exemption de l’obligation de s’assurer en Suisse délivrée par l’institution commune.

Le 09.09.2020, l’assuré a déposé une telle demande auprès de l’institution commune. Le 02.11.2020, il a complété son dossier, sans toutefois fournir le formulaire requis, expliquant l’avoir envoyé à la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) le 04.09.2020 sans retour. Entre novembre 2020 et mars 2021, l’institution commune l’a relancé à plusieurs reprises en l’invitant à transmettre le formulaire signé et timbré par la CPAM, en l’avertissant qu’à défaut, sa demande serait considérée comme sans objet et qu’il demeurerait affilié à l’assurance obligatoire suisse.

Faute d’avoir produit le document requis dans le délai imparti, l’institution commune a, par décision du 21.06.2021, confirmée sur opposition le 18.08.2021, rejeté la demande d’exemption pour dossier incomplet.

 

Procédure au TAF (arrêt C-4364/2021 – consultable ici)

Par jugement du 17.03.2025, rejet du recours par le Tribunal administratif fédéral.

 

TF

Consid. 2.2
Au regard du caractère transfrontalier des faits déterminants, il est incontesté que le litige doit être résolu à la lumière des dispositions de droit européen auxquelles renvoie l’annexe II de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP), à savoir en particulier le Règlement (CE) n° 883/2004 (ci-après: règlement n° 883/2004).

Consid. 2.3
L’arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions de droit européen nécessaires à la résolution du litige, en particulier celles sur la détermination de la législation nationale applicable (art. 11 du règlement n° 883/2004), ainsi que les dispositions particulières en matière de prestations de maladie, de maternité et de paternité assimilées applicables aux titulaires de pension (art. 23 s. du règlement n° 883/2004; cf. aussi ATF 146 V 290 consid. 3).

Consid. 2.4
On rappellera, à la suite des juges précédents, que l’Annexe XI du règlement n° 883/2004 (Suisse, ch. 3, let. a, sous ii et let. b) prévoit que les personnes pour lesquelles la Suisse assumera la charge des prestations en vertu des art. 24, 25 et 26 du règlement n° 883/2004 peuvent, à leur demande, être exemptées de l’assurance obligatoire tant qu’elles résident dans l’un des États suivants et qu’elles prouvent qu’elles y bénéficient d’une couverture en cas de maladie: l’Allemagne, l’Autriche, la France et l’Italie. Cette demande – appelée « droit d’option » – doit être déposée dans les trois mois qui suivent la prise de domicile à l’étranger (cf. aussi art. 2 al. 6 de l’OAMal, en relation avec les art. 3 al. 3 LAMal et 1 al. 2 let. d OAMal; ATF 147 V 402 consid. 4.1 à 4.3).

Si le « droit d’option » ne peut en principe pas être exercé au-delà du délai de trois mois suivant le départ à l’étranger, l’Annexe XI du règlement n° 883/2004 prévoit néanmoins que dans certains « cas justifiés », le « droit d’option » peut être exercé au-delà de ce délai (Suisse, ch. 3, let. b, sous aa). Selon la jurisprudence, tel est le cas notamment lorsque l’assuré a été empêché de faire valoir son « droit d’option » en raison d’un manque d’information (ATF 136 V 295 consid. 5.8-5.10), l’assuré devant être informé de l’existence du « droit d’option » et des modalités de son exercice (cf. arrêt 9C_531/2019 du 17 février 2020 consid. 6.2). L’obligation d’informer l’assuré sur son « droit d’option » incombe aux assureurs et aux cantons (cf. art. 6a al. 1 let. c LAMal et art. 7b OAMal; cf. également arrêt 9C_531/2019 précité consid. 6.2).

Consid. 3.1 [résumé]
Le Tribunal administratif fédéral a retenu que l’assuré, domicilié en France depuis le 01.01.2017, demeurait soumis à l’assurance-maladie obligatoire suisse conformément à l’art. 24 par. 1 et par. 2 let. a du règlement n° 883/2004, puisqu’il percevait exclusivement une rente AVS suisse. Il a constaté que l’intéressé n’avait pas exercé son droit d’option dans le délai de trois mois prévu, arrivé à échéance le 31.03.2017, dès lors qu’il n’avait déposé sa demande d’exemption qu’en septembre 2020. Le refus de l’institution commune d’exempter l’assuré était ainsi justifié. Le Tribunal administratif fédéral a en outre écarté l’existence d’un « cas justifié » fondé sur un défaut d’information : l’assureur ne pouvait se voir reprocher une telle omission, l’assuré n’ayant signalé son départ à sa caisse-maladie qu’en juillet 2020, soit plus de trois ans après son installation en France. L’assureur avait par ailleurs correctement informé l’assuré, le 10.08.2020, des démarches à suivre pour exercer le droit d’option conformément à l’ALCP et aux règlements européens applicables.

Consid. 3.2
À l’appui de son recours, l’assuré fait en substance valoir qu’il est domicilié en France depuis le 18.04.2018 et qu’il ne peut pas lui être reproché de n’avoir pas respecté le délai de trois mois suivant sa prise de domicile en France pour exercer son « droit d’option » au vu « du manque d’informations et de la lenteur des services concernés ».

Consid. 4.1 [résumé]
C’est en vain, d’abord, que l’assuré se réfère à un arrêt rendu le 14 mai 2019 par la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud, qui selon lui aurait « mis en évidence » qu’il était domicilié en Suisse en 2016 et 2017. À l’inverse de ce qu’affirme l’assuré, la juridiction cantonale a constaté qu’il était domicilié en France, à tout le moins déjà depuis le 1er janvier 2015 (cf. consid. 3c de cet arrêt cantonal [cause AM 43/17 – 20/2019]). Faute d’avoir exercé son droit d’option, l’intéressé restait ainsi soumis à l’assurance-maladie obligatoire suisse (cf. consid. 5d et 6 de l’arrêt cantonal précité).

Consid. 4.2 [résumé]
L’assuré ne peut invoquer un défaut d’information de l’assureur ou de l’institution commune. Il n’a pas entrepris de démarches dans le délai de trois mois suivant son installation en France, soit avant le 01.04.2017, et n’avait informé sa caisse-maladie de son départ qu’en 2019. Son argumentation, essentiellement appellatoire et dirigée contre la décision de l’institution commune du 18.08.2021, ne satisfaisait pas aux exigences de motivation de l’art. 105 al. 2 LTF. Dès lors, aucune violation du devoir d’informer ne pouvait être reprochée à l’assureur tant que le départ et l’intention de résiliation n’avaient pas été communiqués.

Quant aux démarches que l’assuré allègue avoir entreprises dès 2017 auprès de compagnies d’assurance françaises, en leur reprochant une méconnaissance de la réglementation et un manque d’informations et de conseils, elles ne lui sont d’aucun secours. Le devoir d’information relatif au « droit d’option » et aux modalités d’exercice de celui-ci incombe en effet aux assureurs et aux cantons suisses (consid. 2.4 supra), comme l’ont dûment rappelé les premiers juges.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_275/2025 consultable ici

 

 

Taxe pour les consultations aux urgences : le Conseil fédéral rejette le projet

Taxe pour les consultations aux urgences : le Conseil fédéral rejette le projet

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 20.08.2025 consultable ici

 

Le Conseil fédéral estime qu’une taxe pour les consultations aux urgences ne permettrait pas de décharger ces dernières. Il a décidé le 20 août 2025 de répondre en ce sens au rapport publié par la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national sur l’initiative parlementaire 17.480 « Urgences hospitalières. Taxe pour les cas bénins ». Le projet visait à donner aux cantons la compétence d’appliquer un supplément de 50 francs maximum sur la quote-part à la charge des patients pour chaque consultation aux urgences. Le Conseil fédéral propose de ne pas entrer en matière.

 

Ces dernières années, le nombre de consultations des patientes et patients aux urgences a augmenté. Les hôpitaux indiquent que beaucoup d’entre elles concernent des cas bénins. Dans le cadre de l’initiative parlementaire 17.480 Bäumle, le Parlement a débattu de la possibilité d’introduire une taxe pour ces situations, afin de mieux diriger les patients et de décharger les urgences. Cependant, le projet de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) ne se limite plus aux cas bénins mais il prévoit que toute personne se rendant aux urgences sans demande écrite – d’un médecin, d’un pharmacien, d’un centre de télémédecine ou d’un numéro d’urgence cantonal – paie un supplément à la quote-part de 50 francs au maximum.

Cette disposition ne s’appliquerait pas aux femmes enceintes, aux enfants et aux personnes emmenées par les entreprises de transport ou de sauvetage. Chaque canton déciderait de l’introduction ou non d’un tel supplément et en fixerait le montant.

 

Effet dissuasif limité

Le Conseil fédéral partage l’objectif du projet : décharger les urgences hospitalières pour qu’elles puissent se concentrer sur leur mission première, c’est-à-dire le traitement rapide et efficace des cas graves. Il estime cependant que le projet ne permet pas d’atteindre ce but, un avis partagé par la grande majorité des acteurs (hôpitaux, médecins, assureurs maladie, cantons) concernés et exprimé dans près de 87% des retours reçus lors de la consultation.

En effet, si l’on souhaite rediriger les patients, il y a besoin d’une solution alternative. Or, les urgences sont souvent le seul accès aux soins médicaux, surtout en dehors des heures de bureau et pendant les week-ends. Dans les régions rurales, il est particulièrement difficile de trouver un généraliste disponible.

 

Hausse de la charge administrative et surcoûts

Le Conseil fédéral tient à ce que la charge administrative des fournisseurs de prestations médicales reste raisonnable, afin que leur personnel, parfois limité, puisse se consacrer à la prise en charge et au traitement des patients. Les fournisseurs de prestations comprennent notamment les hôpitaux, les médecins prescripteurs, les pharmacies ou les centres de télémédecine.

Dans ce contexte, le Conseil fédéral, la faîtière des hôpitaux H+ et un nombre d’autres acteurs estiment que l’application de la nouvelle réglementation augmenterait la charge administrative des cantons, des assureurs-maladie et des fournisseurs de prestations, tout en compliquant l’accès aux soins pour les assurés. Par exemple, les cantons devraient adapter leur législation, surveiller la mise en œuvre, mener des campagnes d’information et régler des questions de responsabilité. Les assureurs devraient, eux, déterminer après chaque consultation si la personne réside dans un canton ayant introduit la taxe et vérifier si elle disposait d’une demande écrite ou s’il s’agissait d’une urgence. Quant aux fournisseurs de prestations, ils devraient émettre et contrôler les demandes.

Ces charges administratives supplémentaires pourraient générer des surcoûts disproportionnés par rapport à l’efficacité probablement discutable de la mesure. Le Conseil fédéral propose de ne pas entrer en matière.

Le Conseil fédéral estime qu’un accès facilité à de bonnes offres médicales de base ainsi qu’une information et une sensibilisation mieux ciblées peuvent contribuer à réduire le nombre de de personnes se rendant aux urgences pour des cas bénins.

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 20.08.2025 consultable ici

Avis du Conseil fédéral (version provisoire) consultable ici

Initiative parlementaire 17.480 Bäumle « Urgences hospitalières. Taxe pour les cas bénins » consultable ici

 

 

Jugement de la CrEDH – Affaire B.R. c. Suisse (Requête no 2933/23) du 08.07.2025 / Refus de l’assurance maladie de prendre en charge le coût très onéreux du médicament de la requérante souffrant d’une maladie rare

Jugement de la CrEDH – Affaire B.R. c. Suisse (Requête no 2933/23) du 08.07.2025

 

Consultable ici

 

Refus de l’assurance maladie de prendre en charge le coût très onéreux du médicament de la requérante souffrant d’une maladie rare / 71a LAMal – 71b LAMal

Évaluation de l’efficacité d’un médicament / 65a LAMal

Respect de la vie privée (8 CEDH) et de la dignité humaine (3 CEDH), discrimination fondée sur son état de santé (14 CEDH)

 

Résumé
la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) a examiné la requête d’une femme atteinte de SMA de type 2, à qui les autorités suisses avaient refusé la prise en charge du traitement médicamenteux Spinraza. À une majorité de quatre voix contre trois, la Cour a jugé qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 8 de la Convention, estimant que les juridictions suisses n’avaient pas outrepassé leur marge d’appréciation en appliquant strictement les exigences du droit interne, notamment quant à la preuve scientifique d’un bénéfice thérapeutique élevé. Les griefs tirés des articles 3 et 14 ont été déclarés irrecevables. Trois juges ont exprimé une opinion dissidente, reprochant aux autorités internes de ne pas avoir pris en compte de manière suffisante la situation concrète de la requérante et les effets concrets du traitement sur son autonomie, sa communication et sa dignité.

 

Faits
La requérante, née en 1988, souffre depuis l’âge de 8 mois d’une amyotrophie spinale de type 2, responsable d’une tétraplégie. Elle se déplace en fauteuil roulant depuis l’âge de 3 ans, est alimentée par sonde depuis 2003, trachéotomisée depuis 2007 et sous ventilation continue depuis 2016. Elle peut communiquer à l’aide du « pavé tactile » d’un ordinateur portable et utiliser le « joystick » de son fauteuil roulant. Elle a obtenu un master en linguistique en 2015, travaille comme assistante scientifique à l’université de Zurich et poursuit un doctorat. En novembre 2017 et janvier 2018, son médecin a sollicité auprès de la caisse-maladie la prise en charge du traitement par Spinraza (substance active : Nusinersen), médicament autorisé en Suisse depuis septembre 2017 mais non inscrit sur la liste des spécialités de l’OFSP. La caisse-maladie a rejeté cette demande en décembre 2017 et février 2018, puis rendu une décision formelle de refus le 29 mai 2018, confirmée sur opposition le 28 août 2018, au motif que les études disponibles ne démontraient pas un bénéfice thérapeutique élevé du Spinraza dans un cas comme celui de l’assurée.

Par arrêt du 20.03.2020, le tribunal cantonal a rejeté le recours, niant toute violation des art. 3, 8 et 14 CEDH.

Le même jour, l’assurée a fait parvenir au tribunal une étude scientifique (T. Hagenacker et al., « Nusinersen in adults with 5q spinal muscular atrophy: a non-interventional, multicentre, observational cohort study », The Lancet Neurology, vol. 19, avril 2020, pp. 317-25 – accessible en ligne dès le 18.03.2020) dont l’objet consistait en l’examen de la fiabilité et de l’efficacité du traitement sur des patients adultes atteints de SMA, peu de données étant alors disponibles sur ce sujet. Réalisée à partir d’un groupe de patients âgés de 16 à 65 ans, l’étude en question utilisait comme critère principal d’évaluation une modification d’au moins trois points (sur un total de 66 points) du score HFMSE (Hammersmith Functional Motor Scale Expanded). Une amélioration cliniquement significative du score HFMSE avait été mesurée chez 35 patients (28%) ayant bénéficié de six mois de traitement, chez 33 patients (35%) ayant suivi 10 mois de traitement et chez 23 patients (40%) ayant eu un traitement de 14 mois. Les conclusions de la recherche étaient toutefois plus nuancées concernant les patients souffrant de SMA de type 2, pour lesquels les scores étaient moins élevés : une amélioration cliniquement significative avait ainsi été relevée auprès de 1 patient (2%) après 6 mois de traitement, de 2 patients (7%) après 10 mois et de 1 patient (5%) après 14 mois. Les résultats obtenus indiquaient donc une efficacité du traitement généralement plus élevée pour des patients présentant une forme de la maladie de moindre gravité.

L’étude n’ayant pu être prise en compte, l’assurée a déposé le 18.05.2020 une demande de révision de l’arrêt du 20.03.2020 et un recours au Tribunal fédéral.

L’assurée a produit une expertise médicale favorable au traitement, rédigée par deux spécialistes de la clinique universitaire d’Essen, dont l’un était co-auteur de l’étude scientifique de 2020.

Le 01.07.2020, le Spinraza a été inscrit sur la liste des spécialités de l’OFSP, avec une restriction excluant les patients de plus de 20 ans sous ventilation continue ou trachéotomisés, sauf s’ils avaient commencé le traitement avant leurs 20 ans pris en charge par l’assurance-invalidité. Le prix du médicament était fixé à CHF 80’595.95.

Le tribunal cantonal a rejeté la demande de révision par arrêt du 22.09.2021.

Le Tribunal fédéral a, par arrêt 9C_318/2020+9C_606/2021 du 16 août 2022, rejeté le recours, estimant que l’efficacité clinique individuelle n’était pas suffisante pour fonder une obligation de prise en charge et que l’inscription ultérieure du Spinraza sur la liste des spécialités ne modifiait pas la situation juridique, l’assurée étant expressément exclue de la couverture. Il a considéré qu’aucune discrimination au sens de l’art. 14 CEDH n’était identifiable.

 

CrEDH

Pratique interne pertinente

  1. Le Tribunal fédéral considère, dans sa jurisprudence, que la réglementation pertinente (art. 52 al. let. b LAMal ; art. 34 et 64 ss OAMal ; art. 30 ss OPAS) exclut en principe la prise en charge, au titre de l’assurance obligatoire des soins, des coûts des médicaments qui ne figurent pas sur la « liste des spécialités », laquelle est exhaustive et contraignante. Quant aux médicaments inscrits sur ladite liste, ils ne sont pris en charge que s’ils sont prescrits pour un usage autorisé par l’Institut suisse des produits thérapeutiques (Swissmedic) dans le cadre des art. 9 et suivants de la loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux (LPTh). Cette restriction vise à assurer, d’une part, que seuls des médicaments sûrs et effectifs selon la législation sur les produits thérapeutiques sont facturés à l’assurance obligatoire des soins et, d’autre part, que des coûts des prestations, au sens de l’art. 32 de la LAMal, sont contrôlés, les médicaments figurant sur la « liste des spécialités » ne pouvant être facturés à un prix plus élevé que celui qui leur est attribué dans celle-ci. Outre la prévention d’abus, pareil contrôle des prix poursuit l’objectif de maintenir un rapport coûts / bénéfices approprié (ATF 136 V 395, consid. 5.1).
  2. Dans un arrêt de 2010, soit avant l’entrée en vigueur des art. 71a ss OAMal, le Tribunal fédéral a jugé que les coûts d’un médicament prescrit pour une indication autre que celle pour laquelle il a été autorisé (prise en charge « hors étiquette » (off label)) devaient être pris en charge à titre exceptionnel lorsque l’utilisation dudit médicament constituait un préalable indispensable à la réalisation d’une autre prestation largement prédominante et prise en charge par l’assurance obligatoire des soins, ou s’il permettait d’escompter un bénéfice élevé (curatif ou palliatif) à l’égard d’une maladie potentiellement mortelle pour l’assuré ou susceptible à tout le moins de lui causer des problèmes de santé graves et chroniques alors que, faute d’alternative thérapeutique, il n’existait pas d’autre traitement efficace autorisé (ATF 136 V 395 consid. 5.2). Ces critères ont par la suite été repris à l’art. 71a OAMal.
  3. Le Tribunal fédéral a précisé que de telles exceptions entraient notamment en ligne de compte concernant des produits pharmaceutiques traitant de maladies tellement rares que les fabricants de médicament renonçaient à en demander l’autorisation (utilisation orpheline ou maladies orphelines). Toutefois, l’usage hors étiquette ne pouvait être admis quel que fût l’ampleur du bénéfice thérapeutique attendu, sans quoi l’appréciation de l’existence d’un tel bénéfice aurait remplacé le système légal fondé sur des listes exhaustives. Celui-ci visant également à assurer le caractère économique des prestations, il importait en particulier d’éviter qu’une pratique extensive de la prise en charge à titre exceptionnel conduisît à évincer la voie ordinaire de l’inscription sur liste au profit d’une appréciation au cas par cas et que, de ce fait, le contrôle du caractère économique des traitements, assuré par la « liste des spécialités », ne fût contourné (ATF 136 V 395 consid. 5.2).
  4. Selon l’approche constante retenue par le Tribunal fédéral, le point de savoir si un médicament présente un bénéfice thérapeutique est une question de fait, alors que l’appréciation du caractère élevé ou non d’un tel bénéfice constitue une question de droit (ATF 136 V 395 consid. 6.3 ; ATF 144 V 333 consid. 11.1.3, avec renvois).
  5. Le tribunal a indiqué en outre que les conditions générales prévues à l’art. 32 LAMal, selon lesquelles une prestation doit être efficace, appropriée et économique, valaient aussi pour les médicaments orphelins, l’efficacité devant de surcroît être démontrée par des méthode scientifiques. Ainsi, l’examen relatif à ce critère ne saurait être effectué uniquement au regard du cas individuel concerné. Pareille conclusion découle, de plus, de la législation sur les produits thérapeutiques, celle-ci retenant également l’exigence d’un bénéfice thérapeutique élevé comme condition posée à l’autorisation à durée limitée de médicaments agissant contre les maladies susceptibles d’entraîner la mort ou une invalidité au sens de l’art. 9a al. 1 lettre b de la LPTh, en conséquence de quoi la demande d’une telle autorisation présuppose qu’il existe au moins des résultats intermédiaires d’études cliniques indiquant que l’utilisation du médicament procurera un bénéfice thérapeutique notable (en allemand : « grosser therapeutischer Nutzen », cf. art. 19 al. 1 lettre c de l’ordonnance de l’Institut suisse des produits thérapeutiques du 22 juin 2006 sur l’autorisation simplifiée de médicaments et l’autorisation de médicaments fondée sur une déclaration [OASMéd, RS 812.212.23]). Cependant, pour ce qui est des médicaments orphelins, en raison de la rareté des maladies qu’ils concernent et du non-recours à la procédure ordinaire d’autorisation, il n’existe souvent pas autant de résultats scientifiques que pour les autres médicaments, et la preuve de leur efficacité générale ne peut donc être soumise aux mêmes exigences que celles qui s’appliquent aux fins d’une inscription sur la « liste des spécialités » (cf. art. 26 al. 1 OASMéd). Toutefois, leur efficacité thérapeutique ne saurait être admise, en l’absence d’études cliniques susceptibles de la démontrer, du seul fait que le médicament concerné a produit un effet curatif dans le cas particulier dont il est question, car procéder de la sorte reviendrait à déduire un lien de causalité entre deux événements successifs au simple motif de leur chronologie (raisonnement post hoc ergo propter hoc) alors que l’amélioration d’un état de santé peut aussi survenir de manière spontanée ou pour d’autres raisons que le traitement reçu. Par conséquent, la question de savoir si l’usage du médicament permet d’escompter un bénéfice élevé doit être examinée aussi bien de manière générale qu’en relation avec le cas concret (ATF 136 V 395 consid. 6.5).
  6. Enfin, se référant aux dispositions des art. 9a LPTh et 26 al. 1 OASMéd, le Tribunal fédéral a jugé que la preuve d’un bénéfice thérapeutique élevé, au sens de l’art. 71a al. b OAMal devait être apportée sous la forme soit d’études cliniques publiées présentant des résultats à tout le moins intermédiaires de nature à soutenir une conclusion en faveur d’un effet curatif important, soit d’autres résultats publiés permettant une appréciation scientifique de l’efficacité du médicament dans le nouveau domaine d’application en question et sur le fondement desquels il existerait, parmi les spécialistes de la pathologie dont s’agit, un consensus dans le sens d’un probable bénéfice élevé (ATF 142 V 325 consid. 2.3.2.2 ; 146 V 240 consid. 6.2.2).

SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ART. 8 DE LA CONVENTION

  1. La requérante soutient que le refus de prise en charge, dans le cadre de l’assurance obligatoire des soins, du médicament Spinraza a emporté violation du droit au respect de sa vie privée, au sens de l’art. 8 de la Convention. Elle reproche en outre aux autorités internes de ne pas avoir dûment examiné ses griefs, notamment en ce qui concerne l’efficacité du médicament Spinraza.

L’appréciation de la Cour

Principes généraux applicables [résumé]

  1. La Convention ne garantit pas le droit à la santé en tant que tel (Vasileva c. Bulgarie, no 23796/10, § 63, 17 mars 2016) ni celui à un traitement médical précis souhaité par un patient (Wenner, précité, §§ 55-58), ni, encore moins, un droit à la gratuité des soins médicaux (Pentiacova et autres c. Moldova (déc.), no 14462/03, CEDH 2005‑I). La Cour peut, en revanche, examiner si l’intéressé a accès au niveau de soins de santé dont bénéficie la population dans son ensemble (Pentiacova et autres, décision précitée, et Abdyusheva et autres c. Russie, nos 58502/11 et 2 autres, § 131, 26 novembre 2019).
  2. Des griefs relatifs au refus de certains traitements ou médicaments ont été examinés sous l’angle de l’art. 8 CEDH, en tant que composante de la vie privée, englobant l’autonomie personnelle, le développement individuel et la dignité humaine.
  3. Les questions de santé publique relèvent d’une large marge d’appréciation des autorités nationales, mieux placées pour déterminer les priorités et l’allocation des ressources (Abdyusheva et autres, § 112 ; Shelley c. Royaume-Uni (déc.), no 23800/06 ; Hristozov et autres, § 119 ; Durisotto, § 36). Cette marge varie selon les circonstances et s’élargit en l’absence de consensus entre États membres, notamment lorsque sont en jeu des questions morales ou éthiques sensibles (Dubská et Krejzová c. République tchèque [GC], nos 28859/11 et 28473/12, § 178 ; Parrillo c. Italie [GC], no 46470/11, § 169). En matière économique ou sociale, une large latitude est habituellement reconnue à l’État, dont les choix ne sont remis en cause que s’ils sont manifestement dépourvus de base raisonnable (Dubská et Krejzová, § 179 ; Shelley ; Hristozov et autres, § 119).
  4. L’art. 8 impose également des obligations positives visant à assurer un respect effectif de la vie privée, en plus de l’interdiction des ingérences arbitraires. Que les obligations soient positives ou négatives, il convient de ménager un juste équilibre entre les intérêts de l’individu et ceux de la collectivité, l’État disposant dans les deux cas d’une certaine marge d’appréciation (Pentiacova et autres ; Hristozov et autres, § 117).

 

Application des principes susmentionnés au cas d’espèce

Sur la question de savoir s’il y avait une obligation positive ou s’il y a eu une ingérence dans l’exercice du droit invoqué [résumé]

  1. Dans des affaires relatives à l’accès à des médicaments, la Cour a examiné si la mesure contestée constituait une restriction de la liberté de choisir un traitement médical, donc une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée, ou s’il s’agissait d’un manquement de l’État à son obligation positive de mettre en place un cadre réglementaire garantissant ce droit. Elle a jugé inutile de trancher entre ces deux approches, les frontières entre obligations positives et négatives au titre de l’art. 8 n’étant pas nettement définies, les principes applicables étant similaires dans les deux cas. Elle a retenu que l’analyse devait porter sur le respect du juste équilibre entre les intérêts de l’individu et ceux de la collectivité (Hristozov et autres, § 117 ; Abdyusheva et autres, § 114). En l’espèce, la Cour ne voit pas de raison de s’écarter de cette analyse. La question qui se pose est précisément celle de savoir si pareil équilibre a été ménagé, compte tenu de la marge d’appréciation de l’État dans ce domaine.

Sur la marge d’appréciation et la mise en balance des intérêts concurrents en présence

  1. La Cour doit dès lors répondre à la question de savoir si un juste équilibre a été ménagé entre les intérêts concurrents de l’individu et de la collectivité. Dans cet exercice, et compte tenu des principes rappelés ci‑dessus, elle gardera à l’esprit que les autorités internes sont généralement mieux placées pour évaluer les besoins et possibilités médicaux en recherchant un juste équilibre entre les intérêts concurrents de l’individu et de la collectivité.
  2. La Cour considère que dans la présente affaire, elle se trouve confrontée à l’interprétation à la lumière du droit suisse d’opinions scientifiques et d’expertises médicales. Sensible à la nature subsidiaire de sa mission, elle estime qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur des questions relevant exclusivement du champ de l’expertise médicale (Abdyusheva et autres, précité, § 118).
  3. La Cour rappelle que, si au moment où les cours nationales ont statué sur les demandes de la requérante, le Spinraza était autorisé en Suisse et figurait sur la liste des médicaments pris en charge par l’assurance obligatoire, il faisait l’objet d’une limitation qui excluait, en principe, la prise en charge de son coût pour des patients qui, comme l’intéressée, étaient âgés de 20 ans ou plus et avaient besoin d’une ventilation continue (paragraphe 15 ci-dessus). Cependant, en vertu du droit suisse pertinent, les assurances maladies avaient également l’obligation, à titre exceptionnel, de prendre en charge les médicaments faisant l’objet d’une limitation si l’usage du médicament en question permettait d’escompter un bénéfice élevé contre une maladie susceptible d’être mortelle pour l’assuré ou de lui causer des problèmes de santé graves et chroniques et que, faute d’alternative thérapeutique, il n’existait pas d’autre traitement efficace autorisé (art. 71a al. 1b OAMal ; paragraphe 20 ci-dessus). D’après la jurisprudence du Tribunal fédéral, le bénéfice élevé devait être prouvé pour le cas concret de l’assuré concerné, ainsi que de manière générale, selon des standards scientifiques, de sorte que la preuve d’un bénéfice dans un cas particulier ne suffisait pas pour que la condition fût remplie (paragraphe 25 ci-dessus).
  4. En l’espèce, les instances internes ont estimé que les études médicales concernant le Spinraza qui avaient été produites devant elles ne permettaient pas d’apporter la preuve scientifique d’un bénéfice élevé du médicament pour des malades souffrant de SMA de type 2 âgés d’au moins vingt ans et ayant besoin d’une ventilation permanente. Du reste, elles ont laissé ouverte la question de savoir si le traitement en question avait un bénéfice élevé pour la requérante, considérant qu’en tout état de cause l’efficacité du médicament dans un cas particulier ne pourrait à elle seule remplacer la preuve générale fondée sur des connaissances scientifiques.
  5. La Cour ne perd pas de vue qu’il revient au premier chef aux autorités nationales, particulièrement aux instances juridictionnelles, d’interpréter et d’appliquer le droit interne (voir, parmi d’autres, Naït-Liman c. Suisse [GC], no 51357/07, § 116, 15 mars 2018, et les affaires y citées). La Cour ne peut dès lors mettre en cause l’appréciation des autorités internes quant à de prétendues erreurs de droit que lorsque celles-ci sont arbitraires ou manifestement déraisonnables (voir, dans ce sens, Anheuser-Busch Inc. c. Portugal [GC], no 73049/01, §§ 85 et 86, CEDH 2007‑I).
  6. Concernant, tout d’abord, le système en place en Suisse, la Cour estime que les règles pertinentes du droit suisse impliquent a priori, notamment à travers les conditions d’« efficacité, [d’]adéquation, et [tenant au] caractère économique », une pesée entre, d’une part, l’intérêt de la communauté des assurés et la protection des ressources limitées de l’État et, d’autre part, l’intérêt privé d’une personne malade à recevoir un traitement donné onéreux. Dans ce contexte, la Cour, dans les limites de son contrôle européen, ne considère pas la différence de traitement basée sur l’âge des patients comme étant dépourvue de fondement. Selon la Cour, il en va de même de l’exigence d’un « bénéfice élevé » du médicament pour les malades souffrant de SMA de type 2 ayant dépassé une certaine limite d’âge et ayant besoin d’une ventilation permanente, comme c’est le cas de la requérante.
  7. Par ailleurs, les tribunaux internes ont expliqué de manière explicite et compréhensible pour quelles raisons la question de savoir si l’usage du médicament permettait d’escompter un bénéfice élevé devait être examinée aussi bien de manière générale qu’en relation avec le cas concret (voir notamment la pratique interne pertinente, en particulier au paragraphe 25 ci-dessus). De surcroît, il ressort de la pratique interne pertinente que la preuve d’un bénéfice thérapeutique élevé, au sens de l’art. 71a al. b OAMal, devait être apportée notamment par des études cliniques, permettant une appréciation scientifique de l’efficacité du médicament dans le nouveau domaine d’application en question et sur le fondement desquels il pouvait être établi qu’il existait, parmi les spécialistes de la pathologie concernée, un consensus dans le sens d’un probable bénéfice élevé.
  8. Pour ce qui est ensuite de l’application des règles pertinentes au cas d’espèce, la Cour est d’avis que l’interprétation faite par les instances internes du droit interne, notamment du concept de « bénéfice élevé », n’était pas davantage arbitraire ou manifestement déraisonnable. En particulier, elle n’aperçoit rien d’inapproprié dans le fait pour les instances internes de retenir que les études scientifiques disponibles ne permettaient pas de conclure que le médicament Spinraza présentait un bénéfice thérapeutique élevé dans des cas tel celui de la requérante, et que la condition prévue par la réglementation à cet égard faisait par conséquent défaut en l’espèce (voir notamment le paragraphe 6 ci-dessus).
  9. En ce qui concerne plus spécifiquement l’étude transmise par la requérante le 20.03.2020, le tribunal cantonal, dans son arrêt du 22.09.2021 (paragraphe 16 ci-dessus), a estimé que celle-ci ne fournissait pas, s’agissant des patients adultes dans la situation de la requérante, à savoir des malades atteints de SMA de type 2 et souffrant de graves déficiences, de résultats suffisamment différenciés et clairs d’un point de vue probatoire. Ainsi, selon le tribunal, l’étude en question ne permettait pas de conclure assurément et avec une probabilité prépondérante à un bénéfice thérapeutique élevé pour cette catégorie de patients.
  10. Concernant, enfin, l’expertise médicale du 13.10.2020 (paragraphe 14 ci-dessus), il a retenu que, même en admettant que le médicament Spinraza avait un bénéfice élevé pour la requérante compte tenu de la situation particulière de celle-ci, il n’en découlait aucune obligation de prise en charge dudit médicament par l’assurance au regard du droit suisse dès lors que le critère d’efficacité devait être établi selon des méthodes scientifiques et que, par conséquent, le cas individuel d’un patient traité avec succès ne suffisait pas à prouver l’efficacité requise. Il s’ensuit que le fait d’avoir laissé ouverte la question de savoir si le traitement en question apportait un bénéfice élevé à la requérante ne saurait être critiqué par la Cour, considérant que, selon le système en place, l’efficacité dans un cas particulier ne pouvait à elle seule remplacer la preuve générale fondée sur des connaissances scientifiques.
  11. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que ni le système en place en Suisse, ni son application par les instances internes dans le cas concret n’apparaissent comme arbitraires ou manifestement déraisonnables en vertu du droit suisse, ni contraire à l’art. 8 de la Convention.
  12. [résumé] La Cour relevait aussi que la requérante avait pu faire valoir ses arguments dans un cadre juridique approprié et contradictoire, que les juridictions avaient répondu de manière détaillée à ses griefs, y compris ceux tirés de la Convention. L’absence de réponse du Tribunal des assurances sociales aux griefs conventionnels dans l’arrêt du 22 septembre 2021 n’était pas critiquable puisque la demande devait être rejetée en tout état.
  13. En conclusion, tout en reconnaissant l’extrême difficulté de la situation de la requérante, la Cour est d’avis que les autorités, qui disposent de ressources limitées, se voient parfois confrontées à des choix très difficiles. Même en admettant l’hypothèse selon laquelle un certain bénéfice découlant du traitement sollicité était réel chez la requérante, il reste que celle-ci devait être traitée selon les règles internes applicables et de manière égale à d’autres demandeurs potentiels, et que ses intérêts privés devaient être comparés aux intérêts opposés de l’État, notamment concernant les coûts liés au système de santé publique et des assurances sociales. Or, le médicament demandé était très onéreux, puisqu’il coûtait plus de CHF 80’000 par flacon, et la requérante avait besoin de plusieurs doses par an (paragraphe 15 ci-dessus). Dès lors, dans le cadre de son contrôle limité, la Cour ne voit pas que les autorités aient dépassé leur marge d’appréciation en refusant à la requérante le traitement demandé.
  14. Il s’ensuit qu’il n’y a pas eu violation de l’art. 8 de la Convention.

 

GRIEF RELATIF À L’ART. 3 DE LA CONVENTION

  1. La requérante soutient que le refus de prendre en charge, dans le cadre de l’assurance obligatoire des soins, les coûts liés au médicament Spinraza constitue une négation de sa dignité humaine et, dès lors, une violation de l’art. 3.

Appréciation de la Cour

Principes applicables [résumé]

  1. L’art. 3 de la Convention, qui prohibe en termes absolus la torture ainsi que les peines ou traitements inhumains ou dégradants, constitue une valeur fondamentale des sociétés démocratiques. Pour relever de cette disposition, un mauvais traitement doit atteindre un seuil minimal de gravité, seuil dont l’évaluation est relative et dépend du contexte, notamment de la durée, des effets physiques ou mentaux, et parfois du sexe, de l’âge ou de l’état de santé de la victime (Bouyid c. Belgique [GC], no 23380/09, §§ 86-87, CEDH 2015).
  2. Si l’art. 3 est généralement appliqué à des actes intentionnels émanant d’agents de l’État, il peut aussi s’appliquer à d’autres situations, compte tenu de la souplesse nécessaire dans son interprétation (Pretty c. Royaume-Uni, no 2346/02, § 50, CEDH 2002-III). Ainsi, la souffrance liée à une maladie peut entrer dans le champ de l’art. 3 si elle est aggravée par un traitement imputable aux autorités. Dans ce contexte, le seuil requis est élevé, dès lors que le préjudice découle de la maladie elle-même et non d’un comportement intentionnel des autorités (Paposhvili, § 183 ; confirmé par Savran c. Danemark [GC], no 57467/15, § 133, 7 décembre 2021).

 

Application des principes susmentionnés en l’espèce

  1. La Cour considère que la présente espèce se distingue des affaires où des personnes gravement malades ne pourraient bénéficier d’un traitement médical si elles étaient éloignées vers leur pays d’origine ne disposant pas de moyens médicaux adéquats (voir, notamment, les affaires précitées, Paposhvili, Savran, et N. c. Royaume-Uni). En effet, contrairement auxdites affaires, où l’état de santé précaire des intéressés aurait pu être davantage aggravé par la décision des autorités de les expulser dans leurs pays d’origine, la Suisse n’a pas directement contribué aux souffrances de la requérante, pour laquelle la maladie SMA de type 2, à l’origine d’une tétraplégie, a été détectée quand l’intéressée était âgée de 8 mois (paragraphe 4 ci-dessus).
  2. En revanche, la situation de la requérante se rapproche de celles examinées dans les affaires Hristozov et autres et Abdyusheva et autres (précitées), dans lesquelles les requérants s’étaient vu refuser un traitement avec des substances interdites, qu’ils jugeaient nécessaires. Or, dans ces arrêts, la Cour a conclu que le refus des autorités de donner accès aux médicaments souhaités n’avait pas atteint un seuil de gravité suffisant pour pouvoir être qualifié de traitement inhumain. Ainsi, en l’absence d’intention d’humiliation ou de rabaissement de la part des autorités en question, voire de souffrances infligées directement par les agents de l’État, elle a conclu à la non-violation de l’art. 3 de la Convention dans l’affaire Hristozov et autres (précité, §§ 113-115), et à l’irrecevabilité du grief dans l’affaire Abdyusheva et autres (précité, §§ 167 et 168).
  3. La Cour se rallie à ce raisonnement dans la présente affaire. Elle considère que le grief de la requérante procède d’une interprétation de l’art. 3 qui confère à la notion de traitements inhumains ou dégradants une portée plus étendue que celle qu’elle a en réalité et que, dès lors, elle ne peut souscrire au raisonnement de l’intéressée. En particulier, l’on ne saurait prétendre qu’en refusant à la requérante la prise en charge d’un traitement médical très coûteux dont l’efficacité, considérée de manière générale pour la catégorie de patients dont elle fait partie, n’était pas établie de manière probante, les autorités auraient directement ajouté à ses souffrances, certes importantes, mais qu’elle subit naturellement depuis sa prime enfance (voir, mutatis mutandis, Hristozov et autres, précité, § 113). L’allégation de la requérante selon laquelle le médicament demandé déployait une certaine efficacité dans son cas individuel est sans pertinence à cet égard. En effet, dans la mesure où la Convention, même au regard de l’art. 3, ne garantit pas d’accès libre à tout traitement médical, si souhaitable qu’il soit, et eu égard au fait que les États membres ne disposent que de ressources limitées, de nombreux individus se voient refuser des traitements, même essentiels, surtout s’ils sont permanents et coûteux (dans ce sens, Wiater c. Pologne (déc.), no 42290/08, § 36, 15 mai 2012).

Conclusion

  1. Compte tenu de ce qui précède, le grief formulé sur le terrain de l’art. 3 est manifestement mal fondé au sens de l’art. 35 § 3 a) et doit être rejeté en application de l’art. 35 § 4.

 

GRIEF RELATIF À L’ART. 14, COMBINÉ AVEC LES ART. 3 ET 8 DE LA CONVENTION

  1. Enfin, la requérante estime avoir subi une discrimination fondée sur son état de santé, en méconnaissance de l’art. 14 de la Convention, combiné avec les art. 3 et 8.

Appréciation de la Cour

Principes applicables [résumé]

  1. L’art. 14 de la Convention n’a pas d’existence autonome ; il complète les autres dispositions normatives en garantissant l’absence de discrimination dans la jouissance des droits qu’elles protègent (Beeler c. Suisse [GC], no 78630/12, § 47 ; Şahin c. Allemagne [GC], no 30943/96, § 85 ; Fábián c. Hongrie [GC], no 78117/13, § 112).
  2. Il n’est pas nécessaire qu’un droit matériel ait été violé pour qu’il trouve à s’appliquer ; il suffit que les faits de la cause relèvent d’un art. de la Convention. Cette interdiction de discrimination s’étend aux droits additionnels que les États choisissent de protéger. Ce principe est profondément ancré dans la jurisprudence de la Cour (voir, parmi beaucoup d’autres, Beeler, précité, § 48, Konstantin Markin c. Russie [GC], no 30078/06, § 124, CEDH 2012 (extraits), Petrovic c. Autriche, 27 mars 1998, § 22, Recueil des arrêts et décisions 1998-II ; Yocheva et Ganeva c. Bulgarie, nos 18592/15 et 43863/15, § 71, 11 mai 2021, et Stec et autres c. Royaume-Uni(déc.) [GC], nos 65731/01 et 65900/01, § 39, CEDH 2005-X).
  3. Selon la jurisprudence constante de la Cour, pour qu’un problème se pose au regard de cette disposition, il doit y avoir une différence dans le traitement de personnes placées dans des situations analogues ou comparables. Une telle différence est discriminatoire si elle ne repose pas sur une justification objective et raisonnable, c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s’il n’y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (voir, parmi d’autres, Beeler, précité, § 93, Biao c. Danemark [GC], no 38590/10, § 90, 24 mai 2016, et Khamtokhu et Aksenchik c. Russie [GC], no 60367/08 et 961/11, § 64, 24 janvier 2017).
  4. Les États jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour juger si des différences de situation justifient des traitements différenciés (voir, par exemple, Hämäläinen c. Finlande [GC], no 37359/09, § 108, CEDH 2014, X et autres c. Autriche, [GC], no 19010/07, § 98, CEDH 2013, et Vallianatos et autres c. Grèce [GC], nos 29381/09 et 32684/09, § 76, CEDH 2013 (extraits)). Cette marge d’appréciation varie selon les domaines et le contexte, étant en principe plus large en matière économique ou sociale (Burden c. Royaume‑Uni [GC], no 13378/05, § 60, CEDH 2008, Şerife Yiğit c. Turquie [GC], no 3976/05, § 70, 2 novembre 2010, et Stummer c. Autriche [GC], no 37452/02, § 89, CEDH 2011).
  5. Enfin, en ce qui concerne la charge de la preuve sur le terrain de l’art. 14 de la Convention, la Cour a jugé par le passé que lorsqu’un requérant a établi l’existence d’une différence de traitement, il incombe au Gouvernement de démontrer que cette différence de traitement était justifiée (Beeler, § 94, Biao, § 92, et Khamtokhu et Aksenchik, § 65, tous précités).

 

Application des principes susmentionnés au cas d’espèce

  1. La Cour estime d’emblée que la requérante peut prétendre être victime d’une discrimination fondée sur son état de santé, voire son handicap, pareil critère relevant de l’art. 14 de la Convention (voir, par exemple, l’arrêt Glor, précité, § 80).
  2. [résumé] Elle note que le grief tombait sous l’empire de l’art. 8, ce qui rendait l’art. 14 applicable, et laissait ouverte la question d’un éventuel rattachement à l’art. 3, ce dernier ayant déjà été écarté (paragraphe 89 ci-dessus).
  3. [résumé] Concernant les comparaisons invoquées par la requérante, la Cour observe un certain flottement dans l’argumentation de l’intéressée : devant les juridictions internes, elle se comparait à des personnes traitées pour le cancer ou bénéficiant de l’assurance invalidité avant 20 ans (paragraphes 7 ci-dessus), tandis qu’auprès de la Cour, elle dénonçait aussi une différence de traitement par rapport aux personnes non handicapées, puis, dans ses observations, par rapport à des patients atteints de SMA de plus de 20 ans qui n’ont pas besoin d’une ventilation continue ou d’une trachéotomie permanente.
  4. La Cour considère tout d’abord que pour ce qui est de la discrimination dénoncée par rapport aux personnes sans handicap, le grief n’a pas été soulevé au niveau interne. La Cour estime que, outre le fait que ledit grief ne satisfait pas, dès lors, à la condition de l’épuisement des voies de recours internes prévue à l’art. 35 § 1 de la Convention, la requérante, lourdement handicapée, ne peut en tout état de cause prétendre se trouver dans une situation analogue ou similaire à celle d’une personne sans handicap. Quant à la discrimination alléguée par rapport aux personnes souffrant de SMA qui bénéficient d’une prise en charge du traitement par Spinraza, ainsi que par rapport aux patients souffrant d’un cancer, la Cour a exposé dans le cadre de son examen du grief formulé sous l’angle de l’art. 8 de la Convention que les tribunaux internes avaient justifié de manière très détaillée, au regard du droit interne, la différence de traitement réservée à ces diverses catégories de patients, notamment à la lumière des principes d’efficacité et d’économie. Sur la base de l’état de la science actuelle et d’une pesée adéquate et complète des intérêts privés et de ceux de l’État, notamment concernant les coûts liés au système de santé publique et des assurances sociales, ils ont indiqué de manière approfondie les raisons pour lesquelles ils aboutissaient à la conclusion que la demande de prise en charge devait être rejetée dans le cas de la requérante. Rappelant qu’une ample latitude est normalement laissée à l’État pour prendre des mesures d’ordre général en matière économique ou sociale, la Cour ne voit pas, dans le cadre de son examen limité, que les autorités aient dépassé leur marge d’appréciation en refusant à la requérante le traitement demandé tout en le garantissant à d’autres catégories de patients, ou que les décisions des tribunaux internes aient été inappropriées pour d’autres motifs. Il s’ensuit que les autorités internes pouvaient se prévaloir d’une justification objective et raisonnable, au sens de la jurisprudence précitée (paragraphe 95 ci-dessus), pour la différence de traitement dont se plaint la requérante.

Conclusion

  1. Compte tenu de ce qui précède, le grief portant sur l’art. 14, combiné avec les art. 3 et 8 de la Convention, est manifestement mal fondé au sens de l’art. 35 § 3 a) et doit être rejeté en application de l’art. 35 § 4.

 

La Cour a déclaré, à la majorité, recevable le grief tiré de l’art. 8 de la Convention, et a jugé le reste de la requête irrecevable. Par quatre voix contre trois, elle a conclu à l’absence de violation de l’art. 8 de la Convention.

 

OPINION DISSIDENTE DU JUGE SERGHIDES [résumé]

Le juge Serghides exprime son désaccord avec le point 1 du dispositif, en ce qu’il déclare irrecevables les griefs fondés sur les articles 3 et 14 de la Convention, lesquels ne sont pas examinés dans l’arrêt. Il conteste à la fois l’absence d’examen de ces griefs et leur rejet au stade de la recevabilité sans analyse au fond. Il fait valoir des préoccupations similaires dans plusieurs autres opinions séparées, notamment L.F. et autres c. Italie, no 52854/18, 6 mai 2025, Kavečanský c. Slovaquie, no 49617/22, 29 avril 2025, Adamčo c. Slovaquie (no 2), nos 55792/20, 35253/21 et 41955/22, 12 décembre 2024, ainsi que dans mon opinion partiellement dissidente commune avec la juge Adamska-Gallant dans Cioffi c. Italie, no 17710/15, 5 juin 2025.

 

OPINION DISSIDENTE COMMUNE AUX JUGES SERGHIDES, ZÜND ET KOVATCHEVA [résumé]

Les juges dissidents estiment qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention. Ils reprochent à la majorité, ainsi qu’aux juridictions internes, de ne pas avoir appréhendé de manière effective la portée de la garantie conventionnelle de la vie privée. S’ils reconnaissent que les autorités nationales ont examiné la demande de prise en charge du Spinraza à la lumière du droit interne, ils considèrent que les griefs fondés sur la Convention ont été traités de manière lacunaire, voire éludés, en particulier par le Tribunal des assurances sociales et le Tribunal fédéral.

Ils soulignent que les tribunaux ont appliqué de manière rigide les exigences scientifiques sans évaluer concrètement les effets positifs du traitement dans la situation particulière de la requérante, notamment quant à son autonomie et sa capacité de communication. Ils estiment que l’absence de prise en compte du bénéfice individuel, documenté par une expertise médicale du 13 octobre 2020, et l’absence de réponse aux griefs relatifs aux droits garantis par l’article 8 (développement personnel, relations sociales, autonomie) constituent un manquement grave.

Ils relèvent également que l’argument du Gouvernement fondé sur le risque d’un raisonnement post hoc ergo propter hoc ne peut être retenu dans le contexte d’une maladie comme la SMA de type 2, qui ne présente aucune possibilité de guérison spontanée.

En conclusion, les juges estiment que les juridictions internes ont méconnu les obligations positives découlant de l’article 8 CEDH, notamment en ce qui concerne la situation concrète d’une personne vulnérable, et qu’il y a dès lors eu violation de cette disposition.

 

Jugement de la CrEDH – Affaire B.R. c. Suisse (Requête no 2933/23) du 08.07.2025 consultable ici

 

Les assurances sociales relèvent les défis du COVID long

Les assurances sociales relèvent les défis du COVID long

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.06.2025 consultable ici

 

Les défis liés à l’affection post-COVID-19, communément appelée COVID long, ne posent pas de problèmes majeurs aux assurances sociales et à l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie. C’est la conclusion à laquelle parvient le Conseil fédéral dans son rapport publié le 20 juin 2025 en réponse au postulat « Conséquences du Covid long ». Du point de vue de l’aide sociale, un certain risque de pauvreté peut être associé à l’affection post-COVID-19, mais il n’est pas plus important que pour d’autres maladies chroniques. Les améliorations recommandées concernant la procédure d’instruction et les possibilités de réadaptation peuvent être mises en œuvre dans le cadre des dispositions légales existantes.

Transmis le 16 juin 2021 par le Conseil national, le postulat 21.3454 « Conséquences du Covid long » demandait l’élaboration d’un rapport sur les conséquences de l’affection post-COVID-19 pour les diverses assurances sociales. Ce rapport devait mettre l’accent sur l’assurance-invalidité (AI) et le risque de pauvreté des personnes concernées, ainsi que sur la nécessité d’améliorer les interactions entre les assurances sociales.

 

Analyse de la situation du point de vue des assurances et de l’aide sociale

Le rapport du Conseil fédéral constate que l’assurance obligatoire des soins prend généralement en charge les prestations médicales nécessaires au traitement de l’affection post-COVID-19. Un précédent rapport avait déjà montré que le système suisse de santé a réagi rapidement et efficacement à cette nouvelle problématique. Pour l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie, le présent rapport conclut qu’en cas d’incapacité de travail durable, le dépôt rapide d’une demande à l’AI est essentiel pour éviter ou réduire autant que possible toute lacune entre les prestations des deux assurances.

Afin d’évaluer les conséquences de l’affection post-COVID-19 pour l’assurance-invalidité, la situation des personnes ayant déposé une demande à l’AI à la suite d’une infection au COVID-19 a fait l’objet d’une analyse approfondie. Les résultats de cette étude ont déjà été publiés fin janvier 2025. Ils montrent que l’AI parvient bien à relever ce défi avec les moyens et processus dont elle dispose, et que le nombre de rentes supplémentaires dues à l’affection post-COVID-19 n’est pas significatif. Néanmoins, les personnes qui déposent une demande à l’AI en raison de cette maladie présentent généralement des symptômes particulièrement graves et se voient plus souvent octroyer une rente que les assurés qui n’en sont pas atteints. L’assurance-accidents, quant à elle, est en particulier confrontée à la question de savoir si, dans des cas particuliers, l’affection post-COVID-19 peut être considérée comme une maladie professionnelle. Le nombre de ces cas est toutefois très faible. En ce qui concerne l’impact sur l’aide sociale, le rapport conclut que les personnes atteintes d’une affection post-COVID-19 peuvent être exposées à un risque de pauvreté ; ce risque n’est cependant pas plus élevé que pour d’autres maladies chroniques.

 

Améliorations recommandées

Le Conseil fédéral recommande différentes mesures pour améliorer l’efficacité des prestations octroyées par les assurances sociales aux personnes atteintes d’une affection post-COVID-19. Par exemple, il suggère d’indiquer aux médecins traitants de manière ciblée les données dont les offices AI ont besoin pour procéder à une instruction rapide et fondée. Par ailleurs, le Conseil fédéral recommande de définir des bonnes pratiques pour l’instruction des cas et la réadaptation des individus concernés, ainsi que de mener une enquête approfondie auprès des personnes atteintes de problèmes de santé chroniques et difficilement objectivables (pas seulement l’affection post-COVID-19) afin que les assurances puissent réagir plus rapidement aux nouvelles évolutions. Ces recommandations peuvent être mises en œuvre dans le cadre des dispositions légales existantes.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.06.2025 consultable ici

Rapport du Conseil fédéral du 20.06.2025, Conséquences du « Covid long », disponible ici

Rapport de recherche 2/25, Auswirkungen von Long-Covid auf die Invalidenversicherung, disponible ici

Une étude fournit pour la première fois des données scientifiques sur le COVID long dans l’AI, article consultable ici

Postulat CSSS-N 21.3454 «Conséquences du « Covid long »» consultable ici

 

Initiative parlementaire Weibel 17.480 « Urgences hospitalières. Taxe pour les cas bénins » – Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 10 avril 2025

Initiative parlementaire Weibel 17.480 « Urgences hospitalières. Taxe pour les cas bénins » – Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 10 avril 2025

 

Paru in FF 2025 1705

 

Condensé
Ce projet vise à conférer aux cantons la compétence d’appliquer un supplément de 50 francs au maximum à la quote-part pour chaque consultation aux urgences hospitalières. Sont exemptés de cette réglementation les femmes enceintes, les enfants, les personnes emmenées aux urgences des hôpitaux par les entreprises de transport ou de sauvetage ainsi que celles ayant été adressées aux urgences sur demande écrite d’un médecin, d’un centre de télémédecine, d’un pharmacien ou par l’intermédiaire d’un numéro d’urgence cantonal. L’argument financier a pour objectif de dissuader les assurés de se rendre aux urgences pour des cas bénins. Du point de vue de la commission, renforcer la prise de conscience des coûts et la responsabilité individuelle permettra de décharger les urgences des hôpitaux.

 

Contexte

Le taux de recours aux urgences hospitalières augmente régulièrement, entraînant une hausse de la charge de travail pour le personnel médical et soignant et une augmentation des délais d’attente. Forte de ces constats, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS‑N) considère qu’il y a lieu d’agir pour réduire la surcharge des services d’urgence des hôpitaux. L’initiative parlementaire (Weibel) Bäumle «Urgences hospitalières. Taxe pour les cas bénins» (17.480) demande l’introduction d’une «taxe» pour les cas bénins, qui permettrait de créer un effet dissuasif et de les détourner des urgences en les orientant vers une prise en charge plus adéquate et économique. La commission a analysé la compatibilité d’une telle solution avec les dispositions constitutionnelles et évalué plusieurs options de mise en œuvre. Après de longues délibérations, elle a identifié une solution pragmatique et efficace, sous la forme d’une augmentation ciblée de la participation aux coûts à la charge des assurés.

 

Contenu du projet

Ce projet prévoit d’appliquer un supplément de 50 francs au maximum à la quote-part à la charge de la personne assurée qui se rend dans un service d’urgence hospitalier sans demande écrite d’un médecin, d’un centre de télémédecine ou d’un pharmacien, ou par l’intermédiaire d’un numéro d’urgence cantonal. Cette réglementation ne concernerait pas les femmes enceintes, les enfants et les personnes emmenées aux urgences des hôpitaux par les entreprises de transport ou de sauvetage. Elle s’appliquerait uniquement aux personnes assujetties à l’assurance obligatoire des soins (AOS). La décision d’introduire une telle réglementation est laissée aux cantons.

Sa mise en œuvre requiert l’introduction d’un nouvel art. 64 al. 3bis LAMal.

 

Solutions étudiées et solution retenue

Notion d’urgence et de cas bénin

Une difficulté concerne les notions de «urgence» et de «cas bénin». L’objectif de l’initiative est de créer un effet dissuasif permettant d’orienter les «cas bénins» vers d’autres formes de prise en charge, en préservant les capacités d’accueil des services d’urgence des hôpitaux pour les véritables «urgences». La notion de «cas bénins» n’est pourtant définie ni dans la loi ni dans la pratique médicale.

La notion d’urgence a, quant à elle, été définie dans le cadre d’une révision de la LAMal visant la mise en œuvre de l’initiative cantonale du canton de Thurgovie 16.312 «Exécution de l’obligation de payer les primes. Modification de l’art. 64a de la loi fédérale sur l’assurance-maladie». Le nouvel art. 64a, al. 7, LAMal, entré en vigueur le 1er janvier 2024, définit une urgence comme suit: Une prestation relevant de la médecine d’urgence consiste en une prestation qui ne peut pas être repoussée. C’est le cas lorsque l’assuré, en l’absence d’un traitement immédiat, doit craindre une atteinte à la santé, voire la mort, ou qu’il peut mettre en danger la santé d’autres personnes.

Si le but est de détourner les «cas bénins» des urgences hospitalières, une approche possible est de se baser sur une définition négative et prévoir ainsi l’acquittement du supplément pour tout cas n’étant pas une urgence au sens de l’art. 64a al. 7 LAMal. Cette variante aurait le mérite de faire une distinction entre les personnes se rendant aux urgences hospitalières suite à une véritable urgence et celles qui y font recours pour des cas bénins, en prévoyant l’acquittement d’un émolument de 50 francs uniquement dans le deuxième cas de figure. En même temps, cette évaluation pèserait davantage sur les épaules des professionnels de la santé, qui seraient appelés à juger si une personne s’est rendue aux urgences en raison d’une véritable urgence ou s’il s’agit d’un cas bénin. Cette appréciation comporterait des tâches supplémentaires et des formalités administratives pour le personnel actif sur le terrain, allant à l’encontre de l’objectif, et elle risquerait même d’être source d’insécurité juridique pour les personnes concernées.

La commission a ainsi analysé la possibilité de s’éloigner de la distinction entre «urgence» et «cas bénin» et de prévoir l’introduction d’un supplément systématique pour toute consultation aux urgences hospitalières. Il serait possible de définir les exceptions à ce supplément de manière exhaustive. Le fait d’éviter l’appréciation subjective de la notion d’urgence permettrait de garantir la sécurité juridique de cette mesure et n’engendrerait guère de démarches administratives supplémentaires pour le personnel des urgences.

 

Solution retenue

Après avoir étudié deux approches différentes pour la mise en œuvre de l’initiative, la commission, sur la base des constats précédents, a opté pour une solution qui puisse être compatible avec les dispositions constitutionnelles et le champ d’application de la LAMal actuels. Elle propose ainsi de concrétiser la taxe incitative visée par l’initiative parlementaire par une augmentation ciblée de la quote-part à la charge du patient pour toute consultation auprès d’un service d’urgence des hôpitaux. Aux yeux de la commission, il s’agit d’une solution pragmatique permettant d’assurer un cadre d’application clair et uniforme. La commission a analysé deux variantes:

  • une première variante prévoit d’augmenter le montant maximal annuel de la quote-part de 50 francs pour chaque recours non justifié aux urgences hospitalières.
  • Dans la deuxième variante, plus incisive, la participation aux coûts est conçue sous la forme d’un supplément à la quote-part de 50 francs, qui interviendrait donc avant que l’assuré ait atteint le plafond annuel de la quote-part.

Dans le cadre de ses travaux préparatoires, la commission avait décidé, par 13 voix contre 12, de mettre en consultation la première variante (augmentation de la quote-part) comme variante proposée par la majorité. Le 10 avril 2025, sur la base des réponses obtenues lors de la consultation et dans le but de renforcer l’effet dissuasif de la mesure, la commission a opté, par 13 voix contre 8 et 4 abstentions, pour la plus incisive des deux variantes (supplément à la quote-part) dans le projet qu’elle a adopté à l’intention du Conseil national.

La commission a également voulu renoncer à une distinction entre véritables «urgences» et «cas bénins». Une telle démarche aurait impliqué une insécurité juridique et alourdi la charge de travail du personnel médical et soignant. La disposition doit donc prévoir comme mécanisme de base un supplément systématique à la quote-part pour toute consultation dans un service d’urgence d’un hôpital, indépendamment de la nature urgente ou bénigne du cas traité. Une fois ce principe de base établi, la commission a déterminé les exceptions à cette réglementation, qui sont définies de manière exhaustive. Sont exemptées du supplément les personnes qui se rendent aux urgences après avoir préalablement consulté un médecin, un centre de télémédecine ou un pharmacien. Dans tous ces cas, les patients auraient contacté, en amont, un autre prestataire de soins, ce qui revient au but de l’initiative, c’est-à-dire la réorientation des cas bénins vers d’autres formes de prise en charge médicale. De plus, les enfants de moins de 18 ans et les femmes enceintes sont exemptés de cette participation supplémentaire aux frais. Le 10 avril 2025, sur la base des réponses obtenues lors de la consultation, la commission a décidé, par 20 voix contre 4 et 1 abstention, d’étendre la liste des exceptions. Le projet prévoit désormais que les personnes adressées aux urgences par l’intermédiaire d’un numéro d’urgence cantonal et les personnes emmenées aux urgences par les entreprises de transport ou de sauvetage seront elles aussi exemptées du supplément à la quote-part.

La commission ne souhaite pas introduire ce système dans toute la Suisse, elle préfère prévoir cette possibilité dans le cadre légal fédéral et laisser ensuite le choix aux différents cantons. Cette solution est compatible avec la conception du système de santé suisse, qui confère de vastes compétences en matière de planification et d’organisation des soins aux cantons, et permet une prise en compte de la grande disparité entre les cantons en matière de recours aux urgences.

 

Initiative parlementaire Weibel 17.480 « Urgences hospitalières. Taxe pour les cas bénins » – Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 10 avril 2025, paru in FF 2025 1705

Projet de modification de la LAMal (Quote-part pour les consultations aux urgences des hôpitaux), paru in FF 2025 1706

Initiative parlementaire Weibel 17.480 « Urgences hospitalières. Taxe pour les cas bénins » consultable ici

 

 

9C_645/2024 (f) du 16.04.2025 – Tribunal arbitral des assurances / 89 LAMal – Garantie d’un juge indépendant et impartial – Récusation du juge arbitre désigné / 30 al. 1 Cst. – 6 par. 1 CEDH

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_645/2024 (f) du 16.04.2025

 

Consultable ici

 

Tribunal arbitral des assurances / 89 LAMal

Garantie d’un juge indépendant et impartial – Récusation du juge arbitre désigné / 30 al. 1 Cst. – 6 par. 1 CEDH

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de A.__ dirigé contre le refus de récusation d’un juge arbitre désigné par une caisse-maladie dans une procédure devant le Tribunal arbitral des assurances. Il a jugé, à la lumière de l’art. 89 al. 4 LAMal et des garanties d’un tribunal impartial prévues par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, qu’aucune apparence objective de partialité ne résultait ni des anciens rapports professionnels de B.__ avec l’assureur maladie, interrompus depuis près de dix ans, ni de son activité actuelle non dirigeante au sein de santésuisse. Le TF a confirmé que les exigences en matière d’indépendance sont allégées pour les juges arbitres désignés par les parties, dès lors que leur désignation s’inscrit dans une composition paritaire voulue par le législateur.

 

Faits

Le 20.04.2021, trois caisses-maladies ont saisi le Tribunal arbitral d’une demande en réparation d’un dommage dirigée contre A.__. Par la suite, une des caisses-maladies a repris les droits et obligations des deux autres assureurs, lesquels ont été radiés du Registre du commerce à la suite de fusions.

Dans le cadre de la procédure arbitrale, la caisse-maladie a désigné B.__, responsable de formation pour la Suisse romande auprès de santésuisse, en qualité d’arbitre. Le prénommé a accepté sa nomination. A.__ s’y est opposé et a demandé la récusation du juge arbitre désigné. La caisse-maladie a persisté dans son choix.

Par décision du 15.10.2024 (arrêt ATAS/799/2024), la Délégation du Tribunal arbitral des assurances en matière de récusation a rejeté la demande de récusation dans la mesure de sa recevabilité.

 

TF

Consid. 2.2
Selon l’art. 89 al. 1 LAMal, le Tribunal arbitral des assurances est compétent pour juger des litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations. Aux termes de l’art. 89 al. 4 LAMal, les cantons fixent la procédure qui doit être simple et rapide; le tribunal arbitral établit avec la collaboration des parties les faits déterminants pour la solution du litige; il administre les preuves nécessaires et les apprécie librement.

Consid. 2.3
Dans le canton de Genève, la procédure applicable devant le Tribunal arbitral des assurances est prévue par les art. 39 ss de la loi d’application de la LAMal (LaLAMal; rs/GE J 3 05). D’après l’art. 45 al. 3 LaLAMal, les dispositions de la loi genevoise sur la procédure administrative (LPA; rs/GE E 5 10) s’appliquent, notamment en ce qui concerne la récusation des membres du tribunal arbitral. Les causes de récusation sont énoncées à l’art. 15A al. 1 LPA. Au-delà des causes de récusation objectives visées aux let. a à e de cette disposition, se récuse le juge qui pourrait être prévenu de toute autre manière, notamment en raison d’un rapport d’amitié ou d’inimitié avec une partie ou son représentant (art. 15A al. 1 let. f LPA).

Consid. 2.4
La garantie d’un juge indépendant et impartial telle qu’elle résulte des art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH – lesquels ont, de ce point de vue, la même portée – permet, indépendamment du droit de procédure (en l’occurrence l’art. 15A al. 1 LPA), de demander la récusation d’un magistrat dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité. Elle vise à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d’une partie. Elle n’impose pas la récusation uniquement lorsqu’une prévention effective est établie, car une disposition interne de la part du juge ne peut être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l’apparence d’une prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat; cependant, seules les circonstances objectivement constatées doivent être prises en considération, les impressions purement individuelles n’étant pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3 et les arrêts cités).

De jurisprudence constante, des liens d’amitié ou une inimitié peuvent créer une apparence objective de partialité à condition qu’ils soient d’une certaine intensité. En revanche, des rapports de voisinage, des études ou des obligations militaires communes ou des contacts réguliers dans un cadre professionnel ne suffisent en principe pas. Plus généralement, pour être à même de trancher un différend avec impartialité, un juge ne doit pas se trouver dans la sphère d’influence des parties (ATF 144 I 159 consid. 4.3 et les arrêts cités).

Consid. 4.1
En ce qui concerne les juges du Tribunal arbitral cantonal, il convient de tenir compte de l’art. 89 al. 4 LAMal. Avec cette disposition, le législateur a voulu laisser la possibilité aux cercles intéressés mentionnés de faire participer au sein des tribunaux arbitraux des personnes de confiance, afin de transmettre les connaissances spécifiques en la matière et faire connaître les aspects particuliers de la branche si bien que les circonstances parlant en faveur ou en défaveur des parties puissent pleinement être prises en considération et être soigneusement appréciées.

Selon la jurisprudence, le droit à un juge impartial vaut certes aussi pour les juges arbitres siégeant aux côtés du président. En raison de leurs liens avec les cercles intéressés, ces juges ne peuvent guère, d’expérience, apparaître comme entièrement indépendants. Il est inhérent au système prévu que les représentants désignés par les parties vont avant tout essayer de s’engager pour que les prétentions et les besoins de leur cercle d’intérêts soient pris en considération dans un procès, en raison de leurs relations avec la partie correspondante. De même, ils vont sans doute se donner la peine de mettre en évidence les circonstances qui parlent en faveur de la partie impliquée dans le litige. De tels juges arbitres ne sont donc guère indépendants de la même manière que l’est le juge d’un autre tribunal étatique qui n’est pas composé de manière paritaire, ce qui vaut cependant aussi pour la partie adverse. Ceci doit être accepté comme conséquence de la conception de l’art. 89 al. 4 LAMal voulue par le législateur, qui prévoit que deux cercles d’intérêts se font face dans le tribunal arbitral; dans cette mesure, l’indépendance du tribunal arbitral n’est pas seulement garantie par l’indépendance individuelle des juges arbitres mais également par la composition paritaire. En conséquence, pour les juges arbitres désignés par les parties, il n’y a pas lieu de poser les mêmes exigences sévères à leur indépendance que pour les autres juges (ATF 124 V 22 consid. 5a; arrêt 9C_535/2021 du 13 mai 2022 consid. 2.3; REGINA KIENER, Richterliche Unabhängigkeit Verfassungsrechgliche Anforderungen an Richter und Gerichte, 2001, p. 117 ss).

La participation paritaire ne constitue cependant pas une défense unilatérale des intérêts d’une partie au procès. Le juge arbitre ne peut se voir comme l’avocat d’une partie revêtu de la robe du juge et défendre unilatéralement les seuls intérêts de la partie qui lui est proche du point de vue professionnel. La partialité, et donc l’obligation de se récuser, doivent toujours être admises lorsque le juge arbitre exerce des fonctions auprès d’une des parties impliquées dans le procès. Pour des motifs compréhensibles, la partie adverse peut avoir l’impression qu’un tel juge arbitre a un intérêt direct à ce que cette partie obtienne gain de cause. Ceci vaut pour les organes mais de manière identique pour chaque fonctionnaire ou collaborateur (RAMA 1997 n° KV 14 p. 309 consid. 5b [arrêt K 49/97 du 31 juillet 1997], et les références aux ATF 114 V 292 et ATF 115 V 257). Selon la jurisprudence (voir l’aperçu dans l’arrêt K 29/04 du 29 juillet 2004 consid. 2.3), l’obligation de récusation est régulièrement admise pour des personnes qui sont des membres dirigeants d’une association d’assureurs ou d’une organisation de fournisseurs de prestations (arrêts 9C_535/2021 du 13 mai 2022 consid. 2.3; 9C_149/2007 du 4 juin 2007 consid. 4.2 et les références).

Consid. 4.2.1
Tout d’abord, au regard de la jurisprudence sur l’art. 89 al. 4 LAMal rappelée ci-avant (consid. 4.1 supra), l’appréciation de l’instance cantonale peut être partagée en tant qu’elle a admis que l’existence de longs rapports de service avec la caisse-maladie impliquée dans le procès, mais il y a plus de dix ans environ au moment de la désignation du juge arbitre en cause, ne suffisait pas à justifier à elle seule la suspicion de partialité de celui-ci. Vu le nombre d’années écoulées depuis la fin des rapports de travail entre B.__ et la caisse-maladie, le fait que le prénommé avait travaillé longtemps pour l’intimée ne constitue pas un motif de récusation (comp. arrêt K 127/01 du 26 juin 2003 consid. 3.2.1, où une durée de cinq ans et plus depuis la fin des rapports de travail examinés a été jugée suffisante pour nier le devoir de récusation).

Consid. 4.2.2
Ensuite, B.__ est, dans le cadre de ses fonctions au sein de santésuisse, amené à entretenir des contacts réguliers avec des responsables de formation, intervenants et experts actifs au sein du groupe de la caisse-maladie, dont fait partie l’intimée. On constate par ailleurs que le prénommé n’est pas un organe ou un membre exerçant une fonction dirigeante de santésuisse (dont le but est de préserver et de représenter, en tant qu’association faîtière représentative, les intérêts communs de ses membres ainsi que de s’investir pour la sauvegarde d’une assurance-maladie libérale).

Selon les indications qu’il a données au Tribunal arbitral, B.__ travaille pour le département formation de santésuisse, ce qui le met en contact avec tous les assureurs-maladie soutenant et encourageant la formation de leurs collaboratrices et collaborateurs, « c’est à dire pratiquement tous en Suisse romande ». Or si l’activité du prénommé, qui n’implique pas de fonction au sein de l’organe dirigeant de santésuisse, comprend forcément des contacts et des relations avec les assureurs-maladie faisant appel à santésuisse pour la formation de leurs collaboratrices et collaborateurs, elle n’entraîne pas une proximité qualifiée ou des liens particuliers avec le groupe de la caisse-maladie, puisqu’il s’agit avant tout de coordonner la formation des personnes concernées dans le domaine de l’assurance-invalidité, sans lien avec la stratégie du groupe ou de ses membres à l’égard des fournisseurs de prestations ou avec des dossiers concrets de ceux-ci, singulièrement de la caisse-maladie impliquée dans la présente procédure.

C’est en vain que le recourant soutient à ce sujet que « des liens de fidélité et de confiance particuliers subsistent nécessairement entre un ancien cadre et son ex-employeur pour lequel il a travaillé pendant 20 ans. Ce d’autant qu’en l’occurrence, ces liens sont entretenus par des contacts réguliers ». Ce faisant, il omet que les rapports de travail entre le juge arbitre et la caisse-maladie qui l’a choisi ont pris fin depuis près de dix ans au moment de la désignation et que l’activité exercée depuis lors par B.__ pour santésuisse n’implique pas de liens avec la caisse-maladie tels qu’ils créeraient une apparence de prévention de sa part.

Consid. 4.3
En conséquence de ce qui précède, la décision entreprise ne repose par sur une violation des garanties prévues par les art. 29 al. 1 et 30 Cst., ainsi que l’art. 6 par. 1 CEDH, en lien avec l’art. 89 al. 4 LAMal.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

Arrêt 9C_645/2024 consultable ici

 

9C_659/2024 (f) du 20.02.2025 – Assistance judiciaire – Droit à l’assistance d’un avocat – 61 let. f LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_659/2024 (f) du 20.02.2025

 

Consultable ici

 

Assistance judiciaire – Droit à l’assistance d’un avocat / 61 let. f LPGA

Le fait que la partie adverse est assistée d’un avocat ne suffit pas en tant que tel pour admettre la nécessité de l’assistance d’un avocat

 

Assuré, né en 1960, est assuré pour l’assurance obligatoire des soins auprès d’une caisse-maladie. Par décision du 18.03.2024, confirmée sur opposition, la caisse-maladie a prononcé la mainlevée définitive de l’opposition formée par l’assuré dans le cadre de la poursuite n° xxx, à concurrence de CHF 4’891.40, montant comprenant des primes et participations aux coûts d’assurance-maladie (CHF 4’817.40), ainsi que des frais de poursuite (CHF 74).

 

Procédure cantonale

L’assuré a déféré la décision sur opposition au tribunal cantonal et sollicité le bénéfice de l’assistance judiciaire. Par décision du 14.11.2024, la juridiction cantonale a mis l’assuré au bénéfice de l’assistance judiciaire partielle, limitée à la dispense des avances de frais et de sûretés ainsi que des émoluments de justice.

 

TF

Consid. 2.2
Le refus de l’assistance judiciaire et de la désignation d’un avocat d’office est susceptible de causer un préjudice irréparable lorsqu’une avance de frais doit être fournie dans un court délai (ATF 128 V 199 consid. 2b) ou lorsque le requérant est amené à devoir défendre ses intérêts sans l’assistance d’un mandataire (ATF 129 I 129 consid. 1.1; 129 I 281 consid. 1.1; arrêt 8C_480/2016 du 17 novembre 2016 consid. 1.4 ss). En l’espèce, la juridiction cantonale a mis l’assuré au bénéfice de l’assistance judiciaire partielle, limitée à la dispense des avances de frais et de sûretés ainsi que des émoluments de justice. La requête ne porte donc que sur le droit à l’assistance d’un avocat.

Consid. 3.2
La décision attaquée se fonde sur les art. 61 let. f LPGA et 2 de la loi valaisanne du 11 février 2009 sur l’assistance judiciaire (LAJ-VS; RS/VS 177.7), qui traitent des conditions du droit à l’assistance judiciaire, ainsi que sur les garanties minimales en la matière offertes par l’art. 29 al. 3 Cst. De manière générale, dans le domaine des assurances sociales, les conditions d’octroi du droit à l’assistance judiciaire en procédure cantonale sont réalisées si le requérant est indigent, si l’assistance d’un avocat est nécessaire ou du moins indiquée et si les conclusions du recours ne paraissent pas d’emblée vouées à l’échec (ATF 140 V 521 consid. 9.1 et les références; cf. aussi arrêt 9C_566/2020 du 16 juin 2021 consid. 6.2).

Si la juridiction cantonale a admis que l’assuré remplissait la condition d’indigence et que le recours formé contre la décision sur opposition du 23.07.2024 n’apparaissait pas d’emblée dénué de chances de succès, elle a toutefois nié que la désignation d’un avocat d’office fût nécessaire. Elle a justifié son point de vue en indiquant que ni la procédure applicable ni le litige qui lui était soumis ne soulevaient de difficultés particulières, sous l’angle des faits ou du droit.

Consid. 3.3
En ce que l’assuré se réfère à l’art. 118 CPC, soit à une disposition qui régit les conditions du droit à l’assistance judiciaire en matière civile, son argumentation est mal fondée. La question de l’assistance, nécessaire ou du moins indiquée, d’un avocat pour la procédure cantonale en matière d’assurance sociale, où la maxime inquisitoire s’applique (art. 61 let. c LPGA), doit être tranchée d’après les circonstances concrètes objectives et subjectives, en examinant si l’affaire soulève des difficultés en fait et en droit telles que la personne assurée n’est pas en mesure de les résoudre seule, comme l’a dûment rappelé l’instance précédente. Pratiquement, il faut se demander pour chaque cas particulier si, dans des circonstances semblables et dans l’hypothèse où le requérant ne serait pas dans le besoin, l’assistance d’un avocat serait judicieuse, compte tenu du fait que l’intéressé n’a pas lui-même des connaissances juridiques suffisantes et que l’intérêt au prononcé d’un jugement justifierait la charge des frais qui en découle (arrêt I 127/07 du 7 janvier 2008 consid. 4.2; cf. aussi ATF 125 V 32 consid. 4b; 103 V 46 consid. b, 98 V 115 consid. 3a et les références). Le fait que la partie adverse est assistée d’un avocat ne suffit dès lors pas en tant que tel pour admettre la nécessité de l’assistance d’un avocat.

Pour le surplus, en se limitant à affirmer que l’aide d’un avocat pourrait lui être précieuse, étant donné qu’il est étranger et qu’il ne maîtrise que partiellement les différentes lois suisses, l’assuré ne prend pas position sur les motifs qui ont conduit la juridiction cantonale à nier dans son cas la nécessité de l’aide d’un avocat, ni ne démontre en quoi celle-ci aurait fait une application arbitraire du droit cantonal ou violé l’art. 61 let. f LPGA ou l’art 29 al. 3 Cst. Il n’explique en particulier nullement en quoi sa cause soulèverait des difficultés particulières – sous l’angle des faits ou du droit – rendant nécessaire l’assistance d’un avocat. Partant, le recours ne répond pas aux exigences des art. 42 al. 1 et 2 et 106 al. 2 LTF sur ce point. Il est mal fondé pour le reste.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré dans la mesure où il est recevable.

 

Arrêt 9C_659/2024 consultable ici

 

Primes maladie: la franchise minimale va augmenter en Suisse

Primes maladie: la franchise minimale va augmenter en Suisse

 

Communiqué de presse du Parlement du 19.03.2025 consultable ici

 

La franchise minimale dans l’assurance maladie va augmenter. Le National a soutenu mercredi, par 118 voix contre 70, une motion UDC du Conseil des Etats qui propose une adaptation à l’évolution des coûts de la santé. Il a déjà accepté en décembre une motion semblable.

Le gouvernement avait été forcé de légiférer en ce sens en 2019. Il avait développé un concept qui ne concerne pas les enfants. Toutes les franchises des adultes devaient grimper de 50 francs dès que les coûts bruts moyens par assuré dépassaient treize fois la franchise ordinaire.

L’udc, qui avait retourné sa veste lors du vote final, et la gauche s’étaient alliés pour enterrer le projet. Un revirement qui avait agacé.

Aujourd’hui, l’UDC estime justifié d’augmenter le montant de la franchise minimale et de l’adapter périodiquement. La hausse de la franchise et le mécanisme d’adaptation devront être modérés, afin que la même franchise puisse être choisie pendant plusieurs années et que la stabilité du système soit garantie, a expliqué Cyril Aellen (PLR/GE) pour la commission. Comme dans le projet précédent, les franchises des enfants ne seront pas soumises au mécanisme.

Sensibiliser aux coûts

La franchise minimale n’a plus été augmentée depuis 2004, contrairement aux coûts de la santé, a souligné la co-rapportrice Diana Gutjahr (UDC/TG). Une hausse de la franchise permettrait de renforcer la responsabilité individuelle et la sensibilité aux coûts au sein de la population.

Cela inciterait celle-ci à changer de comportement, selon la Thurgovienne. Elle a encore relevé que la modification ne concernerait pas les bénéficiaires des prestations complémentaires ou de l’aide sociale, qui pourront continuer à demander un remboursement de leurs primes.

Vision « simpliste »

La gauche, suivie par quelques élus du Centre, du PVL et de l’UDC, s’est opposée au texte. Brigitte Crottaz (PS/VD) a estimé que c’était « simpliste » de penser qu’une hausse de la franchise permettrait une baisse des coûts de la santé. Cette augmentation ne ferait qu’aggraver les inégalités.

Les personnes qui choisissent la franchise la plus basse le font parce qu’elles n’ont pas le choix, parce qu’elles sont atteintes dans leur santé, a avancé Mme Crottaz, citant les personnes âgées ou les malades chroniques. Ces personnes paient déjà plus maintenant. La Vaudoise a encore rappelé la courbe exponentielle des primes depuis 20 ans, ce qui grève le budget des ménages, « bien plus que dans tous les pays qui nous entourent ».

La ministre de la santé Elisabeth Baume-Schneider était favorable au texte, bien qu’elle se soit montrée consciente du poids des primes sur les assurés. Les hausses devront rester modérées et intervenir à des intervalles raisonnables pour rester supportables. Il faudra aussi prendre en compte les assurés qui renoncent déjà aujourd’hui à consulter en raison des coûts à assumer.

 

Communiqué de presse du Parlement du 19.03.2025 consultable ici

Motion Friedli 24.3636 «Adapter la franchise minimale aux conditions réelles» consultable ici

Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du 16.01.2025 sur la motion Friedli 24.3636 disponible ici

 

Notifications par envoi postal le week-end : le délai ne commencera à courir que le lundi

Notifications par envoi postal le week-end : le délai ne commencera à courir que le lundi

 

Communiqué de presse de l’OFJ du 12.02.2025 consultable ici

 

Lorsqu’une communication déclenchant un délai est remise le week-end par envoi postal, le délai ne commencera à courir que le premier jour ouvrable suivant la notification. Les destinataires de documents tels que des résiliations ou des jugements disposeront en conséquence de plus de temps pour réagir. Ce principe qui s’applique déjà en droit de la procédure civile s’étendra à l’ensemble du droit fédéral. Le Conseil fédéral a pris acte des résultats de la procédure de consultation et a adopté le projet et le message à l’intention du Parlement le 12 février 2025.

Le Conseil fédéral veut éviter que les destinataires de communications déclenchant un délai remises un samedi par envoi postal – par exemple une résiliation de contrat ou un jugement –, soient lésés. Après avoir pris acte des avis majoritairement positifs des participants à la consultation sur la révision de divers actes fédéraux, le Conseil fédéral a adopté lors de sa séance du 12 février 2025 le message relatif à un projet mettant en œuvre la motion 22.3381 « De l’harmonisation de la computation des délais » de la Commission des affaires juridiques du Conseil national.

À l’avenir, les communications déclenchant un délai déposées le week-end dans la boîte aux lettres du destinataire seront réputées notifiées le premier jour ouvrable qui suit. Ce principe figure déjà dans le code de procédure civile et, conformément à la proposition du Conseil fédéral, s’étendra à l’ensemble du droit fédéral. Les destinataires auront en conséquence plus de temps pour exercer leurs droits, notamment si, ne travaillant que les jours ouvrables, ils ne relèvent leur courrier que pendant la semaine. Les nouvelles règles accroîtront par ailleurs la sécurité juridique, puisque dans tous les cas, le délai ne commencera à courir que le premier jour ouvrable qui suit.

Dans le but d’étendre cette fiction de notification à l’ensemble du droit fédéral, le projet prévoit la modification de plusieurs lois : la loi fédérale sur la procédure administrative, la loi sur le Tribunal fédéral, le code pénal militaire, la procédure pénale militaire, la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct et la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales.

Pour éviter les lacunes juridiques, le Conseil fédéral propose en outre d’inscrire ces nouvelles règles dans la loi fédérale sur la supputation des délais comprenant un samedi, afin de couvrir notamment les délais du droit privé matériel, par exemple en cas de résiliation du bail d’un logement, et ceux du droit pénal matériel, par exemple en cas de plainte pénale.

 

La fiction de notification s’appliquera au droit fiscal

Suite aux retours de la procédure de consultation, le Conseil fédéral a ajouté la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes au projet. Les règles de notification des objets fiscaux le week-end et les jours fériés seront à l’avenir les mêmes en droit fédéral et en droit cantonal.

 

Modification des art. 38 et 38a LPGA et explications (cf. Message du Conseil fédéral [point 5.9, p. 27 s.])

Art. 38 LPGA – Calcul des délais

2bis Abrogé

3 Les communications ci-après, remises par envoi postal, sont réputées notifiées comme suit:
a. communications qui ne sont remises que contre la signature du destinataire ou d’un tiers habilité: au plus tard sept jours après la première tentative infructueuse de distribution;
b. communications qui sont remises un samedi, un dimanche ou un jour férié selon le droit fédéral ou cantonal sans qu’une signature soit requise: le premier jour ouvrable qui suit.

4 Lorsque le délai échoit un samedi, un dimanche ou un jour férié selon le droit fédéral ou cantonal, son terme est reporté au premier jour ouvrable qui suit.

5 Le droit cantonal déterminant pour les jours fériés est celui du canton où la partie ou son mandataire a son domicile ou son siège.

L’art. 38 LPGA régit le calcul et la suspension des délais pour les procédures relevant du droit des assurances sociales. Il n’y a pas en la matière d’obligation d’envoyer les communications par courrier recommandé. La situation est donc comparable à celle qui prévaut pour la procédure relevant du champ d’application de la PA. Une modification de l’art. 38 LPGA s’impose pour couvrir les cas où une communication des autorités est envoyée par courrier ordinaire et remise un samedi, un dimanche ou un jour férié sans qu’une signature du destinataire soit requise.

Afin d’améliorer la structure de la loi, le calcul et la suspension des délais sont réglés dans deux articles distincts. L’art. 38 ne réglera plus que le calcul des délais et aura de ce fait un nouveau titre correspondant, tandis que l’actuel al. 4 sur la suspension des délais figurera dans un nouvel art. 38a avec un titre adéquat.

La phraséologie de l’art. 38 LPGA est comparable à celle de l’art. 20 PA et la réunion de la notification contre signature et sans signature dans un nouvel al. 3, let. a (précédemment al. 2bis) et b (nouvelle) s’inspire de la solution intégrée dans la PA ; les explications fournies peuvent être reprises par analogie (voir le ch. 5.1).

L’al. 3 de la disposition en vigueur règle le cas dans lequel le délai échoit un samedi, un dimanche ou un jour férié. La première phrase reste inchangée, mais figurera au nouvel al. 4, tandis que le contenu de la deuxième est déplacé à l’al. 5.

L’al. 5 disposera donc, comme la deuxième phrase de l’al. 3 actuellement, que le droit cantonal déterminant pour les jours fériés est celui du canton où la partie ou son mandataire a son domicile ou son siège. Il n’y a pas de changement matériel

 

Art. 38a LPGA – Suspension des délais

Les délais en jours ou en mois fixés par la loi ou par l’autorité ne courent pas:
a. du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement;
b. du 15 juillet au 15 août inclusivement;
c. du 18 décembre au 2 janvier inclusivement.

Le nouvel art. 38a LPGA reprend sans changement l’al. 4 de l’art. 38 LPGA en vigueur. Cela n’implique pas de changement matériel.

 

Communiqué de presse de l’OFJ du 12.02.2025 consultable ici

Message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur les notifications d’actes le week-end et les jours fériés du 12 février 2025 paru in FF 2025 565 

Projet de modifications paru in FF 2025 566

 

Notificazione postale nei fine settimana: secondo il diritto federale il termine inizia a decorrere soltanto il lunedì, Comunicato stampa dell’Ufficio federale di giustizia del 12.02.2025 disponibile qui

Postzustellung am Wochenende: Fristenlauf soll im Bundesrecht erst am Montag beginnen, Medienmitteilung des Bundesamtes für Justiz vom 12.02.2025 hier abrufbar