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9C_298/2021 (f) du 14.03.2022 – Affiliation d’office à l’institution supplétive avec effet rétroactif / Point de départ de l’exigibilité de créances de cotisations relatives à un salarié particulier qui n’avait pas été annoncé à l’institution de prévoyance – Prescription / 41 LPP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_298/2021 (f) du 14.03.2022

 

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Affiliation d’office à l’institution supplétive avec effet rétroactif

Point de départ de l’exigibilité de créances de cotisations relatives à un salarié particulier qui n’avait pas été annoncé à l’institution de prévoyance – Prescription / 41 LPP

 

Par décision du 02.05.2016, la Fondation institution supplétive LPP (ci-après: l’institution supplétive) a prononcé l’affiliation d’office du Club A.__ (ci-après: l’employeur) avec effet rétroactif pour la période du 01.01.1995 au 31.08.2013. Elle lui a adressé un décompte des cotisations dues par salarié pour les périodes de cotisation déterminantes et l’a invité à plusieurs reprises à régler le solde débiteur de son compte, la dernière fois le 25.05.2018. A défaut de paiement de l’employeur, elle a introduit une poursuite (n° xxx), à laquelle celui-ci s’est opposé.

Par décision du 27.06.2019, l’institution supplétive a prononcé la levée d’opposition de la poursuite en question.

 

Procédure cantonale (arrêt A-4345/2019 – consultable ici)

Par jugement du 08.04.2021, admission partielle du recours par le Tribunal administratif fédéral, modifiant le dispositif, en ce sens, d’une part, que l’employeur doit payer à l’institution supplétive le montant de 143’364 fr. 20, auquel s’ajoutent des intérêts moratoires de 15’292 fr. 26 jusqu’au 20.06.2018 et des intérêts à 5 % depuis cette date, ainsi que des frais de rappel de 150 fr. et de poursuite de 100 fr., et, d’autre part, que l’opposition dans la poursuite n° xxx est levée à hauteur d’un montant de 158’906 fr. 46, augmenté d’intérêts moratoires de 5 % sur 143’364 fr. 20 depuis le 20.06.2018.

 

TF

Consid. 2.2
Selon l’art. 41 al. 2 LPP, les actions en recouvrement de créances se prescrivent par cinq ans quand elles portent sur des cotisations ou des prestations périodiques, par dix ans dans les autres cas. Les art. 129 à 142 CO sont applicables.

Consid. 3.1
L’employeur se prévaut d’une violation de l’art. 41 LPP et de la jurisprudence y relative s’agissant du principe de la prescription. Il reproche aux juges du TAF de ne pas avoir pris en considération le délai de prescription absolu de dix ans courant dès l’exigibilité des cotisations, soit avant même la conclusion des rapports d’assurance, conformément à l’ATF 136 V 73. En conséquence, les créances de l’intimée antérieures au 30.06.2009 seraient, selon lui, prescrites.

Consid. 3.2
Conformément à la jurisprudence à laquelle se réfère l’employeur, lorsqu’un employeur est affilié à une institution de prévoyance, le point de départ de l’exigibilité de créances de cotisations relatives à un salarié particulier qui n’avait pas été annoncé à l’institution de prévoyance correspond en principe à la date d’échéance des primes relatives aux rapports de travail soumis à cotisations, et non pas à la date de la constitution effective des rapports contractuels d’assurance (ATF 136 V 73 consid. 3.3 et 4.2; cf. aussi ATF 142 V 118 consid. 7.1). Une exception à ce principe se justifie si l’institution de prévoyance n’a pas connaissance de l’existence de rapports de travail soumis à cotisations à cause d’une violation qualifiée de l’obligation de déclarer de l’employeur. Dans un tel cas, l’exigibilité des créances de cotisations est différée jusqu’au moment où l’institution de prévoyance a connaissance de l’existence des rapports de travail déterminants; la créance individuelle de cotisations se prescrit toutefois de manière absolue par dix ans à compter de sa naissance (virtuelle; ATF 136 V 73 consid. 4.3; cf. aussi ATF 140 V 154 consid. 6.3.1).

Consid. 3.3
L’ATF 136 V 72 concerne l’éventualité dans laquelle un employeur déjà affilié à une institution de prévoyance manque à son devoir d’annoncer un ou des salariés soumis à l’assurance obligatoire, soit une situation qui ne correspond pas à celle de l’employeur, comme l’a dûment exposé le Tribunal administratif fédéral. En l’espèce, les cotisations dues portent en effet sur des périodes durant lesquelles l’employeur n’était pas déjà affilié à une institution de prévoyance, ce que l’intéressé ne conteste pas, pas plus du reste que la violation manifeste de son devoir de s’affilier. Or dans l’ATF 136 V 73, au consid. 3.2.1, le Tribunal fédéral a précisément réservé la situation de l’affiliation d’office et renvoyé à l’arrêt 9C_655/2008 du 2 septembre 2009 consid. 4.3, SVR 2010, BVG, n° 2 p. 4. Selon cet arrêt, en cas d’affiliation d’office de l’employeur ayant manqué à son devoir de s’affilier, le délai de prescription de cinq ans selon l’art. 41 al. 2 LPP ne commence à courir qu’à partir de la décision d’affiliation de l’institution supplétive. L’argumentation de l’employeur, selon laquelle le Tribunal administratif fédéral n’aurait pas pris en considération l’ATF 136 V 73 et se serait fondé uniquement sur des arrêts désuets, car antérieurs à ladite jurisprudence et par ailleurs non publiés, ne résiste dès lors pas à l’examen. Il ne peut pas davantage être suivi lorsqu’il affirme que les employeurs non affiliés à une institution de prévoyance devraient être traités de la même manière que les employeurs déjà affiliés. Ce faisant, l’employeur perd en effet de vue qu’en cas d’affiliation (rétroactive) d’office au sens de l’art. 11 al. 6 LPP, le rapport de prévoyance résulte de l’affiliation à l’institution supplétive, si bien que ce n’est qu’avec la décision d’affiliation que la créance de cotisation prend naissance. Aussi, comme l’a dûment expliqué le Tribunal administratif fédéral, tant que l’employeur ne lui est pas affilié, l’institution supplétive ne peut pas exiger que celui-ci lui verse des cotisations, avec pour conséquence qu’il n’existe pas (encore) une obligation de payer et, partant, qu’aucun délai de prescription ne peut (déjà) commencer à courir (cf. arrêt 9C_618/2007 du 28 janvier 2008 consid. 1.2.1 et les arrêts cités).

Consid. 3.4
En définitive, les considérations des juges du TAF selon lesquelles le délai de prescription de cinq ans selon l’art. 41 al. 2 LPP avait commencé à courir le 02.05.2016 (soit à la date à laquelle l’employeur avait été affilié d’office à l’institution supplétive avec effet rétroactif pour la période du 01.01.1995 au 31.08.2013 et où les créances de cotisations avaient pris naissance), sont conformes au droit. Dès lors que la prescription a été valablement interrompue par la réquisition de poursuite du 21.06.2018 et par la décision du 27.06.2019 – ce que l’employeur ne conteste pas -, c’est également à bon droit que le Tribunal administratif fédéral a constaté que les créances de cotisations litigieuses n’étaient pas prescrites. Le recours est mal fondé.

 

Le TF rejette le recours de l’employeur.

 

 

Arrêt 9C_298/2021 consultable ici