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9C_490/2020 (f) du 30.06.2021 – destiné à la publication – Droit d’option en matière d’assurance-maladie / Règl. (CE) n° 883/2004 et Annexe XI du Règl. (CE) n° 883/2004, « Suisse » – 2 al. 6 OAMal / Notion de changement de circonstances survenant pour l’un des parents de membres de la famille / Collision entre les deux droits dérivés des enfants

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_490/2020 (f) du 30.06.2021, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Fors alternatifs subsidiaires en cas de domicile à l’étranger / 58 LPGA

Droit d’option en matière d’assurance-maladie / art. 11 par. 3 let. a Règl. (CE) n° 883/2004 – Annexe XI du Règl. (CE) n° 883/2004, « Suisse » – 2 al. 6 OAMal – 3 al. 3 let. a LAMal – 1 al. 2 let. d OAMal

Assurance des membres de la famille / art. 32 Règl. (CE) n° 883/2004

Notion de changement de circonstances survenant pour l’un des parents de membres de la famille

Collision entre les deux droits dérivés des enfants

 

Domiciliés en France depuis le 01.08.2015, les époux D.__ et C.__ ont deux enfants, A.__ né en 2014 et B.__ né en 2017. Alors qu’il allait reprendre une activité lucrative en Suisse à partir du 01.09.2017, l’époux C.__ a indiqué à la Caisse Primaire d’Assurances Maladie de Haute-Savoie (CPAM Haute-Savoie) qu’il exerçait son droit d’option pour le régime français de l’assurance-maladie et demandait à être affilié à celui-ci, pour lui et ses enfants. L’époux C.__ et les deux enfants ont été affiliés à la CPAM Haute-Savoie dès le 01.09.2017.

L’épouse D.__, qui avait travaillé du 01.09.2015 au 31.01.2018 en Suisse, puis du 01.02.2018 au 31.08.2018 en France, a été engagée auprès du canton de Genève dès le 01.09.2018. A cette occasion, elle a demandé à une caisse-maladie suisse de l’assurer, elle et ses enfants, pour l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie. La caisse-maladie l’a informée qu’elle n’était pas en mesure d’affilier les enfants à l’assurance-maladie obligatoire suisse, en raison des dispositions du droit communautaire en matière de coordination des régimes de la sécurité sociale. Le 04.07.2019, la caisse-maladie a rendu une décision par laquelle elle a refusé d’affilier les deux enfants à l’assurance-maladie obligatoire. Sur opposition des époux D.__ et C.__, elle a maintenu son point de vue par décision sur opposition du 16.08.2019.

 

Procédure cantonale (arrêt AM 31/19 – 16/2020 – consultable ici)

La juridiction cantonale a considéré qu’il existait un conflit entre les règles ordinaires régissant l’affiliation à l’assurance-maladie et celles régissant le droit d’option. Alors que, selon les premières, les membres de la famille d’un travailleur exerçant une activité salariée en Suisse qui ne travaillent pas ni ne résident dans cet État sont également tenus de s’affilier en Suisse à titre individuel, les secondes prévoient que les membres de la famille d’un travailleur exerçant une activité salariée en Suisse qui a irrévocablement fait usage de son droit d’option sont liés par le choix du travailleur.

Selon les juges cantonaux, en fonction du choix de chacun des parents des enfants, deux possibilités d’assurance théoriques s’offraient à A.__ et B.__: la première par le biais de leur père qui avait exercé son droit d’option et avait demandé à être exempté de l’obligation de s’assurer en Suisse; la seconde par le biais de leur mère qui avait décidé de s’assurer en Suisse. Dans les deux éventualités, les enfants étaient titulaires d’un droit dérivé découlant de la soumission de l’un de leurs parents à un régime d’assurance-maladie.

De l’avis de l’autorité judiciaire cantonale, dès lors qu’une telle situation pouvait aboutir à une double affiliation qu’il y avait lieu d’éviter, il convenait de s’inspirer de l’art. 32 par. 1 du Règlement n° 883/2004 – qui n’était pas directement applicable à défaut d’aborder expressément le présent cas de figure – pour en déduire la solution suivante. Dans la mesure où le rattachement des enfants au régime français de l’assurance-maladie par le truchement de leur père existait uniquement en raison du lieu de résidence de celui-ci, il devait céder le pas au rattachement à l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie par le truchement de leur mère fondé sur l’exercice d’une activité lucrative en Suisse. Aussi, l’adhésion des enfants à l’assurance-maladie suisse à partir du 01.09.2018 devait-elle être admise.

Par jugement du 04.06.2020, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision sur opposition en ce sens que les enfants sont assurés pour l’assurance obligatoire des soins auprès de la caisse-maladie depuis le 01.09.2018.

 

TF

Fors alternatifs subsidiaires en cas de domicile à l’étranger – 58 LPGA

Le Tribunal fédéral examine d’office les conditions formelles de validité et de régularité de la procédure de première instance (ATF 135 V 124 consid. 3.1; 132 V 93 consid. 1.2 et les références; cf. aussi ULRICH MEYER/JOHANNA DORMANN, in Commentaire bâlois, Bundesgerichtsgesetz, 3e éd. 2018, n° 8 ad art. 106), parmi lesquelles figure la compétence à raison du lieu du tribunal qui a statué.

Cette compétence est mise en doute par l’OFSP, selon lequel la procédure en Suisse aurait dû être entamée dans le canton de Genève, lieu d’activité de D.__, qui avait directement demandé à la caisse-maladie de l’affilier elle et ses enfants, sans passer par l’institution compétente du lieu de sa résidence (la CPAM). Ce doute est mal fondé : en tant que destinataires de la décision administrative, les époux D.__ et C.__ étaient en droit de saisir le tribunal des assurances du canton du dernier domicile en Suisse de leurs parents (cf. art. 23 et 25 al. 1 CC), conformément à l’art. 58 al. 2 LPGA. Cette disposition prévoit deux fors alternatifs subsidiaires en cas de domicile à l’étranger, la partie recourante ayant le choix entre celui au lieu du dernier domicile en Suisse et celui au lieu de domicile du dernier employeur en Suisse (JEAN MÉTRAL, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n° 7 ad art. 58; IVO SCHWEGLER, in Commentaire bâlois, Allgemeiner Teil des Sozialversicherungsrechts, 2020, n° 18 ad art. 58; UELI KIESER, Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts [ATSG], 4e éd. 2020, n° 33 ad art. 58).

 

Droit d’option en matière d’assurance-maladie

En relation avec le droit d’option en matière d’assurance-maladie, qui peut être exercé notamment par les personnes soumises aux dispositions légales suisses qui résident en France, on rappellera à la suite des juges cantonaux que le ch. 3 let. a de l’annexe XI, « Suisse », du Règlement n° 883/2004 (complété par l’annexe II de l’ALCP, section A ch. 1 let. i « Suisse », ch. 3 let. a) définit les catégories de personnes qui, bien que ne résidant pas en Suisse, sont soumises au droit de l’assurance-maladie suisse. Parmi celles-ci, figurent les personnes qui exercent une activité salariée ou non salariée en Suisse (ch. 3 let. a, sous i, de l’annexe XI du Règlement n° 883/2004, « Suisse » en relation avec l’art. 11 par. 3 let. a du Règlement n° 883/2004), ainsi que les membres de leur famille, sous réserve d’exceptions non pertinentes en l’espèce (annexe XI du Règlement n° 883/2004, « Suisse », ch. 3 let. a, sous iv). Les membres de la famille des travailleurs salariés ou non salariés concernés sont en principe tenus de s’assurer également en Suisse, dans l’optique d’une couverture d’assurance familiale. Le droit (ou l’obligation) des membres de la famille correspond à un droit dérivé, lié à celui du travailleur. Ce droit n’existe cependant que si le membre de la famille ne dispose pas lui-même d’un droit (ou d’une obligation) propre fondé sur l’exercice d’une activité lucrative ou sur la perception d’une rente propre ou de prestations en espèces de l’assurance-chômage (ATF 143 V 52 consid. 6.2.2.2; JEAN MÉTRAL/ANDREA ROCHAT, Assurances sociales et aide sociale: jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l’Accord sur la libre circulation des personnes, Annuaire suisse de droit européen 2017/2018, p. 537).

Ensuite, le ch. 3 let. b de l’annexe XI du Règlement n° 883/2004, « Suisse », prévoit notamment que les personnes soumises aux dispositions juridiques suisses en vertu du titre II du règlement (let. a, sous i) peuvent, à leur demande, être exemptées de l’assurance (-maladie) obligatoire tant qu’elles résident en France (parmi d’autres États énumérés) et qu’elles prouvent qu’elles y bénéficient d’une couverture en cas de maladie. Cette possibilité est appelée « droit d’option ». La demande y relative doit être déposée dans les trois mois qui suivent la survenance de l’obligation de s’assurer en Suisse (ch. 3 let. b, sous aa, première phrase). Elle vaut pour l’ensemble des membres de la famille résidant dans le même État (ch. 3 let. b, sous bb).

S’agissant des modalités d’exercice du droit d’option entre la Suisse et la France, les deux États parties ont convenu de l’Accord du 7 juillet 2016 entre les autorités compétentes de la Confédération suisse et de la République française concernant la possibilité d’exemption de l’assurance-maladie suisse (entré en vigueur le 1er octobre 2016; ci-après: accord du 7 juillet 2016), dont l’objet est de préciser dans les relations suisso-françaises les conditions d’exemption de l’assurance-maladie obligatoire suisse en application du ch. 3 let. b, « Suisse », de l’annexe XI du Règlement n° 883/2004 et la procédure y relative (art. 1 par. 1).

L’art. 2 par. 2 de l’accord du 7 juillet 2016 prévoit que « l’exemption de l’assurance-maladie obligatoire suisse prévue à la lettre b du chiffre 3 sous ‘Suisse’ de l’annexe Xl du règlement (CE) no 883/2004 est définitive et irrévocable, sous réserve de la survenance d’un nouveau fait générateur de son exercice. Les faits générateurs de l’exercice de cette exemption se limitent à la prise d’activité en Suisse, à la reprise d’activité en Suisse après une période de chômage, à la prise de domicile en France ou au passage du statut de travailleur à celui de pensionné. Les modifications de l’état civil ou les changements de composition de la cellule familiale (par exemple naissance ou décès d’un membre de la famille) ne sont pas considérés comme de nouveaux faits générateurs ».

Le caractère relativement irrévocable du droit d’option – en ce sens qu’il peut être exercé une nouvelle fois lorsqu’un nouveau fait générateur se produit (arrêt 9C_561/2016 du 27 mars 2017 consid. 7 et 8) – avait déjà été arrêté par les autorités compétentes en Suisse et en France dès 2002 et figuraient dès 2008 dans une « Note conjointe relative à l’exercice du droit d’option en matière d’assurance maladie dans le cadre de l’Accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne ». Cette Note a été plusieurs fois modifiée par la suite afin d’unifier la procédure d’exercice dudit droit, l’exercice unique du droit d’option ayant été maintenu (cf. Introduction de la Note conjointe du 23 mai 2014 [« Le droit d’option ne peut être exercé qu’une seule fois, à moins qu’un nouveau fait générateur de son exercice ne survienne. »], document consultable sous https://www.bsv.admin.ch/dam/bsv/de/dokumente/int/andere/note_conjointe_relativealexercicedudroitdoptionenmatieredassuran.pdf.download.pdf/note_conjointe_relativealexercicedudroitdoptionenmatieredassuran.pdf; voir également, GHISLAINE RIONDEL, La prise en charge des soins de santé dans un contexte transfrontalier européen, 2016, no 675 p. 344; GEBHARD EUGSTER, in Commentaire bâlois, Krankenversicherungsgesetz/Krankenversicherungsaufsichtsgesetz, 2020, n° 113 ad art. 3 LAMal).

Le droit suisse a été adapté pour tenir compte du droit d’option instauré par la réglementation européenne. Selon l’art. 2 al. 6 OAMal – disposition qui doit être lue en corrélation avec les art. 3 al. 3 let. a LAMal et 1 al. 2 let. d OAMal -, sont, sur requête, exceptées de l’obligation de s’assurer les personnes qui résident dans un État membre de l’UE, pour autant qu’elles puissent être exceptées de l’obligation de s’assurer en vertu de l’ALCP et de son annexe II et qu’elles prouvent qu’elles bénéficient dans l’État de résidence et lors d’un séjour dans un autre État membre de l’Union européenne et en Suisse d’une couverture en cas de maladie.

 

Assurance des membres de la famille

Pour éviter une double assurance des membres de la famille, qui pourrait résulter d’une situation où leur droit (ou obligation) dérivé dans un État partie entre en collision avec leur droit (ou obligation) propre ou autonome à s’assurer dans un autre État partie, ainsi que pour assurer une répartition des charges à l’intérieur de l’Union européenne, dans la mesure où des systèmes fondés sur une couverture d’assurance universelle, financée par les impôts et ouverte à toutes les personnes domiciliées sur le territoire de l’État membre, sont concernés, l’art. 32 du Règlement n° 883/2004 prévoit une règle de conflit (ATF 143 V 52 consid. 6.3.2; MÉTRAL/ROCHAT, op. cit., p. 537). Les termes en sont les suivants:

  1. « Un droit à prestations en nature autonome découlant de la législation d’un État membre ou du présent chapitre prévaut sur un droit à prestations dérivé bénéficiant aux membres de la famille. Par contre, un droit à prestations en nature dérivé prévaut sur les droits autonomes lorsque le droit autonome dans l’État membre de résidence découle directement et exclusivement du fait que la personne concernée réside dans cet État membre.
  2. Lorsque les membres de la famille d’une personne assurée résident dans un État membre selon la législation duquel le droit aux prestations en nature n’est pas subordonné à des conditions d’assurance ou d’activité salariée ou non salariée, les prestations en nature sont servies pour le compte de l’institution compétente de l’État membre où ils résident, pour autant que le conjoint ou la personne qui a la garde des enfants de la personne assurée exerce une activité salariée ou non salariée dans ledit État membre ou perçoive une pension de cet État membre sur la base d’une activité salariée ou non salariée. »

Il s’agit d’une disposition qui ne règle pas seulement la priorité entre les droits propres et les droits dérivés des membres de la famille, mais d’une norme de conflit qui détermine de façon complète et étendue le droit applicable également en ce qui concerne le statut en tant que personne assurée, y compris une éventuelle obligation de cotisations (ATF 143 V 52 consid. 6.3.2; FRANK SCHREIBER, in Schreiber/Wunder/Dern, VO [EG] Nr. 883/2004, Verordnung zur Koordinierung der Systeme der sozialen Sicherheit, Kommentar, 2012, n° 1 ad art. 32 Règlement n° 883/2004; KARL-JÜRGEN BIEBACK, in Maximilian Fuchs [éd.], Europäisches Sozialrecht, 7e éd. 2013, Baden-Baden, n° 3 ss ad art. 32 Règlement n° 883/2004).

L’art. 32 du Règlement n° 883/2004 pose le principe qu’un droit autonome a la priorité sur un droit dérivé, à moins que le droit autonome ne repose directement et exclusivement sur la résidence. Le droit autonome fondé sur la seule résidence cède alors exceptionnellement le pas au droit dérivé fondé sur l’assurance. En revanche – selon le second par. de la disposition -, lorsque le conjoint ou la personne qui a la garde des enfants exerce une activité salariée ou non salariée dans l’État de résidence de la famille ou perçoit une rente d’une institution de cet État, les droits de l’État de résidence ont la priorité (ATF 143 V 52 consid. 6.3.2.1, ainsi que sur l’examen du droit propre ou du droit dérivé à une prestation en nature, consid. 6.3.2.2; BIEBACK, op. cit., n° 3 ss ad art. 32 Règlement n° 883/2004).

 

La présente constellation soulève la question de savoir si un changement de circonstances survenant pour l’un des parents de membres de la famille, et qui lui ouvre le droit d’exercer le choix du système d’assurance-maladie (droit d’option), est susceptible d’entraîner également une modification pour ces membres de la famille, dont l’affiliation à l’assurance-maladie – qui relève d’un droit dérivé – découlait jusque-là du statut de l’autre parent. Concrètement, pour la mère des enfants, la reprise d’une activité salariée en Suisse, alors qu’elle est domiciliée en France, lui permettait d’exercer le droit d’option en faveur de l’assurance-maladie française. Il s’agit, en tant que tel, d’un fait correspondant à l’une des éventualités mentionnées à titre de faits générateurs par les deux États parties concernés. L’épouse D.__ n’a cependant pas fait usage du droit d’option. Elle a dès lors été assurée à l’assurance-maladie obligatoire suisse, conformément au ch. 3 let. a, sous i, de l’annexe XI du Règlement n° 883/2004, « Suisse », en relation avec l’art. 11 par. 3 let. a du Règlement n° 883/2004, ce dont se prévalent les enfants intimés en invoquant ledit ch. 3 let. a, sous iv, pour fonder leur droit à être assurés en Suisse.

Le ch. 3 let. a et b de l’annexe XI, « Suisse » du Règlement n° 883/2004 ne répond pas directement à la question soulevée, pas plus qu’une autre disposition de ce règlement.

Conformément au ch. 3 let. b de l’annexe XI, « Suisse », du Règlement n° 883/2004, la demande présentée (notamment) par la personne soumise aux dispositions juridiques suisses en vertu du titre II du règlement vaut pour l’ensemble des membres de la famille résidant dans le même État (ch. 3 let. b, sous bb). Elle ne concerne que les membres de la famille de la personne concernée qui ne disposent pas d’un statut propre du droit des assurances sociales (« Sozialrechtsstatut ») du fait, par exemple, qu’ils exerceraient eux-mêmes une activité lucrative. Il s’agit d’un mécanisme d’affiliation familiale, dans lequel la qualité du chef de la famille s’étend à l’ensemble de ses membres. En raison de la dépendance de l’obligation d’assurance des membres de la famille de celle de la personne exerçant l’activité lucrative en Suisse, le droit d’option ne peut pas être exercé par chaque membre de la famille individuellement (EUGSTER, op. cit., n° 110).

La disposition, qui ne comprend pas de règle détaillée sur les modalités de l’exercice du droit d’option, a été précisée en ce sens que la mise en œuvre de ce droit pour les relations entre la Suisse et la France a fait l’objet d’une pratique commune et d’un accord entre les deux États, comme indiqué ci-avant.

En l’occurrence, deux éléments déterminants résultent de l’accord du 7 juillet 2016 et de la procédure qui y a été prévue (art. 3 par. 1 relatif au formulaire conjoint). En premier lieu, le choix du système d’assurance-maladie applicable est irrévocable et ne peut pas être modifié ultérieurement, sous réserve d’un nouveau fait générateur de son exercice (cf. « Choix du système d’assurance-maladie », formulaire de choix du système d’assurance-maladie à l’intention de ressortissants suisses ou communautaires résidant en France et exerçant une activité en Suisse ou bénéficiant exclusivement d’une rente du régime suisse de sécurité sociale [accessible sur le site Internet de l’OFSP, www.bag.admin.ch, sous Thèmes, Assurance-maladie, Affaires internationales UE/AELE, Obligation de s’assurer]). En second lieu, les membres inactifs de la famille d’un travailleur frontalier résidant dans le même État suivent le sort de celui-ci, dès lors que son choix vaut aussi pour ceux-là. On peut en déduire que le droit d’option est considéré comme immuable en principe, les conditions d’un nouvel exercice étant énumérées de façon restrictive; il s’agit ainsi d’éviter un changement réitéré entre les deux systèmes d’assurance-maladie. Par ailleurs, le rattachement des membres de la famille au travailleur frontalier est maintenu aussi longtemps qu’ils n’exercent pas eux-mêmes une activité salariée ou non salariée et qu’ils peuvent alors, selon les circonstances, exercer leur propre droit d’option autonome.

En conséquence, compte tenu de la dépendance entre l’affiliation des membres de la famille à l’assurance-maladie du lieu de résidence et celle du travailleur frontalier en vertu du choix exercé par celui-ci en faveur de ce système d’assurance, le nouveau fait générateur permettant de modifier l’exemption de l’assurance-maladie obligatoire suisse doit survenir en la personne même des membres de la famille concernés ou du travailleur frontalier. L’affiliation des membres de la famille en cause (qui relève d’un droit dérivé) constitue en effet la conséquence de l’exercice du droit d’option par leur parent travailleur frontalier à la suite de la prise d’activité lucrative en Suisse. Tant que la situation de celui-ci ou des membres de sa famille ne se modifie pas sous l’angle des faits générateurs reconnus comme tels, l’exemption de l’assurance-maladie obligatoire suisse doit être considérée comme définitive et irrévocable.

En l’espèce, l’époux C.__ a fait usage du droit d’option au sens du ch. 3 let. b de l’annexe XI, « Suisse », du Règlement n° 883/2004, à partir du 01.09.2017, en raison de l’exercice d’une activité salariée en Suisse dès cette date. Il est incontesté que la demande qu’il a alors déposée valait pour l’ensemble des membres de la famille résidant en France (let. b, sous bb, de la disposition) et incluait les enfants, l’exercice du droit d’option par leur père entraînant pour eux un droit dérivé d’être affiliés au même régime d’assurance-maladie que lui. Les enfants le relèvent du reste en indiquant que les membres inactifs de la famille d’un travailleur frontalier suivent le sort de la personne active dans la famille selon le ch. 3 de l’Annexe XI, « Suisse ». Or conformément aux modalités d’exercice du droit d’option convenues entre la Suisse et la France prévues par l’accord du 7 juillet 2016, l’exemption de l’assurance-maladie suisse pour laquelle a opté l’époux C.__, et qui s’applique également aux enfants, ne peut pas être révoquée à moins que ne survienne un nouveau fait générateur de son exercice en la personne du prénommé ou de ses enfants.

En constatant que deux possibilités d’assurance théoriques s’offraient aux enfants du fait des choix respectifs de leurs parents, la juridiction cantonale n’a pas suffisamment pris en considération que le choix de l’époux C.__ a été exercé antérieurement à l’affiliation de la mère des enfants à l’assurance-maladie suisse. Ce choix a entraîné la soumission des enfants au régime d’assurance-maladie français, sans qu’une modification ne soit survenue par la suite à titre de fait générateur.

L’obligation d’affiliation de leur mère à l’assurance-maladie suisse – et sa décision de ne pas faire usage du droit d’option – ne constitue pas un tel événement pour les enfants, dans la mesure où il n’est pas survenu en la personne de leur père, dont dépend leur affiliation au régime d’assurance-maladie français. Il n’en est pas non plus résulté un risque de double affiliation puisque les enfants ont été exemptés de l’affiliation à l’assurance-maladie obligatoire suisse antérieurement au changement d’assurance survenu pour leur mère. Dans cette mesure, ils ne sont pas visés par les dispositions de l’accord du 7 juillet 2016 concernant « les modalités d’exemption de l’assurance-maladie suisse et de radiation de l’assurance-maladie française des personnes en situation d’affiliation simultanée aux régimes suisse et français d’assurance-maladie, qui n’ont pas demandé formellement une exemption de l’assurance-maladie obligatoire suisse selon la lettre b du chiffre 3 sous ‘Suisse’ de l’annexe XI du règlement (CE) n° 883/2004 » (cf. art. 1 par. 2 dudit accord), dont l’art. 6 règle les situations d’affiliation simultanée). En conséquence, comme les règles particulières prévues par le ch. 3 let. b de l’Annexe XI, « Suisse », du Règlement n° 883/2004 ont valablement trouvé application, on ne saurait considérer que l’exercice de la nouvelle activité salariée de la mère à Genève, et son affiliation à l’assurance-maladie suisse, a ouvert une nouvelle possibilité d’assurance pour les enfants, ou une nouvelle obligation d’assurance, dès lors qu’ils ont été exemptés valablement de l’assurance-maladie obligatoire suisse conformément aux modalités d’exercice du droit d’option dont avait fait usage leur père.

 

Collision entre les deux droits dérivés des enfants

La solution du litige n’est pas différente sous l’angle d’une collision entre les deux droits dérivés des intimés, le premier lié au droit autonome de leur père à s’affilier au régime d’assurance français en vertu du ch. 3 let. b de l’annexe XI, « Suisse », du Règlement n° 883/2004, le second au droit autonome (respectivement à l’obligation) de leur mère de s’affilier à l’assurance-maladie obligatoire suisse conformément à la let. a sous i de cette norme.

L’art. 32 par. 1 du Règlement n° 883/2004 ne traite pas de la présente situation, où sont en cause des droits dérivés de chacun des parents des enfants, mais de l’ordre de priorité entre un droit autonome et un droit dérivé dont bénéficie un membre de la famille. En outre, le rattachement des enfants au régime français de l’assurance-maladie par le biais de l’exercice du droit d’option par leur père ne peut pas être considéré comme étant fondé directement et uniquement sur le lieu de résidence de celui-ci. Le droit découlant « directement et exclusivement du fait que la personne concernée réside dans cet Etat membre » est défini par le par. 2 de la disposition, en ce sens qu’il « n’est pas subordonné à des conditions d’assurance ou d’activité salariée ou non salariée » (BIEBACK, op. cit., n° 5 ad art. 32 du Règlement n° 883/2004). Tel n’est pas le cas du droit autonome du père ni du droit dérivé des enfants à l’affiliation au régime français d’assurance, déjà parce que c’est l’exercice d’une activité salariée en Suisse qui avait ouvert la possibilité de choisir ce régime; ces droits ne découlent dès lors pas « directement et exclusivement du fait que la personne concernée réside » en France, au sens de l’art. 32 par. 1, 2e phrase, du Règlement n° 883/2004.

La réglementation des situations de collision prévue par l’art. 32 du Règlement n° 883/2004 n’est pas complète. Elle ne règle pas la collision entre deux droit dérivés, qualifiée de plutôt invraisemblable par la doctrine (SCHREIBER, op. cit., n° 9 ad art. 32 du Règlement n° 883/2004). Pour un tel cas, lorsque les enfants peuvent faire valoir des droits dérivés à la fois à l’égard de l’État compétent du père et de celui de la mère, la doctrine donne la priorité à la prétention à l’encontre de l’institution du lieu de résidence (SCHREIBER, loc. cit.; cf. aussi BIEBACK, op. cit., n° 9 ad art. 32 du Règlement n° 883/2004). Il y a lieu, en effet, en l’absence d’un autre point de rattachement, de se référer au principe juridique de l’art. 11 par. 3 let. e du Règlement n° 883/2004 (soumission à la législation de l’État de résidence) et d’admettre la priorité de la prétention à l’encontre de l’institution du lieu de résidence (STÉPHANIE KLEIN, in Hauck/Noftz, Sozialgesetzbuch, EU-Sozialrecht, 2010, n° 11 ad art. 32 du Règlement n° 883/2004). Il s’agit aussi d’éviter que le droit des membres de la famille de choisir entre deux institutions compétentes puisse être exercé à de multiples occasions, où l’État compétent peut être changé « à volonté » (voir à ce sujet, ainsi que de manière générale sur la lacune relative à l’art. 32 du Règlement n° 883/2004 et les propositions d’amendement en cours, FILIP VAN OVERMEIREN [éd.], Impact assessment of the revision of selected provisions of Regulations 883/2004 and 987/2009, Analytical Study 2013, trESS Training and reporting on European Social Security, p. 21 in fine et p. 19 ss).

Il résulte de ce qui précède que les enfants n’ont pas à être assurés à l’assurance obligatoire des soins suisse à partir du 01.09.2018, le refus prononcé par la caisse-maladie le 16.08.2019 étant conforme au droit.

 

Le TF admet le recours de la caisse-maladie, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 9C_490/2020 consultable ici

 

 

9C_561/2016 (f) du 27.03.2017 – Exercice du droit d’option – Caractère irrévocable du droit d’option – ALCP / Renseignements et choix éclairés

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_561/2016 (f) du 27.03.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2o7Nh3o

 

Exercice du droit d’option – Caractère irrévocable du droit d’option / ALCP

Renseignements et choix éclairés

Egalité de traitement et légalité de l’activité administrative

 

Ressortissante suisse et française, résidant et travaillant sur le territoire suisse, a averti le 28.03.2006 l’Office cantonal genevois de la population qu’elle entendait s’établir en France à compter du 15.04.2006, mais maintenir son activité professionnelle en Suisse. Elle a également informé le Service de l’assurance-maladie du canton de Genève (ci-après le SAM), le 08.09.2006, qu’en tant que travailleuse frontalière, elle optait pour l’assurance dans son pays de résidence. Elle a encore produit l’attestation d’un assureur privé corroborant son choix.

Au début de l’année 2015, l’intéressée a requis du SAM qu’il l’affilie au système d’assurance-maladie suisse avec effet immédiat, à cause des difficultés qu’elle rencontrait en France pour se faire assurer auprès de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) lors d’une redéfinition des conditions d’affiliation à la branche « assurance maladie » du régime français de la sécurité sociale (transfert des frontaliers bénéficiant d’un contrat privé dans le régime de Couverture maladie universelle [CMU]).

Le SAM a rejeté cette demande dès lors qu’elle avait opté de façon irrévocable pour l’assurance de son pays de résidence et que les difficultés invoquées ne relevaient nullement de la compétence des autorités administratives suisses.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/469/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2ouAAee)

Les juges cantonaux ont concrètement constaté que, comme frontalière, la recourante avait exercé son droit d’option. Ils ont aussi considéré que les autorités suisses n’avaient pas violé leur devoir d’information à propos du caractère irrévocable du choix ou provisoire de la possibilité de contracter une assurance, privée, dans le système français dès lors que l’irrévocabilité du droit d’option était explicitement indiquée dans le formulaire signé par la recourante ainsi que dans les explications qui y étaient annexées et que le droit de sous-option entre CMU et assureur privé relevait de la compétence de l’administration française. Ils ont encore expliqué que la notion « d’équivalence dans la couverture d’assurance », parfois utilisée pour justifier l’exemption de l’obligation d’assurance en Suisse, ne concerne aucunement la qualité des prestations mais seulement l’existence d’une couverture « maladie » privée ou universelle en France.

Par jugement du 16.06.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Délai de 3 mois pour se départir du choix du régime d’assurance

Selon le TF, conformément à ce que le tribunal cantonal a indiqué, le fait de se prévaloir du dépassement du délai de trois mois pour se départir du choix du régime d’assurance effectué quelques neuf ans auparavant en toute connaissance de cause est un comportement contradictoire constitutif d’un abus de droit (à cet égard, cf. ATF 133 III 61 consid. 4.1 p. 76 par analogie).

 

Renseignements et choix éclairés

Selon le TF, peu importe de savoir si la recourante a concrètement reçu le document informatif censé être joint au formulaire concernant le droit d’option, si les explications des autorités administratives et judiciaires à ce sujet sont convaincantes, ou pas, ou si les informations transmises par le courtier en assurances étaient complètes, ou pas, puisque les premiers juges ont établi que la recourante avait opté pour l’assurance dans son pays de résidence en signant le 08.09.2006 un formulaire sur lequel l’irrévocabilité de son choix était en outre expressément mentionnée. La seule signature de ce formulaire permet assurément de retenir que l’intéressée a exercé son droit d’option en étant renseignée sur les implications de son choix. Le fait que la législation française applicable à l’époque autorisait, à titre provisoire (cf. ATF 142 V 192 consid. 3.4.3 p. 197), la conclusion d’un contrat avec un assureur privé relevait de la compétence exclusive des autorités françaises, comme mentionné par le tribunal cantonal sur la base de la récente jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. ATF 142 V 192 consid. 5.2 p. 199 s.). Il n’appartenait donc pas à l’administration genevoise de renseigner la recourante sur le « droit de sous-option ».

S’il est exact que les notes conjointes relatives à l’exercice du droit d’option en matière d’assurance maladie dans le cadre de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ci-après l’ALCP; RS 0.142.112.681) mentionnent cette problématique depuis 2008 et si cet effort conjoint de la Suisse et de la France est positif, il n’en demeure pas moins que tel n’était pas le cas auparavant et que cet élément ne faisait pas – et ne fait toujours pas – partie du devoir d’information des autorités suisses.

 

Droit d’option et « nouveau fait générateur »

Les législations suisses et françaises ont été adaptées afin de prendre en compte le droit d’option instauré par la réglementation européenne (à ce propos, cf. ATF 142 V 192 consid. 3 p. 194 ss). Dans ce cadre juridique, il a été convenu que le droit d’option ne pouvait être exercé qu’une seule fois à moins qu’un « nouveau fait générateur » n’intervienne. Cette notion de fait générateur a été interprétée de concert par les autorités suisses et françaises, qui en ont dressé la liste exhaustive dont ne fait pas partie le transfert des frontaliers bénéficiant d’un contrat d’assurance privé dans le régime de la CMU (cf. GHISLAINE RIONDEL, La prise en charge des soins de santé dans un contexte transfrontalier européen, 2016, nos 676 s. p. 344 s.). Qu’il existe des situations dans lesquelles comme l’allègue l’intéressée un frontalier particulier a pu réintégrer le régime suisse d’assurance ne change rien au système du droit d’option dit « irrévocable » mis en place d’autant moins que, même si en l’occurrence un courrier passablement détaillé a été produit, on ignore beaucoup des circonstances concrètes dans lesquelles la réintégration évoquée s’est passée.

 

Egalité de traitement et légalité de l’activité administrative

La recourante ne peut valablement se prévaloir du principe de l’égalité de traitement en l’espèce dès lors que ce principe cède – en général – le pas à celui de la légalité de l’activité administrative. Or, afin de pouvoir se prétendre victime d’une inégalité devant la loi, alors que celle-ci a été correctement appliquée à son cas mais pas à d’autres, encore faut-il démontrer que l’administration a fait de l’inobservation de la loi une pratique constante sur laquelle elle n’a pas l’intention de revenir (sur le principe d’égalité dans l’illégalité, cf. p. ex. ATF 139 II 49 consid. 7.1 p. 61), ce qui n’est de toute évidence pas le cas en l’espèce.

 

Caractère irrévocable du droit d’option

Si les annexes de l’ALCP et des règlements en découlant prévoient le droit d’option (cf. RIONDEL, op. cit., nos 658 ss p. 336 ss), les modalités d’exercice de ce droit (dont le caractère relativement irrévocable, dès lors que celui-ci peut être exercé une nouvelle fois dès qu’un nouveau fait générateur se produit) ont été arrêtées par les autorités compétentes en Suisse et en France dès 2002 et figurent dès 2008 dans une note conjointe plusieurs fois modifiée par la suite afin d’unifier la procédure d’exercice dudit droit (cf. RIONDEL, op. cit., no 675 p. 344). Le caractère irrévocable du droit d’option était ainsi connu depuis l’origine (puisqu’il est mentionné dans le formulaire signé par l’intéressée le 08.09.2009) et tous les frontaliers en étaient dûment informés. Si la notion d’irrévocabilité pouvait leur sembler vague et discutable, rien ne les empêchait de requérir des précisions à ce propos.

Le caractère irrévocable du droit d’option et ses implications, résultat de la collaboration interinstitutionnelle franco-suisse, ne sauraient être qualifiés de contraires aux buts de l’ALCP puisque l’entente évoquée a justement permis d’aboutir à la coordination des systèmes de sécurité sociale dans le respect notamment du principe d’égalité de traitement. On rappellera à ce sujet que les difficultés consécutives à l’abrogation du droit de sous-option par la France ont été réglées conformément aux modalités d’exercice du droit d’option qui avaient été discutées par les deux Etats et précisées par l’Accord des 30 juin et 7 juillet 2016 entre les autorités compétentes de la Confédération suisse et de la République française concernant la possibilité d’exemption de l’assurance-maladie suisse.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_561/2016 consultable ici : http://bit.ly/2o7Nh3o

 

 

Droit d’option en matière d’assurance-maladie obligatoire

A la suite de l’arrêt du Tribunal fédéral du 10 mars 2015 (9C_801/2014), l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a établi une nouvelle lettre d’information, à l’intention des assureurs LAMal et des gouvernements cantonaux.

 

La lettre d’information – au format pdf – est consultable ici : http://bit.ly/1cmQ5yi

Des frontaliers suisses peuvent rejoindre la LAMal (arrêt du 29.01.2015, ATAS/58/2015)

Un arrêt de la Cour de justice genevoise permet à une habitante de Saint-Genis de réintégrer la couverture maladie suisse

Arrêt du 29 janvier 2015, ATAS/58/2015, Chambre des assurances sociales, consultable icihttp://bit.ly/1A58w04

 

Article paru dans Tribune de Genève, 06.03.2015, 20h39 : http://bit.ly/1Exm49I

 

Cet arrêt de la Chambre des assurances-maladie promet de faire du bruit de Genève à Paris. En substance, la Cour de justice genevoise autorise une Suissesse habitant Saint-Genis-Pouilly à réintégrer la LAMal. S’appuyant sur cette jurisprudence, des milliers de Suisses résidant en France voisine pourraient suivre le mouvement.

Revenons au point de départ: l’exercice du droit d’option. Pour s’assurer, le frontalier a le choix entre le régime français et le régime suisse. Jusqu’au 1er mai 2014, il pouvait même choisir une assurance privée française. Or, cette dernière option a pris fin et a entraîné le basculement obligatoire des frontaliers assurés dans le privé vers la Sécurité sociale française. Considérant que le droit d’option n’est en principe possible qu’une seule fois et qu’il est irrévocable, il s’avérait impossible pour les frontaliers de réintégrer la LAMal. Jusqu’à ce jour…

Refus de passer à la Sécu

Refusant de passer à la Sécu et désireuse de continuer à se faire soigner à Genève, une Suissesse du Pays de Gex a donc fait recours contre le Service de l’assurance-maladie (SAM) de Genève qui refusait a priori de la réintégrer. Son argumentation étant en substance la suivante: «Je n’ai jamais exercé ce droit d’option.» Le conseiller d’Etat chargé du Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (DEAS), Mauro Poggia, résume: «La Cour devait se prononcer sur la question suivante: prendre une assurance privée française signifie-t-il de facto que l’on a exercé son droit d’option? La Chambre administrative a dit non.»

Résultat, tous les Suisses devenus frontaliers avant l’entrée en vigueur des bilatérales en 2002 et qui n’ont donc pas fait de déclaration au SAM pourraient demander à réintégrer la LAMal. «Le fait qu’ils aient souscrit une assurance privée en France ne peut plus leur être opposé», stipule Mauro Poggia. D’autres pourraient suivre.

Pour l’Etat de Genève, qui était en droit de faire recours contre un jugement lui donnant tort, le résultat est en vérité positif. «Cette décision rejoint notre intérêt», confirme Mauro Poggia. Celui qui, en tant que député au Grand Conseil et au Conseil national, s’était battu en faveur de la réouverture du droit d’option, sourit face à ce revirement de situation. Pour cause: des milliers de Suisses frontaliers pourraient revenir à la LAMal. Un gain humain et financier! En raison du retour des primes payées par lesdits frontaliers. Mais aussi grâce au retour de cette patientèle auprès des spécialistes genevois ou dans les établissements de soins. «La perte était estimée pour les HUG entre 20 et 25 millions de francs», rappelle Mauro Poggia.

Selon le conseiller d’Etat, au-delà des conséquences financières, c’est l’accès aux soins qui remporte ici une bataille. «Dans certains secteurs, l’absence de spécialistes ou l’éloignement des hôpitaux est tel qu’il paraît logique que les habitants aient accès à des soins à Genève.» A noter, les frontaliers assurés à la Sécu sont en droit de demander le remboursement de certains soins effectués en Suisse. «Mais au prix d’un long cheminement administratif», précise Mauro Poggia.

Réactions françaises?

C’est d’ailleurs ce point qui pourrait inciter les Suisses frontaliers à revenir vers la LAMal. Mais aussi, pour certains d’entre eux, le montant de leur prime. La cotisation à la Sécu s’élève à 8% du revenu fiscal de référence. Contre une prime allant de 350 à 900 francs par mois pour la LAMal, avec une franchise obligatoire de 300 francs. Pour les gros salaires, le calcul peut valoir la peine.

Le conseiller d’Etat va plus loin: «Il n’était pas logique de fermer la porte de nos hôpitaux, de nos assurances, qui plus est à des ressortissants suisses, sous prétexte qu’ils s’étaient installés de l’autre côté de la frontière. D’autant que nombre d’entre eux ont fait ce choix par défaut, parce qu’ils n’ont pas trouvé à se loger à Genève.» Et d’ajouter: «On parle beaucoup de cette région. Et même si je viens d’un parti qui pense que l’on doit d’abord regarder ce qui se passe chez nous, on ne peut pas nier l’existence de cette région et tout à coup ériger des murs!»

Reste à savoir comment le gouvernement français réagira à cet arrêt. «J’espère que cela ne tournera pas au conflit de compétences», insiste Mauro Poggia, rappelant que «la règle de base des accords bilatéraux est d’être assuré sur son lieu de travail». (TDG)