Archives par mot-clé : Jurisprudence

5A_443/2018 (f) du 06.11.2018 – destiné à la publication – Divorce – Epoux ayant gravement violé ses devoirs envers sa famille – Refus du partage des prétentions de prévoyance professionnelle – 124a CC – 124b CC / Examen par le TF de l’art. 124b al. 2 CC

Arrêt du Tribunal fédéral 5A_443/2018 (f) du 06.11.2018, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Divorce – Epoux ayant gravement violé ses devoirs envers sa famille – Refus du partage des prétentions de prévoyance professionnelle / 124a CC – 124b CC

Examen par le TF de l’art. 124b al. 2 CC

 

Madame A.__ (1953) et Monsieur A.__ (1945) se sont mariés le 23.10.1972 et ont eu deux enfants, aujourd’hui majeurs. Par demande unilatérale du 20.10.2014, Madame A.__ a ouvert action en divorce. Par jugement du 03.04.2017, le tribunal de première instance a prononcé le divorce, dit qu’aucune contribution d’entretien ne serait due entre les époux, condamné l’époux à verser à l’épouse 28’121 fr. 45 au titre de la liquidation du régime matrimonial et refusé à l’époux l’allocation d’une indemnité équitable au sens de l’art. 124 aCC.

Statuant le 11.04.2018 sur l’appel interjeté par l’époux, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a réformé cette décision, en ce sens que Madame A.__ a été condamnée à verser à Monsieur A.__ 2’094 fr. 50 au titre de la liquidation du régime matrimonial, le jugement étant confirmé pour le surplus (arrêt HC / 2018 / 248 consultable ici).

Il ressort de l’arrêt entrepris que l’épouse a été employée de X.__ et a perçu jusqu’à 9’500 fr. net par mois de salaire, 13ème salaire et bonus inclus, au terme de sa carrière. Atteinte dans sa santé, elle a été contrainte d’accepter une retraite anticipée, qu’elle a prise avec effet au 01.03.2014. Lorsque le jugement de première instance a été rendu, elle percevait des revenus globaux de 7’325 fr. par mois, à savoir une rente AVS transitoire (jusqu’à 64 ans révolus) de 2’340 fr. et une rente LPP viagère de 4’985 fr.

Pour sa part, l’époux a travaillé comme plâtrier-peintre salarié de 1971 à janvier 1977. Depuis février 1977, il a travaillé comme indépendant et ce formellement jusqu’en décembre 1996, mais son activité n’a pas « démarré ». Dès 1990, les revenus qu’il a déclarés à la caisse AVS se sont limités à quelque 16’000 fr. par année. Il a obtenu un revenu très accessoire en qualité de concierge, de 2001 à 2003. Agé de 72 ans lorsque le premier jugement a été rendu, il percevait des revenus mensuels globaux de quelque 1’706 fr. par mois (rentes AVS et de 3e pilier a et b). Depuis la séparation des parties en juin 2012, son épouse lui a versé une contribution d’entretien de 1’500 fr. par mois, qui a été ramenée à 1’000 fr. par mois depuis le 01.10.2014. Au jour de la demande en divorce, il ne disposait d’aucun avoir.

L’autorité de première instance avait pu établir que Monsieur A.__ avait exercé sur son épouse une surveillance étroite jusque devant son lieu de travail et un contrôle financier au point de la priver d’autonomie, de ses propres ressources et de la possibilité d’entretenir à sa guise des relations avec ses enfants, puis ses petits-enfants. Il avait maltraité femme et enfants, tant physiquement que psychiquement, et avait mis la fille aînée du couple à la porte alors que celle-ci était encore largement mineure parce qu’elle « coûtait trop cher ». L’épouse avait dû subvenir quasiment seule aux besoins du ménage et de la famille en travaillant – d’abord à 50%, puis à 100% – à tout le moins durant les trente dernières années, le mari ayant invoqué des problèmes de dos pour cesser progressivement toute activité professionnelle, sans pour autant s’adresser à l’AI, déclarant notamment à son épouse et à ses enfants qu’il ne travaillerait plus jamais pour un patron. L’épouse s’était occupée seule des enfants et de la tenue du ménage, aidant en outre son mari dans son activité professionnelle indépendante – quand il en exerçait encore une – en établissant les devis pour ses clients. L’époux faisait main basse sur le salaire de son épouse, ne lui laissant que très peu d’argent – au point que celle-ci n’osait pas s’offrir la moindre distraction avec ses collègues, étant régulièrement sans argent – et confisquant le solde dans une pièce dont l’accès n’était rendu possible à son épouse que sous surveillance et pour y faire le ménage. La famille avait parfois manqué de moyens pour subvenir à des besoins de base, car l’époux jouait une partie du salaire de son épouse à des jeux de hasard. Il n’avait pas pour autant davantage contribué à l’éducation et à la prise en charge des enfants, ni aux tâches du ménage. En plus des frais quotidiens, l’épouse avait dû assumer seule le remboursement d’un crédit de 90’864 fr. dont l’époux avait disposé seul. La vie conjugale que lui avait fait mener son époux avait été pour elle un véritable « enfer « , et les démarches effectuées en vue d’obtenir une séparation l’avaient conduite à une décompensation psychique grave « dans le contexte de la relation d’emprise que [son mari] entretenait sur elle ». Par ailleurs, l’autorité cantonale a relevé que la privation d’autonomie du fait de l’époux, jusque dans les relations personnelles que l’épouse souhaitait entretenir avec ses enfants et ses petits-enfants, de même que le climat de terreur psychologique qu’il entretenait au sein de sa famille, réalisaient les circonstances exceptionnelles visées de façon non exhaustives à l’art. 125 al. 3 CC.

S’agissant de la question du partage des avoirs de prévoyance professionnelle des époux, la cour cantonale a retenu que le nouveau droit offrait au juge un plus grand pouvoir d’appréciation que l’ancien droit, lui permettant ainsi de corriger les situations inéquitables. Le juge du divorce pouvait désormais, notamment, refuser le partage en tout ou partie en cas de violation grave, par le créancier, de son obligation d’entretien au sens de l’art. 125 al. 3 CC. En application de ces principes, la Cour d’appel civile a considéré qu’au vu des circonstances de l’espèce et de l’application de l’art. 125 al. 3 CC, il se justifiait de refuser tout partage de la rente de prévoyance professionnelle perçue par Madame A.__.

 

TF

Selon l’art. 122 CC, les prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage et jusqu’à l’introduction de la procédure de divorce sont partagées entre les époux.

L’art. 124a CC règle les situations dans lesquelles, au moment de l’introduction de la procédure de divorce, l’un des époux perçoit une rente d’invalidité alors qu’il a déjà atteint l’âge réglementaire de la retraite ou perçoit une rente de vieillesse. Dans ces situations, il n’est plus possible de calculer une prestation de sortie, de sorte que le partage devra s’effectuer sous la forme du partage de la rente (Message du 29 mai 2013 concernant la révision du code civil suisse [Partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce], FF 2013 4341, 4363 ad art. 124a CC [ci-après: Message LPP]). Selon l’art. 124a CC, le juge apprécie les modalités du partage. Il tient compte en particulier de la durée du mariage et des besoins de prévoyance de chacun des époux (al. 1). L’énumération des circonstances que le juge doit prendre en considération lorsqu’il prend une telle décision fondée sur son pouvoir d’appréciation n’est pas exhaustive (FF 2013 4365 ad art. 124a CC). S’il prend en considération d’autres circonstances que la durée du mariage et les besoins de prévoyance de chacun des conjoints, le juge doit préciser lesquelles. Entrent notamment en ligne de compte les circonstances justifiant l’attribution de moins ou de plus de la moitié de la prestation de sortie (art. 124b CC; FF 2013 4365 ad art. 124a CC et 4370 ad art. 124b CC). En d’autres termes, si l’art. 124b CC ne s’applique pas directement aux cas de partage d’une rente, mais vise uniquement les cas de partage des prestations de sortie, le juge peut toutefois s’inspirer des principes ressortant de cette disposition dans le cadre de l’exercice du pouvoir d’appréciation que lui confère l’art. 124a CC (JUNGO / GRÜTTER, FamKomm Scheidung, vol. I, 3ème éd. 2017, n° s 23 et 27 ad art. 124a CC; LEUBA/UDRY, Partage du 2ème pilier: premières expériences, in Entretien de l’enfant et prévoyance professionnelle, 2018, p. 9; ANNE-SYLVIE DUPONT, Les nouvelles règles sur le partage de la prévoyance en cas de divorce, in Le nouveau droit de l’entretien de l’enfant et du partage de la prévoyance, 2016, n° 85 p. 81 s.; THOMAS GEISER, Gestaltungsmöglichkeiten beim Vorsorgeausgleich, RJB 2017 1 [12]).

Selon l’art. 124b al. 2 CC, le juge attribue moins de la moitié de la prestation de sortie au conjoint créancier ou n’en attribue aucune pour de justes motifs. C’est le cas en particulier lorsque le partage par moitié s’avère inéquitable en raison de la liquidation du régime matrimonial ou de la situation économique des époux après le divorce (ch. 1) ou des besoins de prévoyance de chacun des époux, compte tenu notamment de leur différence d’âge (ch. 2).

Dans un arrêt rendu sous l’empire de l’ancien droit du partage des avoirs de prévoyance professionnelle (ATF 133 III 497), le Tribunal fédéral avait considéré que le partage pouvait être refusé lorsqu’il s’avérait manifestement inéquitable pour des motifs tenant à la liquidation du régime matrimonial ou à la situation économique des époux après le divorce (art. 123 al. 2 aCC), mais aussi en cas d’abus de droit (art. 2 al. 2 CC), par exemple lorsque les époux avaient contracté un mariage de complaisance ou n’avaient jamais eu l’intention de former une communauté conjugale. En revanche, une violation des devoirs découlant du mariage ne constituait pas un motif de refus du partage des avoirs de prévoyance professionnelle. Le comportement des conjoints durant le mariage ne jouait aucun rôle dans ce domaine, étant relevé que l’art. 125 al. 3 ch. 1 CC, selon lequel une violation grave de l’obligation d’entretien de la famille pouvait justifier un refus d’allouer une contribution d’entretien, n’avait pas été conçu par le législateur en relation avec le partage des prestations de sortie (ATF 133 III 497 consid. 4 et 5; arrêt approuvé par HEINZ HAUSHEER, in RJB 2008 557 s.). En conséquence, le Tribunal fédéral avait retenu, dans le cas d’espèce de l’ATF 133 III 497, que l’on ne pouvait pas refuser de partager les avoirs de prévoyance professionnelle par moitié entre les époux, quand bien même l’épouse avait travaillé à plein temps depuis le début du mariage, alors que l’époux n’avait pas travaillé ou ne l’avait fait que de manière sporadique, leurs deux enfants vivant pour leur part, dès leur naissance, chez leurs grands-parents maternels.

Il reste à examiner si cette jurisprudence peut être confirmée sous l’empire du nouveau droit du partage de la prévoyance professionnelle.

Le texte de l’art. 124b al. 2 CC prévoit la possibilité pour le juge de s’écarter du principe du partage par moitié pour de  » justes motifs  » et cite deux exemples à ses chiffres 1 et 2. Il ne précise toutefois pas plus avant la notion de justes motifs et n’indique en particulier pas si la violation par un conjoint de son obligation de contribuer à l’entretien de la famille, au sens de l’art. 163 CC, pourrait constituer un tel motif.

Selon le Message LPP, la liste des justes motifs énumérés à l’art. 124b al. 2 CC, pour lesquels le juge peut renoncer au partage par moitié, n’est pas exhaustive. D’autres cas de figure sont envisageables, celui notamment où le conjoint créancier « ne se serait pas conformé à son obligation d’entretien » (selon les textes allemands et italiens du Message:  » (…) seine Pflicht, zum Unterhalt der Familie beizutragen, grob verletzt hat  » [FF 2013 4182];  » (…) ha violato in modo grave l’obbligo di contribuire al mantenimento della famiglia  » [FF 2013 4918]), auquel cas il paraîtrait insatisfaisant qu’il puisse exiger la moitié de la prestation de sortie du conjoint débiteur (FF 2013 4371 ad art. 124b CC). Le Message se réfère ici expressément à l’ATF 133 III 497. Dans le cadre des travaux parlementaires, la conseillère nationale Gabi Huber a exposé que cette jurisprudence était insatisfaisante, et que des situations comme celle de l’ATF 133 III 497 ne devraient plus exister lorsque le nouvel art. 124b CC serait entré en vigueur (BO 2015 CN 766). La Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a souligné que le principe d’un partage par moitié demeurait, mais qu’il convenait d’offrir au juge une certaine flexibilité (BO 2015 CN 768). Enfin, alors que l’avant-projet de modification du Code civil disposait, tout comme l’art. 123 al. 2 aCC, que le juge refuse le partage par moitié, en tout ou partie, lorsque celui-ci s’avère manifestement inéquitable (art. 122 al. 2 ap-CC), le nouvel art. 124b al. 2 CC ne mentionne finalement que le terme inéquitable, ceci afin de laisser une plus grande marge d’interprétation au juge (FF 2013 4352 ainsi que 4370 ad art. 124b CC).

Une partie de la doctrine soutient que, même sous l’empire du nouveau droit, le fait pour un époux d’avoir contribué à l’entretien de la famille dans une plus grande proportion que ce que lui impose l’art. 163 CC n’est pas déterminant pour le partage des avoirs de prévoyance professionnelle, seuls des motifs de nature économique pouvant être qualifiés de justes motifs au sens de l’art. 124b al. 2 CC (REGINA AEBI-MÜLLER, in ZBJV 2018 608; dans le même sens GEISER, op. cit., p. 15, selon lequel le comportement des époux durant le mariage ne constitue pas un juste motif de refus du partage). D’autres auteurs affirment, en se référant au Message LPP, que la jurisprudence découlant de l’ATF 133 III 497 ne peut plus être appliquée depuis l’entrée en vigueur du nouveau droit (JUNGO/GRÜTTER, FamKomm Scheidung, 3ème éd. 2017, n° 17 ad art. 124b CC; MYRIAM GRÜTTER, Der neue Vorsorgeausgleich im Überblick, FamPra.ch 2017 127 [138]). En d’autres termes, ils admettent que le juge puisse désormais tenir compte, dans son appréciation, non seulement de motifs de nature purement économique tels que ceux cités à l’art. 124b al. 2 CC, mais aussi de la violation grave, par un époux, de son obligation d’entretien de la famille (MARKUS MOSER, Teilung mit Tücken – der Vorsorgeausgleich auf dem Prüfstand der anstehenden Scheidungsrechtsrevision, SZS 2014 100 [122 s.]).

On peut certes craindre que le nouvel art. 124b al. 2 CC n’ait pour effet, en quelque sorte, de réintroduire par la bande le divorce « pour faute » et de détourner le but initial de la loi (GEISER, op. cit., p. 15). Dans son Message, le Conseil fédéral souligne toutefois qu’il conviendra de veiller à ce que l’application de l’art. 124b al. 2 CC ne vide pas de sa substance le principe du partage par moitié (FF 2013 4371 ad art. 124b CC), le partage de la prévoyance professionnelle devant, dans l’idéal, permettre aux deux conjoints de disposer d’un avoir de prévoyance de qualité égale (FF 2013 4349). Ces principes ont été conçus pour être appliqués indépendamment de la répartition des tâches convenue durant le mariage. Il n’en demeure pas moins que la volonté du législateur, dans le cadre de la novelle du 19 juin 2015, était d’assouplir les conditions auxquelles le juge peut exclure totalement ou partiellement le partage. Il a clairement souhaité que le fait, pour un époux, d’avoir gravement violé son obligation de contribuer à l’entretien de la famille puisse constituer un juste motif au sens de l’art. 124b al. 2 CC, contrairement à ce que préconisait l’ATF 133 III 497.

En définitive, au vu du but général de la loi concernant le partage de la prévoyance en cas de divorce, le comportement des époux durant le mariage ne constitue en principe pas un critère à prendre en considération ; il ne s’agira donc pas d’analyser dans chaque situation la proportion dans laquelle chaque époux s’est impliqué dans l’entretien de la famille et de pondérer le partage des avoirs en fonction de ces éléments. Cependant, selon la volonté claire du législateur, le juge du divorce a désormais la possibilité de tenir compte, dans son appréciation, de la violation par un époux de son obligation d’entretenir la famille. Il ne peut toutefois le faire que de manière restrictive, afin d’éviter que le principe du partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle des époux ne soit vidé de sa substance. En particulier, c’est seulement dans des situations particulièrement choquantes que de tels justes motifs peuvent l’emporter sur les considérations économiques liées aux besoins de prévoyance respectifs des époux, de sorte que le juge est habilité, sur cette base, à refuser totalement ou partiellement le partage des avoirs de prévoyance professionnelle (dans le même sens, cf. DUPONT, op. cit., n° 84 p. 81; MOSER, op. cit., p. 122 et 123, qui parle de  » krass ehewidrigen Verhaltens  » et de  » grobe Verletzung ehelicher Unterhaltspflicht « ), et ce même si la prévoyance du conjoint créancier n’apparaît pas adéquate (cf. à ce sujet HERZIG/JENAL, Verweigerung des Vorsorgeausgleichs in der Scheidung: Konfusion um Rechtsmissbrauchsverbot und Unbilligkeitsregel, in Jusletter du 21 janvier 2013, N 17 et la critique formulée au N 18).

 

En l’espèce, Monsieur A.__ ne conteste pas avoir gravement violé son obligation de contribuer à l’entretien de la famille. Il ne remet pas en cause les constatations de fait de l’autorité cantonale, selon lesquelles il n’a que très peu travaillé et ne s’est occupé ni des enfants, ni du ménage, et ce tout au long du mariage. Dans ce contexte, la cour cantonale pouvait considérer que l’on se trouvait en présence de justes motifs, au sens de l’art. 124b al. 2 CC, dont elle pouvait s’inspirer dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation prévu par l’art. 124a CC.

Au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce (cf. faits retenus par l’autorité de première instance), on ne saurait reprocher à la cour cantonale d’avoir abusé de son pouvoir d’appréciation. Enfin, en tant que Monsieur A.__ fait valoir qu’il a d’importants besoins de prévoyance, il omet que dans la situation exceptionnelle où, comme en l’espèce, le refus de prévoyance est lié à un manquement grave de l’un des époux à son obligation de contribuer à l’entretien de la famille, le critère du caractère adéquat des avoirs de prévoyance du conjoint créancier peut être relégué au second plan.

 

Le TF rejette le recours de Monsieur A.__.

 

 

Arrêt 5A_443/2018 consultable ici

 

 

8C_604/2018 (f) du 05.11.2018 – Remise du formulaire de recherches d’emploi avec 1 jour de retard – 26 al. 2 OACI / Suspension du droit à l’indemnité de chômage – 30 LACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_604/2018 (f) du 05.11.2018

 

Consultable ici

 

Remise du formulaire de recherches d’emploi avec 1 jour de retard / 26 al. 2 OACI

Suspension du droit à l’indemnité de chômage / 30 LACI

 

Assuré, né en 1962, inscrit au chômage le 05.09.2017, a déposé son formulaire de recherches d’emploi effectuées au cours du mois de février 2018, le 06.03.2018, alors qu’il aurait dû le remettre le 05.03.2018.

Par décision du 22.03.2018, confirmée sur opposition, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) a prononcé une suspension du droit à l’indemnité de chômage pour une durée d’un jour, motif pris que l’assuré avait remis ses recherches d’emploi avec un léger retard.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/585/2018 – consultable ici)

Les premiers juges ont constaté que cette omission constituait un manquement unique et ponctuel qui n’illustrait pas le comportement général de l’assuré. Par ailleurs le retard était minime et la qualité et la quantité des recherches pour le mois en cause n’avaient pas été contestées. Aussi, la cour cantonale a-t-elle jugé qu’il n’y avait pas lieu de suspendre le droit à l’indemnité de chômage pour comportement inadéquat.

Par jugement du 26.06.2018, admission du recours par le tribunal cantonal et annulation de la décision sur opposition.

 

TF

Aux termes de l’art. 17 al. 1 LACI, l’assuré qui fait valoir des prestations d’assurance doit, avec l’assistance de l’office du travail compétent, entreprendre tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l’abréger ; il lui incombe, en particulier, de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu’il exerçait précédemment; il doit pouvoir apporter la preuve des efforts qu’il a fournis. Le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable (art. 30 al. 1 let. c LACI).

Selon l’art. 26 al. 2 OACI, dans sa teneur en vigueur dès le 01.04.2011 (RO 2011 1179), l’assuré doit remettre la preuve de ses recherches d’emploi pour chaque période de contrôle au plus tard le cinq du mois suivant ou le premier jour ouvrable qui suit cette date. A l’expiration de ce délai, et en l’absence d’excuse valable, les recherches d’emploi ne sont plus prises en considération.

Dans un arrêt publié aux ATF 139 V 164 (8C_601/2012 du 26 février 2013), le Tribunal fédéral a admis la conformité à la loi du nouvel article 26 al. 2 OACI qui ne prévoit plus l’octroi d’un délai de grâce comme dans son ancienne version, dont le texte avait été mis en parallèle avec celui de l’art. 43 al. 3 LPGA (voir ATF 133 V 89 consid. 6.2 p. 91). Dans ce contexte, il a souligné que cette disposition de l’ordonnance constitue une concrétisation des art. 17 al. 1 LACI et 30 al. 1 let. c LACI, en vertu desquels un assuré doit apporter la preuve de ses efforts en vue de rechercher du travail pour chaque période de contrôle sous peine d’être sanctionné. Il a également déclaré que la suspension du droit à l’indemnité est exclusivement soumise aux dispositions spécifiques de l’assurance-chômage, en particulier l’art. 30 LACI ainsi que les dispositions d’exécution adoptées par le Conseil fédéral, et non pas à la LPGA. Le Tribunal fédéral a en déduit que la loi n’impose pas de délai supplémentaire et que, sauf excuse valable, une suspension du droit à l’indemnité peut être prononcée si les preuves ne sont pas fournies dans le délai de l’art. 26 al. 2 OACI, peu importe qu’elles soient produites ultérieurement, par exemple dans une procédure d’opposition.

Compte tenu de ce qui précède, l’OCE était fondé à suspendre le droit à l’indemnité de l’assuré dès lors qu’il est établi que celui-ci a envoyé ses recherches d’emploi avec un jour de retard. Les éléments retenus par les premiers juges (retard minime, premier manquement, comportement jusqu’alors irréprochable et qualité et quantité des recherches suffisantes) sont pertinents uniquement pour déterminer la durée de la suspension (cf. arrêt 8C_ 601/2012 du 26 février 2013 consid. 4.1, non publié in ATF 139 V 164 et les références). Ils n’ont en revanche pas leur place dans l’examen du principe même d’une suspension. Le raisonnement de la cour cantonale reviendrait à renoncer systématiquement à sanctionner un assuré dans les mêmes circonstances, ce qui va à l’encontre de l’art. 26 al. 2 OACI. Dans la mesure où le recourant a infligé la sanction minimale prévue par l’art. 45 al. 3 OACI, soit un jour, sa décision n’était pas critiquable (voir pour comparaison les arrêts 8C_64/2012 du 26 juin 2012 et 8C_2/2012 du 14 juin 2012).

 

Le TF admet le recours de l’office cantonal de l’emploi, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_604/2018 consultable ici

 

 

9C_117/2018 (f) du 19.10.2018 – Révision d’une rente d’invalidité – 17 LPGA / Une condamnation pénale pour abus de confiance et faux dans les titres ne permet pas de démontrer à elle seul une amélioration sensible de l’état de santé

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_117/2018 (f) du 19.10.2018

 

Consultable ici

 

Révision d’une rente d’invalidité / 17 LPGA

Une condamnation pénale pour abus de confiance et faux dans les titres ne permet pas de démontrer à elle seul une amélioration sensible de l’état de santé

 

Assuré, né en 1963, conducteur de bus depuis 1989, s’est vu octroyer par l’office AI une demi-rente d’invalidité dès le 01.01.2003, puis une rente entière dès le 01.04.2005 et enfin une demi-rente dès le 01.01.2006. En se fondant sur l’évaluation des médecins de son SMR, l’administration a retenu que l’assuré souffrait – avec répercussion sur la capacité de travail – d’un épisode dépressif récurrent, épisode actuel d’intensité moyenne avec syndrome somatique, et qu’il pouvait travailler à 50% comme conducteur de bus ou toute autre activité adaptée.

Le 28.07.2010, après avoir pris connaissance de l’avis du spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et psychiatre traitant, l’office AI a considéré que l’assuré continuait à avoir droit de bénéficier d’une demi-rente d’invalidité (degré d’invalidité : 50%).

Par jugement du tribunal de police du 20.08.2013, l’assuré a ensuite été condamné, pour des faits s’étant déroulés du 05.03.2010 au 03.05.2010, pour abus de confiance, pour s’être procuré un enrichissement illégitime en distrayant de leur but initial les valeurs patrimoniales (66’000 fr.) qui lui avait été confiées, pour tentative d’abus de confiance, pour s’être présenté le 16.04.2010 au guichet d’une succursale d’un établissement bancaire sans être au bénéfice d’une procuration, pour faux dans les titres, pour avoir fabriqué une fausse attestation de donation de la somme de 66’000 fr., ainsi que de faux contrats de prêt et de vente, et pour tentative d’escroquerie, pour avoir tenté de d’obtenir des prestations complémentaires à l’AVS en faveur de ses dupes afin de préserver leur fortune dont il était appelé à hériter à leur décès.

A la suite de ce jugement, l’office AI a initié une révision et a suspendu le droit de l’assuré à une rente d’invalidité avec effet au 31.12.2013. L’administration mis en œuvre une expertise psychiatrique. Dans son rapport, le médecin-expert, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a diagnostiqué – avec répercussion sur la capacité de travail – un trouble dépressif récurrent (épisode actuel moyen). Le médecin a indiqué que l’assuré avait été en rémission (au moins partielle) de sa pathologie dépressive entre le 01.01.2010 et le 31.12.2013 (capacité de travail de 80% au moins), puis avait souffert d’une symptomatologie dépressive réactionnelle à la suspension de son droit à une rente dès le 01.01.2014. Par décision du 10.07.2015, l’office AI a supprimé la demi-rente d’invalidité de l’assuré avec effet au 01.01.2010.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 248/15 – 316/2017 – consultable ici)

En se fondant sur les conclusions de l’expertise, la juridiction cantonale a considéré que l’état de santé de l’assuré s’était amélioré depuis le 01.01.2010. L’assuré avait en particulier été capable, en plus de son activité de conducteur de bus à 50%, de conceptualiser et de planifier un projet d’escroquerie relativement complexe. Selon l’expert psychiatre, l’assuré a fait preuve de compétences pour contourner la loi, s’adapter à l’évolution de la situation, analyser ce qui se passait et prendre des décisions en conséquence. Il n’avait par ailleurs pas manqué d’endurance, dès lors qu’il avait été à même d’assurer le suivi d’actes délictueux qui nécessitaient une certaine énergie et de s’affirmer notamment dans une agence bancaire qui lui refusait le prélèvement d’argent sur le compte de sa victime. La commission des différents délits attestait ainsi de ressources peu compatibles avec un épisode dépressif déclaré comme incapacitant à l’époque.

Par jugement du 10.11.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

En vertu de l’art. 17 LPGA, si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. La rente d’invalidité peut ainsi être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 141 V 281 consid. 3.7.3 p. 296; 136 V 279 consid. 3.2.1 p. 281).

Dans le contexte d’une révision au sens de l’art. 17 LPGA, le juge doit vérifier l’existence d’un changement important de circonstances propre à justifier l’augmentation, la réduction ou la suppression de la rente. Or un tel examen ne peut intervenir qu’à la faveur d’une comparaison entre deux états de fait successifs (arrêt 8C_441/2012 du 26 juillet 2013 consid. 6.1.2).

Selon le descriptif établi par la juridiction cantonale, l’office AI a procédé à un examen matériel initial du droit à la rente de l’assuré en février 2007, puis considéré que l’assuré continuait à avoir droit à une demi-rente d’invalidité (degré d’invalidité : 50%) au terme d’une procédure de révision initiée en décembre 2009 (correspondance du 28.07.2010). A cette occasion, l’office AI n’a cependant pas procédé à une évaluation matérielle de la situation de l’assuré, en dépit des mesures d’instruction effectuées. La communication du 28.07.2010 ne repose de plus pas sur des pièces médicales qui auraient été propres à justifier une augmentation de la rente, si le résultat de l’appréciation eût été différente (cf. arrêt 8C_441/2012 cité consid. 6.2). Il faut ainsi constater que la décision du 26.02.2007 constitue le point de départ temporel pour l’examen de la révision.

La juridiction cantonale a consacré l’essentiel de la motivation de la décision entreprise à examiner la valeur probante de l’expertise mise en œuvre par l’AI. Elle n’explique nullement les motifs pour lesquels cette appréciation rétrospective mettrait en évidence une modification sensible de l’état de santé de l’assuré au sens de l’art. 17 LPGA par rapport à février 2007. Les conclusions du médecin-expert ne constituent objectivement qu’une appréciation clinique différente de la situation médicale – demeurée inchangée – de l’assuré.

Le diagnostic de trouble dépressif récurrent (épisode actuel moyen) vient tout d’abord confirmer celui de trouble dépressif récurrent (épisode actuel d’intensité moyenne avec syndrome somatique) mis en évidence précédemment par le SMR, comme le souligne d’ailleurs l’expert. Il n’est donc pas nouveau.

Comme l’ont relevé les juges pénaux, l’assuré a essentiellement usé du rapport de confiance qu’il avait établi dans le cadre de son activité de concierge pour satisfaire son appât du gain au détriment d’un couple de personnes âgées. Aussi blâmable que puisse apparaître ce comportement, il ne permet cependant pas, à lui seul, de démontrer une amélioration sensible de l’état de santé de l’assuré au sens de l’art. 17 LPGA.

Selon le TF, on ne saisit pas à la lecture de l’expertise mandatée par l’office AI en quoi l’état dépressif de l’assuré lui aurait permis de manœuvrer un bus dans le trafic routier, mais l’aurait empêché de se rendre par exemple à une succursale bancaire pour y retirer de l’argent au détriment de sa dupe ou fabriquer de faux documents en dehors de son horaire de travail. En affirmant que l’assuré disposait de ressources peu compatibles avec un épisode dépressif déclaré comme incapacitant dès le 01.01.2010, au motif qu’il avait été le personnage-clé de ces différentes infractions pénales, l’expert n’apporte par conséquent aucun argument objectif au soutien d’une amélioration sensible de l’état de santé de l’assuré.

Dans ces conditions, en l’absence d’un motif de révision au sens de l’art. 17 LPGA, la juridiction cantonale n’était pas en droit de confirmer la décision par laquelle l’office AI a modifié sa décision d’octroi de prestations.

 

Le TF admet le recours de l’assuré et annule le jugement cantonal et la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_117/2018 consultable ici

 

 

9C_458/2018 (f) du 17.10.2018 – Revenu d’invalide selon l’ESS – Abattement – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_458/2018 (f) du 17.10.2018

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide selon l’ESS – Abattement / 16 LPGA

 

Assurée, née en 1972, opératrice, a été percutée, le 16.12.2011, par un véhicule alors qu’elle traversait un passage pour piétons, ce qui a causé une fracture du bassin et une fracture bifocale de l’humérus droit ; un état de stress post-traumatique s’en est suivi.

Dépôt de la demande AI le 11.06.2012.

L’assurée présente une capacité de travail entière d’un point de vue somatique dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles suivantes : position assise ou debout, avec un port occasionnel de charges allant jusqu’à 5 kg à l’aide de la main gauche uniquement, sans aucun effort de soulèvement de la main droite, le coude droit posé sur une table comme pour utiliser une souris d’ordinateur, en évitant les mouvements de rotation internes et externes répétés de l’épaule. Cette capacité est réduite uniquement en raison de la problématique psychique, l’assurée étant capable d’exercer un travail à mi-temps avec une diminution de rendement de 20% en raison des troubles de l’attention et de la concentration, une irritabilité, une humeur triste et des conduites d’évitement.

Par décisions, l’office AI a octroyé à l’assurée une rente entière d’invalidité du 01.12.2012 au 31.08.2013, puis trois-quarts de rente du 01.09.2013 au 31.05.2014, puis une rente entière du 01.10.2015 au 31.08.2016 et enfin une demi-rente dès le 01.09.2016. L’office AI a appliqué un abattement de 5% au salaire d’invalide établi sur la base de l’ESS.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 24.05.2018, admission partielle du recours par le tribunal cantonal et octroi d’une rente entière pour la période du 01.09.2013 au 31.05.2014. L’abattement a été porté à 15% par la juridiction cantonale, en raison des limitations fonctionnelles ainsi que l’absence complète de formation.

 

TF

En ce qui concerne la fixation du revenu d’invalide (cf. art. 16 LPGA) sur la base des statistiques salariales, il est notoire, selon la jurisprudence, que les personnes atteintes dans leur santé, qui présentent des limitations même pour accomplir des activités légères, sont désavantagées sur le plan de la rémunération par rapport aux travailleurs jouissant d’une pleine capacité de travail et pouvant être engagés comme tels; ces personnes doivent généralement compter sur des salaires inférieurs à la moyenne (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb p. 323). La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent par conséquent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité, autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79).

L’étendue de l’abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question typique relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit a commis un excès positif ou négatif de son pouvoir d’appréciation ou a abusé de celui-ci, notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72).

L’absence de formation ne constitue pas un critère d’abattement du revenu statistique établi dans le cas de l’assurée. La valeur statistique utilisée (ESS 2012 niveau 1) s’applique aux assurés qui conservent une capacité de travail dans des activités simples et répétitives ; elle recouvre un large éventail d’activités variées et non qualifiées, ne requérant pas d’expérience professionnelle spécifique, ni de formation particulière, si ce n’est une phase initiale d’adaptation et d’apprentissage (p. ex. arrêt 8C_227/2018 du 14 juin 2018 consid. 4.2.3.3). On doit admettre que ce facteur n’aurait pas dû entrer en ligne de compte pour fixer l’abattement.

Les limitations fonctionnelles n’ont pas été incluses par la juridiction cantonale pour justifier la diminution de rendement, puisque seuls ont été considérés comme déterminants les troubles relevant de la sphère psychique. Il s’ensuit que ces limitations pouvaient être prises en considération lors de la détermination du revenu d’invalide par le biais d’un abattement à apporter sur le salaire statistique.

Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le bien-fondé du taux de 15% retenu par la juridiction cantonale, il apparaît qu’en procédant à une évaluation globale de l’abattement (cf. arrêt 8C_766/2017 du 30 juillet 2018 8.3.1 et les références), au vu des facteurs devant être retenus, la prise en compte d’un abattement de 10% n’aurait en tout cas pas constitué un abus ou un excès du pouvoir d’appréciation de l’autorité judiciaire. En reprenant les revenus déterminants fixés par l’office AI et repris par la juridiction cantonale, une réduction de 10% du salaire statistique conduit à un taux d’invalidité de 71%. Le droit à la rente entière (cf. art. 28 al. 2 LAI) est dès lors ouvert pour la période s’étendant du 01.09.2013 au 31.05.2014.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_458/2018 consultable ici

 

 

8C_338/2017 (f) du 29.01.2018 – Cotisations à l’assurance-chômage d’un fonctionnaire international / Salaire déterminant pour les cotisations – Indemnité forfaitaire de résiliation versée par l’employeur après les rapports de travail – 5 LAVS – 7 RAVS / Distinction entre obligation de cotiser et perception des cotisations

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_338/2017 (f) du 29.01.2018

 

Consultable ici

 

Cotisations à l’assurance-chômage d’un fonctionnaire international

Salaire déterminant pour les cotisations – Indemnité forfaitaire de résiliation versée par l’employeur après les rapports de travail / 5 LAVS – 7 RAVS

Distinction entre obligation de cotiser et perception des cotisations

 

A.__, de nationalité suisse, a été employée en qualité de fonctionnaire au sein du Bureau international du travail (ci-après le BIT) [données ressortant du jugement cantonal], du 03.01.1991 au 31.12.2013. La prénommée s’est volontairement affiliée à l’assurance-chômage suisse en qualité de salariée d’un employeur non soumis aux assurances sociales suisses. A ce titre, elle a payé ses cotisations auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après: la CCGC) du 01.05.1992 au 31.12.2013.

L’assurée a transmis à la CCGC son certificat de salaire pour l’année 2013. Elle l’a par ailleurs informée qu’elle avait quitté le BIT au 31.12.2013 et qu’elle était sans activité lucrative depuis le 01.01.2014. Elle a joint deux attestations de son ancien employeur, dont une mentionnant que dans le cadre d’un accord de résiliation, une somme forfaitaire correspondant à un total convenu de 18 traitements et émoluments mensuels serait versée. L’indemnité forfaitaire payée le 27.01.2014 par son employeur correspondait à une indemnité de résiliation d’engagement par consentement mutuel, laquelle s’élevait à 125’780 fr. 40 bruts.

Par décision, confirmée sur opposition, la CCGC a fixé le montant des cotisations d’assurance-chômage dues par l’assurée pour l’année 2014 à 1’383 fr. 80, calculées sur la base d’un salaire déterminant pour la période du 01.01.2014 au 31.01.2014 de 125’780 fr. 40.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/187/2017 – consultable ici)

Par jugement du 08.03.2017, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

La perception des cotisations à l’assurance-chômage est du ressort des caisses de compensation AVS (art. 86 LACI). L’art. 6 LACI dispose que, sauf disposition contraire de la présente loi, la législation sur l’AVS, y compris ses dérogations à la LPGA, s’applique par analogie au domaine des cotisations et des suppléments de cotisations.

Le salaire déterminant comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé (art. 5 al. 2, première phrase, LAVS). Font partie de ce salaire déterminant, par définition, toutes les sommes touchées par le salarié, si leur versement est économiquement lié au contrat de travail; peu importe, à ce propos, que les rapports de service soient maintenus ou aient été résiliés, que les prestations soient versées en vertu d’une obligation ou à titre bénévole. On considère donc comme revenu d’une activité salariée, soumis à cotisations, non seulement les rétributions versées pour un travail effectué, mais en principe toute indemnité ou prestation ayant une relation quelconque avec les rapports de service, dans la mesure où ces prestations ne sont pas franches de cotisations en vertu de prescriptions légales expressément formulées (ATF 140 V 368 consid. 4.3.1 p. 375 s.). Sont compris dans le salaire déterminant tous les revenus qui ont un lien avec un rapport de travail ou de service et qui n’auraient pas été versés en l’absence d’un tel lien. En revanche, seuls les revenus effectivement versés sont soumis à cotisations (ATF 138 V 463 consid. 6.1 p. 469; 133 V 556 consid. 4 p. 558; 153 consid. 3.1 p. 156 s.; 131 V 444 consid. 1.1 p. 446). Selon l’art. 7 let. q RAVS, les prestations versées par l’employeur lors de la cessation des rapports de travail sont comprises dans le salaire déterminant, pour autant qu’elles n’en soient pas exceptées en vertu de l’art. 8bis ou 8ter RAVS (cf. aussi ATF 133 V 153 consid. 3.1 p. 157).

Selon la jurisprudence, il convient de distinguer entre l’obligation de cotiser et la perception des cotisations. Les cotisations sont en principe dues au moment où le salaire a été réalisé (ATF 138 V 463 consid. 6.1 p. 469; 131 V 444 consid. 1.1 p. 446; 115 V 161 consid. 4b p. 163). D’après les principes généraux de droit fiscal auxquels il convient de se référer par analogie, le revenu est considéré comme réalisé lorsque le salarié peut effectivement en disposer. Que les prestations aient été versées en une fois, en plusieurs tranches ou de manière périodique, la créance de cotisations y relative naît au moment du versement du revenu, lequel détermine l’année civile pour laquelle les cotisations sont dues, même si le versement est comptabilisé sur une année antérieure (cf. arrêt 9C_824/2008 du 6 mars 2009 consid. 3.2). La règle selon laquelle la dette de cotisations naît au moment où le salaire est versé (principe de réalisation) ne précise cependant pas si les cotisations sont dues mais elle prescrit simplement à quel moment celles qui sont dues doivent être payées. Si le salarié était tenu de payer des cotisations au moment où il exerçait une activité lucrative, les cotisations sont dues sur le salaire touché même s’il n’est plus soumis à cotisations au moment où le salaire lui a été versé (MICHEL VALTERIO, droit de l’assurance-vieillesse et survivants [AVS] et de l’assurance-invalidité [AI], 2011, n° 594 s. p. 182).

Quant à la question de savoir si des cotisations sont dues, elle est antérieure à celle de savoir quand le revenu a été versé. Il n’existe dès lors pas de lien nécessaire entre le principe de réalisation et l’obligation de cotiser. L’obligation de cotiser se fonde directement sur la loi et existe dès que les conditions qui la fondent sont réunies (qualité d’assuré, existence d’une activité lucrative; ATF 139 V 12 consid. 5.3 p. 16 s.; 138 V 463 consid. 8.1.1. p. 472; 115 V 161 consid. 4b p. 164).

 

En l’occurrence, l’indemnité litigieuse correspond à une indemnité de cessation des rapports de service au sens de l’art. 7 let. q RAVS et constitue du salaire déterminant. Son versement, bien qu’effectué en janvier 2014, est économiquement lié aux rapports de travail de l’assurée avec son ancien employeur. En d’autres termes, il s’agit d’une rémunération versée après-coup pour une période d’activité pendant laquelle l’assurée était soumise à l’obligation de cotiser du fait de son affiliation volontaire à l’assurance-chômage. Par conséquent, l’indemnité de départ de 125’780 fr. 40 est soumise à cotisations de l’assurance-chômage.

Autre est en revanche la question de savoir quand ces cotisations devaient être perçues. Lorsque les rapports de travail ne subsistent plus durant l’année de réalisation du salaire ou que l’obligation d’assurance tombe, les cotisations sont prélevées selon le principe de réalisation. En conséquence, les cotisations d’assurance-chômage devaient être payées sur l’indemnité de départ au moment de son versement, soit en janvier 2014.

 

Le TF admet le recours de la caisse de compensation, annule le jugement cantonal et rétablit la décision de la CCGC.

 

 

Arrêt 8C_338/2017 consultable ici

 

 

8C_804/2017 (f) du 09.10.2018 – Demande de restitution en matière d’assurance-chômage – Remise de l’obligation de restituer – 25 LPGA / Compensation et minimum vital de l’assuré selon 93 LP

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_804/2017 (f) du 09.10.2018

 

Consultable ici

 

Demande de restitution en matière d’assurance-chômage / 25 LPGA

Remise de l’obligation de restituer

Compensation et minimum vital de l’assuré selon 93 LP

 

Assuré, né en 1973, s’est inscrit auprès de l’Office régional de placement de Lausanne (ORP) comme demandeur d’emploi le 21.12.2015. Un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert en sa faveur du 21.12.2015 au 20.12.2017.

Par décision du 07.02.2017, la caisse cantonale de chômage a suspendu son droit à l’indemnité pour une durée de 16 jours indemnisables dès le 22.07.2016. Il était reproché à l’assuré, qui avait fait contrôler son chômage durant le mois de juillet 2016, de n’avoir pas annoncé un gain intermédiaire qu’il avait obtenu en travaillant du 07.07.2016 au 21.07.2016. Par une autre décision, du 07.02.2017, la caisse lui a réclamé la restitution d’un montant de 5’172 fr. 80 qu’elle estimait avoir versé à tort en vertu de décomptes de prestations rectifiés.

Le 26.04.2017, la caisse a rendu une troisième décision, par laquelle elle annulait et remplaçait sa décision du 07.02.2017 relative à la restitution. Concernant le décompte de juillet 2016, l’assuré devait rembourser le montant de 2’958 fr. perçus à tort pour ce mois. En outre, 16 jours de suspension avaient été imputés sur le décompte du mois d’août 2016, de sorte que l’intéressé n’avait droit qu’à 1’065 fr. 40 sur le montant de 3’280 fr. 20 initialement versé. La différence, par 2’214 fr. 80, devait, également, être remboursée. Le montant sujet à restitution s’élevait donc à 5’172 fr. 80 (2’958 fr. + 2’214 fr. 80). La caisse a en outre opéré compensation avec des indemnités dues pour les mois de janvier, février et mars 2017 (respectivement 852 fr. 60, 2’856 fr. 80 et 1’463 fr. 40).

Représenté par son curateur, l’assuré a formé opposition à cette décision. Il contestait la compensation opérée par la caisse en faisant valoir qu’elle portait atteinte à son minimum vital. Il demandait la restitution des sommes prélevées à titre de compensation, afin de pouvoir payer ses loyers en souffrance. La caisse a rejeté l’opposition par décision du 22.05.2017.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 101/17 – 186/2017 – consultable ici)

Par arrêt du 16.10.2017, admission du recours par le tribunal cantonal et annulation de la décision en tant qu’elle portait sur la compensation du montant à restituer de 5’172 fr. 80 avec des indemnités de chômage dues à l’assuré pour les mois de janvier, février et mars 2017.

 

TF

Sous réserve des cas relevant de l’art. 55 LACI (indemnité en cas d’insolvabilité), la demande de restitution en matière d’assurance-chômage est régie par l’art. 25 LPGA. Selon l’art. 25 al. 1, première phrase, LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. L’assuré concerné peut demander la remise de l’obligation de restituer, lorsque la restitution des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, le mettrait dans une situation difficile (cf. art. 25 al. 1, deuxième phrase, LPGA). Le destinataire d’une décision de restitution qui entend la contester dispose en réalité de deux moyens qu’il convient de distinguer de façon claire: s’il prétend qu’il avait droit aux prestations en question, il doit s’opposer à la décision de restitution dans un délai de 30 jours; en revanche, s’il admet avoir perçu indûment des prestations, mais qu’il invoque sa bonne foi et des difficultés économiques qu’il rencontrerait en cas de remboursement, il doit présenter une demande de remise. Dans la mesure où la demande de remise ne peut être traitée sur le fond que si la décision de restitution est entrée en force, la remise et son étendue font l’objet d’une procédure distincte (cf. art. 4 al. 2 OPGA ; arrêt 8C_589/2016 du 26 avril 2017 consid. 3.1; 8C_130/2008 du 11 juillet 2008 consid. 2.2; 8C_602/2007 du 13 décembre 2007 consid. 3).

En dehors de l’art. 20 al. 2 LPGA sur l’interdiction de la compensation en cas de versement des prestations en mains de tiers (avec l’exception de l’art. 20 al. 2, deuxième phrase, LPGA), la LPGA ne contient pas de norme générale sur la compensation. Ce mode d’extinction des créances est donc régi par les dispositions des lois spéciales (ATF 138 V 402 consid. 4.2 p. 405), en l’occurrence par l’art. 94 al. 1 LACI. Selon cette disposition, les restitutions et les prestations dues en vertu de la présente loi peuvent être compensées les unes par les autres ainsi que par des restitutions et des rentes ou indemnités journalières dues au titre de l’AVS, de l’assurance-invalidité, de la prévoyance professionnelle, de la loi du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain, de l’assurance-militaire, de l’assurance-accidents obligatoire, de l’assurance-maladie, ainsi que des prestations complémentaires de l’AVS/AI et des allocations familiales légales. La compensation ne doit toutefois pas entamer le minimum vital de l’assuré, tel que fixé par l’art. 93 LP. Cette règle vaut pour toutes les institutions d’assurance sociale (voir par exemple ATF 138 V 402 précité; 138 V 235 consid. 7.2 p. 246; 136 V 286 consid. 6.1 p. 291; 131 V 249 consid. 1.2 p. 252; arrêt 8C_130/2008 précité consid. 2.3 [à propos de l’assurance-chômage]; BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 6 ad art. 94 LACI; MOOR/POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3e éd. 2011, p. 103 s., THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3e éd. 2016, p. 2292 n. 86). Cette exigence est à rapprocher de l’art. 125 ch. 2 CO, selon lequel ne peuvent être éteintes par compensation les créances dont la nature spéciale exige le paiement effectif entre les mains du créancier, tels que les aliments ou le salaire absolument nécessaires à l’entretien du créancier et de sa famille. En cas de versement rétroactif de prestations périodiques, la limite de compensation relative au minimum vital doit être examinée pour la même période, soit pour l’espace de temps dans lequel le versement rétroactif des prestations est destiné (ATF 138 V 402 déjà cité; arrêt 9C_1015/2010 du 12 avril 2011 consid. 3.3).

Sur le plan procédural, l’extinction de la créance en restitution par voie de compensation ne peut intervenir, aux conditions requises, qu’une fois qu’il a été statué définitivement sur la restitution et sur une éventuelle demande de remise de l’obligation de restituer. L’opposition et le recours formés contre une décision en matière de restitution ont un effet suspensif (DTA 1990 no 1 p. 13 consid 1; arrêt 8C_130/2008 précité consid. 3.2; RUBIN, op. cit., n° 7 ad art. 94 LACI). Une compensation immédiate ferait perdre à l’assuré la possibilité de contester la restitution et, le cas échéant, de demander une remise de l’obligation de restituer (DTA 1977 no 19 p. 90; RUBIN, op. cit., n° 7 ad art. 94 LACI).

Une remise de l’obligation de restituer n’entre toutefois pas en considération dans la mesure où cette obligation peut être éteinte par compensation avec des prestations d’autres assurances sociales, soit lorsque des prestations déjà versées sont remplacées par d’autres prestations, dues à un autre titre, et que la compensation intervient entre ces prestations conformément au principe de concordance temporelle. Dans cette éventualité, la fortune de l’intéressé astreint à l’obligation de restituer ne subit aucun changement qui le mettrait dans une situation difficile, de sorte que la question de la remise n’a pas à être examinée (ATF 127 V 484 consid. 2b p. 487; RUBIN, op. cit., n° 13 ad art. 94 LACI). On est toutefois en dehors de ce cas de figure en l’espèce.

Dans le cas d’espèce, il n’y a pas lieu de s’écarter des principes ci-dessus exposés, qui découlent de la LPGA, applicable à l’assurance-chômage, sauf exceptions non pertinentes en l’espèce (cf. art. 1er LACI), ainsi que de l’art. 94 LACI et de la jurisprudence en matière de compensation, laquelle a une portée générale dans l’assurance sociale. C’est en vain, en particulier, que le SECO, recourant, se prévaut du but qui serait propre aux indemnités de chômage et qui justifierait, à ses yeux, une compensation immédiate et sans condition avec des prestations en cours. Dans d’autres branches de l’assurance sociale également, les prestations ne visent pas la seule couverture des besoins absolument vitaux. C’est le cas, notamment, des indemnités journalières (voir par ex. les art 23 LAI et 17 LAA) qui sont accordées en remplacement d’un revenu, à l’instar des indemnités de chômage (art. 22 LACI). Quant au caractère temporaire des prestations, il n’est pas non plus spécifique aux indemnités de chômage (par exemple les indemnités journalières de l’assurance-accidents ou de l’assurance-maladie sont également des prestations à caractère temporaire). Les difficultés de recouvrement invoquées ne sont pas plus importantes pour les organes de l’assurance-chômage que pour les administrations chargées de l’application d’autres régimes d’assurance sociale. Elles ne sauraient donc justifier, en dérogation à une jurisprudence, une compensation immédiate de la créance de la caisse (sur ces divers points, voir l’arrêt (8C_130/2008 déjà cité consid. 3.3). Enfin la question de savoir si, sous certaines conditions (par exemple une attitude ouvertement dilatoire pouvant être constitutive d’un abus de droit), un retrait de l’effet suspensif par la caisse serait admissible n’a pas à être examinée ici. En effet, même en admettant que la caisse pût retirer l’effet suspensif au recours de l’assuré, elle devait, en toutes hypothèses, tenir compte du minimum vital.

Pour autant, le jugement attaqué ne saurait sans plus être confirmé.

L’assuré n’a pas contesté la décision de restitution. Il a au contraire admis explicitement le bien-fondé de la créance en remboursement de la caisse dans son opposition à la décision du 26.04.2017, ainsi que dans son recours à l’autorité cantonale. Il n’a pas non plus demandé une remise de l’obligation de restituer, bien que son attention fût attirée sur cette possibilité (voir ch. 7 de la décision sur opposition). Ses griefs portaient uniquement sur la compensation opérée par la caisse. Dans ces conditions, c’est à tort que la juridiction cantonale a annulé purement et simplement la décision sur opposition du 22.05.2017 en tant qu’elle portait sur la compensation du montant à restituer de 5’172 fr. 80 avec des indemnités de chômage pour les mois de janvier, février et mars 2017. L’objet du litige portait, précisément et uniquement, sur la question de la compensation. A ce stade de la procédure, une compensation était en principe possible, pour autant qu’elle ne portât pas atteinte au minimum vital de l’intéressé.

Ni la caisse de chômage ni le premier juge ne se sont prononcés sur cette question. Il convient, dès lors, d’annuler le jugement attaqué, ainsi que la décision sur opposition, et de renvoyer la cause à la caisse pour qu’elle détermine si une compensation est possible au regard des restrictions découlant du minimum vital fixé par l’art. 93 LP.

 

Le TF admet partiellement le recours du SECO, annule le jugement et la décision, renvoie la cause à la caisse de chômage pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

 

 

Arrêt 8C_804/2017 consultable ici

 

 

8C_238/2018 (f) du 22.10.2018 – Participation à une rixe – Réduction des prestations en espèces – 39 LAA – 49 OLAA / Provocations verbales précédant la bagarre

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_238/2018 (f) du 22.10.2018

 

Consultable ici

 

Participation à une rixe – Réduction des prestations en espèces / 39 LAA – 49 OLAA

Provocations verbales précédant la bagarre

 

Assuré, né en 1978, aide menuisier, a fait annoncer par son employeur l’événement suivant : 03.09.2016, vers 23h50, à la sortie d’un bar, un individu impliqué dans une bagarre avait poussé l’assuré, de sorte que celui-ci était tombé et s’était fracturé la cheville droite.

Dans un formulaire rempli le 30.09.2016, l’assuré a expliqué qu’une bagarre avait éclaté alors qu’il était en train de rentrer chez lui; il avait tenté de séparer les protagonistes qui l’ont poussé, ce qui l’a fait tomber.

Le 16.11.2016, l’assuré a déposé une plainte pénale contre C.__ et D.__, lesquels avaient été interpellés par la police la nuit de l’altercation. Ces deux individus ont été condamnés pour rixe, par ordonnances pénales du 17.03.2017, sur la base de l’état de fait suivant: Le 03.09.2016, entre 2h00 et 2h30, à la suite de provocations verbales, une bagarre a débuté en face d’un établissement entre C.__, D.__, l’assuré et F.__. Des coups se sont échangés de part et d’autre. Alors que l’assuré tentait de venir en aide à son ami F.__, C.__ et D.__ leur ont asséné des coups de poing et des coups de pied.

Entendu à son domicile par un inspecteur de l’assurance-accidents le 14.02.2017, l’assuré a expliqué que dans la nuit du 03.09.2016, il se trouvait dans un bar avec son ami F.__. A un moment donné, les deux hommes sont sortis de l’établissement dans l’intention de rentrer chez eux. F.__ a commencé à se battre avec des personnes sans que l’assuré en connaisse la raison. Celui-ci est alors intervenu pour séparer les protagonistes. Ce faisant, il a été violemment poussé à terre, a perdu l’équilibre et s’est retrouvé au sol sur le dos. Un des protagonistes lui a donné un violent coup de pied sur la cheville, lui écrasant cette dernière. A l’issue de l’entretien, après avoir été informé que le fait d’intervenir dans une bagarre représentait une entreprise téméraire entraînant une réduction des indemnités journalières, l’assuré a déclaré qu’il n’était pas intervenu dans la bagarre mais que c’est l’individu en question qui était venu vers lui l’agresser. Cela étant, il a refusé de signer le procès-verbal d’entretien.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a réduit de 50% les prestations en espèces dues à l’assuré.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 22.02.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’art. 49 al. 2 OLAA dispose que les prestations en espèces sont réduites au moins de moitié en cas d’accident non professionnel survenu notamment en cas de participation à une rixe ou à une bagarre, à moins que l’assuré ait été blessé par les protagonistes alors qu’il ne prenait aucune part à la rixe ou à la bagarre ou qu’il venait en aide à une personne sans défense (let. a). La notion de participation à une rixe ou à une bagarre est plus large que celle de l’art. 133 CP. Pour admettre l’existence d’une telle participation, il suffit que l’assuré entre dans la zone de danger, notamment en participant à une dispute. Peu importe qu’il ait effectivement pris part activement aux faits ou qu’il ait ou non commis une faute: il faut au moins qu’il se soit rendu compte ou ait pu se rendre compte du danger. En revanche, il n’y a pas matière à réduction en cas de légitime défense ou plus généralement lorsque l’assuré se fait agresser physiquement, sans qu’il y ait eu au préalable une dispute, et qu’il frappe à son tour l’agresseur dans un mouvement réflexe de défense (arrêt 8C_702/2017 du 17 septembre 2018 consid. 3.1 et les arrêts cités).

L’assuré fait valoir que, sur le plan pénal, lui et son ami F.__ n’ont pas été considérés comme des participants à la rixe, vu que seules deux ordonnances pénales ont été prononcées à l’encontre de D.__ et C.__. Aussi, le ministère public aurait admis que lui et son ami s’étaient limités à sa défendre. Plus précisément, l’assuré serait intervenu seulement dans un second temps pour séparer les protagonistes, afin de venir en aide à F.__ qui se trouvait sans défense sous les coups de deux agresseurs.

 

L’absence de condamnation pénale n’est pas décisive. En outre, on ne saurait retenir que l’assuré s’est limité à se défendre dans la mesure où il a lui-même admis être intervenu dans la bagarre. On rappellera à cet égard que, selon la jurisprudence, il faut accorder la préférence aux premières déclarations de l’assuré, données alors qu’il en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le fruit de réflexions ultérieures (voir ATF 142 V 590 consid. 5.2 p. 594 s.; 121 V 45 consid. 2a p. 47).

En outre, si l’assuré et F.__ n’ont pas été en mesure d’expliquer de manière précise et/ou convaincante ce qui a causé l’altercation, il ressort des versions concordantes de C.__, D.__ et des deux témoins, que des provocations verbales ont précédé la bagarre, en particulier, que l’ami F.__ a crié « fuck Albanie » et « fuck Portugal », en référence aux pays d’origine de C.__ et D.__. Dans ces conditions, on ne saurait retenir que l’assuré n’a pas pu se rendre compte du danger et qu’il s’est contenté de venir en aide à une personne sans défense. On est fondé à considérer qu’il a plutôt voulu prêter main-forte à son ami. La cour cantonale n’a donc pas violé le droit fédéral en confirmant la réduction opérée par la CNA.

 

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_238/2018 consultable ici

 

 

9C_427/2018 (f) du 20.09.2018 – Revenu d’invalide après formation professionnelle initiale – 16 LPGA – 16 LAI / Estimation du rendement – Médico-théorique vs réalité du terrain (pratique)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_427/2018 (f) du 20.09.2018

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide après formation professionnelle initiale / 16 LPGA – 16 LAI

Estimation du rendement – Médico-théorique vs réalité du terrain (pratique)

 

Assuré, née en 1993, souffre depuis sa naissance d’une galactosémie ayant entraîné des difficultés neuropsychologiques. Elle a entrepris une formation d’assistante socio-éducative puis un apprentissage d’assistante en pharmacie, qu’elle n’a pas pu mener à chef.

Dans les suites du dépôt d’une demande AI le 04.09.2013, le Service médical régional (SMR) a ordonné un bilan neuropsychologique complet destiné à préciser l’exigibilité médico-théorique. A la lumière du rapport de la psychologue, le SMR a fixé le rendement à 50% pour un horaire de travail de 80% à 100% dans des activités sans travaux lourds, responsabilité ou stress, et privilégiant les tâches simples pour l’autonomie.

L’assurée a débuté un stage le 01.04.2014 auprès d’un magasin en vue d’y entreprendre un apprentissage de gestionnaire de commerce de détail durant l’été 2014. L’office AI a accepté de prendre à sa charge les frais supplémentaires de formation professionnelle initiale du 01.07.2014 au 30.06.2016, date à laquelle l’assurée a obtenu son CFC. La responsable de l’apprentissage a indiqué, notamment, que l’assurée avait un rendement diminué de 20 à 30%.

Du 19.09.2016 au 19.12.2016, l’assurée a suivi un programme d’évaluation temporaire de l’assurance-chômage. Selon leur rapport, elle n’est pas autonome dans la plupart des tâches en lien avec la tenue d’une boutique et a besoin de la présence d’une personne de référence, bien qu’elle possède les compétences de base pour travailler dans ce domaine.

Afin d’évaluer le rendement de l’assurée sur le premier marché du travail, l’office AI a mis en œuvre un stage auprès d’un magasin, que l’assurée a suivi du 01.03.2017 au 31.05.2017. La gérante a fait état de difficultés lorsque l’assurée est appelée à effectuer plusieurs tâches en même temps dans le magasin, ce qui justifierait un salaire réduit de 20% dans le cas d’un engagement. Le tableau d’évaluation a mis en évidence une baisse de rendement de 19% en moyenne pour une activité dans un magasin de village avec du personnel réduit.

L’office AI a refusé à l’assurée tout droit à d’autres mesures de formation professionnelle initiale et a nié le droit de l’assurée à une rente d’invalidité (taux d’invalidité de 19%).

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a constaté que l’assurée avait obtenu un CFC de gestionnaire du commerce de détail par la voie standard, dans les délais normaux et sans avoir eu besoin d’un quelconque soutien extérieur. Elle a considéré que la baisse de rendement de l’ordre de 19% à 30%, observée par le maître d’apprentissage, puis par la gérante du magasin du stage réalisé en 2017, s’expliquait entièrement par la dimension réduite des enseignes, laquelle exigeait une polyvalence que l’assurée n’était pas en mesure de gérer. Tous les intervenants avaient en revanche reconnu les compétences professionnelles de base de gestionnaire de l’assurée et admis que son rendement serait meilleur dans un cadre plus structuré où les tâches sont réparties entre les employés, comme c’est le cas dans les grandes surfaces.

Sur le plan médico-théorique, les juges cantonaux ont retenu que le stage d’observation professionnelle n’avait apporté aucun élément concret supplémentaire à ceux déjà mis en évidence par les médecins traitants et le SMR, c’est-à-dire que l’assurée ne pouvait pas effectuer de travaux lourds, qu’elle devait privilégier les tâches simples et éviter les travaux avec responsabilité. La mesure avait permis de déterminer que le rendement de l’assurée atteignait 70% à 80%, voire 81% dans le métier appris, ce taux ayant été fixé au terme du stage sur la base des éléments rapportés par le maître d’apprentissage puis par la gérante du magasin et l’assurée elle-même. Comme le taux de 19% établi à l’issue du stage, respectivement le taux maximal de 30% estimé par le maître d’apprentissage étaient inférieurs au taux minimal de 40% ouvrant droit à la rente, cette prestation n’était pas due.

Par jugement du 07.05.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Confirmant les considérations des juges cantonaux, le Tribunal fédéral a rappelé que les organes d’observation professionnelle ont pour fonction de compléter les données médicales en examinant concrètement dans quelle mesure l’assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Dans les cas où ces appréciations (d’observation professionnelle et médicale) divergent sensiblement, il incombe à l’administration, respectivement au juge – conformément au principe de la libre appréciation des preuves – de confronter les deux évaluations et, au besoin de requérir un complément d’instruction (cf. arrêt 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1 et les références, in SVR 2011 IV n° 6 p. 17).

En l’occurrence, l’évaluation médico-théorique du rendement de l’assurée établie par le SMR diverge sensiblement du rendement effectif qui a été constaté ultérieurement aussi bien au terme de l’apprentissage de deux ans qu’à la fin du stage de trois mois. Le Tribunal cantonal a dès lors confronté ces évaluations puis exposé les motifs qui l’ont conduit à s’en tenir aux observations effectuées lors de situations concrètes auprès de ces deux entreprises du commerce de détail.

L’assurée a achevé avec succès sa formation initiale (cf. art. 16 LAI) et rien ne l’empêche de mettre son CFC et sa capacité de gain à profit en subissant au plus une perte de gain de 30%. Elle ne soutient pas qu’elle ne pourrait pas être placée en raison de son état de santé et n’invoque aucun avis médical actuel permettant de remettre cette appréciation professionnelle en cause. De plus, elle ne demande pas non plus à pouvoir bénéficier d’une nouvelle formation professionnelle et n’indique pas en quoi le nouveau stage qu’elle souhaite effectuer dans un grand magasin, en partie à charge de l’AI, lui permettrait de se perfectionner et d’améliorer sa capacité de gain. Il est donc superflu d’ordonner un nouveau stage en milieu professionnel. Le droit à une aide au placement est réservé.

Vu ce qui précède, le taux d’invalidité ne peut être fixé sur la seule base du rapport du SMR qui retenait un rendement de 50% pour un horaire de travail de 80% à 100%. En effet, cette appréciation, elle-même fondée uniquement sur l’avis d’une psychologue qui s’était exprimée avant le début de l’apprentissage, ne correspondait manifestement pas au rendement bien supérieur qui a été observé par la suite dans la pratique. Compte tenu d’une perte de gain maximale de 30%, le seuil ouvrant droit la rente d’invalidité n’est pas atteint.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_427/2018 consultable ici

 

 

8C_340/2017+8C_341/2017 (f) du 01.02.2018 – Révision – 17 LPGA / Expertise médicale – Autolimitation et incohérences manifestes entre les plaintes et les constatations objectives / Preuve de la modification notable de la situation médicale

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_340/2017+8C_341/2017 (f) du 01.02.2018

 

Consultable ici

 

Révision / 17 LPGA

Expertise médicale – Autolimitation et incohérences manifestes entre les plaintes et les constatations objectives

Preuve de la modification notable de la situation médicale

 

Assuré, aide de maison au service des nettoyages, a été victime d’un accident de la circulation le 13.06.1996, à la suite duquel elle a souffert de troubles au niveau de l’épaule droite. Elle a perçu des prestations de son assureur-accidents en raison de cet événement.

Demande AI déposée le 03.11.1997. Après instruction usuelle, l’office AI est parvenu à la conclusion que l’assurée n’était plus en mesure d’exercer son activité habituelle et que seule une activité en milieu protégé était envisageable. Une rente entière d’invalidité fondée sur un taux d’incapacité de gain de 83% à compter du 01.11.1997 a été octroyée. De son côté, l’assurance-accidents a alloué à l’assurée une rente complémentaire LAA, fondée sur le même taux d’invalidité de 83%, à compter du 01.01.2001.

Le droit à une rente entière de l’assurance-invalidité a été maintenu à l’issue de plusieurs procédures de révision.

L’office AI a suspendu le versement de la rente d’invalidité avec effet au 30.06.2015, en raison du résultat d’expertises orthopédique et psychiatrique mises en œuvre par l’assureur-accidents dans le contexte d’une procédure de révision. Par la suite, le droit à la rente entière d’invalidité a été supprimé avec effet au 01.10.2013.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 273/15 – 90/2017 – consultable ici)

La cour cantonale a considéré que l’état de santé de l’assurée s’était amélioré depuis l’attribution de la rente et que les conditions d’une révision au sens de l’art. 17 LPGA étaient réunies. En effet, initialement, la rente entière d’invalidité était justifiée par l’impotence fonctionnelle qui frappait le membre supérieur droit et empêchait toute activité impliquant l’usage de celui-ci. Désormais, il ressortait des conclusions des médecins-experts mandatés par l’assurance-accidents que l’assurée ne présentait plus de trouble incapacitant au niveau de ce membre.

Par jugement du 27 27.03.2017, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, le droit à la rente d’invalidité étant supprimé avec effet au 01.11.2015.

 

TF

La violation du droit d’être entendu dans le sens invoqué par l’assurée est une question qui n’a pas de portée propre par rapport au grief tiré d’une mauvaise appréciation des preuves (voir arrêt 8C_15/2009 du 11 janvier 2010 consid. 3.2, in SVR 2010 IV n° 42 p. 132, et les arrêts cités). Le juge peut en effet renoncer à accomplir certains actes d’instruction, sans que cela n’entraîne une violation du droit d’être entendu, s’il est convaincu, en se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352), que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 299; 130 II 425 consid. 2.1 p. 429). Il s’agit par conséquent d’un grief qu’il convient d’examiner avec le fond du litige.

 

Dans son rapport d’expertise, le docteur C.__ retient une autolimitation et des incohérences manifestes et massives entre les plaintes de l’assurée, d’une part, et une certaine réalité fonctionnelle d’utilisation de son membre supérieur droit, d’autre part. A cet égard, il se dit « frappé par un status dans les limites de la norme à part une restriction de la mobilité active et passive, largement en-dessous de l’horizontale, alors que les amplitudes articulaires décrites par le médecin traitant en octobre 2012 montrent des valeurs d’adduction à 110° (60° à ma consultation), une antépulsion à 100° (70° à ma consultation) « . Compte tenu de la péjoration des valeurs de mobilité active et passive, il s’étonne de la conservation d’une excellente musculature brachiale et antébrachiale, de même que thénarienne et hypothénarienne « contrastant totalement avec la quasi impossibilité d’utiliser le bras droit et la main droite en raison des douleurs ». Il oppose en outre les valeurs mesurées (au Jamar et au Pinch), proches de celles d’une main paralytique, à la poignée de main de l’assurée, au fait qu’elle porte son sac pour le passer de la main droite à la main gauche et à la présence de callosités à l’intérieur de la main droite témoignant d’une bonne utilisation de celle-ci. Cela étant, il préconise de mesurer la mobilité passive de l’épaule droite sous narcose et conclut qu’il existe une ankylose séquellaire certaine de l’épaule droite mais dont il peine à expliquer l’importance. Enfin, aux questions de l’assurance-accidents, il répond qu’il lui est impossible de déterminer clairement les limitations fonctionnelles actuelles de l’intéressée, compte tenu des incohérences et de l’autolimitation constatée, et qu’il ne peut, pour les mêmes raisons, attester que l’état de santé de cette dernière s’est amélioré.

Contrairement à ce qu’on retenu les premiers juges, on ne peut pas déduire de ce rapport d’expertise, singulièrement du reproche d’autolimitation, l’absence de tout trouble incapacitant et le recouvrement par l’assurée d’une pleine capacité de travail dans son activité habituelle. En effet, le rapport ne permet pas de statuer en connaissance de cause sur les limitations fonctionnelles de l’intéressée. On ignore également si les diagnostics posés par le docteur C.__ se rapportent à la situation médicale antérieure ou actuelle. La cour cantonale a fait preuve d’arbitraire en refusant, par une appréciation anticipée des preuves, de compléter l’instruction, cela d’autant moins que l’office AI n’avait lui-même entrepris aucune mesure médicale lors de la procédure de révision.

A l’inverse, il n’est pas possible d’exclure une modification notable de la situation médicale. En effet, le rapport d’expertise orthopédique fait état de signes patents d’utilisation du membre supérieur droit.

 

Le TF admet le recours de l’assurée, annulant le jugement cantonal et renvoyant la cause à la cour cantonale pour qu’elle ordonne la mise en œuvre d’une expertise judiciaire. Le TF ajoute qu’il lui est loisible de coordonner ou non le complément d’instruction médical avec l’assureur-accidents (voir arrêt du Tribunal fédéral du 01.02.2018 dans la cause 8C_339/2017 qui oppose l’assurée à l’assureur-accidents).

 

 

Arrêt 8C_340/2017+8C_341/2017 consultable ici

 

 

9C_453/2017+9C_454/2017 (f) du 06.03.2018 – Valeur probante d’un rapport médical / Divergences (notables) dans les conclusions de deux médecins-experts

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_453/2017+9C_454/2017 (f) du 06.03.2018

 

Consultable ici

 

Valeur probante d’un rapport médical

Divergences (notables) dans les conclusions de deux médecins-experts

 

Assurée, aide-soignante, a chuté et heurté un banc avec son épaule et son bras gauche le 17.07.2013, accident pris en charge par son assureur LAA. Demande AI déposée le 07.08.2013.

L’office AI a recueilli l’avis des médecins traitants, puis fait verser au dossier celui de l’assurance-accidents qui contenait notamment une expertise orthopédique. Il a ensuite soumis l’intéressée à une expertise psychiatrique. Par décision, l’office AI a nié le droit de l’assurée à des prestations de l’assurance-invalidité, au motif que son activité habituelle d’aide-soignante demeurait exigible, sans baisse de rendement.

Parallèlement, l’assurance-accidents a mis un terme au versement des indemnités journalières de l’assurance-accidents avec effet au 30.09.2013, ce que l’intéressée a contesté.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/378/2017 – consultable ici)

L’assurée a fait verser à la procédure l’expertise judiciaire bidisciplinaire (rhumatologique et orthopédique) ordonnée dans le cadre de la procédure de recours ouverte contre la décision de l’assurance-accidents. Il existait une divergence entre les conclusions du spécialiste en médecine interne générale et en rhumatologie et celle du spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur. En dépit d’une demande répétée de la cour, les médecins ne s’étaient par ailleurs pas mis d’accord sur ce point. Dans la mesure où le docteur le chirurgien orthopédique s’était cependant rallié aux conclusions de son confrère s’agissant de la date du statu quo ante, il en résultait juges une force probante accrue de l’expertise du rhumatologue, ce d’autant plus qu’elle était plus détaillée. La juridiction cantonale a considéré que l’assurée ne pouvait plus exercer son activité habituelle d’aide-soignante, mais qu’elle disposait d’une capacité de travail entière dans une activité strictement adaptée à ses limitations fonctionnelles.

Par jugement du 15.05.2017, admission partielle du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon le principe de la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA), le tribunal apprécie librement les preuves médicales qu’il a recueillies, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Le tribunal doit examiner objectivement tous les documents à disposition, quelle que soit la provenance, puis décider s’ils permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. S’il existe des avis contradictoires, il ne peut trancher l’affaire sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion plutôt qu’une autre. En ce qui concerne la valeur probante d’un rapport médical, ce qui est déterminant c’est que les points litigieux aient fait l’objet d’une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu’il ait été établi en pleine connaissance de l’anamnèse, que la description du contexte médical et l’appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l’expert soient dûment motivées. Au demeurant, l’élément déterminant pour la valeur probante n’est ni l’origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2 p. 126; 125 V 351 consid. 3a p. 352 et les références).

En l’espèce, confrontée à une divergence d’opinion, l’autorité cantonale ne pouvait faire l’économie d’une mesure d’instruction complémentaire avant de statuer, en invitant par exemple derechef oralement ou par écrit les deux médecins à s’exprimer conjointement sur les effets de l’atteinte à la santé de l’assurée sur sa capacité de travail dans son activité habituelle d’aide-soignante. Compte tenu des spécialités en présence, une réponse claire et cohérente des experts aux questions posées par la juridiction cantonale était en effet nécessaire (à ce sujet, cf. ATF 143 V 124 consid. 2.2.4 p. 128; 137 V 210 consid. 1.2.4 p. 224 et les références), laquelle fait défaut en l’espèce.

On ne saurait par ailleurs suivre la juridiction cantonale lorsqu’elle retient, implicitement, qu’on pouvait se passer d’une telle mesure d’instruction en raison de la « force probante accrue » des conclusions du rhumatologue. Les premiers juges n’établissent en effet nullement cet élément, la valeur probante d’un rapport médical ne résultant en particulier pas de sa longueur. Ils ne pouvaient par ailleurs se contenter d’écarter le point de vue défendu par le chirurgien orthopédique pour le seul motif que le médecin s’était rallié, sur un point non essentiel de l’expertise (les effets d’une contusion sur la capacité de travail de l’assurée), à l’appréciation de son confrère, alors que la question déterminante – au regard de l’art. 16 LPGA – de la capacité de travail de l’assurée dans son activité habituelle d’aide-soignante restait sans réponse.

 

Le TF admet partiellement les recours de l’assurée et de l’office AI, annulant le jugement cantonal et renvoyant la cause au tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

 

 

Arrêt 9C_453/2017+9C_454/2017 consultable ici