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8C_631/2019 (d) du 18.12.2019 – Revenu d’invalide effectivement réalisé après mesures AI très inférieur au revenu d’invalide selon l’ESS (valeur centrale ; toute branche confondue) – 16 LPGA / Marché équilibré du travail – Obligation de réduire le dommage

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_631/2019 (d) du 18.12.2019

 

NB : Traduction personnelle ; seul le texte de l’arrêt fait foi.

Consultable ici

 

Revenu d’invalide effectivement réalisé après mesures AI très inférieur au revenu d’invalide selon l’ESS (valeur centrale ; toute branche confondue) / 16 LPGA

Marché équilibré du travail – Obligation de réduire le dommage

 

Assuré, né en 1980, employé comme couvreur depuis le 02.04.2013, est victime d’un accident le 18.04.2013 : alors qu’il skiait, il a subi une fracture multi-fragmentaire et une fracture-compression dans le pied gauche. Il a été opéré le 01.05.2013 (ostéosynthèse).

Du 11.04.2016 au 10.10.2016, l’assuré a bénéficié de mesures AI sous la forme d’un stage chez D.__ AG. Dès le 11.10.2016, il travaille dans cette entreprise à 100% au bureau et à l’atelier (imprimeur publicitaire) pour un revenu annuel de CHF 54’600 (CHF 4’200 par mois).

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a octroyé une IPAI de 15% et refusé le droit à une rente d’invalidité, le taux d’invalidité n’étant que de 5.87%. L’assurance-accidents a retenu un revenu d’invalide de CHF 64’429 sur la base de l’ESS (niveau de compétences 2, toutes branches confondues, abattement de 10%).

 

Procédure cantonale

Selon le tribunal cantonal, les rapports de travail chez D.__ AG sont stables, que cette activité met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible l’assuré. La capacité de travail à plein temps dans les activités de bureau et d’atelier (imprimeurs de publicité) avait été créée à la suite de la mesure professionnelle de l’AI. Un retour dans l’ancien activité n’était pas possible et la réadaptation en tant que moniteur de conduite n’avait pas eu lieu. La cour cantonale a estimé que l’activité d’imprimeur publicitaire réalisée à plein temps correspondait de manière optimale au profil d’emploi raisonnable, ce qui lui a permis d’utiliser pleinement sa capacité de travail restante. Cela était d’autant plus vrai que l’assuré n’avait pas réussi l’examen de technico-commercial malgré un soutien scolaire financé par l’AI. En outre, il n’y avait pas de salaire social, puisque le revenu annuel de CHF 54’600 correspondait à sa capacité de travail. Il était donc erroné d’utiliser de prendre le salaire ESS, plus élevé, comme revenu d’invalide. La comparaison entre le revenu d’invalide concret de CHF 54’600 et le revenu sans invalidité de CHF 68’375 (non contesté) donne un taux d’invalidité de 20%.

Par jugement du 20.08.2019, acceptation du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision et renvoyant la cause à l’assurance-accidents pour le calcul de la rente sur la base d’un degré d’invalidité de 20%.

 

TF

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. La prise en compte du revenu effectivement réalisé est toutefois subordonnée à certaines conditions cumulatives, à savoir : des rapports de travail particulièrement stables, une activité mettant pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et le gain obtenu correspondant au travail effectivement fourni et ne contenant pas d’éléments de salaire social. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible –, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 p. 296).

Pour déterminer le revenu d’invalide, le revenu réel sert de base si, entre autres, l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que l’assuré utilise pleinement sa capacité de travail restante. Ce n’est pas le cas si, sur le marché équilibré du travail, il pourrait gagner un salaire plus élevé que celui qu’il reçoit réellement. Sur ce marché du travail hypothétique, un changement d’emploi est également exigible s’il est très difficile, voire impossible, pour l’assuré de trouver un emploi correspondant, en raison des conditions économiques du marché du travail réel. La prise en compte de ce revenu hypothétique plus élevé se fonde moins sur l’obligation de réduire le dommage que sur le fait que l’assurance-accidents ne doit compenser que la perte de salaire causée par l’atteinte à la santé en lien avec l’accident (SVR 2017 UV n° 45 p. 155, 8C_13/2017 consid. 3.3). Lors de l’évaluation de l’invalidité, l’assuré doit tenir compte, comme revenu d’invalide, le salaire qu’il pourrait gagner sur le marché général du travail dans un poste exigible ; même s’il s’abstient de changer de profession ou d’emploi en raison de perspectives favorables au poste qu’il a eu jusqu’à présent, il ne peut pas s’attendre à ce que l’assurance-accidents indemnise la perte de salaire en raison de la renonciation à un revenu raisonnablement exigible (arrêt 8C_109/2018 du 8 novembre 2018 consid. 4.2 et la référence).

Il existe donc une différence importante d’environ CHF 10’000 entre le revenu de CHF 64’429 (selon ESS) et le salaire réel de CHF 54’600. Le Tribunal fédéral conclut que l’assuré ne met pas pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle exigible (voir également l’arrêt 9C_479/2018 du 22 février 2019 consid. 4.2 e contrario, 8C_475/2017 du 5 décembre 2017 consid. 6.3). Lors d’un entretien du 15.03.2017 avec l’office AI, l’assuré a également déclaré que le faible salaire lui causait des problèmes ; on lui avait promis CHF 5’000. Le calcul du revenu d’invalide ne peut donc pas se basé sur les revenus de D.__ AG.

Le Tribunal fédéral ne suit pas le recourant lorsqu’il se réfère à la pratique selon laquelle le revenu d’invalide d’un assuré qui, après des mesures de réadaptation professionnelle réussie dans une nouvelle profession, n’a pas entièrement mis en valeur la capacité de travail résiduelle exigible doit être déterminé sur la base des revenus réels (« projetés à la hausse » [« hochgerechneten »]) et non sur la base des salaires statistiques (arrêt 8C_579/2009 du 6 janvier 2010 consid. 2.3.2). Le Tribunal fédéral rappelle que l’assuré épuise sa capacité de travail en œuvrant à 100% pour D.__ AG, mais reçoit un salaire nettement inférieur à celui qu’on peut obtenir sur le marché du travail équilibré. Par conséquent, le salaire dans cette entreprise ne peut être pris en compte. Cela est d’autant moins vrai que l’assuré ne possède pas de certificat de capacité dans la profession de technicien en publicité, mais qu’il n’a effectué qu’un stage d’une durée de 6 mois.

Par ailleurs, l’office AI a calculé le revenu d’invalide comme l’assurance-accidents.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_631/2019 consultable ici

 

 

8C_109/2018 (d) du 08.11.2018 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Obligation de réduire le dommage – Exigibilité / Revenu d’invalide effectif vs Revenu d’invalide selon ESS

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_109/2018 (d) du 08.11.2018

 

NB : Traduction personnelle ; seul le texte de l’arrêt fait foi.

Consultable ici

 

Revenu d’invalide / 16 LPGA

Obligation de réduire le dommage – Exigibilité

Revenu d’invalide effectif vs Revenu d’invalide selon ESS

 

Assuré, né en 1951, travaillant comme chef de cuisine depuis le 01.07.1997 au restaurant B.__, est tombé en travaillant le 28.06.2011. Il a notamment souffert d’une rupture de la coiffe des rotateurs droite. Par décision du 16.02.2016, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis fin aux indemnités journalières et aux frais médicaux avec effet rétroactif au 01.03.2012, octroyé une IPAI de 20% et refusé le droit à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale

Sur la d’une expertise réalisée par un spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, bien que la capacité exigible de travail dans l’activité habituelle de cuisinier soit de 50%, une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée à l’état de santé de l’assuré est exigible. L’assuré peut travailler dans une activité physiquement légère à moyennement lourde, effectuée en position assise ou debout, permettant le port de charges jusqu’à 10 kg avec un bras et avec des activités occasionnelles au-dessus de la tête.

Étant donné que l’assuré a été de nouveau employé par son ancien employeur, le restaurant B.__ de la mi-janvier 2012 à la fin mars 2012, puis par une boulangerie en tant que vendeur de mai 2012 à février 2013 et derechef employé par le restaurant B.__ dès décembre 2013 – en fait, seulement 50 % de sa charge de travail tout au long de la période –, il n’a pas pleinement mis à profit sa capacité de travail restante. L’assurance-accidents était ainsi autorisé à déterminer le revenu d’invalide sur la base des ESS, les conditions pour la prise en compte des revenus effectifs n’étant pas remplies.

Par jugement du 24.11.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. La prise en compte du revenu effectivement réalisé est toutefois subordonnée à certaines conditions cumulatives, à savoir : des rapports de travail particulièrement stables, une activité mettant pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et le gain obtenu correspondant au travail effectivement fourni et ne contenant pas d’éléments de salaire social. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible –, le revenu d’invalide peut être évalué soit sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’ESS, soit sur la base des DPT (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301 ; arrêt 8C_749/2013 du 6 mars 2014 consid. 4.1).

Pour déterminer le revenu d’invalide, le revenu réel sert de base si, entre autres, l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que l’assuré utilise pleinement sa capacité de travail restante. Ce n’est pas le cas si, sur le marché équilibré du travail, il pourrait gagner un salaire plus élevé que celui qu’il reçoit réellement. Sur ce marché du travail hypothétique, un changement d’emploi est également exigible s’il est très difficile, voire impossible, pour l’assuré de trouver un emploi correspondant, en raison des conditions économiques du marché du travail réel. La prise en compte de ce revenu hypothétique plus élevé se fonde moins sur l’obligation de réduire le dommage que sur le fait que l’assurance-accidents ne doit compenser que la perte de salaire causée par l’atteinte à la santé en lien avec l’accident (SVR 2017 UV n° 45 p. 155, 8C_13/2017 consid. 3.3). Lors de l’évaluation de l’invalidité, l’assuré doit tenir compte, comme revenu d’invalide, le salaire qu’il pourrait gagner sur le marché général du travail dans un poste exigible ; même s’il s’abstient de changer de profession ou d’emploi en raison de perspectives favorables au poste qu’il a eu jusqu’à présent, il ne peut pas s’attendre à ce que l’assurance-accidents indemnise la perte de salaire en raison de la renonciation à un revenu raisonnablement exigible (arrêt 8C_475/2017 du 5 décembre 2017 consid. 6.1).

Selon le Tribunal fédéral, il ne peut être donner suite aux griefs de l’assuré. Dans la mesure où il souhaite baser le calcul du taux d’invalidité sur les revenus actuels de son emploi de cuisinier (sous-chef) à 50%, il néglige le fait qu’il n’épuise pas sa capacité de travail restante. En effet, dans un emploi adapté à son état de santé, il pourrait travailler à 100% et obtenir des revenus qui ne lui donneraient pas droit à une rente. Aucune réadaptation n’étant nécessaire à cette fin, l’assurance-accidents a déterminé le revenu d’invalide sur la base du tableau TA1 de l’ESS 2012 (Total, hommes, niveau de compétence 1). Les activités selon le niveau de compétences 1 ne requièrent ni formation, ni expérience professionnelle spécifique. Ainsi, lors de la détermination du revenu d’invalide, ce revenu hypothétiquement plus élevé doit être pris en compte, ce d’autant plus qu’on pouvait raisonnablement attendre de l’assuré à ce qu’il change d’emploi. En ce qui concerne l’exigibilité définie par le médecin, il est également clair qu’un large éventail de possibilités d’emploi est encore ouvert à l’assuré sur le marché du travail équilibré.

Par ailleurs, l’assuré ne peut pas tirer profit du fait qu’il perçoit une rente de l’AI (et de la LPP) sur la base d’un taux d’invalidité de 50%. Comme l’a rappelé la juridiction cantonale, l’évaluation de l’invalidité par les organes de l’assurance-invalidité n’a pas de force contraignante pour l’assureur-accidents (ATF 131 V 362 consid. 2.2 p. 366 s). En revanche, les offices AI et les assureurs-accidents doivent évaluer l’invalidité de manière indépendante dans chaque cas individuel (ATF 133 V 549 consid. 6.1 p. 553). Par ailleurs, les rentes de l’AI et de la LPP ne peuvent pas être additionnées avec le revenu actuel provenant de l’activité en tant que sous-chef à 50% pour la détermination du revenu d’invalide.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_109/2018 consultable ici

 

 

8C_13/2017 (d) du 21.06.2017 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Obligation de réduire le dommage – Exigibilité – Retraite anticipée en cas de maintien d’emploi vs Changement d’emploi exigible

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_13/2017 (d) du 21.06.2017

 

NB : Traduction personnelle ; seul le texte de l’arrêt fait foi.

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Revenu d’invalide / 16 LPGA

Obligation de réduire le dommage – Exigibilité – Retraite anticipée en cas de maintien d’emploi vs Changement d’emploi exigible

 

Assuré, né en 1958, maçon, a été victime d’une blessure à l’œil le 20.12.2012 causée par une blessure par balle lors de la chasse aux lapins au Portugal (blessure par balle pénétrante à droite). Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents octroie, en plus d’une IPAI de de 28%, une rente d’invalidité de 31% à compter du 01.05.2015.

 

Procédure cantonale

Selon l’exigibilité posée par l’ophtalmologue-conseil, l’assuré serait en mesure de travailler à 100% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. Néanmoins, malgré sa blessure à l’œil, il est resté employé comme maçon par son employeur précédent. Le tribunal cantonal n’a pas considéré comme exigible un changement d’emploi, adapté au handicap. La cour cantonale a ainsi retenu le salaire encore perçu dans son activité de maçon auprès de son employeur actuel comme revenu d’invalidité.

La cour cantonale inférieure a pris en considération la durée de l’emploi existant depuis 2007 et la volonté de l’employeur de continuer à employer l’assuré jusqu’à la retraite anticipée à l’âge de 60 ans. En raison de l’atteinte à la santé et de la réduction des performances qui en a résulté, la rémunération a été réduite en conséquence à 60% du salaire qui aurait été versé sans dite atteinte. Le tribunal cantonal a conclu qu’il fallait partir du principe qu’il s’agissait d’une relation de travail particulièrement stable et qu’aucun salaire social n’était versé. Dans un autre emploi, il ne s’attendait pas à une augmentation significative du revenu du travail pour la période d’activité restante de plus de trois ans jusqu’à la retraite anticipée. En ce qui concerne la possibilité de prendre une retraite anticipée et le soutien prévu à cet effet sous la forme d’une rente de transition, la cour cantonale a estimé qu’il n’était pas raisonnable d’abandonner l’activité antérieure au profit d’une activité adaptée, compte tenu des difficultés pour trouver un nouvel emploi en raison de l’invalidité existante.

Par jugement du 15.11.2016, admission du recours par le tribunal cantonal, portant le taux d’invalidité à 40%.

 

TF

Avant de requérir des prestations, entreprendre de son propre chef tout ce qu’on peut raisonnablement attendre d’elle pour atténuer le mieux possible les conséquences de son invalidité. C’est pourquoi un assuré n’a pas droit à une rente lorsqu’il serait en mesure, au besoin en changeant de profession, d’obtenir un revenu excluant une invalidité ouvrant droit à une rente. Le point de savoir si une mesure peut être exigée d’un assuré doit être examiné au regard de l’ensemble des circonstances objectives et subjectives du cas concret. Cela vaut également lorsqu’il s’agit de passer d’une activité rémunérée exercée depuis des années à un emploi sur le marché général du travail qui peut être plus approprié compte tenu des limitations fonctionnelles, ou même de renoncer à une activité exercée en tant qu’indépendant avec sa propre entreprise. Par circonstances subjectives, il faut entendre en premier lieu l’importance de la capacité résiduelle de travail ainsi que les facteurs personnels tels que l’âge, la situation professionnelle concrète ou encore l’attachement au lieu de domicile. Parmi les circonstances objectives doivent notamment être pris en compte l’existence d’un marché du travail équilibré et la durée prévisible des rapports de travail (SVR 2010 IV Nr. 11 S. 35, 9C_236/2009 consid. 4.1 et 4.3; 2007 IV Nr. 1 S. 1, arrêts I 750/04 du 5 avril 2006 consid. 5.3 ; 9C_834/2011 du 2 avril 2012 consid 2 et 8C_482/2010 du 27 septembre 2010 consid. 4.2).

Sur la base des salaires statistiques (ESS) et avec un abattement de 10% pour les troubles oculaires, l’assuré pourrait obtenir un revenu d’invalide de CHF 60’090 s’il exerçait une activité adaptée à son handicap. Comparé au revenu sans invalidité de CHF 86’550, le taux d’invalidité est de 31%. Si l’on prend le revenu d’invalide celui effectivement perçu dans l’activité de maçon, le degré d’invalidité est de 40%.

 

Le marché du travail équilibré offre un éventail d’emplois diversifiés, ce qui permet de trouver un emploi approprié même avec le handicap de l’assuré. Le fait que ce dernier ait – selon ses propres dires – toujours travaillé pendant 31 ans comme maçon et n’ait aucune formation professionnelle ne l’empêche pas de s’orienter vers une nouvelle profession et de procéder aux nécessaires recherches d’emploi. Les difficultés qui peuvent se présenter et qui peuvent entraîner certains inconvénients sont des circonstances qui ne rendent pas un tel changement inexigible. Ils doivent être acceptés dans le cadre de l’obligation de diminuer le dommage qui incombe à l’assuré ayant droit à des prestations d’assurance.

Le refus de l’assuré de changer de profession est compréhensible compte tenu de la possibilité d’une retraite anticipée à l’âge de 60 ans. Toutefois, l’assuré ne peut pas s’attendre à ce que l’assurance-accidents prenne en charge la baisse de salaire par le fait qu’il s’abstienne d’exercer une activité exigible. Cela conduirait à une situation inéquitable par rapport aux assurés qui n’ont pas la possibilité de prendre une retraite anticipée.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_13/2017 consultable ici

 

 

8C_475/2017 (d) du 05.12.2017 – Revenu d’invalide effectivement réalisé après mesures AI inférieur au revenu d’invalide exigible possible sur le marché du travail (salaire usuel de la branche) – 16 LPGA / Marché équilibré du travail – Obligation de réduire le dommage

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_475/2017 (d) du 05.12.2017

 

NB : Traduction personnelle ; seul le texte de l’arrêt fait foi.

Consultable ici

 

Revenu d’invalide effectivement réalisé après mesures AI inférieur au revenu d’invalide exigible possible sur le marché du travail (salaire usuel de la branche) / 16 LPGA

Marché équilibré du travail – Obligation de réduire le dommage

 

Assurée, née en 1964, employée de l’hôpital B.__ à partir du 01.04.2001, a annoncé le 04.11.2008 un problème avec un désinfectant, entraînant incapacité totale de travail dès le 29.09.2008. Le 23.11.2009, une décision d’inaptitude a été établie, déclarant l’assurée inapte à effectuer des travaux impliquant une exposition au désinfectant Terralin Protect avec effet rétroactif au 01.11.2009. L’AI a pris en charge un cours de base « Codage médical » et un cours pour débutants, que l’assurée a suivi avec succès. L’office AI a nié le droit à une rente d’invalidité. Le 15.09.2014, l’assurée est entrée en fonction chez C.__. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit à une indemnité pour changement d’occupation dès le 01.03.2014 ainsi qu’à une rente d’invalidité, mais a accordé une IPAI de CHF 9’450.

 

Procédure cantonale

Selon la cour cantonale, il faut tenir compte du revenu perçu dans l’accomplissement du travail actuel, car on peut supposer qu’il s’agit d’une relation de travail stable (emploi d’un an et demi) et que l’assurée met pleinement à profit sa capacité de travail restant ; il n’y a en outre pas d’indication à un salaire sociale. Pour la juridiction cantonale, le fait que le salaire effectif est inférieur au revenu exigible selon l’ESS et que l’assurée obtenir un revenu plus élevé auprès de son ancien employeur ou un autre emploi ne change rien. Étant donné qu’il n’est pas certain que l’assurée puisse actuellement augmenter son pensum à 100%, l’affaire doit être renvoyée à l’assurance-accidents afin qu’elle clarifie ce point et, s’il est possible d’augmenter le pensum, qu’elle prenne en compte le salaire actuel à 100% ; dans la négative, l’assurance-accidents doit déterminer le revenu pour une activité exercée à 30% conformément au tableau T17 de l’ESS et détermine ensuite le droit à la rente.

Par jugement du 17.05.2017, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition de l’assurance-accidents et renvoyant la cause pour instruction et pour déterminer le droit à la rente au sens des considérants.

 

TF

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée à condition, entre autres, que l’activité mette pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible. Ce n’est pas le cas si l’assuré pourrait gagner, sur le marché du travail équilibré, un revenu plus élevé que celui effectivement perçu. Sur ce marché du travail hypothétique, un changement d’emploi est également exigible s’il est très difficile, voire impossible, pour l’assuré de trouver un emploi correspondant, en raison des conditions économiques du marché du travail réel. La prise en compte de ce revenu hypothétique plus élevé se fonde moins sur l’obligation de réduire le dommage que sur le fait que l’assurance-accidents ne doit compenser que la perte de salaire causée par l’atteinte à la santé en lien avec l’accident (SVR 2012 UV Nr. 3 p. 9 consid. 2.3, 8C_237/2011 ; cf. aussi Ueli Kieser, ATSG-Kommentar, 3. Aufl. 2015, N. 52 zu Art. 16 ATSG).

La référence par la cour cantonale à l’arrêt 9C_721/2010 du 15 novembre 2010 (publié dans le SVR 2011 IV Nr. 37 p. 109) ne change pas cette situation juridique ; en effet, le consid. 4.1.2 précise que les revenus réels ne peuvent servir de base comme revenu d’invalide que s’ils sont habituels dans l’industrie. Il convient plutôt de rappeler le consid. 3.3 de l’arrêt 8C_13/2017 du 21 juin 2017, selon lequel l’assuré doit tenir compte, comme revenu d’invalide, le salaire qu’il pourrait gagner sur le marché général du travail dans un poste exigible lors de l’évaluation de l’invalidité ; même s’il s’abstient de changer de profession ou d’emploi en raison de perspectives favorables au poste qu’il a eu jusqu’à présent, il ne peut pas s’attendre à ce que l’assurance-accidents indemnise la perte de salaire en raison de la renonciation à un revenu raisonnablement exigible.

Dans son poste actuel exercé à plein temps, l’assuré obtiendrait un salaire de CHF 72’000. Des investigations de l’assurance-accidents auprès de l’ancien employeur (hôpital B.__), il ressort que l’assuré pourrait percevoir un salaire annuel de CHF 95’900 pour le travail qu’elle effectue, sur la base du salaire de départ d’un codeur médical de la tranche salariale 15 avec une fourchette de salaire de CHF 75’893 à CHF 109’276, compte tenu de son expérience professionnelle, ce qui correspond à près de 88% du maximum de la fourchette de salaire. D’autres précisions apportées par l’assurance-accidents ont confirmé ce montant. Par exemple, dans les hôpitaux bernois, la réglementation salariale prévoit une fourchette de salaire de CHF 68’935 à CHF 110’296 pour les femmes débutant comme codeuses médicales et le contrat collectif de travail de l’hôpital de Zoug prévoit une fourchette de salaire de CHF 74’061 à CHF 113’620 pour les femmes. Ainsi, compte tenu des nombreuses années d’expérience professionnelle des assurés dans le système de santé, on peut supposer que ces deux grands employeurs potentiels (comme l’hôpital B.__ et par conséquent les autres hôpitaux cantonaux du canton de Zurich) fixeront également des salaires du même ordre de grandeur. L’hôpital B.__ a indiqué le salaire réalisable précisément en connaissance des limitations fonctionnelles spécifiques.

A l’aune de ce qui précède, il existe un tel écart entre le salaire du poste actuel et le revenu que l’assuré pourrait obtenir sur le marché du travail équilibré compte tenu de sa formation et de sa longue expérience que l’on ne peut pas dire que ce dernier ait un salaire habituel dans le secteur. L’assurée ne fait pas un usage exigible de sa capacité de travail restante, de sorte que le salaire de son employeur actuel ne peut servir pas de base à la détermination du revenu d’invalide. La décision en première instance n’est pas conforme au droit fédéral à cet égard.

En l’espèce, la seule raison pour laquelle le revenu effectivement gagné n’est pas pris en compte est que l’assuré n’utilise pas pleinement sa capacité de travail restante, en ce sens qu’elle exerce l’activité raisonnablement exigible, mais dans un emploi où elle ne gagne pas un salaire usuel dans la branche, se contentant d’un revenu très inférieur. Dans ces circonstances, l’utilisation du salaire normal de la branche de CHF 95’900 tel que calculé par l’assurance-accident n’est pas contestable. En particulier, cela répond également au principe selon lequel le revenu d’invalide doit être déterminée de la manière la plus concrète possible.

Si l’on compare le revenu sans invalidité de CHF 103’887 avec le revenu d’invalide raisonnablement exigible de CHF 95’900, on obtient un degré d’invalidité de 7,7%. Sur la base des éléments obtenus dans les cantons de Berne ou de Zoug, le taux d’invalidité serait encore plus faible. L’assuré n’a pas droit à une rente d’invalidité, le seuil de 10% n’étant pas atteint.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents et annule le jugement cantonal.

 

 

Arrêt 8C_475/2017 consultable ici

 

 

8C_523/2019 (d) du 21.01.2020 – destiné à la publication – Surindemnisation – Genèse et interprétation de l’art. 69 al. 2 LPGA / Notion des frais supplémentaires et des éventuelles diminutions de revenu subies par les proches

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_523/2019 (d) du 21.01.2020, destiné à la publication

 

NB : traduction personnelle, seul le texte de l’arrêt fait foi.

Consultable ici

 

Surindemnisation – Genèse et interprétation de l’art. 69 al. 2 LPGA

Notion des frais supplémentaires et des éventuelles diminutions de revenu subies par les proches / 69 al. 2 LPGA

 

En résumé

Le Tribunal fédéral a procédé à une interprétation de l’art. 69 LPGA selon sa lettre (interprétation littérale). Il a également recherché la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique).

Des documents relatifs à l’art. 69 al. 2 LPGA, il ressort que le législateur avait à l’esprit les pertes de revenus des proches résultant des soins médicalement nécessaires prodigués à l’assuré. Le Tribunal fédéral conclut qu’il faut exclure que le législateur ait voulu inclure dans le calcul de la surindemnisation toute perte de revenus des proches causée par l’accident et ait voulu une réglementation similaire au droit de la responsabilité. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner si la perte de revenus de l’épouse de l’assuré doit être traitée comme un « dommage par choc » (« Schockschaden ») en vertu du droit de la responsabilité civile et incluse dans le calcul de la surindemnisation. En outre, il ressort clairement des documents que le législateur a délibérément voulu s’écarter de la méthode de la congruence prévue à l’article 69 al. 1, 2e phrase, LPGA, en ce qui concerne la « congruence personnelle » des pertes de revenus des proches en litige ici, en ce sens que les pertes de revenus peuvent également être prises en compte comme des frais supplémentaires qui ne sont pas survenus pour l’assuré lui-même. Compte tenu de la percée du législateur en matière de « congruence personnelle « , qui est contraire au système, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin dans l’interprétation. Enfin, il n’y a aucun élément pour une compréhension différente, même dans le contexte d’une interprétation systématique, historique ou téléologique.

 

 

En détail

Assuré, né en 1962, mécanicien a été victime d’un accident du travail le 22.04.2010. A la suite d’une explosion de gaz et d’une chute de 8 mètres de haut, il a subi des brûlures sur environ 60% de sa surface corporelle, une fracture du bassin, des côtes et de vertèbres et diverses blessures internes. L’assurance-accidents a octroyé les prestations d’assurance. Le 28.03.2013, l’office AI a accordé une rente entière d’invalidité dès le 01.04.2011. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a octroyé une rente d’invalidité de 100% et une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 87,5%.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a déterminé que, compte tenu de ses prestations et de celles de l’assurance-invalidité, il restait un droit (rétroactif) à l’indemnité journalière de CHF 2’569.65, en raison d’une surindemnisation de CHF 185’537.70.

 

Procédure cantonale

Selon le tribunal cantonal, il fallait examiner si la perte de revenus de l’épouse de l’assuré avait été causée par l’accident du 22.04.2010. L’épouse n’avait pas assisté à l’accident, c’est pourquoi les dommages directs causés par l’accident lui-même ou la vue de l’accident doivent être refusés. En ce qui concerne le lien de causalité, l’assuré invoque la jurisprudence relative aux « dommages par choc » [Schockschaden]. La perte de revenus de l’épouse était basée sur son incapacité à travailler, causée entre autres par un trouble de stress post-traumatique. Aucun autre traumatisme suffisamment grave autre que l’accident de l’assuré n’a pu être déduit du dossier AI de l’épouse, de sorte qu’un lien de causalité naturelle a pu être retenu. Toutefois, un lien de causalité adéquate doit également exister pour que la responsabilité soit admise. L’incapacité de travail de la femme n’est pas due à l’accident, mais à l’expérience quotidienne de la lutte de l’assuré pour survivre ainsi qu’aux multiples charges de son entreprise et des soins familiaux et ménagers.

Selon le tribunal cantonal, il n’y a pas eu de choc soudain, mais un développement au long cours du trouble psychique. La perte de revenus de l’épouse au sens de l’art. 69 al. 2 LPGA a été refusée.

Par jugement des 26.06.2019 et 15.07.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 69 LPGA, le concours de prestations des différentes assurances sociales ne doit pas conduire à une surindemnisation de l’ayant droit. Ne sont prises en compte dans le calcul de la surindemnisation que des prestations de nature et de but identiques qui sont accordées à l’assuré en raison de l’événement dommageable (al. 1). Il y a surindemnisation dans la mesure où les prestations sociales légalement dues dépassent, du fait de la réalisation du risque, à la fois le gain dont l’assuré est présumé avoir été privé, les frais supplémentaires et les éventuelles diminutions de revenu subies par les proches (al. 2).

L’art. 69 al. 2 LPGA que des « frais supplémentaires et les éventuelles diminutions de revenu subies par les proches » (« durch den Versicherungsfall verursachten Mehrkosten und allfälliger Einkommenseinbussen von Angehörigen » ; « incluse le spese supplementari provocate dallo stesso evento ed eventuali diminuzioni di reddito subite da congiunti »). La formulation est relativement ouverte. Cela ne signifie pas nécessairement que la perte de revenus des proches doit avoir été causée par la prise en charge des soins et de l’entretien ou par d’autres dépenses en faveur de l’assuré.

Les documents relatifs à l’art. 69 al. 2 LPGA (correspondant à l’art. 76 al. 2 du projet de la LPGA [ci-après : P-LPGA]) montrent que la question de la surindemnisation a subi des modifications au cours des délibérations parlementaires (cf. par exemple BBl 1999 IV 4639 [en allemand ; pour la version française : FF 1999 IV 4290]). Lors de la réunion de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats (CSSS-CE) du 20.02.1989, il a été déclaré que le revenu de l’assuré doit être ajouté au revenu de la famille proche pour le calcul des prestations d’assurance. Il arrivait souvent que des membres de la famille de personnes invalides quittent leur emploi et restent à la maison pour prodiguer des soins. Cette disposition visait à en tenir compte (procès-verbal de la séance du 20 février 1989, p. 38).

Le rapport de la CSSS-CE du 27.09.1990 indiquait que, pour évaluer la surindemnisation, il convient, comme le prévoit l’art. 76 al. 2 P-LPGA – et comme il en va dans la plupart des branches des assurances sociales – de se fonder sur le gain dont l’assuré est présumé avoir été privé. Pour la détermination de ce gain, le revenu obtenu avant la réalisation du risque assuré constitue naturellement un indice important. Il a été renoncé à calculer le revenu global, y compris celui des proches faisant ménage commun avec l’assuré. C’est seulement lorsque les proches subissent une diminution de revenu, parce qu’ils doivent, par exemple, soigner un invalide, que le montant de cet amoindrissement du gain sera, à l’instar des frais supplémentaires éventuels dus au traitement ou à la surveillance dont l’assuré a besoin, ajouté au gain dont ce dernier a été privé et pris en compte aux fins de voir si la limite de surindemnisation a ou n’a pas été atteinte (BBl 1991 II 267 [en allemand ; pour la version française : FF 1991 II 263]).

Dans sa avis approfondi du 17.08.1994, le Conseil fédéral a estimé qu’une personne qui s’occupe uniquement des travaux ménagers et qui dispense des soins à des proches, une épouse ou un époux qui sacrifie ses vacances pour assurer des soins, quelqu’un qui utilise un moment de ses loisirs pour transporter des proches en voiture auprès d’un médecin dont le cabinet est situé à une distance assez éloignée ont également droit à ce que l’on tienne compte du temps consacré à cette tâche même s’ils ne subissent pas une diminution de revenu. Leur travail décharge en effet aussi les hôpitaux. En conséquence, le Conseil fédéral a demandé l’ajout suivant à l’alinéa 2 : « Les prestations de travail apportées par les proches sont considérées comme des frais supplémentaires même si elles n’entraînent pas de diminution de revenu » (BBI 1994 V 955 [en allemand ; pour la version française : FF 1994 V 933 s.]).

Lors des réunions de la sous-commission LPGA de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-CN), il a toujours été question des soins et soutiens fournis par les proches pour ces services. La question a été abordée de savoir si, dans le cadre de l’art. 76 al. 2 P-LPGA, le travail effectué par les proches dans le cadre des soins et de l’assistance à la personne assurée devait être inclus dans la surindemnisation. Le rapport entre la responsabilité et le droit de la sécurité sociale a également été discuté (procès-verbal du 15 août 1995, p. 21 ss). Il a également été souligné que le Conseil des États n’avait voulu prendre en compte que les pertes de revenus réelles (procès-verbal du 12 septembre 1995, p. 53 ss). La CSSS-CN a déclaré que l’alinéa 2 portait sur la question de savoir quels services de soins et d’assistance fournis par les proches devraient donner droit à une indemnisation (procès-verbal du 17 novembre 1995, p. 32). Enfin, il a été expliqué qu’il s’agissait principalement de services fournis gratuitement par des femmes. S’elles n’étaient plus en mesure de travailler en raison de l’événement assuré, elles subiraient une perte de revenus ou devraient s’organiser différemment. En ce qui concerne la prise en compte des pertes de revenus des proches, il a été fait référence à la réglementation en matière d’assurance militaire et d’assurance maladie (procès-verbal du 15 janvier 1999, p. 33 ss).

Selon le rapport de la CSSS-CN du 26.03.1999, la majorité de la Commission a suivi le Conseil des États. Il a rejeté la proposition du Conseil fédéral selon laquelle le travail effectué par les proches qui n’entraîne pas de perte de revenus doit être considéré comme des frais supplémentaires. Une minorité est d’avis que les pertes de revenus des proches causées par l’événement assuré ne doivent pas être prises en compte.

Comme la formulation étendue proposée par le Conseil fédéral n’a pas été retenue, il est clair que les prestations de travail des proches ne sont pas à prendre-en considération dans la mesure où elles n’ont pas pour conséquence une diminution de revenu (exemple : transports d’un invalide pendant les loisirs, soins prodigués pendant les vacances des proches). La prise en compte des diminutions de revenu des proches trouve déjà son application dans le droit actuel dans l’art 29 al. 1 OAM [Ordonnance sur l’assurance militaire]. La question de savoir quelles diminutions de revenu subies par les proches sont à prendre en considération dans le calcul de la surindemnisation devra trouver sa réponse dans l’application du droit. Il importe ici de citer, dans le rapport du Conseil des Etats, la prise en charge des soins et des diminutions de revenu qui en découlent à titre d’exemple de prise en compte (BBl 1999 IV 4641 ss [en allemand ; pour la version française : FF 1999 IV 4292 s.).

Au Conseil national, il a été expliqué que la minorité des membres de la Commission a demandé que les pertes de revenus des proches ne soient pas incluses dans le calcul de la surindemnisation. Toutefois, la majorité a souhaité qu’il soit pris en compte, ce qui constituerait une extension matérielle du niveau des prestations. Actuellement, les pertes de revenus des proches ne sont prises en compte que dans la loi fédérale sur l’assurance militaire. Avec cette motion sur l’art. 76 al. 2 P-LPGA, la majorité a violé le principe de la méthode de la congruence (AB 1999 N 1250 Votum Hochreutener). Le rapporteur de la Commission a expliqué que la différence à traiter était celle entre le Conseil des Etats, le Conseil fédéral et la majorité de la Commission d’une part, et la minorité de la Commission d’autre part. Conformément aux dispositions du droit de la responsabilité, le Conseil fédéral a voulu inclure le travail effectué par les proches même s’il n’entraîne pas de perte de revenus. La majorité de la Commission avait suivi la version du Conseil des États, selon laquelle seules les pertes de revenus effectivement réalisées par les proches devaient être prises en compte. Il s’agit d’une réglementation modérée, qui correspond à celle de l’assurance militaire (AB 1999 N 1250 Votum Rechsteiner). Le rapporteur francophone a indiqué qu’il pourrait s’agir de pertes de revenus subies par les proches en raison des soins apportés à la personne invalide. Il a cité l’exemple du mari qui s’est abstenu d’exercer un emploi rémunéré afin de s’occuper de sa femme invalide. Des solutions comparables ont déjà été trouvées dans le domaine de l’assurance maladie et de l’assurance militaire (AB 1999 N 1251, Votum Suter). Par la suite, la motion de la majorité a été acceptée (AB 1999 N 1252, vote Suter).

Lors de la séance de la CSSS-CE, il a également été précisé qu’il s’agit de cas dans lesquels les proches de l’assuré renoncent à un emploi en tout ou en partie afin de prendre soin de l’assuré. Le travail effectué par les proches doit être pris en compte si cela entraîne une perte de revenus (procès-verbal de la réunion du 6 septembre 1999, p. 23).

Au Conseil des États, le rapporteur a expliqué que le Conseil fédéral avait voulu établir une réglementation « large » ; le travail effectué par les proches aurait dû être considéré comme des frais supplémentaires, même sans perte de revenus. D’autre part, le milieu économique des assurances, et avec lui une minorité de la Commission du Conseil national, avait exigé que toute perte de revenus des proches causée par l’événement assuré ne soit pas incluse dans le calcul de la surindemnisation. Cette motion minoritaire avait quelque chose à dire d’elle-même en ce sens que le règlement maintenant adopté par le Conseil national enfreignait la méthode de congruence consacrée par l’art. 76 al. 1 P-LPGA. Les représentants de la motion de la minorité au Conseil national avaient également souligné le danger de l’insécurité juridique qui en résultait. Cependant, le Conseil national avait suivi la motion de la majorité de la commission et donc la décision du Conseil des États (AB 2000 S 186 Votum Schiesser). Par la suite, le Conseil des États a approuvé la résolution du Conseil national (AB 2000 S 186).

Les documents montrent également que le législateur a voulu suivre les dispositions de l’assurance militaire et de l’assurance maladie. L’art. 72 al. 3 aLAM (abrogé au 01.01.2003 par le ch. 13 de l’annexe à la LPGA ; RO 2002 3437 [en allemand ; pour la version française : RO 2002 3434]), était libellé comme suit « Les prestations de l’assurance militaire sont réduites jusqu’à concurrence du montant constituant la surindemnisation. La réduction peut être diminuée dans la mesure où le cas d’assurance entraîne un surcroît de frais pour l’assuré ou une perte de revenu pour ses proches. Le Conseil fédéral règle les détails. »

Le commentateur Jürg Maeschi explique, sur la base de la norme de délégation de l’art. 72 al. 3, 3e phrase, aLAM, le Conseil fédéral a édicté les dispositions à l’art. 29 OAM : « La réduction opérée suite une surindemnisation selon l’article 72, 3e alinéa, de la loi est diminuée jusqu’à concurrence du montant constituant la surindemnisation, dans la mesure où le cas d’assurance entraîne un surcroît de frais résultant d’un traitement et de soins pour l’assuré ou d’une perte de revenu pour ses proches et pour autant que ces frais et cette perte ne soient pas déjà couverts par d’autres prestations de l’assurance militaire ».

En ce qui concerne la réglementation dans le domaine de l’assurance maladie, le Tribunal fédéral a précisé que dans le cadre de l’art. 122 al. 1 let. b OAMal, les pertes de revenu effectives des proches aidants pouvaient également être prises en compte comme « frais non couverts dus à la maladie » si et dans la mesure où elles étaient dues à un traitement et à des soins. Toutefois, l’art. 69 al. 2 LPGA exige une perte de revenus effective, c’est pourquoi le travail effectué par les proches qui n’entraîne pas de perte de revenus ne doit pas être pris en compte lors de la « répartition » de la surindemnisation sur les frais supplémentaires non couverts (SVR 2013 KV Nr. 3 S. 6, 9C_43/2012 consid. 4.2, avec référence à l’arrêt 9C_332/2007 du 29 mai 2008 consid. 8 und FRANZ SCHLAURI, Die Leistungskoordination im neuen Krankenversicherungsrecht, in: LAMal – KVG : Recueil des travaux en l’honneur de la Société suisse de droit des assurances, 1997, p. 655).

Conformément au ch. 2.4 de la recommandation n° 3/92 de la Commission ad hoc Sinistres LAA, en cas de surindemnisation, il n’est possible de tenir compte que des diminutions de revenu subies en raison de l’événement assuré de par le traitement et les soins nécessaires au plan médical, dans la mesure où il n’existe pas de couverture afférente de l’assurance sociale (par exemple, allocation pour impotent). . Certes, il s’agit d’une simple recommandation administrative, qui n’est pas contraignante pour le Tribunal fédéral (ATF 139 V 108 consid. 5.3 p. 112 et les références). Néanmoins, il peut être utilisé dans le cas présent pour étayer l’interprétation présentée.

 

Il ressort donc des documents relatifs à l’art. 69 al. 2 LPGA que le législateur avait à l’esprit les pertes de revenus des proches résultant des soins médicalement nécessaires prodigués à l’assuré. Sur la base des éléments cités, il faut exclure que le législateur ait voulu inclure dans le calcul de la surindemnisation toute perte de revenus des proches causée par l’accident et ait voulu une réglementation similaire au droit de la responsabilité. Cela s’applique d’autant plus que la relation entre la sécurité sociale et le droit de la responsabilité est abordée dans cette question, mais que la perspective du droit de la responsabilité n’a pas été adoptée. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner si la perte de revenus de l’épouse de l’assuré doit être traitée comme un « dommage par choc » (« Schockschaden ») en vertu du droit de la responsabilité civile et incluse dans le calcul de la surindemnisation. En outre, il ressort clairement des documents que le législateur a délibérément voulu s’écarter de la méthode de la congruence prévue à l’article 69 al. 1, 2e phrase, LPGA, en ce qui concerne la « congruence personnelle » des pertes de revenus des proches en litige ici, en ce sens que les pertes de revenus peuvent également être prises en compte comme des frais supplémentaires qui ne sont pas survenus pour l’assuré lui-même. Compte tenu de la percée du législateur en matière de « congruence personnelle », qui est contraire au système, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin dans l’interprétation. Enfin, il n’y a aucun élément pour une compréhension différente, même dans le contexte d’une interprétation systématique, historique ou téléologique.

 

Cette interprétation est conforme à l’opinion de la doctrine. Selon ADRIAN ROTHENBERGER, le calcul de la surindemnisation tient compte de toute perte de revenus des proches qui survient à la suite des soins et de l’assistance fournis à la personne blessée et qui n’est pas déjà couverte par d’autres prestations de sécurité sociale – en particulier l’allocation pour impotent. Un manque à gagner réel était requis (Das Spannungsfeld von Überentschädigungsverbot und Kongruenzgrundsatz, 2015, Rz. 198). GHISLAINE FRÉSARD-FELLAY/JEAN-MAURICE FRÉSARD déclarent que le législateur a examiné la situation dans laquelle une proche réduit son occupation pour s’occuper de l’assuré. Ils se réfèrent à la genèse de la norme pour souligner que la perte de revenus à prendre en compte doit être liée au traitement et aux soins prodigués à l’assuré (in: Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, N. 45 s. ad Art. 69 LPGA ; cf. également GHISLAINE FRÉSARD-FELLAY, Le recours subrogatoire de l’assurance-accidents sociale contre le tiers responsable ou son assureur, 2007, Rz. 1448, où il est indiqué que le législateur avait prévu des pertes de revenus pour les proches résultant de la renonciation à l’exercice d’une activité lucrative afin de fournir à l’assuré les soins nécessaires. Ces coûts sont connus sous le nom de « frais d’assistance » [Betreuungskosten]). Selon GABRIELA RIEMER-KAFKA, il s’agit également de la perte de revenus des proches qui s’occupent de l’assuré (Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, 6. Aufl. 2018, Rz. 5.369). En outre, on peut se référer à l’opinion exprimée par UELI KIESER, selon laquelle toute perte de revenus doit être prise en compte si elle est liée au travail effectué par des proches, ce qui implique une perte de revenus réelle. À cet égard, il existe un parallèle avec la considération du droit de la responsabilité, selon laquelle le manque à gagner réel doit être compensé si la personne concernée a renoncé à une activité rémunérée afin de s’occuper de la personne nécessitant des soins. Dans la mesure où les prestations prévues par la législation sur la sécurité sociale couvraient déjà les pertes de revenus ou compensaient le travail en question (par exemple, l’allocation pour impotent), elles ne pouvaient pas être prises en compte à nouveau dans le cadre d’une surindemnisation (ATSG-Kommentar, 3. Aufl. 2015, N. 47 ff. zu Art. 69 ATSG). En outre, KIESER souligne que le législateur s’est écarté du principe de la « congruence personnelle » lorsqu’il a examiné la perte de revenus des proches (op. cit., N. 23 zu Art. 69 ATSG). JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS indiquent que la principale préoccupation du législateur était la renonciation par le proche à l’exercice d’une activité lucrative afin de prodiguer à l’assuré les soins nécessaires (L’assurance-accidents obligatoire in: Soziale Sicherheit, SBVR Bd. XIV, 3. Aufl. 2016, S. 1056 Rz. 571).

 

L’ATF 139 V 108 traite des frais d’avocat qui servent à faire valoir la propre créance de l’assuré et non des pertes de revenus qui touchent les proches de l’assuré et donc un tiers. Cet arrêt n’est donc pas pertinent, puisqu’il s’agissait d’évaluer un préjudice direct subi par l’assuré, alors que la présente affaire concerne un préjudice indirect. C’est pourquoi ce qui est dit dans l’ATF 139 V 108 concernant les frais d’avocat ne peut être appliqué à la perte de revenus des proches. Comme expliqué ci-dessus, la perte de revenus des proches a été examinée séparément lors de la consultation législative et non pas en même temps que les frais supplémentaires affectant directement la personne assurée.

 

En résumé, en référence à l’art. 69 al. 2 LPGA, il convient de procéder à une interprétation réservée de la perte de revenus en ce sens qu’elle ne couvre que la perte de revenus des proches qui réduisent ou abandonnent leur activité lucrative afin de prodiguer des soins à la personne assurée.

Dans son courriel à l’assurance-accidents du 26 mars 2018, le représentant légal a expressément indiqué que la perte de revenus de l’épouse n’était pas due au traitement et aux soins de l’assuré. Il est donc clair qu’en l’espèce, la perte de revenus de l’épouse de l’assuré n’a pas été causée par la prise en charge de soins et d’assistance fournis à l’assuré ou par d’autres dépenses en sa faveur. Elle a plutôt renoncé à un emploi rémunéré en raison de sa maladie. Pour cette raison, sa perte de revenus ne peut pas être prise en compte dans la surindemnisation prévue à l’art. 69 al. 2 LPGA.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_523/2019 consultable ici

 

 

Le Conseil fédéral veut améliorer la planification hospitalière et la fixation des tarifs hospitaliers / Modification du remboursement des coûts à l’hôpital par l’assurance-accidents

Le Conseil fédéral veut améliorer la planification hospitalière et la fixation des tarifs hospitaliers / Modification du remboursement des coûts à l’hôpital par l’assurance-accidents

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 12.02.2020 consultable ici

 

Les patients doivent avoir accès à des prestations stationnaires efficientes et de qualité sur l’ensemble du territoire suisse. Lors de sa séance du 12 février 2020, le Conseil fédéral a décidé d’uniformiser davantage les critères de planification des hôpitaux et des établissements médico-sociaux. En outre, les tarifs du secteur stationnaire devraient, à l’avenir, être déterminés de la même manière dans toute la Suisse. Ces mesures visent à accroître la qualité des soins et à maîtriser les coûts dans ce secteur. La consultation relative à la modification de l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal) durera jusqu’au 20 mai 2020.

Le Conseil fédéral continue d’uniformiser les critères appliqués par les cantons pour la planification des hôpitaux, des maisons de naissance et des établissements médico-sociaux. Les exigences relatives à la présence des médecins, aux unités de soins intensifs, aux nombres minimaux de cas et au contrôle de l’économicité sont spécifiques aux hôpitaux ; les exigences en matière de qualité, elles, s’appliquent à toutes les institutions.

Les cantons doivent mieux coordonner la planification des hôpitaux et des établissements médico-sociaux. Par ailleurs, les hôpitaux qui figurent sur les listes cantonales ne sont plus autorisés à offrir des rémunérations ou des bonus liés au volume. L’objectif consiste à lutter contre la multiplication des prestations non justifiées du point de vue médical.

 

Calcul des tarifs : réglementation uniforme

Le Conseil fédéral prévoit en outre d’uniformiser les règles sur lesquelles se basent les partenaires tarifaires et les cantons pour fixer les tarifs des prestations hospitalières stationnaires. Actuellement, la méthode de calcul de ces forfaits par cas varie selon les cantons. La nouvelle réglementation, uniforme au niveau fédéral, s’applique aux modèles de rémunération de type DRG (Diagnosis Related Groups) ; elle garantit qu’à l’avenir, les tarifs seront déterminés de façon économique et transparente.

 

Remboursement des coûts à l’hôpital par l’assurance-accidents

La collaboration et les tarifs sont fixés sous la forme d’accords conventionnels entre les assureurs et les fournisseurs de prestations dans l’assurance-accidents obligatoire ; la primauté des contrats s’applique (art. 56, al. 1, LAA). Cela signifie que les assureurs-accidents déterminent, dans le cadre de la garantie d’une prise en charge suffisante, avec quels hôpitaux ils concluent une convention tarifaire et quels hôpitaux ils reconnaissent ainsi comme fournisseurs de prestations à la charge de l’assurance-accidents obligatoire. Le libre choix de l’hôpital par la personne assurée évoqué à l’art. 10, al. 2, LAA n’est pas illimité, mais se réfère au cercle des hôpitaux conventionnés des assureurs-accidents. L’art. 15, al. 1, OLAA dispose ainsi que la personne assurée a droit au traitement, à la nourriture et au logement dans la division commune d’un hôpital avec lequel une convention réglant les tarifs a été conclue. L’assurance-accidents obligatoire se fonde en outre sur le principe de la prestation en nature. Celui-ci prévoit que l’assureur accorde à la personne assurée un traitement complet, économique, approprié et efficace. La prestation médicale est mandatée par l’assureur et représente une prestation en nature de sa part, ce qui lui permet d’influer sur le déroulement ainsi que sur l’évolution des traitements et des mesures médicales. D’un autre côté, l’assureur est le débiteur du fournisseur de prestations.

Des problèmes se posent actuellement dans la pratique, parce que les interprétations du tarif applicable par analogie à l’art. 15, al. 2, OLAA diffèrent. Ainsi, les cas où des traitements sont effectués dans un hôpital non conventionné sans garantie de prise en charge des coûts préalable de l’assureur-accidents se multiplient. L’hôpital traitant adresse ensuite une facture à l’assureur compétent et invoque la règle relative au tarif applicable par analogie et réclame la même rémunération que l’hôpital conventionné le plus proche. Or, ce n’est pas le principe de la prestation en nature qui s’applique lors de la réalisation d’un traitement dans un hôpital non conventionné sans garantie de prise en charge des coûts préalable, mais le principe de la prise en charge des coûts. L’hôpital n’a par conséquent pas de droit direct à la rémunération vis-à-vis de l’assureur, mais uniquement envers la personne assurée. Il ne peut en outre revendiquer sans autre le même tarif que l’hôpital conventionné le plus proche.

 

Modification de l’art. 15, al. 2, OLAA

Il n’existe pas de libre choix illimité de l’hôpital dans l’assurance-accidents obligatoire. Un tel choix aurait pour conséquence que les assureurs seraient tenus de rembourser le traitement dans tous les hôpitaux et pas seulement dans ceux avec lesquels ils ont conclu une convention réglant la collaboration et les tarifs, comme le prévoient la loi (art. 56, al. 1, LAA) et l’ordonnance (art. 68, al. 3, OLAA). Les principes de la primauté des contrats et de la prestation en nature, fondamentaux pour le droit de l’assurance-accidents, seraient totalement sapés, si l’institution non conventionnée n’était pas tenue de respecter des obligations contractuelles, mais pouvait néanmoins exiger une rémunération tarifaire à l’instar d’un hôpital conventionné en vertu du tarif applicable par analogie. L’intérêt des hôpitaux de respecter des conventions avec la Commission des tarifs médicaux LAA (CTM) serait faible, car les patients au bénéfice d’une assurance-accidents pourraient être traités dans tous les cas. Les assureurs perdraient alors l’influence dans le cadre du principe de la prestation en nature au profit des fournisseurs de prestations ; de plus, ils ne seraient plus en mesure de lier leur obligation de paiement selon le tarif au respect des exigences d’adéquation (art. 48, LAA) et d’économicité (art. 54, LAA) des prestations et à la garantie de la qualité.

L’art. 15, al. 2, OLAA doit être amendé en conséquence afin de préciser que les patients au bénéfice d’une assurance-accidents doivent en principe se faire soigner dans un hôpital conventionné et qu’il n’est possible de déroger à ce principe que pour des raisons médicales. La notion de raisons médicales est définie dans le nouvel art. 15, al. 2bis, OLAA. Une exception au traitement dans un hôpital conventionné n’est donc expressément autorisée que dans une situation d’urgence médicale et en l’absence d’une offre de soins médicaux.

 

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 12.02.2020 consultable ici

Projet de modifications de l’OAMal, de l’OCP et de l’OLAA consultables ici

Rapport explicatif de la modification OAMal, OCP et OLAA disponible ici

 

 

8C_650/2018 (f) du 23.10.2019 – Tendinopathie chronique (dégénérative) de la coiffe des rotateurs – Causalité naturelle – Statu quo sine / 6 LAA – 36 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_650/2018 (f) du 23.10.2019

 

Consultable ici

 

Tendinopathie chronique (dégénérative) de la coiffe des rotateurs – Causalité naturelle – Statu quo sine / 6 LAA – 36 LAA

 

Assuré, né en 1973, jardinier paysagiste, tombe, le 14.12.2013, contre un mur avec son épaule droite qui a lâché, en transportant une caisse de bois.

Le spécialiste FMH en chirurgie orthopédique a diagnostiqué une rupture subtotale du tendon du sous-scapulaire avec luxation médiane hors de la gouttière bicipitale du tendon du long chef du biceps, une déchirure partielle du sus-épineux et une discrète contusion du trochiter. Le chirurgien a opéré l’épaule droite de l’assuré le 04.03.2014. Une arthro-IRM réalisée le 13.10.2014 a mis en évidence une re-déchirure post-réparation de la coiffe sans rétraction tendineuse visible ainsi qu’une importante bursite sous-acromio-deltoïdienne réactionnelle. Le chirurgien a prescrit une injection de PRP (plasma riche en plaquettes).

L’assurance-accidents a adressé l’assuré à un chef de service du service d’orthopédie et traumatologie d’un hôpital universitaire. Ce praticien a conclu, au terme de son examen du 15.04.2015, qu’il était difficile d’expliquer par les éléments objectifs l’importance du syndrome douloureux résiduel ainsi que l’impossibilité de réaliser une abduction active ; dans ce contexte, il était peu probable qu’une révision chirurgicale avec complément de réparation du sous-scapulaire permette d’améliorer significativement la situation sur le plan subjectif.

L’assurance-accidents a mis en œuvre une expertise médicale, mandatant à cet effet un spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et précisant qu’elle suspendait ses prestations jusqu’à connaissance des conclusions de l’expert. Dans son rapport d’expertise du 22.03.2016, le médecin-expert a conclu que l’assuré présentait une tendinopathie chronique (dégénérative) de la coiffe des rotateurs aux deux épaules. Du côté droit, il existait un doute quant à une péjoration aiguë de cette tendinopathie lors de l’événement survenu le 14.12.2013. La supputée lésion traumatique avait été traitée correctement et ne montrait pas de complication majeure. Habituellement, un délai de 6 à 12 mois paraissait nécessaire pour récupérer d’une telle chirurgie. Au-delà, le cursus de l’épaule droite de l’assuré était manifestement régi par le potentiel évolutif de sa coiffe des rotateurs dégénérative (argument prévalant aussi pour l’épaule controlatérale).

Le médecin-conseil de l’assurance-accidents a relevé que ni le bilan radiologique de l’assuré ni le protocole opératoire du chirurgien ne permettaient d’objectiver les signes d’une luxation ; par ailleurs, l’assuré présentait tous les facteurs de risques d’une tendinopathie, et la fixation du statu quo sine une année après l’intervention chirurgicale paraissait correcte.

Par lettre du 19.04.2016, l’assurance-accidents a informé l’assuré qu’elle retenait le 20 avril 2015 comme « date de fin de causalité » entre ses troubles à l’épaule droite et l’accident, laquelle correspondait au dernier versement d’indemnités journalières effectué. Elle renonçait toutefois à demander la restitution des autres prestations (frais de traitements médicaux, frais de transport, médicaments, etc.) déjà versées du 21.04.2015 à ce jour. L’assurance-accidents a confirmé cette prise de position par décision du 05.07.2016, confirmée sur opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 24/17 – 93/2018 – consultable ici)

Se fondant sur le rapport d’expertise, lequel remplissait tous les critères jurisprudentiels en matière de valeur probante, les juges cantonaux ont retenu qu’avant l’événement du 14.12.2013, l’assuré présentait, selon toute vraisemblance, des lésions de la coiffe des rotateurs dégénératives asymptomatiques des deux épaules et que l’accident avait entraîné, au moins possiblement, une aggravation d’une tendinopathie préexistante. A cet égard, une impotence fonctionnelle de l’épaule avait été constatée immédiatement après l’accident et pouvait refléter une lésion surajoutée du tendon sus-épineux, compte tenu de la présence d’un œdème sur son site d’insertion sur le trochiter. Au vu de ce constat, la cour cantonale a considéré que c’était à juste titre que l’assurance-accidents avait pris en charge les suites de l’accident mais qu’au-delà du 20.04.2015, l’origine maladive et dégénérative des troubles présentés par l’assuré était clairement établie.

Par jugement du 14.08.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l’événement litigieux est survenu avant cette date, le droit de l’assuré aux prestations d’assurance est soumis à l’ancien droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015). Les dispositions visées seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2016.

L’art. 6 al. 1 LAA prévoit que les prestations de l’assurance-accidents obligatoire sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident au sens de cette disposition, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique, ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose notamment entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Pour admettre l’existence d’un lien de causalité naturelle, il n’est pas nécessaire que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé; il faut et il suffit que l’événement dommageable, associé éventuellement à d’autres facteurs, ait provoqué l’atteinte à la santé physique ou psychique de l’assuré, c’est-à-dire qu’il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci (ATF 142 V 435 consid. 1 p. 438; 129 V 177 consid. 3.1 p. 181 et les références).

En vertu de l’art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident. Lorsqu’un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l’assurance-accidents d’allouer des prestations cesse si l’accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l’accident. Tel est le cas lorsque l’état de santé de l’intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n’est pas rétabli, l’assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l’état maladif préexistant, dans la mesure où il s’est manifesté à l’occasion de l’accident ou a été aggravé par ce dernier (cf. arrêts 8C_781/2017 du 21 septembre 2018 consid. 5.1, in SVR 2019 UV n° 18 p. 64; 8C_657/2017 du 14 mai 2018 consid. 3.2 et les références, in SVR 2018 UV n° 39 p. 141). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181).

 

Le fait que dans son rapport d’expertise, le médecin-expert ait fait un bref rappel de la pathologie dégénérative de la coiffe des rotateurs et qu’il n’ait pas cité ses sources en se référant à la « théorie de la prédisposition génétique » – laquelle semblait s’imposer par rapport à celle postulant l’usure des tendons de la coiffe des rotateurs résultant principalement de contraintes répétées, exagérées, responsables au cours du temps de micro-déchirures tendineuses – ne remet pas en cause l’objectivité de ses conclusions. On relèvera qu’à l’instar du médecin-expert, le médecin-conseil de l’assurance-accidents a également mentionné l’importance des facteurs biologiques dans l’évolution de la lésion de la coiffe des rotateurs ; l’assuré présentait des lésions tendineuses pratiquement aussi importantes à l’épaule gauche – qui n’avait pas subi de traumatisme – qu’à l’épaule droite.

Le médecin-expert a expliqué qu’une lésion supputée aiguë de la coiffe des rotateurs, une fois réparée chirurgicalement, évoluait favorablement à moins que surgissent des complications, telles qu’un lâchage de suture des tendons supputés lésés puis réparés, un conflit sous-acromial majeur ou une capsulite/arthrofibrose, voire une surinfection, éventuellement une lésion neurologique. Lorsque l’évolution n’était pas bonne en l’absence des complications mentionnées, comme c’était le cas en l’espèce, il fallait penser à une évolution naturelle d’une pathologie dégénérative préexistante. Dans le cas de l’assuré, cette progression ne pouvait pas être niée ; elle pouvait être constatée sur la dernière IRM, l’atteinte touchant désormais, de manière préférentielle, le sous-épineux, lequel montrait déjà des stigmates d’une surcharge chronique (altération micro-kystique sous-chondrale à son site d’insertion sur le trochiter, aspect tendineux hétérogène en zone critique) sur les images IRM de janvier 2014. Désormais, ce tendon montrait une dégénérescence claire en son corps, allant jusqu’à la solution de continuité d’une partie de ses fibres. Une dégénérescence similaire prévalait également sur l’épaule controlatérale. Les autres changements, mineurs (discrète atrophie du sus-épineux, légère progression de l’atrophie avec infiltrats graisseux du sous-scapulaire), observés sur les dernières images de l’épaule droite, rentraient aussi, avec une très haute vraisemblance, dans le cadre de la progression lente de la maladie de la coiffe des rotateurs. En définitive, l’assuré présentait une tendinopathie chronique dégénérative de la coiffe des rotateurs aux deux épaules. Du côté droit, il existait un doute quant à une péjoration aiguë de cette tendinopathie lors de l’événement survenu le 14.12.2013. Cette lésion avait été traitée correctement et ne montrait pas de complication majeure. Habituellement, un délai de 6 à 12 mois était nécessaire pour récupérer d’une telle chirurgie, permettant un retour à un status fonctionnel usuel (statu quo sine). Si l’on prenait encore en considération le bilan orthopédique universitaire réalisé le 15.04.2015, à l’issue duquel les lésions – supputées en lien avec le traumatisme du 14.12.2013 – ne pouvaient pas rendre compte des plaintes résiduelles, il convenait de considérer qu’au-delà de cette date, le cursus de l’épaule droite de l’assuré était manifestement régi par le potentiel évolutif de sa coiffe des rotateurs dégénérative.

Cela étant, l’expert ne laisse planer aucun doute sur un retour au statu quo sine au plus tard le 20.04.2015 en ce qui concerne les troubles au niveau de l’épaule droite. Il en découle que la juridiction cantonale n’a pas violé le droit fédéral en confirmant la suppression du droit de l’assuré aux indemnités journalières ainsi qu’à la prise en charge du traitement médical au 20.04.2015. Le grief tiré de la violation des art. 6 et 36 LAA et de l’art. 9 al. 2 OLAA tombe dès lors à faux.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_650/2018 consultable ici

 

 

8C_253/2019 (f) du 13.11.2019 – Lien de causalité naturelle – Accident de type « coup du lapin », traumatisme analogue ou de TCC sans preuve déficit fonctionnel organique – Durée de latence entre accident et apparition des douleurs dans la région de la nuque ou de la colonne cervicale / Pas d’IPAI pour les décompensations temporaires dues à l’accident

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_253/2019 (f) du 13.11.2019

 

Consultable ici

 

Lien de causalité naturelle – Accident de type « coup du lapin », de traumatisme analogue ou de traumatisme cranio-cérébral sans preuve d’un déficit fonctionnel organique / 6 LAA

Durée de latence entre l’accident et l’apparition des douleurs dans la région de la nuque ou de la colonne cervicale

IPAI / 24 s. LAA – 36 OLAA

Pas d’IPAI lorsque la perte d’une ou de plusieurs dents peut être compensée par des couronnes ou des ponts fixes

Pas d’IPAI pour les décompensations temporaires dues à l’accident

 

Assurée, née en 1981, au bénéfice d’une curatelle de portée générale (après avoir été placée sous tutelle en 2006), a travaillé d’août 2009 à septembre 2010 en tant qu’aide de maison à 75%. Dès le 01.10.2010, elle a perçu des indemnités journalières de l’assurance-chômage.

Le 20.10.2010, vers 5h15, alors qu’elle se trouvait sur la chaussée, l’assurée a été percutée par une voiture roulant entre 60 et 65 km/h. Elle a été héliportée à l’hôpital, où un examen sanguin a révélé une alcoolémie de 2,8 g/L. L’hospitalisation due au polytraumatisme subi a duré jusqu’au 20.01.2011, date de son retour à domicile.

Le traitement à la sortie de l’hôpital a consisté principalement en une médication et des séances d’ergothérapie et de physiothérapie. En raison de la persistance des douleurs et de la nécessité d’une rééducation complémentaire en milieu stationnaire, l’assurée a séjourné à la Clinique romande de réadaptation du 27.03.2012 au 25.04.2012. Sur le plan psychique, elle a dû être hospitalisée en 2011 à la suite de tentatives de suicide, puis en 2015 pour mise à l’abri d’un risque auto-agressif. Les pièces médicales recueillies au dossier ont montré par ailleurs que l’assurée avait fait l’objet d’hospitalisations en milieu psychiatrique antérieures à l’accident du 20.10.2010.

L’assurance-accidents a mis un terme au versement de l’indemnité journalière et à la prise en charge des frais médicaux au 31.08.2016, sous réserve des contrôles médicaux encore nécessaires. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assurée à une rente d’invalidité, compte tenu d’une incapacité de gain due aux lésions somatiques de 4%, soit un taux inférieur aux 10% ouvrant le droit à la prestation en cause. En ce qui concernait les troubles psychiques, elle a retenu que le statu quo sine avait été atteint au 20.06.2016 au plus tard. Enfin, elle a reconnu le droit de l’assurée à une indemnité pour atteinte à l’intégrité fondée sur un taux de 15%.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 101/17-30/2019 – consultable ici)

Se prononçant sur l’étendue des séquelles de l’accident du 20.10.2010, les juges cantonaux ont constaté que seules persistaient des séquelles orthopédiques relativement modérées. Sur le plan psychique, la cour cantonale a retenu que la décompensation – due à l’accident – du trouble de la personnalité préexistant n’était plus observable lors de l’examen du psychiatre-conseil de l’assurance-accidents du 20.06.2016, de sorte que le statu quo sine était atteint à cette date.

Par jugement du 07.03.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Causalité naturelle

En matière de lésions du rachis cervical par accident de type « coup du lapin », de traumatisme analogue ou de traumatisme cranio-cérébral sans preuve d’un déficit fonctionnel organique, l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’accident et l’incapacité de travail ou de gain doit en principe être reconnue en présence d’un tableau clinique typique présentant de multiples plaintes (maux de têtes diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, fatigabilité, troubles de la vue, irritabilité, dépression, modification du caractère, etc.). Il faut cependant que l’existence d’un tel traumatisme et de ses suites soit dûment attestée par des renseignements médicaux fiables (ATF 134 V 109 consid. 9.1 p. 122). Se fondant sur l’expérience médicale selon laquelle les troubles au niveau de la région cervicale apparaissent en principe dans un court laps de temps après l’accident, la jurisprudence prend parfois également en compte une certaine période de latence par rapport à l’apparition des symptômes du tableau clinique, sans toutefois établir une règle stricte quant à la durée au cours de laquelle ceux-ci doivent se manifester. Des durées de latence tels que 11 jours entre l’accident et l’apparition des douleurs dans la région de la nuque ou de la colonne cervicale, respectivement 7 mois ou plus de 5 ans, ont conduit à nier la survenance d’un traumatisme de type « coup du lapin » (FRÉSARD/MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, in Soziale Sicherheit, SBVR vol XIV, 3 e éd. 2016, n. 112 p. 932, et les références citées).

En l’espèce, le spécialiste en neurologie consulté par l’assurée fait état de céphalées quotidiennes et de troubles de la mémoire occasionnels plus de quatre ans après la survenance de l’accident, sans que l’on sache quand ces troubles auraient débuté. En outre, selon ce médecin, les céphalées ont un caractère « tensionnel » et, dans le contexte global, sont plus probablement en relation avec les facteurs psychiques que de nature accidentelle, tout comme les troubles de la mémoire occasionnels. Dans ces conditions, on ne saurait admettre l’existence d’un lien de causalité naturelle entre les céphalées et troubles de la mémoire et l’accident du 20.10.2010, respectivement le traumatisme cranio-cérébral.

Quant aux décompensations psychiques survenues en 2011 et 2014, le psychiatre-conseil de l’assurance-accidents indique que, si elles étaient causées partiellement par les conséquences de l’accident de 2010, une décompensation du trouble de la personnalité préexistant n’était plus observable actuellement. Il conclut que le statu quo sine a été atteint et exclut tout lien de causalité naturelle entre l’accident et les troubles psychiques persistants.

Il s’ensuit qu’en l’absence de lien de causalité naturelle entre l’accident et les troubles allégués par l’assurée (céphalées, troubles de la mémoire et décompensations psychiques), il n’y a pas lieu d’examiner le cas à la lumière des critères jurisprudentiels en matière de causalité adéquate.

 

IPAI

Dans son rapport, le spécialiste en chirurgie et médecin-conseil de l’assurance-accidents a tenu compte du préjudice esthétique dans le calcul du taux de l’atteinte à l’intégrité (« A ces 10%, il convient d’ajouter 5% prenant en compte une légère dérotation et un petit raccourcissement du MIG [membre inférieur gauche] ainsi qu’un certain préjudice esthétique »).

En ce qui concerne les lésions dentaires, l’assurée ne se prévaut d’aucun avis médical pour étayer son droit à une indemnisation. En outre, rien au dossier n’indique qu’elle souffrirait d’une grave atteinte à la capacité de mastiquer, pour laquelle un taux de 25% est reconnu selon l’annexe 3 à l’OLAA. L’assurée ne soutient pas non plus que les conditions d’une indemnisation sur la base de la Table 15 (« Atteinte à l’intégrité en cas de dégâts dentaires dus à un accident ») publiée par la division médicale de la CNA seraient remplies, étant précisé que selon cette table, une indemnité n’est pas due lorsque la perte d’une ou de plusieurs dents peut être compensée par des couronnes ou des ponts fixes.

Quant aux décompensations temporaires dues à l’accident, elles ne peuvent pas non plus justifier l’octroi d’une indemnité dès lors que l’atteinte indemnisée doit être durable, ce qui est le cas lorsqu’il est prévisible que l’atteinte subsistera avec au moins la même gravité pendant toute la vie (art. 36 al. 1, première phrase, OLAA).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_253/2019 consultable ici

 

 

Motion 19.3961 de la Commission des institutions politiques CN « Inclure les mesures de gestion des cas [Case-Management] dans les tâches des organes chargés d’appliquer la loi fédérale sur l’assurance-accidents » – Avis du Conseil fédéral

Motion 19.3961 de la Commission des institutions politiques CN « Inclure les mesures de gestion des cas [Case-Management] dans les tâches des organes chargés d’appliquer la loi fédérale sur l’assurance-accidents » – Avis du Conseil fédéral

 

Motion 19.3961 consultable ici

 

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de soumettre un projet de modification de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l’assurance-accidents (LAA) incluant la prise de mesures de gestion des cas [Case-Management] dans les tâches légales des organes chargés d’appliquer cette loi. La modification introduira également les bases légales nécessaires pour le traitement de données personnelles, y compris les données sensibles et les profils de la personnalité, pour prendre ces mesures. Les traitements seront subordonnés au consentement de la personne concernée, qui devra être donné par écrit, ou par tout autre moyen permettant d’en établir la preuve par un texte. En cas d’adoption de la révision de la loi fédérale sur la protection des données (LPD), il conviendra de prévoir, en lieu et place d’une base légale pour le traitement de profils de la personnalité, une base légale pour faire du profilage au sens de la future LPD.

 

Développement

Les mesures de gestion des cas [Case-Management] ne font pas partie du catalogue des tâches prévues par la LAA. En conséquence, les organes chargés d’appliquer cette loi ne peuvent se prévaloir des bases légales prévues par celle-ci pour le traitement de données personnelles en vue de prendre ces mesures. Seul l’art. 17, al. 1, let. c, LPD alors entre en ligne de compte dans cette hypothèse. Les assureurs-accidents ne peuvent ainsi traiter des données personnelles pour établir des mesures de gestion des cas [Case-Management] que de manière exceptionnelle et seulement après avoir obtenu le consentement de la personne concernée pour un cas d’espèce. Or, ces exigences entravent l’efficacité des mesures précitées et sont de nature à empêcher leur développement ainsi que les bénéfices en découlant, tant pour les assurances que pour les personnes concernées.

Les mesures de gestion des cas [Case-Management] nécessitent le traitement de données sensibles, mais aussi la constitution de profils de la personnalité. La base légale pour le traitement doit ainsi englober ces catégories particulières de données personnelles.

Le projet de révision de la LPD supprime la notion de profil de la personnalité, et introduit celle de profilage. En cas d’adoption du projet de révision, il conviendra d’adapter la base légale dans la LAA, et de remplacer les profils de la personnalité par le profilage.

 

Avis du Conseil fédéral du 27.11.2019

Les mesures de gestion des cas [Case-Management] ne font pas partie du catalogue des tâches ou des prestations prévues par la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l’assurance-accidents (LAA), comme l’auteur de la motion le relève à juste titre dans son développement. Si c’était le cas, toute personne assurée aurait la possibilité de revendiquer de telles mesures et, en cas de litige, d’exiger une décision susceptible de recours. Le surcroît de travail ainsi occasionné pour les assureurs LAA deviendrait moins gérable d’autant que, sur l’ensemble des sinistres, la gestion de cas [Case-Management] n’est que très rarement envisagée en tant que soutien spécifique pour la personne assurée.

De manière générale, il s’agit de déterminer ce que la LAA entend concrètement par la gestion des cas [Case-Management] et les mesures qui s’y rapportent. Il est nécessaire de clarifier cette notion et son contenu avant de légiférer sur le sujet.

Les assureurs LAA engagent des mesures de gestion des cas [Case-Management] devenues nécessaires dans des situations graves ou critiques au niveau du processus de guérison. Le soutien apporté peut être très varié : gestion du traitement dans le cadre du principe de la prestation en nature, aide pour coordonner tous les acteurs impliqués y compris les représentants juridiques de la victime d’un accident, recherche et intermédiation pour des places de réintégration, suivi psychologique sous forme de visites régulières par un gestionnaire de cas. Inscrire la gestion de cas et ses contenus très hétérogènes au nombre des prestations obligatoires des assureurs LAA auxquelles chaque assuré pourrait recourir, irait trop loin et entraînerait une réglementation excessive.

Il faut en outre rappeler qu’en vertu du droit suisse des assurances sociales, la réadaptation est une tâche légale relevant de l’assurance-invalidité et qu’il en va de même pour la réintégration des personnes accidentées. Ainsi, l’art. 19, al. 1, LAA précise que le droit à la rente prend naissance si on ne peut escompter une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. Faire de la gestion de cas [Case-Management], qui est un soutien volontaire à la réintégration proposé par les assureurs LAA, une obligation légale serait contraire au système et créerait un dualisme juridique par rapport à l’assurance-invalidité.

Pour des raisons systémiques, économiques et administratives, il est préférable de ne pas inscrire dans la loi la gestion de cas [Case-Management] comme une tâche obligatoire incombant aux assureurs LAA. En lieu et place, il faut s’en tenir au système actuel selon lequel les assureurs LAA ne peuvent mettre en œuvre des mesures de soutien appropriées en faveur de la victime d’un accident que lorsque la démarche s’avère indiquée au vu de la gravité et de la complexité du cas.

La motion prévoit en outre que le traitement des données en lien avec la gestion des cas [Case-Management] soit subordonné au consentement écrit de la personne concernée ou à toute autre forme permettant d’en garder une trace écrite. La LAA autorise déjà les assureurs-accidents à traiter les données personnelles y compris les données sensibles, à établir le droit aux prestations, à calculer et allouer ces dernières et à les coordonner avec celles d’autres assurances sociales (art. 96, let. b, LAA). Selon le Conseil fédéral, les bases légales actuelles suffisent ainsi pour que les assureurs-accidents effectuent leurs tâches à ce niveau.

Le message concernant la révision totale de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD ; RS 235.1) prévoit déjà d’introduire la nouvelle notion de profilage à l’art. 96, al. 2, du projet LAA (Message concernant la loi fédérale sur la révision totale de la loi fédérale sur la protection des données et sur la modification d’autres lois fédérales, du 15 septembre 2017, FF 2017 6565 s.). La demande formulée à ce propos par l’auteur de la motion est donc satisfaite dans la proposition de révision du Conseil fédéral.

 

Proposition du Conseil fédéral du 27.11.2019

Le Conseil fédéral propose de rejeter la motion.

 

 

Motion 19.3961 de la Commission des institutions politiques CN « Inclure les mesures de gestion des cas [Case-Management] dans les tâches des organes chargés d’appliquer la loi fédérale sur l’assurance-accidents » consultable ici

En allemand : Motion 19.3961 « Aufnehmen von Case-Management-Massnahmen in die Aufgaben der mit der Durchführung des Bundesgesetzes über die Unfallversicherung betrauten Organe »

 

 

8C_809/2018 (f) du 05.11.2019 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Tribunal cantonal s’écartant sans raison valable des DPT retenues par l’assurance-accidents

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_809/2018 (f) du 05.11.2019

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide / 16 LPGA

Tribunal cantonal s’écartant sans raison valable des DPT retenues par l’assurance-accidents

 

Assurée, née en 1963, polisseuse à plein temps et concierge à raison de huit heures par semaine (activité accessoire), a été victime de deux accidents : le 30.05.2008 (lésion subtotale du versant articulaire du tendon du sus-épineux et une fine bursite sous-acromiale épaule droite) et le 15.06.2014 (fracture de la tête radiale gauche et un traumatisme de l’épaule gauche avec une fissuration focale du tendon sus-épineux en regard de son insertion humérale).

L’assureur-accidents a rendu une décision le 13.03.2015, confirmée sur opposition, par laquelle il a alloué à l’assurée une rente d’invalidité de 22% avec effet rétroactif au 01.07.2014.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/960/2018 – consultable ici)

L’assurance-accidents a partiellement acquiescé au recours, considérant que le droit à la rente d’invalidité n’avait – à tort – pas été examiné en tenant compte des séquelles de l’accident du 15.06.2014.

L’assurance-accidents a admis qu’elle devait tenir compte des limitations fonctionnelles résultant des accidents des 30.05.2008 et 15.06.2014, à savoir: pas de port de charges de plus de 5 kg, de travail prolongé ou répétitif avec les bras au-dessus du plan des épaules (horizontale), de travaux nécessitant de la force au niveau des épaules ou avec les membres supérieurs en porte-à-faux de façon prolongée ou répétitive, ou encore exigeant l’utilisation d’outils lourds ou provoquant des vibrations. Elle a de ce fait produit des nouvelles DPT (n° 504571: emballeuse manuelle; n° 362411: collaborateur de production sur machines automatiques; n° 491288: ouvrière de fabrication sur machine; n° 597315: collaborateur de production [ouvrier]; n° 11576: collaborateur de production [soudure Laser]), sur lesquelles elle s’est fondée pour retenir un revenu d’invalide de 57’487 fr. 60. En comparant ce revenu avec un revenu sans invalidité de 82’604 fr. (obtenu par l’addition du revenu principal et accessoire de l’assurée indexé jusqu’en 2016), elle est parvenue à un taux d’invalidité de 30%.

La cour cantonale s’est écartée du revenu d’invalide retenu par l’assureur-accidents. Elle a considéré que la DPT n° 504571 (emballeuse manuelle) n’était pas compatible avec les limitations fonctionnelles de l’assurée, dès lors qu’elle impliquait des travaux répétitifs paraissant nécessiter une position des bras en porte-à-faux, alors que les médecins d’arrondissement avaient souligné l’obligation d’avoir les bras en appui. En outre, les quatre autres DPT concernaient des activités répétitives des bras qui n’étaient pas suffisamment détaillées pour qu’il soit possible de conclure de manière certaine à leur compatibilité avec les limitations fonctionnelles de l’assurée. Aussi a-t-elle considéré ne pas pouvoir se rallier aux DPT sélectionnées par l’assurance-accidents. Les juges cantonaux ont fixé le revenu avec invalidité à 45’596 fr. par année, sur la base de l’ESS et après prise en compte d’un abattement de 20% pour tenir compte des limitations fonctionnelles et de l’âge de l’assurée.

Par jugement du 18.10.2018, admission du recours par le tribunal cantonal, considérant que l’assurée avait droit à une rente d’invalidité de 43% dès le 01.11.2016, et renvoi de la cause à l’assurance-accidents qu’elle statue sur le droit aux prestations pour la période du 01.07.2014 au 31.10.2016.

 

TF

En l’espèce, la décision querellée est basée sur des doutes de la cour cantonale concernant la compatibilité des activités proposées par les DPT avec les limitations fonctionnelles retenues pour l’assurée. La juridiction cantonale relève en effet que le poste d’emballeuse manuelle (DPT n° 504571) « parait » impliquer une position des bras en porte-à-faux et que pour les autres DPT, « on ne peut en tous cas pas exclure que ces activités exigent des mouvements que l’intéressée n’est pas en mesure de réaliser ». Cette argumentation n’est fondée sur aucun élément concret mais sur des apparences et des suppositions. Or, en l’occurrence, on ne saurait voir de position en porte-à-faux des bras dans la fonction d’emballeuse manuelle (DPT n° 504571) où l’activité consiste à placer dans un carton qui défile sur un tapis roulant, un ou plusieurs objets légers, se trouvant à hauteur de table. S’agissant des quatre autres DPT, outre le fait qu’elles n’impliquent pas de port de charges de plus de 5 kg, il ne ressort pas des tâches décrites qu’elles entraîneraient des mouvements que l’intéressée ne serait pas en mesure de réaliser. En effet, la DPT n° 362411 (collaborateur de production sur machines automatiques) est décrite comme le montage de circuits imprimés et de modules électroniques. La DPT n° 491288 (ouvrière de fabrication sur machine) consiste à positionner des petites pièces sur une machine avec presse de 3 à 4 kg maximum, et la DPT n° 597315 (collaborateur de production [ouvrier]) à rectifier et à procéder à la finition de pièces destinées à l’horlogerie ou au domaine médical. Quant à la DPT n° 11576 (collaborateur de production [soudure Laser]), il est indiqué qu’en étant assis à son poste de travail, l’employé charge une soudeuse automatique, ce qui nécessite « un peu de sensibilité dans les doigts » pour poser la pièce à souder – qui pèse quelques grammes – dans le bon sens et « de bons yeux ». Ces activités ne sollicitent pas particulièrement les épaules et n’entraînent pas une position des membres supérieurs en porte-à-faux régulière ou répétitive.

Dans de telles circonstances, la juridiction cantonale s’est écartée sans raison valable des DPT.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, réforme le jugement cantonal en ce sens que l’assurée a droit à une rente d’invalidité de 30% dès le 01.11.2016.

 

 

Arrêt 8C_809/2018 consultable ici