Initiatives cantonales – Exercer un mandat politique en cas de maternité – Procédure de consultation

Initiatives cantonales – Exercer un mandat politique en cas de maternité – Procédure de consultation

 

Avant-projet et rapport explicatif de la Commission des institutions politiques du Conseil des États du 22.08.2022 consultable ici

 

La modification législative a pour but de rendre l’exercice d’un mandat parlementaire davantage compatible avec la maternité. Une députée élue par le peuple ne devrait pas être empêchée d’accomplir son mandat politique en devenant mère.

Selon la loi en vigueur, si une députée participe à une séance du Parlement pendant son congé de maternité, elle perd son droit à l’allocation de maternité, y compris pour son activité professionnelle. La modification de loi sur les allocations pour perte de gain faisant l’objet du présent rapport vise à adapter la disposition concernée afin de corriger cette situation.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 25.08.2022 consultable ici

Avant-projet et rapport explicatif de la Commission des institutions politiques du Conseil des États du 22.08.2022 consultable ici

Projet de modification de la LAPG consultable ici

Initiative cantonale ZG 19.311 « Exercer un mandat politique en cas de maternité. Modification de la législation fédérale » consultable ici

Initiative cantonale BL 20.313 « Participation aux séances parlementaires pendant le congé de maternité » consultable ici

Initiative cantonale LU 20.323 « Femmes politiques en congé maternité » consultable ici

Initiative cantonale BS 21.311 « Exercice du mandat parlementaire pendant le congé de maternité » consultable ici

 

Un congé d’adoption de deux semaines dès le 01.01.2023

Un congé d’adoption de deux semaines dès le 01.01.2023

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 24.08.2022 consultable ici

 

Les personnes qui exercent une activité lucrative et accueillent un enfant de moins de quatre ans en vue de son adoption pourront bénéficier d’un congé de deux semaines financé par le régime des allocations pour perte de gain (APG). Lors de sa séance du 24.08.2022, le Conseil fédéral a approuvé les dispositions d’exécution concernant le congé d’adoption et fixé sa date d’entrée en vigueur au 01.01.2023.

L’allocation d’adoption est destinée aux personnes qui exercent une activité lucrative et accueillent un enfant de moins de quatre ans en vue de son adoption. Le congé d’adoption doit être pris dans le courant de l’année qui suit l’accueil de l’enfant. L’allocation d’adoption se monte à 80% du revenu moyen de l’activité lucrative, mais au plus à 196 francs par jour. Si les deux parents exercent une activité lucrative, ils peuvent se partager librement les deux semaines de congé, mais ils ne peuvent pas prendre le congé en même temps. Par contre, l’adoption de l’enfant du conjoint ou partenaire ne donne pas droit à l’allocation.

 

Une seule caisse compétente pour traiter les dossiers

En Suisse, le nombre d’enfants adoptés avant l’âge de quatre ans est faible. En 2020, on en dénombrait 33. C’est pourquoi les demandes d’allocation d’adoption seront toutes traitées de manière centralisée par la Caisse fédérale de compensation (CFC) et non par les caisses de compensation auxquelles sont affiliés les parents, comme c’est normalement le cas. L’allocation d’adoption devrait générer des coûts supplémentaires annuels d’un peu plus de 100’000 francs.

 

Autres adaptations nécessaires

L’introduction d’un congé d’adoption indemnisé par les APG implique aussi des modifications au niveau du règlement (RAPG). Celles-ci prévoient que l’allocation d’adoption sera calculée sur la base du revenu réalisé juste avant l’accueil de l’enfant en vue de son adoption. L’allocation d’adoption est versée après coup, une fois que le dernier jour de congé d’adoption a été pris. Par ailleurs, l’ordonnance sur les allocations familiales (OAFam) est adaptée afin de garantir le maintien du droit aux allocations familiales durant le congé d’adoption.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 24.08.2022 consultable ici

Modification du RAPG et commentaires des dispositions d’exécution concernant l’allocation d’adoption (version provisoire) consultable ici

 

9C_283/2021 (f) du 07.03.2022 – Allocation pour impotent – 9 LPGA – 42 LAI – 37 RAI / Evaluation de l‘impotence

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_283/2021 (f) du 07.03.2022

 

Consultable ici

 

Allocation pour impotent – 9 LPGA – 42 LAI – 37 RAI

Evaluation de l’impotence – Examen de chaque acte sans prise en compte du temps nécessaire pour celui-ci

Pas impotence si l’accomplissement d’un acte ordinaire de la vie est seulement rendu plus difficile ou ralenti par l’atteinte à la santé

S’épiler, se couper les ongles, se maquiller ou se faire une coiffure particulière seule – Acte « faire sa toilette » non admis

Employer une femme de ménage 2h par semaine ne suffit pas pour admettre le besoin d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie

 

Assurée souffrant d’une hémiparésie spastique droite résiduelle avec plégie de la main et du pied droits, à la suite d’un accident vasculaire cérébral dont elle a été victime à l’âge de quatre ans, au bénéfice d’une rente AI depuis le 01.08.2011 (droit à un quart de rente jusqu’au 30.11.2016 puis à une rente entière).

Demande d’allocation pour impotent et de contribution d’assistance déposée en octobre 2019. Après avoir notamment diligenté une enquête sur l’impotence, l’office AI a rejeté la demande d’allocation pour impotent, par décision du 19.05.2020. En bref, il a considéré que l’assurée présentait un besoin d’aide régulière et importante d’autrui pour un seul acte ordinaire de la vie (manger) et que son état de santé ne nécessitait pas une surveillance personnelle permanente, ni un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie.

Par projet de décision du 16.06.2020, l’administration a ensuite informé l’assurée qu’elle entendait rejeter sa demande de contribution d’assistance.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/318/2021 – consultable ici)

Après avoir entendu la médecin traitante de l’assurée, spécialiste en neurologie, au cours d’une audience d’enquêtes, le tribunal cantonal a rejeté le recours (arrêt du 06.04.2021).

 

TF

Consid. 5.1
Les juges cantonaux n’ont pas violé le droit lorsqu’ils ont examiné son besoin d’aide pour chacun des actes de la vie de manière indépendante, sans tenir compte de l’amenuisement de ses ressources découlant du fait qu’elle doit accomplir, cumulativement, d’autres actes du quotidien au cours de la même période. Selon la jurisprudence constante, lorsqu’il s’agit d’évaluer l’impotence, il convient d’examiner pour chaque acte si la personne a les capacités de l’accomplir, le temps nécessaire pour celui-ci ne jouant pas de rôle déterminant (cf. arrêts 9C_360/2014 du 14 octobre 2014 consid. 4.4; I 25/85 du 11 juin 1985 consid. 2b, in RCC 1986 p. 509; ATF 107 V 145). A cet égard, quoi qu’en dise l’assurée, si la neurologue traitant a mis en évidence que la surcharge de la gestion du déficit au quotidien avait une incidence sur son état de santé (épuisement physique et moral), elle n’a pas fait état concrètement d’une incapacité à accomplir les actes ordinaires de la vie.

Consid. 5.2.1
En ce qui concerne d’abord le besoin d’aide régulière et importante pour accomplir les actes ordinaires de la vie, s’il ressort certes des constatations cantonales que l’assurée a besoin de beaucoup plus de temps et d’énergie qu’une personne valide, notamment, pour se vêtir et se dévêtir, assurer son hygiène personnelle et se laver les cheveux, ou encore pour se déplacer, on rappellera, à la suite des juges cantonaux, qu’il n’y a pas impotence lorsque l’accomplissement d’un acte ordinaire de la vie est seulement rendu plus difficile ou ralenti par l’atteinte à la santé (arrêt 9C_360/2014 précité consid. 4.4 et la référence). Pour cette raison, l’assurée ne saurait pas non plus être suivie lorsqu’elle reproche aux juges cantonaux de ne pas avoir tenu compte des déclarations de la neurologue traitant, selon lesquelles l’acte ordinaire de la vie « se lever/s’asseoir/se coucher » lui demandait des efforts et du temps.

Consid. 5.2.2
Le fait que l’assurée ne peut pas s’épiler, se couper les ongles, se maquiller ou se faire une coiffure particulière seule ne permet ensuite pas d’admettre qu’elle ne peut pas accomplir l’acte ordinaire de la vie « faire sa toilette » sans recourir à l’aide d’autrui de façon permanente. Il s’agit en effet d’actes qui ne doivent pas être assumés quotidiennement et qui ne requièrent dès lors pas une aide régulière (cf. arrêt 9C_562/2016 du 13 janvier 2017 consid. 5.3 et 6.2; 8C_912/2008 du 5 mars 2009 consid. 10.2). Le soin des ongles va au demeurant au-delà de l’acte ordinaire quotidien « faire sa toilette », par lequel on entend se laver, se coiffer, se raser, prendre un bain ou se doucher et n’est donc pas couvert par l’allocation pour impotent (ATF 147 V 35 consid. 9.2.3), comme l’ont dûment expliqué les juges cantonaux.

Un besoin d’aide régulière pour accomplir l’acte « se déplacer à l’intérieur ou à l’extérieur et établir des contacts sociaux » ne saurait non plus être admis. A cet égard, il ressort des constatations cantonales que l’assurée se déplace elle-même dans son logement et à l’extérieur, qu’elle utilise sa voiture ou les transports publics et qu’elle entretient des contacts avec ses amis et sa famille. En ce qu’elle se limite à affirmer qu’elle privilégie les transports en voiture aux transports en commun, car trop fatigants et risqués pour elle, l’assurée n’établit pas que ces constatations seraient arbitraires ou autrement contraires au droit. Quant à la nécessité de l’aide pour entretenir des contacts, afin de prévenir le risque d’isolement durable (notamment pour les personnes psychiquement handicapées), elle ne doit être prise en compte qu’au titre de l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie, mais non de la fonction partielle « entretenir des contacts sociaux » (arrêt 9C_639/2015 du 14 juin 2016 consid. 4.1).

Pour le surplus, l’assurée ne conteste pas les constatations cantonales selon lesquelles elle parvient à accomplir l’acte ordinaire de la vie « aller aux toilettes ». Partant, c’est à bon droit que les juges cantonaux ont considéré que seule une impotence partielle pour l’un des aspects de l’acte de la vie quotidienne « manger » pouvait être admise.

Consid. 5.3
L’argumentation de l’assurée, selon laquelle elle « nécessite l’intervention de tiers sur une base quotidienne, et en particulier en ce qui concerne la tenue de son ménage qu’elle confie 2 heures par semaine à une employée de maison », et présente donc un besoin d’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie, n’est pas non plus fondée, pour les raisons qui suivent.

Consid. 5.3.1
En ce qu’elle se contente d’abord d’indiquer, en se référant à l’avis de la neurologue traitant, que la gestion de ses déficits du matin au soir lui laisse peu de temps pour entretenir des contacts sociaux, qu’elle n’a pas d’amis proches et qu’elle est désocialisée, l’assurée oppose sa propre appréciation de la situation à celle des juges cantonaux, sans dire en quoi ceux-ci auraient administré et apprécié les preuves, puis établi les faits déterminants de manière arbitraire (cf. art. 97 al. 1 LTF). En particulier, elle n’expose pas en quoi les constatations de l’instance précédente seraient manifestement erronées, en tant qu’elle a admis qu’elle vivait de manière indépendante, dans son propre logement depuis 2016, sans l’accompagnement d’une tierce personne. Du rapport d’enquête sur l’impotence, dont le contenu n’a pas été contesté par l’assurée devant la juridiction cantonale, il ressort en effet que l’intéressée n’a pas besoin d’aide pour entretenir des contacts sociaux, qu’elle voit régulièrement sa famille, qu’elle est active sur les réseaux sociaux, qu’elle prend tous les matins une partie de son temps pour entretenir un blog et qu’elle gère seule sa vie quotidienne, notamment ses rendez-vous de médecins et ses courses légères.

Consid. 5.3.2
Si l’assurée a certes recours à l’aide de tiers, notamment à une fiduciaire et à PROCAP pour la gestion de son administration, on ne saurait reprocher aux juges cantonaux d’avoir admis qu’il s’agit d’une aide ponctuelle pour la gestion de certains dossiers et non quotidienne pour l’ensemble de ses affaires administratives. Selon l’infirmière ayant effectué l’enquête sur l’impotence, l’assurée dispose en effet de toutes les compétences intellectuelles pour la gestion de son administration et l’aide ne concerne qu’un temps mensuel pour les factures et les courriers. L’aide apportée par certains voisins notamment pour monter des courses à l’appartement de l’assurée apparaît en outre à l’évidence comme ponctuelle et ne permet pas non plus de considérer que l’assurée serait « tributaire de nombreux tiers au quotidien », comme elle le prétend.

Consid. 5.3.3
Quant au fait que l’assurée emploie une femme de ménage à raison de deux heures par semaine, il ne suffit pas non plus pour admettre le besoin d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie selon la jurisprudence relative à l’art. 38 RAI (cf. arrêt 9C_131/2019 du 16 août 2019 consid. 4 et 6.1). Outre qu’il ressort des constatations cantonales, fondées sur le rapport d’enquête, que la tenue du ménage est principalement faite par l’assurée, qui s’est équipée de matériel facile d’utilisation, l’enquêtrice n’a pas retenu concrètement la nécessité d’un accompagnement durable avec la tenue du ménage. Elle a en effet répondu « non » à la question de savoir si l’assurée avait besoin de prestations d’aide permettant de vivre de manière indépendante, tout en expliquant clairement que l’assurée pouvait entretenir son appartement en faisant tous les jours un peu de ménage et que l’aide dont elle avait besoin pour les grands nettoyages en profondeur pouvait être de deux heures toutes les deux semaines. Le point de vue de l’enquêtrice n’est pas contredit par la neurologue traitant, qui a exposé que la gestion du ménage prenait énormément de temps à sa patiente et était source d’augmentation de la douleur et de la fatigue, sans indiquer que l’intéressée aurait besoin d’un accompagnement pour tenir son ménage sous l’angle médical.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_283/2021 consultable ici

 

4A_426/2021 (f) du 15.02.2022 – Contrat d’assurance de protection juridique – For – Compétence à raison du lieu – 32 al. 1 CPC / Conditions générales d’assurance contenant expressément une clause sur le for de l’action du consommateur

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_426/2021 (f) du 15.02.2022

 

Consultable ici

 

Contrat d’assurance de protection juridique – For – Compétence à raison du lieu / 32 al. 1 CPC

Conditions générales d’assurance contenant expressément une clause sur le for de l’action du consommateur

Question de savoir si l’agence régional de l’assureur constitue un établissement restée indécise

 

A.__ est domicilié dans le canton de Vaud. B.__ SA (ci-après: B.__) a pour but l’exploitation d’une assurance de protection juridique. Son siège est dans le canton de Zurich. B.__ est une société du Groupe X.__.

A.__ (ci-après: l’assuré) et B.__ sont liés par un contrat d’assurance de protection juridique combinée. L’assuré a également souscrit au supplément de protection juridique pour immeuble, avec une somme garantie s’élevant à 100’000 fr. Le contrat d’assurance a été conclu le 15.12.2016 auprès de C.__ (ci-après: l’Agence), à Genève. Il a été signé par l’assuré et B.__ et renvoie aux conditions générales de l’assurance de protection juridique.

Le 10.05.2018, l’assuré a informé B.__ de l’existence d’un litige survenu avec le bureau d’architecte D.__ SA et l’entreprise de gypserie-peinture E.__ SA, mandatés dans le cadre d’un projet de rénovation de sa villa. Il a sollicité une couverture d’assurance de protection juridique, laquelle a été refusée par B.__.

 

Procédures cantonales

Après une tentative infructueuse de conciliation, l’assuré a saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève. Dans sa réponse, B.__ a conclu, préalablement, à ce que le tribunal déclare la demande irrecevable faute de compétence à raison du lieu. Statuant le 11.11.2020, le tribunal a accueilli l’exception d’incompétence et a déclaré la demande irrecevable.

Par arrêt du 29.06.2021 (arrêt ACJC/853/2021), la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l’appel formé par l’assuré et a confirmé le jugement attaqué. Elle a relevé que l’Agence ne constituait pas un établissement de B.__ au sens de l’art. 12 CPC. Par ailleurs, le contrat signé entre les parties renvoyait aux conditions générales de l’assurance de protection juridique, lesquelles prévoyaient au point D1 que les plaintes du preneur d’assurance contre B.__ devaient être déposées au domicile suisse de celui-ci, in casu dans le canton de Vaud, ou au siège de B.__ à…. Ces conditions générales étaient conformes au texte de l’art. 32 CPC, applicable en l’espèce.

 

TF

Consid. 3
Le recourant dénonce une violation de l’art. 12 CPC, dans la mesure où la cour cantonale a nié l’application du for de l’établissement ou de la succursale prévu par cette disposition. Il soutient que l’Agence constitue un établissement de B.__ à Genève. Il fait également valoir, en se fondant sur l’art. 32 CPC, que le for de l’art. 12 CPC est partiellement impératif et que la limitation du for au domicile du preneur d’assurance, en l’occurrence dans le canton de Vaud, ou au siège de B.__, telle que prévue par les conditions générales, n’est pas valable.

Il n’y a pas besoin d’examiner si B.__ dispose d’un établissement au sens de l’art. 12 CPC à Genève, dès lors que le for de cette disposition n’est pas applicable en l’espèce, pour les motifs qui suivent.

Consid. 3.1.1
En vertu de l’art. 17 al. 1 CPC, sauf disposition contraire de la loi, les parties peuvent convenir d’un for pour le règlement d’un différend présent ou à venir résultant d’un rapport de droit déterminé; sauf disposition conventionnelle contraire, l’action ne peut être intentée que devant le for élu.

Consid. 3.1.2
En cas de litige concernant un contrat conclu avec un consommateur, comme en l’espèce, l’art. 32 al. 1 CPC prévoit que le for est celui du domicile ou du siège de l’une des parties lorsque l’action est intentée par le consommateur (let. a), ou celui du domicile du défendeur lorsque l’action est intentée par le fournisseur (let. b).

Le législateur fédéral a rangé cette disposition dans la catégorie des fors partiellement impératifs, instituée par l’art. 35 CPC. Ces derniers découlent du concept de procès civil à caractère social et visent à assurer la protection de la partie dite faible au contrat, tel que le consommateur (art. 35 al. 1 let. a CPC). L’art. 35 al. 1 CPC interdit ainsi à ces parties de renoncer à l’avance ou par acceptation tacite aux fors spéciaux prévus aux art. 32 à 34 CPC (cf. ATF 137 III 311 consid. 4.1.1 et les références citées).

Consid. 3.1.3
Selon l’art. 12 CPC, le tribunal du domicile ou du siège du défendeur ou du lieu où il a son établissement ou sa succursale est compétent pour statuer sur les actions découlant des activités commerciales ou professionnelles d’un établissement ou d’une succursale.

De telles actions peuvent être introduites, en matière de droit des contrats, aux fors spéciaux prévus par les art. 31 à 34 CPC et au for de l’établissement ou d’une succursale de l’art. 12 CPC (for alternatif; cf. ATF 129 III 31 consid. 3.2 concernant une action fondée sur le droit du travail).

La loi ne prévoit pas que le for institué par l’art. 12 CPC serait partiellement impératif, ou impératif (cf. art. 9 CPC). Il doit ainsi être considéré comme un for dispositif (cf. DOMINIK INFANGER, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3e éd. 2017, n° 2 ad art. 12 CPC; FELLER/BLOCH, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3e éd. 2016, no 2 ad art. 12 CPC; IVO SCHWANDER, in ZPO Schweizerische Zivilprozessordnung, 2e éd. 2016, n° 2 ad art. 12 CPC; BERNHARD BERGER, in Berner Kommentar, 2012, no 4 ad art. 12 CPC; FRANZ SCHENKER, in Schweizerische Zivilprozessordnung [ZPO], Baker & McKenzie [éd.], 2010, n° 3 ad art. 12 CPC; voir également FABIENNE HOHL, Procédure civile, t. II, 2e éd. 2010, n° 164 p. 48). L’art. 12 CPC n’est donc pas réservé par l’art. 17 al. 1 in initio CPC, de sorte que les parties peuvent convenir librement d’un autre for (cf. art. 17 et 18 CPC).

Consid. 3.2
En l’espèce, la cour cantonale retient que les conditions générales auxquelles renvoie le contrat signé par les parties contiennent expressément une clause sur le for de l’action du consommateur. La cour cantonale relève que cette clause prévoit que les plaintes du preneur d’assurance contre B.__ doivent être déposées à son domicile suisse ou au siège de B.__ à…, ce qui est conforme au texte de l’art. 32 al. 1 let. a CPC.

Tel est bien le cas. On doit toutefois également considérer que cette clause limite les fors de l’action du consommateur à ceux prévus par l’art. 32 al. 1 let. a CPC uniquement. Elle ne prévoit pas le for de la succursale ou de l’établissement, de sorte que le for dispositif de l’art. 12 CPC est exclu, et l’action ne peut y être intentée (cf. art. 17 al. 1, 2ème phrase, CPC).

Contrairement à ce que soutient le recourant, le fait que le for au domicile ou au siège du défendeur est partiellement impératif lorsque l’action est intentée par le consommateur (art. 32 al. 1 let. a CPC en lien avec l’art. 35 al. 1 let. a CPC) n’a pas pour effet de rendre également partiellement impératif le for du lieu de la succursale ou de l’établissement (art. 12 CPC). Les deux références doctrinales auxquelles il renvoie n’appuient pas cette thèse. PATRICIA DIETSCHY-MARTENET relève d’ailleurs expressément que le for de l’art. 12 CPC est dispositif (in Code de procédure civile, Petit commentaire, Chabloz et al. [éd.], 2021, n° 2 ad art. 12 CPC). Le recourant n’élève pas d’autres critiques à l’encontre de cette clause d’élection de for.

B.__ a excipé de l’incompétence du tribunal saisi (cf. art. 18 CPC) en se fondant sur cette clause. Ainsi, la cour cantonale n’a pas violé le droit fédéral en retenant que ce tribunal était incompétent à raison du lieu.

Dans ces conditions, la question de savoir si l’Agence constitue un établissement de B.__ au sens de l’art. 12 CPC peut rester indécise. Les arguments du recourant à cet égard n’ont donc pas à être analysés.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

Arrêt 4A_426/2021 consultable ici

 

Enquête suisse sur la structure des salaires : Publication des tableaux TA1_skill-level, T1_skill-level et T17 de l’ESS 2020

Enquête suisse sur la structure des salaires : Publication des tableaux TA1_skill-level, T1_skill-level et T17 de l’ESS 2020

 

 

L’Office fédéral de la statistique a publié le 23.08.2022 les tableaux TA1_skill-level, T1_skill-level et T17 de l’ESS 2020.

Le salaire médian standardisé (40h/sem.) d’un homme, avec le niveau de compétences 1 (tâches physiques ou manuelles simples) est de 5’261 fr. en 2020, contre 5’417 fr. pour l’ESS 2018.

Le salaire médian standardisé (40h/sem.) d’une femme, avec le niveau de compétences 1 (tâches physiques ou manuelles simples) est de 4’276 fr. en 2020, contre 4’371 fr. pour l’ESS 2018.

L’utilisation des statistiques les plus récentes a donc un impact non négligeable sur le sort des rentes d’invalidité des personnes assurées.

 

Vous trouverez les nouveaux tableaux sur le site de l’OFS :

 

La section « Liens utiles – Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) – Horaire hebdomadaire – Evolution des salaires » du site, contenant tous les tableaux utiles, a également été mise à jour.

 

 

9C_61/2021 (f) du 01.03.2022 – Personne assurée exerçant différentes activités à temps partiel et obligatoirement affilié à plusieurs institutions de prévoyance / Rente d’invalidité LPP et examen des différents rapports de travail

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_61/2021 (f) du 01.03.2022

 

Consultable ici

Cf. également demande de révision 9F_4/2022, 9F_5/2022

 

Personne assurée exerçant différentes activités à temps partiel et obligatoirement affilié à plusieurs institutions de prévoyance / Rente d’invalidité LPP et examen des différents rapports de travail

Aggravation de l’état de santé et augmentation de l’invalidité à un moment où l’assuré n’est plus affilié à l’IP / 23 LPP

 

Assuré ayant exercé différentes activités professionnelles à temps partiel, notamment pour le compte de l’Ecole-Club B.__ (ci-après: l’Ecole-Club) à compter du 01.02.2012 et de l’institut C.__ Sàrl dès le 01.09.2012. Dans le cadre de ces emplois, il a été affilié depuis le 01.01.2013 pour la prévoyance professionnelle respectivement auprès de la Caisse de pensions Migros (ci-après: la CPM ou la Caisse de pensions) et de la Caisse Inter-Entreprises de Prévoyance Professionnelle (ci-après: la CIEPP). L’assuré a également travaillé en tant qu’avocat collaborateur à 60% auprès d’une étude d’avocats, du 01.02.2013 au 31.07.2013. A ce titre, il a été assuré pour la prévoyance professionnelle auprès d’AXA Fondation LPP Suisse romande, Winterthur (ci-après: AXA), à compter du 01.02.2013.

Depuis le 01.12.2014, l’assuré a bénéficié d’une rente de l’assurance-invalidité (d’abord une demi-rente, puis trois quarts de rente dès le 01.04.2017 et une rente entière à compter du 01.10.2018; décisions de l’office AI des 08.01.2016, 26.06.2018 et 18.01.2019). L’assuré a également perçu une rente entière d’invalidité de la prévoyance professionnelle d’AXA, dès le 01.04.2015 (d’un montant de 42’120 fr. par an), et de la CIEPP, depuis le 01.10.2018 (d’un montant de 34’848 fr. par an).

Entre-temps, le 21.03.2016, la CPM a refusé d’allouer des prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle à l’assuré, au motif que son atteinte à la santé n’influençait pas son activité auprès de l’Ecole-Club. Après que la Caisse de pensions a réitéré son refus de prestations le 04.09.2018, l’assuré a ouvert action, concluant à l’octroi d’une demi-rente d’invalidité du 01.12.2014 au 31.03.2017, puis d’une rente entière à compter du 01.04.2017, et à ce que le revenu assuré déterminant pour le calcul des prestations s’élève à 42’207 fr. 15. Par arrêt du 18.12.2018 (cause A/3049/2018), la juridiction cantonale a pris acte du retrait de la demande en paiement et rayé la cause du rôle. Les 29.01.2019 et 18.02.2019, l’assuré s’est à nouveau adressé à la CPM afin de solliciter le versement d’une rente entière d’invalidité depuis octobre 2018. Le 14.03.2019, la Caisse de pensions a nié toute obligation de prester, en expliquant que l’activité de l’intéressé auprès de l’Ecole-Club était devenue accessoire depuis le 01.01.2015.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1186/2020 – consultable ici)

Le 18.04.2019, l’assuré a ouvert action contre la Caisse de pensions devant le tribunal cantonal compétent.

La juridiction cantonale a d’abord constaté que A.__ avait été affilié à titre obligatoire auprès de la Caisse de pensions, à tout le moins du 01.01.2013 au 31.12.2014; pour les années suivantes, l’activité exercée auprès de l’Ecole-Club avait été de nature accessoire, de sorte qu’il n’était pas affilié à titre obligatoire, ni facultatif du reste, auprès de la Caisse de pensions à partir du 01.01.2015. Elle a ensuite retenu que l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité ayant fondé le droit de l’assuré à une rente de l’assurance-invalidité était survenue le 01.04.2013. Cette date était déterminante pour l’examen du droit aux prestations de la prévoyance professionnelle, dès lors que l’art. 29 al. 1 et 3 du règlement de prévoyance de la CPM reprenait la définition de l’invalidité de l’assurance-invalidité et qu’il n’était pas insoutenable, pour l’office AI, d’avoir retenu que la cause de l’incapacité de travail (à savoir un début de sclérose en plaques avec les troubles qui l’ont accompagné) était survenue le 01.04.2013. Après avoir admis que la double condition de la connexité matérielle et temporelle était remplie, et compte tenu du fait que l’assuré avait présenté un taux d’invalidité supérieur à 70% depuis le second semestre 2018, les juges cantonaux ont considéré que la CPM était en principe tenue de lui verser une rente entière d’invalidité dès le 01.02.2019, sous réserve d’une surindemnisation. Ils ont ensuite fixé le montant annuel de cette rente à 20’524 fr., en se fondant sur le salaire assuré au 01.01.2014 de 41’602 fr., conformément aux certificats de prévoyance de l’intimé (art. 18 al. 3 OPP 2 en relation avec l’art. 24 LPP). La juridiction de première instance a encore examiné s’il y avait surindemnisation pour l’année 2019, ce qu’elle a nié. Elle a finalement fixé le taux d’intérêt moratoire sur les rentes échues à 5%, faute de disposition réglementaire sur ce point, à partir du 23.04.2019. En conséquence, elle a admis la demande de l’assuré.

 

TF

Consid. 5.2
L’arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment à l’assurance obligatoire des salariés (art. 2 et 7 LPP) et aux catégories de salariés non soumises à l’assurance obligatoire (art. 1j OPP 2 en relation avec l’art. 2 al. 4 LPP), au droit à des prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire (art. 23 LPP) et à la notion de survenance de l’incapacité de travail, en relation avec la double condition de la connexité matérielle et temporelle nécessaire pour fonder l’obligation de prester d’une institution de prévoyance (ATF 135 V 13 consid. 2.6; 134 V 20 consid. 3.2.1 et 5.3 et les références), ainsi qu’aux conditions dans lesquelles les décisions de l’assurance-invalidité lient l’institution de prévoyance compétente (ATF 144 V 72 consid. 4.1; 138 V 409 consid. 3.1 et les arrêts cités). Il rappelle également les règles applicables à l’obligation de verser des prestations d’invalidité lorsque l’assuré exerce plusieurs activités lucratives à temps partiel et est obligatoirement affilié à plusieurs institutions de prévoyance (ATF 144 V 72 consid. 5.3.4; 136 V 390 consid. 3 et 4; 129 V 132 consid. 4.3.3), ainsi qu’au calcul de ces prestations (art. 24 LPP et 18 OPP 2) et à la possibilité, pour l’institution de prévoyance, de réduire ses prestations afin d’éviter une surindemnisation de l’assuré (art. 34a LPP, art. 24 OPP 2). Il suffit d’y renvoyer.

 

Consid. 7.1
Conformément à l’art. 23 al. 1 LPP, ont droit à des prestations d’invalidité les personnes qui sont invalides à raison de 40% au moins au sens de l’AI, et qui étaient assurées lorsqu’est survenue l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité. Certes, comme le fait valoir l’assuré, la qualité d’assuré doit exister au moment de la survenance de l’incapacité de travail, mais pas nécessairement lors de l’apparition ou de l’aggravation de l’invalidité. Cette interprétation littérale est conforme au sens et au but de l’art. 23 LPP, lequel vise à faire bénéficier de l’assurance le salarié qui, après une maladie d’une certaine durée, devient invalide alors qu’il n’est plus partie à un contrat de travail (ATF 138 V 227 consid. 5.1; 136 V 65 consid. 3.1; 123 V 262 consid. 1a). Cela étant, on rappellera également que lorsqu’un assuré est obligatoirement affilié à plusieurs institutions de prévoyance sur la base de différentes activités à temps partiel et qu’il doit quitter un de ses emplois en raison d’une invalidité, seule la caisse de pensions de l’employeur avec lequel le rapport de travail s’est terminé à cause des empêchements rencontrés doit s’acquitter d’une rente entière d’invalidité, calculée sur le salaire perçu dans l’activité partielle abandonnée, les autres institutions de prévoyance n’ayant en revanche pas l’obligation de verser des prestations (ATF 136 V 390 consid. 3 et 4).

Dans l’ATF 129 V 132 consid. 4.3.3, le Tribunal fédéral a jugé que lorsqu’un assuré devient invalide à 50% et abandonne pour cette raison l’un de ses emplois, conservant l’autre au même taux que précédemment, l’institution de prévoyance de l’employeur restant peut être tenue à prestations en cas d’augmentation ultérieure de l’incapacité de travail pour les mêmes raisons de santé lorsque cette augmentation survient à un moment où l’intéressé est assuré auprès d’elle (et a une incidence sur les rapports de travail avec l’employeur concerné). Il résulte de cet arrêt que l’institution de prévoyance libérée de l’obligation de verser des prestations d’invalidité parce que l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité n’avait pas eu d’incidence sur les rapports de travail concernés, ne peut être tenue de verser des prestations, en cas d’aggravation ultérieure de l’invalidité pour les mêmes raisons de santé, qu’à la condition que la personne soit toujours assurée au moment où l’incapacité de travail alors déterminante – à savoir, l’augmentation de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’aggravation de l’invalidité – est survenue. Par conséquent, en tant que la juridiction cantonale a retenu qu’il importait peu que l’incapacité de travail de l’intimé se fût ou non manifestée de manière défavorable dans le cadre des rapports de travail avec l’Ecole-Club, son raisonnement ne saurait être suivi.

Consid. 7.2
En l’espèce, selon les constatations cantonales, non contestées par les parties, l’assuré a été affilié à titre obligatoire auprès de la Caisse de pensions du 01.01.2013 au 31.12.2014, mais non plus postérieurement à cette date. De plus, l’aggravation de son état de santé, qui trouve sa cause dans la sclérose en plaques ayant occasionné une incapacité de travail en avril 2013, est survenue en 2018, soit à un moment où il n’était plus assuré auprès de la CPM. Dans ces circonstances, une obligation de prester de la CPM ne pourrait être reconnue que si l’incapacité de travail initiale avait eu une incidence sur l’emploi exercé par l’assuré pour le compte de l’Ecole-Club et pour lequel il était assuré auprès de la Caisse de pensions, conformément à l’art. 23 let. a LPP. A cet égard, l’assuré soutient que tel est le cas, puisqu’il aurait présenté une claire diminution de rendement dans l’activité déployée pour l’Ecole-Club, dès le début de sa maladie en avril 2013, à tel point que la CMP aurait, selon lui, été tenue de lui verser une rente d’invalidité de 50% dès la reconnaissance de son droit à une demi-rente d’invalidité de l’assurance-invalidité par décision du 08.01.2016.

L’argumentation de l’assuré ne peut pas être suivie. S’il a certes présenté des incapacités de travail pendant la période d’emploi pour le compte de l’Ecole-Club durant laquelle il était affilié auprès de la Caisse de pensions, celles-ci ont cependant été peu nombreuses, courtes et isolées (à savoir à 100% du 11.02.2013 au 15.02.2013, du 26.03.2013 au 04.04.2013 et du 30.05.2013 au 02.06.2013 et 100% du 09.07.2014 au 20.07.2014 et du 08.08.2014 au 20.08.2014). A cet égard, l’assuré se limite à indiquer que le dossier instruit par la juridiction cantonale démontre une diminution de sa capacité fonctionnelle et de rendement dans l’activité qu’il exerçait pour le compte de l’Ecole-Club, et à déduire de la modification de son contrat de travail avec cet employeur, le 23.11.2016, qu’il n’effectuait désormais plus de tâches d’enseignement, mais uniquement des tâches administratives. Ce faisant, il ne démontre pas qu’il aurait présenté une incapacité de travail durable dans le cadre de son emploi pour l’Ecole-Club dès le début de sa maladie en 2013, soit pendant la période d’affiliation auprès de la CPM. Si le fait qu’une personne réduise son taux d’activité peut, suivant les circonstances, constituer un indice important, en faveur d’une incapacité de travail au sens de l’art. 23 LPP, cette réduction du taux d’occupation doit être due à des raisons de santé et ne suffit pas, à elle seule, pour démontrer une diminution de la capacité de rendement. Cela vaut en particulier lorsqu’il existe des raisons concurrentes, telles que le souhait de disposer de davantage de temps pour certaines autres activités ou pour une formation continue (arrêts 9C_420/2015 du 26 janvier 2016 consid. 4.2.2; 9C_394/2012 du 18 juillet 2012 consid. 3.1.2 et les arrêts cités).

Or en l’espèce, outre qu’il ressort des constatations cantonales, non contestées par l’assuré, que la diminution du taux d’occupation pour l’Ecole-Club s’accompagne notamment d’une augmentation du taux d’occupation pour l’institut C.__, ainsi que du suivi d’une formation (LLM suivi à l’Université D.__ entre août 2013 et le printemps 2014), aucun des médecins consultés n’a fait état d’une incapacité de travail durable dans l’activité exercée pour le compte de l’Ecole-Club en 2013 ou 2014. Dans ce contexte, la juridiction cantonale a retenu que l’incapacité de travail dès avril 2013 avait été attestée « en temps réel » et s’était manifestée de manière défavorable dans le cadre des rapports de travail avec l’étude d’avocats; une constatation semblable en ce qui concerne les rapports de travail avec l’Ecole-Club fait défaut. Par ailleurs, l’assuré a présenté une capacité de travail correspondant en tout cas à la capacité de travail résiduelle de 50% dès le 01.04.2013 (puis de 40% dès janvier 2017) dans une activité adaptée, telle que celle de formateur pour l’Ecole-Club et l’institut C.__, retenue par les organes de l’assurance-invalidité.

Consid. 7.3
En définitive, dès lors que l’assuré n’a pas subi d’incapacité de travail déterminante dans son emploi pour le compte de l’Ecole-Club pendant la durée de son affiliation auprès de la Caisse de pensions au sens de l’art. 23 let. a LPP à la suite de l’atteinte à la santé qui s’est manifestée en 2013, la CPM ne saurait être tenue de prendre en charge l’aggravation de l’invalidité intervenue en 2018, soit à un moment où l’assuré ne lui était plus affilié. Aussi, la juridiction cantonale n’était-elle pas en droit de reconnaître l’obligation de la CPM de verser à l’assuré une rente de la prévoyance professionnelle dès le 01.02.2019, en lien avec l’aggravation de l’invalidité ultérieure. Le recours est bien fondé.

 

Le TF admet le recours de la Caisse de pensions.

 

Arrêt 9C_61/2021 consultable ici

Cf. également demande de révision 9F_4/2022, 9F_5/2022

 

8C_45/2022 (f) du 03.08.2022 – Révision de la rente d’invalidité – 16 LPGA – 22 LAA / Evolution du revenu sans invalidité – Possibilités théoriques de développement professionnel ou d’avancement niées

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_45/2022 (f) du 03.08.2022

 

Consultable ici

 

Révision de la rente d’invalidité / 16 LPGA – 22 LAA

Evolution du revenu sans invalidité – Possibilités théoriques de développement professionnel ou d’avancement niées

 

A.__, né en 1963, travaillait depuis 2002 pour l’entreprise C.__ SA en tant que maçon. Le 13.12.2007, il a chuté d’une échelle d’une hauteur de trois à quatre mètres sur son lieu de travail et s’est blessé à la cheville gauche. Après avoir repris le travail à titre occupationnel en avril 2010, il a été licencié par son employeur pour le 31.07.2010, dès lors que son état de santé ne lui permettait pas de reprendre son poste habituel.

Par décision du 21.05.2012, l’assurance-accidents lui a accordé une IPAI sur la base d’un taux de 15% ainsi qu’une rente d’invalidité fondée sur un taux de 20%, après comparaison entre le gain mensuel réalisable en 2012 sans accident auprès de l’ancien employeur, soit 5765 fr. (13e salaire inclus), et le salaire mensuel moyen réalisable dans un poste adapté, soit 4635 fr. (13e salaire inclus). Avec l’aide du service de placement de l’office de l’assurance-invalidité, l’assuré a trouvé par la suite un emploi adapté de chauffeur à plein temps auprès de l’entreprise D.__ SA dès le 01.09.2013 pour un salaire mensuel de 4650 fr. (versé 13 fois l’an).

Le 29.08.2018, l’assurance-accidents a mis en œuvre une procédure de révision d’office de la rente. Selon les informations obtenues de D.__ SA, l’assuré a perçu en 2018 un salaire annuel brut de 62’075 fr. (4775 fr. par mois, 13 fois l’an). L’ancien employeur C.__ SA a attesté que sans atteinte à la santé, l’assuré aurait gagné en 2018 un salaire annuel brut de 69’810 fr. (5370 fr. par mois, 13 fois l’an) s’il était resté à son service. Par décision du 10.04.2019, l’assurance-accidents a réduit la rente d’invalidité à 11% pour l’avenir, soit à partir du 01.05.2019.

Sur opposition de l’assuré, l’assurance-accidents a recueilli des informations complémentaires auprès des deux employeurs. Selon C.__ SA, l’assuré aurait reçu en 2019 un salaire annuel de 70’850 fr. (5450 fr. par mois, 13 fois l’an), tandis que le salaire qu’il gagnait auprès de D.__ SA restait inchangé. Par conséquent, l’assurance-accidents a, par décision sur opposition du 27.06.2019, admis partiellement l’opposition, fixant le taux d’invalidité à 12%.

 

Procédure cantonale

Les juges cantonaux ont retenu que le salaire de l’assuré n’était pas soumis à des fluctuations importantes ni n’était supérieur à la moyenne. En outre, aucun élément objectif du dossier ne permettait de retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assuré n’aurait pas continué à travailler pour son employeur indépendamment de la survenance de l’accident. Ainsi, il ressortait des multiples comptes rendus d’entretien que l’assuré espérait fortement poursuivre ses relations de travail avec C.__ SA [employeur au moment de l’accident], même à un autre poste que celui de maçon. En plus, rien ne permettait d’affirmer qu’il aurait eu très probablement plus de responsabilités professionnelles. Au contraire, dûment questionné sur ce point, l’ex-employeur avait affirmé que l’assuré n’aurait pas exercé un travail avec plus de responsabilités s’il avait pu continuer à travailler en pleine possession de ses moyens. Devaient être écartées également ses allégations sur son potentiel de formation, sa nature de « leader » et sa volonté de prendre des responsabilités. En effet, les formations de cariste et machiniste étaient intervenues après l’accident et le service de réadaptation de l’OAI n’avait pas retenu de formation de type CFC ou AFP envisageable, compte tenu du fait que l’assuré n’avait suivi que la scolarité obligatoire primaire. Ainsi, ces affirmations n’étaient que des simples déclarations ne reposant sur aucun indice concret qui aurait permis de tenir pour très vraisemblable que des possibilités théoriques de développement professionnels se seraient réalisées. Enfin, même si l’assuré relevait une évolution assez importante de son salaire entre 2007 et 2012, rien n’indiquait que le montant du salaire aurait en réalité augmenté dans une proportion supérieure à celle attestée par l’ancien employeur, dont la quotité reposait sur une convention collective de travail. Dans ces circonstances, l’assurance-accidents était fondée à retenir un revenu présumable sans invalidité pour l’année 2019 de 70’850 fr.

 

Par jugement du 02.12.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Selon la jurisprudence, le revenu que pourrait réaliser l’assuré sans invalidité est en principe établi sans prendre en considération les possibilités théoriques de développement professionnel (lié en particulier à un complément de formation) ou d’avancement, à moins que des indices concrets rendent très vraisemblable qu’elles se seraient réalisées (arrêt 9C_439/2020 du 18 août 2020 consid. 4.4). Cela pourra être le cas lorsque l’employeur a laissé entrevoir une telle perspective d’avancement ou a donné des assurances en ce sens. En revanche, de simples déclarations d’intention de l’assuré ne suffisent pas; l’intention de progresser sur le plan professionnel doit s’être manifestée par des étapes concrètes, telles que la fréquentation d’un cours, le début d’études ou la passation d’examens (arrêts 8C_778/2017 du 25 avril 2018 consid. 4.2; 9C_221/2014 du 28 août 2014 consid. 3.2; 8C_380/2012 du 2 mai 2013 consid. 2; 8C_839/2010 du 22 décembre 2010 consid. 2.2.2.2). Ces principes s’appliquent aussi dans le cas de jeunes assurés (arrêt 8C_550/2009, 8C_677/2009 du 12 novembre 2009 consid. 4.2, in: SVR 2010 UV n° 13 p. 52). Le point de savoir si le salaire réel aurait augmenté grâce à un développement des capacités professionnelles individuelles, notamment un changement de profession, doit être établi au degré de la vraisemblance prépondérante (arrêts 8C_380/2012 du 2 mai 2013 consid. 2; U 87/05 du 13 septembre 2005 consid. 2, in: RAMA 2006 n° U 568 p. 67).

Consid. 4.3.1
L’assuré réitère qu’entre 2008 et 2012, le salaire annuel qu’il aurait pu réaliser auprès de C.__ SA aurait évolué de 64’805 fr. à 69’180 fr. (soit une augmentation de 4375 fr.), tandis qu’entre 2012 et 2018 ce salaire n’aurait augmenté que de 630 fr., ce qui équivaudrait à une progression de 0.91% seulement en six ans. Pendant cette période, il n’aurait ainsi reçu quasiment aucune augmentation salariale, de sorte qu’il serait tout à fait invraisemblable qu’il n’aurait pas changé d’emploi entretemps. De surcroît, dans ce même intervalle, l’indice des salaires nominaux des métiers de la construction serait passé de 101.7 à 103.8 – soit une augmentation de 2.06% – selon l’indice des salaires nominaux établi par l’OFS (tableau T1.10), ce qui rendrait hautement vraisemblable soit une augmentation de salaire plus conséquente chez son employeur de l’époque, soit un changement d’employeur.

Consid. 4.3.2
Selon l’arrêt U 66/02 du 2 novembre 2004 qu’invoque l’assuré à ce propos, le fait que l’employeur n’augmente pas le salaire à cause de sa situation économique ne constitue en général pas un motif pour l’employé de chercher un nouvel emploi, au moins durant les premières années. Dans un premier temps, il convient donc toujours de s’appuyer sur les renseignements salariaux de l’employeur pour déterminer le revenu sans invalidité. Toutefois, si une telle stagnation du salaire persiste pendant plusieurs années, celui-ci s’écarte de plus en plus des salaires usuels dans la branche, offerts ailleurs. Dans de telles circonstances, l’hypothèse que l’employé n’aurait toujours pas changé d’emploi ne peut plus être considérée comme réaliste, de sorte qu’il est justifié de prendre en compte au moins l’évolution des salaires nominaux ressortant des statistiques de l’OFS (consid. 4.1.1 de l’arrêt mentionné, publié in: RAMA 2005 n° U 538 p. 112).

Consid. 4.3.3
En l’espèce, rien n’indique que la situation économique de l’ancien employeur C.__ SA ne lui aurait pas permis d’augmenter le salaire de l’assuré dans une mesure usuelle. En tous les cas, cela ne saurait être déduit de l’allégué de l’assuré que C.__ SA aurait cessé d’exister, car cette société a uniquement changé sa raison sociale et son siège selon les indications figurant au registre du commerce, qui sont accessibles par internet et constituent des faits notoires que le Tribunal fédéral peut librement prendre en compte (ATF 143 IV 380 consid. 1.1.1; 138 II 557 consid. 6.2 et les références). Comme l’employeur a attesté une augmentation du salaire, on ne peut pas non plus partir d’une stagnation du salaire selon la jurisprudence mentionnée, même si l’évolution salariale a été plus lente que dans la période précédente de 2008 à 2012. La cour cantonale a d’ailleurs constaté que la quotité de l’augmentation reposait sur une convention collective de travail. Il n’est dès lors pas possible de conclure que l’assuré aurait changé d’activité et obtenu des revenus plus élevés. Par conséquent, il n’y a pas non plus lieu de s’écarter du principe que sont déterminants les renseignements concrets du dernier employeur et de s’appuyer au lieu de ceux-ci sur les valeurs statistiques, plus concrètement sur la statistique concernant l’évolution des salaires nominaux. Au demeurant, cette statistique regroupe plusieurs branches économiques et ne reflète ainsi pas forcément la réalité d’une branche d’activité concrète (arrêt 9C_414/2011 du 11 juillet 2011 consid. 4.3).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_45/2022 consultable ici

 

9C_437/2021 (f) du 15.03.2022 – Rétribution d’un administrateur d’une SA, exerçant comme avocat indépendant / Salaire résultant d’une activité dépendante vs honoraires résultant d’une activité indépendante

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_437/2021 (f) du 15.03.2022

 

Consultable ici

 

Rétribution d’un administrateur d’une SA, exerçant comme avocat indépendant / Salaire résultant d’une activité dépendante vs honoraires résultant d’une activité indépendante

Présomption concernant la qualification des honoraires des membres du conseil d’administration d’une personne morale – Rappel et maintien de la jurisprudence (arrêt du TFA H 376/50 du 15.04.1953)

Renversement de la présomption admis

 

Au terme d’un contrôle des salaires déclarés par B.__ SA (ci-après: la société) entre les mois de janvier 2014 et décembre 2016, la caisse cantonale de compensation (ci-après: la caisse) a constaté, notamment, que la société contrôlée avait versé 3703 fr. 70 par mois à son administrateur, A.__, avocat indépendant, et enregistré les montants dans sa comptabilité sur un compte « honoraires juridiques ».

La caisse a réclamé à B.__ SA le paiement des cotisations sociales et des intérêts moratoires dus sur les reprises de salaires relatives aux années contrôlées, y compris sur les montants versés à A.__ (décisions du 16.10.2018). Ce dernier a contesté, en son nom, ces décisions en tant qu’elles qualifiaient implicitement de salaire les honoraires perçus pour des activités qu’il soutenait avoir déployées comme avocat indépendant. Il a déposé un courrier établi par la fiduciaire chargée de la comptabilité de son étude d’avocat attestant que le chiffre d’affaires de celle-ci – sur la base duquel des cotisations sociales avaient déjà été prélevées – incluait les honoraires versés par B.__ SA. La caisse a rejeté l’opposition (décision du 04.04.2019).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/661/2021 [arrêt non disponible sur le site du tribunal cantonal])

La juridiction cantonale a constaté que pendant la période contrôlée, A.__ avait simultanément exercé l’activité d’avocat indépendant et celle d’administrateur du bureau d’architecte, exploité par son père sous forme de société anonyme et dont il avait perçu une rétribution de 3703 fr. 70 par mois. Elle a considéré que les paiements mensuels devaient être qualifiés de salaires dès lors que les pièces du dossier ne permettaient pas de renverser la présomption qui assimilait la rémunération versée par une société anonyme à un membre de son conseil d’administration à un salaire déterminant au sens de la loi. Elle a précisé que les allégations du recourant et les témoignages récoltés ne démontraient pas au degré de vraisemblance requis que les activités déployées par A.__ pour la société se limitaient exclusivement à lui dispenser des conseils juridiques dans le domaine immobilier et à la représenter en justice mais établissaient, au contraire, que la rétribution perçue n’était pas sans relation avec le rôle d’administrateur d’un bureau d’architecte. Elle a encore constaté qu’en se retranchant derrière son secret professionnel, le recourant n’avait produit aucun document établissant qu’il n’avait représenté B.__ SA qu’en sa qualité d’avocat indépendant.

Les juges cantonaux ont par ailleurs considéré que vu l’ignorance du fait que A.__ percevait une rémunération mensuelle de la part de la société, la caisse de compensation était en droit de procéder à une reconsidération de ses décisions antérieures de cotisations et de rendre la décision du 16.10.2018, malgré le fait que ladite rémunération apparaissait dans le chiffre d’affaires de l’étude d’avocat et avait par conséquent déjà été soumise à cotisations.

Par jugement du 23.06.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Est litigieux le point de savoir si la rétribution octroyée à A.__ par B.__ SA de janvier 2014 à décembre 2016 doit être qualifiée de salaire résultant d’une activité dépendante comme l’a retenu le tribunal cantonal ou d’honoraires résultant d’une activité indépendante comme le soutient le recourant.

Consid. 4.1
Le tribunal cantonal a exposé la jurisprudence relative aux critères distinguant les activités salariées des activités indépendantes (cf. ATF 144 V 111 consid. 4.2 et les arrêts cités; arrêt 9C_1062/2010 du 5 juillet 2011 consid. 7.2), singulièrement celle établissant la présomption que la rétribution versée par une société anonyme à un membre de son conseil d’administration est un salaire (cf. ATF 105 V 113 consid. 3; arrêt H 136/81 du 13 septembre 1982 consid. 2, in RCC 1983 p. 22; H 376/52 du 15 avril 1953, in RCC 1953 p. 441). Il suffit d’y renvoyer.

Consid. 4.2
Le recourant s’interroge sur l’évolution de la jurisprudence relative à la présomption concernant la qualification des honoraires des membres du conseil d’administration d’une personne morale. Il semble en substance soutenir que le mandat d’administrateur, pour la distinction entre le revenu d’une activité salariée et celui d’une activité indépendante, dans l’arrêt H 376/52 du 15 avril 1953 et l’ATF 105 V 113, est sans explication devenu une présomption, dans l’ATF 121 I 259 et les arrêts ultérieurs (notamment les arrêts H 125/04 du 7 mars 2005 et 9C_727/2014 du 23 mars 2015), avec pour conséquence le renversement du fardeau de la preuve qui n’existait pas auparavant. Il demande au Tribunal fédéral de « clarifier » sa jurisprudence.

Consid. 4.3
En l’absence d’argumentation topique et motivée concernant la nécessité de changer de jurisprudence (cf. ATF 144 V 72 consid. 5.3.2), il n’appartient pas au Tribunal fédéral de « clarifier » sa jurisprudence. Il suffit de préciser que, contrairement à ce que A.__ suggère, la jurisprudence n’a pas subi d’évolution insidieuse. La présomption critiquée a été posée dans l’arrêt H 376/50 du 15 avril 1953. Comme il s’agit d’une présomption, il est possible d’en apporter la preuve du contraire. Or apporter la preuve du contraire dans le cas particulier consiste à démontrer que la rétribution reçue n’a pas de lien avec la qualité d’administrateur de la société qui la verse mais avec l’activité exercée comme avocat indépendant. Pour ce faire, il y a lieu d’appliquer les critères permettant de distinguer les revenus provenant d’une activité salariée de ceux provenant d’une activité indépendante. C’est une telle analyse qui a conduit à la confirmation de la présomption dans l’arrêt de 1953. Une lecture des arrêts ultérieurs cités par le recourant montre en outre que c’est également une telle analyse qui a toujours guidé le Tribunal fédéral dans la résolution des litiges similaires.

 

Consid. 5.1
Le recourant reproche aussi à la juridiction cantonale d’avoir violé le droit fédéral. Il soutient en substance que celle-ci a indûment limité ses moyens de preuve en considérant que seule la preuve d’une activité judiciaire ou, autrement dit, de représentation devant les tribunaux était à même de renverser la présomption. Il fait valoir que l’activité de conseil juridique (qu’il allègue avoir exercée pour la société) relève également des tâches assumées par un avocat indépendant pour son client.

Consid. 5.2
Cette argumentation n’est pas fondée. Dans la mesure où A.__ avait déclaré en cours de procédure que son travail pour la société consistait essentiellement à lui fournir des conseils juridiques en matière immobilière, tâche pouvant être exercée aussi bien en tant qu’administrateur salarié de la société qu’en qualité d’avocat-conseil indépendant de cette dernière, les juges cantonaux ont recherché dans le dossier constitué (en particulier dans les déclarations du recourant et des témoins) les éléments pouvant créditer une thèse plutôt que l’autre. Même si leur appréciation – certes succincte – paraît accorder une importance prépondérante au défaut de production de documents attestant une procédure judiciaire particulière, elle a également porté sur d’autres critères tels que la présence à des réunions dans un but de formation, la gestion effective de la société ou la présence dans les locaux de celle-ci. On ne saurait dès lors faire valablement grief au tribunal cantonal d’avoir violé le principe de la libre appréciation des preuves, en restreignant de manière indue les moyens de preuve que la loi offrait au recourant pour renverser la présomption.

 

Consid. 6.1
A.__ fait également grief à la juridiction cantonale d’avoir violé son devoir de motiver sa décision et d’avoir apprécié arbitrairement les preuves. Il procède à une analyse détaillée de ses déclarations – qu’il estime confirmées et complétées par les témoignages recueillis durant la procédure – et en déduit l’existence de critères – que les juges cantonaux auraient totalement ignorés – permettant de renverser la présomption et de démontrer que les 3703 fr. 70 perçus mensuellement correspondaient à des honoraires pour son activité d’avocat-conseil indépendant et non à un salaire lié à sa qualité d’administrateur.

Consid. 6.2
Sur la base des allégations des parties et des témoins, le tribunal cantonal a admis qu’il était possible que le recourant ait représenté la société de son père en justice et lui ait prodigué des conseils en tant qu’avocat indépendant. Il a toutefois constaté que ni A.__ ni les témoins n’avaient rendu vraisemblable que la rémunération perçue de la société relevait ne serait-ce qu’en partie d’une telle activité: le premier n’avait produit aucun document allant dans ce sens alors que les seconds liaient les conseils donnés à la gestion de la société plutôt qu’à l’activité d’avocat et n’avaient pas été en mesure de citer une procédure judiciaire en particulier. Il a en outre relevé que, dans la mesure où la présence de A.__ aux réunions de la société avait notamment pour but sa formation à la gestion de celle-ci afin de pouvoir s’en occuper à la suite de son père, la rémunération perçue n’était pas sans lien direct avec le rôle de membre du conseil d’administration. Il a par ailleurs considéré que le fait que la gestion de la société était exclusivement assurée par le père du recourant et que ce dernier ne passait qu’occasionnellement dans les locaux n’était pas déterminant pour qualifier la rétribution litigieuse.

Consid. 6.3
Comme cela ressort de la jurisprudence évoquée par les juges cantonaux (cf. consid. 4.1 supra), les manifestations de la vie économique peuvent revêtir des formes si diverses qu’il faut décider dans chaque cas particulier si l’on est en présence d’une activité salariée ou d’une activité indépendante en prenant en considération toutes les circonstances. Il existe de nombreux critères qui aident à faire la distinction et qu’il y a lieu d’apprécier pour trancher la question. Comme le met en évidence le recourant, l’appréciation succincte du tribunal cantonal se focalise principalement sur le défaut de production de documents et quelques rares autres éléments tirés des témoignages recueillis mais passe sous silence la majeure partie de ces derniers. Or les témoins sont unanimes, qu’ils soient architecte indépendant mandaté pour la gestion d’appartements appartenant à B.__ SA, architecte, comptable, secrétaire de la société ou conseiller fiscal de la famille de A.__ ou de B.__ SA. Tous avaient exclusivement affaire au père du recourant pour la gestion de la société. Tous ignoraient l’inscription de A.__ au registre du commerce en qualité d’administrateur de la société ou, du moins, les motifs de cette inscription. Tous admettaient avoir eu des contacts avec le recourant très occasionnellement et constaté qu’en ces occasions, le rôle de A.__ consistait à conseiller son père sur le plan juridique, à entreprendre des démarches administratives dans le cadre de projet d’architecture ou à régler des problèmes (y compris par la voie judiciaire) avec les locataires d’appartements appartenant à B.__ SA ou à une autre société dirigée par le père du recourant. Tous étaient catégoriques quant au fait que c’était le père de A.__ qui prenait les décisions, détenait les informations, était en contact avec les fournisseurs et les régies ou signait les hypothèques. La plupart attestait que le recourant était rarement présent dans les locaux de la société, n’y avait pas de bureau, ni d’adresse e-mail ou de carte de visite, ne donnait pas d’instruction aux employés, ni n’avait de relation avec les fournisseurs ou les clients. Tous soutenaient enfin que le rôle de A.__ au sein de B.__ SA relevait de l’activité d’avocat indépendant plutôt que de celle de salarié.

Consid. 6.4
On relèvera qu’aucune des caractéristiques typiques d’un contrat de travail qui suggéreraient l’existence d’une activité dépendante ou d’un quelconque lien de dépendance ne ressort des témoignages, qui corroborent effectivement les déclarations du recourant. Au contraire, tout laisse à penser que l’activité déployée par le recourant n’avait rien à voir avec la gestion et l’administration de la société et que celui-ci intervenait comme conseiller juridique indépendant et percevait des honoraires pour cette activité. Le fait que les témoins n’ont pas pu nommer une procédure judiciaire en particulier ou que A.__ a invoqué son secret professionnel pour refuser de produire des documents y afférents n’est pas déterminant à lui seul et ne change rien aux déclarations convergentes – et, partant, convaincantes – des témoins sur ce point. La présence du recourant à certaines réunions de régie de B.__ SA dans un but de formation à la gestion de celle-ci afin de pouvoir s’en occuper à la suite du père n’y change rien non plus, dans la mesure où les juges cantonaux n’ont pu évoquer aucun élément du dossier qui permettrait de rattacher la rémunération perçue à cette seule activité. Dans ces circonstances, il apparaît que A.__ avait rendu hautement vraisemblable que les 3703 fr. 70 mensuels correspondaient à des honoraires versés par la société pour rémunérer les conseils juridiques fournis et les activités déployées en qualité d’avocat indépendant, et non au salaire d’administrateur d’une société, d’autant plus que cette rémunération était comptabilisée par B.__ SA sur un compte « honoraires juridiques » et avait également été déclarée comme honoraires par le recourant. Ce dernier a par conséquent renversé la présomption relative à la qualification de salaire de la rémunération d’un administrateur. Son recours est donc fondé.

En conséquence, on constate que les versements mensuels de 3703 fr. 70, pendant la période courant de janvier 2014 à décembre 2016, correspondent à des honoraires ressortissant de l’activité indépendante d’avocat exercée par le recourant. Selon les constatations de la juridiction cantonale, des cotisations sociales ont déjà été prélevées à ce titre sur les montants en cause. Il convient dès lors d’annuler l’arrêt attaqué ainsi que la décision administrative litigieuse.

Le TF admet le recours de A._.

 

Arrêt 9C_437/2021 consultable ici

 

9C_543/2021 (f) du 20.07.2022, destiné à la publication – Droit à la rente d’orphelin de l’institution de prévoyance / Pas d’application par analogie de l’art. 49bis al. 3 RAVS en LPP pour l’élément quantitatif – Buts des prestations différents en AVS et en LPP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_543/2021 (f) du 20.07.2022, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Droit à la rente d’orphelin de l’institution de prévoyance / 22 LPP

Interprétation par le TF des art. 25 LAVS, 49bis RAVS et 22 al. 3 let. a LPP

But des prestations du 2e (maintien du niveau de vie antérieur) va au-delà de celui des prestations du 1er pilier (couverture des besoins vitaux)

Pas d’application par analogie de l’art. 49bis al. 3 RAVS en LPP pour l’élément quantitatif – Buts des prestations différents en AVS et en LPP

 

A la suite du décès de son époux, en octobre 2011, A.A.__ (ci-après : la veuve) a été mise au bénéfice de prestations pour survivants de la prévoyance professionnelle. La Caisse de pensions lui a alloué une rente de conjoint survivant et une rente d’orpheline pour sa fille cadette B.A.__ (née en janvier 1992 [ci-après : l’orpheline]), à partir du 01.11.2011.

Depuis la rentrée 2011, l’orpheline a suivi une formation en cours d’emplois auprès de la Haute école C.__ (Bachelor of Science HES en Economie d’entreprise). En parallèle, elle a travaillé au sein de l’administration cantonale jurassienne comme collaboratrice à un taux d’occupation de 50%, du 01.09.2011 au 31.08.2015.

En octobre 2014, la Caisse cantonale de compensation, qui allouait une rente de veuve et une rente d’orpheline de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) à la veuve depuis le 01.11.2011, a informé l’institution de prévoyance qu’elle comptait réviser le dossier de la prénommée, au regard de la formation effectuée en emploi par sa fille. Par courrier du 24.02.2015, la Caisse de pensions a indiqué à la veuve qu’elle supprimait le droit à la rente d’orpheline avec effet rétroactif au 31.12.2012. Elle lui a également demandé le remboursement des rentes d’orpheline versées à tort du 01.01.2013 au 30.09.2014 (à hauteur de 19’102 fr. 65), en mentionnant compenser immédiatement les montants réclamés avec la pension de conjoint survivant. Elle a maintenu sa position par lettre du 15.03.2018, une fois terminée la procédure opposant la veuve à la Caisse cantonale de compensation sur la suppression du droit à la rente d’orpheline de l’AVS au 31.12.2012 et la restitution des prestations versées à tort du 01.09.2013 au 30.09.2014 (notamment arrêt 9C_531/2016 du 11.05.2017).

 

Procédure cantonale

Le 22.01.2020, la veuve a introduit une action contre la Caisse de pensions devant le Tribunal cantonal, en concluant à ce que l’institution de prévoyance soit condamnée à lui verser un montant de 27’193 fr., avec intérêts à 5% depuis le 01.01.2016 (échéance moyenne). Statuant le 08.09.2021, le Tribunal cantonal a rejeté l’action.

 

TF

Le litige porte sur le droit de la veuve à un montant de 27’193 fr. correspondant aux sommes qu’elle fait valoir à titre de retenues par la Caisse la Caisse de pensions sur la rente de conjoint survivant (de février 2015 à juillet 2017) et de rente d’orpheline d’octobre 2014 à mai 2016. En d’autres termes, il s’agit d’examiner si la veuve est tenue de restituer à la Caisse de pensions les montants correspondant aux rentes d’orpheline qui auraient été versées à tort à partir du 01.10.2013. Selon la juridiction cantonale, le droit à la rente d’orpheline s’est éteint dès cette date, parce que l’orpheline ne pouvait alors plus être réputée en formation en raison de son activité lucrative parallèle, ce que la veuve conteste.

 

Consid. 2.2
Sous le titre « Début et fin du droit aux prestations » (pour survivants), l’art. 22 al. 1 LPP prévoit que le droit des survivants aux prestations prend naissance au décès de l’assuré, mais au plus tôt quand cesse le droit au plein salaire. Selon l’art. 22 al. 3 let. a LPP, le droit aux prestations pour orphelin s’éteint au décès de l’orphelin ou dès que celui-ci atteint l’âge de 18 ans. Il subsiste, jusqu’à l’âge de 25 ans au plus, tant que l’orphelin fait un apprentissage ou des études.

Dans sa version en vigueur à partir du 01.01.2014, le Règlement de prévoyance de la Caisse de pensions (ci-après: le règlement) reprend la teneur de l’art. 22 al. 3 let. a LPP, à son art. 48 al. 4 et 5. La disposition réglementaire prévoit que la pension d’orphelin est due jusqu’à la fin du mois au cours duquel l’enfant atteint l’âge de 18 ans (art. 48 al. 4); le droit à la pension subsiste jusqu’à la fin du mois au cours duquel l’enfant atteint l’âge de 25 ans tant que l’enfant fait des études ou un apprentissage (art. 48 al. 5, 1er tiret). Modifié par une décision du Conseil d’administration du 09.01.2021, l’art. 48 al. 4 du règlement prévoit désormais que le droit à la pension subsiste jusqu’à la fin du mois au cours duquel l’enfant atteint l’âge de 25 ans tant que l’enfant est en formation au sens des art. 49biset 49ter RAVS, sans exercer d’activité professionnelle à titre principal ou prépondérant. Dans sa teneur déterminante en l’occurrence, en vigueur avant la modification adoptée le 09.01.2021, l’art. 48 al. 5 du règlement n’a pas de portée propre par rapport à l’art. 22 al. 3 let. a LPP.

Consid. 2.3
En ce qui concerne la rente d’orphelin de l’AVS, l’art. 25 al. 4 LAVS prévoit que le droit à une rente d’orphelin prend naissance le premier jour du mois suivant le décès du père ou de la mère. Il s’éteint au 18e anniversaire ou au décès de l’orphelin. En vertu de l’art. 25 al. 5 LAVS, pour les enfants qui accomplissent une formation, le droit à la rente s’étend jusqu’au terme de cette formation, mais au plus jusqu’à l’âge de 25 ans révolus. Le Conseil fédéral peut définir ce que l’on entend par formation.

Conformément à cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté l’art. 49bis RAVS, selon lequel un enfant est réputé en formation lorsqu’il suit une formation régulière reconnue de jure ou de facto à laquelle il consacre la majeure partie de son temps et se prépare systématiquement à un diplôme professionnel ou obtient une formation générale qui sert de base en vue de différentes professions (al. 1). Sont également considérées comme formation les solutions transitoires d’occupation telles que les semestres de motivation et les préapprentissages, les séjours au pair et les séjours linguistiques, pour autant qu’ils comprennent une partie de cours (al. 2). L’enfant n’est pas considéré en formation si son revenu d’activité lucrative mensuel moyen est supérieur à la rente de vieillesse complète maximale de l’AVS (al. 3). Autrement dit, lorsqu’un enfant perçoit un revenu d’activité lucrative mensuel moyen supérieur à la rente de vieillesse AVS, il n’a pas droit à la rente d’orphelin de l’AVS, quand bien même il suit une formation remplissant les conditions des al. 1 et 2 de l’art. 49bis RAVS (cf. ATF 142 V 226).

A partir du 01.01.2013, la rente AVS maximale s’élevait à 2340 fr. par mois.

 

Consid. 4
Selon la jurisprudence, la loi s’interprète en premier lieu d’après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique), du but poursuivi, de l’esprit de la règle, des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation (ATF 147 V 242 consid. 7.2; 146 V 87 consid. 7.1 et les références).

Consid. 5.1
Dans ses trois versions linguistiques, l’art. 22 al. 3 let. a LPP subordonne le maintien du droit aux prestations pour orphelin après que l’ayant droit a atteint l’âge de 18 ans à la poursuite d’une formation (« tant que l’orphelin fait un apprentissage ou des études », « bis zum Abschluss der Ausbildung », « fintanto che l’orfano è a tirocinio o agli studi »). Si la lettre de la disposition n’est pas identique à celle de l’art. 25 al. 5, 1re phrase, LAVS (« le droit à la rente s’étend jusqu’au terme de cette formation », « bis zu deren Abschluss » [die Ausbildung], « al termine della stessa » [formazione]), le sens en est le même: la fin de la formation (études ou apprentissage) entraîne l’extinction du droit à la rente d’orphelin.

L’art. 22 al. 3 LPP ne définit pas la notion de formation (« Ausbildung ») si ce n’est en indiquant, dans ses versions latines, qu’il s’agit d’effectuer un apprentissage ou des études. Avec ces termes, en tant que synonyme de formation (« Ausbildung »), le législateur a utilisé une notion sujette à interprétation, dans la mesure déjà où il n’apparaît pas d’emblée quel type d’études ou de formation (professionnelle) entre en considération. Le point de savoir quel but les études doivent viser ou si le suivi de cours doit comprendre une durée minimale peut par exemple prêter à discussion.

Consid. 5.2.1
En proposant une disposition sur le début et la fin du droit aux prestations pour survivants de la prévoyance professionnelle accordées aux orphelins (art. 21 al. 3 du projet de loi), le Conseil fédéral a implicitement indiqué suivre la réglementation en vigueur dans l’AVS, en mentionnant s’en écarter sur un seul point non pertinent en l’occurrence (maintien du droit des orphelins invalides pour les deux tiers au moins jusqu’à l’âge de 25 ans; FF 1976 I 117, 200 ch. 521.32). La proposition (devenue finalement l’art. 22 al. 3 LPP) a été adoptée sans discussion dans les deux Conseils du Parlement fédéral (BO CN 1977 1327; BO CE 1980 274 s.).

Consid. 5.2.2
En ce qui concerne la notion de formation dans le domaine de l’AVS à l’époque de l’adoption de l’art. 22 al. 3 LPP et de l’entrée en vigueur de la LPP, le 1er janvier 1985 (RO 1983 797), l’art. 25 al. 2, 2e phrase, LAVS, qui réglait la fin du droit à la rente d’orphelin, faisait référence (dans sa version française) à l’apprentissage et aux études. Selon cette disposition, pour les enfants qui font un apprentissage ou des études, le droit à la rente dure jusqu’à la fin de l’apprentissage ou des études, mais au plus jusqu’à l’âge de 20 ans révolus (FF 1947 I 5, 14; RO 63 843). Alors qu’à l’origine, la commission d’experts avait proposé de servir les rentes d’orphelin jusqu’à l’âge de 18 ans révolus, le Conseil fédéral a prévu d’élever cet âge à 20 ans – lequel a par la suite été fixé à 25 ans (modification de la LAVS du 19 décembre 1963 [6e révision de la LAVS]; RO 1964 277) -, dans sa proposition à l’Assemblée fédérale. Il était d’avis que le principe du droit à la rente jusqu’à 20 ans révolus pour les orphelins qui font un apprentissage ou des études secondaires ou universitaires était nécessaire pour engager à acquérir une formation professionnelle sérieuse (Message du 24 mai 1946 relatif à un projet de loi sur l’assurance-vieillesse et survivants, FF 1946 II 353, 520 ch. III.B.III).

Ce n’est qu’avec la modification de la LAVS du 7 octobre 1994 (10e révision de l’AVS), entrée en vigueur le 1er janvier 1997 (RO 1996 2466), que l’art. 25 LAVS a introduit une délégation de compétence en faveur du Conseil fédéral pour qu’il puisse définir « certains principes ou certaines lignes directrices » sur le sujet de la formation par voie d’ordonnance. La loi indiquait seulement jusque-là que le droit à la rente d’orphelin s’éteint au terme de l’apprentissage ou des études, mais au plus tard au 25e anniversaire de l’ayant droit. Il incombait donc aux tribunaux et à l’administration de définir ce qu’il fallait entendre par apprentissage ou études. Si cette solution présentait l’avantage de permettre à la pratique de s’adapter sans difficulté à l’évolution des conceptions en matière de formation, il paraissait néanmoins judicieux d’accorder une compétence de définition au Conseil fédéral (Message du 5 mars 1990 concernant la dixième révision de l’assurance-vieillesse et survivants, FF 1990 II 1, 93 ch. 51). L’art. 25 al. 3 LAVS a été adopté avec la teneur suivante: « Pour les enfants qui accomplissent une formation, le droit à la rente s’étend jusqu’au terme de cette formation, mais au plus jusqu’à l’âge de 25 ans révolus. Le Conseil fédéral peut définir ce que l’on entend par formation ».

Consid. 5.2.3
Comme le Tribunal fédéral a eu l’occasion de le rappeler dans l’arrêt 9C_915/2015 du 2 juin 2016, publié in ATF 142 V 226 (consid. 3.3), le gouvernement fédéral a fait usage de la compétence en question en introduisant les art. 49bis (Formation) et 49ter (Fin ou interruption de la formation) RAVS avec effet au 1er janvier 2011 (modification du 24 septembre 2010 du RAVS [RO 2010 4573]). Selon l’OFAS (Commentaire des modifications du RAVS au 1er janvier 2011, p. 7 ss), il apparaissait indiqué de fixer des critères de distinction dans les dispositions réglementaires, face à la diversification des filières de formation et à la recrudescence des cas où il semblait légitime de se demander si l’on se trouvait véritablement en présence d’une formation. Cette modification législative avait pour but de permettre l’émergence d’une pratique plus simple et plus uniforme, eu égard notamment aux ambiguïtés observées dans le traitement des interruptions de formation, en particulier pour raisons de service militaire ou de service civil. C’était également l’occasion de reconnaître en tant que formation des semestres de motivations ou des préapprentissages, mais aussi, à l’inverse, de retirer le qualificatif « en formation » aux stagiaires et étudiants qui, au cours de leur stage pratique ou de leurs études, réalisaient un revenu supérieur à la rente de vieillesse complète maximale de l’assurance-vieillesse et survivants. Aucune prestation de sécurité sociale ne devait en effet être versée lorsque l’enfant réalisait un revenu qui lui permettait de subvenir entièrement ou partiellement à ses besoins, ce qui était le cas lorsque l’enfant obtenait un salaire élevé auquel venait s’ajouter une rente d’orphelin ou une rente pour enfant; la limite de revenu correspondait à la rente AVS maximale (commentaire cité, p. 8).

Consid. 5.3
A défaut de disposition légale matérielle sur la notion de formation dans le domaine des assurances sociales, jusqu’à l’entrée en vigueur des art. 49biset 49ter RAVS, c’est la jurisprudence qui s’est chargée de définir ce terme, en posant des principes qui ont été repris par la pratique administrative (cf. Directives de l’OFAS concernant les rentes de l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale [DR]). La jurisprudence constante a conféré une acception large aux termes d’apprentissage ou d’études, les englobant dans la notion générale de formation professionnelle. Elle a considéré comme formation non seulement le suivi d’une école ou de cours, mais également toute préparation systématique tendant à donner des connaissances professionnelles déterminées (formation professionnelle proprement dite), durant laquelle l’orphelin ne peut prétendre à aucun salaire ou à un salaire sensiblement inférieur – soit inférieur de plus de 25% – à la rémunération initiale de celui qui possède une formation complète dans la branche en cause (ATF 109 V 104 consid. 1a; 108 V 54 consid. 1a; 102 V 208 consid. 1).

S’agissant en particulier de la question de savoir si le fait que l’orphelin titulaire de la rente réalise, durant la formation, un revenu lui permettant de subvenir à ses besoins entraîne l’extinction du droit à la rente d’orphelin de la LAVS, le Tribunal fédéral y a répondu par la négative. Il a souligné que les étudiants et les apprentis qui subvenaient eux-mêmes à leur entretien ne devaient pas être moins bien traités que ceux qui n’avaient pas besoin de gagner leur vie parce qu’ils avaient de la fortune ou étaient entretenus par leurs parents. Même si cette pratique aboutissait à des résultats peu satisfaisants, puisque la rente devait être également versée à des orphelins qui disposaient de revenus élevés permettant de couvrir leurs besoins, il n’en demeurait pas moins que les rentes ordinaires de l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité étaient allouées indépendamment de la situation financière des bénéficiaires. Il incombait au législateur d’adopter une autre réglementation au cas où cela devait être jugé nécessaire pour des motifs de politique sociale (ATF 106 V 147 consid. 3; en dernier lieu, arrêt 9C_674/2008 du 18 juin 2009 consid. 2.2, in SVR 2010 IV n° 1 p. 1, rendu en matière de rente complémentaire pour enfant). Le principe selon lequel la réalisation par l’orphelin d’un revenu permettant de subvenir à son entretien ne fait pas obstacle à l’octroi de la rente a été repris dans la pratique administrative jusqu’au 31.12.2010 (cf. p. ex. ch. 3367 DR, état au 1er janvier 2005 et état au 1er janvier 2010).

Consid. 5.4
Du point de vue systématique, on constate qu’à la différence de l’art. 25 al. 3 LAVS, l’art. 22 al. 3 LPP ne prévoit pas la compétence du Conseil fédéral de définir ce que l’on entend par formation. Il ne comprend pas non plus un renvoi à la notion de formation au sens de la RAVS, comme le fait par exemple l’art. 1 al. 1 de l’ordonnance du 31 octobre 2007 sur les allocations familiales (OAFam), en relation avec l’art. 3 al. 1 let. b LAFam, pour le droit à l’allocation de formation. Selon cette disposition de l’OAFam, ce droit « existe pour les enfants accomplissant une formation au sens des art. 49bis et 49ter du règlement du 31 octobre 1947 sur l’assurance-vieillesse et survivants ».

Or, pour admettre la conformité au droit fédéral de l’art. 49bis al. 3 RAVS (en relation avec une rente complémentaire pour enfants de l’assurance-invalidité [art. 35 al. 1 LAI]), le Tribunal fédéral a mis en évidence, dans l’ATF 142 V 226 déjà cité, que la délégation législative de l’art. 25 al. 5 LAVS accordait un (très) large pouvoir d’appréciation au Conseil fédéral. Reconnaissant que la limite de revenu fixée à l’art. 49bis al. 3 RAVS ne présentait pas de lien direct avec la notion de « formation », il a considéré que la délégation législative devait néanmoins être comprise de façon large et être interprétée à la lumière du but assigné par le législateur à la rente complémentaire pour enfant (de l’AVS). Dès lors qu’un enfant qui réalisait à côté de sa formation un revenu mensuel moyen au cours d’une année civile au moins équivalent à la rente maximale de l’AVS était en mesure de subvenir dans une large mesure, si ce n’est totalement, à ses besoins et n’était plus tributaire du soutien financier de ses parents. De ce fait, le parent bénéficiaire de la rente n’avait plus d’obligation d’entretien à l’égard de son enfant, si bien que la rente complémentaire pour enfant perdait sa justification au regard du droit des assurances sociales (ATF 142 V 226 consid. 7.2.2).

Consid. 5.5
A l’instar de la rente d’orphelin du premier pilier (cf. ATF 134 V 15 consid. 2.3.3), la rente d’orphelin prévue par l’art. 20 al. 1 LPP – dont l’art. 22 LPP détermine le début et la fin – a pour fonction de compenser les difficultés financières liées à la disparition d’un parent. Par définition, elle naît lorsque le père ou la mère est décédé et est due à l’enfant qui en est directement l’ayant droit. Même si le statut familial (enfant du défunt) au moment du décès de la personne assurée ouvre en principe le droit à la rente d’orphelin, l’idée que l’entretien de l’enfant est supprimé en raison du décès, ce que la rente d’orphelin doit venir combler, du moins en partie, joue également un rôle fondamental (MARC HÜRZELER, System und Dogmatik der Hinterlassenensicherung im Sozialversicherungs- und Haftpflichtrecht, Berne 2014, p. 96). Après que l’orphelin a atteint l’âge de 18 ans révolus, l’élément déterminant pour le droit à la rente correspondante ou le maintien de ce droit est la situation de formation concrète dans laquelle il se trouve, qui limite voire même empêche la mise en œuvre de la capacité de subvenir à ses propres besoins (HÜRZELER, op. cit., p. 335).

A la différence de la rente pour orphelin de l’assurance-vieillesse et survivants, qui fait partie des prestations du premier pilier (assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale et prestations complémentaires) devant couvrir les besoins vitaux des personnes assurées de manière appropriée (art. 112 al. 2 let. b Cst.), la rente pour orphelin de la prévoyance professionnelle relève des prestations du deuxième pilier qui doivent permettre aux personnes assurées de maintenir de manière appropriée leur niveau de vie antérieur (art. 113 al. 2 let. a Cst.; voir également art. 1 al. 1 LPP; cf. ATF 136 V 313 consid. 3.1). Le but des prestations du deuxième pilier, soit le maintien du niveau de vie, va donc au-delà de celui des prestations du premier pilier (couverture des besoins vitaux), même si cette conception n’a pas valeur absolue, dans la mesure où, pour les personnes de condition modeste, maintien du niveau de vie et couverture des besoins vitaux tendent par exemple à se confondre (ATF 136 V 313 consid. 3.2 et les références).

 

Consid. 6.1
Selon la doctrine, en raison de l’étroite coordination entre le premier et le deuxième pilier, en particulier dans le contexte des conditions du droit aux prestations, il y a lieu pour l’interprétation de l’art. 22 al. 3 let. a LPP de recourir à la jurisprudence et aux avis doctrinaux relatifs à l’art. 25 al. 2, 2e phrase, LAVS (HANS MICHAEL RIEMER, Familienrechtliche Beziehungen als Leistungsvoraussetzungen gemäss AHVG/IVG, BVG-Obligatorium und freiwilliger beruflicher Vorsorge, in Mélanges pour le 65e anniversaire de Cyril Hegnauer, Berne 1986, p. 414 et 422; GABRIELA RIEMER-KAFKA, Soziale Sicherheit von Kindern und Jugendlichen, Berne 2011, n° 648 et note de bas de page 968; HÜRZELER/BRÜHWILER, Obligatorische berufliche Vorsorge, in Soziale Sicherheit, Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR] vol. XIV, 3e éd. 2016, p. 2117 n° 144; ISABELLE VETTER-SCHREIBER, BVG/FZG Kommentar, 4e éd. 2021, n° 1 et 5 ad art. 22 LPP). Pour la doctrine, étant donné que l’art. 22 al. 3 let. a LPP correspond à la réglementation de l’art. 25 al. 5 LAVS, les dispositions d’exécution des art. 49biset 49ter RAVS sont applicables par analogie en matière de prévoyance professionnelle. Par conséquent, lorsque l’orphelin exerce une activité lucrative en parallèle à sa formation, le statut de formation est circonscrit par une comparaison quantitative où le montant du revenu généré est déterminant. Un enfant est dès lors considéré comme n’étant pas en formation lorsque le revenu moyen mensuel provenant de son activité lucrative dépasse le montant maximal de la rente de vieillesse (mensuelle) de l’AVS (HÜRZELER/SCARTAZZINI, in LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n° 25 et 29 ad art. 22 LPP; ESTHER AMSTUTZ, in Basler Kommentar, Berufliche Vorsorge, 2021, n° 29 s. ad art. 22 LPP; dans ce sens également MIRIAM LENDFERS, Junge Erwachsene in Ausbildung, in Jahrbuch zum Sozialversicherungsrecht [JaSo] 2014, p. 131).

Consid. 6.2
Le point de vue de la doctrine, que la juridiction cantonale a intégralement fait sien, ne peut pas être entièrement suivi.

Consid. 6.2.1
Il paraît justifié d’interpréter la notion de formation de l’art. 22 al. 3 let. a LPP par analogie avec celle de l’art. 25 al. 5 LAVS, en fonction des éléments qualitatifs prévus par l’art. 49bis al. 1 et 2 RAVS. Les éléments qualitatifs prévus par l’art. 49bis RAVS reprennent, dans une large mesure, la jurisprudence fédérale sur la notion de formation au sens de la LAVS, à laquelle le Tribunal fédéral s’est référé pour définir les termes d' »apprentissage et d’études » [soit concrètement « Ausbildung »] au sens de l’art. 22 al. 3 let. a LPP (arrêt B 25/97 du 13 novembre 1998 consid. 2e, in RSAS 2000 p. 535).

Consid. 6.2.2
En revanche, en ce qui concerne l’élément quantitatif par lequel le Conseil fédéral a défini la notion de formation en adoptant l’art. 49bis al. 3 RAVS, le Tribunal fédéral avait considéré par le passé – avant l’entrée en vigueur de cette disposition – que le fait que l’orphelin réalisait un revenu lui permettant de subvenir à ses besoins, en parallèle à ses études, ne constituait pas un motif d’extinction du droit à la rente d’orphelin de l’AVS (consid. 5.3 supra). Il a par ailleurs retenu que la limite de revenu figurant à l’art. 49bis al. 3 RAVS ne présente pas de lien direct avec la notion de formation (cf. aussi LENDFERS, op. cit., p. 128); s’il a admis la conformité au droit fédéral de cette norme, c’est en raison du large pouvoir d’appréciation dont disposait le Conseil fédéral au regard de la délégation législative de l’art. 25 al. 5, 2e phrase, LAVS (consid. 5.4 supra). Une telle délégation législative fait cependant défaut à l’art. 22 al. 3 let. a LPP, tout comme un renvoi à la norme de la LAVS, ce qui exclut, sous l’angle systématique, une application directe de l’art. 49bis al. 3 RAVS.

Quant à une application par analogie de cette disposition, en ce sens que l’élément quantitatif prévu vaudrait également pour la rente d’orphelin de la prévoyance professionnelle, elle ne prend pas en considération le but des prestations du deuxième pilier, qui n’est pas le même que celui de l’AVS/AI (consid. 5.5 supra). L’idée qui sous-tend la limite quantitative prévue par l’art. 49bis al. 3 RAVS est que l’enfant qui réalise un revenu équivalent à celle-ci est en mesure de subvenir dans une large mesure à ses besoins (consid. 5.4 supra). Or le droit à une rente d’orphelin de l’AVS et celui à une rente d’orphelin de la prévoyance professionnelle obligatoire sont en principe ouverts en parallèle (cf. art. 34a al. 2 LPP sur le concours des prestations), de sorte que la rente d’orphelin de la prévoyance professionnelle est censée améliorer la situation de l’enfant au-delà de la seule couverture de ses besoins vitaux. La suppression de la rente d’orphelin du deuxième pilier, pour le même motif que celle du premier pilier, revient à nier que la prestation de la prévoyance professionnelle a pour but d’améliorer la situation financière de l’enfant en formation, l’objectif étant le maintien du niveau de vie et non seulement la couverture des besoins vitaux.

L’application de la limite forfaitaire, fixée de manière schématique à l’art. 49bis al. 3 RAVS, ne se justifie par conséquent pas dans le cadre de l’art. 22 al. 3 let. a LPP (cf. aussi les critiques sur la limite forfaitaire, LENDFERS, op. cit., p. 135; R IEMER-KAFKA, op. cit., n° 398 et note de bas de page 622; HÜRZELER, op. cit., p. 335 s. et note de bas de page 1175).

Consid. 6.2.3
Pour le reste, l’institution de prévoyance ne soutient pas que l’exercice de l’activité lucrative en cause aurait empêché la fille de la veuve de suivre sa formation avec l’assiduité nécessaire pendant la période concernée, étant précisé que la situation d’un abus de droit, où un orphelin qui consacrerait la plus grande partie de son temps à l’exercice d’une activité lucrative tout en restant inscrit dans un cursus de formation pour ne pas perdre son droit, demeure réservée.

 

Consid. 7
Il résulte de ce qui précède que la suppression du droit à la rente pour orphelin de la fille de la veuve à partir du 01.01.2013 en application par analogie de l’art. 49bis al. 3 RAVS n’est pas conforme au droit de la prévoyance professionnelle. En conséquence, les conditions d’une restitution de prestations indument perçues au sens de l’art. 35a LPP, examinées par la juridiction cantonale, n’étaient pas réalisées. Il convient de reconnaître l’obligation de la Caisse de pensions de verser à la veuve la somme de 27’193 fr. réclamée, montant que l’institution de prévoyance ne remet pas en cause.

Concernant les intérêts moratoires, le règlement prévoit qu’un intérêt moratoire est dû en cas de versement de pensions, à partir du jour de la poursuite ou de la demande en justice, le taux correspondant au taux minimal LPP (art. 24 let. a du règlement de la Caisse de pensions intimée). Par « taux minimal LPP », la Caisse de pensions entend appliquer aux intérêts moratoires le taux d’intérêt minimal fixé dans la prévoyance professionnelle obligatoire, prévu à l’art. 12 OPP 2 (RS 831.441.1), à savoir 1% (pour la période courant dès le 1er janvier 2017; art. 12 let. j OPP 2). La prétention de la veuve doit donc être assortie d’un taux d’intérêts de 1% à partir du 22.01.2020 (date à laquelle l’action a été introduite en instance cantonale; ATF 137 V 373 consid. 6.6; 119 V 131).

 

Le TF admet le recours de la veuve.

 

Arrêt 9C_543/2021 consultable ici

 

9C_298/2021 (f) du 14.03.2022 – Affiliation d’office à l’institution supplétive avec effet rétroactif / Point de départ de l’exigibilité de créances de cotisations relatives à un salarié particulier qui n’avait pas été annoncé à l’institution de prévoyance – Prescription / 41 LPP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_298/2021 (f) du 14.03.2022

 

Consultable ici

 

Affiliation d’office à l’institution supplétive avec effet rétroactif

Point de départ de l’exigibilité de créances de cotisations relatives à un salarié particulier qui n’avait pas été annoncé à l’institution de prévoyance – Prescription / 41 LPP

 

Par décision du 02.05.2016, la Fondation institution supplétive LPP (ci-après: l’institution supplétive) a prononcé l’affiliation d’office du Club A.__ (ci-après: l’employeur) avec effet rétroactif pour la période du 01.01.1995 au 31.08.2013. Elle lui a adressé un décompte des cotisations dues par salarié pour les périodes de cotisation déterminantes et l’a invité à plusieurs reprises à régler le solde débiteur de son compte, la dernière fois le 25.05.2018. A défaut de paiement de l’employeur, elle a introduit une poursuite (n° xxx), à laquelle celui-ci s’est opposé.

Par décision du 27.06.2019, l’institution supplétive a prononcé la levée d’opposition de la poursuite en question.

 

Procédure cantonale (arrêt A-4345/2019 – consultable ici)

Par jugement du 08.04.2021, admission partielle du recours par le Tribunal administratif fédéral, modifiant le dispositif, en ce sens, d’une part, que l’employeur doit payer à l’institution supplétive le montant de 143’364 fr. 20, auquel s’ajoutent des intérêts moratoires de 15’292 fr. 26 jusqu’au 20.06.2018 et des intérêts à 5 % depuis cette date, ainsi que des frais de rappel de 150 fr. et de poursuite de 100 fr., et, d’autre part, que l’opposition dans la poursuite n° xxx est levée à hauteur d’un montant de 158’906 fr. 46, augmenté d’intérêts moratoires de 5 % sur 143’364 fr. 20 depuis le 20.06.2018.

 

TF

Consid. 2.2
Selon l’art. 41 al. 2 LPP, les actions en recouvrement de créances se prescrivent par cinq ans quand elles portent sur des cotisations ou des prestations périodiques, par dix ans dans les autres cas. Les art. 129 à 142 CO sont applicables.

Consid. 3.1
L’employeur se prévaut d’une violation de l’art. 41 LPP et de la jurisprudence y relative s’agissant du principe de la prescription. Il reproche aux juges du TAF de ne pas avoir pris en considération le délai de prescription absolu de dix ans courant dès l’exigibilité des cotisations, soit avant même la conclusion des rapports d’assurance, conformément à l’ATF 136 V 73. En conséquence, les créances de l’intimée antérieures au 30.06.2009 seraient, selon lui, prescrites.

Consid. 3.2
Conformément à la jurisprudence à laquelle se réfère l’employeur, lorsqu’un employeur est affilié à une institution de prévoyance, le point de départ de l’exigibilité de créances de cotisations relatives à un salarié particulier qui n’avait pas été annoncé à l’institution de prévoyance correspond en principe à la date d’échéance des primes relatives aux rapports de travail soumis à cotisations, et non pas à la date de la constitution effective des rapports contractuels d’assurance (ATF 136 V 73 consid. 3.3 et 4.2; cf. aussi ATF 142 V 118 consid. 7.1). Une exception à ce principe se justifie si l’institution de prévoyance n’a pas connaissance de l’existence de rapports de travail soumis à cotisations à cause d’une violation qualifiée de l’obligation de déclarer de l’employeur. Dans un tel cas, l’exigibilité des créances de cotisations est différée jusqu’au moment où l’institution de prévoyance a connaissance de l’existence des rapports de travail déterminants; la créance individuelle de cotisations se prescrit toutefois de manière absolue par dix ans à compter de sa naissance (virtuelle; ATF 136 V 73 consid. 4.3; cf. aussi ATF 140 V 154 consid. 6.3.1).

Consid. 3.3
L’ATF 136 V 72 concerne l’éventualité dans laquelle un employeur déjà affilié à une institution de prévoyance manque à son devoir d’annoncer un ou des salariés soumis à l’assurance obligatoire, soit une situation qui ne correspond pas à celle de l’employeur, comme l’a dûment exposé le Tribunal administratif fédéral. En l’espèce, les cotisations dues portent en effet sur des périodes durant lesquelles l’employeur n’était pas déjà affilié à une institution de prévoyance, ce que l’intéressé ne conteste pas, pas plus du reste que la violation manifeste de son devoir de s’affilier. Or dans l’ATF 136 V 73, au consid. 3.2.1, le Tribunal fédéral a précisément réservé la situation de l’affiliation d’office et renvoyé à l’arrêt 9C_655/2008 du 2 septembre 2009 consid. 4.3, SVR 2010, BVG, n° 2 p. 4. Selon cet arrêt, en cas d’affiliation d’office de l’employeur ayant manqué à son devoir de s’affilier, le délai de prescription de cinq ans selon l’art. 41 al. 2 LPP ne commence à courir qu’à partir de la décision d’affiliation de l’institution supplétive. L’argumentation de l’employeur, selon laquelle le Tribunal administratif fédéral n’aurait pas pris en considération l’ATF 136 V 73 et se serait fondé uniquement sur des arrêts désuets, car antérieurs à ladite jurisprudence et par ailleurs non publiés, ne résiste dès lors pas à l’examen. Il ne peut pas davantage être suivi lorsqu’il affirme que les employeurs non affiliés à une institution de prévoyance devraient être traités de la même manière que les employeurs déjà affiliés. Ce faisant, l’employeur perd en effet de vue qu’en cas d’affiliation (rétroactive) d’office au sens de l’art. 11 al. 6 LPP, le rapport de prévoyance résulte de l’affiliation à l’institution supplétive, si bien que ce n’est qu’avec la décision d’affiliation que la créance de cotisation prend naissance. Aussi, comme l’a dûment expliqué le Tribunal administratif fédéral, tant que l’employeur ne lui est pas affilié, l’institution supplétive ne peut pas exiger que celui-ci lui verse des cotisations, avec pour conséquence qu’il n’existe pas (encore) une obligation de payer et, partant, qu’aucun délai de prescription ne peut (déjà) commencer à courir (cf. arrêt 9C_618/2007 du 28 janvier 2008 consid. 1.2.1 et les arrêts cités).

Consid. 3.4
En définitive, les considérations des juges du TAF selon lesquelles le délai de prescription de cinq ans selon l’art. 41 al. 2 LPP avait commencé à courir le 02.05.2016 (soit à la date à laquelle l’employeur avait été affilié d’office à l’institution supplétive avec effet rétroactif pour la période du 01.01.1995 au 31.08.2013 et où les créances de cotisations avaient pris naissance), sont conformes au droit. Dès lors que la prescription a été valablement interrompue par la réquisition de poursuite du 21.06.2018 et par la décision du 27.06.2019 – ce que l’employeur ne conteste pas -, c’est également à bon droit que le Tribunal administratif fédéral a constaté que les créances de cotisations litigieuses n’étaient pas prescrites. Le recours est mal fondé.

 

Le TF rejette le recours de l’employeur.

 

 

Arrêt 9C_298/2021 consultable ici