8C_233/2022 (f) du 14.09.2022 – Suspension de l’indemnité chômage en raison de l’absence de recherches d’emploi avant l’inscription au chômage / Notification irrégulière d’une décision (envoi par e-mail) par la caisse de chômage

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_233/2022 (f) du 14.09.2022

 

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Suspension de l’indemnité chômage en raison de l’absence de recherches d’emploi avant l’inscription au chômage / 30 LACI – 45 OACI

Délai de 6 mois pour l’exécution par la caisse de chômage de la suspension

Notification irrégulière d’une décision (envoi par e-mail) par la caisse de chômage / 49 LPGA

 

Assuré, né en 1991, s’est inscrit au chômage le 24.03.2020 et un délai-cadre d’indemnisation lui a été ouvert à compter de cette date. Avant son inscription à l’assurance-chômage, il n’a pas effectué de recherches d’emploi.

Par courriel du 27.09.2020, par lequel il communiquait sa nouvelle adresse, le prénommé a indiqué à l’Office du marché du travail (OMAT) du Service de l’emploi (SEMP) qu’à défaut d’avoir reçu une décision de suspension de son droit à l’indemnité de chômage, il partait du principe que cette autorité avait renoncé à prononcer une sanction à son encontre. Le 30.09.2020, l’OMAT lui a répondu qu’une décision de suspension du droit à l’indemnité de chômage lui avait été transmise par courriel le 13.08.2020.

Par pli recommandé du 05.10.2020, notifié le 09.10.2020 à l’assuré, l’OMAT a transmis à celui-ci une décision datée du 13.08.2020 suspendant son droit à l’indemnité de chômage pour une durée de huit jours, au motif qu’il n’avait pas procédé à des recherches d’emploi dans les mois précédant son inscription à l’assurance-chômage le 24.03.2020.

Le 22.10.2020, la caisse cantonale de chômage a demandé à l’assuré la restitution d’un montant de 902 fr. 75, correspondant aux indemnités journalières perçues à tort (en raison de la décision de suspension du 13.08.2020) durant la période du 01.05.2020 au 31.05.2020. L’assuré a contesté toute obligation de restitution.

Le 20.01.2021, l’OMAT a rejeté l’opposition formée contre la décision du 13.08.2020 par l’assuré, qui faisait principalement valoir la péremption du droit d’exiger l’exécution de la suspension.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 08.03.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 30 al. 1 let. c LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable. En vertu de l’art. 45 al. 3 OACI, la durée de la suspension est de 1 à 15 jours en cas de faute légère. La suspension est exécutée par suppression du droit à l’indemnité de chômage, pour les jours où l’assuré a droit à l’indemnité (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 30 ad art. 30 LACI).

Consid. 3.2
Aux termes de l’art. 30 al. 3, 4e phrase, LACI, l’exécution de la suspension est caduque six mois après le début du délai de suspension, lequel est fixé selon les critères de l’art. 45 al. 1 OACI (RUBIN, op. cit., n° 127 ad art. 30 LACI). Selon cette disposition, le délai de suspension du droit à l’indemnité prend effet à partir du premier jour qui suit (let. a) la cessation du rapport de travail, lorsque, l’assuré est devenu chômeur, ou, dans les autres situations (cf. RUBIN, op. cit., n° 133 ad art. 30 LACI), (let. b) l’acte ou la négligence qui fait l’objet de la décision. Pour pouvoir être exécutée, une sanction doit en règle générale être prononcée durant la période débutant le premier jour selon les critères de l’art. 45 al. 1 OACI et se terminant six mois plus tard; après l’écoulement du délai de six mois, le droit d’exiger l’exécution de la suspension est périmé (ATF 124 V 88 consid. 5b; 114 V 350 consid. 2d; RUBIN, op. cit., n° 127 ad art. 30 LACI).

Consid. 3.3
La péremption du droit d’exiger l’exécution n’est pas sans effet sur la possibilité, pour les organes de l’assurance-chômage, de suspendre après coup le droit à l’indemnité. En effet, si les indemnités litigieuses ont été payées à l’assuré, il n’y a plus lieu de prendre une mesure de suspension après l’échéance du délai d’exécution, la restitution des prestations indûment versées (art. 95 LACI) ne pouvant de toute façon plus être exigée en vue de faire exécuter la sanction. En revanche, si l’assuré n’a pas encore perçu les indemnités litigieuses, rien ne s’oppose au prononcé d’une mesure de suspension après l’échéance du délai de l’art. 30 al. 3, 4e phrase, LACI. Tel sera par exemple le cas lorsque l’aptitude au placement a été longtemps niée, avant d’être finalement admise (ATF 114 V 350 consid. 2b; arrêts 8C_309/2015 du 21 octobre 2015 consid. 3.2; 8C_1021/2012 du 10 mai 2013 consid. 4.3).

Consid. 3.4
Les juges cantonaux ont constaté que le délai de péremption de six mois de l’art. 30 al. 3, 4e phrase, LACI avait débuté le 24.03.2020 et avait été atteint le 24.09.2020. Ils ont retenu que la notification par courrier électronique de la décision du 13.08.2020 était irrégulière, faute de base légale autorisant une telle communication électronique. Cela étant, ladite décision avait bien été établie et envoyée par courriel le 13.08.2020, de sorte qu’elle n’était pas inexistante ou nulle jusqu’à sa notification régulière à l’assuré, mais seulement inopposable à celui-ci. Par conséquent, elle avait été rendue avant l’échéance du délai de péremption, quand bien même l’assuré n’en avait pris connaissance que le 09.10.2020. L’instance précédente a ensuite confirmé la suspension du droit de l’assuré à l’indemnité de chômage pour une durée de huit jours.

Consid. 4.2
Il résulte du dossier qu’en date du 13.08.2020, l’Office du marché du travail (OMAT) du Service de l’emploi (SEMP) a reçu un message électronique confirmant l’envoi d’un courriel à l’assuré le même jour. Dès lors que la décision de suspension de l’indemnité de chômage est bien datée du 13.08.2020, il y a tout lieu de penser que ledit courriel concernait bien cette décision. La cour cantonale n’a donc pas versé dans l’arbitraire en retenant que la décision en question avait été établie et envoyée par courriel à l’assuré le 13.08.2020. Par ailleurs, contrairement à ce que semble penser l’assuré, les juges cantonaux n’en ont pas pour autant conclu que celui-ci avait pris connaissance dudit courriel. Se fiant à ses déclarations, ils ont au contraire considéré que la décision du 13.08.2020 ne lui avait été notifiée que le 09.10.2020, lorsqu’il en avait pris connaissance pour la première fois. Il n’y a donc pas lieu de s’écarter des faits constatés par l’autorité précédente, selon lesquels l’OMAT a envoyé à l’assuré, par courriel du 13.08.2020, une décision du même jour suspendant son droit à l’indemnité de chômage, mais que l’assuré n’a pris connaissance de la décision que le 09.10.2020, ensuite de son envoi régulier par pli recommandé le 05.10.2020.

Consid. 5.2
De jurisprudence constante, une décision qui n’a pas été notifiée valablement à la personne concernée ne déploie pas d’effets juridiques; ce n’est qu’avec sa notification qu’une décision déploie les effets juridiques en vue desquels elle a été rendue, son destinataire ne pouvant être tenu par une décision que s’il en a connaissance (arrêts 6B_466/2020 du 4 septembre 2020 consid. 2.3; 6B_1237/2019 du 3 juillet 2020 consid. 4.3; 5D_37/2013 du 5 juillet 2013 consid. 4 et les références; DUBEY/ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 977, p. 346). Le Tribunal fédéral a en outre eu l’occasion de préciser qu’un jugement n’existe légalement qu’une fois qu’il a été officiellement communiqué aux parties; tant qu’il ne l’a pas été, il est inexistant; son inefficacité doit être relevée d’office (ATF 122 I 97 consid. 3a/bb et 3b).

Consid. 5.3
En l’espèce,
quand bien même la décision du 13.08.2020 a été établie à cette même date, elle n’a été notifiée à l’assuré que le 09.10.2020, de sorte qu’elle ne pouvait pas déployer d’effets juridiques – ni donc la suspension du droit à l’indemnité de chômage qu’elle prononçait être exécutée – avant cette date. Or comme le délai de six mois de l’art. 30 al. 3, 4e phrase, LACI était échu depuis le 24.09.2020, le droit d’exiger l’exécution de la suspension était périmé. Comme les indemnités journalières avaient été payées, il n’était plus possible d’exécuter une mesure de suspension après l’échéance du délai de l’art. 30 al. 3, 4e phrase, LACI (cf. consid. 3.3 supra). C’est donc en violation du droit que les premiers juges ont confirmé la suspension du droit de l’assuré à l’indemnité de chômage prononcée par l’OMAT.

 

Le TF admet le recours de l’assuré et annule le jugement cantonal et la décision sur opposition de l’OMAT.

 

Arrêt 8C_233/2022 consultable ici

 

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