Assurances sociales : ce qui va changer en 2025

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025

 

Article de Mélanie Sauvain, paru in Sécurité sociale CHSS du 26.11.2024, consultable ici

 

À l’instar des rentes AVS et AI, plusieurs prestations sociales vont augmenter au 1er janvier 2025. C’est également à partir de cette date que l’âge de référence des femmes passera progressivement de 64 à 65 ans.

Plusieurs nouvelles mesures entrent en vigueur début 2025. Afin que les assurés, les employeurs et les personnes actives dans le domaine des assurances sociales aient une vue d’ensemble, le présent article résume les principaux changements, sur la base des informations disponibles à la fin novembre 2024. Au moment de la rédaction de cet article, le recours contre le relèvement de l’âge de la retraite des femmes est toujours pendant au Tribunal fédéral.

 

1er pilier : hausse des rentes et des allocations pour impotent

Les rentes du 1er pilier augmentent de 2,9% dès le 1er janvier 2025. La rente minimale dans l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) et dans l’assurance-invalidité (AI) passe ainsi de 1’225 à 1’260 francs par mois ; la rente maximale pour une durée de cotisation complète de 2’450 à 2’520 francs. La rente AVS pour couples mariés s’élève désormais à 3’780 francs. La dernière adaptation de ces rentes à l’évolution des prix et des salaires datait de 2023.

En parallèle, le montant de la cotisation minimale AVS/AI/APG pour les indépendants et les personnes sans activité lucrative passe à 530 francs par an ; celui de la cotisation minimale dans l’AVS/AI facultative à 1’010 francs.

Destinées aux bénéficiaires de rentes tributaires de l’aide d’autrui, les allocations pour impotent dans l’AVS et l’AI sont également relevées. Leurs montants dépendent du degré de l’impotence. Enfin, dans l’AI, la contribution d’assistance se monte désormais à 35.30 francs par heure (+ 1 franc) et à 169.10 francs par nuit (+ 4.65 francs).

 

Besoins vitaux : hausse des PC et des Ptra

Les prestations complémentaires (PC) et les prestations transitoires (Ptra) augmentent également. Le forfait annuel pour couvrir les besoins vitaux passe à 20’670 francs pour les personnes seules (+ 570 francs) ; à 31’005 francs pour les couples (+ 855 francs) ; à 10’815 francs pour les enfants âgés de plus de 11 ans (+ 300 francs) et à 7’590 francs pour les enfants de moins de 11 ans (+ 210 francs).

Les montants maximaux des loyers pris en compte dans le cadre des PC et des Ptra sont aussi adaptés au renchérissement. Ils s’élèvent désormais à 18’900 francs dans les grands centres urbains (région 1), à 18’300 francs dans les villes (région 2) et à 16’680 francs à la campagne (région 3). Enfin, les franchises sur le revenu de l’activité lucrative sont relevées de 1’000 à 1’300 francs par an pour les personnes seules ; de 1’500 à 1’950 francs par an pour les couples ou les personnes avec enfant.

 

Allocations familiales : hausse des montants minimaux

Dans le domaine des allocations familiales, les montants minimaux fixés par la Confédération sont revus à la hausse en 2025. L’allocation pour enfant s’élève désormais à 215 francs par mois au lieu de 200 francs ; l’allocation de formation à 268 francs par mois au lieu de 250 francs.

Cette augmentation concerne en premier lieu les parents travaillant dans les cantons qui versent les montants minimaux, à savoir Argovie, Bâle-Campagne, Glaris, Soleure, Tessin, Thurgovie et Zurich. Les autres cantons, qui prévoient déjà des allocations plus élevées, ne sont pas obligés de procéder à une hausse.

 

2e et 3e piliers : nouveaux montants

Liés aux rentes du 1er pilier, plusieurs montant de la prévoyance professionnelle subissent aussi des changements début 2025. La déduction de coordination dans le régime obligatoire (LPP) passe à 26’460 francs ; le seuil d’entrée à 22’680 francs. Pour le 3e pilier (3a), la déduction fiscale autorisée par année s’élève désormais à 7’258 francs pour les personnes avec un 2e pilier et à 36’288 francs pour celles qui n’en ont pas.

Les rentes de survivants et d’invalidité de la LPP sont également adaptées. Elles augmentent de 0,8% si elles ont été adaptées pour la première fois en 2024 ; de 2,5% si leur dernière adaptation a eu lieu en 2023. Dans le régime surobligatoire, c’est l’organe suprême de l’institution de prévoyance qui décide chaque année si et dans quelle mesure les rentes doivent être adaptées.

Le taux d’intérêt minimal dans la LPP reste inchangé à 1,25% en 2025. Le Conseil fédéral a suivi les recommandations de la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle pour fixer l’intérêt minimal auquel doivent être rémunérés les avoirs de vieillesse de la LPP.

Enfin, dans la prévoyance individuelle liée (pilier 3a), il sera désormais possible d’effectuer des rachats à certaines conditions. Concrètement, une personne exerçant une activité lucrative en Suisse et qui n’aura pas versé chaque année la cotisation maximale autorisée dans son 3e pilier pourra la verser rétroactivement dans les dix années qui suivent. Seules les lacunes de cotisation survenant après l’entrée en vigueur du projet pourront être rachetées. Les lacunes étant apparues avant 2025 ne peuvent donc pas être comblées. Ce rachat sera autorisé en plus de la cotisation ordinaire et pourra également être déduit du revenu imposable.

 

AVS 21 : 2e étape

La deuxième étape de la réforme Stabilisation de l’AVS (AVS 21) entre en vigueur début 2025. Seules les femmes nées après 1960 sont concernées. Leur âge de référence (auparavant «âge de la retraite») va augmenter progressivement jusqu’en 2028 pour s’établir finalement à 65 ans comme pour les hommes.

 

L’âge de référence indique l’âge auquel une personne peut percevoir sa rente de vieillesse sans réduction ni supplément. Il n’est pas contraignant. Depuis 2024, il est en effet possible de prendre sa retraite entre 63 et 70 ans ; et cela également de manière partielle. En cas de départ à la retraite avant 65 ans, la rente est réduite ; si la retraite est repoussée après 65 ans, la rente est augmentée (Sauvain, 2023). Les taux de réduction et d’ajournement seront prochainement revus à la baisse, probablement en 2027, afin de mieux tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie.

L’augmentation de l’âge de référence s’accompagne de mesures de compensation (OFAS, 2022). Ainsi, les femmes nées entre 1961 et 1969 ont droit dès 2025 à un supplément de rente pour autant qu’elles perçoivent leur rente de vieillesse à l’âge de référence ou ultérieurement. Les femmes qui choisissent d’anticiper leur rente n’ont pas droit à ce supplément, mais elles bénéficient de taux de réduction plus favorables.

Le supplément de rente est échelonné en fonction du revenu et de l’année de naissance. Il s’élève entre 13 et 160 francs par mois. Il n’est pas soumis au plafonnement des rentes pour les couples mariés et est versé même si le montant de la rente maximale est dépassé. Versé à vie, il n’entraîne pas de réduction du montant des prestations complémentaires.

AMal : hausse des primes et règles pour les courtiers

Les primes de l’assurance-maladie obligatoire (AMal) augmentent pour toutes les catégories d’âge en 2025. La prime mensuelle moyenne s’élèvera à 378.70 francs, ce qui correspond à une augmentation de 6% par rapport à 2024. La prime moyenne est calculée en additionnant toutes les primes payées en Suisse et en les divisant par le nombre total d’assurés. La hausse moyenne pour les jeunes adultes et pour les enfants sera un peu moins élevée, respectivement de 5.4% et 5.8%.

L’annonce de cette augmentation de primes a pour la première fois été accompagnée de règles contraignantes pour les intermédiaires d’assurances. Ainsi, le démarchage téléphonique à froid, c’est-à-dire la prise de contact avec une personne qui n’a jamais été assurée auprès de l’assureur en question ou qui ne l’est plus depuis trois ans, est interdit. De plus, l’intermédiaire a l’obligation d’établir un procès-verbal lors de ses entretiens-conseils et de le faire signer par le client. Quant à sa rémunération, elle est dorénavant limitée. Les assureurs qui contreviennent à ces règles, entrées en vigueur en septembre 2024, encourent une amende pouvant aller jusqu’à 100’000 francs.

 

Social et santé : numérisation en marche

La numérisation des assurances sociales franchit une nouvelle étape avec la possibilité pour les personnes effectuant un service (militaire, civil, Protection civile) de demander en ligne leurs allocations pour perte de gain (APG). Les modifications légales en ce sens entrent en vigueur début 2025. Les formulaires papier seront dès 2026 progressivement remplacés par une procédure numérisée, plus simple et plus efficace. Le changement de loi vise à alléger les démarches administratives, tant pour les assurés que pour leurs employeurs.

Dans le domaine de la santé, un jalon important pour le dossier électronique du patient (DEP) est posé. La Confédération soutient désormais financièrement les fournisseurs de DEP. Cette mesure visant à diffuser et promouvoir le dossier électronique est transitoire jusqu’à ce que la révision de la loi correspondante soit adoptée et mise en œuvre. Le message sur cette révision complète doit être transmis au Parlement au printemps 2025.

 

Protection de la jeunesse renforcée

La première étape de la nouvelle loi sur la protection des mineurs dans les secteurs du film et du jeu vidéo entre en vigueur en 2025. Les enfants et les adolescents seront ainsi mieux protégés face aux contenus de films et de jeux vidéo susceptibles de les heurter, notamment les contenus violents ou sexuellement explicites. La loi harmonise à l’échelle du pays, le système de classification et de contrôle de l’âge en matière d’accès aux films et jeux vidéo.

 

Champ d’action élargi pour les fonds patronaux

Les fonds patronaux de bienfaisance pourront élargir leur champ d’action dès 2025. Jusqu’ici limités aux situations de détresse, ils peuvent désormais accorder des prestations visant à prévenir les risques financiers liés à la maladie, aux accidents et au chômage. De nouvelles mesures pour soutenir la formation continue, la conciliation entre vie familiale et professionnelle, ainsi que la promotion de la santé, seront également possibles. La modification du Code civil en ce sens vise à encourager ces fondations d’entreprise à caractère social.

 

 

Bibliographie :

OFAS (2024). Montants valables dès le 1er janvier 2025.

Sauvain, Mélanie (2023). Entre le travail et la retraite : plus grande flexibilité dès 2024, Sécurité sociale CHSS. 21 novembre.

OFAS (2022). Fiche d’information AVS 21 : Conséquences pour les femmes

 

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025, article de Mélanie Sauvain, paru in Sécurité sociale CHSS du 26.11.2024, consultable ici

Sozialversicherungen: Was ändert sich 2025?, Artikel von Mélanie Sauvain, in Soziale Sicherheit CHSS vom 26.11.2024 erschienen, hier abrufbar

 

8C_639/2023 (f) du 25.09.2024 – Troubles psychiques – Causalité adéquate – 6 LAA / Collisions moto-auto – Scootériste percutée par un véhicule qui ne lui a pas accordé la priorité (« stop »)

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_639/2023 (f) du 25.09.2024

 

Consultable ici

 

Troubles psychiques – Causalité adéquate / 6 LAA

Collisions moto-auto – Scootériste percutée par un véhicule qui ne lui a pas accordé la priorité (« stop ») – Rappel de la casuistique pour la catégorisation de l’accident – Moyen stricto sensu in casu

Critère des difficultés apparues au cours de la guérison et complications importantes admis – Processus de guérison compliqué par le développement d’un SDRC et de deux thromboses veineuses profondes

Critère des douleurs physiques persistantes admis en raison notamment du SDRC

Critère de la durée anormalement longue du traitement médical admis

 

Assurée, née en 1970, a été victime d’un accident de la circulation routière le 22.01.2018 alors qu’elle circulait à scooter. Elle a subi une fracture du plateau tibial gauche justifiant des interventions chirurgicales le 30.01.2018 et le 21.06.2018, puis une ablation du matériel d’ostéosynthèse (AMO) le 09.04.2019. L’assurée a présenté des douleurs persistantes au genou et à la cheville gauches, avec des sensations de blocage, nécessitant l’utilisation de béquilles.

L’assurée a repris son activité professionnelle en août 2019, de façon progressive jusqu’à un taux de 70%. Dès le 19.06.2020, elle a présenté une incapacité de travail de 50% pour des motifs psychiques.

Le 16.02.2021, le médecin-conseil a retenu les diagnostics de fracture du plateau tibial gauche, de syndrome douloureux régional complexe (SDRC), de douleurs neuropathiques du membre inférieur gauche et de raideur de la cheville gauche. La capacité de travail était diminuée de 20% jusqu’à l’échéance des deux ans post-opératoires puis, dans le futur, de 10% pour une activité sédentaire stricte. L’état était stabilisé à deux ans de la dernière intervention du 09.04.2019. Ce médecin a fixé le taux de l’IPAI à 25%. Le 30.04.2021, il a réévalué la baisse de rendement à 5%.

Par décision, confirmée sur opposition le 16.09.2021, l’assurance-accidents a refusé à l’assurée le droit à une rente d’invalidité et fixé une IPAI de 25%. Du point de vue somatique, la capacité de travail dans une activité adaptée était de 100% avec une diminution de rendement de 5%. La relation de causalité adéquate entre les troubles psychiques et l’accident était exclue.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/662/2023 – consultable ici)

Par jugement du 04.09.2023, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, condamnant notamment l’assurance-accidents à verser à l’assurée une rente fondée sur un taux d’invalidité de 50% dès le 01.09.2021, ainsi qu’une IPAI de 40%, sous déduction des prestations déjà versées.

 

TF

Consid. 4.2.1
Les juges cantonaux ont considéré, sur la base de la jurisprudence fédérale, que les collisions entre motocycles et voitures de tourisme devaient généralement être qualifiées d’accidents de gravité moyenne au sens strict, en l’absence de circonstances aggravantes supplémentaires. En l’occurrence, ils ont noté qu’un taxi avait coupé la route à l’assurée alors que celle-ci circulait en scooter; ensuite de la chute, elle s’était retrouvée coincée en partie sous le taxi, avec le scooter sur sa jambe. Au vu de la jurisprudence, ils ont qualifié cet événement d’accident de gravité moyenne au sens strict.

Consid. 4.2.2
La casuistique des accidents impliquant des motocyclistes percutés par un véhicule automobile classe le choc d’un motocycliste roulant à une vitesse comprise entre 50 km/h et 70 km/h avec un automobiliste en train de bifurquer dans la catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu (arrêt 8C_99/2019 du 8 octobre 2019 consid. 4.4.1 et les arrêts cités). Les cas d’un motocycliste projeté à une dizaine de mètres du point d’impact et d’une collision frontale entre un scooter et une camionnette ont pour leur part été considérés comme des accidents de gravité moyenne à la limite des cas graves (arrêts 8C_134/2015 du 14 septembre 2015 consid. 5.3; 8C_917/2010 du 28 septembre 2011 consid. 5.3).

Au vu de la jurisprudence, les circonstances invoquées par l’assurance-accidents, à savoir le fait que l’assurée n’ait pas été projetée et qu’il n’y ait pas eu d’impact direct avec le véhicule, auraient été susceptibles d’aggraver la qualification de l’accident si elles avaient été réalisées. Leur absence ne saurait cependant remettre en cause la classification opérée par les juges cantonaux. En particulier, dans le premier arrêt que l’assurance-accidents invoque à l’appui de son argumentation (arrêt 8C_235/2020 du 15 février 2021), un automobiliste avait heurté avec l’avant droit de sa voiture l’avant du scooter de l’assuré et l’avait ainsi projeté par-dessus la voiture; la classification de l’accident (gravité moyenne au sens strict) n’avait toutefois pas été remise en question devant le Tribunal fédéral et donc pas été examinée par celui-ci (consid. 4.2), qui avait cependant jugé que la projection en l’air conférait un caractère impressionnant à l’accident (consid. 4.3.1). Dans le second cas invoqué par l’assurance-accidents, qualifié d’accident de peu de gravité à la limite supérieure (arrêt 8C_105/2012 du 23 juillet 2012 consid. 5.4), l’assuré, surpris par une manœuvre de freinage de son fils qui roulait devant lui, avait dû freiner brusquement et avait chuté de son scooter sur l’épaule droite. Cette constellation n’est cependant pas comparable avec le cas sous revue, où l’assurée s’est fait couper la route et a été percutée par un véhicule qui ne lui a pas accordé la priorité en quittant une route marquée d’un signal « stop ».

Consid. 4.2.3
Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que la cour cantonale a considéré que l’accident entrait dans la catégorie des accidents de gravité moyenne au sens strict. Pour cette catégorie d’accident, trois critères jurisprudentiels doivent être remplis ou l’un des critères doit s’être manifesté de manière particulièrement marquante pour que le lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques et l’accident puisse être admis (cf. arrêt 8C_418/2022 du 1 er mars 2023 consid. 4.1 et l’arrêt cité).

Consid. 4.4.1
Concernant l’existence de difficultés apparues au cours de la guérison et les complications importantes, ces deux aspects ne doivent pas être remplis de manière cumulative. Il doit toutefois exister des motifs particuliers ayant entravé ou ralenti la guérison (arrêts 8C_236/2023 du 22 février 2014 consid. 3.4.5; 8C_400/2022 du 21 décembre 2022 consid. 4.3.4 et les arrêts cités).

De tels motifs existent en l’espèce puisque le processus de guérison de l’assurée a été compliqué par le développement d’un SDRC avec allodynie et des douleurs aux épaules, ce qui a prolongé le traitement médical et nécessité des infiltrations. L’assurée a en outre subi deux opérations imposées par des complications, soit une AMO partielle (le matériel gênant le glissement des tissus mous périarticulaires), doublée d’une intervention pour redonner de la mobilité au genou gauche, et une AMO complète (en raison de l’équin de la cheville gauche et pour obtenir une cheville plus mobile). L’assurée a également subi des complications en raison de deux thromboses veineuses profondes, d’une plaie chirurgicale qui a mis du temps à se fermer, d’une raideur du genou, d’arthrose et de douleurs aux épaules nécessitant des soins continus. Le fait que l’assurance-accidents juge ces difficultés comme surmontables dès lors que l’assurée avait pu reprendre le travail à temps partiel plus d’un an et demi après l’accident n’affecte pas leur réalité. Le critère en cause est ainsi réalisé.

Consid. 4.4.2
S’agissant du critère des douleurs physiques persistantes, il faut que des douleurs importantes aient existé sans interruption notable durant tout le temps écoulé entre l’accident et la clôture du cas (cf. art. 19 al. 1 LAA). L’intensité des douleurs est examinée au regard de leur crédibilité ainsi que de l’empêchement qu’elles entraînent dans la vie quotidienne (ATF 134 V 109 consid. 10.2.4; arrêt 8C_565/2022 du 23 mai 2023 consid. 4.2.7 et l’arrêt cité).

En l’occurrence, il n’est pas contesté que l’assurée souffre d’un SDRC en lien de causalité naturelle avec l’accident. Or l’un des critères (dits de Budapest) pour admettre l’existence d’un SDRC est la présence d’une douleur persistante disproportionnée par rapport à l’événement initial (cf. arrêt 8C_416/2019 du 15 juillet 2020 consid. 5.1). L’expertise atteste par ailleurs des douleurs physiques persistantes dues à l’allodynie et à l’arthrose du genou gauche. Les différents médecins, y compris le médecin-conseil, rapportent d’intenses douleurs et le taux de travail de l’assurée a précisément dû être revu à la baisse en raison notamment de ses douleurs, ce qui illustre leur impact sur sa vie quotidienne. Les critiques de l’assurance-accidents à cet égard sont manifestement mal fondées et doivent être écartées.

Consid. 4.4.3
Comme retenu à juste titre par l’instance cantonale, le critère de la durée anormalement longue du traitement médical (cf. à ce titre ATF 148 V 138 consid. 5.3.1) doit également être admis, au vu de la nature et de l’intensité des nombreux traitements et interventions subis par l’assurée (cf. consid. 4.4.1 supra). L’assurance-accidents ne le conteste d’ailleurs pas.

Consid. 4.5
Les trois critères jurisprudentiels retenus par les juges cantonaux sont ainsi réalisés, de sorte que le lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques de l’assurée et l’accident doit être confirmé. Le grief de l’assurance-accidents doit être rejeté sans qu’il soit nécessaire d’examiner ses critiques dirigées contre les critères que la juridiction cantonale a laissé ouverts.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_639/2023 consultable ici

 

8C_104/2024 (d) du 22.10.2024, destiné à la publication – Prestations de l’assurance-invalidité en cas d’obésité : adaptation de la jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_104/2024 (d) du 22.10.2024, destiné à la publication

 

Arrêt 8C_104/2024 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 21.11.2024 consultable ici

 

Prestations de l’assurance-invalidité en cas d’obésité : adaptation de la jurisprudence

 

Le Tribunal fédéral adapte sa jurisprudence concernant le droit aux prestations de l’assurance-invalidité en cas d’obésité. Le fait que l’obésité soit en principe accessible à un traitement ne s’oppose ainsi plus d’emblée au droit à une rente. Il peut toutefois être attendu des personnes concernées qu’elles suivent des traitements qui peuvent raisonnablement être exigés d’elles pour remédier à l’atteinte, tels qu’une thérapie diététique ou un programme d’activité physique.

Conformément à la jurisprudence antérieure, l’obésité (surpoids important) n’entraînait en principe pas d’invalidité donnant droit à une rente. Une obésité ne relevait de l’assurance-invalidité que s’il en résultait une atteinte à la santé physique ou psychique ou si de telles atteintes en étaient la cause. Cette jurisprudence considérait en fin de compte que le surpoids important pouvait être surmonté par un effort de volonté. Cette pratique s’était développée sur la base de celle concernant les addictions. Le Tribunal fédéral a par la suite cependant adapté (suite également à la modification de sa pratique concernant les troubles dépressifs légers ou moyens) sa jurisprudence en la matière (ATF 145 V 215, communiqué de presse du 5 août 2019). Selon dite jurisprudence, il faudrait à l’avenir déterminer dans chaque cas, dans le cadre d’une procédure probatoire structurée, dans quelle mesure l’atteinte influe sur la capacité de travail de la personne assurée.

On ne voit pas de raison de maintenir la jurisprudence spécifique rendue jusqu’ici en matière d’obésité. A cet égard, il convient de tenir compte du fait que l’obésité est une maladie somatique (physique) chronique et complexe. La jurisprudence doit par conséquent être modifiée en ce sens que le fait qu’un traitement de l’obésité soit en principe possible ne s’oppose pas per se à un droit à la rente. Il convient ainsi de se demander pour chaque cas particulier dans quelle mesure la maladie restreint la capacité de travail. Bien évidemment, l’obligation de diminuer le dommage s’applique aussi en cas d’obésité. Un droit à une rente d’invalidité suppose en ce sens que la personne concernée entreprenne les traitements qui peuvent raisonnablement être exigés d’elle, tels que des thérapies diététiques, médicamenteuses ou comportementales ou encore un programme d’activité physique.

Dans le cas concret, le Tribunal fédéral admet partiellement le recours d’une femme présentant une obésité de classe III et un indice de masse corporelle de 58, qui avait demandé sans succès une rente d’invalidité. Il va de soi que la recourante n’a en tous les cas pas la possibilité de retrouver immédiatement une capacité de travail à 100%. L’Office AI devra rendre une nouvelle décision ; à cet effet, des examens médicaux devront également être effectués au regard de l’obligation de réduire le dommage.

 

Arrêt 8C_104/2024 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 21.11.2024 consultable ici

 

NB : le même jour que le communiqué de presse du TF, l’office fédéral de la statistique a publié les résultats de l’enquête suisse sur la santé (communiqué de presse de l’OFS du 21.11.2024).

En 2022, 31% des personnes de 15 ans ou plus vivant en Suisse étaient en surpoids et 12% étaient obèses. La proportion de personnes présentant ces affections variait toutefois selon le groupe de population. Les hommes étaient par exemple davantage touchés que les femmes. Les personnes obèses ou en surpoids souffraient plus fréquemment de maladies cardiovasculaires, de diabète ou d’autres maladies chroniques que les personnes de poids normal. L’obésité allait en outre plus souvent de pair avec des symptômes sévères de dépression. Ce sont là quelques-uns des résultats de la nouvelle publication de l’OFS consacrée au surpoids et à l’obésité.

Selon l’OFS, le surpoids et l’obésité peuvent favoriser l’apparition de maladies chroniques, provoquer des troubles physiques et détériorer la qualité de vie des personnes atteintes. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaît l’obésité comme une maladie chronique complexe. Critère essentiel en la matière, le poids corporel est notamment influencé par le sexe, l’âge et le niveau de formation.

Les personnes sans formation post-obligatoire souffraient davantage de surpoids et d’obésité en 2022. Le gradient social s’est fait sentir davantage chez les femmes que chez les hommes : en tenant compte de l’âge, les hommes sans formation post-obligatoire avaient respectivement 2,4 et 1,4 fois plus de risques d’être obèses ou en surpoids que les hommes ayant achevé une formation du degré tertiaire. Les femmes sans formation post-obligatoire présentaient un risque 2,9 fois plus élevé d’être obèses et un risque 2,0 fois plus grand d’être en surpoids que les femmes titulaires d’un diplôme du degré tertiaire

Publication de l’OFS « Enquête suisse sur la santé 2022 – Surpoids et obésité » disponible ici

 

9C_236/2024 (f) du 23.10.2024 – Allocation pour impotent pour mineurs / 9 LPGA – 42 LAI – 37 RAI / Actes « se vêtir/se dévêtir » et « faire sa toilette » admis – Besoin de surveillance personnelle permanente nié

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_236/2024 (f) du 23.10.2024

 

Consultable ici

 

Allocation pour impotent pour mineurs / 9 LPGA – 42 LAI – 37 RAI

Actes « se vêtir/se dévêtir » et « faire sa toilette » admis – Besoin de surveillance personnelle permanente nié

 

Invoquant un besoin d’aide pour accomplir certains actes ordinaires de la vie en raison des différents troubles (trouble déficitaire de l’attention, dyspraxie, dysgraphie) dont il souffrait, l’assuré, né en 2013, a présenté le 11.05.2022 une demande d’allocation pour impotent à l’office AI. Ce dernier a recueilli l’avis de la médecin traitant, spécialiste en pédiatrie. Il a en outre mis en œuvre une enquête à domicile. Il a averti l’assuré que, compte tenu des informations récoltées, il entendait rejeter sa demande. En dépit des critiques de l’intéressé contre ce projet, soutenues par son spécialiste en psychiatrie et psychothérapie d’enfants et d’adolescents, l’office AI a entériné le refus d’octroyer des prestations (décision du 24.05.2023).

 

Procédure cantonale (arrêt AI 191/23 – 99/2024 – consultable ici)

Par jugement du 26.03.2024, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision entreprise en ce sens que l’assuré avait droit dès le 01.05.2021 à une allocation pour impotent de degré moyen.

 

TF

Consid. 4.2.1
À propos de l’acte « se vêtir/se dévêtir », la juridiction cantonale a relevé que, selon le rapport d’enquête et sous réserve d’injonctions, l’assuré était capable de s’habiller et se déshabiller tout seul, de lacer ses chaussures et de choisir ses habits en fonction de la météorologie, bien qu’il rencontrât des difficultés avec la fermeture de certains types de boutons. Elle a en revanche tiré de la demande du 11.05.2022 et des témoignages produits durant la procédure cantonale de recours que la présence d’un tiers était nécessaire pour éviter que l’habillage ne se prolongeât ou que des habits ne fussent enfilés dans un mauvais sens ou ne fussent choisis de façon inadéquate selon l’activité à entreprendre ou la météorologie. Elle a inféré de ces éléments que l’aide indirecte et régulière d’un tiers était requise, faute de quoi l’acte en question serait accompli imparfaitement et à contre-temps.

Consid. 4.2.2
Pour ce qui concerne l’acte « faire sa toilette », la cour cantonale a inféré du rapport d’enquête que l’assuré se montrait autonome pour se brosser les dents et se laver, sauf pour le réglage de la température de l’eau, même s’il fallait lui rappeler de se savonner. Par contre, elle a déduit des témoignages, rapports médicaux et photographies produits en première instance qu’une incitation permanente était impérative afin que les gestes utiles fussent concrètement réalisés. Elle a aussi retenu que l’intervention de tiers était indispensable pour que certaines zones du corps fussent lavées correctement. Elle a déduit de ces éléments que l’aide indirecte et régulière d’un tiers était requise pour la réalisation de l’acte en question.

Consid. 4.2.3
S’agissant de la surveillance personnelle permanente, le tribunal cantonal a constaté que, selon le rapport d’enquête, la mise en place de mesures de sécurité n’avait pas été jugée utile dès lors que l’assuré respectait les règles de la maison, qu’il pouvait jouer dans une pièce sans surveillance et être laissé un moment seul à domicile avec son petit frère, qu’il ne présentait pas de comportement auto ni hétéro-agressif et qu’il ne jetait ni ne cassait d’objets. Il a en revanche inféré des témoignages et rapports médicaux produits pendant la procédure cantonale de recours que l’assuré ne pouvait pas être laissé sans surveillance dans la mesure où, en raison de sa dyspraxie et de son trouble déficitaire de l’attention, il avait souvent été victime de blessures et en avait causé à son frère. Il a déduit de ces éléments que l’assuré nécessitait une surveillance personnelle permanente qui excédait celle devant être portée à un enfant du même âge.

Consid. 4.3
Compte tenu de ce qui précède, les juges cantonaux ont considéré que l’assuré avait besoin d’aide pour réaliser trois actes ordinaires de la vie et d’une surveillance personnelle permanente, de sorte que son droit à une allocation pour impotent de degré moyen devait être reconnu dès le 01.05.2021.

 

 

Consid. 6.1.1
S’agissant d’abord de l’acte « se vêtir/se dévêtir », on relèvera que la description faite par l’enquêtrice de l’administration de l’aide requise pour réaliser cet acte est foncièrement identique à celle décrite par les membres de la famille de l’assuré. Ce dernier était apte du point de vue fonctionnel à se vêtir et à se dévêtir tout seul. Il avait toutefois besoin de rappels ou d’injonctions pour que l’acte fût accompli correctement, de façon adéquate selon l’activité à entreprendre ou la météorologie et dans un laps de temps raisonnable. Les juges cantonaux ont considéré que ces rappels ou injonctions constituaient une aide indirecte et régulière de la part d’un tiers. Leur appréciation est conforme au droit dès lors que, selon la jurisprudence, un assuré qui doit être cadré quotidiennement dans le choix de ses vêtements en fonction du temps qu’il fait remplit les conditions de l’art. 37 RAI concernant l’aide requise (cf. arrêt 9C_138/2022 du 3 août 2022 consid. 4.2.1).

 

Consid. 6.1.2
En ce qui concerne l’acte « faire sa toilette », on relèvera que la juridiction cantonale s’est non seulement fondée sur les déclarations et les témoignages écrits des parents, mais également sur les déclarations du spécialiste en psychiatrie et psychothérapie d’enfants et d’adolescents traitant, qui confirment et complètent celles des parents. Dans la mesure où toutes ces observations concordent quant au besoin d’aide notamment pour régler la température de l’eau et accomplir certains gestes utiles ou quant au besoin d’incitations permanentes pour éviter que l’assuré ne se laisse distraire, on ne saurait valablement reprocher au tribunal cantonal d’avoir fait preuve d’arbitraire en admettant le besoin d’aide indirecte et régulière pour accomplir l’acte en question.

Consid. 6.1.3
S’agissant finalement du besoin de surveillance personnelle permanente, les juges cantonaux se sont contentés de se référer d’une manière générale aux témoignages ou aux rapports du Service des urgences de l’Hôpital de l’enfance (cinq rapports entre 2018 et 2023) pour en déduire un comportement dangereux de l’assuré envers lui-même ou autrui, sans expliquer pourquoi les éléments contraires retenus dans le rapport d’enquête à domicile – correspondant aux premières déclarations des parents de l’assuré – seraient manifestement erronés. On relèvera à cet égard que les blessures ayant amené l’assuré à consulter des services d’urgence (contusion nasale après s’être cogné le nez contre un bob; brûlure au deuxième degré après s’être versé du bouillon sur la jambe; plaie superficielle après s’être encoublé dans un fil de fer barbelé; traumatisme crânien mineur après une chute de trente centimètres) ne présentent pas un degré particulier de gravité, ne se sont heureusement pas produites à une fréquence singulièrement élevée et ne sont pas inhabituelles chez un enfant de moins de dix ans au point de justifier une surveillance constante par un tiers.

Consid. 6.2
Compte tenu de ce qui précède, les conditions d’une impotence de degré moyen au sens de l’art. 37 al. 2 let. b RAI ne sont pas réalisées, mais celles d’une impotence de degré faible au sens de l’art. 37 al. 3 let. a RAI le sont (trois actes ordinaires de la vie, à savoir « manger », « se vêtir/se dévêtir » et « faire sa toilette »). Il convient dès lors de réformer l’arrêt attaqué et la décision administrative litigieuse en ce sens que l’assuré a droit à une allocation pour impotent de degré léger dès le 01.05.2021.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’office AI.

 

Arrêt 9C_236/2024 consultable ici

 

2C_69/2023 & 2C_72/2023 (d) du 15.10.2024 – «Pilule du lendemain» toujours uniquement en pharmacie et sur conseil spécialisé

Arrêt du Tribunal fédéral 2C_69/2023, destinés à la publication, et 2C_72/2023 (d) du 15.10.2024

 

Arrêt 2C_69/2023 consultable ici et arrêt 2C_72/2023 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 13.11.2024 disponible ici

 

«Pilule du lendemain» toujours uniquement en pharmacie et sur conseil spécialisé

 

La «pilule du lendemain» ne pourra, à l’avenir également, être délivrée qu’en pharmacie et suite à un entretien de conseil avec la pharmacienne ou le pharmacien. Le Tribunal fédéral rejette les recours de la titulaire de l’autorisation de mise sur le marché. Cette dernière demandait que ses deux préparations soient classées dans une catégorie de médicaments qui permettrait une remise en droguerie sur conseil spécialisé.

La catégorie de remise (C), dans laquelle étaient classées les deux préparations autorisées en Suisse en tant que «pilule du lendemain» depuis 2002, respectivement 2016, a été supprimée lors de la révision du droit sur les produits thérapeutiques en 2019. Selon cette classification, ces préparations n’étaient certes pas soumises à ordonnance, mais elles ne pouvaient cependant être remises qu’en pharmacie, après un entretien de conseil spécialisé avec une pharmacienne ou un pharmacien. C’était également la condition pour que leur mise sur le marché suisse soit autorisée. À la suite de la révision du droit sur les produits thérapeutiques, Swissmedic a classé ces préparations dans la catégorie des médicaments soumis à ordonnance (B), qui peuvent toutefois continuer à être remis sans ordonnance en pharmacie sur conseil spécialisé. La titulaire de l’autorisation de mise sur le marché, qui demandait une remise en droguerie sur conseil spécialisé (catégorie D), a déposé plusieurs recours auprès du Tribunal administratif fédéral, sans succès.

Le Tribunal fédéral rejette également les recours de l’intéressée. Le conseil d’une personne exerçant une profession médicale (médecin, pharmacienne/pharmacien) reste nécessaire pour protéger l’utilisatrice. L’objectif de cet entretien est d’une part de déterminer si et quelle préparation est appropriée pour l’utilisatrice concernée, car tel n’est pas toujours le cas lors de maladies préexistantes, prédispositions et autres médications, en raison d’interactions médicamenteuses ou contre-indications connues. D’autre part, l’entretien permet d’informer sur les effets indésirables et la manière d’y faire face, afin que la préparation puisse déployer l’effet souhaité – prévenir une grossesse – et non la favoriser, tel que cela peut être le cas lors de la prise simultanée des préparations ou en raison de l’effet réduit d’autres contraceptifs hormonaux. Seul un entretien avec une pharmacienne ou un pharmacien permet d’atteindre l’objectif qui est d’identifier individuellement pour chaque utilisatrice et en connaissance de cause les risques et le caractère approprié du traitement et de lui prodiguer des informations sur les interactions médicamenteuses et les effets indésirables. Grâce à leurs études, les pharmaciennes et pharmaciens disposent des connaissances spécialisées nécessaires en matière de produits thérapeutiques, connaissances qui font défaut aux droguistes. Le Tribunal fédéral confirme la décision de Swissmedic de classer la «pilule du lendemain» dans la catégorie des médicaments en principe soumis à ordonnance, mais pouvant être remis sans ordonnance en pharmacie suite à un entretien de conseil.

 

Arrêt 2C_69/2023 consultable ici et arrêt 2C_72/2023 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 13.11.2024 disponible ici

 

 

9C_290/2024 (d) du 03.10.2024, destiné à la publication – Extinction anticipée du droit à l’allocation de maternité – 16d LAPG

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_290/2024 (d) du 03.10.2024, destiné à la publication

 

Consultable ici

Communiqué de presse du TF du 05.11.2024 disponible ici

 

Extinction anticipée du droit à l’allocation de maternité / 16d LAPG

 

Le Tribunal fédéral rejette le recours d’une conseillère nationale en lien avec l’extinction de son droit à l’allocation de maternité. Il rappelle que l’allocation de maternité ne peut continuer d’être perçue en cas de reprise du travail par la mère pendant la période de 14 semaines de droit à l’allocation que s’il s’agit d’une activité accessoire marginale avec un salaire maximal annuel de 2’300 francs. Tel n’est pas le cas en l’espèce.

Conformément à la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain (LAPG), les femmes ont droit à l’allocation de maternité pendant 14 semaines après la naissance d’un enfant. Ce droit s’éteint de manière anticipée si la mère reprend une activité lucrative (article 16d LAPG). En 2022, le Tribunal fédéral a jugé (ATF 148 V 253, communiqué de presse du 04.04.2022), sur recours d’une conseillère nationale, que le mandat de conseillère nationale est également considéré comme une activité lucrative au sens de cet article. Par la suite, la LAPG a été complétée en ce sens que le droit à l’allocation de maternité ne s’éteint pas de manière anticipée si la mère participe, en tant que députée, à des séances d’un parlement ou d’une commission parlementaire au niveau fédéral, cantonal ou communal pour lesquelles une suppléance n’est pas prévue. Avant même l’entrée en vigueur de cette disposition au 1er juillet 2024, la conseillère nationale a pris part à des séances parlementaires pendant qu’elle percevait une nouvelle allocation de maternité. La caisse de compensation l’a par conséquent astreinte au remboursement des indemnités journalières versées au titre de l’allocation de maternité reçues depuis lors. Le Tribunal administratif du canton de Berne a rejeté le recours de l’intéressée.

Le Tribunal fédéral rejette également le recours de la conseillère nationale. Cette dernière demandait implicitement que le droit à l’allocation de maternité ne s’éteigne que si l’activité lucrative de la mère lui procure un revenu supérieur à 2’300 francs durant la période d’allocation de 14 semaines. Selon le Tribunal fédéral, cette conception est en contradiction avec les dispositions légales claires. Il n’y a pas de raisons valables de s’en écarter. On ne saurait non plus déduire autre chose de l’ATF 139 V 250 de 2013. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral était arrivé à la conclusion qu’il n’y avait pas d’activité lucrative au sens de l’article 16 LAPG lorsque celle-ci ne procure qu’un salaire de minime importance (actuellement 2’300 francs par année) ; il fallait dans ce cas considérer qu’il s’agit d’une activité lucrative marginale qui n’entraîne pas l’extinction anticipée du droit à l’allocation de maternité. Cela n’a toutefois pas défini une sorte de «franchise» pour toute activité lucrative exercée durant la perception de l’allocation. Dans le cas concret, il est établi qu’un mandat de conseillère nationale ne constitue pas une activité accessoire marginale compte tenu du revenu annuel ainsi obtenu.

 

Arrêt 9C_290/2024 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 05.11.2024 disponible ici

 

9C_340/2024 (d) du 04.10.2024 – Assurance-maladie : premier point de contact en cas de «doctor shopping» / Traitements psychiatriques efficaces, appropriées et économiques («critères EAE»)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_340/2024 (d) du 04.10.2024, destiné à la publication

 

Consultable ici

Communiqué de presse du TF du 11.11.2024 disponible ici

 

Assurance-maladie : premier point de contact en cas de «doctor shopping»

Traitements psychiatriques efficaces, appropriées et économiques («critères EAE»)

 

Les caisses maladie ont le droit d’instaurer un premier point de contact («gatekeeper») dans le cadre de l’assurance obligatoire des soins (AOS) lorsque la personne assurée a recours à des prestations médicales non coordonnées qui, sur la base d’évaluations faites par des experts, se révèlent dans l’ensemble comme étant un traitement inefficace, inapproprié et par conséquent non économique. Instaurer un «gatekeeper» est dans ce cas compatible avec le principe du libre choix du médecin et le système des prestations obligatoires.

Une assurée a eu recours, principalement dans le domaine psychiatrique, à différentes prestations médicales non coordonnées entre elles (pratique dite du «doctor shopping»). Elle avait souscrit auprès de sa caisse-maladie le modèle d’assurance standard, avec libre choix entre les fournisseurs de prestations admis. En 2023, la caisse-maladie, se fondant sur une expertise psychiatrique de l’assurée, a rendu une décision relative à la prise en charge future des coûts dans le cadre de l’AOS. En 2023 également, le Tribunal des assurances argovien a décidé que la caisse-maladie ne devra prendre en charge plus que les coûts des prestations fournies par un premier point de contact autorisé (gatekeeper) ou par un prestataire tiers vers lequel celui-ci aura orienté l’intéressée, sauf cas d’urgence et examens gynécologiques préventifs.

Le Tribunal fédéral rejette le recours déposé par l’assurée contre cette décision. En vertu de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal), l’AOS prend en charge les coûts des prestations médicales, à condition qu’elles soient efficaces, appropriées et économiques («critères EAE»). Les assureurs-maladie sont tenus de vérifier que ces conditions sont remplies. En l’espèce, la caisse-maladie est arrivée à la conclusion, confirmée par l’instance précédente qui se fondait sur ladite expertise, que la recourante a bénéficié de prestations médicales jusqu’alors non coordonnées, ce qui constituait une méthode de traitement inefficace et inappropriée, rendant nécessaire un plan de traitement par une institution médicale coordinatrice faisant fonction de gatekeeper. Cette approche est compatible avec le principe du libre choix du médecin et le système des prestations obligatoires. En matière de prestations médicales obligatoires, il existe certes une présomption légale selon laquelle celles-ci remplissent les conditions de prise en charge des coûts par l’AOS. Cette présomption peut toutefois être renversée par l’assureur-maladie. Le libre choix du médecin est également soumis aux critères EAE. Le fait qu’il ne s’agisse pas dans le cas d’espèce d’une mesure thérapeutique isolée, mais d’une approche globale coordonnée par le biais du gatekeeping n’y change rien. Enfin, la décision litigieuse ne constitue pas non plus une atteinte illicite aux droits fondamentaux de la recourante. Il convient par ailleurs de souligner que la démarche de la caisse-maladie peut s’avérer dans l’intérêt de l’assurée elle-même, qui est ainsi protégée contre les traitements ou interventions objectivement inutiles d’un point de vue médical.

 

Arrêt 9C_340/2024 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 11.11.2024 disponible ici

 

9F_11/2024 (f) du 16.09.2024 – Demande de révision d’un arrêt du Tribunal fédéral / Nouvelle expertise – Appréciation différente insuffisante comme motif de révision

Arrêt du Tribunal fédéral 9F_11/2024 (f) du 16.09.2024

 

Consultable ici

 

Demande de révision d’un arrêt du Tribunal fédéral / 123 LTF – 124 LTF

Nouvelle expertise – Appréciation différente insuffisante comme motif de révision

 

Par décision du 12.04.2018, l’office AI a reconnu le droit de l’assuré à une rente entière d’invalidité du 01.12.2016 au 30.06.2017. Saisi d’un recours du prénommé contre cette décision, le tribunal cantonal l’a rejeté. Statuant le 14.05.2019 sur le recours formé par l’assuré contre cet arrêt, le Tribunal fédéral l’a rejeté (arrêt 9C_146/2019).

Le 29.05.2024, l’assuré a présenté une demande de révision de l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_146/2019 du 14.05.2019 fondée sur l’art. 123 al. 2 let. a LTF. Sur le rescindant, il requiert l’annulation de cet arrêt (ainsi que celles de l’arrêt cantonal et de la décision administrative). Sur le rescisoire, il conclut principalement à l’octroi de trois quarts de rente d’invalidité à compter du 01.12.2016 et subsidiairement au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour complément d’instruction et nouvelle décision « tenant compte des faits pertinents découverts après coup invoqués à l’appui de la présente demande de révision ».

 

TF

Consid. 1
Le Tribunal fédéral n’ayant pas le droit de procéder à une reformatio in pejus (cf. art. 107 al. 1 LTF), il n’y a pas lieu de revenir sur le droit du requérant à une rente entière d’invalidité du 01.12.2016 au 30.06.2017. Sa conclusion principale tendant à l’octroi de trois quarts de rente d’invalidité à compter du 01.12.2016 doit dès lors être interprétée en ce sens qu’il requiert la reconnaissance du droit à trois quarts de rente à partir du 01.07.2017.

Consid. 2
En vertu de l’art. 123 al. 2 let. a LTF, la révision peut être demandée dans les affaires civiles et les affaires de droit public, si le requérant découvre après coup des faits pertinents ou des moyens de preuve concluants qu’il n’avait pas pu invoquer dans la procédure précédente, à l’exclusion des faits ou moyens de preuve postérieurs à l’arrêt.

Selon la jurisprudence, ne peuvent justifier une révision que les faits qui se sont produits jusqu’au moment où, dans la procédure principale, des allégations de faits étaient encore recevables, mais qui n’étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence; en outre, ces faits doivent être pertinents, c’est-à-dire qu’ils doivent être de nature à modifier l’état de fait qui est à la base de l’arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d’une appréciation juridique correcte (ATF 134 III 669 consid. 2.2 et les références). Les preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit les faits nouveaux importants qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n’avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Si les nouveaux moyens sont destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le requérant doit aussi démontrer qu’il ne pouvait pas les invoquer dans la précédente procédure. Une preuve est considérée comme concluante lorsqu’il faut admettre qu’elle aurait conduit le juge à statuer autrement s’il en avait eu connaissance dans la procédure principale. Ce qui est décisif, c’est que le moyen de preuve ne serve pas à l’appréciation des faits seulement, mais à l’établissement de ces derniers. Ainsi, il ne suffit pas qu’une nouvelle expertise donne une appréciation différente des faits; il faut bien plutôt des éléments de fait nouveaux, dont il résulte que les bases de la décision entreprise comportaient des défauts objectifs. Pour justifier la révision d’une décision, il ne suffit pas que l’expert tire ultérieurement, des faits connus au moment du jugement principal, d’autres conclusions que le tribunal. Il n’y a pas non plus motif à révision du seul fait que le tribunal paraît avoir mal interprété des faits connus déjà lors de la procédure principale. L’appréciation inexacte doit être, bien plutôt, la conséquence de l’ignorance ou de l’absence de preuve de faits essentiels pour le jugement (cf. ATF 127 V 353 consid. 5b et les références; cf. également arrêt 8F_2/2016 du 27 juin 2016 consid. 1).

Consid. 3
Aux termes de l’art. 124 al. 1 let. d LTF, une demande de révision fondée sur l’art. 123 al. 2 let. a LTF doit être déposée devant le Tribunal fédéral dans les 90 jours qui suivent la découverte du motif de révision, mais au plus tôt dès la notification de l’expédition complète de l’arrêt. En l’espèce, le requérant n’a eu connaissance du motif de révision invoqué qu’à réception du projet de décision daté du 29.02.2024. L’office AI lui indiquait qu’il entendait rejeter la nouvelle demande de prestations qu’il avait présentée en avril 2020, en l’informant qu’il ressortait de l’expertise rhumatologique diligentée auprès de la Dre B.__, spécialiste en médecine physique et réadaptation et en rhumatologie (rapport du 15.12.2023 et complément du 07.02.2024), qu’il existait potentiellement des faits nouveaux en relation avec la demande de prestations qu’il avait déposée en mai 2016. Agissant par acte du 29.05.2024, l’assuré a donc respecté le délai légal de 90 jours.

Consid. 4.1
À l’appui de sa demande de révision, le requérant invoque l’existence d’un moyen de preuve nouveau, à savoir le rapport d’expertise de la Dre B.__. Il expose que le médecin y a indiqué qu’un examen supplémentaire de scintigraphie osseuse SPECT-CT avait été effectué le 24.10.2023 et qu’il avait mis en évidence qu’il présentait une instabilité L5-S1 et une pseudarthrose de la cage depuis l’intervention de spondylodèse dorsale L5-S5 et fusion intercorporelle avec cage (TLIF) qu’il avait subie le 09.06.2016, dont le Dr C.__, spécialiste en médecine interne générale et en rhumatologie et médecin au SMR, n’avait pas eu connaissance lors de l’examen clinique rhumatologique qu’il avait réalisé le 06.09.2017. En se référant à l’avis de la Dre B.__, qui a été confirmé par le Dr D.__, médecin au SMR (rapport du 12.02.2024), le requérant affirme que ce nouveau diagnostic justifie de retenir une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée, avec une diminution de rendement de 10% depuis juin 2016, en lieu et place de la capacité de travail de 75% retenue à l’époque par le Dr C.__ depuis le 10.03.2017, tant dans l’activité habituelle de polisseur que dans une activité adaptée. Le requérant soutient que les faits mis en évidence par la Dre B.__ sont des faits nouveaux pertinents, de nature à modifier l’état de fait sur lequel il y a lieu de se fonder afin d’évaluer son taux d’invalidité. Il en déduit que si le Tribunal fédéral avait disposé d’un « état de fait complet » au moment de rendre l’arrêt 9C_146/2019 du 14.05.2019, le droit à « trois quarts de rente » lui eût été reconnu, avec pour conséquence qu’il eût admis le recours qu’il avait déposé contre l’arrêt du 21.01.2019.

Consid. 4.2 [résumé]
L’argumentation du requérant est mal fondée. Quoi qu’il en dise, le rapport d’expertise de la Dre B.__ et son complément ne sont pas un motif de révision de l’arrêt 9C_146/2019 du 14.05.2019, conformément à la jurisprudence précédemment rappelée (consid. 2 supra). En effet, selon celle-ci, il ne suffit pas, pour justifier la révision d’une décision, que l’expert tire ultérieurement, des faits connus au moment du jugement principal, d’autres conclusions que le tribunal. Autrement dit, la seule éventualité que les troubles de la personne assurée – connus et dont les conséquences ont été soigneusement examinées – soient qualifiés différemment ne constitue pas un fait pertinent au sens de la jurisprudence (cf. arrêt 9F_5/2014 du 8 mai 2014).

En l’espèce, l’état de santé de l’assuré était connu au moment où le Tribunal fédéral avait rendu l’arrêt 9C_146/2019 du 14.05.2019 et les conséquences de ses atteintes à la santé avaient été examinées. Un examen rhumatologique réalisé par le Dr C.__ avait diagnostiqué des lombosciatalgies chroniques et des discopathies, concluant à une capacité de travail totale avec une diminution de rendement de 25%. L’assuré avait également produit des rapports de ses médecins traitants mentionnant un « failed back surgery syndrome » et une incapacité totale de travail. Dans l’arrêt initial, le Tribunal avait noté que le Dr C.__ avait relativisé ce diagnostic, ses conclusions étant corroborées par celles du Dr E.__, neurologue.

Le rapport d’expertise de la Dre B.__, présenté comme motif de révision, ne concernait que l’appréciation des faits déjà établis et non l’établissement de nouveaux faits déterminants. Par conséquent, ce rapport ne constitue pas un motif de révision au sens de l’art. 123 al. 2 let. a LTF. La demande de révision est par conséquent mal fondée.

 

Le TF rejette la demande de révision de l’assuré.

 

Arrêt 9F_11/2024 consultable ici

 

9C_100/2024 (f) du 12.08.2024 – Nouvelle demande AI après un précédent refus / Pas de révision procédurale ni de reconsidération

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_100/2024 (f) du 12.08.2024

 

Consultable ici

 

Nouvelle demande AI après un précédent refus / 17 LPGA – 87 al. 2 et 3 RAI

Pas de révision procédurale ni de reconsidération / 53 al. 1 LPGA – 53 al. 2 LPGA

 

Assuré, né en 1982, a bénéficié d’une demi-rente de l’assurance-invalidité du 01.09.2016 au 30.11.2017 (décision du 21.05.mai 2019, confirmée par arrêt du tribunal cantonal du 19.06.2020). L’administration a ensuite rejeté une nouvelle demande de prestations présentée par le prénommé en relation avec une aggravation de son état de santé qu’il avait annoncée en novembre 2021 (décision du 19.07.2022). Saisi d’une nouvelle demande de l’assuré en novembre 2022, l’office AI a refusé d’entrer en matière sur celle-ci (décision du 20.02.2023).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 08.01.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Le litige porte sur le droit de l’assuré à une rente de l’assurance-invalidité, dans le cadre de la nouvelle demande de prestations qu’il a déposée en novembre 2022, en relation avec une aggravation de son état de santé (cf. art. 17 al. 1 LPGA, applicable par analogie, en lien avec l’art. 87 al. 2 et 3 RAI; voir aussi ATF 147 V 167 consid. 4.1; 133 V 108 consid. 5 et les arrêts cités). Il s’agit de trancher le point de savoir si la juridiction cantonale était en droit de confirmer le refus de l’office AI d’entrer en matière sur cette demande, au motif que l’intéressé n’avait pas rendu plausible une modification de son état de santé susceptible d’influencer ses droits depuis la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente (soit la décision du 19.07.2022).

Consid. 3.3
On rappellera qu’en vertu de l’art. 87 al. 2 et 3 RAI, lorsque la rente a été refusée parce que le taux d’invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l’assuré rend plausible que son invalidité s’est modifiée de manière à influencer ses droits. Cette exigence doit permettre à l’administration qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations entrée en force d’écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l’assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans alléguer une modification des faits déterminants (ATF 133 V 108 consid. 5.2 et 5.3; 130 V 64 consid. 5.2.3; 117 V 198 consid. 4b et les références). Lorsqu’elle est saisie d’une nouvelle demande, l’administration doit commencer par examiner si les allégations de l’assuré sont, d’une manière générale, plausibles. Si tel n’est pas le cas, l’affaire est liquidée d’entrée de cause et sans autres investigations par un refus d’entrer en matière (ATF 117 V 198 consid. 3a).

Consid. 5.1
À l’appui de son recours, l’assuré se prévaut d’une violation du droit suisse, en particulier des art. 17 et 53 al. 1 et 2 LPGA, ainsi que de l’art. 87 al. 2 et 3 RAI. D’une part, il reproche à la juridiction cantonale d’avoir considéré qu’il n’avait pas rendu plausible une aggravation de son état de santé. D’autre part, l’assuré invoque l’existence d’un motif de révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA), en affirmant aussi que les conditions d’une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) sont remplies.

Consid. 5.2 [résumé]
L’assuré invoque une violation de l’art. 17 LPGA, soutenant que le rapport de son médecin traitant, spécialiste en médecine physique et réhabilitation, indiquerait une aggravation de son état de santé, avec une incapacité totale de travailler dans toute activité. Cet argument est mal fondé, car le même médecin avait déjà attesté d’une capacité de travail nulle dans ses rapports précédents de février et avril 2022, où il avait mentionné que la situation physique de l’assuré était « très limitante » et ne permettait pas d’envisager une activité adaptée à ses handicaps. De plus, l’assuré ne conteste pas que le dernier rapport du médecin ne signale aucune nouvelle atteinte à la santé. L’appréciation de l’instance cantonale n’apparaît donc ni arbitraire ni contraire au droit. Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter de son appréciation. Le recours est mal fondé sur ce point.

Consid. 5.3.1
En ce qu’il allègue que le rapport de son médecin traitant du 24.10.2022 constitue un moyen de preuve nouveau propre à apporter la preuve de son incapacité totale de travailler, l’assuré méconnaît les conditions de la révision procédurale selon l’art. 53 al. 1 LPGA (sur ces conditions, cf. arrêt 9C_64/2023 du 6 décembre 2023 consid. 2.2 et les références). En effet, la révision procédurale permet de corriger une constatation inexacte des faits (inexactitude initiale sur les faits). Or dans la mesure où l’assuré se prévaut d’un rapport médical qui porte sur des faits survenus postérieurement à la décision du 19.07.2022, il ne fait pas état de faits nouveaux importants au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA, c’est-à-dire de faits de nature à modifier l’état de fait qui est à la base de la décision (du 19.07.2022) et à conduire à un jugement différent en fonction d’une appréciation juridique correcte. Dans son rapport du 24.10.2022, le médecin traitant a en effet indiqué que son patient est « [a]ctuellement » incapable de travailler à 100%.

Consid. 5.3.2
Sous l’angle ensuite de la reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA), l’assuré soutient que la décision du 19.07.2022 serait manifestement erronée, « en particulier s’agissant de l’évaluation incorrecte de [son] invalidité ». Il reproche à la juridiction cantonale de n’avoir pas examiné si les conditions de l’art. 53 al. 2 LPGA étaient réalisées. Ce faisant, l’assuré omet qu’avec sa décision du 20.02.2023, l’office AI s’est prononcé uniquement sur la non-entrée en matière sur la nouvelle demande de prestations, sans examiner l’éventualité d’une reconsidération de sa décision précédente du 19.07.2022. Or, de jurisprudence constante, l’administration n’est pas tenue de reconsidérer ses décisions: l’art. 53 al. 2 LPGA lui en donne simplement la faculté et ni l’assuré ni le juge ne peuvent l’y contraindre (ATF 133 V 50 consid. 4.1; 119 V 475 consid. 1b/cc; arrêt 9C_229/2024 du 27 juin 2024 consid. 5). À défaut d’une décision de reconsidération de l’office AI, les juges cantonaux n’avaient pas à examiner la contestation sous cet angle, étant précisé que l’éventualité d’un raisonnement par substitution de motifs n’entrait pas en ligne de compte en l’occurrence, étant donné la décision administrative litigieuse de non-entrée en matière (sur les conditions d’une substitution de motifs dans ce contexte, arrêt 8C_634/2017 du 20 février 2018 consid. 5.4 et les références). Le grief de l’assuré tiré de la violation de l’art. 53 al. 2 LPGA est également mal fondé.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_100/2024 consultable ici

 

8C_415/2023 (d) du 03.10.2024, destiné à la publication – Indemnité pour atteinte à l’intégrité – Amputation des deux jambes / Addition des deux taux de 50% – IPAI 100%

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_415/2023 (d) du 03.10.2024, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Indemnité pour atteinte à l’intégrité – Amputation des deux jambes / 24 LAA – 25 LAA – 36 OLAA

Addition des deux taux de 50% – IPAI 100%

 

Assuré, né en 1999, travaillait dans un restaurant de sandwichs entre la fin de ses études gymnasiales et de son service militaire et le début prévu de ses études de physique. Le 08.02.2020, il a chuté du quai sous un train. En raison de l’amputation des deux membres inférieurs, l’assurance-accidents lui a accordé, par décision du 16.05.2022 confirmée sur opposition le 18.10.2022, une IPAI de 80% (CHF 118’560).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 14.04.2023, admission du recours par le tribunal cantonal, portant l’IPAI à 100% (CHF 148’200).

 

TF

Consid. 3
Le tribunal cantonal a correctement exposé les dispositions et principes concernant le droit à l’indemnité pour atteinte à l’intégrité selon l’art. 24 al. 1 et 25 al. 1 LAA ainsi que l’annexe 3 de l’OLAA (en lien avec l’art. 25 al. 2 LAA). Il faut pour cela une atteinte importante et durable à l’intégrité physique ou mentale au sens d’un déficit anatomique, fonctionnel, mental ou psychique (ATF 115 V 147 consid. 1; 113 V 218 consid. 4b) avec une altération des fonctions vitales et de la qualité de vie (ATF 117 V 71 consid. 3a/bb/aaa). La gravité de l’atteinte à l’intégrité est évaluée en fonction des constatations médicales. À constat médical égal, l’atteinte à l’intégrité est la même pour tous les assurés ; elle est évaluée de manière abstraite et égalitaire dans l’assurance-accidents, sans tenir compte des circonstances particulières du cas d’espèce. Il ne s’agit pas non plus d’estimer le préjudice subi, mais de déterminer de manière médico-théorique l’atteinte à l’intégrité physique ou mentale, en faisant abstraction des facteurs subjectifs (ATF 133 V 224 consid. 5.1; 115 V 147 consid. 1 et les références; arrêt 8C_812/2010 du 2 mai 2011 consid. 6.2). Il est sans importance que l’atteinte puisse être plus ou moins complètement compensée grâce à un moyen auxiliaire, avec pour conséquence qu’elle n’a plus d’effet négatif dans la vie quotidienne ou seulement dans une moindre mesure. L’évaluation de l’atteinte à l’intégrité en cas de perte de fonction ou d’incapacité d’utilisation d’un organe doit donc se faire selon l’état non corrigé, même en cas d’utilisation de prothèses (ATF 115 V 147 consid. 3a; RAMA 2001 n° U 445 p. 555, U 40/01 consid. 4; RAMA 2003 n° U 496 p. 403, U 313/02 consid. 3 et 4; arrêt 8C_746/2022 du 18 octobre 2023 consid. 4.3).

Le jugement attaqué expose également de manière correcte les principes relatifs à la fixation de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité en cas de concours de plusieurs atteintes physiques, mentales ou psychiques résultant d’un ou plusieurs accidents (art. 36 al. 3 OLAA). Il convient de souligner que l’atteinte à l’intégrité doit être déterminée individuellement pour chaque perte. Si un ou plusieurs événements assurés entraînent différentes atteintes à l’intégrité, les pourcentages correspondant aux différentes atteintes doivent être additionnés, pour autant que les atteintes soient médicalement clairement établies et que leurs effets puissent être clairement distingués les uns des autres (ATF 116 V 156 consid. 3, en particulier 3b; SVR 2008 UV n° 10 p. 32, U 109/06 consid. 6; RAMA 1988 n° U 48 p. 230 consid. 2b; arrêts 8C_38/2024 du 28 juin 2024 consid. 2.3.2; 8C_300/2020 du 2 décembre 2020 consid. 4.3; 8C_19/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.4; 8C_826/2012 du 28 mai 2013 consid. 3.2; U 363/02 du 5 avril 2004 consid. 5). Si cette condition n’est pas remplie, il convient, conformément à la pratique, de vérifier le résultat par rapport à des dommages comparables selon le barème ou de procéder à une comparaison avec une atteinte plus importante répertoriée dans le barème. Cela a été le cas par exemple en cas d’intolérance persistante à la charge d’une jambe avec limitation des mouvements du genou et de la cheville ainsi que d’arthroses, ou en cas de tableau clinique avec vertiges, acouphènes et troubles de l’équilibre ainsi qu’un trouble psychique, chaque fois après des accidents de la circulation (voir en particulier les arrêts 8C_38/2024 du 28 juin 2024 consid. 4; 8C_826/2012 du 28 mai 2013 consid. 3.4; arrêt non publié U 100/98 du 30 novembre 1998 consid. 3b et 3c; en outre, arrêt U 179/94 du 16 août 1995 partiellement publié dans SJZ 1996 p. 127; arrêts non publiés U 314/98 du 5 juillet 1999 consid. 1; U 235/96 consid. 5b avec référence à RAMA 1989 n° U 78 p. 357 consid. 3f). L’atteinte à l’intégrité ne peut toutefois pas dépasser 100% au total (art. 36 al. 3 OLAA; ATF 116 V 156 consid. 3b; arrêt 8C_812/2010 du 2 mai 2011 consid. 4-6).

Il convient d’ajouter que le Tribunal fédéral n’est pas autorisé à contrôler la manière dont l’instance précédente a évalué l’atteinte à l’intégrité. Il ne peut intervenir qu’en cas d’exercice erroné du pouvoir d’appréciation (art. 24 al. 1 LAA; art. 95 let. a LTF; arrêts 8C_760/2023 du 24 juin 2024 consid. 3.3; 8C_193/2013 du 4 juin 2013 consid. 4.1).

Consid. 4.1
Selon l’instance cantonale, il y a bilatéralement une perte de la jambe au-dessus du genou au sens de la réglementation explicite de l’annexe 3 de l’OLAA. Cette lésion, considérée isolément, doit être indemnisée à 50%. Selon le tribunal cantonal, les deux indemnités pour atteinte à l’intégrité doivent être additionnées.

Consid. 4.2
L’assurance-accidents – recourante – fait valoir qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 100% au total ne se justifie pas au vu de la comparaison avec la perte d’intégrité en cas de tétraplégie fixée à 100% selon l’annexe 3 de l’OLAA et en particulier aussi compte tenu de la distinction qui y est faite par rapport à la paraplégie, indemnisée à 90%.

Consid. 5.1
Il est incontestable que les deux jambes présentent une perte au-dessus du genou. Il s’agit là d’atteintes médicalement évidentes. Ainsi, conformément à la pratique, la condition est remplie pour une addition des atteintes à l’intégrité expressément prévues dans l’ordonnance à raison de 50% chacune. Le fait que l’instance cantonale ait accordé à l’assuré une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 100% n’est donc pas critiquable.

Consid. 5.2
Même une appréciation du résultat correspondant d’une indemnité de 100% au regard d’autres atteintes éventuellement comparables recensés dans le barème ne pourrait rien y changer.

Selon la liste de l’annexe 3 de l’OLAA, un groupe d’atteintes très graves à l’intégrité est évalué entre 80 et 100%. C’est le cas de la tétraplégie ainsi que de la cécité totale (100%), de la paraplégie (90%), de la surdité totale (85%) et de l’atteinte très grave à la fonction pulmonaire ou rénale, du très grave trouble organique de la parole langage et du très grave syndrome moteur ou psycho-organique (80% chacun). Au sein de ce groupe d’atteintes très graves, il n’y a donc qu’une légère gradation de 20% au total. Viennent ensuite, avec un grand écart, évaluées chacune à 50%, la perte d’un bras au niveau du coude ou en dessus, la perte d’une jambe au-dessus du genou, la très grave défiguration et l’atteinte très grave et douloureuse au fonctionnement de la colonne vertébrale. Enfin, une multitude d’autres atteintes sont estimées jusqu’à 40%. L’assurance-accidents ne conteste pas qu’il faille classer la perte des deux jambes au-dessus du genou parmi les lésions les plus graves régies par l’annexe 3 de l’OLAA, puisqu’elle a elle-même accordé une indemnité de 80%. Il serait difficile de justifier pourquoi la perte des deux jambes entraînerait une perte d’intégrité moins importante qu’une tétraplégie, d’autant plus qu’un déficit anatomique s’ajoute ici au déficit fonctionnel.

De plus, il faut tenir compte du fait que le Tribunal fédéral n’intervient que dans le cas d’un exercice erroné du pouvoir d’appréciation. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_415/2023 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_415/2023 (d) du 03.10.2024, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2024/11/8c_415-2023)